Ce que signifiait « imputabilité » pour le gouvernement Harper

La Loi fédérale sur la responsabilité était la pièce maitresse de la campagne électorale du Parti conservateur lors des élections de 2006. Elle devait assurer la « responsabilité et le changement » et combattre la corruption du parti libéral précédemment au pouvoir. Elle devait être à la fois une réponse à l'enquête Gomery et offrir le moyen de traiter certains aspects du problème qui, disait-on, étaient au-delà du mandat de l'enquête Gomery. La loi et le Plan d'action étaient, disait-on, l'équivalent d'une « législation anticorruption » et représentaient un « changement de direction » et un « nettoyage du gouvernement ».[1]

Lorsqu'il a présenté le projet de loi, le premier ministre Stephen Harper a dit : « Avec la Loi fédérale sur la responsabilité, nous créons une nouvelle culture d'imputabilité qui changera à tout jamais la façon de faire les choses à Ottawa. » John Baird, le président du Conseil du Trésor qui a proposé la législation au nom du gouvernement, a dit : « La reddition de compte est la fondation même du système canadien de gouvernement responsable. Elle est essentielle pour rassurer le parlement et les Canadiens que le gouvernement du Canada se sert des ressources publiques de façon efficiente et efficace, et qu'il rend des comptes pour ses actions. »

Quelle était donc cette « imputabilité » selon le gouvernement ?

Suite aux élections de 2006, le Parti marxiste-léniniste du Canada (PMLC) a souligné :

« Nous verrons ce que Stephen Harper entend par imputabilité. Il a déjà dit que le premier geste de son gouvernement serait d'adopter la Loi sur l'imputabilité fédérale. De ce que nous avons vu jusqu'à présent des gestes et paroles de Harper, c'est évident qu'il n'entend pas instituer la responsabilité sociale du gouvernement. Sa notion d'imputabilité est la même que pour Paul Martin. Il va sans doute faire adopter de nouvelles règles et procédures de surveillance, mais rien de cela ne va s'attaquer à l'origine de la corruption et du conflit d'intérêts, ou même identifier correctement ce qu'est la corruption et le conflit d'intérêts. »[2]

La suite a donné raison à cette prédiction.

Selon le sens de l'imputabilité que l'on retrouve dans la Loi fédérale de responsabilité et dans son Plan d'action, l'imputabilité sera assurée par la surveillance — par l'élaboration de règles pour repérer les malfaiteurs. Cette définition n'est pas fondamentalement différente des deux initiatives précédentes sur l'imputabilité, la première prise par le gouvernement libéral sous Jean Chrétien en mai 2002, et la deuxième par le gouvernement libéral de Paul Martin. Ni l'une ni l'autre de ces initiatives n'a mis fin à la corruption ni aux conflits d'intérêts.

Dans l'initiative de mai 2002, il y avait un programme d'action de 8 points avec de nouvelles lignes directrices, une nouvelle procédure de nomination au poste de conseiller en éthique, une Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, un code de conduite pour les députés et les sénateurs, un plafond des contributions et des règles régissant les courses à la chefferie.[3] Une des initiatives propres au gouvernement de Paul Martin a été d'ordonner l'enquête du juge Gomery.

LML avait souligné : « La conception de la responsabilité des libéraux et conservateurs, appuyée par tous les partis politiques présentement à la Chambre des communes, fait appel à 'des lois plus sévères' et des lignes directrices plus strictes. Sa portée est purement administrative (non politique) et sa conséquence est de criminaliser des individus, les 'fautifs'. Les critères pour établir les fautes ou les méfaits sont imprécis et ont fait l'objet de délibérations précipitées. Ils semblent très arbitraires. Le PMLC croit que tout le processus et toutes les décisions prises en conséquence sapent les fondements de ce qu'on appelle le système de gouvernement responsable. L'incohérence qui en résulte pose encore plus de problèmes pour les partis politiques eux-mêmes, qui contrôlent le processus, sans parler du tort qu'elle fait au corps politique. Ainsi, loin de résoudre les problèmes de corruption et de conflit d'intérêts, les querelles inter et intra partisanes s'intensifient en même temps que la corruption et le conflit d'intérêts. Cela mène à l'approfondissement de la crise du système de gouvernement de parti, à la perte de confiance des citoyens dans les partis politiques, le parlement et la démocratie et à l'imposition éhontée d'un ordre du jour caché, celui de subordonner de plus en plus l'économie canadienne à celle des États-Unis des Monopoles d'Amérique du Nord et l'État canadien à l'État américain et d'entraîner le Canada dans la quête de domination mondiale de l'impérialisme américain. »

Notes

1. Le gouvernement Harper avait présenté la Loi fédérale sur la responsabilité au parlement le 11 avril 2006, juste après l'élection fédérale qui a porté le gouvernement minoritaire de Harper au pouvoir. Bien que la Loi fédérale sur la responsabilité fût un projet de loi massif qui contenait près de 250 pages, il était peu connu des Canadiens. Cette législation a changé plus de 60 textes législatifs et comprenait plusieurs nouvelles lois, telle la Loi sur les conflits d'intérêts. Le gouvernement Harper a élargi la portée de la Loi sur l'accès à l'information pour que celle-ci s'applique à dix-sept nouvelles organisations, sept agences et quatre fondations. Il a déposé les amendements proposés par le commissaire à l'information ainsi qu'un document de travail sur l'accès à l'information. Il l'a annoncé en même temps que son Plan d'action, qui comprenait des mesures que le gouvernement pouvait adopter immédiatement, sans l'approbation du parlement. En tant que tel, le Plan d'action a été mis en oeuvre immédiatement.

2. « Projet de loi C-2, la Loi fédérale sur la responsabilité, Mémoire du Parti marxiste-léniniste du Canada au Comité permanent du Sénat sur les Affaires juridiques et constitutionnelles, 7 septembre 2006 », LML, 8 septembre 2006, numéro 128

3. « 39e élection générale, la signification des résultats », LML, 30 janvier 2006, numéro 4


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 8 - 2 mars 2019

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