Numéro 8 - 2 mars 2019
Des sujets
de
préoccupation pour le corps politique
Le besoin de
renouveau démocratique
pour pouvoir tenir les gouvernements responsables
Ingérence politique
dans
l'affaire SNC-Lavalin
• Audiences
du Comité permanent de la justice et des droits de la
personne:
la signification du témoignage de Michael Wernick
- Barbara Biley -
• La
corruption du gouvernement Trudeau selon les normes
établies par
la Convention de l'ONU contre la corruption
- Diane Johnston -
• Cet
imbroglio n'a rien à voir avec la protection des
emplois
- Louis Lang -
• SNC-Lavalin
et la Commission Charbonneau
- Pierre Chénier
-
• Le
prétexte pour faire des partis politiques des appendices
de
l'État
- Geneviève Royer
-
• Comment le
système juridique traite les infractions
criminelles de SNC-Lavalin
La presse du Parti sur le
scandale
des commandites
• La grande illusion des
élections
libres et équitables
au Canada s'écroule
- LML,
22 avril 2005 -
• La
Commission Gomery
• Ce que
signifiait « imputabilité » pour le
gouvernement
Harper
Des sujets de préoccupation
pour
le corps politique
LML publie cette semaine des opinions et des
commentaires sur l'ingérence politique du gouvernement
Trudeau
dans une affaire devant les tribunaux concernant le géant
de
l'ingénierie SNC-Lavalin. Compte tenu de la
désinformation faite par les milieux officiels au sein et
en
dehors du gouvernement, il est important que les
Canadiens aient une perspective sur ce scandale qui les aide
à
comprendre la profondeur de la crise dans laquelle se trouvent
les
pouvoirs en place. La crise est causée par des
arrangements
étatiques qui visent à bénéficier
à
des intérêts privés étroits au nom
d'idéaux élevés. Le désespoir du
premier
ministre Trudeau à secourir SNC-Lavalin est
palpable. Il montre la pression que des intérêts
privés étroits peuvent exercer sur les
gouvernements pour
atteindre leurs objectifs, mais aussi à quel point le
parti au
pouvoir et les hommes de main de l'État, tel que le
greffier du
Conseil privé, se mettent en quatre pour défendre
ces
intérêts.
Dans cette affaire, le témoignage de
l'ancienne
procureure générale, Jody Wilson-Raybould, reconnue
pour
son intégrité dans l'acquittement de ses
responsabilités, révèle la nature des
manoeuvres
ourdies dans les couloirs du pouvoir, à l'insu du peuple.
Si la
procureure générale ne pouvait pas être
convaincue
d'accepter d'intervenir dans cette
affaire, elle devait au moins, selon le bureau du premier
ministre,
accepter de trouver une issue pour le gouvernement. Elle devait
obtenir
un « avis extérieur » autre que le sien, et
l'entourage du premier ministre organiserait la publication
d'éditoriaux dans la presse pour bâtir la
crédibilité de cet avis « extérieur
».
Tout le monde est éclaboussé
par ces révélations. D'anciens juges de la Cour
suprême sont maintenant vus comme des fonctionnaires dont
les
services sont à vendre, comme Frank Iacobucci qui a
été embauché par SNC-Lavalin pour
défendre
sa cause, échapper aux accusations criminelles et
continuer de
se qualifier pour des contrats gouvernementaux. Et le pire est
que tout
cela est légal ! En fait, le gouvernement soutient que ce
qui a
été fait est peut-être «
inapproprié
», mais pas illégal. Et étant donné
que de
nombreux emplois sont en jeu, ce n'est peut-être pas
si inapproprié après tout. En fait, selon le
discours
officiel, cette ingérence était carrément
«
appropriée » et donc « légitime »
!
Wilson-Raybould a dit que c'est l'argument qu'a
défendu
le greffier du Conseil privé Michael Wernick lors d'un
appel
téléphonique le 18 décembre 2018. Il lui
aurait
dit que « [le premier ministre] veut pouvoir dire qu'il a
tout
essayé dans la boîte à outils légitime
». Quant à Katie Telford, chef de cabinet de
Trudeau, et
à Gerald Butts, secrétaire
principal qui a récemment démissionné,
Wilson-Raybould a raconté qu'eux aussi voulaient ce type
de
« solution » et il a cité à cet effet
une
transcription de leur conversation avec sa chef de cabinet,
Jessica
Prince. Butts lui aurait dit : « Jess, il n'y a pas de
solution
ici en dehors d'une ingérence » et Telford aurait
dit :
« Nous ne voulons plus
débattre de légalité. » Cette «
caractérisation » des conversations sera sans doute
contestée par Gerald Butts lorsqu'il témoignera
devant le
Comité de la justice le 6 mars.
Les faits confirmés dans les articles de
ce
numéro du LML parlent d'eux-mêmes.
L'acquisition
d'Énergie Atomique du Canada limitée par
SNC-Lavalin sous
le gouvernement Harper montre que la prétention de se
soucier
des emplois est une fraude. Les millions de dollars
dépensés pour corrompre des fonctionnaires pour
obtenir
des
contrats au Canada, notamment pour la réfection du pont
Champlain, pour la construction du mégahôpital de
McGill
et pour la conception d'un train de banlieue, tous à
Montréal, n'avaient pas pour objectif de créer des
emplois. Chaque fois que SNC-Lavalin parvient à faire
rejeter
des accusations graves par les tribunaux, les médias, avec
tous
leurs pouvoirs d'enquête, se taisent. Ils
préfèrent
laisser entendre que la Libye sous Kadhafi était un
bas-fond de
corruption, mais qu'au Canada nous avons un État de droit.
Les
cas de corruption exposés au Canada seraient des
aberrations,
pas la règle.
Rien n'est plus faux !
L'affaire
SNC-Lavalin montre comment fonctionnent ce que la police
politique
appelle les institutions démocratiques libérales au
Canada, comment elles servent à payer les riches. La chose
est
portée
à notre attention aujourd'hui non pas parce que tout cela
est
soudain et nouveau, mais tout simplement parce que l'ancienne
procureure générale a
refusé de
jouer le jeu. Le cas actuel de SNC-Lavalin montre comment les
choses
fonctionnent au Canada. Les millions de dollars de pots-de-vin,
le
pouvoir des gouvernements, le pouvoir de l'État et le
pouvoir
sur les tribunaux — tout est là sous nos yeux.
Les Canadiens ne peuvent manquer de voir par
ailleurs
que
pendant que le gouvernement Trudeau apporte des modifications
à
la Loi électorale et institue une nouvelle loi sur la
sécurité nationale visant à restreindre
«
l'influence étrangère » dans les
élections
canadiennes sous prétexte de ne pas compromettre «
les
institutions démocratiques libérales
» du Canada, l'affaire SNC-Lavalin montre à quel
point
l'ingérence des gouvernements compromet ces mêmes
«
institutions démocratiques libérales ». Ce
sont des
entreprises comme SNC-Lavalin, quel que soit le gouvernement au
pouvoir et leurs hommes de main au sein de l'État qui,
avec
leur corruption et leur comportement dommageable,
subvertissent ce que la police politique appelle les institutions
démocratiques libérales du Canada. Qu'y a-t-il de
démocratique dans tout cela ?
L'affaire SNC Lavalin montre que des personnes
qui
occupent des postes privilégiés au sein du corps
politique ont le droit de violer la loi, de commettre des actes
qu'ils
savent illégaux et de le faire en toute impunité.
Même quand ils se font prendre, les gouvernements et la
minorité riche qu'ils protègent peuvent changer les
lois
pour se
donner une impunité entière.
Le témoignage de Michael Wernick est une
violation de son rôle de greffier du Conseil privé.
Il
tente de passer à l'offensive en parlant
d'ingérence
étrangère dans les prochaines élections et
d'une
« vague montante d'incitations à la violence »
pour
extirper le premier ministre, son bureau et le
Conseil privé lui-même du gâchis dans lequel
ils se
trouvent. Ainsi, plutôt que de condamner le rôle du
privilège, tout est fait pour légitimer le recours
accru
aux pouvoirs de police. Plus les choses vont, plus le
gouvernement est
exposé comme n'ayant aucune justification morale pour ses
stratagèmes pour payer les riches au nom de grands
idéaux.
Nous publions également des articles de la
presse du Parti qui rappellent le scandale des commandites de
1995,
à l'époque du gouvernement libéral de Jean
Chrétien. Trop désireux de faire échec au
référendum sur la souveraineté du
Québec et
de rester au pouvoir, le Parti libéral s'est
embourbé
dans la corruption. Tous les partis à la Chambre des
communes l'ont rejoint dans son « mouvement pour
l'unité
canadienne » en violation des lois électorales du
Québec.
La Commission d'enquête sur le programme de commandites et
les
activités publicitaires présidée par le juge
John
Gomery a
révélé l'étendue des pratiques de
corruption et les libéraux ont été
chassés
du pouvoir. Avant de quitter, les libéraux ont
prétendu
répondre au scandale des commandites en instituant des
limites
sur les contributions des sociétés aux partis
politiques
et aux candidats, disant que cela allait mettre fin à
«
l'influence indue de l'argent ». Les conservateurs de
Stephen
Harper sont allés plus loin et ont interdit les
contributions
des sociétés. Rien de cela n'allait changer le
caractère essentiellement corrompu
du gouvernement de parti au Canada. Sous le gouvernement
moralisateur
de Stephen Harper, la corruption s'est répandue davantage
et
maintenant elle atteint de nouveaux sommets sous le gouvernement
des
« voies ensoleillées » de Justin Trudeau.
L'important dans tout cela est de voir que, comme
avec
le scandale des commandites et ensuite la corruption du
gouvernement
Harper, il ne s'agit pas de fautes commises par certains
individus qui
doivent être punis, mais ne le sont jamais. Ces scandales
à répétition sont l'expression d'un
problème fondamental : dans ce système
appelé
démocratie représentative basé sur ce qu'on
appelle le gouvernement responsable, le peuple est
dépourvu de
tout moyen d'obliger ceux qui sont au pouvoir à rendre des
comptes.
Le spectacle auquel nous assistons aujourd'hui
montre
comment tout ce monde, - le premier ministre et son personnel,
les
hommes
de main de l'État passés et
présents, les chefs des autres partis à la Chambre
des
communes et de l'opposition officielle, d'anciens juges de la
Cour
suprême et les médias à la disposition du
maintien
du pouvoir d'intérêts privés étroits
sur le
corps politique -, tout ce monde agit d'une façon
coordonnée. Tous
détournent l'attention de la
nécessité de trouver une solution au fait que le
peuple
est dépourvu des moyens d'obliger les gouvernements
à
rendre
des comptes.
Les libéraux disent qu'il ne s'agit que
d'interprétations différentes des
événements et des propos tenus, tandis que
l'opposition
se querelle à savoir s'il faut des accusations au criminel
ou
une commission d'enquête. Tous cherchent à cacher
que
c'est le système de démocratie
représentative et
le processus électoral construit sur cette base qui sont
en crise et qu'un renouveau est devenu nécessaire. S'il
faut
parler de légitimité, c'est la
légitimité
du processus qui porte au pouvoir des gouvernements de parti sur
lesquels le peuple n'exerce aucun contrôle qui est remise
en
cause par les développements actuels.
Le Canada prêche contre la corruption dans
les
pays dits « du tiers monde ». Il consacre d'immenses
sommes
d'argent à former des étrangers à faire les
choses
« dans la légalité ». Dans le cas du
Venezuela, sous prétexte de fournir une aide humanitaire
et de
s'opposer au gouvernement et au président
prétendument
corrompus, le gouvernement
du Canada soutient même un coup d'État sanglant et
poursuit une politique d'apaisement face aux plans des
États-Unis
d'envahir ce pays. La ministre des Affaires
étrangères,
Chrystia Freeland, joue le rôle de grand chevalier blanc de
l'État de droit et de la démocratie et du juge de
ce qui
est « légitime » dans les autres pays. Mais
cette
affaire de
SNC-Lavalin montre que la corruption au Canada est sans
égale.
La différence est qu'au Canada tout est «
légal
». Les tentatives de présenter la corruption du
Canada
comme « légale » sont méprisables et
condamnables, mais on dira néanmoins que cela est
nécessaire et donc « légitime ».
La position du Parti marxiste-léniniste du
Canada (PMLC) lors du scandale des commandites d`il y a plus de
vingt
ans, présentée dans ce numéro de LML,
est
particulièrement appropriée dans la situation
actuelle :
« Aujourd'hui, pendant que s'intensifient
l'offensive antisociale et l'effort pour engager le Canada dans
les
guerres agressives menées par l'impérialisme
américain, le fait que le peuple est incapable de tenir le
gouvernement responsable est un problème plus criant que
jamais
et il devient urgent d'y apporter une solution. Tant que les
Canadiens
ne participent pas à l'établissement de l'ordre du
jour
du gouvernement et qu'ils sont au contraire à la merci des
priorités décidées par le gouvernement, les
partis
politiques et les médias, le principe de la
responsabilité échappera au corps politique. Qui
détient le pouvoir politique ? Où réside le
pouvoir décisionnel ? Voilà les questions
importantes
qui ressortent de cette affaire. L'exercice du pouvoir est
constitué d'une multitude d'éléments, mais
le
tranchant de la lutte du peuple pour exercer le pouvoir est la
construction des organisations par lesquelles se placer en
position
d'influence en prenant position à la défense de ses
droits et, de là, ouvrir la voie au progrès de la
société et faire
avancer la cause de la paix et des droits humains. C'est la seule
façon de conjurer les dangers que font planer sur la
société ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui. Le
programme du PMLC est d'encourager les travailleurs à
devenir
des politiciens ouvriers et que les politiciens ouvriers et les
représentants du peuple élisent et se fassent
élire pour
former une Opposition ouvrière au parlement. L'Opposition
ouvrière pourra aller plus loin et former un gouvernement
antiguerre qui répondra aux besoins du peuple au pays et
à l'étranger. »
Ingérence politique dans
l'affaire
SNC-Lavalin
- Barbara Biley -
Le Comité permanent de la justice et des
droits
de la personne de
la Chambre des communes a entendu des témoins cette
semaine dans
le
cadre de ses audiences publiques sur « l'étude des
accords
de
réparation, la doctrine Shawcross et les discussions entre
le
Bureau du procureur général et des collègues
du
gouvernement
». Le 21 février,
le comité a entendu le procureur général
David
Lametti, la
sous-ministre de la Justice et sous-procureure
générale
du Canada,
Nathalie Drouin, et le greffier du Conseil privé, Michael
Wernick. Le
27 février, le comité a entendu l'ex-procureure
générale du Canada,
Jody Wilson-Raybould. [1]
Entre autres
témoins, le Comité doit entendre l'ancien
conseiller
principal du
premier ministre Justin Trudeau, Gerald Butts, le 6 mars. Butts a
démissionné de son poste le 18 février et a
dit,
dans sa lettre de
démission, qu'il ne voulait pas « faire obstacle au
travail essentiel
qu'effectuent le premier ministre et son bureau au nom de tous
les
Canadiens ».
Les audiences ont comme objectif de traiter des
préoccupations
concernant les accusations de tentatives, de la part du Bureau du
premier ministre, d'influencer les procédures criminelles
contre
SNC-Lavalin. Les accusations ont d'abord été
révélées dans un article
de Robert Fife dans le numéro du 7 février du
Globe
and Mail dans
lequel
l'auteur a prétendu, « sources » à
l'appui,
que des membres du Bureau
du premier ministre ont exercé des « pressions
» sur
la procureure
générale Jody Wilson-Raybould pour qu'elle use de
son
autorité pour
amener la directrice des poursuites pénales à
renverser
sa décision et
accorder un accord de réparation à
SNC-Lavalin.[2]
Un accord de réparation aurait suspendu les accusations
criminelles
auxquelles la compagnie fait face. SNC-Lavalin a fait appel de la
décision.
Ce que révèle le
témoignage de
Michael Wernick
M. Wernick a choisi de faire des remarques
préliminaires
avant de donner son témoignage qui ont scandalisé
le pays
de plusieurs
façons, par la manière entre autres dont il a
utilisé les audiences
comme une tribune pour présenter des opinions personnelles
incendiaires et défensives qui sont contraires à la
perception populaire de l'impartialité qui sied à
un haut
fonctionnaire.[3]
Il semble que les opinions présentées par Wernick
avaient
comme
objectif d'intimider tout individu et toute force politique au
pays qui
ose remettre en question le statu quo et exprime
une opinion contraire à celle de l'élite dirigeante
représentée actuellement par le gouvernement
Trudeau. Il
a
débuté sa
présentation en disant : « Beaucoup de choses ont
été dites et écrites
depuis quelques semaines et je pense qu'il y a un certain nombre
de
choses qui ont besoin de clarification. Je suis
profondément
préoccupé
par mon pays
en ce moment, par sa politique et par l'orientation qu'il prend.
Je
suis préoccupé par l'ingérence
étrangère lors de la prochaine élection
et nous travaillons très fort là-dessus. Je
m'inquiète de la montée des
incitations à la violence, lorsque les gens utilisent
ouvertement des
termes comme 'trahison' et 'traître' dans le discours
public. Ce
sont
des mots
qui mènent à l'assassinat. J'ai peur que quelqu'un
se
fasse abattre
dans ce pays, cette année, pendant la campagne
électorale. »
Wernick a ensuite fait référence
aux
remarques du sénateur
conservateur Michael Tkachuk lors d'une manifestation
pro-oléoducs sur
la colline du Parlement. Selon les journaux, le sénateur a
dit
que « je
sais que vous avez roulé jusqu'ici, et je vous demande de
faire
encore
une chose : je veux que vous renversiez tous les libéraux
qui
restent
dans le pays. Une fois qu'on en sera débarrassé, on
se
sera débarrassé
également de ces lois. » Il faisait
référence à deux projets de loi que
le Parlement étudie en ce moment et il est clair qu'en
demandant
de «
renverser tous les libéraux qui restent dans le pays
», il
demandait
aux électeurs de défaire les libéraux
à
l'élection fédérale en octobre.
Wernick, cependant, a dit ceci : « Je pense que c'est
totalement
inacceptable qu'un membre du Parlement canadien incite les gens
à
lancer leurs camions sur des Canadiens comme cela s'est produit
à
Toronto l'été dernier. C'est totalement
inacceptable et
j'espère que
vous, les parlementaires, allez condamner cela. »
Accuser le sénateur Tkachuk d'appeler
à
une attaque semblable à
l'attaque au camion à Toronto dans laquelle 10 personnes
ont
été tuées
et 16 blessées avilit le discours politique au Canada.
Cela
alimente
aussi le raisonnement que donne le gouvernement Trudeau pour
placer la
police responsable des élections et de décider ce
qui est
un discours
légitime ou non.
Après avoir évoqué le
spectre
d'assassinats et d'autres violences, affirmé que les
réputations de gens honorables «
sont ternies et
traînées sur la place publique », et
parlé du
« vomitoire des médias
sociaux qui pénètre l'arène des
médias
ouverts », il a dit : « Surtout,
je crains que les gens perdent confiance dans les institutions de
gouvernance
de ce pays, et c'est pourquoi ces procédures sont si
importantes. » Il
a ensuite cherché à rassurer les Canadiens sur le
fait
qu'ils n'avaient
rien à craindre de l'État de droit dans notre pays,
car
tout ce qui a
été fait était légal.
Faut-il comprendre que, puisqu'il s'agit d'un
fonctionnaire
expérimenté dont l'une des principales
qualifications est
de ne pas
s'engager dans la politique partisane, le comité qui
conduit les
audiences devrait tirer la même conclusion, que tout est
légal et
irréprochable ? Wernick a affirmé avec force que
tout
fonctionne bien,
« le procureur est
indépendant », « la Loi sur le lobbying a
fonctionné comme
prévu », « le commissaire à
l'éthique
a lancé son propre processus », «
les protections ont tenu le coup », la preuve que le
gouvernement
n'est
pas « mou face au crime d'entreprise » est que
«
l'entreprise n'a pas
obtenu ce qu'elle voulait - manifestement, car elle demande un
examen judiciaire ».
Quel objectif visait cette
présentation
?
Wernick a fait de son mieux pour
présenter ses actions
comme étant légales, de même que celles des
autres
personnes
qu'il est chargé
de protéger de l'examen public. En fait, il faut
considérer son
témoignage comme une préparation de ce qui est
à
venir. Non sans
raison, il a ouvertement confondu ce qui est légal avec ce
qui
est
présenté
comme étant « légitime » pour des
raisons de
sécurité nationale, de
création d'emplois ou de considération humanitaire,
etc.
Les violations
les plus flagrantes des principes fondamentaux qui
régissent la
règle
de droit aux niveaux national et international sont
acceptées au
nom
d'une cause qui est censée rendre les actions «
légitimes ».
Ses
préoccupations
personnelles pour son pays ont servi à sonner
l'alarme et à créer un climat de peur et de
suspicion
face à des
acteurs étrangers et entre les Canadiens, notamment dans
le
contexte
des élections fédérales, pour justifier
l'augmentation des pouvoirs de
police. C'est le modus operandi par lequel on prépare le
terrain
pour
justifier
la criminalisation de la dissidence et réduire au silence
tous
ceux qui
sapent la « confiance du peuple dans les institutions de
gouvernement
de ce pays ». C'est précisément ce que la
police
politique soulève
lorsqu'elle instruit les partis politiques sur ce qui est «
une
opinion
légitime » et ce qui ne l'est pas. Toute opinion
contraire
à la
position
officielle de l'État est considérée comme
«
illégitime ». Cela va dans
le sens des mesures prises pour élargir le rôle des
agences de
renseignement de l'État lors des élections et des
tentatives qui visent
à imposer les opinions politiques qui sont officiellement
sanctionnées.
En fin de compte, il semble que Michael Wernick a
accompli l'ultime
geste chevaleresque médiéval de se frapper de sa
propre
épée parce
qu'il se considère comme le fonctionnaire accompli qui
doit
défendre la
personne d'État en ces temps troubles. À un moment
où la corruption
sans indécente et les manigances pour payer les riches par
les
gouvernements successifs ont brisé la « confiance
dans les
institutions
de gouvernance », le greffier du Conseil privé est
venu dire à
la nation est tout cela est « légal » et,
chose
plus importante
encore, « légitime » en raison de
l'idéal
élevé de la sauvegarde des
emplois, et il n'y a rien que vous puissiez
faire. À
un
moment où le corps politique remet en cause les «
institutions de
gouvernance » précisément parce qu'elles sont
un
instrument au service
des riches, les serviteurs de l'État canadien se
mobilisent pour
défendre cette pratique. Dans les corridors du pouvoir,
des lois
peuvent être introduites qui rendent légal tout ce
que les
riches
demandent pendant
que la coterie gouvernementale, les plus hauts fonctionnaires,
les
anciens juges de la Cour suprême et les médias
discutent
de leur mérite
en se faisant eux-mêmes les décideurs de ce
qui est «
légitime » et « ce qui ne l'est pas
».
Notes
1. L'ex-procureure générale Jody Wilson-Raybould a
pu
témoigner grâce à un décret
ministériel qui se lit comme suit :
« Sur recommandation du premier ministre,
Son
Excellence
le gouverneur général en conseil, pour les
audiences
devant le Comité
permanent de la justice et des droits de la personne et l'examen
par le
commissaire aux conflits d'intérêts et à
l'éthique :
« a) autorise l'honorable Jody
Wilson-Raybould,
l'ancien procureur
général, et toute personne ayant participé
directement aux discussions
avec elle concernant l'exercice des pouvoirs qui lui sont
conférés par
la Loi sur le directeur des poursuites pénales relativement
à
la
poursuite
contre
SNC-Lavalin,
à
divulguer
au Comité
permanent de
la justice et des droits de la personne et au commissaire aux
conflits
d'intérêts et à l'éthique tout
renseignement
confidentiel du Conseil
privé de la Reine pour le Canada contenu dans les
informations
ou
communications qui ont fait l'objet de discussions directes avec
elle
relativement à l'exercice de ces pouvoirs alors qu'elle
occupait
ce
poste ;
« b) s'agissant de la divulgation au
Comité
permanent de la justice
et des droits de la personne et au commissaire aux conflits
d'intérêts
et à l'éthique par l'ancien procureur
général, et par toute personne
ayant participé directement aux discussions avec elle,
renonce,
dans la
mesure où ils s'appliquent, au privilège des
communications entre
client et avocat et à tout autre devoir de
confidentialité pertinent
envers le gouvernement du Canada à l'égard des
informations ou
communications concernant l'exercice des pouvoirs
conférés au procureur
général par la Loi sur le directeur des
poursuites
pénales qui ont fait l'objet de discussions directes
avec
l'ancien procureur général
relativement à la poursuite contre SNC-Lavalin, alors
qu'elle
occupait ce poste.
« Toutefois, pour préserver
l'intégrité de toute procédure civile ou
pénale, cette autorisation et cette renonciation ne
s'appliquent
pas
aux informations et communications concernant SNC-Lavalin qui ont
été
échangées entre l'ancien procureur
général
et le directeur des
poursuites pénales. »
La transcription officielle du témoignage
de Jody
Wilson-Raybould
n'est pas encore disponible en français, mais on peut la
voir
par
vidéo
avec traduction simultanée ici. Pour la version anglaise
voir TMLW 2 mars 2019.
2. On lit dans un document d'information
intitulé « Accords et arrêtés de
réparation pour remédier au crime
d'entreprise » que les accords de réparation peuvent
être utilisés par
les poursuivants qui « pourraient utiliser cet outil
à
leur discrétion
pour traiter des crimes économiques précis s'ils
considèrent que son
utilisation est dans l'intérêt public et qu'il est
approprié dans les
circonstances ». Le document poursuit : « Un accord
de
réparation
constituerait un accord volontaire entre un poursuivant et une
organisation accusée d'avoir commis une infraction. Les
accords
fixeraient une date de clôture et devraient être
présentés à un juge
pour son approbation.
[...] Tant qu'un accord serait en vigueur, toute poursuite
criminelle
pour une infraction visée par l'accord serait suspendue.
Si
l'organisation accusée se conformait aux conditions
énoncées dans
l'accord, le poursuivant demanderait à un juge de rendre
une
ordonnance
de réussite à l'expiration de l'accord. S'il est
convaincu que
l'organisation a
respecté les conditions de l'accord, le juge pourrait
alors
suspendre
les accusations et aucune condamnation criminelle n'en
résulterait. Si
l'organisation ne les a pas respectées, le juge pourrait
approuver la
résiliation de l'accord, les accusations pourraient
être
rétablies et
les organisations accusées pourraient alors être
poursuivies et
éventuellement
condamnées. »
En considérant l'admissibilité d'une
entreprise à un accord de
réparation, « dans le cas où l'infraction
imputée à l'organisation est
une infraction visée aux articles 3 ou 4 de la Loi sur
la
corruption d'agents publics étrangers,
le poursuivant ne doit pas prendre en compte les
considérations
d'intérêt économique national, les effets
possibles
sur les relations avec un État autre que le Canada ou
l'identité des
organisations ou individus en cause. » Autrement dit, parmi
les
raisons
qui peuvent être données pour offrir un accord de
réparation, l'avenir
de la compagnie n'est pas une option juridique possible.
3. Le site Web du Conseil privé du
gouvernement
du Canada
indique que le rôle du greffier « consiste à
conseiller le premier
ministre et les représentants élus du gouvernement
pour
assurer la
gouvernance du pays. À cet égard, il s'acquitte de
ses
responsabilités
de façon objective et non partisane, et en tenant compte
des
politiques
publiques. Il assure également la gestion efficace de la
fonction
publique fédérale du Canada et que celle-ci
respecte un
code de valeurs
et d'éthique dans l'élaboration de services et de
programmes de haute
qualité destinés aux Canadiens et à leurs
familles. »
- Diane Johnston -
Le premier ministre Justin Trudeau, des membres
de son
gouvernement, ainsi que des fonctionnaires tels que le greffier
du
Conseil privé, Michael Wernick, se donnent beaucoup de mal
pour
nous assurer que rien d'illégal n'a été fait
dans
les relations entre SNC-Lavalin et le gouvernement
fédéral. Même l'ancienne procureure
générale, Jody
Wilson-Raybould, a dit que ce dont elle a été
témoin
est inapproprié, mais non illégal. Plusieurs
commentateurs
et experts ont fait remarquer que c'est là que
réside le
véritable scandale : toutes les manoeuvres pour atteindre
leurs
fins
se font de manière légale !
Des définitions sont données de ce
qui
constitue la corruption, de ce qui est légal et de ce qui
est
correct, le tout confondu avec ce qui est légitime et ce
qui ne
l'est pas. En fait, le coeur de l'affaire est
précisément
qui définit quoi.
En fait, le problème
est dans les définitions de ce qui constitue être de
la
corruption,
de ce qui est
légal et de ce qui est approprié et, qui plus est,
qui
les définit. Les normes établies par l'ONU font la
distinction entre la « grande » corruption
(politique) et
la « petite » corruption (bureaucratique). Cette
affaire de
SNC-Lavalin illustre sans doute les deux, mais elle montre
surtout que
le Canada est corrompu parce qu'au Canada la corruption est
définie par ceux qui cherchent à légitimer
leurs
actions au nom de motifs supérieurs tels que «
l'intérêt national », « la
création
d'emplois », « l'aide humanitaire », « la
liberté » et « la démocratie
».
La stratégie du gouvernement pour se
démarquer de la corruption, qui est de faire un amalgame
entre
ce qui est légal et ce qui est « légitime
»,
ne tient pas compte d'un élément crucial du
régime
de droit international enchâssé dans la Convention des
Nations unies contre la corruption signée par le
Canada le
21 mai 2005, et ratifiée le
2 octobre 2007.
L'article 13 de la Convention des Nations
unies
contre la corruption, intitulé « Participation
de la
société », énonce :
« Chaque
État
Partie prend des mesures appropriées, dans la limite de
ses
moyens et conformément aux principes fondamentaux de son
droit
interne, pour favoriser la participation active de personnes et
de
groupes n'appartenant pas au secteur public, tels que la
société civile, les organisations non
gouvernementales et
les communautés de
personnes, à la prévention de la corruption et
à
la lutte contre ce phénomène, ainsi que pour mieux
sensibiliser le public à l'existence, aux causes et
à la
gravité de la corruption et à la menace que
celle-ci
représente. Cette participation devrait être
renforcée par des mesures consistant notamment à
:
a) accroître la
transparence des processus de décision et promouvoir la
participation du public à ces processus. »
Dans un document intitulé Corruption
Definitions and Concepts, Inge Amundsen identifie les
principales
formes de corruption, à savoir le versement de
pots-de-vin, le
détournement de fonds, la fraude et l'extorsion.[1] Il écrit :
« Le rôle décisif de
l'État
se reflète dans la plupart des définitions de la
corruption. La corruption est généralement
considérée comme le comportement privé de
recherche de la richesse d'une personne qui représente
l'État et l'autorité publique. Il s'agit d'un
détournement des biens publics par des fonctionnaires,
pour des
gains privés. La
Banque mondiale a défini la corruption comme un abus de
pouvoir
public au profit d'un avantage privé. Une autre
description
largement utilisée est que la corruption est une
transaction
entre des acteurs des secteurs privé et public par le
biais de
laquelle des biens collectifs sont convertis
illégitimement en
bénéfices privés. (Heidenheimer et
al. 1993 : 6) »
Amundsen cite Mushtaq Kahn qui définit la
corruption comme « un comportement qui s'écarte des
règles de conduite formelles régissant les actes
d'une
personne en position d'autorité publique en raison de
motivations privées telles que la richesse, le pouvoir ou
le
statut (Kahn 1996 : 12) ».
Amundsen fait la distinction entre la corruption
politique et la corruption bureaucratique (« grande »
versus « petite »). La corruption politique se
produit
lorsque les décideurs politiques utilisent le pouvoir
politique
dont ils disposent pour maintenir leur pouvoir, leur statut et
leur
richesse. C'est à ce moment-là que la formulation
des
politiques
et la législation sont conçues pour profiter aux
hommes
politiques et aux législateurs.
Il écrit que « la corruption
politique
suppose la manipulation des institutions politiques et des
règles de procédure et, par conséquent,
fausse les
institutions du gouvernement. La corruption politique est un
écart par rapport aux valeurs et aux principes rationnels
et
légaux de l'État moderne et conduit à un
déclin institutionnel. Le problème
fondamental de la corruption politique est le manque de
volonté
politique d'y faire face : les détenteurs du pouvoir ne
souhaitent pas changer un système dont ils sont les
principaux
profiteurs. »[2]
C'est
précisément ce qui se produit dans le cas de
SNC-Lavalin.
Le 17 décembre 1997, le Canada a
également signé la Convention sur la lutte
contre la
corruption d'agents publics étrangers dans les
transactions
commerciales internationales de l'Organisation de
coopération et de développement économiques
(Convention de l'OCDE). En 1998, le Parlement a adopté
la Loi
sur la corruption
d'agents publics étrangers (LCAPE) afin de mettre en
oeuvre
dans la législation canadienne les obligations du Canada
en
vertu de la Convention de l'OCDE.
Le but de la Convention de l'OCDE serait de
mettre un
terme
aux pots-de-vin et d'éliminer la corruption en tant
qu'obstacle non tarifaire au commerce, et créer ainsi des
conditions de concurrence équitables pour le commerce
international.
En juin 2013, le Parlement a modifié la
LCAPE
afin d'augmenter les peines maximales prévues pour les
individus
condamnés, de créer une nouvelle infraction
criminelle
liée aux livres comptables et d'élargir le champ de
compétences en fonction de la nationalité. En
outre,
l'amendement de 2013 prévoyait qu'à une date
ultérieure, le
gouvernement supprimerait l'exception relative aux
facilités de
paiement. Les paiements de facilitation sont ceux versés
à des agents publics étrangers pour garantir ou
accélérer l'exécution d'actes de nature
courante
qui relèvent de la compétence de l'agent.
L'abrogation
est entrée en vigueur le 31 octobre 2017 et de tels
paiements
sont désormais
inclus dans les infractions de corruption transnationale
énumérées dans la LCAPE.
Un examen de cette convention par le gouvernement
du
Canada mentionne ceci :
« Aucun pays n'est entièrement
exempt de
corruption. Mais lorsque la corruption prend des proportions
telles
qu'elle risque de freiner la croissance économique et de
contrarier les efforts accomplis en vue d'instaurer une bonne
gouvernance, elle entraîne la
dégénérescence
générale du tissu social. Obstacle au
développement durable, la
corruption peut éventuellement aggraver les
disparités
économiques et favoriser la criminalité
organisée.
En fait, si la corruption se développe sans entrave, la
démocratie peut difficilement s'épanouir, la
liberté se répandre, la justice
prévaloir.
« Depuis quelques années, les
efforts
accomplis à l'échelle internationale pour combattre
la
corruption, encourager la transparence et accroître la
responsabilité prennent de l'ampleur, parce que l'on
comprend
mieux le coût politique, économique et social de la
corruption. En conséquence, des victoires importantes ont
été remportées. Le Canada
appuie fermement la lutte internationale contre la corruption
parce que
celle-ci est à la fois un obstacle à la bonne
gouvernance, un problème de criminalité et une
entrave au
développement économique, social et politique.
»[3]
L'exemple de la façon dont le gouvernement
du
Canada a traité l'affaire SNC-Lavalin ne corrobore
certainement
pas ces affirmations. Mis à part tout le reste, cette
affaire a
mis en lumière le fait que le gouvernement Trudeau avait
introduit subrepticement un accord de réparation dans le
mégaprojet de loi budgétaire qui permet au
procureur
en chef du Canada de surseoir aux accusations criminelles
auxquelles
une entreprise est confrontée. Cela se fait sous
prétexte
de grands idéaux et parce que le Royaume-Uni et certains
autres
pays le font.
Le Canada s'est placé dans une myriade
d'organismes internationaux en tant que grand défenseur
contre
la corruption. Cependant, les agissements du gouvernement
Trudeau, non
seulement vis-à-vis de SNC-Lavalin, mais également
dans
tous les dossiers dans lesquels il avait promis de rendre
justice, ont
irrémédiablement terni la prétention du
Canada de faire respecter l'État de droit. Pour tenter de
réparer les pots cassés, en plus de
démontrer
qu'il n'a rien fait d'illégal, il va essayer de
démontrer
que ce qu'il a fait n'était pas inapproprié, car
c'est un
usage légitime des pouvoirs liés aux
prérogatives.
Ce qui est légitime, qui est légitime et qui
décide sont devenus les principaux sujets de
préoccupation pour le corps politique dans cette affaire
sordide.
Notes
1. Inge Amundsen est un politicologue qui
s'intéresse à l'institutionnalisation
démocratique, à l'économie politique, aux
parlements, aux partis politiques, à la corruption
politique et
aux ressources naturelles. Il identifie les principales formes de
corruption comme étant l'échange de pots-de-vin, le
détournement de fonds, la fraude et
l'extorsion.
2. Amundsen, Inge, Corruption : Definitions
and
Concepts, Draft, 17 janvier 2000, chaire d'études de
l'institut Michelsen sur le développement et les droits de
la
personne. Les citations sont traduites de l'anglais par LML.
3. Définition
du
mot
«
corruption
»
par
le
gouvernement
du Canada.
- Louis Lang -
Grève en juillet 2012 de 800 scientifiques,
ingénieurs et
technologues
du nucléaire
chez Candu Energy, filiale à part entière de
SNC-Lavalin
inc., créée en 2011 après
l'acquisition de la division des réacteurs
commerciaux d'Énergie atomique du Canada limitée
auprès du gouvernement du
Canada
SNC-Lavalin affirme qu'elle devrait être
admissible à un accord de réparation plutôt
que
d'être poursuivie au criminel parce que, selon elle, les
accusations de corruption qui pèsent contre elle sont sans
fondement et concernent des « actes
répréhensibles
allégués commis par d'anciens employés qui
ont
quitté la compagnie depuis longtemps ».
L'argument principal qui est cependant donné pour
défendre SNC-Lavalin est que, si elle est
déclarée
coupable, elle ne pourra pas faire de soumission sur des contrats
gouvernementaux pendant dix ans. Ceux qui défendent la
position
du gouvernement Trudeau prétendent que cela mettrait en
péril des dizaines de milliers de bons emplois.
Si l'on considère cette question seulement
à partir du point de vue de savoir si SNC-Lavalin et ses
lobbyistes et les initiés du gouvernement ont commis des
actes
criminels, on cache complètement le rapport entre les
gouvernements,
libéraux comme conservateurs, et les intérêts
privés qu'ils ont voulu protéger aux dépens
d'un
contrôle public d'importants secteurs de l'économie.
Leur
prétention de protéger SNC-Lavalin pour la
préservation de « bons emplois » est un
mensonge
parce que, en donnant préséance à
SNC-Lavalin
pendant des décennies, des milliers d'emplois dont on
avait
besoin pour la construction et l'exploitation d'ouvrages
d'infrastructure ont été
systématiquement remis à des intérêts
privés.
Un exemple flagrant est la destruction
d'Énergie
atomique du Canada limitée (EACL), une
société
d'État fondée en 1952 et dont le mandat
était de
développer la technologie de l'énergie
nucléaire.
EACL a développé la technologie du réacteur
CANDU
dans les années 1950 et est demeurée,
jusqu'à sa
vente à SNC-Lavalin en 2011, le vendeur
de la technologie du CANDU qu'elle a exportée à
l'échelle mondiale. Des années 1960 jusqu'aux
années 2000, EACL a construit des centrales CANDU en Inde,
en
République de Corée, en Argentine, en Roumanie et
en
République
populaire de Chine.
En juin 2011, EACL a été vendue
à
SNC-Lavalin pour la somme de 15 millions $. Non seulement
SNC-Lavalin
a-t-elle payé une fraction seulement de la valeur d'EACL,
dans
ce
que plusieurs experts ont qualifié de vente de feu, mais
le
gouvernement a aussi donné 75 millions de dollars à
SNC-Lavalin pour compléter le développement d'un
nouveau réacteur appelé CANDU 6 avancé.
Lorsque la
vente a été conclue, les gains annuels d'EACL
étaient d'environ 500 millions $. Même en ne tenant
pas
compte des actifs considérables qui ont été
accumulés par EACL, nier qu'il s'agissait d'un cadeau du
gouvernement Harper à SNC-Lavalin est le comble de
l'hypocrisie.
Les syndicats qui représentaient les
travailleurs d'EACL se sont fermement opposés à ce
geste
précisément parce qu'il causait la perte de
milliers
d'emplois, non seulement à la société
d'État, mais chez ses fournisseurs. Le
vice-président de
la Société des ingénieurs professionnels et
associés, Michael Ivanco, avait dit à ce
moment-là
que la
vente allait produire une entreprise « vidée de
l'intérieur » et des pertes possibles de milliers
d'autres
emplois parmi les fournisseurs de la société.
« Cela peut contribuer à un exode des cerveaux tel
qu'on
n'en a pas vu depuis l'Avro Arrow, alors que des
ingénieurs, des
scientifiques et d'autres employés vont réexaminer
leur
carrière à long terme
avec la compagnie, avait-il déclaré. Nous sommes
renversés et outrés que le gouvernement Harper ait
effectué cette vente derrière des portes closes
sans que
le public ou le Parlement canadien aient leur mot à dire.
Ils
ont imposé cette vente par le biais de la
législation
budgétaire qui a donné au cabinet, et non au
Parlement,
le droit de prendre cette
décision et nous en voyons aujourd'hui les
résultats.
» Le syndicat a aussi souligné que près de
800
emplois seraient mis en péril par la prise de
contrôle par
SNC-Lavalin.
Il est bien connu que plusieurs réacteurs
construits par EACL avaient besoin d'une remise à neuf
à
ce moment-là. Le gouvernement Harper a saisi l'occasion
pour
détruire EACL et soutirer l'industrie nucléaire au
contrôle public, à la suite de quoi SNC-Lavalin a
signé des contrats de milliards de dollars pour remettre
à neuf des réacteurs au Canada
et dans plusieurs pays. Une fraude est une fraude, qu'elle soit
légale ou non.
Des scientifiques du nucléaire tiennent un
piquet d'information pour défendre l'expertise
nucléaire
du Canada
contre la privatisation, Laboratoires de Chalk River, 9 septembre
2014.
Dans son numéro du 24 janvier 2014, le Marxiste-Léniniste
écrit :
« La privatisation d'EACL est
néfaste pour
l'économie nationale aujourd'hui et elle le sera à
l'avenir. Elle a mené à la perte de près
d'un
millier d'emplois et à la perte possible de milliers
d'emplois
plus tard. Elle a fait en sorte qu'une technologie des plus
névralgiques — le développement
sécuritaire
d'énergie nucléaire — a été
exclue du
domaine public et remise entre les mains d'une entreprise
monopoliste
qui tirera avantage des besoins de toute la société
pour
l'énergie électrique. L'énergie
nucléaire a
évidemment des répercussions sur la santé,
la
sécurité et le bien-être de tous les
Canadiens et
ne doit jamais être confiée au domaine privé
d'une
entreprise monopoliste dont le seul
intérêt est de maximiser ses profits. Le
gouvernement
Harper n'a pas non plus tenu compte des accusations dans
lesquelles
SNC-Lavalin est embourbée — accusations de
pots-de-vin à
des fonctionnaires, d'inconduite, de corruption et de
subordination
liés à des projets au Canada et ailleurs dans le
monde.
»
Le démantèlement d'EACL a
été accompli entièrement par des mesures
légales, notamment grâce à des changements
législatifs qui ont permis au Canada de dire qu'il
respecte la
règle de droit. Le gouvernement Trudeau poursuit cette
politique
de destruction du contrôle public de la construction et de
l'exploitation des ouvrages d'infrastructure
publique, qui demeure la considération première
dans ces
décisions et certainement pas celle de la «
protection des
emplois
».
- Pierre Chénier -
La tourmente actuelle autour de la corruption de
SNC-Lavalin nous rappelle que ce sont les travailleurs du
Québec
et
du Canada qui font les frais de la corruption des grandes
entreprises
et de l'État.
On a encore fraîchement à l'esprit
le cas
de SNC-Lavalin et de la Commission Charbonneau. Cette commission
a
été mise sur pied en 2011 par le gouvernement
libéral de Jean Charest, après des années de
refus
de mettre sur la place publique la question de la corruption des
grandes entreprises de construction et d'ingénierie en
lien avec
le
financement des partis politiques. Le mandat officiel de la
Commission
Charbonneau était d'éradiquer la collusion et la
corruption dans l'octroi des contrats publics dans la
construction, de
révéler les liens possibles entre cette corruption
et le
financement des partis politiques et l'infiltration possible de
l'industrie de la construction par le crime
organisé.
Les activités de corruption de
SNC-Lavalin, la
plus grande entreprise d'ingénierie et de gestion de la
construction au Canada, ont été au centre de la
Commission Charbonneau. Deux aspects en particulier ont
été relevés par cette enquête.
Le premier est le financement illégal par
SNC-Lavalin de partis politiques municipaux (Union
Montréal) et
québécois (le Parti libéral surtout, mais
aussi le
Parti québécois) en échange de contrats de
la
ville de Montréal et de ministères du gouvernement
du
Québec. La loi interdit aux entreprises (aux syndicats
aussi) de
contribuer
financièrement aux partis politiques au Québec.
Toutes sortes de tactiques illégales ont
été utilisées par la société
pour
contourner cela, notamment celle des prête-noms en vertu de
laquelle des dizaines de ses cadres ont signé des
chèques
personnels aux partis alors que l'argent provenait en
réalité de la société
elle-même.
La société remboursait ses cadres
en
bonis de fin d'année. La Commission a évalué
que
de 1998 à 2010, c'est plus de 1 million de dollars qui ont
été versés illégalement par
SNC-Lavalin aux
deux principaux partis politiques québécois
d'alors. Il a
également été révélé
lors des
audiences que SNC-Lavalin a illégalement fourni 200 000 $
au
parti Union Montréal pour l'aider à remporter
l'élection municipale de Montréal de 2005. La
société l'a fait en payant une fausse facture
d'Union
Montréal et en versant de l'argent liquide au collecteur
de
fonds du parti montréalais. Tout cela a été
fait
sous prétexte que c'était « le prix à
payer
pour faire des affaires » et que SNC-Lavalin devait
demeurer dans le « marché » des contrats
publics.
Document compilé par la Commission Charbonneau qui montre
l'argent que SNC-Lavalin aurait remis aux partis politiques
Le deuxième cas est le scandale du Centre
universitaire
de santé McGill (CUSM). La Commission a
révélé le stratagème par lequel
SNC-Lavalin
a versé 22,5 millions de dollars en pots-de-vin à
deux
hauts
responsables du CUSM afin de rafler le contrat de 1,34 milliard
de
dollars pour
la construction en partenariat public-privé du nouvel
hôpital universitaire en
2010. Les montants illégaux ont été
versés
aux deux hauts responsables du centre de santé par le
biais de
fausses entreprises mises sur pied par eux. Un des deux hauts
responsables était Arthur Porter qui, par une merveilleuse
coïncidence, a été nommé
président du
Comité de surveillance des activités de
renseignement de
sécurité par le premier
ministre Stephen Harper, également en 2010. L'affaire du
CUSM a
été qualifiée aux audiences de plus grande
fraude
de corruption de l'histoire du Canada. À noter que toutes
les
soi-disant règles d'éthique entourant l'octroi en
PPP des
projets d'infrastructure publique n'ont pas empêché
cette
fraude.
SNC-Lavalin n'a pas été
radiée des
sociétés privées qui peuvent faire des
soumissions
pour des projets d'infrastructure publique et on n'a pas saisi
l'occasion pour réévaluer les projets en
partenariat
public-privé qui se prêtent naturellement à
la
fraude de corruption entre les grands intérêts
privés et leurs représentants politiques. À
noter
aussi
que SNC-Lavalin, qui a obtenu notamment le contrat de
construction du
nouveau pont Champlain, est reconnue pour ses attaques contre la
santé et à la sécurité des
travailleurs de
la construction et, par extension, du public. Les travailleurs de
la
construction ont dû mener une lutte de tous les instants
contre
les violations par la société des normes de
sécurité, notamment en ce qui concerne les
opérations de levage. Le gouvernement a fermé les
yeux
face à ces activités. Il s'agissait d'un cas
évident de corruption et de collusion entre SNC-Lavalin et
l'État, mais la Commission Charbonneau n'a pas
considéré que faire enquête sur ces
activités faisait partie de son mandat.
Les travailleurs attaqués au nom de la
lutte
à la corruption
Yves Ouellette, le directeur général de la
FTQ-Construction à ce
moment-là, a dénoncé les calomnies de la
Commission Charbonneau
dépeignant les luttes des travailleurs comme de
l'intimidation
et de la
corruption. L'intention de cette accusation était de
détourner l'attention des véritables responsables
de la
corruption et du véritable crime organisé : pas les
travailleurs, mais les gouvernements et les grandes entreprises
de la
construction.
Dans son évaluation des
événements
sur lesquels elle s'est penchée, la Commission Charbonneau
a
étendu le concept de corruption et de crime
organisé aux
collectifs de travailleurs et de leurs organisations
alliées qui
mènent des actions concertées de défense des
droits des travailleurs, lesquelles mènent parfois
à la
perturbation des activités sur les chantiers. La
Commission a
même insinué que ces actions étaient
semblables
à des activités mafieuses. La Commission a fait
cette
affirmation sans même examiner l'objectif et les raisons
pour
lesquels les travailleurs organisés ont posé ces
gestes,
la cause qu'ils
défendaient et le résultat qu'ils cherchaient
à
obtenir par ces actions. Le concept de « corruption »
a
été assimilé à une entrave au
soi-disant
libre marché, au droit des entreprises d'opérer les
chantiers comme bon leur semble, à la recherche du profit
privé, même si la santé et la
sécurité des travailleurs et du public sont
menacées. Dans son
volumineux rapport, il n'y a pas une seule page qui fait
état de
la collusion entre le gouvernement en tant qu'autorité
publique
et des entreprises comme SNC-Lavalin en ce qui a trait à
la
violation des droits des travailleurs et aux atteintes à
leur
santé et sécurité.
Au contraire, les travailleurs et leurs
organisations
de défense sont considérés comme une source
de
corruption et d'activités semblables au crime
organisé,
que la Commission appelle collusion entre travailleurs et
intimidation.
C'est pourquoi, dans ses recommandations, la
Commission
Charbonneau a recommandé une modification à la Loi sur les
relations du travail, la formation professionnelle et la gestion
de la
main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction (Loi
R-20)
afin de
soumettre à de fortes amendes quiconque use d'intimidation
« susceptible » de provoquer
une entrave, un ralentissement ou un arrêt des
activités
sur un chantier, ou d'imposer une décision à un
employeur. L'ancienne formulation de la loi disait « dans
le but
de provoquer ». Non seulement la Commission Charbonneau
recommandait-elle de fortes amendes, mais que tout
représentant
syndical qui est déclaré coupable d'infraction
à
ces
clauses de la loi se voit interdire de représenter les
travailleurs pendant cinq ans. Le gouvernement du Québec
n'a
été que trop heureux de mettre en oeuvre cette
recommandation.
C'est une des façons par lesquelles les
travailleurs et leurs organisations font les frais des
activités
de corruption entre les grandes entreprises et l'État.
- Geneviève Royer -
Lors de la Commission Charbonneau, le financement
illégal de partis politiques par SNC-Lavalin a fait
l'objet de
longues interventions. Chaque détail a été
examiné par la Commission, qui a
révélé
l'ampleur de ce financement illégal. Par contre, aucun
représentant de SNC-Lavalin et des autres entreprises n'a
été poursuivi pour ce
financement illégal des partis au Québec, et aucun
des
partis visés ou de leurs candidats qui avaient
accepté ou
sollicité ces dons illégaux n'a été
poursuivi ou ne s'est vu interdire d'être candidat à
une
élection.
Le financement illégal des partis
politiques au
Québec a plutôt été utilisé
pour
resserrer encore plus le contrôle de l'État sur les
partis
politiques pour en faire des appendices de l'État.
Le 10 juin 2016, l'Assemblée nationale a
adopté à l'unanimité le projet de loi 101, Loi
donnant suite aux recommandations de la Commission Charbonneau en
matière de financement politique. Cette loi
prétend
s'adresser au grave problème de corruption du
système de
partis révélée par la
Commission Charbonneau. Elle
prétend le faire en établissant des
mécanismes par
lesquels les citoyens peuvent tenir les élus responsables
et
redevables.
Or, c'est tout le contraire qui est fait. La
«
lutte à la corruption » exprimée par cette
loi
soumet les activités des partis politiques au
contrôle de
l'État et donne des pouvoirs policiers au Directeur
général des élections du Québec
(DGEQ), lui
permettant de s'ingérer dans les affaires de ces
organisations,
de rendre la vie plus difficile aux partis
politiques, surtout aux partis émergents, et
d'institutionnaliser l'intimidation de ceux qui veulent
participer
à la vie politique.
En guise d'exemple, au nom de « contrer le
faux
bénévolat », la loi a ajouté des
mesures de
contrôle par lesquelles les partis
doivent garantir que le travail bénévole est fait
sans
compensation ni contrepartie. Dorénavant, les
représentants officiels, les
délégués, les
agents officiels et les adjoints doivent suivre une formation sur
les
règles de
financement préparée par le DGEQ dans un
délai
prescrit. Au nom de l'imputabilité, les rapports
financiers et
les rapports des dépenses doivent être signés
par
le chef du parti, le candidat, le député ou, le cas
échéant, le plus haut responsable
désigné
par l'instance autorisée de parti et accompagnés
d'une
déclaration concernant les règles relatives au
financement et aux dépenses électorales. La loi
prévoit une infraction pénale pour un
électeur qui
fait une fausse déclaration au sujet d'un prêt ou
d'un
cautionnement et confère à cette infraction le
caractère de manoeuvre électorale frauduleuse. Dans
le
cadre de cette législation, les mesures de
harcèlement
des donateurs se sont accrues, parfois
même avec des visites à leur domicile, ce qui est
très intimidant pour les personnes ordinaires qui veulent
participer aux affaires politiques. La Commission Charbonneau
avait
même recommandé que le donateur doive indiquer sur
sa
fiche de contribution le nom de son employeur, une mesure des
plus
intimidantes. Le gouvernement avait incorporé
cette mesure dans son projet de loi, puis l'avait retirée
face
à l'opposition des électeurs. Ce sont des mesures
de
police qui n'ont rien à voir avec l'engagement des
électeurs dans la politique, selon leur conscience, pour
résoudre les problèmes de la société
en
faveur du peuple.
Faire des partis politiques des appendices de
l'État ne résout pas le problème de la
corruption
qui se produit aux plus hautes instances, où les
intérêts mondiaux privés usurpent le pouvoir
d'État et les gouvernements. L'élite dirigeante
corrompt tous les
organes du pouvoir de l'État et les institutions
gouvernementales, de sorte qu'il ne reste que les
pouvoirs de police. Ce n'est que la lutte des
travailleurs et du peuple pour le renouveau démocratique
des
institutions en investissant le peuple du pouvoir de
décider,
qui peut éliminer la corruption.
Alors que ce sont les travailleurs qui font les
frais
de la corruption des entreprises et de l'État, notamment
les
travailleurs de la construction et leurs syndicats, SNC-Lavalin
et ses
hauts dirigeants s'en tirent à très bon compte
devant les
tribunaux lorsqu'ils font face à des chefs
d'accusation.
Le cas le plus connu
est
celui de Pierre Duhaime qui était le président de
SNC-Lavalin au moment du scandale de corruption du Centre
universitaire
de santé McGill (CUSM). Dans ce scandale, SNC-Lavalin a
versé 22,5 millions $ en pots-de-vin aux deux principaux
responsables du CUSM afin de rafler le contrat de 1,34 milliard $
pour
la
construction en partenariat public-privé du nouvel
hôpital
universitaire en 2010. Les montants illégaux ont
été versés à ces deux dirigeants du
CUSM
par le biais de fausses entreprises mises sur pied par eux. Lors
de la
Commission Charbonneau, ce scandale a été
qualifié
de plus grande fraude de corruption de l'histoire du Canada.
Quinze accusations ont originalement
été
portées
contre l'ancien président de SNC-Lavalin par le Directeur
des
poursuites criminelles et pénales du Québec, dont
des
accusations de fraude et de corruption. Le 1er février, en
plein
dans l'imbroglio SNC-Lavalin, Duhaime a accepté une
entente hors
cour par laquelle 14 des accusations ont été
abandonnées.
Il a plaidé coupable à une accusation d'abus de
confiance pour n'être pas intervenu lorsqu'il a vu qu'un
acte
criminel était commis, à savoir aider
l'ex-directeur
général adjoint du CUSM à truquer l'appel
d'offres
afin que ce soit SNC-Lavalin qui remporte le contrat plutôt
qu'un
consortium concurrent. C'est ce trucage illégal de l'appel
d'offres qui a été fait en échange du
paiement des
pots-de-vin aux deux plus hauts responsables du CUSM.
Pierre Duhaime n'a pas été
condamné à la prison, mais a été
assigné à résidence dans sa luxueuse maison,
avec
des conditions d'assignation de plus en plus souples au fil des
20
mois, et à un an de probation. Il devra aussi faire 240
heures
de travaux communautaires et verser un don de 200 000 $ au Centre
d'aide aux victimes d'actes
criminels.
En juillet 2018, toujours relativement au
scandale de
corruption du CUSM, l'ex-vice-président de la division
construction de SNC-Lavalin, Riadh Ben Aissa, a été
déclaré coupable d'une accusation réduite
d'usage
de faux documents alors que quinze autres chefs d'accusation
portés contre lui ont aussi été
abandonnés.
Il a été condamné à une
peine de 51 mois de prison. Il n'en a servi qu'une
journée,
parce que le tribunal a incorporé dans la détention
celle
qu'il avait déjà passée en Suisse pour un
cas de
corruption différent, un cas de pot-de-vin versé
à des officiels libyens au cours des années
2000.
Toujours en juillet, le contrôleur
financier de
SNC-Lavalin, Stéphane Roy, a été
acquitté
de deux chefs d'accusation dans cette affaire, fraude et
utilisation de
faux documents, après que la poursuite ait simplement
annoncé qu'elle ne présenterait pas de preuve
contre lui.
En février 2019, un ancien dirigeant de
SNC-Lavalin, Sami Abdellah Bebawi, et son avocat, Constantine
Kyres,
ont obtenu un arrêt des procédures alors qu'ils
étaient accusés d'avoir tenté de corrompre
un
témoin, le même Riadh Ben Aissa, pour qu'il change
son
témoignage, moyennant rémunération, au sujet
des
gestes reprochés à
SNC-Lavalin en Libye. Les procédures ont été
arrêtées en vertu de l'arrêt Jordan de la Cour
suprême du Canada, rendu en 2016, selon lequel la
durée
des procédures judiciaires ne doit pas excéder deux
ans
et demi en Cour supérieure, sauf dans des circonstances
exceptionnelles. Les deux hommes avaient été
accusés de cet acte de corruption en
2014.
En novembre 2018, un autre ancien
vice-président
de SNC-Lavalin, Normand Morin, a plaidé coupable à
deux
chefs d'accusation sur cinq relatifs à un
stratagème de
contributions illégales organisé par SNC-Lavalin
à
deux partis politiques fédéraux, le Parti
libéral
et le Parti conservateur, entre 2004 et 2011. SNC-Lavalin a
utilisé un stratagème
de « prête-nom » par lequel les employés
donnaient de l'argent aux partis, mais étaient
remboursés
par la compagnie. La manoeuvre frauduleuse a rapporté
environ
117 000 $ à ces deux partis. La Couronne a
abandonné les
trois accusations restantes. Morin a été
condamné
à une amende de 2 000 $. Comme l'ex-cadre de SNC-Lavalin,
qui
dit
avoir
été un bouc émissaire dans cette affaire, a
plaidé coupable avant procès et qu'il était
le
seul accusé dans cette affaire, les autres ayant
échappé à toute poursuite au moyen d'un
accord
conclu avec Élections Canada en 2016, la poursuite
s'est arrêtée là et on ne saura jamais
quelles
circonscriptions, quels candidats ou candidats à la
chefferie
ont reçu des
dons de SNC-Lavalin. Sa reconnaissance de culpabilité
conclut
l'enquête du commissaire aux élections
fédérales sur SNC-Lavalin. La firme
d'ingénierie a
reconnu avoir trempé dans cette affaire de contributions
illégales, mais elle s'en est tirée à bon
compte,
sans pénalités, dans le cadre de son entente de
transaction conclue en 2016 avec Élections
Canada. Les montants reçus illégalement ont
été remis aux autorités
fédérales
par les formations politiques concernées.
SNC-Lavalin a toujours prétendu que les
actes de
corruption sont le fait d'individus isolés qui ne font
plus
partie de l'organisation. Les faits révèlent au
contraire
une corruption systémique, impliquant les
représentants
de l'État et du gouvernement et les tribunaux, qui
comprend des
poursuites peu rigoureuses, l'abandon d'accusations et des
sentences
légères.
La
presse du
Parti sur le scandale des
commandites
- Le Marxiste-Léniniste, 22
avril
2005 -
« Tout au long de 2005, l'attention du
Parlement, des médias et de la nation était
rivée
sur l'enquête Gomery sur ce qui est devenu le «
scandale
des commandites ». En mai, le scandale a presque
mené
à la défaite du gouvernement libéral
minoritaire
par un vote de censure sur le budget. En novembre, lorsque le
premier
rapport Gomery a
été publié, l'opposition parlementaire
s'était regroupée pour forcer le gouvernement
libéral minoritaire à déclencher une
élection générale. Le 23 janvier 2006, les
résultats des élections et la défaite du
Parti
libéral démontraient comment les électeurs
avaient perçu le scandale.
« Avant l'arrivée de l'affaire
à
la une des journaux au début de 2004, le programme de
parrainage
du gouvernement fédéral fonctionnait sans bruit
depuis
l'an 1994, mais pas de façon totalement anonyme. Face
à
l'intensification de la couverture médiatique et à
deux
rapports critiques de la vérificatrice
générale,
le programme est vite devenu
l'un des scandales politiques les plus importants de l'histoire
du
Canada. Ses tentacules agrippaient le Cabinet du premier ministre
et le
Parti libéral, deux anciens premiers ministres, des
ministres de
la Couronne, des agences de publicité
québécoises
et le juge Gomery. Pendant son enquête par la Commission
Gomery,
le programme a fait l'objet
d'une enquête de la GRC et de poursuites pénales
pour
fraude. » - Kirsten Kozolanka, Canadian Journal of
Communication
***
C'est un Paul Martin battu qui s'est
adressé aux
Canadiennes et Canadiens hier soir pour leur demander de croire
qu'il
est un homme honorable. Il a dit vouloir assumer la
responsabilité du scandale des commandites, mais dans son
vocabulaire cela veut dire se distancer des « actes
répréhensibles » révélés
par
la Commission Gomery et déclarer
son intention de punir ceux qui y sont mêlés. Ce
n'est pas
« une simple affaire de mots », dit-il, rappelant que
la
première chose qu'il a faite en devenant chef du Parti
libéral, et de facto premier ministre du Canada, fut
d'annuler
le programme des commandites et de fermer ce qui s'appelait
« le
bureau d'information ». Il voudrait qu'on oublie ce
que son ministre des Finances, Ralph Goodale, a dit à ce
moment-là : « Je crois que nous en sommes venus
à
la conclusion que [le programme des commandites] ne sert plus son
objectif [« has oulived its usefulness »] et
qu'il
est temps de passer à autre chose. »
Paul Martin veut prouver qu'il est un homme
honorable,
alors il rappelle que c'est lui qui a établi la Commission
Gomery et qui a démis Alfonso Gagliano comme ambassadeur
du
Canada au Danemark. Il explique même à son auditoire
qu'il
ne saurait jamais ternir la réputation du parlement, lui
qui a
fait ses dents de lait dans son enceinte
dans les bras de son père.
Même si l'on oublie un instant que Jean
Chrétien a dit la même chose pour couvrir ses traces
dans
le scandale qu'il a créé, il est difficile
d'imaginer que
des gens, du moins ceux qui ne sont pas naïfs politiquement,
acceptent de croire que Paul Martin assume sa
responsabilité.
Son adresse télévisée est
généralement perçue comme une tentative
de sauver les apparences, mais M. Martin continue de croire qu'il
est
en train de sauver les meubles. Cet aveuglement face à la
réalité va sans doute lui coûter sa
carrière
politique, tôt ou tard.
Loin d'être en train de sauver les meubles,
tout
le monde sait que le pire reste à venir - la divulgation
des
noms des « avocats, comptables, relationnistes »
auxquels a
fait référence Benoît Corbeil, ancien
directeur
général du Parti libéral du Canada au
Québec, sans parler des avocats « qui, depuis, ont
été nommés juges, soit sous le
gouvernement de Jean Chrétien, soit par Paul Martin
». Ces
gens vont tous maudire la consanguinité de la caste
politique
canadienne et l'effet d'entraînement que peut avoir la
divulgation de secrets dans ce petit monde.
Et les problèmes de Paul Martin et du
Parti
libéral ne s'arrêtent pas là, semble-t-il.
Comment
réagira Élections Canada quand l'ampleur de la
corruption
de son système d'« élections libres et
équitables » sera finalement exposée ?
Appliquera-t-il la loi à la lettre, c'est-à-dire
bannir
à vie les candidats du Parti libéral au
Québec de
la fonction
élective ? Tous ceux qui ont été élus
au
Québec en 2000 perdront-ils leur droit de participer
à
des élections ? Quand on sait qu'un simple candidat
indépendant qui ne remet pas ses états financiers
à temps a droit au pire châtiment, quelle sanction
la loi
réserve-t-elle au Parti libéral qui use de la
fraude pour
ne pas déclarer son financement électoral
? Corbeil avoue dans son entrevue dans la presse : « ...les
gens
qui venaient des bureaux de ministres voulaient être
payés
en comptant, j'ai pris l'argent, pas déclaré, bien
sûr. »
Et qu'adviendra-t-il du 1,75 $ par vote que les
libéraux ont obtenu de l'État suite à la
réforme de la loi sur le financement électoral par
Jean
Chrétien ? Le Parti libéral remboursera-t-il tout
cet
argent au trésor public, en plus de tout l'argent des
commandites que le Bloc québécois demande qu'on
mette
immédiatement en fiducie en attentant
les conclusions de la Commission Gomery ?
Les révélations de la Commission
Gomery
permettent de croire que le Parti libéral, bien
malgré
lui, aura fait plus que tout autre pour détruire la grande
illusion d'élections libres et équitables au
Canada.
La Commission Gomery a été
créée le 9 février 2004 par le cabinet
fédéral de Paul Martin. Son mandat était le
suivant :
a) de faire enquête et de faire rapport sur
les
questions soulevées, directement ou indirectement, par
[le]
Rapport de la vérificatrice générale du
Canada
à la Chambre des communes, novembre 2003, concernant le
programme de commandites et les activités publicitaires du
gouvernement du Canada, notamment :
i) la création du programme de
commandites, ii)
la sélection d'agences de communication et de
publicité,
iii) la gestion du programme iv) la réception et l'usage
de
fonds ou de commissions octroyés à l'égard
du
programme v) toute autre question directement liée au
programme
que le commissaire juge utile à l'accomplissement de son
mandat.
Parlant des illusions créées
à
propos de la Commission Gomery, le PMLC écrivait :
« [...] le scandale des commandites a
permis de
révéler un peu plus le problème fondamental
: le
système de démocratie représentative
dominé
par les partis, les lois électorales conçues
spécifiquement pour permettre seulement l'élection
de
partis politiques et pour enlever tout pouvoir réel au
peuple.
Le résultat de la commission sera donc de
parler d'allégations de malversations de fonds publics par
un
certain parti politique pour financer sa campagne
électorale,
mais en détachant tout cela du système politique
comme
tel, système dans lequel le peuple est traité comme
une
simple masse votante. Ni la Commission Gomery, ni le
Comité des
comptes publics ne vont aborder cette question
fondamentale. »[1]
On a bien vu que cet aspect fondamental du
scandale des
commandites a été complètement ignoré
par
la Commission Gomery et le gouvernement. En fait, ni la
Commission
Gomery ni le gouvernement Harper ne s'intéresse à
la
responsabilité politique. La Commission Gomery situe le
problème de responsabilité dans le domaine
administratif
en général (définition des
responsabilités)
et plus spécifiquement dans l'ingérence partisane
dans
l'administration des programmes et, dans une certaine mesure,
dans les
mécanismes censés tenir le gouvernement
responsable,
comme les comités parlementaires.
Le problème de l'ingérence
partisane est
attribué à certains individus qui se conduisent
mal.
Là-dessus, comme sur d'autres aspects identifiés,
on
propose des mesures administratives pour régler le
problème. On présume que ces mesures, si elles sont
correctement appliquées, rétabliront la
responsabilité du gouvernement envers le parlement et
du parlement envers la société.
Dans le préambule de Rétablir
l'imputabilité, le juge Gomery brosse un tableau du
fonctionnement de la responsabilité du parlement dans la
démocratie canadienne.[2]
Dans les grandes lignes, il dit ceci :
« Le principe de la suprématie du
Parlement veut que cet organe soit investi du pouvoir d'adopter
des
lois qui donnent des pouvoirs aux ministres et au reste de
l'exécutif, et d'exiger que ceux-ci lui en rendent compte.
»
« C'est par le truchement des lois et du
processus budgétaire que le Parlement confère un
ensemble
de pouvoirs et de ressources au gouvernement, lequel doit lui
rendre
des comptes sur la façon dont il les utilise. »
« Les ministres et la fonction publique
constituent la branche exécutive du gouvernement, qui tire
ses
pouvoirs et son autorité du Parlement. Elle doit rendre
des
comptes au Parlement et, par son intermédiaire, à
la
population canadienne. »
« Le principe de la responsabilité
ministérielle veut que les membres du Cabinet, qui
chapeautent
la branche exécutive à titre individuel et
collectif,
soient investis de la responsabilité
générale et
du pouvoir de gouverner. »
« Le principe de la primauté du
droit
constitue un cadre d'ensemble qui tout à la fois permet et
limite l'action gouvernementale. » Le juge Gomery
écrit :
« Le Parlement est la tribune centrale
où
le gouvernement est directement tenu imputable de ses politiques
et de
son administration. Les ministres doivent collectivement lui
rendre
compte des politiques et des actions ou de l'inaction du
gouvernement,
la sanction ultime venant de la population à l'occasion
des
élections générales.
« Le Parlement tient le gouvernement
imputable de
deux façons. Premièrement, le Cabinet doit lui
rendre des
comptes sur ses politiques, ses réactions aux défis
auxquels est confronté le pays, son administration de la
fonction publique ainsi que la conduite des affaires de
l'État.
Deuxièmement, le Parlement tient le gouvernement imputable
a
posteriori de la façon dont il a utilisé les
pouvoirs et
les ressources qu'il lui a confiés. Cette
imputabilité
porte sur la gestion des affaires publiques, pas sur les
politiques du
gouvernement, et ce sont les responsables de la gestion qui
doivent
l'assurer. »
La position du PMLC
Le PMLC a écrit : « Le
problème
fondamental de cette interprétation est que la conception
de la
responsabilité est détachée du siège
du
pouvoir souverain et des intérêts qu'il est
censé
protéger. Tant qu'on ne répondra pas à la
nécessité historique d'investir des citoyens du
pouvoir
souverain, on ne résoudra pas le problème de la
responsabilité. »
Dans Un pouvoir à partager,
publié en 1993, Hardial Bains, alors dirigeant national du
PMLC,
parle entre autres de la façon dont se pose le
problème
de la responsabilité dans le système de
gouvernement au
Canada.
« [...] il demeure que si les citoyens ne
sont
pas investis du pouvoir souverain et ne disposent pas de
mécanismes leur permettant d'exercer le pouvoir souverain,
ils
ne sont pas libres de choisir ceux qui gouvernent en leur nom.
Les
partis politiques disposent littéralement d'un monopole
exclusif
en cette matière. [...]
« En fait, il n'existe pas de
mécanisme
obligeant les élus ou les gouvernements à rendre
des
comptes à l'électorat. Le seul recours des citoyens
est
d'élire un autre gouvernement aux prochaines
élections.
Il est intéressant de noter que la transparence et
l'obligation
de rendre des comptes ne servent leurs fins que lorsqu'elles
détournent
l'attention publique du fait qu'au bout du compte le gouvernement
domine le processus du début à la fin. Ce sont les
dehors
dans lesquels s'enveloppe le pouvoir exécutif pour cacher
le
fait qu'il est l'unique pouvoir décisionnel.
« Ce sont là autant de moyens
servant
à priver l'électorat de son droit de participer
à
la direction des affaires de la société. [...]
« Les différentes réformes du
processus ont pour effet de transformer ces différentes
juridictions en des pouvoirs absolus. Ceux qui ont accès
au
pouvoir politique ont quand même besoin d'un moyen de
résoudre les contradictions dans leurs rangs et
écarter
le peuple du gouvernement. Le terme démocratie en vient
à
signifier l'emploi d'une
forme démocratique pour atteindre des fins non
démocratiques. La forme démocratique devient un
simple
vestige de la démocratie et de plus en plus synonyme d'une
règle de droit servant à sanctionner le pouvoir des
élites politiques. Pour le justifier, on invoque les
«
précédents », les « traditions »,
les
« institutions changeantes », la «
démocratie
telle que nous la connaissons », etc.
« Il existe un lien entre d'une part le
pouvoir
suprême et son origine et d'autre part le gouvernement et
les
intérêts qu'il sert. Et dans ce rapport, c'est le
pouvoir
suprême qui est dominant. Le processus ou le système
politique facilite l'exécution des désirs du
pouvoir
suprême. Si l'évolution du processus politique se
résume à l'extension du
droit de vote, à la façon dont les voix sont
comptées et à la réforme des
procédures
parlementaires, le pouvoir suprême demeurera hors de la
portée des citoyens. »[3]
Partant de cette analyse, le PMLC a adopté
le
mot d'ordre : Pour nous, la responsabilité commence chez
soi.
C'est la reconnaissance du fait que lorsque la
société
est retenue dans son progrès et que toutes les voies
permettant
de régler ses problèmes sont bloquées, la
classe
ouvrière et le peuple assument eux-mêmes la
responsabilité de changer
la situation.
Aujourd'hui, pendant que s'intensifient
l'offensive
antisociale et l'effort pour engager le Canada dans les guerres
agressives menées par l'impérialisme
américain, le
fait que le peuple est incapable de tenir le gouvernement
responsable
est un problème plus criant que jamais et il devient
urgent d'y
apporter une solution. Tant que les Canadiens
ne participent pas à l'établissement de l'ordre du
jour
du gouvernement et qu'ils sont au contraire à la merci des
priorités décidées par le gouvernement, les
partis
politiques et les médias, le principe de la
responsabilité échappera au corps politique. Qui
détient le pouvoir politique ? Où réside le
pouvoir décisionnel ? Voilà les questions
importantes
qui ressortent de cette affaire. L'exercice du pouvoir est
constitué d'une multitude d'éléments, mais
le
tranchant de la lutte du peuple pour exercer le pouvoir est la
construction des organisations par lesquelles se placer en
position
d'influence en prenant position à la défense de ses
droits et, de là, ouvrir la voie au progrès de la
société et faire
avancer la cause de la paix et des droits humains. C'est la seule
façon de conjurer les dangers que font planer sur la
société ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui. Le
programme du PMLC est d'encourager les travailleurs à
devenir
des politiciens ouvriers et que les politiciens ouvriers et les
représentants du peuple élisent et se fassent
élire pour
former une Opposition ouvrière au parlement. L'Opposition
ouvrière pourra aller plus loin et former un gouvernement
antiguerre qui répondra aux besoins du peuple au pays et
à l'étranger. /// LML 28 septembre 2006
Notes
1. « La grande illusion de la Commission
Gomery
», Parti marxiste-léniniste du Canada, 16 août
2005.
2. Commission d'enquête sur le programme des
commandites et les activités publicitaires, Phase 2 :
Rétablir l'imputabilité : Recommendations,
2006.
3. Bains, Hardial, Un pouvoir
à partage : Une définition moderne du processus
politique
et un plaidoyer pour le renouveau démocratique,
1993, pp.
23-25
La Loi fédérale sur la
responsabilité était la pièce maitresse
de la
campagne électorale du Parti conservateur lors des
élections de 2006. Elle devait assurer la «
responsabilité et le changement » et combattre la
corruption du parti libéral précédemment au
pouvoir. Elle devait être à la fois une
réponse
à l'enquête Gomery et offrir le
moyen de traiter certains aspects du problème qui,
disait-on,
étaient au-delà du mandat de l'enquête
Gomery. La
loi et le Plan d'action étaient, disait-on,
l'équivalent
d'une « législation anticorruption » et
représentaient un « changement de direction »
et un
« nettoyage du gouvernement ».[1]
Lorsqu'il a
présenté le projet de loi, le premier ministre
Stephen
Harper a dit : « Avec la Loi fédérale sur
la
responsabilité, nous créons une nouvelle
culture
d'imputabilité qui changera à tout jamais la
façon
de faire les choses à Ottawa. » John Baird, le
président du Conseil du Trésor qui a proposé
la
législation au nom du
gouvernement, a dit : « La reddition de compte est la
fondation
même du système canadien de gouvernement
responsable. Elle
est essentielle pour rassurer le parlement et les Canadiens que
le
gouvernement du Canada se sert des ressources publiques de
façon
efficiente et efficace, et qu'il rend des comptes pour ses
actions.
»
Quelle était donc cette «
imputabilité » selon le gouvernement ?
Suite aux élections de 2006, le Parti
marxiste-léniniste du Canada (PMLC) a souligné
:
« Nous verrons ce que Stephen Harper entend
par
imputabilité. Il a déjà dit que le premier
geste
de son gouvernement serait d'adopter la Loi sur
l'imputabilité fédérale. De ce que nous
avons
vu jusqu'à présent des gestes et paroles de Harper,
c'est
évident qu'il n'entend pas instituer la
responsabilité
sociale du gouvernement. Sa notion
d'imputabilité est la même que pour Paul Martin. Il
va
sans doute faire adopter de nouvelles règles et
procédures de surveillance, mais rien de cela ne va
s'attaquer
à l'origine de la corruption et du conflit
d'intérêts, ou même identifier correctement ce
qu'est
la corruption et le conflit d'intérêts.
»[2]
La suite a donné raison à cette
prédiction.
Selon le sens de l'imputabilité que l'on
retrouve dans la Loi fédérale de
responsabilité
et dans son Plan d'action, l'imputabilité sera
assurée
par la surveillance — par l'élaboration de
règles pour
repérer les malfaiteurs. Cette définition n'est pas
fondamentalement différente des deux initiatives
précédentes sur l'imputabilité, la
première
prise par le gouvernement libéral sous Jean
Chrétien en
mai 2002, et la deuxième par le gouvernement
libéral de
Paul Martin. Ni l'une ni l'autre de ces initiatives n'a mis fin
à la corruption ni aux conflits
d'intérêts.
Dans l'initiative de mai 2002, il y avait un
programme
d'action de 8 points avec de nouvelles lignes directrices, une
nouvelle
procédure de nomination au poste de conseiller en
éthique, une Loi sur l'enregistrement des
lobbyistes, un
code de conduite pour les députés et les
sénateurs, un plafond des contributions et des
règles
régissant les courses à la chefferie.[3] Une des initiatives propres au
gouvernement de Paul Martin
a été d'ordonner l'enquête du juge
Gomery.
LML avait souligné : « La
conception de la responsabilité des libéraux et
conservateurs, appuyée par tous les partis politiques
présentement à la Chambre des communes, fait appel
à 'des lois plus sévères' et des lignes
directrices plus strictes. Sa portée est purement
administrative
(non politique) et sa conséquence est de criminaliser des
individus, les 'fautifs'. Les critères pour établir
les
fautes ou les méfaits sont imprécis et ont fait
l'objet
de délibérations précipitées. Ils
semblent
très arbitraires. Le PMLC croit que tout le processus et
toutes
les décisions prises en conséquence sapent les
fondements
de ce qu'on appelle le système de gouvernement
responsable.
L'incohérence qui en
résulte pose encore plus de problèmes pour les
partis
politiques eux-mêmes, qui contrôlent le processus,
sans
parler du tort qu'elle fait au corps politique. Ainsi, loin de
résoudre les problèmes de corruption et de conflit
d'intérêts, les querelles inter et intra partisanes
s'intensifient en même temps que la corruption et le
conflit
d'intérêts. Cela mène à
l'approfondissement de la crise du système de gouvernement
de
parti, à la perte de confiance des citoyens dans les
partis
politiques, le parlement et la démocratie et à
l'imposition éhontée d'un ordre du jour
caché,
celui de subordonner de plus en plus l'économie canadienne
à celle des États-Unis des Monopoles
d'Amérique du
Nord et l'État
canadien à l'État américain et
d'entraîner
le Canada dans la quête de domination mondiale de
l'impérialisme américain. »
Notes
1. Le gouvernement Harper avait
présenté
la Loi fédérale sur la responsabilité
au
parlement le 11 avril 2006, juste après l'élection
fédérale qui a porté le gouvernement
minoritaire
de Harper au pouvoir. Bien que la Loi fédérale
sur la
responsabilité fût un projet de loi massif qui
contenait près de 250 pages,
il était peu connu des Canadiens. Cette législation
a
changé plus de 60 textes législatifs et comprenait
plusieurs nouvelles lois, telle la Loi sur les conflits
d'intérêts. Le gouvernement Harper a
élargi la
portée de la Loi sur l'accès à
l'information
pour que celle-ci s'applique à dix-sept nouvelles
organisations,
sept agences et quatre
fondations. Il a déposé les amendements
proposés
par le commissaire à l'information ainsi qu'un document de
travail sur l'accès à l'information. Il l'a
annoncé en même temps que son Plan d'action, qui
comprenait des mesures que le gouvernement pouvait adopter
immédiatement, sans l'approbation du parlement. En tant
que tel,
le Plan d'action a
été mis en oeuvre immédiatement.
2. « Projet de loi C-2, la Loi
fédérale sur la responsabilité,
Mémoire
du Parti marxiste-léniniste du Canada au Comité
permanent
du Sénat sur les Affaires juridiques et
constitutionnelles, 7
septembre 2006 », LML, 8 septembre 2006,
numéro 128
3. « 39e élection
générale,
la signification des résultats », LML, 30
janvier
2006, numéro 4
Lisez Le
Marxiste-Léniniste
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