Appel conjoint d'agences de l'ONU à éliminer la stigmatisation et la discrimination des travailleurs migrants et de leurs enfants pendant une pandémie


Plus de 15 000 travailleurs migrants du Myanmar sont rentrés chez eux par
ce passage à la frontière thaïlandaise en un seul jour à la fin de mars. (IOM)

Ce qui suit est un article publié conjointement le 8 juin par l'Organisation internationale du travail (OIT), l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), le Fonds international d'urgence des Nations unies pour l'enfance (UNICEF), l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) et ONU Femmes, signé par Jeremy Douglas, Karin Hulshof, Nenette Motus, Mohammad Naciri et Tomoko Nishimoto pour leur organisation respective.

La COVID-19 a provoqué des perturbations mondiales massives et mis les plus vulnérables, notamment les travailleurs migrants hommes et femmes et leurs enfants, dans une situation très difficile. Les mesures de confinement, notamment la fermeture des frontières et les restrictions de mouvement, ont eu un impact significatif sur les migrants, exacerbant les vulnérabilités existantes et augmentant potentiellement les risques de transmission. La perte de revenus a conduit à l'insécurité, à des risques accrus de violence et à une augmentation de la dette pour ce groupe déjà vulnérable, y compris pour les familles pour lesquelles les envois de fonds de l'étranger sont une source de revenu essentielle.

En Asie du Sud-Est et dans le Pacifique, 11,6 millions de personnes sont des travailleurs migrants, dont 5,2 millions de femmes. De nombreux pays de la région comptent sur les travailleurs migrants pour le fonctionnement de leur économie afin de combler les pénuries locales de main-d'oeuvre. En 2019, on estime que 2,8 millions d'enfants migrants internationaux vivaient en Asie de l'Est et dans le Pacifique.

L'isolement et la mobilité réduite ont accru le risque d'abus, d'exploitation et de traite des personnes, en particulier des travailleuses migrantes (y compris par les employeurs et les partenaires) et des enfants. Lorsque les ménages sont soumis à des tensions accrues dues à des problèmes de sécurité, de santé et de finance, ainsi qu'à des conditions de vie exiguës, les femmes et les filles sont plus susceptibles d'être exposées à la violence et aux abus. Les mesures de réponse à la COVID-19 qui n'incluent pas les travailleurs migrants dans l'économie informelle exposent davantage ces travailleurs et leurs familles à un risque d'exploitation.

Les fermetures d'écoles ont beaucoup aggravé les vulnérabilités des enfants migrants, pour lesquels les écoles fournissent non seulement une éducation, mais un havre, une source de nourriture, une occasion d'identifier les abus et une plateforme importante par laquelle recevoir des informations. Ce mécanisme de sécurité est désormais perdu, ce qui aggrave encore la perturbation des services de protection de l'enfance auxquels les enfants migrants ont déjà un accès limité. Ils peuvent également être confrontés à des obstacles importants pour accéder aux occasions d'apprentissage en ligne.

Les attitudes à l'égard des travailleurs migrants qui n'étaient généralement pas positives avant la pandémie n'ont fait qu'empirer. Dans les pays de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, on a signalé une augmentation des violences verbales contre certaines nationalités et des migrants présumés responsables de l'introduction du virus dans les communautés. Cette stigmatisation et cette discrimination sont non seulement inacceptables, mais dangereuses, et elles peuvent mettre les travailleuses migrantes, leurs enfants et leurs familles à risque de violence, de harcèlement et de traite à la fois sexistes et xénophobes.

Les travailleuses migrantes occupent divers métiers, notamment dans les domaines du travail domestique, de l'hôtellerie, de la transformation des fruits de mer, de la fabrication, de l'agriculture et de la construction. Beaucoup sont en première ligne pour répondre à la pandémie, en particulier en tant que soignantes. Ces groupes de migrants peuvent être plus à risque de transmission en raison de leurs conditions de vie et de travail. Beaucoup peuvent ne pas être en mesure d'accéder aux services essentiels, surtout lorsqu'ils en ont le plus besoin, y compris s'ils sont exposés à la violence et aux abus.

Les migrants en situation irrégulière ou sans papiers vivent également dans la crainte d'être expulsés, ce qui les rend moins susceptibles d'avoir accès à un test de dépistage ou d'être soignés, avec des conséquences pour leur propre santé et celle des autres. Outre la crainte de perdre leur moyen de subsistance s'ils se révèlent positifs, les travailleurs migrants sont également plus susceptibles d'être victimes d'exploitation et d'abus, notamment par des écarts salariaux encore plus grands, ce qui accroît la discrimination existante dans certaines professions.

Nous appelons les États à respecter leurs engagements internationaux au titre de la Convention relative aux droits de l'enfant, des normes internationales du travail relatives à la promotion du travail décent, de l'égalité des sexes et de la migration équitable du travail, et de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Les États devraient reconnaître que les migrants sont un élément essentiel de la réponse à la pandémie et prendre des mesures ciblées pour protéger les femmes, les hommes, les filles et les garçons, y compris ceux qui se trouvent dans des situations de vulnérabilité. Ils doivent mettre en place des mesures pour assurer l'accès aux services essentiels pour tous, favoriser le dialogue entre les migrants et les communautés de destination ainsi que les communautés d'origine pour lutter contre la xénophobie, la discrimination ou la stigmatisation des migrants.

Les arrestations de migrants sans papiers ne devraient jamais faire partie des mesures de confinement et, dans le cas d'enfants, elles contreviennent à l'intérêt supérieur de l'enfant. Les enfants et les jeunes, y compris les enfants migrants, ont apporté de précieuses idées et une sensibilité aux besoins et aux défis de la réponse à la COVID-19.

Bien que le virus ne fasse pas de discrimination, son impact social et économique n'est certainement pas égal pour tous. Les plus vulnérables qui ne bénéficient pas d'une mesure de protection sociale ni d'un accès rapide aux soins de santé et aux services essentiels, subissent de manière disproportionnée les conséquences plus graves de la pandémie.

Par conséquent, la réponse immédiate et les mesures de relance à long terme doivent répondre aux besoins et défis particuliers des travailleurs migrants, en particulier des femmes et des enfants. C'est le moment de la solidarité et de l'humanité quels que soient la nationalité, le statut migratoire, le sexe ou l'âge. Plus que jamais, les sociétés ont la responsabilité commune de mettre fin à la pandémie par la réussite. Personne ne doit être laissé pour compte - peu importe qui il est, où il se trouve ou quel statut juridique il a.

Comme l'a souligné le secrétaire général des Nations unies dans un appel à ce sujet, élevons-nous contre la haine, traitons autrui avec dignité et battons la COVID-19 ensemble.

Jeremy Douglas, représentant régional de l'ONUDC pour l'Asie du Sud-Est et le Pacifique

Karin Hulshof, directrice régionale de l'UNICEF Asie de l'Est et Pacifique

Nenette Motus, directrice régionale de l'OIM pour l'Asie et le Pacifique

Mohammad Naciri, directeur régional d'ONU Femmes pour l'Asie et le Pacifique

Tomoko Nishimoto, sous-directeur général du BIT et directeur régional pour l'Asie et le Pacifique

(Traduit de l'anglais par LML)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 40 - 13 juin 2020

Lien de l'article:
Appel conjoint d'agences de l'ONU à éliminer la stigmatisation et la discrimination des travailleurs migrants et de leurs enfants pendant une pandémie


    

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