Le Marxiste-Léniniste

Numéro 8 - 2 mars 2019

Des sujets de préoccupation pour le corps politique

Le besoin de renouveau démocratique
pour pouvoir tenir les gouvernements responsables

Ingérence politique dans l'affaire SNC-Lavalin

Audiences du Comité permanent de la justice et des droits de la personne: la signification du témoignage de Michael Wernick

- Barbara Biley -

La corruption du gouvernement Trudeau selon les normes établies par la Convention de l'ONU contre la corruption

- Diane Johnston -

Cet imbroglio n'a rien à voir avec la protection des emplois

- Louis Lang -

SNC-Lavalin et la Commission Charbonneau

- Pierre Chénier -

Le prétexte pour faire des partis politiques des appendices de l'État

- Geneviève Royer -

Comment le système juridique traite les infractions
criminelles de SNC-Lavalin


La presse du Parti sur le scandale des commandites
La grande illusion des élections libres et équitables
au Canada s'écroule

- LML, 22 avril 2005 -

La Commission Gomery

Ce que signifiait « imputabilité » pour le gouvernement Harper



Des sujets de préoccupation pour le corps politique

Le besoin de renouveau démocratique pour pouvoir tenir les gouvernements responsables

LML publie cette semaine des opinions et des commentaires sur l'ingérence politique du gouvernement Trudeau dans une affaire devant les tribunaux concernant le géant de l'ingénierie SNC-Lavalin. Compte tenu de la désinformation faite par les milieux officiels au sein et en dehors du gouvernement, il est important que les Canadiens aient une perspective sur ce scandale qui les aide à comprendre la profondeur de la crise dans laquelle se trouvent les pouvoirs en place. La crise est causée par des arrangements étatiques qui visent à bénéficier à des intérêts privés étroits au nom d'idéaux élevés. Le désespoir du premier ministre Trudeau à secourir SNC-Lavalin est palpable. Il montre la pression que des intérêts privés étroits peuvent exercer sur les gouvernements pour atteindre leurs objectifs, mais aussi à quel point le parti au pouvoir et les hommes de main de l'État, tel que le greffier du Conseil privé, se mettent en quatre pour défendre ces intérêts.

Dans cette affaire, le témoignage de l'ancienne procureure générale, Jody Wilson-Raybould, reconnue pour son intégrité dans l'acquittement de ses responsabilités, révèle la nature des manoeuvres ourdies dans les couloirs du pouvoir, à l'insu du peuple. Si la procureure générale ne pouvait pas être convaincue d'accepter d'intervenir dans cette affaire, elle devait au moins, selon le bureau du premier ministre, accepter de trouver une issue pour le gouvernement. Elle devait obtenir un « avis extérieur » autre que le sien, et l'entourage du premier ministre organiserait la publication d'éditoriaux dans la presse pour bâtir la crédibilité de cet avis « extérieur ». Tout le monde est éclaboussé par ces révélations. D'anciens juges de la Cour suprême sont maintenant vus comme des fonctionnaires dont les services sont à vendre, comme Frank Iacobucci qui a été embauché par SNC-Lavalin pour défendre sa cause, échapper aux accusations criminelles et continuer de se qualifier pour des contrats gouvernementaux. Et le pire est que tout cela est légal ! En fait, le gouvernement soutient que ce qui a été fait est peut-être « inapproprié », mais pas illégal. Et étant donné que de nombreux emplois sont en jeu, ce n'est peut-être pas si inapproprié après tout. En fait, selon le discours officiel, cette ingérence était carrément « appropriée » et donc « légitime » !

Wilson-Raybould a dit que c'est l'argument qu'a défendu le greffier du Conseil privé Michael Wernick lors d'un appel téléphonique le 18 décembre 2018. Il lui aurait dit que « [le premier ministre] veut pouvoir dire qu'il a tout essayé dans la boîte à outils légitime ». Quant à Katie Telford, chef de cabinet de Trudeau, et à Gerald Butts, secrétaire principal qui a récemment démissionné, Wilson-Raybould a raconté qu'eux aussi voulaient ce type de « solution » et il a cité à cet effet une transcription de leur conversation avec sa chef de cabinet, Jessica Prince. Butts lui aurait dit : « Jess, il n'y a pas de solution ici en dehors d'une ingérence » et Telford aurait dit : « Nous ne voulons plus débattre de légalité. » Cette « caractérisation » des conversations sera sans doute contestée par Gerald Butts lorsqu'il témoignera devant le Comité de la justice le 6 mars.

Les faits confirmés dans les articles de ce numéro du LML parlent d'eux-mêmes. L'acquisition d'Énergie Atomique du Canada limitée par SNC-Lavalin sous le gouvernement Harper montre que la prétention de se soucier des emplois est une fraude. Les millions de dollars dépensés pour corrompre des fonctionnaires pour obtenir des contrats au Canada, notamment pour la réfection du pont Champlain, pour la construction du mégahôpital de McGill et pour la conception d'un train de banlieue, tous à Montréal, n'avaient pas pour objectif de créer des emplois. Chaque fois que SNC-Lavalin parvient à faire rejeter des accusations graves par les tribunaux, les médias, avec tous leurs pouvoirs d'enquête, se taisent. Ils préfèrent laisser entendre que la Libye sous Kadhafi était un bas-fond de corruption, mais qu'au Canada nous avons un État de droit. Les cas de corruption exposés au Canada seraient des aberrations, pas la règle.

Rien n'est plus faux ! L'affaire SNC-Lavalin montre comment fonctionnent ce que la police politique appelle les institutions démocratiques libérales au Canada, comment elles servent à payer les riches. La chose est portée à notre attention aujourd'hui non pas parce que tout cela est soudain et nouveau, mais tout simplement parce que l'ancienne procureure générale a refusé de jouer le jeu. Le cas actuel de SNC-Lavalin montre comment les choses fonctionnent au Canada. Les millions de dollars de pots-de-vin, le pouvoir des gouvernements, le pouvoir de l'État et le pouvoir sur les tribunaux — tout est là sous nos yeux.

Les Canadiens ne peuvent manquer de voir par ailleurs que pendant que le gouvernement Trudeau apporte des modifications à la Loi électorale et institue une nouvelle loi sur la sécurité nationale visant à restreindre « l'influence étrangère » dans les élections canadiennes sous prétexte de ne pas compromettre « les institutions démocratiques libérales » du Canada, l'affaire SNC-Lavalin montre à quel point l'ingérence des gouvernements compromet ces mêmes « institutions démocratiques libérales ». Ce sont des entreprises comme SNC-Lavalin, quel que soit le gouvernement au pouvoir et leurs hommes de main au sein de l'État qui, avec leur corruption et leur comportement dommageable, subvertissent ce que la police politique appelle les institutions démocratiques libérales du Canada. Qu'y a-t-il de démocratique dans tout cela ?

L'affaire SNC Lavalin montre que des personnes qui occupent des postes privilégiés au sein du corps politique ont le droit de violer la loi, de commettre des actes qu'ils savent illégaux et de le faire en toute impunité. Même quand ils se font prendre, les gouvernements et la minorité riche qu'ils protègent peuvent changer les lois pour se donner une impunité entière.

Le témoignage de Michael Wernick est une violation de son rôle de greffier du Conseil privé. Il tente de passer à l'offensive en parlant d'ingérence étrangère dans les prochaines élections et d'une « vague montante d'incitations à la violence » pour extirper le premier ministre, son bureau et le Conseil privé lui-même du gâchis dans lequel ils se trouvent. Ainsi, plutôt que de condamner le rôle du privilège, tout est fait pour légitimer le recours accru aux pouvoirs de police. Plus les choses vont, plus le gouvernement est exposé comme n'ayant aucune justification morale pour ses stratagèmes pour payer les riches au nom de grands idéaux.

Nous publions également des articles de la presse du Parti qui rappellent le scandale des commandites de 1995, à l'époque du gouvernement libéral de Jean Chrétien. Trop désireux de faire échec au référendum sur la souveraineté du Québec et de rester au pouvoir, le Parti libéral s'est embourbé dans la corruption. Tous les partis à la Chambre des communes l'ont rejoint dans son « mouvement pour l'unité canadienne » en violation des lois électorales du Québec. La Commission d'enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires présidée par le juge John Gomery a révélé l'étendue des pratiques de corruption et les libéraux ont été chassés du pouvoir. Avant de quitter, les libéraux ont prétendu répondre au scandale des commandites en instituant des limites sur les contributions des sociétés aux partis politiques et aux candidats, disant que cela allait mettre fin à « l'influence indue de l'argent ». Les conservateurs de Stephen Harper sont allés plus loin et ont interdit les contributions des sociétés. Rien de cela n'allait changer le caractère essentiellement corrompu du gouvernement de parti au Canada. Sous le gouvernement moralisateur de Stephen Harper, la corruption s'est répandue davantage et maintenant elle atteint de nouveaux sommets sous le gouvernement des « voies ensoleillées » de Justin Trudeau.

L'important dans tout cela est de voir que, comme avec le scandale des commandites et ensuite la corruption du gouvernement Harper, il ne s'agit pas de fautes commises par certains individus qui doivent être punis, mais ne le sont jamais. Ces scandales à répétition sont l'expression d'un problème fondamental : dans ce système appelé démocratie représentative basé sur ce qu'on appelle le gouvernement responsable, le peuple est dépourvu de tout moyen d'obliger ceux qui sont au pouvoir à rendre des comptes.

Le spectacle auquel nous assistons aujourd'hui montre comment tout ce monde, - le premier ministre et son personnel, les hommes de main de l'État passés et présents, les chefs des autres partis à la Chambre des communes et de l'opposition officielle, d'anciens juges de la Cour suprême et les médias à la disposition du maintien du pouvoir d'intérêts privés étroits sur le corps politique -,  tout ce monde agit d'une façon coordonnée. Tous détournent l'attention de la nécessité de trouver une solution au fait que le peuple est dépourvu des moyens d'obliger les gouvernements à rendre des comptes.

Les libéraux disent qu'il ne s'agit que d'interprétations différentes des événements et des propos tenus, tandis que l'opposition se querelle à savoir s'il faut des accusations au criminel ou une commission d'enquête. Tous cherchent à cacher que c'est le système de démocratie représentative et le processus électoral construit sur cette base qui sont en crise et qu'un renouveau est devenu nécessaire. S'il faut parler de légitimité, c'est la légitimité du processus qui porte au pouvoir des gouvernements de parti sur lesquels le peuple n'exerce aucun contrôle qui est remise en cause par les développements actuels.

Le Canada prêche contre la corruption dans les pays dits « du tiers monde ». Il consacre d'immenses sommes d'argent à former des étrangers à faire les choses « dans la légalité ». Dans le cas du Venezuela, sous prétexte de fournir une aide humanitaire et de s'opposer au gouvernement et au président prétendument corrompus, le gouvernement du Canada soutient même un coup d'État sanglant et poursuit une politique d'apaisement face aux plans des États-Unis d'envahir ce pays. La ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, joue le rôle de grand chevalier blanc de l'État de droit et de la démocratie et du juge de ce qui est « légitime » dans les autres pays. Mais cette affaire de SNC-Lavalin montre que la corruption au Canada est sans égale. La différence est qu'au Canada tout est « légal ». Les tentatives de présenter la corruption du Canada comme « légale » sont méprisables et condamnables, mais on dira néanmoins que cela est nécessaire et donc « légitime ».

La position du Parti marxiste-léniniste du Canada (PMLC) lors du scandale des commandites d`il y a plus de vingt ans, présentée dans ce numéro de LML, est particulièrement appropriée dans la situation actuelle :

« Aujourd'hui, pendant que s'intensifient l'offensive antisociale et l'effort pour engager le Canada dans les guerres agressives menées par l'impérialisme américain, le fait que le peuple est incapable de tenir le gouvernement responsable est un problème plus criant que jamais et il devient urgent d'y apporter une solution. Tant que les Canadiens ne participent pas à l'établissement de l'ordre du jour du gouvernement et qu'ils sont au contraire à la merci des priorités décidées par le gouvernement, les partis politiques et les médias, le principe de la responsabilité échappera au corps politique. Qui détient le pouvoir politique ? Où réside le pouvoir décisionnel ? Voilà les questions importantes qui ressortent de cette affaire. L'exercice du pouvoir est constitué d'une multitude d'éléments, mais le tranchant de la lutte du peuple pour exercer le pouvoir est la construction des organisations par lesquelles se placer en position d'influence en prenant position à la défense de ses droits et, de là, ouvrir la voie au progrès de la société et faire avancer la cause de la paix et des droits humains. C'est la seule façon de conjurer les dangers que font planer sur la société ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui. Le programme du PMLC est d'encourager les travailleurs à devenir des politiciens ouvriers et que les politiciens ouvriers et les représentants du peuple élisent et se fassent élire pour former une Opposition ouvrière au parlement. L'Opposition ouvrière pourra aller plus loin et former un gouvernement antiguerre qui répondra aux besoins du peuple au pays et à l'étranger. »

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Ingérence politique dans l'affaire SNC-Lavalin

Audiences du Comité permanent de la justice
et des droits de la personne: la signification du témoignage de Michael Wernick

Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a entendu des témoins cette semaine dans le cadre de ses audiences publiques sur « l'étude des accords de réparation, la doctrine Shawcross et les discussions entre le Bureau du procureur général et des collègues du gouvernement ». Le 21 février, le comité a entendu le procureur général David Lametti, la sous-ministre de la Justice et sous-procureure générale du Canada, Nathalie Drouin, et le greffier du Conseil privé, Michael Wernick. Le 27 février, le comité a entendu l'ex-procureure générale du Canada, Jody Wilson-Raybould. [1] Entre autres témoins, le Comité doit entendre l'ancien conseiller principal du premier ministre Justin Trudeau, Gerald Butts, le 6 mars. Butts a démissionné de son poste le 18 février et a dit, dans sa lettre de démission, qu'il ne voulait pas « faire obstacle au travail essentiel qu'effectuent le premier ministre et son bureau au nom de tous les Canadiens ».

Les audiences ont comme objectif de traiter des préoccupations concernant les accusations de tentatives, de la part du Bureau du premier ministre, d'influencer les procédures criminelles contre SNC-Lavalin. Les accusations ont d'abord été révélées dans un article de Robert Fife dans le numéro du 7 février du Globe and Mail dans lequel l'auteur a prétendu, « sources » à l'appui, que des membres du Bureau du premier ministre ont exercé des « pressions » sur la procureure générale Jody Wilson-Raybould pour qu'elle use de son autorité pour amener la directrice des poursuites pénales à renverser sa décision et accorder un accord de réparation à SNC-Lavalin.[2] Un accord de réparation aurait suspendu les accusations criminelles auxquelles la compagnie fait face. SNC-Lavalin a fait appel de la décision.

Ce que révèle le témoignage de Michael Wernick

M. Wernick a choisi de faire des remarques préliminaires avant de donner son témoignage qui ont scandalisé le pays de plusieurs façons, par la manière entre autres dont il a utilisé les audiences comme une tribune pour présenter des opinions personnelles incendiaires et défensives qui sont contraires à la perception populaire de l'impartialité qui sied à un haut fonctionnaire.[3] Il semble que les opinions présentées par Wernick avaient comme objectif d'intimider tout individu et toute force politique au pays qui ose remettre en question le statu quo et exprime une opinion contraire à celle de l'élite dirigeante représentée actuellement par le gouvernement Trudeau. Il a débuté sa présentation en disant : « Beaucoup de choses ont été dites et écrites depuis quelques semaines et je pense qu'il y a un certain nombre de choses qui ont besoin de clarification. Je suis profondément préoccupé par mon pays en ce moment, par sa politique et par l'orientation qu'il prend. Je suis préoccupé par l'ingérence étrangère lors de la prochaine élection et nous travaillons très fort là-dessus. Je m'inquiète de la montée des incitations à la violence, lorsque les gens utilisent ouvertement des termes comme 'trahison' et 'traître' dans le discours public. Ce sont des mots qui mènent à l'assassinat. J'ai peur que quelqu'un se fasse abattre dans ce pays, cette année, pendant la campagne électorale. »

Wernick a ensuite fait référence aux remarques du sénateur conservateur Michael Tkachuk lors d'une manifestation pro-oléoducs sur la colline du Parlement. Selon les journaux, le sénateur a dit que « je sais que vous avez roulé jusqu'ici, et je vous demande de faire encore une chose : je veux que vous renversiez tous les libéraux qui restent dans le pays. Une fois qu'on en sera débarrassé, on se sera débarrassé également de ces lois. » Il faisait référence à deux projets de loi que le Parlement étudie en ce moment et il est clair qu'en demandant de « renverser tous les libéraux qui restent dans le pays », il demandait aux électeurs de défaire les libéraux à l'élection fédérale en octobre. Wernick, cependant, a dit ceci : « Je pense que c'est totalement inacceptable qu'un membre du Parlement canadien incite les gens à lancer leurs camions sur des Canadiens comme cela s'est produit à Toronto l'été dernier. C'est totalement inacceptable et j'espère que vous, les parlementaires, allez condamner cela. »

Accuser le sénateur Tkachuk d'appeler à une attaque semblable à l'attaque au camion à Toronto dans laquelle 10 personnes ont été tuées et 16 blessées avilit le discours politique au Canada. Cela alimente aussi le raisonnement que donne le gouvernement Trudeau pour placer la police responsable des élections et de décider ce qui est un discours légitime ou non.

Après avoir évoqué le spectre d'assassinats et d'autres violences, affirmé que les réputations de gens honorables « sont ternies et traînées sur la place publique », et parlé du « vomitoire des médias sociaux qui pénètre l'arène des médias ouverts », il a dit : « Surtout, je crains que les gens perdent confiance dans les institutions de gouvernance de ce pays, et c'est pourquoi ces procédures sont si importantes. » Il a ensuite cherché à rassurer les Canadiens sur le fait qu'ils n'avaient rien à craindre de l'État de droit dans notre pays, car tout ce qui a été fait était légal.

Faut-il comprendre que, puisqu'il s'agit d'un fonctionnaire expérimenté dont l'une des principales qualifications est de ne pas s'engager dans la politique partisane, le comité qui conduit les audiences devrait tirer la même conclusion, que tout est légal et irréprochable ? Wernick a affirmé avec force que tout fonctionne bien, « le procureur est indépendant », « la Loi sur le lobbying a fonctionné comme prévu », « le commissaire à l'éthique a lancé son propre processus », « les protections ont tenu le coup », la preuve que le gouvernement n'est pas « mou face au crime d'entreprise » est que « l'entreprise n'a pas obtenu ce qu'elle voulait - manifestement, car elle demande un examen judiciaire ».

Quel objectif visait cette présentation ?

Wernick a fait de son mieux pour présenter ses actions comme étant légales, de même que celles des autres personnes qu'il est chargé de protéger de l'examen public. En fait, il faut considérer son témoignage comme une préparation de ce qui est à venir. Non sans raison, il a ouvertement confondu ce qui est légal avec ce qui est présenté comme étant « légitime » pour des raisons de sécurité nationale, de création d'emplois ou de considération humanitaire, etc. Les violations les plus flagrantes des principes fondamentaux qui régissent la règle de droit aux niveaux national et international sont acceptées au nom d'une cause qui est censée rendre les actions « légitimes ».

Ses préoccupations personnelles pour son pays ont servi à sonner l'alarme et à créer un climat de peur et de suspicion face à des acteurs étrangers et entre les Canadiens, notamment dans le contexte des élections fédérales, pour justifier l'augmentation des pouvoirs de police. C'est le modus operandi par lequel on prépare le terrain pour justifier la criminalisation de la dissidence et réduire au silence tous ceux qui sapent la « confiance du peuple dans les institutions de gouvernement de ce pays ». C'est précisément ce que la police politique soulève lorsqu'elle instruit les partis politiques sur ce qui est « une opinion légitime » et ce qui ne l'est pas. Toute opinion contraire à la position officielle de l'État est considérée comme « illégitime ». Cela va dans le sens des mesures prises pour élargir le rôle des agences de renseignement de l'État lors des élections et des tentatives qui visent à imposer les opinions politiques qui sont officiellement sanctionnées.

En fin de compte, il semble que Michael Wernick a accompli l'ultime geste chevaleresque médiéval de se frapper de sa propre épée parce qu'il se considère comme le fonctionnaire accompli qui doit défendre la personne d'État en ces temps troubles. À un moment où la corruption sans indécente et les manigances pour payer les riches par les gouvernements successifs ont brisé la « confiance dans les institutions de gouvernance », le greffier du Conseil privé est venu dire à la nation est tout cela est « légal » et, chose plus importante encore, « légitime » en raison de l'idéal élevé de la sauvegarde des emplois, et il n'y a rien que vous puissiez faire. À un moment où le corps politique remet en cause les « institutions de gouvernance » précisément parce qu'elles sont un instrument au service des riches, les serviteurs de l'État canadien se mobilisent pour défendre cette pratique. Dans les corridors du pouvoir, des lois peuvent être introduites qui rendent légal tout ce que les riches demandent pendant que la coterie gouvernementale, les plus hauts fonctionnaires, les anciens juges de la Cour suprême et les médias discutent de leur mérite en se faisant eux-mêmes les décideurs de ce qui est « légitime » et « ce qui ne l'est pas ».

Notes

1. L'ex-procureure générale Jody Wilson-Raybould a pu témoigner grâce à un décret ministériel qui se lit comme suit :

« Sur recommandation du premier ministre, Son Excellence le gouverneur général en conseil, pour les audiences devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne et l'examen par le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique :

« a) autorise l'honorable Jody Wilson-Raybould, l'ancien procureur général, et toute personne ayant participé directement aux discussions avec elle concernant l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur le directeur des poursuites pénales relativement à la poursuite contre SNC-Lavalin, à divulguer au Comité permanent de la justice et des droits de la personne et au commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique tout renseignement confidentiel du Conseil privé de la Reine pour le Canada contenu dans les informations ou communications qui ont fait l'objet de discussions directes avec elle relativement à l'exercice de ces pouvoirs alors qu'elle occupait ce poste ;

« b) s'agissant de la divulgation au Comité permanent de la justice et des droits de la personne et au commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique par l'ancien procureur général, et par toute personne ayant participé directement aux discussions avec elle, renonce, dans la mesure où ils s'appliquent, au privilège des communications entre client et avocat et à tout autre devoir de confidentialité pertinent envers le gouvernement du Canada à l'égard des informations ou communications concernant l'exercice des pouvoirs conférés au procureur général par la Loi sur le directeur des poursuites pénales qui ont fait l'objet de discussions directes avec l'ancien procureur général relativement à la poursuite contre SNC-Lavalin, alors qu'elle occupait ce poste.

« Toutefois, pour préserver l'intégrité de toute procédure civile ou pénale, cette autorisation et cette renonciation ne s'appliquent pas aux informations et communications concernant SNC-Lavalin qui ont été échangées entre l'ancien procureur général et le directeur des poursuites pénales. »

La transcription officielle du témoignage de Jody Wilson-Raybould n'est pas encore disponible en français, mais on peut la voir par vidéo avec traduction simultanée ici. Pour la version anglaise voir TMLW 2 mars 2019.

2. On lit dans un document d'information intitulé « Accords et arrêtés de réparation pour remédier au crime d'entreprise » que les accords de réparation peuvent être utilisés par les poursuivants qui « pourraient utiliser cet outil à leur discrétion pour traiter des crimes économiques précis s'ils considèrent que son utilisation est dans l'intérêt public et qu'il est approprié dans les circonstances ». Le document poursuit : « Un accord de réparation constituerait un accord volontaire entre un poursuivant et une organisation accusée d'avoir commis une infraction. Les accords fixeraient une date de clôture et devraient être présentés à un juge pour son approbation. [...] Tant qu'un accord serait en vigueur, toute poursuite criminelle pour une infraction visée par l'accord serait suspendue. Si l'organisation accusée se conformait aux conditions énoncées dans l'accord, le poursuivant demanderait à un juge de rendre une ordonnance de réussite à l'expiration de l'accord. S'il est convaincu que l'organisation a respecté les conditions de l'accord, le juge pourrait alors suspendre les accusations et aucune condamnation criminelle n'en résulterait. Si l'organisation ne les a pas respectées, le juge pourrait approuver la résiliation de l'accord, les accusations pourraient être rétablies et les organisations accusées pourraient alors être poursuivies et éventuellement condamnées. »

En considérant l'admissibilité d'une entreprise à un accord de réparation, « dans le cas où l'infraction imputée à l'organisation est une infraction visée aux articles 3 ou 4 de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers, le poursuivant ne doit pas prendre en compte les considérations d'intérêt économique national, les effets possibles sur les relations avec un État autre que le Canada ou l'identité des organisations ou individus en cause. » Autrement dit, parmi les raisons qui peuvent être données pour offrir un accord de réparation, l'avenir de la compagnie n'est pas une option juridique possible.

3. Le site Web du Conseil privé du gouvernement du Canada indique que le rôle du greffier « consiste à conseiller le premier ministre et les représentants élus du gouvernement pour assurer la gouvernance du pays. À cet égard, il s'acquitte de ses responsabilités de façon objective et non partisane, et en tenant compte des politiques publiques. Il assure également la gestion efficace de la fonction publique fédérale du Canada et que celle-ci respecte un code de valeurs et d'éthique dans l'élaboration de services et de programmes de haute qualité destinés aux Canadiens et à leurs familles. »

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La corruption du gouvernement Trudeau selon
les normes établies par la Convention de l'ONU contre la corruption

Le premier ministre Justin Trudeau, des membres de son gouvernement, ainsi que des fonctionnaires tels que le greffier du Conseil privé, Michael Wernick, se donnent beaucoup de mal pour nous assurer que rien d'illégal n'a été fait dans les relations entre SNC-Lavalin et le gouvernement fédéral. Même l'ancienne procureure générale, Jody Wilson-Raybould, a dit que ce dont elle a été témoin est inapproprié, mais non illégal. Plusieurs commentateurs et experts ont fait remarquer que c'est là que réside le véritable scandale : toutes les manoeuvres pour atteindre leurs fins se font de manière légale !

Des définitions sont données de ce qui constitue la corruption, de ce qui est légal et de ce qui est correct, le tout confondu avec ce qui est légitime et ce qui ne l'est pas. En fait, le coeur de l'affaire est précisément qui définit quoi.

En fait, le problème est dans les définitions de ce qui constitue être de la corruption, de ce qui est légal et de ce qui est approprié et, qui plus est, qui les définit. Les normes établies par l'ONU font la distinction entre la « grande » corruption (politique) et la « petite » corruption (bureaucratique). Cette affaire de SNC-Lavalin illustre sans doute les deux, mais elle montre surtout que le Canada est corrompu parce qu'au Canada la corruption est définie par ceux qui cherchent à légitimer leurs actions au nom de motifs supérieurs tels que « l'intérêt national », « la création d'emplois », « l'aide humanitaire », « la liberté » et « la démocratie ».

La stratégie du gouvernement pour se démarquer de la corruption, qui est de faire un amalgame entre ce qui est légal et ce qui est « légitime », ne tient pas compte d'un élément crucial du régime de droit international enchâssé dans la Convention des Nations unies contre la corruption signée par le Canada le 21 mai 2005, et ratifiée le 2 octobre 2007.

L'article 13 de la Convention des Nations unies contre la corruption, intitulé « Participation de la société », énonce :

« Chaque État Partie prend des mesures appropriées, dans la limite de ses moyens et conformément aux principes fondamentaux de son droit interne, pour favoriser la participation active de personnes et de groupes n'appartenant pas au secteur public, tels que la société civile, les organisations non gouvernementales et les communautés de personnes, à la prévention de la corruption et à la lutte contre ce phénomène, ainsi que pour mieux sensibiliser le public à l'existence, aux causes et à la gravité de la corruption et à la menace que celle-ci représente. Cette participation devrait être renforcée par des mesures consistant notamment à :

a) accroître la transparence des processus de décision et promouvoir la participation du public à ces processus. »

Dans un document intitulé Corruption Definitions and Concepts, Inge Amundsen identifie les principales formes de corruption, à savoir le versement de pots-de-vin, le détournement de fonds, la fraude et l'extorsion.[1] Il écrit :

« Le rôle décisif de l'État se reflète dans la plupart des définitions de la corruption. La corruption est généralement considérée comme le comportement privé de recherche de la richesse d'une personne qui représente l'État et l'autorité publique. Il s'agit d'un détournement des biens publics par des fonctionnaires, pour des gains privés. La Banque mondiale a défini la corruption comme un abus de pouvoir public au profit d'un avantage privé. Une autre description largement utilisée est que la corruption est une transaction entre des acteurs des secteurs privé et public par le biais de laquelle des biens collectifs sont convertis illégitimement en bénéfices privés. (Heidenheimer et al. 1993 : 6) »

Amundsen cite Mushtaq Kahn qui définit la corruption comme « un comportement qui s'écarte des règles de conduite formelles régissant les actes d'une personne en position d'autorité publique en raison de motivations privées telles que la richesse, le pouvoir ou le statut (Kahn 1996 : 12) ».

Amundsen fait la distinction entre la corruption politique et la corruption bureaucratique (« grande » versus « petite »). La corruption politique se produit lorsque les décideurs politiques utilisent le pouvoir politique dont ils disposent pour maintenir leur pouvoir, leur statut et leur richesse. C'est à ce moment-là que la formulation des politiques et la législation sont conçues pour profiter aux hommes politiques et aux législateurs.

Il écrit que « la corruption politique suppose la manipulation des institutions politiques et des règles de procédure et, par conséquent, fausse les institutions du gouvernement. La corruption politique est un écart par rapport aux valeurs et aux principes rationnels et légaux de l'État moderne et conduit à un déclin institutionnel. Le problème fondamental de la corruption politique est le manque de volonté politique d'y faire face : les détenteurs du pouvoir ne souhaitent pas changer un système dont ils sont les principaux profiteurs. »[2] C'est précisément ce qui se produit dans le cas de SNC-Lavalin.

Le 17 décembre 1997, le Canada a également signé la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales de l'Organisation de coopération et de développement économiques (Convention de l'OCDE). En 1998, le Parlement a adopté la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers (LCAPE) afin de mettre en oeuvre dans la législation canadienne les obligations du Canada en vertu de la Convention de l'OCDE.

Le but de la Convention de l'OCDE serait de mettre un terme aux pots-de-vin et d'éliminer la corruption en tant qu'obstacle non tarifaire au commerce, et créer ainsi des conditions de concurrence équitables pour le commerce international.

En juin 2013, le Parlement a modifié la LCAPE afin d'augmenter les peines maximales prévues pour les individus condamnés, de créer une nouvelle infraction criminelle liée aux livres comptables et d'élargir le champ de compétences en fonction de la nationalité. En outre, l'amendement de 2013 prévoyait qu'à une date ultérieure, le gouvernement supprimerait l'exception relative aux facilités de paiement. Les paiements de facilitation sont ceux versés à des agents publics étrangers pour garantir ou accélérer l'exécution d'actes de nature courante qui relèvent de la compétence de l'agent. L'abrogation est entrée en vigueur le 31 octobre 2017 et de tels paiements sont désormais inclus dans les infractions de corruption transnationale énumérées dans la LCAPE.

Un examen de cette convention par le gouvernement du Canada mentionne ceci :

« Aucun pays n'est entièrement exempt de corruption. Mais lorsque la corruption prend des proportions telles qu'elle risque de freiner la croissance économique et de contrarier les efforts accomplis en vue d'instaurer une bonne gouvernance, elle entraîne la dégénérescence générale du tissu social. Obstacle au développement durable, la corruption peut éventuellement aggraver les disparités économiques et favoriser la criminalité organisée. En fait, si la corruption se développe sans entrave, la démocratie peut difficilement s'épanouir, la liberté se répandre, la justice prévaloir.

« Depuis quelques années, les efforts accomplis à l'échelle internationale pour combattre la corruption, encourager la transparence et accroître la responsabilité prennent de l'ampleur, parce que l'on comprend mieux le coût politique, économique et social de la corruption. En conséquence, des victoires importantes ont été remportées. Le Canada appuie fermement la lutte internationale contre la corruption parce que celle-ci est à la fois un obstacle à la bonne gouvernance, un problème de criminalité et une entrave au développement économique, social et politique. »[3]

L'exemple de la façon dont le gouvernement du Canada a traité l'affaire SNC-Lavalin ne corrobore certainement pas ces affirmations. Mis à part tout le reste, cette affaire a mis en lumière le fait que le gouvernement Trudeau avait introduit subrepticement un accord de réparation dans le mégaprojet de loi budgétaire qui permet au procureur en chef du Canada de surseoir aux accusations criminelles auxquelles une entreprise est confrontée. Cela se fait sous prétexte de grands idéaux et parce que le Royaume-Uni et certains autres pays le font.

Le Canada s'est placé dans une myriade d'organismes internationaux en tant que grand défenseur contre la corruption. Cependant, les agissements du gouvernement Trudeau, non seulement vis-à-vis de SNC-Lavalin, mais également dans tous les dossiers dans lesquels il avait promis de rendre justice, ont irrémédiablement terni la prétention du Canada de faire respecter l'État de droit. Pour tenter de réparer les pots cassés, en plus de démontrer qu'il n'a rien fait d'illégal, il va essayer de démontrer que ce qu'il a fait n'était pas inapproprié, car c'est un usage légitime des pouvoirs liés aux prérogatives. Ce qui est légitime, qui est légitime et qui décide sont devenus les principaux sujets de préoccupation pour le corps politique dans cette affaire sordide.

Notes

1. Inge Amundsen est un politicologue qui s'intéresse à l'institutionnalisation démocratique, à l'économie politique, aux parlements, aux partis politiques, à la corruption politique et aux ressources naturelles. Il identifie les principales formes de corruption comme étant l'échange de pots-de-vin, le détournement de fonds, la fraude et l'extorsion.

2. Amundsen, Inge, Corruption : Definitions and Concepts, Draft, 17 janvier 2000, chaire d'études de l'institut Michelsen sur le développement et les droits de la personne. Les citations sont traduites de l'anglais par LML.

3. Définition du mot « corruption » par le gouvernement du Canada.

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Cet imbroglio n'a rien à voir avec
la protection des emplois


Grève en juillet 2012 de 800 scientifiques, ingénieurs et technologues du nucléaire
chez Candu Energy, filiale à part entière de SNC-Lavalin inc., créée en 2011 après
l'acquisition de la division des réacteurs commerciaux d'Énergie atomique du Canada limitée auprès du gouvernement du Canada

SNC-Lavalin affirme qu'elle devrait être admissible à un accord de réparation plutôt que d'être poursuivie au criminel parce que, selon elle, les accusations de corruption qui pèsent contre elle sont sans fondement et concernent des « actes répréhensibles allégués commis par d'anciens employés qui ont quitté la compagnie depuis longtemps ». L'argument principal qui est cependant donné pour défendre SNC-Lavalin est que, si elle est déclarée coupable, elle ne pourra pas faire de soumission sur des contrats gouvernementaux pendant dix ans. Ceux qui défendent la position du gouvernement Trudeau prétendent que cela mettrait en péril des dizaines de milliers de bons emplois.

Si l'on considère cette question seulement à partir du point de vue de savoir si SNC-Lavalin et ses lobbyistes et les initiés du gouvernement ont commis des actes criminels, on cache complètement le rapport entre les gouvernements, libéraux comme conservateurs, et les intérêts privés qu'ils ont voulu protéger aux dépens d'un contrôle public d'importants secteurs de l'économie. Leur prétention de protéger SNC-Lavalin pour la préservation de « bons emplois » est un mensonge parce que, en donnant préséance à SNC-Lavalin pendant des décennies, des milliers d'emplois dont on avait besoin pour la construction et l'exploitation d'ouvrages d'infrastructure ont été systématiquement remis à des intérêts privés.

Un exemple flagrant est la destruction d'Énergie atomique du Canada limitée (EACL), une société d'État fondée en 1952 et dont le mandat était de développer la technologie de l'énergie nucléaire. EACL a développé la technologie du réacteur CANDU dans les années 1950 et est demeurée, jusqu'à sa vente à SNC-Lavalin en 2011, le vendeur de la technologie du CANDU qu'elle a exportée à l'échelle mondiale. Des années 1960 jusqu'aux années 2000, EACL a construit des centrales CANDU en Inde, en République de Corée, en Argentine, en Roumanie et en République populaire de Chine.

En juin 2011, EACL a été vendue à SNC-Lavalin pour la somme de 15 millions $. Non seulement SNC-Lavalin a-t-elle payé une fraction seulement de la valeur d'EACL, dans ce que plusieurs experts ont qualifié de vente de feu, mais le gouvernement a aussi donné 75 millions de dollars à SNC-Lavalin pour compléter le développement d'un nouveau réacteur appelé CANDU 6 avancé. Lorsque la vente a été conclue, les gains annuels d'EACL étaient d'environ 500 millions $. Même en ne tenant pas compte des actifs considérables qui ont été accumulés par EACL, nier qu'il s'agissait d'un cadeau du gouvernement Harper à SNC-Lavalin est le comble de l'hypocrisie.

Les syndicats qui représentaient les travailleurs d'EACL se sont fermement opposés à ce geste précisément parce qu'il causait la perte de milliers d'emplois, non seulement à la société d'État, mais chez ses fournisseurs. Le vice-président de la Société des ingénieurs professionnels et associés, Michael Ivanco, avait dit à ce moment-là que la vente allait produire une entreprise « vidée de l'intérieur » et des pertes possibles de milliers d'autres emplois parmi les fournisseurs de la société. « Cela peut contribuer à un exode des cerveaux tel qu'on n'en a pas vu depuis l'Avro Arrow, alors que des ingénieurs, des scientifiques et d'autres employés vont réexaminer leur carrière à long terme avec la compagnie, avait-il déclaré. Nous sommes renversés et outrés que le gouvernement Harper ait effectué cette vente derrière des portes closes sans que le public ou le Parlement canadien aient leur mot à dire. Ils ont imposé cette vente par le biais de la législation budgétaire qui a donné au cabinet, et non au Parlement, le droit de prendre cette décision et nous en voyons aujourd'hui les résultats. » Le syndicat a aussi souligné que près de 800 emplois seraient mis en péril par la prise de contrôle par SNC-Lavalin.

Il est bien connu que plusieurs réacteurs construits par EACL avaient besoin d'une remise à neuf à ce moment-là. Le gouvernement Harper a saisi l'occasion pour détruire EACL et soutirer l'industrie nucléaire au contrôle public, à la suite de quoi SNC-Lavalin a signé des contrats de milliards de dollars pour remettre à neuf des réacteurs au Canada et dans plusieurs pays. Une fraude est une fraude, qu'elle soit légale ou non.


Des scientifiques du nucléaire tiennent un piquet d'information pour défendre l'expertise nucléaire du Canada contre la privatisation, Laboratoires de Chalk River, 9 septembre 2014.

Dans son numéro du 24 janvier 2014, le Marxiste-Léniniste écrit :

« La privatisation d'EACL est néfaste pour l'économie nationale aujourd'hui et elle le sera à l'avenir. Elle a mené à la perte de près d'un millier d'emplois et à la perte possible de milliers d'emplois plus tard. Elle a fait en sorte qu'une technologie des plus névralgiques — le développement sécuritaire d'énergie nucléaire — a été exclue du domaine public et remise entre les mains d'une entreprise monopoliste qui tirera avantage des besoins de toute la société pour l'énergie électrique. L'énergie nucléaire a évidemment des répercussions sur la santé, la sécurité et le bien-être de tous les Canadiens et ne doit jamais être confiée au domaine privé d'une entreprise monopoliste dont le seul intérêt est de maximiser ses profits. Le gouvernement Harper n'a pas non plus tenu compte des accusations dans lesquelles SNC-Lavalin est embourbée — accusations de pots-de-vin à des fonctionnaires, d'inconduite, de corruption et de subordination liés à des projets au Canada et ailleurs dans le monde. »

Le démantèlement d'EACL a été accompli entièrement par des mesures légales, notamment grâce à des changements législatifs qui ont permis au Canada de dire qu'il respecte la règle de droit. Le gouvernement Trudeau poursuit cette politique de destruction du contrôle public de la construction et de l'exploitation des ouvrages d'infrastructure publique, qui demeure la considération première dans ces décisions et certainement pas celle de la « protection des emplois ».

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SNC-Lavalin et la Commission Charbonneau

La tourmente actuelle autour de la corruption de SNC-Lavalin nous rappelle que ce sont les travailleurs du Québec et du Canada qui font les frais de la corruption des grandes entreprises et de l'État.

On a encore fraîchement à l'esprit le cas de SNC-Lavalin et de la Commission Charbonneau. Cette commission a été mise sur pied en 2011 par le gouvernement libéral de Jean Charest, après des années de refus de mettre sur la place publique la question de la corruption des grandes entreprises de construction et d'ingénierie en lien avec le financement des partis politiques. Le mandat officiel de la Commission Charbonneau était d'éradiquer la collusion et la corruption dans l'octroi des contrats publics dans la construction, de révéler les liens possibles entre cette corruption et le financement des partis politiques et l'infiltration possible de l'industrie de la construction par le crime organisé.

Les activités de corruption de SNC-Lavalin, la plus grande entreprise d'ingénierie et de gestion de la construction au Canada, ont été au centre de la Commission Charbonneau. Deux aspects en particulier ont été relevés par cette enquête.

Le premier est le financement illégal par SNC-Lavalin de partis politiques municipaux (Union Montréal) et québécois (le Parti libéral surtout, mais aussi le Parti québécois) en échange de contrats de la ville de Montréal et de ministères du gouvernement du Québec. La loi interdit aux entreprises (aux syndicats aussi) de contribuer financièrement aux partis politiques au Québec.

Toutes sortes de tactiques illégales ont été utilisées par la société pour contourner cela, notamment celle des prête-noms en vertu de laquelle des dizaines de ses cadres ont signé des chèques personnels aux partis alors que l'argent provenait en réalité de la société elle-même.

La société remboursait ses cadres en bonis de fin d'année. La Commission a évalué que de 1998 à 2010, c'est plus de 1 million de dollars qui ont été versés illégalement par SNC-Lavalin aux deux principaux partis politiques québécois d'alors. Il a également été révélé lors des audiences que SNC-Lavalin a illégalement fourni 200 000 $ au parti Union Montréal pour l'aider à remporter l'élection municipale de Montréal de 2005. La société l'a fait en payant une fausse facture d'Union Montréal et en versant de l'argent liquide au collecteur de fonds du parti montréalais. Tout cela a été fait sous prétexte que c'était « le prix à payer pour faire des affaires » et que SNC-Lavalin devait demeurer dans le « marché » des contrats publics.


Document compilé par la Commission Charbonneau qui montre l'argent que SNC-Lavalin aurait remis aux partis politiques

Le deuxième cas est le scandale du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). La Commission a révélé le stratagème par lequel SNC-Lavalin a versé 22,5 millions de dollars en pots-de-vin à deux hauts responsables du CUSM afin de rafler le contrat de 1,34 milliard de dollars pour la construction en partenariat public-privé du nouvel hôpital universitaire en 2010. Les montants illégaux ont été versés aux deux hauts responsables du centre de santé par le biais de fausses entreprises mises sur pied par eux. Un des deux hauts responsables était Arthur Porter qui, par une merveilleuse coïncidence, a été nommé président du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité par le premier ministre Stephen Harper, également en 2010. L'affaire du CUSM a été qualifiée aux audiences de plus grande fraude de corruption de l'histoire du Canada. À noter que toutes les soi-disant règles d'éthique entourant l'octroi en PPP des projets d'infrastructure publique n'ont pas empêché cette fraude.

SNC-Lavalin n'a pas été radiée des sociétés privées qui peuvent faire des soumissions pour des projets d'infrastructure publique et on n'a pas saisi l'occasion pour réévaluer les projets en partenariat public-privé qui se prêtent naturellement à la fraude de corruption entre les grands intérêts privés et leurs représentants politiques. À noter aussi que SNC-Lavalin, qui a obtenu notamment le contrat de construction du nouveau pont Champlain, est reconnue pour ses attaques contre la santé et à la sécurité des travailleurs de la construction et, par extension, du public. Les travailleurs de la construction ont dû mener une lutte de tous les instants contre les violations par la société des normes de sécurité, notamment en ce qui concerne les opérations de levage. Le gouvernement a fermé les yeux face à ces activités. Il s'agissait d'un cas évident de corruption et de collusion entre SNC-Lavalin et l'État, mais la Commission Charbonneau n'a pas considéré que faire enquête sur ces activités faisait partie de son mandat.

Les travailleurs attaqués au nom de la lutte à la corruption


Yves Ouellette, le directeur général de la FTQ-Construction à ce moment-là, a dénoncé les calomnies de la Commission Charbonneau dépeignant les luttes des travailleurs comme de l'intimidation et de la corruption. L'intention de cette accusation était de détourner l'attention des véritables responsables de la corruption et du véritable crime organisé : pas les travailleurs, mais les gouvernements et les grandes entreprises de la construction.

Dans son évaluation des événements sur lesquels elle s'est penchée, la Commission Charbonneau a étendu le concept de corruption et de crime organisé aux collectifs de travailleurs et de leurs organisations alliées qui mènent des actions concertées de défense des droits des travailleurs, lesquelles mènent parfois à la perturbation des activités sur les chantiers. La Commission a même insinué que ces actions étaient semblables à des activités mafieuses. La Commission a fait cette affirmation sans même examiner l'objectif et les raisons pour lesquels les travailleurs organisés ont posé ces gestes, la cause qu'ils défendaient et le résultat qu'ils cherchaient à obtenir par ces actions. Le concept de « corruption » a été assimilé à une entrave au soi-disant libre marché, au droit des entreprises d'opérer les chantiers comme bon leur semble, à la recherche du profit privé, même si la santé et la sécurité des travailleurs et du public sont menacées. Dans son volumineux rapport, il n'y a pas une seule page qui fait état de la collusion entre le gouvernement en tant qu'autorité publique et des entreprises comme SNC-Lavalin en ce qui a trait à la violation des droits des travailleurs et aux atteintes à leur santé et sécurité.

Au contraire, les travailleurs et leurs organisations de défense sont considérés comme une source de corruption et d'activités semblables au crime organisé, que la Commission appelle collusion entre travailleurs et intimidation.

C'est pourquoi, dans ses recommandations, la Commission Charbonneau a recommandé une modification à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction (Loi R-20) afin de soumettre à de fortes amendes quiconque use d'intimidation « susceptible » de provoquer une entrave, un ralentissement ou un arrêt des activités sur un chantier, ou d'imposer une décision à un employeur. L'ancienne formulation de la loi disait « dans le but de provoquer ». Non seulement la Commission Charbonneau recommandait-elle de fortes amendes, mais que tout représentant syndical qui est déclaré coupable d'infraction à ces clauses de la loi se voit interdire de représenter les travailleurs pendant cinq ans. Le gouvernement du Québec n'a été que trop heureux de mettre en oeuvre cette recommandation.

C'est une des façons par lesquelles les travailleurs et leurs organisations font les frais des activités de corruption entre les grandes entreprises et l'État.

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Le prétexte pour faire des partis politiques des appendices de l'État

Lors de la Commission Charbonneau, le financement illégal de partis politiques par SNC-Lavalin a fait l'objet de longues interventions. Chaque détail a été examiné par la Commission, qui a révélé l'ampleur de ce financement illégal. Par contre, aucun représentant de SNC-Lavalin et des autres entreprises n'a été poursuivi pour ce financement illégal des partis au Québec, et aucun des partis visés ou de leurs candidats qui avaient accepté ou sollicité ces dons illégaux n'a été poursuivi ou ne s'est vu interdire d'être candidat à une élection.

Le financement illégal des partis politiques au Québec a plutôt été utilisé pour resserrer encore plus le contrôle de l'État sur les partis politiques pour en faire des appendices de l'État.

Le 10 juin 2016, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité le projet de loi 101, Loi donnant suite aux recommandations de la Commission Charbonneau en matière de financement politique. Cette loi prétend s'adresser au grave problème de corruption du système de partis révélée par la Commission Charbonneau. Elle prétend le faire en établissant des mécanismes par lesquels les citoyens peuvent tenir les élus responsables et redevables.

Or, c'est tout le contraire qui est fait. La « lutte à la corruption » exprimée par cette loi soumet les activités des partis politiques au contrôle de l'État et donne des pouvoirs policiers au Directeur général des élections du Québec (DGEQ), lui permettant de s'ingérer dans les affaires de ces organisations, de rendre la vie plus difficile aux partis politiques, surtout aux partis émergents, et d'institutionnaliser l'intimidation de ceux qui veulent participer à la vie politique.

En guise d'exemple, au nom de « contrer le faux bénévolat », la loi a ajouté des mesures de contrôle par lesquelles les partis doivent garantir que le travail bénévole est fait sans compensation ni contrepartie. Dorénavant, les représentants officiels, les délégués, les agents officiels et les adjoints doivent suivre une formation sur les règles de financement préparée par le DGEQ dans un délai prescrit. Au nom de l'imputabilité, les rapports financiers et les rapports des dépenses doivent être signés par le chef du parti, le candidat, le député ou, le cas échéant, le plus haut responsable désigné par l'instance autorisée de parti et accompagnés d'une déclaration concernant les règles relatives au financement et aux dépenses électorales. La loi prévoit une infraction pénale pour un électeur qui fait une fausse déclaration au sujet d'un prêt ou d'un cautionnement et confère à cette infraction le caractère de manoeuvre électorale frauduleuse. Dans le cadre de cette législation, les mesures de harcèlement des donateurs se sont accrues, parfois même avec des visites à leur domicile, ce qui est très intimidant pour les personnes ordinaires qui veulent participer aux affaires politiques. La Commission Charbonneau avait même recommandé que le donateur doive indiquer sur sa fiche de contribution le nom de son employeur, une mesure des plus intimidantes. Le gouvernement avait incorporé cette mesure dans son projet de loi, puis l'avait retirée face à l'opposition des électeurs. Ce sont des mesures de police qui n'ont rien à voir avec l'engagement des électeurs dans la politique, selon leur conscience, pour résoudre les problèmes de la société en faveur du peuple.

Faire des partis politiques des appendices de l'État ne résout pas le problème de la corruption qui se produit aux plus hautes instances, où les intérêts mondiaux privés usurpent le pouvoir d'État et les gouvernements. L'élite dirigeante corrompt tous les organes du pouvoir de l'État et les institutions gouvernementales, de sorte qu'il ne reste que les pouvoirs de police. Ce n'est que la lutte des travailleurs et du peuple pour le renouveau démocratique des institutions en investissant le peuple du pouvoir de décider, qui peut éliminer la corruption.

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Comment le système juridique traite les infractions criminelles de SNC-Lavalin

Alors que ce sont les travailleurs qui font les frais de la corruption des entreprises et de l'État, notamment les travailleurs de la construction et leurs syndicats, SNC-Lavalin et ses hauts dirigeants s'en tirent à très bon compte devant les tribunaux lorsqu'ils font face à des chefs d'accusation.

Le cas le plus connu est celui de Pierre Duhaime qui était le président de SNC-Lavalin au moment du scandale de corruption du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Dans ce scandale, SNC-Lavalin a versé 22,5 millions $ en pots-de-vin aux deux principaux responsables du CUSM afin de rafler le contrat de 1,34 milliard $ pour la construction en partenariat public-privé du nouvel hôpital universitaire en 2010. Les montants illégaux ont été versés à ces deux dirigeants du CUSM par le biais de fausses entreprises mises sur pied par eux. Lors de la Commission Charbonneau, ce scandale a été qualifié de plus grande fraude de corruption de l'histoire du Canada.

Quinze accusations ont originalement été portées contre l'ancien président de SNC-Lavalin par le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec, dont des accusations de fraude et de corruption. Le 1er février, en plein dans l'imbroglio SNC-Lavalin, Duhaime a accepté une entente hors cour par laquelle 14 des accusations ont été abandonnées. Il a plaidé coupable à une accusation d'abus de confiance pour n'être pas intervenu lorsqu'il a vu qu'un acte criminel était commis, à savoir aider l'ex-directeur général adjoint du CUSM à truquer l'appel d'offres afin que ce soit SNC-Lavalin qui remporte le contrat plutôt qu'un consortium concurrent. C'est ce trucage illégal de l'appel d'offres qui a été fait en échange du paiement des pots-de-vin aux deux plus hauts responsables du CUSM.

Pierre Duhaime n'a pas été condamné à la prison, mais a été assigné à résidence dans sa luxueuse maison, avec des conditions d'assignation de plus en plus souples au fil des 20 mois, et à un an de probation. Il devra aussi faire 240 heures de travaux communautaires et verser un don de 200 000 $ au Centre d'aide aux victimes d'actes criminels.

En juillet 2018, toujours relativement au scandale de corruption du CUSM, l'ex-vice-président de la division construction de SNC-Lavalin, Riadh Ben Aissa, a été déclaré coupable d'une accusation réduite d'usage de faux documents alors que quinze autres chefs d'accusation portés contre lui ont aussi été abandonnés. Il a été condamné à une peine de 51 mois de prison. Il n'en a servi qu'une journée, parce que le tribunal a incorporé dans la détention celle qu'il avait déjà passée en Suisse pour un cas de corruption différent, un cas de pot-de-vin versé à des officiels libyens au cours des années 2000.

Toujours en juillet, le contrôleur financier de SNC-Lavalin, Stéphane Roy, a été acquitté de deux chefs d'accusation dans cette affaire, fraude et utilisation de faux documents, après que la poursuite ait simplement annoncé qu'elle ne présenterait pas de preuve contre lui.

En février 2019, un ancien dirigeant de SNC-Lavalin, Sami Abdellah Bebawi, et son avocat, Constantine Kyres, ont obtenu un arrêt des procédures alors qu'ils étaient accusés d'avoir tenté de corrompre un témoin, le même Riadh Ben Aissa, pour qu'il change son témoignage, moyennant rémunération, au sujet des gestes reprochés à SNC-Lavalin en Libye. Les procédures ont été arrêtées en vertu de l'arrêt Jordan de la Cour suprême du Canada, rendu en 2016, selon lequel la durée des procédures judiciaires ne doit pas excéder deux ans et demi en Cour supérieure, sauf dans des circonstances exceptionnelles. Les deux hommes avaient été accusés de cet acte de corruption en 2014.

En novembre 2018, un autre ancien vice-président de SNC-Lavalin, Normand Morin, a plaidé coupable à deux chefs d'accusation sur cinq relatifs à un stratagème de contributions illégales organisé par SNC-Lavalin à deux partis politiques fédéraux, le Parti libéral et le Parti conservateur, entre 2004 et 2011. SNC-Lavalin a utilisé un stratagème de « prête-nom » par lequel les employés donnaient de l'argent aux partis, mais étaient remboursés par la compagnie. La manoeuvre frauduleuse a rapporté environ 117 000 $ à ces deux partis. La Couronne a abandonné les trois accusations restantes. Morin a été condamné à une amende de 2 000 $. Comme l'ex-cadre de SNC-Lavalin, qui dit avoir été un bouc émissaire dans cette affaire, a plaidé coupable avant procès et qu'il était le seul accusé dans cette affaire, les autres ayant échappé à toute poursuite au moyen d'un accord conclu avec Élections Canada en 2016, la poursuite s'est arrêtée là et on ne saura jamais quelles circonscriptions, quels candidats ou candidats à la chefferie ont reçu des dons de SNC-Lavalin. Sa reconnaissance de culpabilité conclut l'enquête du commissaire aux élections fédérales sur SNC-Lavalin. La firme d'ingénierie a reconnu avoir trempé dans cette affaire de contributions illégales, mais elle s'en est tirée à bon compte, sans pénalités, dans le cadre de son entente de transaction conclue en 2016 avec Élections Canada. Les montants reçus illégalement ont été remis aux autorités fédérales par les formations politiques concernées.

SNC-Lavalin a toujours prétendu que les actes de corruption sont le fait d'individus isolés qui ne font plus partie de l'organisation. Les faits révèlent au contraire une corruption systémique, impliquant les représentants de l'État et du gouvernement et les tribunaux, qui comprend des poursuites peu rigoureuses, l'abandon d'accusations et des sentences légères.

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La presse du Parti sur le scandale des commandites

La grande illusion des élections libres
et équitables au Canada s'écroule

« Tout au long de 2005, l'attention du Parlement, des médias et de la nation était rivée sur l'enquête Gomery sur ce qui est devenu le « scandale des commandites ». En mai, le scandale a presque mené à la défaite du gouvernement libéral minoritaire par un vote de censure sur le budget. En novembre, lorsque le premier rapport Gomery a été publié, l'opposition parlementaire s'était regroupée pour forcer le gouvernement libéral minoritaire à déclencher une élection générale. Le 23 janvier 2006, les résultats des élections et la défaite du Parti libéral démontraient comment les électeurs avaient perçu le scandale.

« Avant l'arrivée de l'affaire à la une des journaux au début de 2004, le programme de parrainage du gouvernement fédéral fonctionnait sans bruit depuis l'an 1994, mais pas de façon totalement anonyme. Face à l'intensification de la couverture médiatique et à deux rapports critiques de la vérificatrice générale, le programme est vite devenu l'un des scandales politiques les plus importants de l'histoire du Canada. Ses tentacules agrippaient le Cabinet du premier ministre et le Parti libéral, deux anciens premiers ministres, des ministres de la Couronne, des agences de publicité québécoises et le juge Gomery. Pendant son enquête par la Commission Gomery, le programme a fait l'objet d'une enquête de la GRC et de poursuites pénales pour fraude. » - Kirsten Kozolanka, Canadian Journal of Communication

***

C'est un Paul Martin battu qui s'est adressé aux Canadiennes et Canadiens hier soir pour leur demander de croire qu'il est un homme honorable. Il a dit vouloir assumer la responsabilité du scandale des commandites, mais dans son vocabulaire cela veut dire se distancer des « actes répréhensibles » révélés par la Commission Gomery et déclarer son intention de punir ceux qui y sont mêlés. Ce n'est pas « une simple affaire de mots », dit-il, rappelant que la première chose qu'il a faite en devenant chef du Parti libéral, et de facto premier ministre du Canada, fut d'annuler le programme des commandites et de fermer ce qui s'appelait « le bureau d'information ». Il voudrait qu'on oublie ce que son ministre des Finances, Ralph Goodale, a dit à ce moment-là : « Je crois que nous en sommes venus à la conclusion que [le programme des commandites] ne sert plus son objectif [« has oulived its usefulness »] et qu'il est temps de passer à autre chose. »

Paul Martin veut prouver qu'il est un homme honorable, alors il rappelle que c'est lui qui a établi la Commission Gomery et qui a démis Alfonso Gagliano comme ambassadeur du Canada au Danemark. Il explique même à son auditoire qu'il ne saurait jamais ternir la réputation du parlement, lui qui a fait ses dents de lait dans son enceinte dans les bras de son père.

Même si l'on oublie un instant que Jean Chrétien a dit la même chose pour couvrir ses traces dans le scandale qu'il a créé, il est difficile d'imaginer que des gens, du moins ceux qui ne sont pas naïfs politiquement, acceptent de croire que Paul Martin assume sa responsabilité. Son adresse télévisée est généralement perçue comme une tentative de sauver les apparences, mais M. Martin continue de croire qu'il est en train de sauver les meubles. Cet aveuglement face à la réalité va sans doute lui coûter sa carrière politique, tôt ou tard.

Loin d'être en train de sauver les meubles, tout le monde sait que le pire reste à venir - la divulgation des noms des « avocats, comptables, relationnistes » auxquels a fait référence Benoît Corbeil, ancien directeur général du Parti libéral du Canada au Québec, sans parler des avocats « qui, depuis, ont été nommés juges, soit sous le gouvernement de Jean Chrétien, soit par Paul Martin ». Ces gens vont tous maudire la consanguinité de la caste politique canadienne et l'effet d'entraînement que peut avoir la divulgation de secrets dans ce petit monde.

Et les problèmes de Paul Martin et du Parti libéral ne s'arrêtent pas là, semble-t-il. Comment réagira Élections Canada quand l'ampleur de la corruption de son système d'« élections libres et équitables » sera finalement exposée ? Appliquera-t-il la loi à la lettre, c'est-à-dire bannir à vie les candidats du Parti libéral au Québec de la fonction élective ? Tous ceux qui ont été élus au Québec en 2000 perdront-ils leur droit de participer à des élections ? Quand on sait qu'un simple candidat indépendant qui ne remet pas ses états financiers à temps a droit au pire châtiment, quelle sanction la loi réserve-t-elle au Parti libéral qui use de la fraude pour ne pas déclarer son financement électoral ? Corbeil avoue dans son entrevue dans la presse : « ...les gens qui venaient des bureaux de ministres voulaient être payés en comptant, j'ai pris l'argent, pas déclaré, bien sûr. »

Et qu'adviendra-t-il du 1,75 $ par vote que les libéraux ont obtenu de l'État suite à la réforme de la loi sur le financement électoral par Jean Chrétien ? Le Parti libéral remboursera-t-il tout cet argent au trésor public, en plus de tout l'argent des commandites que le Bloc québécois demande qu'on mette immédiatement en fiducie en attentant les conclusions de la Commission Gomery ?

Les révélations de la Commission Gomery permettent de croire que le Parti libéral, bien malgré lui, aura fait plus que tout autre pour détruire la grande illusion d'élections libres et équitables au Canada.

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La Commission Gomery

La Commission Gomery a été créée le 9 février 2004 par le cabinet fédéral de Paul Martin. Son mandat était le suivant :

a) de faire enquête et de faire rapport sur les questions soulevées, directement ou indirectement, par [le] Rapport de la vérificatrice générale du Canada à la Chambre des communes, novembre 2003, concernant le programme de commandites et les activités publicitaires du gouvernement du Canada, notamment :

i) la création du programme de commandites, ii) la sélection d'agences de communication et de publicité, iii) la gestion du programme iv) la réception et l'usage de fonds ou de commissions octroyés à l'égard du programme v) toute autre question directement liée au programme que le commissaire juge utile à l'accomplissement de son mandat.

Parlant des illusions créées à propos de la Commission Gomery, le PMLC écrivait :

« [...] le scandale des commandites a permis de révéler un peu plus le problème fondamental : le système de démocratie représentative dominé par les partis, les lois électorales conçues spécifiquement pour permettre seulement l'élection de partis politiques et pour enlever tout pouvoir réel au peuple. Le résultat de la commission sera donc de parler d'allégations de malversations de fonds publics par un certain parti politique pour financer sa campagne électorale, mais en détachant tout cela du système politique comme tel, système dans lequel le peuple est traité comme une simple masse votante. Ni la Commission Gomery, ni le Comité des comptes publics ne vont aborder cette question fondamentale. »[1]

On a bien vu que cet aspect fondamental du scandale des commandites a été complètement ignoré par la Commission Gomery et le gouvernement. En fait, ni la Commission Gomery ni le gouvernement Harper ne s'intéresse à la responsabilité politique. La Commission Gomery situe le problème de responsabilité dans le domaine administratif en général (définition des responsabilités) et plus spécifiquement dans l'ingérence partisane dans l'administration des programmes et, dans une certaine mesure, dans les mécanismes censés tenir le gouvernement responsable, comme les comités parlementaires.

Le problème de l'ingérence partisane est attribué à certains individus qui se conduisent mal. Là-dessus, comme sur d'autres aspects identifiés, on propose des mesures administratives pour régler le problème. On présume que ces mesures, si elles sont correctement appliquées, rétabliront la responsabilité du gouvernement envers le parlement et du parlement envers la société.

Dans le préambule de Rétablir l'imputabilité, le juge Gomery brosse un tableau du fonctionnement de la responsabilité du parlement dans la démocratie canadienne.[2]

Dans les grandes lignes, il dit ceci :

« Le principe de la suprématie du Parlement veut que cet organe soit investi du pouvoir d'adopter des lois qui donnent des pouvoirs aux ministres et au reste de l'exécutif, et d'exiger que ceux-ci lui en rendent compte. »

« C'est par le truchement des lois et du processus budgétaire que le Parlement confère un ensemble de pouvoirs et de ressources au gouvernement, lequel doit lui rendre des comptes sur la façon dont il les utilise. »

« Les ministres et la fonction publique constituent la branche exécutive du gouvernement, qui tire ses pouvoirs et son autorité du Parlement. Elle doit rendre des comptes au Parlement et, par son intermédiaire, à la population canadienne. »

« Le principe de la responsabilité ministérielle veut que les membres du Cabinet, qui chapeautent la branche exécutive à titre individuel et collectif, soient investis de la responsabilité générale et du pouvoir de gouverner. »

« Le principe de la primauté du droit constitue un cadre d'ensemble qui tout à la fois permet et limite l'action gouvernementale. » Le juge Gomery écrit :

« Le Parlement est la tribune centrale où le gouvernement est directement tenu imputable de ses politiques et de son administration. Les ministres doivent collectivement lui rendre compte des politiques et des actions ou de l'inaction du gouvernement, la sanction ultime venant de la population à l'occasion des élections générales.

« Le Parlement tient le gouvernement imputable de deux façons. Premièrement, le Cabinet doit lui rendre des comptes sur ses politiques, ses réactions aux défis auxquels est confronté le pays, son administration de la fonction publique ainsi que la conduite des affaires de l'État. Deuxièmement, le Parlement tient le gouvernement imputable a posteriori de la façon dont il a utilisé les pouvoirs et les ressources qu'il lui a confiés. Cette imputabilité porte sur la gestion des affaires publiques, pas sur les politiques du gouvernement, et ce sont les responsables de la gestion qui doivent l'assurer. »

La position du PMLC

Le PMLC a écrit : « Le problème fondamental de cette interprétation est que la conception de la responsabilité est détachée du siège du pouvoir souverain et des intérêts qu'il est censé protéger. Tant qu'on ne répondra pas à la nécessité historique d'investir des citoyens du pouvoir souverain, on ne résoudra pas le problème de la responsabilité. »

Dans Un pouvoir à partager, publié en 1993, Hardial Bains, alors dirigeant national du PMLC, parle entre autres de la façon dont se pose le problème de la responsabilité dans le système de gouvernement au Canada.

« [...] il demeure que si les citoyens ne sont pas investis du pouvoir souverain et ne disposent pas de mécanismes leur permettant d'exercer le pouvoir souverain, ils ne sont pas libres de choisir ceux qui gouvernent en leur nom. Les partis politiques disposent littéralement d'un monopole exclusif en cette matière. [...]

« En fait, il n'existe pas de mécanisme obligeant les élus ou les gouvernements à rendre des comptes à l'électorat. Le seul recours des citoyens est d'élire un autre gouvernement aux prochaines élections. Il est intéressant de noter que la transparence et l'obligation de rendre des comptes ne servent leurs fins que lorsqu'elles détournent l'attention publique du fait qu'au bout du compte le gouvernement domine le processus du début à la fin. Ce sont les dehors dans lesquels s'enveloppe le pouvoir exécutif pour cacher le fait qu'il est l'unique pouvoir décisionnel.

« Ce sont là autant de moyens servant à priver l'électorat de son droit de participer à la direction des affaires de la société. [...]

« Les différentes réformes du processus ont pour effet de transformer ces différentes juridictions en des pouvoirs absolus. Ceux qui ont accès au pouvoir politique ont quand même besoin d'un moyen de résoudre les contradictions dans leurs rangs et écarter le peuple du gouvernement. Le terme démocratie en vient à signifier l'emploi d'une forme démocratique pour atteindre des fins non démocratiques. La forme démocratique devient un simple vestige de la démocratie et de plus en plus synonyme d'une règle de droit servant à sanctionner le pouvoir des élites politiques. Pour le justifier, on invoque les « précédents », les « traditions », les « institutions changeantes », la « démocratie telle que nous la connaissons », etc.

« Il existe un lien entre d'une part le pouvoir suprême et son origine et d'autre part le gouvernement et les intérêts qu'il sert. Et dans ce rapport, c'est le pouvoir suprême qui est dominant. Le processus ou le système politique facilite l'exécution des désirs du pouvoir suprême. Si l'évolution du processus politique se résume à l'extension du droit de vote, à la façon dont les voix sont comptées et à la réforme des procédures parlementaires, le pouvoir suprême demeurera hors de la portée des citoyens. »[3]

Partant de cette analyse, le PMLC a adopté le mot d'ordre : Pour nous, la responsabilité commence chez soi. C'est la reconnaissance du fait que lorsque la société est retenue dans son progrès et que toutes les voies permettant de régler ses problèmes sont bloquées, la classe ouvrière et le peuple assument eux-mêmes la responsabilité de changer la situation.

Aujourd'hui, pendant que s'intensifient l'offensive antisociale et l'effort pour engager le Canada dans les guerres agressives menées par l'impérialisme américain, le fait que le peuple est incapable de tenir le gouvernement responsable est un problème plus criant que jamais et il devient urgent d'y apporter une solution. Tant que les Canadiens ne participent pas à l'établissement de l'ordre du jour du gouvernement et qu'ils sont au contraire à la merci des priorités décidées par le gouvernement, les partis politiques et les médias, le principe de la responsabilité échappera au corps politique. Qui détient le pouvoir politique ? Où réside le pouvoir décisionnel ? Voilà les questions importantes qui ressortent de cette affaire. L'exercice du pouvoir est constitué d'une multitude d'éléments, mais le tranchant de la lutte du peuple pour exercer le pouvoir est la construction des organisations par lesquelles se placer en position d'influence en prenant position à la défense de ses droits et, de là, ouvrir la voie au progrès de la société et faire avancer la cause de la paix et des droits humains. C'est la seule façon de conjurer les dangers que font planer sur la société ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui. Le programme du PMLC est d'encourager les travailleurs à devenir des politiciens ouvriers et que les politiciens ouvriers et les représentants du peuple élisent et se fassent élire pour former une Opposition ouvrière au parlement. L'Opposition ouvrière pourra aller plus loin et former un gouvernement antiguerre qui répondra aux besoins du peuple au pays et à l'étranger. /// LML 28 septembre 2006

Notes

1. « La grande illusion de la Commission Gomery », Parti marxiste-léniniste du Canada, 16 août 2005.

2. Commission d'enquête sur le programme des commandites et les activités publicitaires, Phase 2 : Rétablir l'imputabilité : Recommendations, 2006.

3. Bains, Hardial, Un pouvoir à partage : Une définition moderne du processus politique et un plaidoyer pour le renouveau démocratique, 1993, pp. 23-25

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Ce que signifiait « imputabilité » pour le gouvernement Harper

La Loi fédérale sur la responsabilité était la pièce maitresse de la campagne électorale du Parti conservateur lors des élections de 2006. Elle devait assurer la « responsabilité et le changement » et combattre la corruption du parti libéral précédemment au pouvoir. Elle devait être à la fois une réponse à l'enquête Gomery et offrir le moyen de traiter certains aspects du problème qui, disait-on, étaient au-delà du mandat de l'enquête Gomery. La loi et le Plan d'action étaient, disait-on, l'équivalent d'une « législation anticorruption » et représentaient un « changement de direction » et un « nettoyage du gouvernement ».[1]

Lorsqu'il a présenté le projet de loi, le premier ministre Stephen Harper a dit : « Avec la Loi fédérale sur la responsabilité, nous créons une nouvelle culture d'imputabilité qui changera à tout jamais la façon de faire les choses à Ottawa. » John Baird, le président du Conseil du Trésor qui a proposé la législation au nom du gouvernement, a dit : « La reddition de compte est la fondation même du système canadien de gouvernement responsable. Elle est essentielle pour rassurer le parlement et les Canadiens que le gouvernement du Canada se sert des ressources publiques de façon efficiente et efficace, et qu'il rend des comptes pour ses actions. »

Quelle était donc cette « imputabilité » selon le gouvernement ?

Suite aux élections de 2006, le Parti marxiste-léniniste du Canada (PMLC) a souligné :

« Nous verrons ce que Stephen Harper entend par imputabilité. Il a déjà dit que le premier geste de son gouvernement serait d'adopter la Loi sur l'imputabilité fédérale. De ce que nous avons vu jusqu'à présent des gestes et paroles de Harper, c'est évident qu'il n'entend pas instituer la responsabilité sociale du gouvernement. Sa notion d'imputabilité est la même que pour Paul Martin. Il va sans doute faire adopter de nouvelles règles et procédures de surveillance, mais rien de cela ne va s'attaquer à l'origine de la corruption et du conflit d'intérêts, ou même identifier correctement ce qu'est la corruption et le conflit d'intérêts. »[2]

La suite a donné raison à cette prédiction.

Selon le sens de l'imputabilité que l'on retrouve dans la Loi fédérale de responsabilité et dans son Plan d'action, l'imputabilité sera assurée par la surveillance — par l'élaboration de règles pour repérer les malfaiteurs. Cette définition n'est pas fondamentalement différente des deux initiatives précédentes sur l'imputabilité, la première prise par le gouvernement libéral sous Jean Chrétien en mai 2002, et la deuxième par le gouvernement libéral de Paul Martin. Ni l'une ni l'autre de ces initiatives n'a mis fin à la corruption ni aux conflits d'intérêts.

Dans l'initiative de mai 2002, il y avait un programme d'action de 8 points avec de nouvelles lignes directrices, une nouvelle procédure de nomination au poste de conseiller en éthique, une Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, un code de conduite pour les députés et les sénateurs, un plafond des contributions et des règles régissant les courses à la chefferie.[3] Une des initiatives propres au gouvernement de Paul Martin a été d'ordonner l'enquête du juge Gomery.

LML avait souligné : « La conception de la responsabilité des libéraux et conservateurs, appuyée par tous les partis politiques présentement à la Chambre des communes, fait appel à 'des lois plus sévères' et des lignes directrices plus strictes. Sa portée est purement administrative (non politique) et sa conséquence est de criminaliser des individus, les 'fautifs'. Les critères pour établir les fautes ou les méfaits sont imprécis et ont fait l'objet de délibérations précipitées. Ils semblent très arbitraires. Le PMLC croit que tout le processus et toutes les décisions prises en conséquence sapent les fondements de ce qu'on appelle le système de gouvernement responsable. L'incohérence qui en résulte pose encore plus de problèmes pour les partis politiques eux-mêmes, qui contrôlent le processus, sans parler du tort qu'elle fait au corps politique. Ainsi, loin de résoudre les problèmes de corruption et de conflit d'intérêts, les querelles inter et intra partisanes s'intensifient en même temps que la corruption et le conflit d'intérêts. Cela mène à l'approfondissement de la crise du système de gouvernement de parti, à la perte de confiance des citoyens dans les partis politiques, le parlement et la démocratie et à l'imposition éhontée d'un ordre du jour caché, celui de subordonner de plus en plus l'économie canadienne à celle des États-Unis des Monopoles d'Amérique du Nord et l'État canadien à l'État américain et d'entraîner le Canada dans la quête de domination mondiale de l'impérialisme américain. »

Notes

1. Le gouvernement Harper avait présenté la Loi fédérale sur la responsabilité au parlement le 11 avril 2006, juste après l'élection fédérale qui a porté le gouvernement minoritaire de Harper au pouvoir. Bien que la Loi fédérale sur la responsabilité fût un projet de loi massif qui contenait près de 250 pages, il était peu connu des Canadiens. Cette législation a changé plus de 60 textes législatifs et comprenait plusieurs nouvelles lois, telle la Loi sur les conflits d'intérêts. Le gouvernement Harper a élargi la portée de la Loi sur l'accès à l'information pour que celle-ci s'applique à dix-sept nouvelles organisations, sept agences et quatre fondations. Il a déposé les amendements proposés par le commissaire à l'information ainsi qu'un document de travail sur l'accès à l'information. Il l'a annoncé en même temps que son Plan d'action, qui comprenait des mesures que le gouvernement pouvait adopter immédiatement, sans l'approbation du parlement. En tant que tel, le Plan d'action a été mis en oeuvre immédiatement.

2. « Projet de loi C-2, la Loi fédérale sur la responsabilité, Mémoire du Parti marxiste-léniniste du Canada au Comité permanent du Sénat sur les Affaires juridiques et constitutionnelles, 7 septembre 2006 », LML, 8 septembre 2006, numéro 128

3. « 39e élection générale, la signification des résultats », LML, 30 janvier 2006, numéro 4

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