La nation crie de Beaver Lake persiste à défendre ses droits inhérents et issus des traités
Le 4 juin, la nation crie de Beaver Lake a
comparu devant les tribunaux en raison d'un appel
interjeté par les gouvernements fédéral et
albertain contre une décision rendue en 2019
par la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta selon
laquelle les gouvernements provincial et fédéral
devaient payer à la nation les frais juridiques
anticipés. Cette décision permet de poursuivre
l'action en justice qui établit un précédent
entamé en 2008 par Beaver Lake à la défense
de ses droits inhérents et issus de traités. Il
est mentionné dans la requête que les effets
cumulatifs du développement industriel sur les
terres et le mode de vie traditionnels de la
nation doivent être pris en compte dans
l'approbation de projets. La cause qui est en jeu
crée un précédent car elle est la première dans
laquelle les impacts économiques,
environnementaux, sociaux et culturels cumulatifs
du développement industriel sont contestés, et non
seulement un projet unique.[1]
Crystal Lameman, conseillère en relations
gouvernementales des Cris de Beaver Lake,
explique : « Il s'agit pour Beaver Lake
d'avoir son mot à dire sur à quoi ressemble le
développement sur leur territoire et sur leurs
terres, sur lequel ni l'Alberta ni le Canada n'ont
d'acte de vente - ni en vertu de traités signés ni
par le biais d'une autorité décisionnelle
unilatérale ultérieure.[2].
»
Le territoire du lac Beaver s'étend
sur 38 972 kilomètres carrés et est
situé au coeur des sables bitumineux. Les
gouvernements ont loué une grande partie de ces
terres à des sociétés pétrolières sans aucune
consultation ou approbation préalable. Au total
sur le territoire, il y a 300 projets
avec 19 000 autorisations individuelles,
environ 35 000 puits de pétrole et de
gaz naturel, le champ de tir des Forces
canadiennes de Cold Lake et des milliers de
kilomètres de pipelines, de routes d'accès et de
lignes sismiques. Près de 90 % du
territoire traditionnel est défiguré et pollué par
de nombreux projets de sables bitumineux,
déplaçant l'orignal et le wapiti et poussant le
caribou au bord de l'extinction.
Comme l'affirme la
Déclaration de Kétuskéno (2008), les Cris de
Beaver Lake ont convenu par un traité de paix et
d'amitié de partager la terre avec ceux qui
respectent leurs obligations en tant que gardiens
de la terre ainsi que leurs droits traditionnels,
constitutionnels et issus de traités. La
déclaration affirme leurs droits et devoirs en
tant que gardiens de la terre et leur droit de
subvenir à leurs besoins grâce à ces terres. Dans
la poursuite devant les tribunaux initiée
en 2008, ils affirment que les gouvernements
doivent respecter le droit des gardiens de la
terre de dire oui ou non aux aménagements sur leur
territoire.
En 2018, après des années à défendre leur
poursuite devant les tribunaux contre les
gouvernements fédéral et albertain et après avoir
épuisé leurs fonds et une importante campagne de
financement, Beaver Lake a déposé une requête en
frais et dépenses provisoires dans laquelle ils
demandent à la Cour d'ordonner au Canada et à
l'Alberta de contribuer aux frais pour la
poursuite de la procédure. L'Alberta et le Canada
ont plaidé que la nation devrait épuiser tous ses
avoirs avant de se voir accorder des avances sur
les frais juridiques. Le 30
septembre 2019, la juge Beverly Browne a
statué que l'Alberta et le Canada devaient chacun
contribuer pour 300 000 $ par année aux
frais juridiques de la nation, tandis que la
nation devrait verser un montant similaire.
L'octroi d'une avance sur frais juridiques est
considéré comme une mesure extraordinaire,
a-t-elle reconnu. « L'affaire dont je suis saisie
est suffisamment extraordinaire pour que j'exerce
mon pouvoir discrétionnaire d'accueillir la
demande. À mon avis, il serait manifestement
injuste de contraindre Beaver Lake à abandonner sa
réclamation ou de les forcer au dénuement et à
vivre dans la misère afin de pouvoir aller de
l'avant et présenter la requête... Quoi qu'il en
soit, je ne suis pas disposée à forcer la
direction de Beaver Lake à choisir entre
poursuivre ce litige et tenter de subvenir aux
besoins essentiels de la vie que la plupart des
citoyens tiennent pour acquis. »
Notes
1. La Première Nation de
Blueberry River en Colombie-Britannique va aussi
de l'avant avec une poursuite déposée
en 2015. Voir la « Défense
des droits de traité en Colombie-Britannique -
Les premières nations de Blueberry River
intentent une poursuite historique sur les
impacts cumulatifs », LML, 8
juin 2019
2. Maia Wikler et Crystal
Lameman, « Beaver Lake Creek stand strong as
Canada and Alberta attempt to derail tarsands
legal challenge », Briarpatch Magazine, 5
juin 2020.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 40 - 13 juin 2020
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