La Commission Gomery

La Commission Gomery a été créée le 9 février 2004 par le cabinet fédéral de Paul Martin. Son mandat était le suivant :

a) de faire enquête et de faire rapport sur les questions soulevées, directement ou indirectement, par [le] Rapport de la vérificatrice générale du Canada à la Chambre des communes, novembre 2003, concernant le programme de commandites et les activités publicitaires du gouvernement du Canada, notamment :

i) la création du programme de commandites, ii) la sélection d'agences de communication et de publicité, iii) la gestion du programme iv) la réception et l'usage de fonds ou de commissions octroyés à l'égard du programme v) toute autre question directement liée au programme que le commissaire juge utile à l'accomplissement de son mandat.

Parlant des illusions créées à propos de la Commission Gomery, le PMLC écrivait :

« [...] le scandale des commandites a permis de révéler un peu plus le problème fondamental : le système de démocratie représentative dominé par les partis, les lois électorales conçues spécifiquement pour permettre seulement l'élection de partis politiques et pour enlever tout pouvoir réel au peuple. Le résultat de la commission sera donc de parler d'allégations de malversations de fonds publics par un certain parti politique pour financer sa campagne électorale, mais en détachant tout cela du système politique comme tel, système dans lequel le peuple est traité comme une simple masse votante. Ni la Commission Gomery, ni le Comité des comptes publics ne vont aborder cette question fondamentale. »[1]

On a bien vu que cet aspect fondamental du scandale des commandites a été complètement ignoré par la Commission Gomery et le gouvernement. En fait, ni la Commission Gomery ni le gouvernement Harper ne s'intéresse à la responsabilité politique. La Commission Gomery situe le problème de responsabilité dans le domaine administratif en général (définition des responsabilités) et plus spécifiquement dans l'ingérence partisane dans l'administration des programmes et, dans une certaine mesure, dans les mécanismes censés tenir le gouvernement responsable, comme les comités parlementaires.

Le problème de l'ingérence partisane est attribué à certains individus qui se conduisent mal. Là-dessus, comme sur d'autres aspects identifiés, on propose des mesures administratives pour régler le problème. On présume que ces mesures, si elles sont correctement appliquées, rétabliront la responsabilité du gouvernement envers le parlement et du parlement envers la société.

Dans le préambule de Rétablir l'imputabilité, le juge Gomery brosse un tableau du fonctionnement de la responsabilité du parlement dans la démocratie canadienne.[2]

Dans les grandes lignes, il dit ceci :

« Le principe de la suprématie du Parlement veut que cet organe soit investi du pouvoir d'adopter des lois qui donnent des pouvoirs aux ministres et au reste de l'exécutif, et d'exiger que ceux-ci lui en rendent compte. »

« C'est par le truchement des lois et du processus budgétaire que le Parlement confère un ensemble de pouvoirs et de ressources au gouvernement, lequel doit lui rendre des comptes sur la façon dont il les utilise. »

« Les ministres et la fonction publique constituent la branche exécutive du gouvernement, qui tire ses pouvoirs et son autorité du Parlement. Elle doit rendre des comptes au Parlement et, par son intermédiaire, à la population canadienne. »

« Le principe de la responsabilité ministérielle veut que les membres du Cabinet, qui chapeautent la branche exécutive à titre individuel et collectif, soient investis de la responsabilité générale et du pouvoir de gouverner. »

« Le principe de la primauté du droit constitue un cadre d'ensemble qui tout à la fois permet et limite l'action gouvernementale. » Le juge Gomery écrit :

« Le Parlement est la tribune centrale où le gouvernement est directement tenu imputable de ses politiques et de son administration. Les ministres doivent collectivement lui rendre compte des politiques et des actions ou de l'inaction du gouvernement, la sanction ultime venant de la population à l'occasion des élections générales.

« Le Parlement tient le gouvernement imputable de deux façons. Premièrement, le Cabinet doit lui rendre des comptes sur ses politiques, ses réactions aux défis auxquels est confronté le pays, son administration de la fonction publique ainsi que la conduite des affaires de l'État. Deuxièmement, le Parlement tient le gouvernement imputable a posteriori de la façon dont il a utilisé les pouvoirs et les ressources qu'il lui a confiés. Cette imputabilité porte sur la gestion des affaires publiques, pas sur les politiques du gouvernement, et ce sont les responsables de la gestion qui doivent l'assurer. »

La position du PMLC

Le PMLC a écrit : « Le problème fondamental de cette interprétation est que la conception de la responsabilité est détachée du siège du pouvoir souverain et des intérêts qu'il est censé protéger. Tant qu'on ne répondra pas à la nécessité historique d'investir des citoyens du pouvoir souverain, on ne résoudra pas le problème de la responsabilité. »

Dans Un pouvoir à partager, publié en 1993, Hardial Bains, alors dirigeant national du PMLC, parle entre autres de la façon dont se pose le problème de la responsabilité dans le système de gouvernement au Canada.

« [...] il demeure que si les citoyens ne sont pas investis du pouvoir souverain et ne disposent pas de mécanismes leur permettant d'exercer le pouvoir souverain, ils ne sont pas libres de choisir ceux qui gouvernent en leur nom. Les partis politiques disposent littéralement d'un monopole exclusif en cette matière. [...]

« En fait, il n'existe pas de mécanisme obligeant les élus ou les gouvernements à rendre des comptes à l'électorat. Le seul recours des citoyens est d'élire un autre gouvernement aux prochaines élections. Il est intéressant de noter que la transparence et l'obligation de rendre des comptes ne servent leurs fins que lorsqu'elles détournent l'attention publique du fait qu'au bout du compte le gouvernement domine le processus du début à la fin. Ce sont les dehors dans lesquels s'enveloppe le pouvoir exécutif pour cacher le fait qu'il est l'unique pouvoir décisionnel.

« Ce sont là autant de moyens servant à priver l'électorat de son droit de participer à la direction des affaires de la société. [...]

« Les différentes réformes du processus ont pour effet de transformer ces différentes juridictions en des pouvoirs absolus. Ceux qui ont accès au pouvoir politique ont quand même besoin d'un moyen de résoudre les contradictions dans leurs rangs et écarter le peuple du gouvernement. Le terme démocratie en vient à signifier l'emploi d'une forme démocratique pour atteindre des fins non démocratiques. La forme démocratique devient un simple vestige de la démocratie et de plus en plus synonyme d'une règle de droit servant à sanctionner le pouvoir des élites politiques. Pour le justifier, on invoque les « précédents », les « traditions », les « institutions changeantes », la « démocratie telle que nous la connaissons », etc.

« Il existe un lien entre d'une part le pouvoir suprême et son origine et d'autre part le gouvernement et les intérêts qu'il sert. Et dans ce rapport, c'est le pouvoir suprême qui est dominant. Le processus ou le système politique facilite l'exécution des désirs du pouvoir suprême. Si l'évolution du processus politique se résume à l'extension du droit de vote, à la façon dont les voix sont comptées et à la réforme des procédures parlementaires, le pouvoir suprême demeurera hors de la portée des citoyens. »[3]

Partant de cette analyse, le PMLC a adopté le mot d'ordre : Pour nous, la responsabilité commence chez soi. C'est la reconnaissance du fait que lorsque la société est retenue dans son progrès et que toutes les voies permettant de régler ses problèmes sont bloquées, la classe ouvrière et le peuple assument eux-mêmes la responsabilité de changer la situation.

Aujourd'hui, pendant que s'intensifient l'offensive antisociale et l'effort pour engager le Canada dans les guerres agressives menées par l'impérialisme américain, le fait que le peuple est incapable de tenir le gouvernement responsable est un problème plus criant que jamais et il devient urgent d'y apporter une solution. Tant que les Canadiens ne participent pas à l'établissement de l'ordre du jour du gouvernement et qu'ils sont au contraire à la merci des priorités décidées par le gouvernement, les partis politiques et les médias, le principe de la responsabilité échappera au corps politique. Qui détient le pouvoir politique ? Où réside le pouvoir décisionnel ? Voilà les questions importantes qui ressortent de cette affaire. L'exercice du pouvoir est constitué d'une multitude d'éléments, mais le tranchant de la lutte du peuple pour exercer le pouvoir est la construction des organisations par lesquelles se placer en position d'influence en prenant position à la défense de ses droits et, de là, ouvrir la voie au progrès de la société et faire avancer la cause de la paix et des droits humains. C'est la seule façon de conjurer les dangers que font planer sur la société ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui. Le programme du PMLC est d'encourager les travailleurs à devenir des politiciens ouvriers et que les politiciens ouvriers et les représentants du peuple élisent et se fassent élire pour former une Opposition ouvrière au parlement. L'Opposition ouvrière pourra aller plus loin et former un gouvernement antiguerre qui répondra aux besoins du peuple au pays et à l'étranger. /// LML 28 septembre 2006

Notes

1. « La grande illusion de la Commission Gomery », Parti marxiste-léniniste du Canada, 16 août 2005.

2. Commission d'enquête sur le programme des commandites et les activités publicitaires, Phase 2 : Rétablir l'imputabilité : Recommendations, 2006.

3. Bains, Hardial, Un pouvoir à partage : Une définition moderne du processus politique et un plaidoyer pour le renouveau démocratique, 1993, pp. 23-25


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 8 - 2 mars 2019

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