La corruption du gouvernement Trudeau selon
les normes établies par la Convention de l'ONU contre la corruption

Le premier ministre Justin Trudeau, des membres de son gouvernement, ainsi que des fonctionnaires tels que le greffier du Conseil privé, Michael Wernick, se donnent beaucoup de mal pour nous assurer que rien d'illégal n'a été fait dans les relations entre SNC-Lavalin et le gouvernement fédéral. Même l'ancienne procureure générale, Jody Wilson-Raybould, a dit que ce dont elle a été témoin est inapproprié, mais non illégal. Plusieurs commentateurs et experts ont fait remarquer que c'est là que réside le véritable scandale : toutes les manoeuvres pour atteindre leurs fins se font de manière légale !

Des définitions sont données de ce qui constitue la corruption, de ce qui est légal et de ce qui est correct, le tout confondu avec ce qui est légitime et ce qui ne l'est pas. En fait, le coeur de l'affaire est précisément qui définit quoi.

En fait, le problème est dans les définitions de ce qui constitue être de la corruption, de ce qui est légal et de ce qui est approprié et, qui plus est, qui les définit. Les normes établies par l'ONU font la distinction entre la « grande » corruption (politique) et la « petite » corruption (bureaucratique). Cette affaire de SNC-Lavalin illustre sans doute les deux, mais elle montre surtout que le Canada est corrompu parce qu'au Canada la corruption est définie par ceux qui cherchent à légitimer leurs actions au nom de motifs supérieurs tels que « l'intérêt national », « la création d'emplois », « l'aide humanitaire », « la liberté » et « la démocratie ».

La stratégie du gouvernement pour se démarquer de la corruption, qui est de faire un amalgame entre ce qui est légal et ce qui est « légitime », ne tient pas compte d'un élément crucial du régime de droit international enchâssé dans la Convention des Nations unies contre la corruption signée par le Canada le 21 mai 2005, et ratifiée le 2 octobre 2007.

L'article 13 de la Convention des Nations unies contre la corruption, intitulé « Participation de la société », énonce :

« Chaque État Partie prend des mesures appropriées, dans la limite de ses moyens et conformément aux principes fondamentaux de son droit interne, pour favoriser la participation active de personnes et de groupes n'appartenant pas au secteur public, tels que la société civile, les organisations non gouvernementales et les communautés de personnes, à la prévention de la corruption et à la lutte contre ce phénomène, ainsi que pour mieux sensibiliser le public à l'existence, aux causes et à la gravité de la corruption et à la menace que celle-ci représente. Cette participation devrait être renforcée par des mesures consistant notamment à :

a) accroître la transparence des processus de décision et promouvoir la participation du public à ces processus. »

Dans un document intitulé Corruption Definitions and Concepts, Inge Amundsen identifie les principales formes de corruption, à savoir le versement de pots-de-vin, le détournement de fonds, la fraude et l'extorsion.[1] Il écrit :

« Le rôle décisif de l'État se reflète dans la plupart des définitions de la corruption. La corruption est généralement considérée comme le comportement privé de recherche de la richesse d'une personne qui représente l'État et l'autorité publique. Il s'agit d'un détournement des biens publics par des fonctionnaires, pour des gains privés. La Banque mondiale a défini la corruption comme un abus de pouvoir public au profit d'un avantage privé. Une autre description largement utilisée est que la corruption est une transaction entre des acteurs des secteurs privé et public par le biais de laquelle des biens collectifs sont convertis illégitimement en bénéfices privés. (Heidenheimer et al. 1993 : 6) »

Amundsen cite Mushtaq Kahn qui définit la corruption comme « un comportement qui s'écarte des règles de conduite formelles régissant les actes d'une personne en position d'autorité publique en raison de motivations privées telles que la richesse, le pouvoir ou le statut (Kahn 1996 : 12) ».

Amundsen fait la distinction entre la corruption politique et la corruption bureaucratique (« grande » versus « petite »). La corruption politique se produit lorsque les décideurs politiques utilisent le pouvoir politique dont ils disposent pour maintenir leur pouvoir, leur statut et leur richesse. C'est à ce moment-là que la formulation des politiques et la législation sont conçues pour profiter aux hommes politiques et aux législateurs.

Il écrit que « la corruption politique suppose la manipulation des institutions politiques et des règles de procédure et, par conséquent, fausse les institutions du gouvernement. La corruption politique est un écart par rapport aux valeurs et aux principes rationnels et légaux de l'État moderne et conduit à un déclin institutionnel. Le problème fondamental de la corruption politique est le manque de volonté politique d'y faire face : les détenteurs du pouvoir ne souhaitent pas changer un système dont ils sont les principaux profiteurs. »[2] C'est précisément ce qui se produit dans le cas de SNC-Lavalin.

Le 17 décembre 1997, le Canada a également signé la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales de l'Organisation de coopération et de développement économiques (Convention de l'OCDE). En 1998, le Parlement a adopté la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers (LCAPE) afin de mettre en oeuvre dans la législation canadienne les obligations du Canada en vertu de la Convention de l'OCDE.

Le but de la Convention de l'OCDE serait de mettre un terme aux pots-de-vin et d'éliminer la corruption en tant qu'obstacle non tarifaire au commerce, et créer ainsi des conditions de concurrence équitables pour le commerce international.

En juin 2013, le Parlement a modifié la LCAPE afin d'augmenter les peines maximales prévues pour les individus condamnés, de créer une nouvelle infraction criminelle liée aux livres comptables et d'élargir le champ de compétences en fonction de la nationalité. En outre, l'amendement de 2013 prévoyait qu'à une date ultérieure, le gouvernement supprimerait l'exception relative aux facilités de paiement. Les paiements de facilitation sont ceux versés à des agents publics étrangers pour garantir ou accélérer l'exécution d'actes de nature courante qui relèvent de la compétence de l'agent. L'abrogation est entrée en vigueur le 31 octobre 2017 et de tels paiements sont désormais inclus dans les infractions de corruption transnationale énumérées dans la LCAPE.

Un examen de cette convention par le gouvernement du Canada mentionne ceci :

« Aucun pays n'est entièrement exempt de corruption. Mais lorsque la corruption prend des proportions telles qu'elle risque de freiner la croissance économique et de contrarier les efforts accomplis en vue d'instaurer une bonne gouvernance, elle entraîne la dégénérescence générale du tissu social. Obstacle au développement durable, la corruption peut éventuellement aggraver les disparités économiques et favoriser la criminalité organisée. En fait, si la corruption se développe sans entrave, la démocratie peut difficilement s'épanouir, la liberté se répandre, la justice prévaloir.

« Depuis quelques années, les efforts accomplis à l'échelle internationale pour combattre la corruption, encourager la transparence et accroître la responsabilité prennent de l'ampleur, parce que l'on comprend mieux le coût politique, économique et social de la corruption. En conséquence, des victoires importantes ont été remportées. Le Canada appuie fermement la lutte internationale contre la corruption parce que celle-ci est à la fois un obstacle à la bonne gouvernance, un problème de criminalité et une entrave au développement économique, social et politique. »[3]

L'exemple de la façon dont le gouvernement du Canada a traité l'affaire SNC-Lavalin ne corrobore certainement pas ces affirmations. Mis à part tout le reste, cette affaire a mis en lumière le fait que le gouvernement Trudeau avait introduit subrepticement un accord de réparation dans le mégaprojet de loi budgétaire qui permet au procureur en chef du Canada de surseoir aux accusations criminelles auxquelles une entreprise est confrontée. Cela se fait sous prétexte de grands idéaux et parce que le Royaume-Uni et certains autres pays le font.

Le Canada s'est placé dans une myriade d'organismes internationaux en tant que grand défenseur contre la corruption. Cependant, les agissements du gouvernement Trudeau, non seulement vis-à-vis de SNC-Lavalin, mais également dans tous les dossiers dans lesquels il avait promis de rendre justice, ont irrémédiablement terni la prétention du Canada de faire respecter l'État de droit. Pour tenter de réparer les pots cassés, en plus de démontrer qu'il n'a rien fait d'illégal, il va essayer de démontrer que ce qu'il a fait n'était pas inapproprié, car c'est un usage légitime des pouvoirs liés aux prérogatives. Ce qui est légitime, qui est légitime et qui décide sont devenus les principaux sujets de préoccupation pour le corps politique dans cette affaire sordide.

Notes

1. Inge Amundsen est un politicologue qui s'intéresse à l'institutionnalisation démocratique, à l'économie politique, aux parlements, aux partis politiques, à la corruption politique et aux ressources naturelles. Il identifie les principales formes de corruption comme étant l'échange de pots-de-vin, le détournement de fonds, la fraude et l'extorsion.

2. Amundsen, Inge, Corruption : Definitions and Concepts, Draft, 17 janvier 2000, chaire d'études de l'institut Michelsen sur le développement et les droits de la personne. Les citations sont traduites de l'anglais par LML.

3. Définition du mot « corruption » par le gouvernement du Canada.


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 8 - 2 mars 2019

Lien de l'article:
La corruption du gouvernement Trudeau selon les normes établies par la Convention de l'ONU contre la corruption - Diane Johnston


    

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