Numéro 40 - 13 juin 2020
Des sujets de graves préoccupations pour le
corps politique
Le gouvernement donne un pouvoir
consultatif et décisionnel clé
à un supercartel
• BlackRock,
le supercartel
- Peter Ewart -
• BlackRock et la filière
canadienne
• Un
rapport sur la gestion d'actifs et la stabilité
financière aux États-Unis
Contestation
constitutionnelle de la nation crie de Beaver Lake
• La
définition de réconciliation du gouvernement
Trudeau
- Peggy Morton -
• La
nation crie de Beaver Lake persiste à défendre
ses droits
inhérents et issus des traités
• L'Alberta
et le Canada nient la pauvreté monétaire de la
nation crie dans leur plus récent appel sur
l'attribution de frais de justice
- Crystal Lameman -
La politique d'apaisement du
Canada
face à l'impérialisme américain
• Le
Canada au dernier tournant dans sa campagne pour
un siège au Conseil de sécurité de l'ONU
- Tony Seed -
États-Unis: la résistance s'organise
• Pour
la justice et la fin des attaques racistes
organisées par l'État et du recours à l'armée
contre le peuple
Dangereux développements sur
la péninsule coréenne
• La
RPDC tire les conclusions face au bellicisme
incessant des États-Unis
• Détérioration
des relations intercoréennes
• Réunion
virtuelle sur les développements actuels
dans la péninsule coréenne
Mise à jour sur la COVID-19
• Le
président des États-Unis répond par de nouvelles
provocations
à une situation déjà désespérée
- Pierre Chénier -
• Appel
conjoint d'agences de l'ONU à éliminer la
stigmatisation
et la discrimination des travailleurs migrants
et de leurs enfants
pendant une pandémie
• Le
traitement inhumain des migrants par les
États-Unis
met en péril les peuples des Amériques
Supplément
États-Unis: la résistance s'organise
• Déclarations
d'organisations américaines et reportage photo
Le gouvernement donne un pouvoir
consultatif et
décisionnel clé à un supercartel
- Peter Ewart -
La pandémie mondiale actuelle entraîne une crise
financière profonde. La réponse à cette crise est
un sujet qui préoccupe les travailleurs du monde
entier. Dans beaucoup de pays comme le Canada, la
situation est davantage compliquée du fait que ce
n'est pas eux qui décident de la direction de
l'économie car elle est contrôlée par une
oligarchie financière et des gouvernements à leur
service.
Une crise financière n'est en soi rien de
nouveau ; les crises sont inhérentes au
système capitaliste dans lequel opère l'oligarchie
financière. Celle-ci va de crise en crise, alors
pour se maintenir elle crée des instruments et des
formes d'organisation qui mutent et changent,
comme des créatures sorties du Lac noir[1]. Par exemple,
les crises et la corruption de la fin du XIXe
siècle ont engendré la fusion du capital bancaire
et du capital industriel et les trusts et les
monopoles géants des barons voleurs. Et d'une
cabale de grands banquiers américains réunis
en 1910 sur l'île Jekyll est née la Réserve
fédérale. Dans les années 1990, la
déréglementation financière du secteur bancaire et
le rapiècement, à la Frankenstein, des banques
d'investissement et des banques commerciales ont
contribué à la crise des prêts hypothécaires à
risque et à la Grande Récession de 2008. Et
plus récemment, il y a eu la déclaration «
rassurante » de la Business Roundtable
américaine que les grandes entreprises sont
responsables envers toutes les parties,
contrairement à la configuration précédente de
Milton Friedman dans laquelles elles n'avaient de
comptes à rendre qu'aux actionnaires.
Dans le tumulte de ces crises et mutations, il
arrive souvent qu'une institution financière
particulière réussisse à se hisser au sommet. Au
début du XXe siècle, c'était la gigantesque banque
J.P. Morgan[2].
En 2008, c'était Goldman Sachs, connue pour
avoir floué ses propres clients. En 2020,
c'est BlackRock, gestionnaire d'actifs, un système
bancaire parallèle et supercartel, qui a accédé à
un pouvoir et à une autorité sans précédent dans
la distribution des billions de dollars publics en
fonds de sauvetage du Trésor américain, et qui a
été nommé conseiller principal de la Banque du
Canada pour le programme de sauvetage du
gouvernement canadien.
Fondé en 1988 par le financier Larry Fink et
d'autres, BlackRock a grandi de façon
exponentielle depuis, ses actifs sous gestion
oscillant à près de 7,4 billions de dollars,
avec un autre 20 billions de dollars par le
biais d'Aladdin, sa plateforme logicielle de
gestion des risques financiers. Il a des bureaux
dans 30 pays, des clients dans 200
autres et est, de loin, le plus important
gestionnaire d'actifs et le plus grand système
bancaire parallèle au monde, avec une gestion
d'actifs supérieurs au PIB de n'importe quel pays.
BlackRock est le plus grand investisseur privé
dans la fabrication d'armes au monde, possède plus
de réserves de pétrole, de gaz et de charbon
thermique que quiconque et est le plus grand
fournisseur de fonds cotés en bourse.
Dès 2017, il était le principal actionnaire
dans la plupart des 300 plus importantes
sociétés en Amérique du Nord et en Europe et
copropriétaire de 17 309 compagnies et
banques partout dans le monde[3].
La crise financière de 2008 a été en fait
une immense aubaine pour le cartel BlackRock
lorsque le gouvernement américain a conclu avec
lui un contrat de gestion du sauvetage massif des
banques et autres institutions financières en
difficulté qui s'étaient livrées à la vente de
titres toxiques. Paradoxalement, BlackRock
lui-même avait joué un rôle important en préparant
le terrain pour cette même crise en préconisant la
déréglementation du secteur banquier dans les
années 1990, ainsi qu'en promouvant le marché
des titres toxiques. Et tandis que BlackRock
gonflait comme une version moderne du dirigeable
Hindenburg, les revenus des travailleurs, des
petites entreprises et d'autres sections du peuple
aux États-Unis et au Canada stagnaient ou
fondaient.
C'est un signe des temps lorsque la plupart des
grandes banques et institutions financières aux
États-Unis et ailleurs se mettent à réclamer le
statut d'« institutions financières d'importance
systémique » (IFSI) pour pouvoir bénéficier
des sauvetages en dollars publics du Trésor
américain et des autres banques centrales.
Cependant, BlackRock est une exception. Il a
plutôt fortement résisté à l'appellation d'IFSI.
Et la raison en dit long sur cette entreprise.
Devenir IFSI aurait obligé BlackRock à se
soumettre à une autorité gouvernementale
réglementaire telle que la Loi Dodd-Frank sur
les banques de 2010,
adoptée pour réglementer un tant soit peu les
institutions financières en dérapage qui avaient
précipité la crise de 2008. Pour BlackRock,
le plus important système bancaire parallèle au
monde, la moindre réglementation de ses activités,
aussi insignifiante soit-elle, est trop.
Ainsi, tandis qu'un grand nombre d'institutions
financières se voient imposer certaines
restrictions par réglementation gouvernementale,
BlackRock et d'autres pirates dits « gestionnaires
d'actifs » voguent allègrement dans les eaux
troubles d'un monde financier non réglementé.
L'instabilité inhérente au système bancaire
parallèle est cependant encore plus grande que
dans le secteur bancaire traditionnel. Sans les
entraves de la réglementation, les systèmes
bancaires parallèles s'engagent souvent dans des
aventures à plus haut risque sans être appuyés par
des réserves, ce qui mène à des niveaux dangereux
de leviers, d'écarts et de dettes financiers[4]. Comme des
bombes à retardement, ces entités parallèles se
tapissent dans les profondeurs du système
financier en attendant d'exploser, enrichissant
les financiers tout en déstabilisant des économies
entières et en semant la destruction dans la vie
de millions de gens, comme cela s'est produit lors
de la Grande Récession de 2008 et dans
d'autres crises.
Lorsque ces crises
se manifestent, BlackRock et l'oligarchie
financière dans son ensemble préconisent d'arroser
les grosses banques et sociétés de billions de
dollars en fonds publics, soit directement ou
indirectement, détournant ainsi des fonds de la
santé, de l'éducation, des services sociaux et
d'autres secteurs de l'infrastructure physique et
sociale. Responsables de ces « lances
d'incendie », comme de raison, sont les
institutions financières privées et, à leur tête,
est BlackRock.
La puissance et l'autorité de BlackRock ne
reposent pas uniquement sur sa taille, elles
reposent aussi sur le fait qu'il constitue, comme
l'a dit un analyste, une « quatrième branche de
gouvernement[5] »
ou, comme certains diraient plutôt, la « première
» branche. Dès le début, un aspect clé de la
stratégie de BlackRock a été de recruter de hauts
fonctionnaires de l'État dans le monde entier sur
une base intermittente. Une année, ceux-ci
travaillent pour le gouvernement et l'année
suivante, voilà qu'ils travaillent pour BlackRock
et ainsi de suite. Par exemple, Jean Boivin est en
ce moment le dirigeant de l'Institut
d'investissement de BlackRock, mais a déjà été
gouverneur adjoint de la Banque du Canada et
sous-ministre délégué des Finances. Aussi, le
personnel qui compose BlackRock a dans ses rangs
plusieurs anciens représentants de la
Maison-Blanche et offre régulièrement ses conseils
à des représentants de haut niveau du gouvernement
et de banques centrales en Amérique du Nord et en
Europe. De cette façon et par une myriade
d'autres, les frontières entre l'État et les
sociétés privées s'estompent et l'État est réduit
à un rôle auxiliaire ou accessoire.
Une autre source importante du pouvoir de
BlackRock est qu'il forme de facto un «
supercartel », même si les instances de
réglementation n'ont pas encore osé le désigner
ainsi[6].
Ces dernières années, les gestionnaires d'actifs
et les systèmes bancaires parallèles comme
BlackRock, Vanguard et State Street sont devenus
des organisations de haut niveau de l'oligarchie
financière supplantant même les énormes banques
d'investissements comme Goldman Sachs. Ensemble,
les « Trois Grands » - BlackRock, Vanguard et
State Street – dominent trois quarts du marché
mondial de plusieurs billions de dollars de fonds
indiciels. Les actifs qu'ils gèrent sont
supérieurs à tous les fonds souverains de la terre
et trois fois plus élevés que l'industrie mondiale
des fonds spéculatifs.
Dans le plus pur style cartel, les Trois Grands
ont une propriété interconnectée. Par exemple,
Vanguard et State Street détiennent des parts
importantes de BlackRock et ensemble, les Trois
Grands sont « le plus grand actionnaire unique de
près de 90 % des entreprises cotées par
l'indice boursier S&P, dont Apple, Microsoft,
ExxonMobil, General Electric et Coca-Cola. »
Selon divers analystes, les Trois Grands
coordonnent leurs votes lors de réunions
d'actionnaires par l'intermédiaire de départements
de gestion d'entreprises centralisés[7].
Pour ce qui est des fusions d'entreprises, les
Trois Grands se trouvent souvent des deux côtés de
la transaction, c'est-à-dire qu'ils investissent à
la fois dans l'acheteur et dans le vendeur, leur
donnant « de l'information bilatérale supérieure
comparativement à ceux qui n'opèrent que d'un côté
de la transaction »[8].
Pour ce qui est des banques, les Trois Grands sont
aussi copropriétaires de plusieurs des mêmes
grandes banques et forment ainsi de gigantesques
cartels financiers. En tant qu'actionnaires
conjoints majeurs, ils dominent même les agences
de notation financière comme S&P et Moody's
qui fixent les cotes de crédit et peuvent avoir un
impact énorme sur la viabilité des entreprises et
des gouvernements[9].
Les cartels comme les Trois Grands forment une
alliance d'oligarques rivaux qui travaillent
ensemble contre des compétiteurs et d'autres
secteurs d'affaires et de l'industrie, tout en
formant un front commun contre leurs propres
travailleurs et employés, et contre la population
en général. Leur objectif est d'obtenir des
profits maximums et de dominer le marché et, pour
ce faire, ils agissent de façon anticompétitive,
monopolistique, en participant entre autres à la
fixation des prix, au truquage d'offres, aux
réductions de la production ainsi que des
salaires. Ainsi, ils vont à l'encontre des
nombreux règlements et normes régissant les
conflits d'intérêts, si bien que de telles normes
n'existent plus dans le monde financier où règne
la loi brutale de la jungle.
Plus récemment,
BlackRock a formé des relations de cartel avec le
gouvernement des États-Unis et la Réserve
fédérale, créant ce qui a toutes les allures d'un
cartel géant de type public-privé qui distribue
des fonds publics à certaines institutions et
entreprises choisies. Les premiers retours
montrent que BlackRock verse la plus grosse somme
d'argent (48 %) aux mêmes fonds cotés en bourse
qu'il gère[10].
Néanmoins, l'organisation financière et la banque
centrale les plus puissantes au monde ne peuvent
surmonter le trou noir de contradictions et de
crises qui sévissent au coeur du système
financier. Elles ne peuvent que les exacerber.
Malgré sa dimension de zeppelin, un gestionnaire
d'actifs comme BlackRock ne crée pas une valeur
nouvelle, mais constitue au contraire une couche
oligarchique supplémentaire siphonnant la valeur
nouvelle déjà créée par les travailleurs et les
forces productives de la société. Son rapport avec
ces forces est, il va sans dire, des plus
parasitaires.
Cependant, étant donné leur taille, BlackRock et
les Trois Grands sont en mesure de déstabiliser
l'économie entière d'un pays par « comportement
grégaire » et autres types d'activités de
cartel comme, par exemple, la vente effrénée de
titres toxiques aux États-Unis par les oligarques
financiers en 2008. Comme tels, ils ne sont
que des entités étrangères, non redevables, qui
sont une menace et un danger permanent pour la
société. Une tâche fondamentale pour les
travailleurs dans les prochaines années sera
d'identifier la lutte pour changer le but et la
direction de l'économie afin qu'elle soit libérée
de l'emprise de l'oligarchie financière et de ses
institutions et placée sous le contrôle d'une
autorité publique responsable devant le peuple.
Une telle économie n'aura pas de place pour des
cartels parasitaires comme la machine à piller de
BlackRock.
Notes
1. Film « L'Étrange
Créature du lac noir » (Creature from the
Black Lagoon), États-Unis, 1954
2. Sammon, Alexander, « The
dawn of the BlackRock era », The American
Prospect. 15 mai 2020
3. Rugemer, Werner, The
Capitalists of the 21st Century,
Tredition, 2019
4. « La finance de
l'ombre », Wikipedia, 2 juin 2020
5. Annie Massa and Caleb
Melby, « In Fink we trust : BlackRock is
now 'Fourth branch' of government »,
Bloomberg, 21 mai 2020
6. Rugemer, op. cit.
7. Heemskerk, Eelke et
Javier Garcia-Bernardo, BlackRock, Vanguard
and State Street own corporate America,
Ponderwall, 2019
8. Annie Massa et David
McLaughlin, « Biggest deals of 2019 had
BlackRock, Vanguard on both sides »,
Bloomberg, 24 janvier 2020
9. Rugemer, op. cit.
10. Christine Idzelis, «
BlackRock rakes in big portion of Fred's ETF
investments », Bloomberg, 1er juin 2020
En mars 2020, la Banque du Canada a annoncé
que BlackRock, le plus grand gestionnaire d'actifs
au monde, allait être nommé conseiller et
consultant clé dans le cadre du programme de
sauvetage des entreprises face à la COVID-19 du
gouvernement libéral fédéral. Ce n'est que la plus
récente étape de l'influence croissante et de
l'entrecroisement profond du supercartel américain
avec l'économie et la politique du Canada qui
remonte à plusieurs années.
Par exemple, BlackRock participe à la Banque
d'infrastructure du gouvernement fédéral. Lors des
élections de 2015, Trudeau avait proposé la
formation d'une Banque fédérale de
l'infrastructure « afin de fournir du financement
à faible taux aux projets de construction de
nouvelles infrastructures » et qui «
utiliserait ses solides cotes de solvabilité et
son pouvoir de prêt pour aider les municipalités à
réduire leurs coûts d'emprunt »[1]. Cependant, en
janvier 2016, le premier ministre Trudeau a
rencontré le PDG de BlackRock, Larry Fink, au
Forum économique mondial de Davos, à un moment où
Fink réclamait aussi des investissements accrus
dans les infrastructures de la part des
gouvernements et des intérêts privés. Par la
suite, Trudeau a de nouveau rencontré Larry Fink
en mars à New York. Plus tard au printemps, le
gouvernement libéral a annoncé la formation d'un
Conseil consultatif en matière de croissance
économique (CCCE) qui, à l'automne 2016, a
appelé à la création d'une Banque de développement
des infrastructures du Canada. Mais à ce
moment-là, le concept initial de la banque de
l'infrastructure qui devait fournir un financement
à faible taux aux projets de construction
d'infrastructures a été remplacé avec le nouvel
objectif de permettre au secteur privé, notamment
BlackRock et ses clients, de mettre en place une
grande partie du financement à un taux plus élevé
pour les municipalités et d'autres organismes[2].
Avant la
réunion de l'automne 2016, les représentants
du gouvernement Trudeau avaient travaillé
étroitement pendant plusieurs mois avec les
dirigeants de BlackRock pour élaborer des
présentations afin d'informer les investisseurs
potentiels sur les investissements dans la Banque
de l'infrastructure. Le personnel de BlackRock a
organisé la rencontre des investisseurs le 14
novembre et, au cours d'un certain nombre de
séances à toutes les deux semaines qui l'ont
précédée, est même allé jusqu'à aider à préparer
la présentation PowerPoint que le ministre fédéral
de l'Infrastructure, Amarjeet Sohi, a présentée
lors de la réunion. Jean Boivin, actuellement
directeur général de BlackRock et auparavant
sous-ministre délégué auprès du gouvernement
fédéral, a également participé à ces séances.
Ce qui attire des intérêts privés comme BlackRock
vers des projets d'infrastructure publique est le
rendement plus élevé de ses investissements, qui
peut aller de 7 à 9 % par année. Bien
sûr, ce rendement supplémentaire finit par être
soutiré des deniers publics et, au fil du temps,
peut finir par doubler le coût des projets[3]. Cependant, un
groupe de réflexion formé par Larry Fink et
d'autres financiers a fait valoir que
l'investissement privé dans les infrastructures
publiques représente « une occasion en or ... avec
des sources de revenus prévisibles sur des
périodes de temps mesurées en décennies.[4] »
Comme l'ont révélé le projet de transparence
BlackRock et divers articles de presse, d'autres
organismes gouvernementaux, comme l'Office
d'investissement du Régime de pensions du Canada
(OIRPC), ont aussi été impliqués avec BlackRock[5]. Mark Wiseman a
été PDG du conseil d'administration du régime de
retraite de 278 milliards de dollars
de 2012 à 2016 qui gère les pensions du
Régime de pensions du Canada de 20 millions
de Canadiens. Pendant qu'il était à la barre de
cet organisme, Mark Wiseman a « externalisé
considérablement la gestion des actifs du régime
de retraite à BlackRock », notamment en
investissant dans les « fonds hypothécaires en
difficulté » de BlackRock et dans d'autres
investissements mondiaux. À titre de chef de la
direction de l'Office, Wiseman a finalement été
nommé au Conseil consultatif en matière de
croissance économique (CCCE) du gouvernement.
Cependant, trois jours seulement après sa première
réunion, « Mark Wiseman a annoncé brusquement son
intention de démissionner du [Conseil et de
l'OIRPC] pour rejoindre BlackRock en tant que
responsable mondial des actions ». Malgré ce
conflit d'intérêts manifeste, le gouvernement
fédéral l'a autorisé à demeurer au Conseil et à
demeurer conseiller principal auprès de l'Office.
Et c'est ainsi que le gouvernement fédéral permet
aux responsables de BlackRock d'être des
conseillers clés tout en faisant du lobbying pour
obtenir un financement fédéral.
Outre Mark Wiseman et Jean Boivin, qui tous deux
ont rejoint BlackRock après avoir occupé des
postes de haut niveau dans le secteur public, il
existe un certain nombre d'autres exemples de «
va-et-vient » de personnel de haut niveau
entre BlackRock et le gouvernement fédéral. Par
exemple, en 2018, BlackRock a embauché un
autre fonctionnaire de l'Office, André
Bourbonnais, qui avait été chef de la direction
d'Investissements PSP qui est le fonds de retraite
de 139 milliards de dollars qui gère les
investissements pour la fonction publique, les
Forces armées canadiennes et la Gendarmerie royale
du Canada. En tout, il y a plus d'une vingtaine de
fonctionnaires « qui ont travaillé ou fait des
stages à la fois à l'Office et chez
BlackRock. » Selon le projet de transparence
BlackRock, BlackRock a joué « un rôle important
non seulement dans la création de la banque
[d'infrastructure], mais aussi dans les décisions
concernant le personnel », notamment en
déterminant qui devrait occuper les postes clés[6]. Ainsi l'État
et le supercartel ne font qu'un.
Pour sa part, le premier ministre Trudeau a
continué de rencontrer des dirigeants de
BlackRock, notamment en assistant le 8
mars 2017 à un dîner privé avec des
dirigeants de BlackRock et à une réunion
en 2018 à New York avec des investisseurs de
BlackRock. Aujourd'hui, BlackRock étant nommé
conseiller clé dans le programme de sauvetage face
à la COVID-19, même la Banque du Canada a été «
poussée dans l'orbite de plus en plus fréquentée
de BlackRock inc.[7] ».
L'un des plus anciens groupes de réflexion
économique au Canada, l'Institut C.D. Howe, est
également sous l'influence de BlackRock.
En 2017, l'Institut, qui avait précédemment
publié une étude critique de l'idée d'une banque
de l'infrastructure, a reçu un financement de
BlackRock et a nommé un haut fonctionnaire du
supercartel à son conseil d'administration. Depuis
lors, l'Institut a publié diverses publications
faisant l'éloge de la Banque de l'infrastructure.
Outre ses percées dans le secteur public
canadien, BlackRock est fortement impliqué dans le
secteur privé. Bien que l'étendue exacte ne soit
pas connue, BlackRock gère ou détient des actifs
dans la plupart des grandes sociétés et
institutions financières nord-américaines, y
compris celles du Canada. De plus, iShares, qui
est sa famille de fonds négociés en bourse, domine
le marché des fonds négociables en bourse (FNB)
de 200 milliards de dollars au Canada (comme
c'est également le cas sur l'immense marché
américain).
En 2019, BlackRock a formé une alliance
stratégique avec RBC Gestion mondiale d'actifs
pour fournir une nouvelle marque de FNB nommée «
RBC iShares » d'une valeur de 60
milliards de dollars. Selon un communiqué de
presse de RBC, « cette alliance transformatrice
unit deux chefs de file du marché : le plus
grand gestionnaire de FNB au monde et le principal
gestionnaire d'actifs au Canada[8] ».
De nombreux experts, journalistes,
universitaires, ONG et syndicats ont exprimé leur
inquiétude face au poids croissant de BlackRock
sur l'économie canadienne ainsi que ses violations
éthiques[9].
Les critiques ont fait valoir que le rôle de
BlackRock dans la création de la Banque de
l'infrastructure « met les priorités des
investisseurs fortunés et des clients de BlackRock
avant les contribuables canadiens, les
investisseurs des régimes de retraite publics et
les consommateurs », tandis que d'autres ont
souligné que la relation intime entre l'entreprise
et le gouvernement « a violé les règles fédérales
sur les conflits d'intérêts et a accordé à
BlackRock un traitement préférentiel dans la
sélection et la mise en oeuvre des projets
financés par la nouvelle banque ». Matthew
Dubé, porte-parole parlementaire du NPD en matière
d'infrastructure, affirme que « les Canadiens
devront probablement payer deux fois pour leur
infrastructure - d'abord par le biais du Trésor
fédéral, puis par le biais de frais d'utilisation
qui généreront des profits pour les entreprises[10] ».
Outre la question de la Banque de
l'infrastructure, il y a la question plus large
d'un supercartel comme BlackRock qui est en mesure
d'intervenir et de prendre des décisions qui ont
un impact fondamental sur l'intérêt public des
Canadiens. En effet, l'immense cartel menace de
saisir une plus grande partie de l'économie
canadienne dans son filet, surtout maintenant
qu'il est un conseiller clé du programme de
sauvetage face à la COVID-19 du gouvernement qui
fournira du financement à des sociétés et des
institutions financières choisies. Comme l'a
commenté un professeur, il est probable que
BlackRock « supervise désormais une grande partie
de presque toutes les économies de retraite des
Canadiens[11] ».
Le supercartel compte actuellement 27
billions de dollars d'actifs sous sa gestion,
tandis que l'économie canadienne n'a qu'un PIB
de 1,9 billion de dollars. Il a ainsi la
capacité d'influencer et de fausser l'ensemble de
la direction de l'économie ainsi que les affaires
politiques du pays. Mais une entité géante avec
des objectifs aussi étroits devrait-elle avoir une
telle influence sur tout, allant des pensions
publiques à l'économie dans son ensemble ?
Après tout, les objectifs de BlackRock sont tous
liés à ses propres intérêts privés et à ceux de
ses clients, et non à l'intérêt public au sens
large.
Le supercartel a défendu activement les intérêts
de ses investisseurs (et ses propres intérêts)
lorsqu'il a fait pression pour la déréglementation
du secteur financier aux États-Unis dans les
années 1990 et a fait la promotion du marché
toxique des titres adossés à des créances
hypothécaires, qui ont tous contribué à la crise
financière de 2008, ce qui a entraîné
d'innombrables faillites, des saisies de logements
et des pertes d'emplois aux États-Unis, au Canada
et ailleurs (alors que BlackRock a énormément
profité de la crise et a même contribué à la
provoquer). Au fil des ans, BlackRock a poursuivi
des politiques de type cartel qui privilégient ses
intérêts et pour lesquelles, selon divers
observateurs, il devrait être poursuivi devant les
tribunaux ou ses pratiques devraient être rendues
illégales. En outre, comme exemple de son manque
d'engagement envers toute forme d'intérêt public,
le supercartel a été pointé du doigt dans divers
scandales internationaux d'évasion fiscale, y
compris ceux révélés dans les Paradise Papers et
Panama Papers[12].
Tout cela montre que nous avons besoin d'une
nouvelle direction de l'économie du Canada. Le
pouvoir décisionnel doit être entre les mains du
peuple canadien, et non entre celles d'un
supercartel ou d'une oligarchie financière qui ont
le contrôle de l'État.
Notes
1. Curry, Bill, «
Private-sector role in Canada Infrastructure Bank
raises conflict issues », Globe &
Mail, 5 mai 2017
2. Sanger, Toby, « Creating
a Canadian infrastructure bank in the public
interest », Canadian Centre for Policy
Alternatives, Mars 2017
3. Ibid.
4. Black Rock Transparency
Project. Campaign for Accountability, « New
evidence shows BlackRock's role in Canada
Infrastructure Bank may have also included
advising on key personnel », 27
août 2018
5. Ibid.
6. Carmichael, Kevin, « Why
the Bank of Canada needs BlackRock's help while
fighting the coronavirus downturn », Chatham
Daily News, 1er avril 2020
7. Ibid
8. RBC Gestion mondiale
d'actifs «
RBC Gestion mondiale d'actifs et BlackRock
Canada annoncent une alliance stratégique qui
transformera le marché canadien des FNB », 8
janvier 2019
9. Bradford, « Democracy
Watch files complaint with Ethics Commissioner
raising questions about violations of federal
ethics law by BlackRock and the federal
cabinet », Democracy Watch, 24
mai 2017
10. Blatchford, Andy, « What
is BlackRock, and why does it matter now in
Ottawa? », Maclean's, 11
mai 2017
11. Ibid.
12. Syndicat national des
employées et employés généraux (NUPGE), « Canada
Infrastructure Bank promoter involved in tax
havens », le 2 mai 2020
En 2013, le Bureau de la Recherche financière
(OFR) du département du Trésor des États-Unis a
présenté un aperçu et fait une analyse succincte
de l'industrie de la gestion d'actifs, en
particulier sur la façon dont des entreprises
géantes comme BlackRock et Vanguard, de par leurs
activités, pouvaient créer des « vulnérabilités »
qui menacent la stabilité financière du système
économique[1]. L'étude,
intitulée « La gestion d'actifs et la stabilité
financière », a été menée au nom du Conseil de
surveillance de la stabilité financière du
gouvernement américain pour mieux éclairer son
analyse quant à savoir si ces entreprises
devraient être soumises à une « surveillance et à
des normes prudentielles renforcées » comme cela
est stipulé dans la Loi Dodd-Frank,
adoptée au lendemain de la crise financière de
2008.
La réglementation financière est l'un des outils
permettant aux grandes entreprises et aux banques
qui dominent l'économie de régler leurs
contradictions internes, mais elle est également
utilisée comme une arme par une faction, un
secteur ou un cartel contre l'autre. En ce
sens, le fait que les entreprises géantes de
gestion d'actifs ne sont pas assujetties à la
réglementation au même titre que d'autres secteurs
de l'industrie financière, ce qui leur donne un
avantage concurrentiel, se trouve au coeur d'une
controverse aux États-Unis. Pour maintenir cette
position, BlackRock, la plus grande entreprise de
gestion d'actifs au monde, a toujours réussi à
éviter ces règlements, au point de refuser d'être
nommée « institutions financières d'importance
systémique » (où elle se serait vu imposer des
règlements) malgré sa taille et son influence
gigantesques. En effet, à ce jour, les entreprises
de gestion d'actifs restent peu assujetties aux
règlements malgré les efforts de l'OFR et d'autres
sections de l'oligarchie financière. Néanmoins,
dans son rapport l'OFR soulève certains des
risques et des dangers que pose l'ascension de ces
entreprises de gestion d'actifs pour l'économie
dans son ensemble.
Selon le rapport, l'industrie de la gestion
d'actifs aux États-Unis a supervisé l'allocation
de près de 53 billions de dollars en actifs
financiers en 2013. En 2020, ces actifs
représentent près de 90 billions de dollars
(l'équivalent du PIB de tous les pays du monde
réunis). Aussi, l'industrie serait au coeur de
l'allocation d'actifs financiers au nom
d'investisseurs et serait caractérisée par une
grande innovation et une activité financière
diversifiée. Les entreprises de gestion d'actifs
et les fonds qu'elles gèrent « transigent avec
d'autres institutions financières pour transférer
des risques, déterminer les prix et investir du
capital mondialement à travers une variété
d'activités ».
Cependant, leurs activités se distinguent sur
plusieurs points importants de celles des banques
et des compagnies d'assurances (bien que ces
dernières puissent aussi avoir des divisions de
gestion d'actifs en leur sein). Par exemple, « les
gestionnaires d'actifs agissent avant tout comme
agents : gérer des actifs au nom de clients plutôt
que d'investir au nom de gestionnaires. Les pertes
— ainsi que les gains — reviennent aux clients
plutôt qu'aux entreprises de gestion d'actifs. »
En revanche, bien que certaines activités de
gestion d'actifs puissent être similaires, « les
banques commerciales et les compagnies
d'assurances agissent normalement comme
principaux : acceptant les dépôts avec une
responsabilité de rachat sans frais et sur
demande, ou assumant des responsabilités
spécifiques vis-à-vis les assurés ».
Selon le rapport, les entreprises de gestion
d'actifs pourraient potentiellement participer à
un certain ensemble d'activités associées aux
fonds ou aux entreprises au sein d'une grande et
complexe entreprise, ou avoir un nombre important
de gestionnaires d'actifs qui participent à des
activités encore plus risquées, l'ensemble de ces
activités pouvant représenter une menace pour le
système capitaliste monopoliste ou, encore,
amplifier ou transmettre une telle menace.
Le rapport identifie quatre facteurs clés qui
rendent l'industrie de la gestion d'actifs
vulnérable aux menaces et aux chocs:
1. « un rendement boursier » — c'est-à-dire
la recherche de retours sur investissement
toujours plus élevés en acquérant des actifs plus
à risque, ainsi que l'adoption de « comportements
mimétiques », comme se ruer pour entrer ou
sortir des marchés et des investissements, en
particulier en période de marchés
tendus ;
2. le « risque de rachat » — c'est-à-dire le
retrait prématuré ou accru de fonds d'une
institution ou d'un instrument financier, etc.
dans un marché tendu ou non liquide occasionnant
une crise en cascade et même des
insolvabilités ;
3. « l'effet de levier » — c'est-à-dire le
recours aux fonds empruntés, pouvant amplifier les
mouvements du prix des actifs et accroître le
potentiel d'une « vente de feu » de ces
actifs, pouvant ensuite s'étendre à l'ensemble du
marché ;
4. « les entreprises comme sources de
risques » — c'est-à-dire qu'en raison de leur
taille, l'échec d'une grande entreprise de gestion
d'actifs pourrait représenter un risque pour la
stabilité financière de l'économie dans son
ensemble, comme cela s'est produit dans plusieurs
grandes institutions financières de Wall Street
en 2008.
Autrement dit, plus elles sont grosses, plus cela
frappe quand elles tombent. Le problème est
qu'elles ne font pas que heurter le sol avec
force, elles entraînent toute l'économie dans leur
chute, plongeant des millions de travailleurs, de
petites et moyennes entreprises, de retraités et
l'ensemble de la population dans la crise et la
ruine.
À cet égard, l'industrie de gestion d'actifs est
grandement concentrée. Bien que dans le rapport on
ne retrouve pas du tout le mot cartel, certaines
des activités qui y sont décrites laissent
entendre une activité de type cartel. Par exemple,
dans le rapport il est affirmé que «
l'interconnectivité et la complexité peuvent
transmettre ou amplifier des menaces à la
stabilité financière » et que « les grandes
compagnies financières tendent à avoir des lignes
commerciales qui sont interconnectées de façon
complexe ». Aussi, « ces menaces sont
particulièrement aigües lorsqu'un nombre restreint
d'entreprises domine une activité particulière ou
une offre de fonds ». Ceci vient évidemment
contredire le mantra des entreprises de gestion
d'actifs comme BlackRock à l'effet que « les fonds
négociés en bourse » (FNB) et autres
instruments financiers qu'elle domine dans les
marchés canadiens autant qu'américains sont des
investissements sûrs.
Ce qui ressort du rapport, c'est le niveau élevé
d'instabilité potentielle et le chaos qui
sommeillent au coeur du système financier et
jusqu'à quel point celui-ci est de plus en plus en
proie à la « loi de la jungle » où les plus
puissants refusent de se soumettre même aux
règlementations minimales. L'oligarchie financière
a créé des institutions et des structures
financières immenses et d'une grande complexité
leur permettant de s'enrichir comme jamais. Du
même coup, elle est comme l'apprenti sorcier
invoquant des démons qu'elle ne peut contrôler,
même si elle le voulait.
Malgré le risque, les gouvernements américain et
canadien ont permis à ces entreprises de prendre
de l'expansion et de dominer l'économie. Le plus
inquiétant est qu'ils ont remis le pouvoir clé de
consultation et de prise de décision entre les
mains de BlackRock pour gérer le sauvetage face à
la COVID-19. Ce qui en résultera reste à voir.
Note
1. Bureau de la Recherche
financière des États-Unis, « Asset
management and financial stability »,
septembre 2013
Contestation constitutionnelle de
la nation crie de Beaver Lake
- Peggy Morton -
Rassemblement à Edmonton en appui à la
contestation judiciaire de la nation crie de
Beaver Lake, 19 février 2019
Les gouvernements fédéral et albertain n'ont
épargné aucun effort pour bloquer la contestation
constitutionnelle lancée par la nation crie de
Beaver Lake en 2008 à la défense de ses
droits inhérents et issus de traités. L'enjeu est
la prise en compte des effets cumulatifs du
développement industriel sur les terres et le mode
de vie traditionnels de la nation dans le
processus d'approbation de projets.
Le dernier développement en date est l'appel,
entendu en cour le 4 juin, par les
gouvernements fédéral et albertain de la décision
de septembre 2019 de la Cour du Banc de la
Reine qui exige que chaque gouvernement
verse 300 000 $ par année à la
nation crie de Beaver Lake pour qu'elle puisse
poursuivre sa contestation constitutionnelle.
Le gouvernement de l'Alberta et le gouvernement
fédéral ont tenté depuis le début d'empêcher la
cause d'être entendue. En 2008, ils ont tenté de
la faire rejeter. Le gouvernement de l'Alberta
affirme que la contestation est « frivole,
vexatoire et un abus de procédure ». Le
gouvernement fédéral déclare qu'il ne devait pas
être nommé défendeur, cherchant à se laver les
mains de ses obligations fiduciaires envers les
Cris de Beaver Lake et oubliant que le champ de
tir de l'armée canadienne à Cold Lake se trouve
sur leur territoire. Le tribunal a décidé
en 2013 que la cause pouvait aller de
l'avant. Alors que les partis cartellisés qui se
succèdent au pouvoir ont alterné au cours des sept
années qui ont suivi, le refus de négocier de
bonne foi et les tentatives de mettre fin à la
contestation constitutionnelle demeurent.
Ce que les gouvernements Trudeau et Kenney
demandent dans leur appel de la décision de 2019
sur les coûts est que Beaver Lake devrait épuiser
tous ses fonds pour continuer à défendre sa
revendication, ce que la nation a déclaré qu'elle
ne ferait pas et ne pourrait pas faire. Elle dit
qu'une communauté dont la seule source d'eau
potable propre est un camion-citerne ne doit pas
choisir entre de l'eau propre et la poursuite de
sa cause. Toute cette affaire révèle le cynisme du
« je vous entends » et d'« aucune relation
plus importante » de Trudeau, et ses
promesses de faire mieux.
Dans son budget
de 2018, le gouvernement Trudeau a déclaré
que « la participation des autochtones aux
négociations modernes des traités sera financée
par des contributions non remboursables ».
Mais il continue d'essayer de faire croire que les
traités à numéros comme le Traité Six, dont Beaver
Lake est signataire, sont des traités de cessation
des terres et qu'il n'y a donc plus rien à
négocier. L'histoire orale dit autre chose, sans
mentionner que la conception de la vente de la
terre n'existe même pas dans le droit autochtone
et dans les traditions et la conception du monde
autochtones que les rédacteurs des traités
autochtones étaient tenus de respecter et ont
respecté. Tout aussi hypocrites sont les promesses
répétées du gouvernement Trudeau en matière d'eau
potable pour tous les peuples autochtones. Cette
hypocrisie souligne la nécessité de moderniser la
Constitution du Canada afin d'éliminer les
relations coloniales avec les peuples autochtones
et redresser les torts historiques.
La position du gouvernement Trudeau est claire et
inacceptable. Sa définition de la réconciliation
est que les peuples autochtones doivent se
réconcilier avec la perte de leur mode de vie, la
perte de leur capacité de s'acquitter de leurs
fonctions de gardiens de la terre, et accepter la
loi du plus fort comme loi du pays. Cela ne
marchera pas. Les projets qui ont été imposés sur
le territoire comprennent le champ de tir de Cold
Lake, qui occupe illégalement les territoires
traditionnels de la nation crie et qui est une
violation du concept de paix et d'amitié et doit
être fermé[1].
Les Canadiens ont la responsabilité de défendre
la nation crie de Beaver Lake qui défend ses
droits et ses responsabilités envers la Terre
Mère. Le droit souverain des peuples autochtones
de dire oui ou non aux projets de développement
sur leur territoire traditionnel doit être
respecté.
Note
1. Entre autres choses, le
champ de tir militaire est le site des exercices
annuels de guerre « Maple Leaf » qui
comprennent des avions de l'OTAN ainsi que la
participation de pays non membres de l'OTAN, dont
Israël, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la
Suède, Singapour, le Brésil et la Colombie.
Le 4 juin, la nation crie de Beaver Lake a
comparu devant les tribunaux en raison d'un appel
interjeté par les gouvernements fédéral et
albertain contre une décision rendue en 2019
par la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta selon
laquelle les gouvernements provincial et fédéral
devaient payer à la nation les frais juridiques
anticipés. Cette décision permet de poursuivre
l'action en justice qui établit un précédent
entamé en 2008 par Beaver Lake à la défense
de ses droits inhérents et issus de traités. Il
est mentionné dans la requête que les effets
cumulatifs du développement industriel sur les
terres et le mode de vie traditionnels de la
nation doivent être pris en compte dans
l'approbation de projets. La cause qui est en jeu
crée un précédent car elle est la première dans
laquelle les impacts économiques,
environnementaux, sociaux et culturels cumulatifs
du développement industriel sont contestés, et non
seulement un projet unique.[1]
Crystal Lameman, conseillère en relations
gouvernementales des Cris de Beaver Lake,
explique : « Il s'agit pour Beaver Lake
d'avoir son mot à dire sur à quoi ressemble le
développement sur leur territoire et sur leurs
terres, sur lequel ni l'Alberta ni le Canada n'ont
d'acte de vente - ni en vertu de traités signés ni
par le biais d'une autorité décisionnelle
unilatérale ultérieure.[2].
»
Le territoire du lac Beaver s'étend
sur 38 972 kilomètres carrés et est
situé au coeur des sables bitumineux. Les
gouvernements ont loué une grande partie de ces
terres à des sociétés pétrolières sans aucune
consultation ou approbation préalable. Au total
sur le territoire, il y a 300 projets
avec 19 000 autorisations individuelles,
environ 35 000 puits de pétrole et de
gaz naturel, le champ de tir des Forces
canadiennes de Cold Lake et des milliers de
kilomètres de pipelines, de routes d'accès et de
lignes sismiques. Près de 90 % du
territoire traditionnel est défiguré et pollué par
de nombreux projets de sables bitumineux,
déplaçant l'orignal et le wapiti et poussant le
caribou au bord de l'extinction.
Comme l'affirme la
Déclaration de Kétuskéno (2008), les Cris de
Beaver Lake ont convenu par un traité de paix et
d'amitié de partager la terre avec ceux qui
respectent leurs obligations en tant que gardiens
de la terre ainsi que leurs droits traditionnels,
constitutionnels et issus de traités. La
déclaration affirme leurs droits et devoirs en
tant que gardiens de la terre et leur droit de
subvenir à leurs besoins grâce à ces terres. Dans
la poursuite devant les tribunaux initiée
en 2008, ils affirment que les gouvernements
doivent respecter le droit des gardiens de la
terre de dire oui ou non aux aménagements sur leur
territoire.
En 2018, après des années à défendre leur
poursuite devant les tribunaux contre les
gouvernements fédéral et albertain et après avoir
épuisé leurs fonds et une importante campagne de
financement, Beaver Lake a déposé une requête en
frais et dépenses provisoires dans laquelle ils
demandent à la Cour d'ordonner au Canada et à
l'Alberta de contribuer aux frais pour la
poursuite de la procédure. L'Alberta et le Canada
ont plaidé que la nation devrait épuiser tous ses
avoirs avant de se voir accorder des avances sur
les frais juridiques. Le 30
septembre 2019, la juge Beverly Browne a
statué que l'Alberta et le Canada devaient chacun
contribuer pour 300 000 $ par année aux
frais juridiques de la nation, tandis que la
nation devrait verser un montant similaire.
L'octroi d'une avance sur frais juridiques est
considéré comme une mesure extraordinaire,
a-t-elle reconnu. « L'affaire dont je suis saisie
est suffisamment extraordinaire pour que j'exerce
mon pouvoir discrétionnaire d'accueillir la
demande. À mon avis, il serait manifestement
injuste de contraindre Beaver Lake à abandonner sa
réclamation ou de les forcer au dénuement et à
vivre dans la misère afin de pouvoir aller de
l'avant et présenter la requête... Quoi qu'il en
soit, je ne suis pas disposée à forcer la
direction de Beaver Lake à choisir entre
poursuivre ce litige et tenter de subvenir aux
besoins essentiels de la vie que la plupart des
citoyens tiennent pour acquis. »
Notes
1. La Première Nation de
Blueberry River en Colombie-Britannique va aussi
de l'avant avec une poursuite déposée
en 2015. Voir la « Défense
des droits de traité en Colombie-Britannique -
Les premières nations de Blueberry River
intentent une poursuite historique sur les
impacts cumulatifs », LML, 8
juin 2019
2. Maia Wikler et Crystal
Lameman, « Beaver Lake Creek stand strong as
Canada and Alberta attempt to derail tarsands
legal challenge », Briarpatch Magazine, 5
juin 2020.
- Crystal Lameman -
Ma communauté natale, la nation crie de Beaver
Lake, traité numéro 6 (Alberta), a intenté
une poursuite judiciaire en 2008 en raison de
l'échec de la Couronne à tenir compte des impacts
cumulatifs du développement industriel, y compris
les nombreux projets de sables bitumineux — un des
plus grands développements d'énergie à grande
intensité carbonique au monde. Le premier projet
de ce genre à l'époque, l'action sur les droits de
traité à enjeux élevés crée un précédent pour les
tribunaux canadiens. Avec le procès du traité cri
de Beaver Lake, ce sera la première fois que la
cour devra fixer une limite par rapport au
développement industriel et définir ce qui
constitue un abus dans le contexte du
traité 6.
L'application du traité exige que la Couronne
considère les effets cumulatifs du développement
industriel qui menacent les droits de traité au
mode de vie, y compris le droit de chasser, de
pêcher, de trapper et de cultiver, et cette
obligation relève de la Couronne.
Si la Couronne détruit l'exercice significatif
des droits de traité en refusant de considérer
quelles terres et quelles ressources sont
nécessaires au maintien du mode de vie de Beaver
Lake, et si ces seuils sont dépassés en raison
d'une multitude d'autorisations pour l'utilisation
des terres, alors nos droits ont été niés.
La Couronne a
systématiquement nié que les traités assurent à ma
communauté le maintien de son mode de vie, et elle
nie qu'en vertu du traité elle doit considérer les
impacts réunis de multiples activités
industrielles sur le mode de vie des Cris de
Beaver Lake au fil du temps.
Elle se donne plutôt l'autorité de céder des
terres — pour lesquelles elle n'a aucun acte de
vente — avec comme seule responsabilité
l'obligation de consulter, et elle conteste le
fait qu'elle doit tenir compte des impacts
cumulatifs sur les droits de traité de Beaver
Lake, et, sans tenir compte de ces considérations
dans leur ensemble, les consultations sont faites
sur la base d'un projet à la fois.
Récemment, la Cour d'appel de l'Alberta, dans
l'affaire Première Nation de Fort McKay c.
Prosper Petroleum Ltd, a confirmé qu'il
existe bel et bien une telle obligation,
contrairement à la position de la Couronne.
Cependant, les tribunaux n'ont pas encore mesuré
spécifiquement l'ampleur des obligations de la
Couronne dans les cas d'impacts cumulatifs du
développement industriel sur les droits de traité.
En ce sens, l'affaire de Beaver Lake consoliderait
la loi sur les questions suivantes : le
traité 6 protège-t-il un mode de
vie ? ; qu'est-ce qui est requis de la
Couronne pour assurer cette
protection ? ; à quel moment la prise en
charge d'une terre atteint-elle le seuil de
l'infraction ; et quelle est la solution face
à cette infraction ?
Beaver Lake préférerait négocier ces questions.
Comme l'a affirmé la chef de la nation crie de
Beaver Lake, Germaine Anderson, « la Nation ne
s'est jamais opposée aux négociations, nous avons
toujours exprimé notre intérêt, et pourtant nous
n'avons pas été invités à participer ni à les
rencontrer à la table de négociation. »
Cependant, la Couronne a jusqu'ici refusé un
ordre du jour qui permettrait une négociation
significative de ces questions complexes, ainsi
que le financement approprié qui assurerait la
participation significative de Beaver Lake. Le
Canada prétend aussi que les négociations peuvent
avoir lieu dans le contexte d'un processus spécial
de revendication, ce qui revient à dire qu'il
s'engagerait à traiter seulement de l'infraction
que constitue la présence d'un champ de tir
militaire en plein centre de notre territoire.
Pourtant, même au cours de cette démarche, nous
avons fait de multiples tentatives d'avancer à la
première étape seulement pour être rejetés sur la
base que notre temps était écoulé pour cette année
fiscale. Nous n'avons pas encore reçu
d'information nous disant si notre demande a été
acceptée et quand elle serait entendue. Par
conséquent, une décision judiciaire liée au
maintien de nos pratiques axées sur la terre est
requise puisque la Couronne conteste ses
obligations de traité telles que soulevées, et
continue d'autoriser l'utilisation de la terre
sans égard à l'impact cumulatif sur les droits de
traité.
Les questions soulevées par ce cas sont
difficiles, complexes, larges et ont engendré une
multitude d'étapes préprocès, y compris de
nombreuses motions pour mettre fin à la procédure.
Depuis dix ans, Beaver Lake a fait valoir cette
requête complexe du mieux qu'elle a pu, au coût
de 3 millions de dollars. La moitié des fonds
a été accordée par de généreux donateurs qui ont
compris l'importance que ces questions soient
entendues par les tribunaux. Comprenant que cette
affaire en est une de justice environnementale, de
santé et de protection, ils ont appuyé les efforts
de Beaver Lake pour consolider les droits de
traité.
Mais comme plusieurs nations de traité, Beaver
Lake est une communauté monétairement appauvrie.
Elle n'a que tout récemment commencé à mettre de
côté certaines réserves monétaires limitées, dont
elle a désespérément besoin pour régler la grave
situation de pauvreté monétaire dont souffre la
Nation. Cependant, c'est une réserve monétaire
instable à l'avenir incertain. Aussi est-elle
requise en cas d'urgences, comme pour la récente
pandémie et pour soutenir l'infrastructure
défaillante comme l'usine de traitement d'eau et
les lignes de gaz naturel, lesquelles fournissent
chauffage et eau pour nos foyers, notre école,
notre service de garde et notre prématernelle.
Ainsi, en 2018, après dix ans
d'investissement dans cette affaire — défendant
les plaidoyers, répondant aux particuliers,
colligeant les preuves provenant de 100
membres, et ayant recours à un grand nombre
d'experts — nous sommes arrivés à la décision
déchirante que nous ne pouvions procéder avec le
litige puisque 5 millions de dollars de plus
étaient requis pour l'obtention d'un procès, une
somme que la Nation n'a tout simplement pas. Nous
nous sommes rendu compte que ce ne serait pas
prudent pour la Nation de ne construire que la
moitié d'un pont.
En avril 2018, Beaver Lake a présenté une
demande de coûts intermédiaires, demandant à la
Cour d'ordonner que le Canada et l'Alberta
couvrent les frais de justice afin de pouvoir
poursuivre le procès. Pour ce faire, elle a assumé
la charge de la preuve et a péniblement étalé sa
pauvreté monétaire et ses défis communautaires
dans un dossier de plus de 5 400 pages
d'états financiers, les comptes généraux du grand
livre, les relevés bancaires, les ententes de
répercussions et d'avantages, les documents de
fiducie, les vérifications de Services autochtones
Canada et plus. La juge Browne, qui avait présidé
au procès pendant sept ans, a entendu l'affaire
pendant deux jours et demi en février 2019,
tandis que les aînés, utilisateurs de la terre et
le leadership observaient, après avoir fait des
levées de fonds pour faire le voyage à l'extérieur
de la communauté pour être présents au procès.
Dans une décision rendue en septembre 2019,
la juge Browne a trouvé que l'affaire avait du
mérite, était importante pour le public et dans
l'intérêt de la justice et qu'elle devait
procéder. Elle a trouvé que Beaver Lake était sans
le sou, ayant peu ou pas d'argent, si bien que «
le litige ne pourrait se poursuivre si l'ordre
n'était pas donné ». Elle a déterminé que
l'intérêt de la justice serait mieux servi par un
ordre partiel de frais de justice. Elle a ordonné
que tous les partis — Beaver Lake, le Canada et
l'Alberta — partagent les frais du litige et
verse 300 000 dollars annuellement
jusqu'à ce que la question soit résolue. Ainsi,
elle a reconnu que le double objectif de
réconciliation et d'accès à la justice ne pouvait
être atteint sans un tel ordre, par lequel elle
commencerait à examiner l'énorme déséquilibre de
pouvoir entre les partis.
Maintenant, en dépit du fait qu'il y a
reconnaissance du mérite de la démarche et de son
importance pour le public, le Canada et l'Alberta
en ont appelé de la décision sur les frais et
continuent de nier la pauvreté monétaire de Beaver
Lake. Le Canada et l'Alberta auraient pu choisir
d'accepter la décision de la juge Browne et
d'aller de l'avant pour que le bien-fondé de
l'affaire puisse être établi en juin 2024 —
la date fixée pour le procès de 120 jours —,
mais, dans un effort pour éviter que la cour ne
crée un précédent sur une question de telle
importance, ils ont plutôt choisi de remettre en
cause l'étendue de la pauvreté monétaire de Beaver
Lake. L'appel, fixé au 4 juin, déterminera si
oui ou non la Nation va continuer sur sa voie
d'accéder à la justice, ou si cela lui sera nié en
raison de sa pauvreté monétaire.
Le Canada et l'Alberta ont tenté, par leur
développement de nos terres, de priver ma Nation
d'un mode de vie significatif, d'une vie riche et
abondante. Maintenant, par cette requête, ils
disent que nous devrons verser chaque sou que nous
avons, peu importe si nous avons besoin de cet
argent pour répondre à des besoins d'aide de base
et/ou aux besoins les plus fondamentaux de la
communauté.
Notre conception du monde en tant que peuples
autochtones est fondée sur notre relation avec
l'eau, l'air que nous respirons, les minéraux de
la terre et toute la flore et la faune qui marche,
rampe, vole et nage. C'est en raison de ce
privilège que nous avons d'être dans cette
relation significative et profonde que nous
engageons nos efforts collectifs et notre
résilience dans la consolidation de nos droits.
Nous le faisons pour que nous puissions continuer
de vivre notre vie riche et abondante, « aussi
longtemps que brille le soleil, que pousse l'herbe
et que coulent les rivières ».
Crystal Lameman est coordonnatrice de traités
pour la nation crie de Beaver Lake.
La politique d'apaisement du
Canada face à l'impérialisme américain
- Tony Seed -
François-Philippe
Champagne, ministre des Affaires étrangères du
Canada, s'est rendu à New York le 13 juin
avant le vote sur la candidature du Canada à un
siège au Conseil de sécurité des Nations unies, ce
qui a suscité beaucoup d'inquiétude et
d'opposition au Canada.[1] Il est déployé,
selon Affaires mondiales, pendant quatre jours «
pour dialoguer avec divers ambassadeurs et
représentants permanents pour parler de
l'engagement du Canada envers la paix et la
sécurité, les changements climatiques, l'égalité
des sexes, la sécurité économique et le
multilatéralisme ». La tentative du ministre
d'acheter les votes avec des dollars d'«
aide » s'inscrit dans le dernier tournant de
la campagne très médiatisée des libéraux de
Trudeau pour rétablir la réputation ternie du
Canada sur la scène mondiale.
Avec son arrogance habituelle, le premier
ministre Justin Trudeau s'est donné le mandat du «
fardeau de l'homme blanc » lors de sa tournée
en Afrique en février pour solliciter des votes
pour un siège au Conseil de sécurité. Il a sans
doute versé quelques larmes de crocodile
les 12 et 13 février lors de sa visite à
la tristement célèbre Maison des esclaves au
Sénégal, tout comme il a su poser le genou au sol
durant une manifestation à Ottawa contre la
brutalité policière et le racisme aux États-Unis.
Le Canada voit le Sénégal, dont le vote semble
maintenant assuré, comme une voie d'accès au
marché africain pour les intérêts privés qu'il
représente et pour le pillage industrialisé de
l'or. Parallèlement, le ministre Champagne a
assisté à la remise de permis d'exploitation pour
Teranga, un participant au Forum de Halifax sur la
sécurité internationale, et Barrick Gold. Le
gouvernement canadien a négocié des accords de
promotion et de protection des investissements
étrangers (APIE) avec le Bénin, le Burkina Faso,
le Cameroun, la Côte d'Ivoire, la Guinée, le Mali,
le Sénégal, le Nigéria et la Tanzanie, tous
favorisant le contrôle néocolonial des ressources
minérales. Tous ces pays ont été pillés à
l'épuisement par les puissances coloniales.
Le Canada est réputé pour sa complaisance face au
bloc économique impérialiste américain et sa
machine de guerre bien qu'il parle de
multilatéralisme : mépris de la Charte des
Nations unies et des principes du droit
international ; violations en série des
droits humains tels que ceux du peuple palestinien
et des demandeurs d'asile ; intervention en
cours dans des pays souverains, directement ou par
le biais de coalitions et de sanctions qu'il
appelle cyniquement soutien à la « restauration de
la démocratie » ; augmentation des
exportations d'armes mortelles vers les zones de
conflit ; le pays « de service » de
l'OTAN comme sous le gouvernement Harper avant
lui, qui n'hésite pas à enfreindre la Charte des
Nations unies et le droit international ;
l'usurpation des pouvoirs par la police et l'armée
pendant la pandémie ; et un horrible bilan de
négligence criminelle envers les conditions de vie
des peuples autochtones au Canada.
« Son récent
rejet de la loi des Wet'suwet'en, écrit Pauline
Easton, qu'il est pourtant tenu de respecter et de
défendre, est également révélateur de son attitude
envers la primauté du droit international. En
fait, sa campagne pour un siège au Conseil de
sécurité de l'ONU se heurte à des vents contraires
de plus en plus forts : la fausseté de son
affirmation répétée que le Canada est un État de
droit - ce qui le rend sans doute admissible à un
siège au Conseil de sécurité - est exposée à la
face du monde entier. »
Le Canada rivalise avec l'Irlande et la Norvège
pour les deux sièges de la catégorie Europe
occidentale et autres pays, dont le Canada est
considéré comme faisant partie. Le Mexique est le
seul candidat pour le siège de l'Amérique latine
et des Caraïbes et le Kenya et Djibouti se
disputent le siège du groupe africain. L'Inde est
le seul candidat à un siège non permanent de la
catégorie Asie-Pacifique. Sa candidature a été
confirmée par les pays qui composent la région
Asie-Pacifique, dont la Chine et le Pakistan, en
juin de l'année dernière.
L'élection des cinq membres non permanents du
Conseil de sécurité de l'ONU aura lieu le 17
juin. Leur mandat ne commencera qu'en
janvier 2021.
L'Assemblée générale des Nations unies élit
chaque année cinq membres non permanents (sur 10
au total) pour un mandat de deux ans. Les 10
sièges non permanents sont répartis sur une base
régionale - cinq pour les États d'Afrique et
d'Asie ; un pour les États d'Europe
orientale ; deux pour les États d'Amérique
latine et des Caraïbes ; et deux pour les
États d'Europe occidentale et autres États.
L'Assemblée générale de l'ONU a résolu que
l'élection au Conseil de sécurité aura lieu
suivant de nouvelles modalités de vote qui
tiennent compte des restrictions en place en
raison de la pandémie de COVID-19. Plutôt qu'un
scrutin secret tenu dans la salle de l'Assemblée
générale, les électeurs sont tenus de se rendre
dans un lieu désigné pendant un créneau horaire
spécifique pour voter. Seuls les bulletins déposés
dans les urnes au lieu désigné seront acceptés et
aucun bulletin ne sera accepté après l'expiration
du dernier créneau horaire.
Si le nombre total de bulletins de vote déposés
dans toutes les urnes ne représente pas au moins
la majorité des membres de l'Assemblée, le
président distribuera une lettre à tous les États
membres indiquant une nouvelle date et heure pour
les élections.
Le Canada ne mérite pas de siéger au Conseil de
sécurité des Nations unies qui agit d'ailleurs
aujourd'hui comme un obstacle au règlement
pacifique des conflits en raison de l'emprise des
grandes puissances, de la quête de domination des
impérialistes américains et de l'absence d'un
mécanisme permettant de régler le conflit entre
les puissances rivales. Le droit de veto de cinq
membres permanents est un arrangement d'une autre
époque, quand l'ONU comptait 50 membres. Elle en
compte aujourd'hui 198 et ses décisions
devraient relever de la majorité de l'Assemblée
générale.
Quant à la Norvège, elle aussi est membre
fondatrice de l'OTAN et maintient sa position en
agissant comme entremetteuse. Quel que soit le
résultat, l'ONU a besoin de modernisation et
renouvellement dans l'esprit des temps modernes.
Note
1. Voir également « Un
tournant historique auquel le gouvernement
Trudeau ne peut échapper », éditorial
du LML du 22 février 2020, et « Le
multilatéralisme impérialiste du Canada »
de Margaret Villamizar dans le même numéro.
États-Unis: la résistance
s'organise
Les jeunes mènent la marche à Oakland, en
Californie, le 11 juin 2020, en exigeant que
la police se retire des écoles.
Partout aux États-Unis, les actions qui ont
commencé le 26 mai pour demander justice pour la
mort de George Floyd aux mains de la police se
poursuivent et la résistance prend une allure
organisée. À Minneapolis, où Floyd a été tué, et
partout au pays, des appels se font entendre à la
justice pour les nombreux cas de brutalité
policière et de morts aux mains de la police,
surtout d'Afro-Américains, et à des changements en
profondeur du système de police qui feront en
sorte que le peuple ne sera plus victimisé par une
force militarisée qui ne représente pas ses
intérêts. Le peuple continue d'affirmer ses
convictions sur la nécessité de nouveaux
arrangements et de s'investir lui-même du pouvoir
par des manifestations et d'autres formes de
lutte.
Depuis le 26 mai,
des manifestations ont eu lieu dans au moins 750
villes américaines, dans les 50 États, et sur le
plan international dans 60 pays, couvrant tous les
continents à l'exception de l'Antarctique. Le
peuple n'a pas été intimidé par les déploiements
massifs de la Garde nationale et des forces de
police ni par les actes de violence policière
généralisée. Des activistes ont compilé des
rapports et des images de ces événements[1]. Une
de ces bases de données comptait 659 entrées au 13
juin. Un des incidents qu'on y trouve est la mort
d'un homme non armé de 22 ans dans le nord de la
Californie le 1er juin, alors qu'il était à
genoux, les mains levées. Le policier l'a abattu à
partir de la voiture de patrouille, affirmant
avoir pris un marteau dans la poche de l'homme
pour une arme à feu. D'autre part, le site Web
Bellingcat.com a compilé une liste des violences
policières contre les journalistes qui, au 2 juin,
comptaient 148 cas. Il souligne que « pour vous
donner une idée de l'énormité de ce chiffre, le US
Press Freedom Tracker a recensé 150 violations de
la liberté de la presse pour toute l'année 2019.
Les cas durant les manifestations en cours ont
presque dépassé les chiffres de 2019 en une
semaine.[2]
»
Ce qui marque avant tout les événements actuels
est le caractère organisé de la résistance. Les
Américains et leurs collectifs parlent en leur
propre nom, sur la base de leurs propres
revendications, malgré toute la pression exercée
sur eux pour qu'ils appuient une faction ou
l'autre de l'armée ou de l'élite dirigeante qui
s'oppose à Trump et qui dit défendre la
Constitution. Le mouvement n'a pas encore été
détourné de ses objectifs pour soutenir le statu
quo qui prive le peuple de pouvoir.
À Minneapolis, où les manifestations de masse
ont mené au congédiement des quatre policiers et à
des accusations criminelles contre eux pour la
mort de George Floyd, l'attention du peuple est
maintenant centrée sur les changements en
profondeur qui s'imposent dans le système de
police qui criminalise systématiquement les
Afro-Américains et les autres minorités privés de
leurs droits.
Manifestation à Minneapolis le 7 juin 2020
Réagissant aux revendications du peuple, la
ville de Minneapolis a adopté à l'unanimité le 12
juin une résolution pour remplacer le service de
police par un système de sécurité publique
chapeauté par la communauté. « Le meurtre de
George Floyd le 25 mai 2020 par des policiers de
Minneapolis est une tragédie qui montre que peu
importe les réformes, rien n'empêchera la violence
meurtrière et les abus de certains membres du
service de police contre les membres de notre
communauté, en particulier contre les personnes
noires et de couleur », disent cinq membres du
conseil dans la résolution. La résolution affirme
que le conseil initiera un processus d'un an pour
dialoguer « avec tous les résidents de bonne
volonté de Minneapolis » dans son « Groupe de
travail sur la sécurité communautaire », afin de
développer un « nouveau modèle transformateur » de
sécurité publique dans la ville. Le conseil a
également voté à l'unanimité la fin de l'ordre
d'urgence locale qui avait été déclarée en raison
des manifestations de masse commencées le 26 mai à
la suite de la mort de George Floyd.
Les demandes adressées au conseil municipal sur
l'imputabilité de la police et la dissolution de
la police de Minneapolis ont débuté bien avant la
mort de George Floyd, soulignent des militants de
Minneapolis qui notent qu'une action opportune
aurait pu empêcher la mort de George Floyd. Le 11
juin, l'organisation Twin Cities Coalition for
Justice 4 Jamar (TCJ4J) - formée après la mort de
Jamar Clark, 24 ans, aux mains de la police en
2015 - a demandé que les policiers responsables
d'homicides similaires et d'autres crimes soient
tenus responsables et que justice soit rendue aux
amis et aux familles. Des activistes à travers les
États-Unis lancent des appels à retirer le
financement aux services de police et à les
remplacer par des organismes sur lesquels le
peuple peut exercer un contrôle. Ils appellent
aussi à l'augmentation des services sociaux pour
fournir aux citoyens une sécurité basée sur la
satisfaction des besoins humains, et non sur
l'utilisation de la violence étatique et la
criminalisation des minorités, des pauvres et des
travailleurs pauvres, des secteurs marginalisés et
des plus vulnérables de la société.
Minneapolis, 11 juin 2020
La résistance populaire prend également la forme
du refus de membres de la Garde nationale d'obéir
à l'ordre de déploiement contre des manifestants,
car ils reconnaissent la justice de ceux qui ont
répondu à l'appel « Black Lives Matter » et ne
souhaitent pas être mis en position d'exécuter la
brutalité de l'État contre ceux qui exercent leur
droit de manifester. Comme l'a dit un membre de la
California National Air Guard, « ce qu'on nous
dit, c'est de dissuader les gens de commettre
toute activité criminelle et des choses de ce
genre. Mais cela n'a pas nécessairement
d'importance. L'important est ce qui va être
communiqué sur le terrain quand vous voyez des
gens en uniforme avec des armes, debout en
formation. » Il a ajouté qu'il s'était engagé à
faire du travail humanitaire, pas à agir comme une
force d'invasion. « Beaucoup de soldats ne sont
pas à l'aise avec ça, dit-il. Ils ont l'impression
que ce n'est pas vraiment ce pour quoi ils se sont
engagés. » Des organisations d'anciens combattants
et des groupes de défense des droits des GI
déclarent avoir répondu à un grand nombre d'appels
de soldats leur demandant quelles étaient leurs
options pour refuser des ordres. Le groupe de
vétérans pour la paix About Face dit qu'il connaît
une dizaine de militaires qui ont pris des mesures
concrètes pour éviter le déploiement, tandis que
de nombreux autres ont demandé de l'aide pour
résister aux ordres qu'ils jugent illégaux.
Cette résistance se manifeste également dans la
destruction de symboles qui glorifient l'esclavage
ou des statues commémorant les marchands
d'esclaves. Au milieu de cette situation, les
peuples autochtones vivant sur le territoire
américain reçoivent un grand appui dans leur
demande de retrait des statues de Christophe
Colomb pour que le génocide et la dépossession des
peuples autochtones ne soient plus présentés comme
de grandes réalisations historiques plutôt que des
crimes contre l'humanité.
Le 3 juin, les
avocats des familles de George Floyd et d'autres
ont annoncé qu'ils appelaient l'ONU à ouvrir un
dossier sur le non-respect des droits de l'homme
aux États-Unis et à sanctionner les États-Unis
pour leur mauvais traitement des Afro-Américains.
À cause d'une résistance large et soutenue,
l'ancien policier de Minneapolis, Derek Chauvin,
qui tenait le genou sur le cou de George Floyd,
est actuellement détenu dans les locaux des
services correctionnels du Minnesota à Oak Park.
Sa caution a été portée à 1 million de dollars le
3 juin lorsque les accusations contre lui ont été
élevées au rang de meurtre au deuxième degré. Les
ex-policiers Thomas Lane et J. Alexander Kueng,
qui ont aidé à maîtriser Floyd, et Tou Thao, qui
se tenait tout près, sont accusés de complicité de
meurtre au deuxième degré et de complicité
d'homicide involontaire au deuxième degré. Leur
caution a été fixée à 1 million de dollars sans
conditions ou 750 000 $ avec conditions. Lane a
été libéré le 10 juin sur une caution de 750 000
$.
Le Marxiste-Léniniste présente un
supplément avec des appels de la résistance
organisée et un reportage photo.
Notes
1. Pour voir le tableau,
cliquer ici.
2. « Visualizing
Police Violence Against Journalists At Protests
Across The U.S.», Charlotte Godart,
Bellingcat.com, 5 juin 2020
Supplément
La résistance organisée
prend sa place aux
États-Unis
|
|
Dangereux développements dans la
péninsule coréenne
Le 12 juin, le ministre des Affaires
étrangères de la République populaire démocratique
de Corée (RPDC), Ri Song Gwon, a publié une
déclaration à l'occasion du deuxième anniversaire
du Sommet historique RPDC-États-Unis du 12
juin 2018, à Singapour. Ce sommet entre le
président Kim Jong Un, le dirigeant de la RPDC et
le président des États-Unis, Donald Trump, avait
comme objectif d'établir une nouvelle relation
entre la RPDC et les États-Unis qui mettrait fin
aux hostilités entre les deux pays et engendrerait
la paix et la dénucléarisation de la péninsule
coréenne.
« Ce qui en ressort
est que l'espoir de relations améliorées entre la
RPDC et les États-Unis — espoir élevé il y a deux
ans en tant qu'événement mondial — s'est
maintenant transformé en son contraire,
caractérisé par une détérioration en spirale. La
faible lueur d'optimisme, de paix et de prospérité
sur la péninsule coréenne s'est effacée pour faire
place à un sombre cauchemar », a affirmé le
ministre des Affaires étrangères Ri.
Celui-ci a ajouté que la volonté des peuples des
deux pays de mettre fin « aux relations les plus
antagonistes au monde entre la RPDC et les
États-Unis et d'ouvrir une nouvelle ère de
coopération vers la paix et la prospérité est plus
vive que jamais. Et pourtant, la situation dans la
péninsule coréenne se détériore de jour en
jour ».
Le ministre des Affaires extérieures a fait
valoir qu'afin d'encourager des relations
positives et faire preuve de bonne foi, la RPDC
avait fermé son site d'essai nucléaire au nord [le
site d'essai nucléaire Punggye-ri — note de LML],
libéré des citoyens américains accusés d'avoir
commis des crimes contre la RPDC, et rapatrié un
grand nombre de restes de soldats américains tués
ou disparus au combat pendant la Guerre de Corée.
Il a souligné que la RPDC avait pris l'initiative
de suspendre ses essais nucléaires et ses essais
de lancement de missiles balistiques
intercontinentaux, toutes des mesures pour nourrir
la confiance entre la RPDC et les États-Unis.
Dans sa déclaration, Ri observe que ces mesures
prises par la RPDC n'ont fait que servir la
stratégie de relations publiques du président
Trump par ses annonces intéressées.
Le ministre Ri a souligné que sous prétexte de
vouloir améliorer les relations avec la RPDC, les
États-Unis avaient pris une direction
diamétralement opposée, transformant la péninsule
coréenne « en un point chaud le plus dangereux au
monde, hanté sans cesse par le spectre d'une
guerre nucléaire », ce qui mine la
possibilité d'une paix durable à laquelle les deux
pays se sont engagés.
« La RPDC fait toujours partie de la liste de
cibles de frappes nucléaires préventives, et
toutes sortes d'instruments de frappes nucléaires
américains visent directement la RPDC », a
indiqué Ri. À titre d'exemple, il a souligné la
présence de « bombardiers stratégiques nucléaires
qui volent en tout temps dans l'espace aérien
coréen dans le cadre d'exercices de frappes
nucléaires et de groupes de frappe constitués de
porte-avions qui voguent les mers autour de la
Corée du sud ».
Le ministre des Affaires étrangères a aussi
souligné que les États-Unis continuent de fournir
« un grand nombre d'armes modernes et de
technologie de pointe telles que des aéronefs
furtifs et des drones de reconnaissance d'une
valeur de dizaines de milliards de dollars
US » pour renforcer la capacité offensive de
l'armée de la Corée du sud tout en rejetant le
fardeau financier du coût de ces armes sur le dos
des autorités coréennes.
Le ministre des Affaires étrangères de la RPDC a
souligné que depuis les deux dernières années la
RPDC a été la cible de « pratiques totalement
injustes et anachroniques » qui montrent
clairement que le but des États-Unis est de
poursuivre une politique de changement de régime
en RPDC ainsi que ses menaces de frappe nucléaire
préventive et sa politique d'isolement et de
suffocation de la RPDC. Il a fait valoir qu'à
moins que ne cesse une fois pour toutes « la
politique hostile profondément enracinée depuis
plus de 70 ans des États-Unis envers la RPDC,
les États-Unis seront une menace à long terme pour
notre État, notre système et notre peuple ».
Le ministre Ri souligne que sur la base de ces
vérités, la RPDC ne peut espérer une amélioration
des relations avec les États-Unis sur la base des
relations personnelles entre le président Kim Jong
Un et le président Trump et que la RPDC n'offrira
au président Trump aucune autre occasion de tirer
avantage de la situation à des fins politiques
intéressées alors qu'elle ne reçoit en retour que
des fausses promesses.
Enfin, le ministre des Affaires étrangères de la
RPDC a dit qu'en raison de cette réalité, la
décision prise par la RPDC et le président Kim
Jong Un lors de la récente quatrième réunion
élargie de la septième commission militaire
centrale du Parti des travailleurs de Corée,
visait à augmenter encore plus l'effet dissuasif
national d'une guerre nucléaire face aux menaces
incessantes de menaces de guerre nucléaire des
États-Unis » et que c'était là le message de
la RPDC aux États-Unis à l'occasion du deuxième
anniversaire du Sommet RPDC-États-Unis de
Singapour.
Le 9 juin, la République populaire
démocratique de Corée (RPDC) a interrompu les
communications avec la République de Corée (RdC).
Elle affirme être exaspérée par le refus de la
République de Corée de condamner et de faire
cesser la distribution de tracts anti-RPDC lancés
le 31 mai par de soi-disant transfuges depuis
la ville frontalière de Gimpo. Gimpo se trouve du
côté sud de la zone démilitarisée située
au 38e parallèle que les États-Unis ont
imposée pour diviser la Corée.
Plus tôt, le 4 juin, la RPDC a envoyé un
message à la RdC pour protester contre ces
lancements de ballons-tracts et l'a appelé à agir
pour mettre fin à cette provocation. Elle a
rappelé à la RdC les engagements de la Déclaration
commune de Panmunjom signée le 27
avril 2018.
« Les autorités sud-coréennes doivent être au
courant des articles de la Déclaration de
Panmunjom et de l'accord dans le domaine militaire
dans lequel les deux parties ont convenu
d'interdire tous les actes hostiles, y compris la
diffusion de tracts dans les zones le long de la
ligne de démarcation militaire. »
Pour donner suite à cette démarche drastique de
la RPDC, les médias rapportent que le gouvernement
de la République de Corée envisage d'adopter une
loi pour rendre illégales ces provocations et
d'inculper ceux qui commettent de tels actes.
La Déclaration historique de Panmunjom signée
entre le président Kim Jung Un de la RPDC et le
président Moon Jae-in de la RdC accorde une
attention particulière à la nécessité de
travailler ensemble pour mettre fin aux
provocations militaires et autres et créer une
structure permanente de paix sur la péninsule
coréenne. Plus précisément, les trois premiers
paragraphes du deuxième point se lisent comme
suit :
« La réduction de la tension militaire et
l'élimination du danger de guerre dans la
péninsule coréenne s'avèrent particulièrement
importantes pour le destin de la nation et
cruciales pour une vie pacifique et stable des
Coréens.
« Le Nord et le Sud sont convenus de cesser sur
tous les plans, notamment sur terre, sur mer et
dans l'air, tous genres d'actes d'hostilité l'un à
l'égard de l'autre de nature à provoquer une
tension et un conflit militaire.
« Dans l'immédiat, ils sont convenus de cesser à
partir du 1er mai l'émission par haut-parleur
et l'épandage de tracts et tous les autres actes
d'hostilité dans les parages de la ligne de
démarcation militaire, d'en supprimer les moyens
correspondants et de transformer la zone
démilitarisée en une zone de paix réelle. »
Les relations intercoréennes ont été entravées
depuis la division américaine de la Corée
en 1945 et sa domination militaire et
politique sur la Corée du sud depuis lors. Les
États-Unis maintiennent cette division afin
d'utiliser la Corée du sud comme terrain militaire
pour mener une guerre visant non seulement la
RPDC, mais également la Chine et la Russie. Même
si aujourd'hui les institutions américaines
traversent une crise profonde, la politique
étrangère américaine, comme la politique
intérieure, est basée sur la destruction,
l'agression et la guerre. Pour garder le peuple
coréen divisé, les impérialistes américains
continuent de présenter la RPDC comme agresseur et
ainsi détourner l'attention de leurs propres
crimes historiques et présents contre le peuple
coréen.
L'administration Trump n'a respecté aucun de ses
engagements envers la RPDC convenus lors de
l'historique sommet RPDC-États-Unis à Singapour
le 12 juin 2018. Le deuxième des quatre
points de l'accord se lit comme suit :
« La RPDC et les États-Unis conjugueront leurs
efforts pour instaurer un système de paix
permanent et durable dans la péninsule
coréenne. »
Les nombreuses sanctions américaines conçues par
le Conseil de sécurité des Nations unies et
l'administration américaine, auxquelles le Canada
adhère, sont des actes de guerre. Les États-Unis
dictent à la République de Corée, qu'ils appellent
un « partenaire stratégique », faisant d'elle
le quatrième importateur d'armes américaines pour
lequel le peuple coréen doit payer. C'est ainsi
que l'ingérence des États-Unis dans les relations
intercoréennes continuent de causer des
difficultés malgré le désir des Coréens et des
deux gouvernements de s'entendre.
Face à cette réalité, il devient d'autant plus
important pour le gouvernement de la République de
Corée d'honorer ses engagements et de servir le
désir de paix du peuple coréen. L'avenir de la
Corée sera décidé par le peuple coréen lui-même
malgré toutes les difficultés. Les principes
directeurs du mouvement du peuple coréen pour la
réunification stipulent que la réunification doit
être réalisée par le peuple coréen lui-même sans
ingérence extérieure ; qu'elle doit être
réalisée pacifiquement ; et enfin qu'elle
doit être réalisée par l'unité politique du peuple
coréen en mettant de côté ses divergences.
À l'occasion du 20e
anniversaire de l'historique déclaration
Nord-Sud
Jeudi 18 juin - 19 h (HAE)
D'importants
sujet de préoccupation seront abordés:
• Les relations
entre la République populaire démocratique
de Corée et les États-Unis
• Les relations intercoréennes, les exercices de
guerre
et les provocations des États-Unis
• Comment la RPDC réussit à contrôler la
pandémie
de la COVID-19 malgré les sanctions illégales
Orateur
principal : le professeur Kiyul Chung
Fondateur et
rédacteur de The 21st Century
Professeur
adjoint, Université de Corée, Tokyok Japon
Professeur
invité, Université Kim Il Sung, Pyongyant, RPDC
Les
sanctions contre la RPDC seront abordées par
l'avocat torontois Lorne Gershuny
Organisé
par: Commission de la vérité sur la Corée
(chapitre canadien)
Fédération coréenne du Canada
BIENVENUE
À TOUS !
Pour se joindre à
la rencontre et pour plus d'information, cliquer
ici
Identifiant pour la
rencontre: 868 1560 7481
Mot de passe :
420759
Mise à jour sur la COVID-19
- Pierre Chénier -
Le président des États-Unis Donald Trump a tenu
une conférence de presse le 5 juin dans
laquelle il a dit que la COVID-19 est largement
chose du passé et sous contrôle aux États-Unis. Il
a déclaré que le pays a été pacifié par le recours
à la Garde nationale qui a dominé la rue contre le
vandalisme. Il a dit que les États-Unis sont sur
la voie d'une grande reprise économique et d'une
dominance renouvelée dans les affaires mondiales.
La domination de la rue et des affaires mondiales
est un thème qui a imprégné toute la conférence de
presse. L'affirmation que la pandémie est
largement chose du passé a été exprimée
graphiquement par la violation de la distanciation
sociale dans la façon dont les chaises des
journalistes ont été disposées pour la conférence
de presse. Selon les médias, les chaises avaient
d'abord été disposées de façon conforme aux guides
de la distanciation sociale, mais elles ont été
déplacées par le personnel de la Maison-Blanche
avant le début de l'événement. « Je remarque que
vous-mêmes êtes plus près les uns des autres,
c'est bien mieux ainsi, ça peut encore être
amélioré, c'est juste une question de
temps », a-t-il dit aux journalistes.
La conférence de presse avait lieu en réponse aux
données sur l'emploi qui ont été publiées par le
département du Travail plus tôt dans la journée et
qui indiquaient que le taux de chômage avait chuté
à 13,3 % en mai, par rapport à 14,7
% en avril, et que 2 509 000 emplois
avaient été ajoutés, comparativement à une perte
record de 20 687 000 en avril. Trump a
qualifié cette hausse, combinée à celle du marché
boursier, du « plus grand revirement de l'histoire
des États-Unis ».
« C'est un grand jour pour tout le monde en ce
qui concerne l'égalité », a-t-il dit.
La conférence de presse avait tous les traits
d'un geste fou et désespéré visant à assurer la
domination de l'élite dirigeante impérialiste que
Trump représente. Ceci comprend la domination
électorale, alors que l'élection présidentielle
américaine doit avoir lieu en novembre, sur ses
rivaux et sur le peuple américain qui n'a cessé de
protester contre l'injustice raciale et la
violence et l'impunité de l'État depuis le meurtre
de George Floyd par la police de Minneapolis
le 25 mai.
Des actions semblables ont été tenues par les
peuples du monde dans un grand nombre de pays.
Trump a provoqué une grande colère parmi le
peuple américain et les peuples du monde lorsqu'il
a osé déclarer que George Floyd serait heureux des
données sur l'emploi et de la soi-disant
pacification des rues par la force brutale, y
compris par le recours à la Garde nationale.
« J'espère que George nous regarde en ce moment
et dit que c'est une grande chose qui se
produit dans notre pays actuellement, a dit Trump
avec tant de vulgarité et d'esprit de provocation.
C'est une grande chose qui se produit dans notre
pays. C'est une grande journée pour lui. C'est un
grand jour pour tout le monde. »
La provocation et le désespoir étaient palpables
alors que le président des États-Unis a exprimé
que la faction impérialiste au pouvoir aux
États-Unis est prête à sacrifier encore plus de
vies avec un déconfinement sans limites aux
États-Unis, déclarant que l'« économie »
prime sur toute autre considération en tant que
source du pouvoir impérialiste américain au pays
et à l'étranger. Il n'a pas eu un seul mot de
remords ou de regret pour les 107 000
personnes qui sont mortes de la COVID-19 aux
États-Unis jusqu'à maintenant. En fait, il
considère qu'il s'agit d'une victoire parce que
des millions de personnes, a-t-il dit, auraient pu
mourir si les États-Unis n'avaient pas fermé leurs
frontières à la Chine de même qu'aux habitants de
l'Union européenne et à d'autres qui étaient
infectées par ce qu'il a appelé la « peste »,
un « cadeau de la Chine ». Il a dit que les
données sur l'emploi vont encore grandement
s'améliorer une fois que tous les États américains
vont accepter de se déconfiner et qu'on va
permettre à l'économie de repartir, sans contrôle
et sans surveillance, avec la levée des mesures
visant à freiner la propagation de la pandémie.
Voilà la carte risquée que joue cette faction
impérialiste au détriment de la santé et de la
sécurité, et de la dignité et des droits du peuple
américain et des peuples du monde. Cette carte est
pleine de dangers, y compris celui d'une guerre
civile totale entre les factions de l'élite. Cela
montre à quel point il est nécessaire que les
peuples des États-Unis et du monde développent
leur propre politique indépendante afin de
s'investir du pouvoir, tout en intensifiant leur
lutte pour leurs droits, dont la lutte contre
l'injustice raciale et la violence et l'impunité
de l'État.
Plus de 15 000 travailleurs migrants du Myanmar
sont rentrés chez eux par
ce passage à la frontière thaïlandaise en un seul
jour à la fin de mars. (IOM)
Ce qui suit est un article publié
conjointement le 8 juin par l'Organisation
internationale du travail (OIT), l'Organisation
internationale pour les migrations (OIM), le
Fonds international d'urgence des Nations unies
pour l'enfance (UNICEF), l'Office des Nations
unies contre la drogue et le crime (UNODC) et
ONU Femmes, signé par Jeremy Douglas, Karin
Hulshof, Nenette Motus, Mohammad Naciri et
Tomoko Nishimoto pour leur organisation
respective.
La COVID-19 a provoqué des perturbations
mondiales massives et mis les plus vulnérables,
notamment les travailleurs migrants hommes et
femmes et leurs enfants, dans une situation très
difficile. Les mesures de confinement, notamment
la fermeture des frontières et les restrictions de
mouvement, ont eu un impact significatif sur les
migrants, exacerbant les vulnérabilités existantes
et augmentant potentiellement les risques de
transmission. La perte de revenus a conduit à
l'insécurité, à des risques accrus de violence et
à une augmentation de la dette pour ce groupe déjà
vulnérable, y compris pour les familles pour
lesquelles les envois de fonds de l'étranger sont
une source de revenu essentielle.
En Asie du Sud-Est et dans le
Pacifique, 11,6 millions de personnes sont
des travailleurs migrants, dont 5,2 millions
de femmes. De nombreux pays de la région comptent
sur les travailleurs migrants pour le
fonctionnement de leur économie afin de combler
les pénuries locales de main-d'oeuvre.
En 2019, on estime que 2,8 millions
d'enfants migrants internationaux vivaient en Asie
de l'Est et dans le Pacifique.
L'isolement et la mobilité réduite ont accru le
risque d'abus, d'exploitation et de traite des
personnes, en particulier des travailleuses
migrantes (y compris par les employeurs et les
partenaires) et des enfants. Lorsque les ménages
sont soumis à des tensions accrues dues à des
problèmes de sécurité, de santé et de finance,
ainsi qu'à des conditions de vie exiguës, les
femmes et les filles sont plus susceptibles d'être
exposées à la violence et aux abus. Les mesures de
réponse à la COVID-19 qui n'incluent pas les
travailleurs migrants dans l'économie informelle
exposent davantage ces travailleurs et leurs
familles à un risque d'exploitation.
Les fermetures d'écoles ont beaucoup aggravé les
vulnérabilités des enfants migrants, pour lesquels
les écoles fournissent non seulement une
éducation, mais un havre, une source de
nourriture, une occasion d'identifier les abus et
une plateforme importante par laquelle recevoir
des informations. Ce mécanisme de sécurité est
désormais perdu, ce qui aggrave encore la
perturbation des services de protection de
l'enfance auxquels les enfants migrants ont déjà
un accès limité. Ils peuvent également être
confrontés à des obstacles importants pour accéder
aux occasions d'apprentissage en ligne.
Les attitudes à l'égard des travailleurs migrants
qui n'étaient généralement pas positives avant la
pandémie n'ont fait qu'empirer. Dans les pays de
l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, on
a signalé une augmentation des violences verbales
contre certaines nationalités et des migrants
présumés responsables de l'introduction du virus
dans les communautés. Cette stigmatisation et
cette discrimination sont non seulement
inacceptables, mais dangereuses, et elles peuvent
mettre les travailleuses migrantes, leurs enfants
et leurs familles à risque de violence, de
harcèlement et de traite à la fois sexistes et
xénophobes.
Les travailleuses migrantes occupent divers
métiers, notamment dans les domaines du travail
domestique, de l'hôtellerie, de la transformation
des fruits de mer, de la fabrication, de
l'agriculture et de la construction. Beaucoup sont
en première ligne pour répondre à la pandémie, en
particulier en tant que soignantes. Ces groupes de
migrants peuvent être plus à risque de
transmission en raison de leurs conditions de vie
et de travail. Beaucoup peuvent ne pas être en
mesure d'accéder aux services essentiels, surtout
lorsqu'ils en ont le plus besoin, y compris s'ils
sont exposés à la violence et aux abus.
Les migrants en situation irrégulière ou sans
papiers vivent également dans la crainte d'être
expulsés, ce qui les rend moins susceptibles
d'avoir accès à un test de dépistage ou d'être
soignés, avec des conséquences pour leur propre
santé et celle des autres. Outre la crainte de
perdre leur moyen de subsistance s'ils se révèlent
positifs, les travailleurs migrants sont également
plus susceptibles d'être victimes d'exploitation
et d'abus, notamment par des écarts salariaux
encore plus grands, ce qui accroît la
discrimination existante dans certaines
professions.
Nous appelons les États à respecter leurs
engagements internationaux au titre de la Convention
relative aux droits de l'enfant, des normes
internationales du travail relatives à la
promotion du travail décent, de l'égalité des
sexes et de la migration équitable du travail, et
de la Convention sur l'élimination de toutes
les formes de discrimination à l'égard des
femmes.
Les États devraient reconnaître que les migrants
sont un élément essentiel de la réponse à la
pandémie et prendre des mesures ciblées pour
protéger les femmes, les hommes, les filles et les
garçons, y compris ceux qui se trouvent dans des
situations de vulnérabilité. Ils doivent mettre en
place des mesures pour assurer l'accès aux
services essentiels pour tous, favoriser le
dialogue entre les migrants et les communautés de
destination ainsi que les communautés d'origine
pour lutter contre la xénophobie, la
discrimination ou la stigmatisation des migrants.
Les arrestations de migrants sans papiers ne
devraient jamais faire partie des mesures de
confinement et, dans le cas d'enfants, elles
contreviennent à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Les enfants et les jeunes, y compris les enfants
migrants, ont apporté de précieuses idées et une
sensibilité aux besoins et aux défis de la réponse
à la COVID-19.
Bien que le virus ne fasse pas de discrimination,
son impact social et économique n'est certainement
pas égal pour tous. Les plus vulnérables qui ne
bénéficient pas d'une mesure de protection sociale
ni d'un accès rapide aux soins de santé et aux
services essentiels, subissent de manière
disproportionnée les conséquences plus graves de
la pandémie.
Par conséquent, la réponse immédiate et les
mesures de relance à long terme doivent répondre
aux besoins et défis particuliers des travailleurs
migrants, en particulier des femmes et des
enfants. C'est le moment de la solidarité et de
l'humanité quels que soient la nationalité, le
statut migratoire, le sexe ou l'âge. Plus que
jamais, les sociétés ont la responsabilité commune
de mettre fin à la pandémie par la réussite.
Personne ne doit être laissé pour compte - peu
importe qui il est, où il se trouve ou quel statut
juridique il a.
Comme l'a souligné le secrétaire général des
Nations unies dans un appel à ce sujet,
élevons-nous contre la haine, traitons autrui avec
dignité et battons la COVID-19 ensemble.
Jeremy Douglas, représentant régional de
l'ONUDC pour l'Asie du Sud-Est et le Pacifique
Karin Hulshof, directrice régionale de
l'UNICEF Asie de l'Est et Pacifique
Nenette Motus, directrice régionale de l'OIM
pour l'Asie et le Pacifique
Mohammad Naciri, directeur régional d'ONU
Femmes pour l'Asie et le Pacifique
Tomoko Nishimoto, sous-directeur général du
BIT et directeur régional pour l'Asie et le
Pacifique
Expulsés des États-Unis durant la pandémie, des
migrants arrivent chez eux au Mexique.
Une des choses qui caractérise la pandémie aux
États-Unis en ce moment est le traitement inhumain
par le gouvernement des personnes sans
statut : les immigrants, les travailleurs
migrants et les demandeurs d'asile. Il s'agit non
seulement de traitement ou de détention dans des
conditions peu propices à la distanciation
sociale, mais de déportations continues de
personnes vers le Mexique, l'Amérique centrale et
Haïti. Tout cela est fait au détriment de toutes
normes établies pour le traitement des migrants et
des réfugiés.
Des pays comme Cuba et d'autres fournissent de
l'aide désintéressée aux peuples du monde tout
comme le Venezuela qui, malgré tout ce à quoi il
doit faire face en tant qu'objet de la guerre
économique américaine, accueille les migrants
vénézuéliens qui reviennent (plus de 6 000 au 10
juin, la plupart informels), après avoir été
abandonnés sans aucun soutien à la frontière des
pays voisins qui étaient mal préparés à résister à
une pandémie. C'est encore le Venezuela qui leur
fournit des services sociaux et de santé gratuits
tandis que les impérialistes américains font
preuve de mépris sans borne pour la vie humaine en
mettant en péril les peuples d'Amérique latine et
des Caraïbes alors que cette région est aux prises
plus que jamais avec la pandémie.
Une agence de nouvelles rapportait le 7 juin : «
Sous prétexte de contenir la propagation de la
COVID-19 au pays, les États-Unis vont de l'avant
avec leur ordre du jour d'appliquer leurs
politiques en matière d'immigration, déportant des
milliers de personnes d'Amérique centrale, y
compris celles qui ont été infectées par le virus
mortel, vers leurs pays d'origine alors même que
la pandémie fait rage.
« Dans des centres de détention surpeuplés ou au
cours de processus de déportation ayant peu ou pas
de mesures sanitaires,
l'approche 'business-as-usual' de Washington
fait fi d'une crise de santé mondiale et met en
danger les systèmes de santé fragilisés dans les
pays moins développés de l'Amérique centrale.
« Jusqu'ici, le Guatemala, Haïti, la Jamaïque et
d'autres pays d'Amérique latine tels que la
Colombie et le Mexique ont annoncé des cas
d'infection chez les personnes déportées. Les
États-Unis, le pays avec le plus grand nombre
d'infections et de décès au monde, sont accusés
d'avoir encouragé la propagation du virus dans les
régions avoisinantes.
« Marvin Canahui, un migrant guatémaltèque
de 38 ans, dit que son expérience vécue est
la même que celle de milliers de personnes qui ont
été détenues ou déportées par le Service américain
de l'immigration et de l'application des règles
douanières (ICE) pendant la pandémie.
« 'Ils ne nous ont jamais donné du savon ni
du désinfectant à main', a dit Canahui, qui [a été
déporté tout récemment] après avoir travaillé aux
États-Unis pendant 17 ans. [...]
« Sauf dans la salle à manger et la pièce où se
trouvent les téléphones, il n'y avait aucune
mesure de nettoyage ou de prévention comme la
distanciation sociale dans l'établissement où il
partageait le dortoir, les douches et les salles
de bain avec près de 200 migrants du
Guatemala, du Salvador, du Honduras et du
Nicaragua, a-t-il évoqué.
« 'Nous étions entassés, à pleine capacité.
Il n'y avait plus de place pour une seule
personne, a dit Canahui. Elles (les autorités
américaines) ont continué de faire entrer des
prisonniers. Nous étions totalement à l'étroit
là-dedans.'
« Avant qu'il ne soit déporté à la mi-avril, il a
subi un examen de la gorge avec un abaisse-langue
en plastique, sans qu'on lui explique pourquoi ni
quel en était le résultat.
« Après son arrivée par avion au Guatemala
le 14 avril, les autorités de l'immigration à
cet endroit l'ont placé, lui et d'autres personnes
déportées, en quarantaine pendant 14 jours
dans un refuge près de l'aéroport, puisque des
nouveaux arrivés avant eux avaient eu des
résultats positifs lors de leur test de dépistage
du virus. [...]
« Un migrant salvadorien qui n'a donné que son
prénom, Carlos, a été détenu dans un établissement
de détention au Texas à partir de janvier jusqu'au
début d'avril, où il a perdu 20 kilos en
raison de problèmes de santé existants et des
mauvaises conditions. [...]
« 'Il n'y avait aucune mesure de protection
ni de traitement (spécial)' et plus de 80
détenus présents 'n'ont pas été testés', a
dit Carlos, 31 ans, qui s'est enfui du
Salvador en janvier après que les membres d'un
gang ont menacé de le tuer pour avoir refusé de
verser de l'argent de protection pour sa petite
entreprise.
« Il a dit qu'il espérait demander l'asile aux
États-Unis, mais qu'il avait été arrêté presque
immédiatement par des agents patrouilleurs à la
frontière et envoyé à la 'glacière', le nom
familier attribué aux cellules de détention
froides où sont les détenus. [...]
« David Cruz, un migrant mexicain de 48 ans,
a dit qu'on lui avait donné un masque et qu'on
avait vérifié sa température lorsqu'il a été mis
dans une cellule de détention à McAllen, au Texas,
mais qu'il avait été détenu avec 27 autres
personnes dans un espace serré.
« Il a été déporté en mai par l'un des huit vols
nolisés pour accélérer le processus de déportation
vers le Mexique, qui est habituellement fait par
transport terrestre.
« Le but de ces vols est de réduire la
propagation de la COVID-19 'aux États-Unis',
a dit le service de patrouille frontalière et des
douanes américaines dans une déclaration.
« Cependant, les experts latino-américains ont
dit que la décision des États-Unis en pleine
éclosion de la COVID-19 menaçait de propager le
virus au sud de ce pays, en particulier dans les
communautés rurales pauvres d'où viennent
plusieurs des migrants.
« Le 4 mai, l'organisation médicale non
gouvernementale internationale Médecins sans
frontières a exhorté les États-Unis de suspendre
les déportations, avertissant que le déplacement
pourrait détériorer la situation dans des pays qui
n'ont pas l'équipement requis pour faire face à
une telle crise.
« Loic Jagger, le directeur de l'organisation
pour le Mexique et l'Amérique centrale, a dit plus
tôt que le fait de déporter des migrants sans
d'abord vérifier s'ils ne sont pas infectés est
une 'politique criminelle'. [...]
« Selon l'ICE, près de 943 migrants dans
plus de 45 centres de détention ont eu un
résultat positif à la suite d'un test pour la
COVID-19 après que 1 788 tests de
dépistage ont été effectués. Le nombre total de
migrants détenus dans ces centres a
atteint 29 675 à la fin d'avril.
« 'Les États-Unis semblent exploiter la
pandémie pour s'attaquer à l'immigration, a dit
Ruben Figueroa, un membre du Mouvement migrant
mésoaméricain qui défend les droits humains des
migrants de l'Amérique centrale.
« 'Ils saisissent cette occasion pour
imposer des restrictions beaucoup plus
draconiennes. Il en va de même pour les mesures de
sécurité. Ils violent (les droits) de ces gens, de
leurs communautés et de leur pays d'origine. C'est
clair, c'est évident', a dit Figueroa.
« En Colombie, les experts en maladies
infectieuses ont sonné l'alarme face aux
agissements des États-Unis après que plus
de 20 des 64 Colombiens déportés
le 30 mars ont été testés positifs pour la
COVID-19.
« Aristobulo Varon, un des rapatriés, a dit à la
presse locale qu'aucune des personnes déportées
n'avait été testée, et leur validation reposait
entièrement sur le fait qu'elles n'avaient
manifesté aucun symptôme évident du nouveau
coronavirus.
« Soraya Marquez, une experte en maladies
infectieuses et coordonnatrice en rétablissement
de la santé à la clinique Juan N. Corpas de
Bogota, a dit que les États-Unis étaient
irresponsables dans leur négation des protocoles
standards de la santé en pleine pandémie, laquelle
a infecté plus de 6,8 millions de
personnes par le monde et tué plus
de 390 000 personnes.
« 'Je pense que c'est un échec total en
raison de leur refus de respecter les protocoles,
puisque la présence de la COVID-19 chez des
patients sans aucun symptôme est prouvée, et c'est
pourquoi des mesures rigoureuses sont nécessaires,
ainsi que des mesures et des tests pour confirmer
ou non d'une façon ou d'une autre le diagnostic
pour ne pas augmenter le nombre d'infections', a
dit Marquez.
« La performance des États-Unis dans la pandémie
a 'mis un grand nombre de personnes en
danger', a-t-elle dit. 'Le message est
clair : la vie doit l'emporter sur tout autre
intérêt.' »
Le 10 juin, le ministre des Affaires
étrangères du Guatemala a dit que les États-Unis
avaient recommencé ses vols de déportation des
personnes vers ce pays cette semaine, après une
pause d'un mois en raison de la pandémie du
coronavirus, selon teleSUR. Celui-ci
poursuit :
« La porte-parole du ministère des Affaires
étrangères, Patricia Letona, a dit que les vols
contiendraient des groupes d'environ 50
personnes y compris des enfants et que deux autres
vols étaient prévus la semaine prochaine.
« Bien que des vols provenant des États-Unis avec
des mineurs sans accompagnement se sont
poursuivis, les déportations dans leur ensemble
par voie aérienne vers le Guatemala ont été
suspendues à la mi-mai.
« Ces vols ont été une source de tension entre
les États-Unis et le Guatemala puisque des
douzaines de personnes renvoyées dans ce pays
d'Amérique latine se sont avérées positives au
coronavirus. Au moins 186 personnes déportées
ont été déclarées positives pour la COVID-19 après
leur arrivée au pays en dépit des prétentions des
États-Unis qu'elles étaient en bonne santé.
« Le gouvernement guatémaltèque a dit que les
personnes déportées seraient examinées pour
dépister le virus et que seuls ses citoyens
détenus dans les centres de détention par le
Service américain de l'immigration et de
l'application des règles douanières (ICE)
reviendraient.
« 'La décision [de reprendre les vols] est fondée
sur de l'information technique sur la situation
sanitaire', a déclaré Letona.
« Le ministère des Affaires étrangères a dit que
près de 5 500 Guatémaltèques sont
détenus par ICE. Plus de 2 500 de ces
personnes ont un ordre final de déportation et le
traitement des autres est en cours.
« L'administration du président américain Donald
Trump a exercé une pression sur le Guatemala pour
que celui-ci continue d'accueillir des migrants
déportés en dépit des préoccupations grandissantes
qu'ils peuvent rapporter le coronavirus avec eux
et possiblement infecter des communautés
éloignées.
« La nouvelle de la reprise de vols a suscité la
résistance des groupes de défense des migrants au
Guatemala.
« Le directeur du refuge de migrants Casa del
Migrante, Mauro Verzeletti, qui est aussi prêtre,
a dit que la décision de Washington était
une 'erreur majeure' et ne contribuerait en
rien aux conditions au Guatemala.
« 'Cela n'engendrera que plus de racisme contre
les gens qui reviennent dans leur propre pays',
a-t-il dit à Reuters. 'Nous sommes toujours
fermés et nous ouvrirons à nouveau lorsque la
courbe de la pandémie sera à la baisse.' »
TeleSUR informe que depuis le début de la
pandémie au Guatemala à la mi-mars, le pays a
accueilli 2 160 personnes déportées des
États-Unis. En date du 12 juin, le Guatemala
annonce un total de 8 561 cas
(6 660 actifs ; 1 567
rétablis ; 334 décès) pour un taux
de 478 cas par million et 19 décès par
million.
En ce qui a trait à la situation en Haïti, Steve
Forester, coordinateur des politiques
d'immigration de l'Institut pour la justice et la
démocratie en Haïti, rapporte qu'« au moins huit
des 30 Haïtiens déportés le mardi 26
mai 2020 des États-Unis vers Haïti avaient
été mis en quarantaine au centre du Service de
l'immigration et de l'application des règles
douanières (ICE) de Pine Prairie, en Louisiane,
car ils avaient été testés positifs à la COVID-19
à la fin avril et/ou au début de mai. Il ne semble
qu'aucun d'entre eux n'ait jamais été testé
négatif deux fois, voire seule une fois, à l'aide
d'un test de dépistage fiable de la COVID-19.
[...]
« Peu après 12 h 30 le 26 mai, 30
personnes sont rentrées à Port-au-Prince à bord
d'un vol Swiftflight 737 d'iAero Airways dont
un homme qui, ces derniers jours et le soir
du 25 mai, s'était plaint de difficultés
respiratoires, de fièvre et des douleurs à la
poitrine, aux jambes et aux cuisses. Il était l'un
des huit à avoir été testé positif au coronavirus
et a donc été mis en quarantaine dans les
installations de l'ICE à Pine Prairie.
« Les huit déportés qui avaient été déclarés
positifs à la COVID-19 ont été transférés le matin
du 25 mai de Pine Prairie au centre de transit
d'Alexandria (ASF) de l'ICE en Louisiane, où ils
ont été contrôlés pour le coronavirus à l'aide
d'un 'test rapide'. [...]
« Nous ne savons pas combien des 22 autres
personnes sur le vol du 26 mai peuvent
également avoir été testées positives à la
COVID-19 ou n'ont pas été approuvées selon le
protocole approprié de la santé publique.
« J'ai parlé récemment à un Haïtien expulsé
le 7 avril. Il a décrit les conditions de
surpopulation dans les centres de détention de
l'ICE et dans une zone d'attente, avec des gens
assis côte à côte, certains toussant et éternuant.
[...]
« Nous ne savons pas combien des 22 autres
personnes sur le vol du 26 mai peuvent
également avoir été testées positives pour
COVID-19 ou n'ont pas été approuvées par le
protocole de santé publique approprié.
« Il a dit que tout le monde sur le vol qui les
déportait était assis côte à côte deux par deux,
sans espace entre eux et avec les sièges de
l'allée libres. Un rapport du 25 mai de Vice
News documente le mépris de l'ICE pour la
distanciation sociale dans le transport des
détenus.
« Peu avant le vol du 11 mai dans lequel
l'ICE organisait des déportations vers Haïti, les
conseillers scientifiques du gouvernement haïtien
ont déconseillé de recevoir ceux qui étaient
expulsés de l'étranger en raison du risque de
propagation du coronavirus.
« La déportation de huit personnes testées
positives à la COVID-19, qui n'ont pas été
détenues selon le protocole approprié de la santé
publique est un autre exemple de la raison pour
laquelle personne ne devrait être expulsé pendant
la pandémie. En s'engageant dans de telles
pratiques, l'administration Trump manque de
respect envers Haïti et la vie de son
peuple. »
Jake Johnston, associé de recherche principal au
Centre de recherche sur les politiques dans le
domaine économique (CEPR) à Washington, a
également parlé de cette question lors d'un forum
organisé par la représentante au Congrès Frederica
S. Wilson le 29 mai. Il a expliqué que «
Haïti n'est pas le seul pays qui a reçu des vols
de personnes déportées des États-Unis pendant la
pandémie mondiale. Depuis le 13 mars, l'ICE a
effectué pas moins de 135 vols de personnes
déportées vers 13 pays d'Amérique latine et
des Caraïbes. Les déportés ont par la suite été
déclarés positifs au Guatemala, en Jamaïque, au
Mexique, en Colombie et en Haïti. Au Guatemala, le
gouvernement a identifié plus de 100 cas de
COVID-19 parmi les personnes déportées.
« Les déportations continues de l'administration
Trump représentent un risque de santé publique
important pour la région et pèsent sur les
systèmes de santé publique déjà surchargés. Le
gouvernement haïtien, par exemple, est contraint
d'utiliser des ressources limitées pour mettre en
quarantaine les déportés récents, tout en étant
incapable de mettre correctement en quarantaine
ses propres travailleurs de première ligne. Bien
qu'il s'agisse d'un problème régional, il ne fait
aucun doute qu'Haïti est l'un des pays les moins
bien préparés à faire face à une épidémie de la
COVID-19. Au cours des dernières semaines, les cas
confirmés ont monté en flèche en Haïti et, avec
l'un des taux de test de dépistage les plus bas du
monde, cela ne représente probablement que la
pointe de l'iceberg. »
Johnson poursuit en disant qu'«
environ 60 % des services de santé en
Haïti sont fournis par des ONG et des acteurs
privés ».
Au 5 juin, Haïti comptait 3 941
cas déclarés de COVID-19 (3 853
actifs ; 24 rétablis ; 64
décès) et 346 cas par million ; 6
décès par million. Le nombre total de nouveaux cas
quotidiens a culminé le 6 juin avec 332
et était descendu à 134 au 11 juin,
tandis que le nombre de cas actifs n'a pas encore
atteint son maximum. Haïti traverse une crise
politique depuis le coup d'État de 2004
contre le gouvernement démocratiquement élu de
Jean-Bertrand Aristide mené par le Canada, la
France et les États-Unis. La situation sanitaire
et politique a été aggravée par le tremblement de
terre de 2010, puis l'épidémie de choléra
provoquée par les soldats de la paix des Nations
unies. Les récentes élections sont le résultat de
l'ingérence étrangère et ont produit des
gouvernements corrompus sans aucune légitimité.
Le Canada a pleinement trempé dans ce scandale,
non seulement en Haïti, car il exploite les
demandeurs d'asile haïtiens qui travaillent
courageusement comme travailleurs de la santé de
première ligne, mais en refusant l'asile à tous
ceux qui arrivent au Canada en provenance des
États-Unis en raison de l'Entente sur les tiers
pays sûrs.
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