Cet imbroglio n'a rien
à voir avec
la protection des emplois
- Louis Lang -
Grève en juillet 2012 de 800 scientifiques,
ingénieurs et
technologues
du nucléaire
chez Candu Energy, filiale à part entière de
SNC-Lavalin
inc., créée en 2011 après
l'acquisition de la division des réacteurs
commerciaux d'Énergie atomique du Canada limitée
auprès du gouvernement du
Canada
SNC-Lavalin affirme qu'elle devrait être
admissible à un accord de réparation plutôt
que
d'être poursuivie au criminel parce que, selon elle, les
accusations de corruption qui pèsent contre elle sont sans
fondement et concernent des « actes
répréhensibles
allégués commis par d'anciens employés qui
ont
quitté la compagnie depuis longtemps ».
L'argument principal qui est cependant donné pour
défendre SNC-Lavalin est que, si elle est
déclarée
coupable, elle ne pourra pas faire de soumission sur des contrats
gouvernementaux pendant dix ans. Ceux qui défendent la
position
du gouvernement Trudeau prétendent que cela mettrait en
péril des dizaines de milliers de bons emplois.
Si l'on considère cette question seulement
à partir du point de vue de savoir si SNC-Lavalin et ses
lobbyistes et les initiés du gouvernement ont commis des
actes
criminels, on cache complètement le rapport entre les
gouvernements,
libéraux comme conservateurs, et les intérêts
privés qu'ils ont voulu protéger aux dépens
d'un
contrôle public d'importants secteurs de l'économie.
Leur
prétention de protéger SNC-Lavalin pour la
préservation de « bons emplois » est un
mensonge
parce que, en donnant préséance à
SNC-Lavalin
pendant des décennies, des milliers d'emplois dont on
avait
besoin pour la construction et l'exploitation d'ouvrages
d'infrastructure ont été
systématiquement remis à des intérêts
privés.
Un exemple flagrant est la destruction
d'Énergie
atomique du Canada limitée (EACL), une
société
d'État fondée en 1952 et dont le mandat
était de
développer la technologie de l'énergie
nucléaire.
EACL a développé la technologie du réacteur
CANDU
dans les années 1950 et est demeurée,
jusqu'à sa
vente à SNC-Lavalin en 2011, le vendeur
de la technologie du CANDU qu'elle a exportée à
l'échelle mondiale. Des années 1960 jusqu'aux
années 2000, EACL a construit des centrales CANDU en Inde,
en
République de Corée, en Argentine, en Roumanie et
en
République
populaire de Chine.
En juin 2011, EACL a été vendue
à
SNC-Lavalin pour la somme de 15 millions $. Non seulement
SNC-Lavalin
a-t-elle payé une fraction seulement de la valeur d'EACL,
dans
ce
que plusieurs experts ont qualifié de vente de feu, mais
le
gouvernement a aussi donné 75 millions de dollars à
SNC-Lavalin pour compléter le développement d'un
nouveau réacteur appelé CANDU 6 avancé.
Lorsque la
vente a été conclue, les gains annuels d'EACL
étaient d'environ 500 millions $. Même en ne tenant
pas
compte des actifs considérables qui ont été
accumulés par EACL, nier qu'il s'agissait d'un cadeau du
gouvernement Harper à SNC-Lavalin est le comble de
l'hypocrisie.
Les syndicats qui représentaient les
travailleurs d'EACL se sont fermement opposés à ce
geste
précisément parce qu'il causait la perte de
milliers
d'emplois, non seulement à la société
d'État, mais chez ses fournisseurs. Le
vice-président de
la Société des ingénieurs professionnels et
associés, Michael Ivanco, avait dit à ce
moment-là
que la
vente allait produire une entreprise « vidée de
l'intérieur » et des pertes possibles de milliers
d'autres
emplois parmi les fournisseurs de la société.
« Cela peut contribuer à un exode des cerveaux tel
qu'on
n'en a pas vu depuis l'Avro Arrow, alors que des
ingénieurs, des
scientifiques et d'autres employés vont réexaminer
leur
carrière à long terme
avec la compagnie, avait-il déclaré. Nous sommes
renversés et outrés que le gouvernement Harper ait
effectué cette vente derrière des portes closes
sans que
le public ou le Parlement canadien aient leur mot à dire.
Ils
ont imposé cette vente par le biais de la
législation
budgétaire qui a donné au cabinet, et non au
Parlement,
le droit de prendre cette
décision et nous en voyons aujourd'hui les
résultats.
» Le syndicat a aussi souligné que près de
800
emplois seraient mis en péril par la prise de
contrôle par
SNC-Lavalin.
Il est bien connu que plusieurs réacteurs
construits par EACL avaient besoin d'une remise à neuf
à
ce moment-là. Le gouvernement Harper a saisi l'occasion
pour
détruire EACL et soutirer l'industrie nucléaire au
contrôle public, à la suite de quoi SNC-Lavalin a
signé des contrats de milliards de dollars pour remettre
à neuf des réacteurs au Canada
et dans plusieurs pays. Une fraude est une fraude, qu'elle soit
légale ou non.
Des scientifiques du nucléaire tiennent un
piquet d'information pour défendre l'expertise
nucléaire
du Canada
contre la privatisation, Laboratoires de Chalk River, 9 septembre
2014.
Dans son numéro du 24 janvier 2014, le
Marxiste-Léniniste
écrit :
« La privatisation d'EACL est
néfaste pour
l'économie nationale aujourd'hui et elle le sera à
l'avenir. Elle a mené à la perte de près
d'un
millier d'emplois et à la perte possible de milliers
d'emplois
plus tard. Elle a fait en sorte qu'une technologie des plus
névralgiques — le développement
sécuritaire
d'énergie nucléaire — a été
exclue du
domaine public et remise entre les mains d'une entreprise
monopoliste
qui tirera avantage des besoins de toute la société
pour
l'énergie électrique. L'énergie
nucléaire a
évidemment des répercussions sur la santé,
la
sécurité et le bien-être de tous les
Canadiens et
ne doit jamais être confiée au domaine privé
d'une
entreprise monopoliste dont le seul
intérêt est de maximiser ses profits. Le
gouvernement
Harper n'a pas non plus tenu compte des accusations dans
lesquelles
SNC-Lavalin est embourbée — accusations de
pots-de-vin à
des fonctionnaires, d'inconduite, de corruption et de
subordination
liés à des projets au Canada et ailleurs dans le
monde.
»
Le démantèlement d'EACL a
été accompli entièrement par des mesures
légales, notamment grâce à des changements
législatifs qui ont permis au Canada de dire qu'il
respecte la
règle de droit. Le gouvernement Trudeau poursuit cette
politique
de destruction du contrôle public de la construction et de
l'exploitation des ouvrages d'infrastructure
publique, qui demeure la considération première
dans ces
décisions et certainement pas celle de la «
protection des
emplois
».
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 8 - 2 mars 2019
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Cet imbroglio n'a rien
à voir avec
la protection des emplois - Louis Lang
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