Des sujets de préoccupation pour le corps politique

Le besoin de renouveau démocratique pour pouvoir tenir les gouvernements responsables

LML publie cette semaine des opinions et des commentaires sur l'ingérence politique du gouvernement Trudeau dans une affaire devant les tribunaux concernant le géant de l'ingénierie SNC-Lavalin. Compte tenu de la désinformation faite par les milieux officiels au sein et en dehors du gouvernement, il est important que les Canadiens aient une perspective sur ce scandale qui les aide à comprendre la profondeur de la crise dans laquelle se trouvent les pouvoirs en place. La crise est causée par des arrangements étatiques qui visent à bénéficier à des intérêts privés étroits au nom d'idéaux élevés. Le désespoir du premier ministre Trudeau à secourir SNC-Lavalin est palpable. Il montre la pression que des intérêts privés étroits peuvent exercer sur les gouvernements pour atteindre leurs objectifs, mais aussi à quel point le parti au pouvoir et les hommes de main de l'État, tel que le greffier du Conseil privé, se mettent en quatre pour défendre ces intérêts.

Dans cette affaire, le témoignage de l'ancienne procureure générale, Jody Wilson-Raybould, reconnue pour son intégrité dans l'acquittement de ses responsabilités, révèle la nature des manoeuvres ourdies dans les couloirs du pouvoir, à l'insu du peuple. Si la procureure générale ne pouvait pas être convaincue d'accepter d'intervenir dans cette affaire, elle devait au moins, selon le bureau du premier ministre, accepter de trouver une issue pour le gouvernement. Elle devait obtenir un « avis extérieur » autre que le sien, et l'entourage du premier ministre organiserait la publication d'éditoriaux dans la presse pour bâtir la crédibilité de cet avis « extérieur ». Tout le monde est éclaboussé par ces révélations. D'anciens juges de la Cour suprême sont maintenant vus comme des fonctionnaires dont les services sont à vendre, comme Frank Iacobucci qui a été embauché par SNC-Lavalin pour défendre sa cause, échapper aux accusations criminelles et continuer de se qualifier pour des contrats gouvernementaux. Et le pire est que tout cela est légal ! En fait, le gouvernement soutient que ce qui a été fait est peut-être « inapproprié », mais pas illégal. Et étant donné que de nombreux emplois sont en jeu, ce n'est peut-être pas si inapproprié après tout. En fait, selon le discours officiel, cette ingérence était carrément « appropriée » et donc « légitime » !

Wilson-Raybould a dit que c'est l'argument qu'a défendu le greffier du Conseil privé Michael Wernick lors d'un appel téléphonique le 18 décembre 2018. Il lui aurait dit que « [le premier ministre] veut pouvoir dire qu'il a tout essayé dans la boîte à outils légitime ». Quant à Katie Telford, chef de cabinet de Trudeau, et à Gerald Butts, secrétaire principal qui a récemment démissionné, Wilson-Raybould a raconté qu'eux aussi voulaient ce type de « solution » et il a cité à cet effet une transcription de leur conversation avec sa chef de cabinet, Jessica Prince. Butts lui aurait dit : « Jess, il n'y a pas de solution ici en dehors d'une ingérence » et Telford aurait dit : « Nous ne voulons plus débattre de légalité. » Cette « caractérisation » des conversations sera sans doute contestée par Gerald Butts lorsqu'il témoignera devant le Comité de la justice le 6 mars.

Les faits confirmés dans les articles de ce numéro du LML parlent d'eux-mêmes. L'acquisition d'Énergie Atomique du Canada limitée par SNC-Lavalin sous le gouvernement Harper montre que la prétention de se soucier des emplois est une fraude. Les millions de dollars dépensés pour corrompre des fonctionnaires pour obtenir des contrats au Canada, notamment pour la réfection du pont Champlain, pour la construction du mégahôpital de McGill et pour la conception d'un train de banlieue, tous à Montréal, n'avaient pas pour objectif de créer des emplois. Chaque fois que SNC-Lavalin parvient à faire rejeter des accusations graves par les tribunaux, les médias, avec tous leurs pouvoirs d'enquête, se taisent. Ils préfèrent laisser entendre que la Libye sous Kadhafi était un bas-fond de corruption, mais qu'au Canada nous avons un État de droit. Les cas de corruption exposés au Canada seraient des aberrations, pas la règle.

Rien n'est plus faux ! L'affaire SNC-Lavalin montre comment fonctionnent ce que la police politique appelle les institutions démocratiques libérales au Canada, comment elles servent à payer les riches. La chose est portée à notre attention aujourd'hui non pas parce que tout cela est soudain et nouveau, mais tout simplement parce que l'ancienne procureure générale a refusé de jouer le jeu. Le cas actuel de SNC-Lavalin montre comment les choses fonctionnent au Canada. Les millions de dollars de pots-de-vin, le pouvoir des gouvernements, le pouvoir de l'État et le pouvoir sur les tribunaux — tout est là sous nos yeux.

Les Canadiens ne peuvent manquer de voir par ailleurs que pendant que le gouvernement Trudeau apporte des modifications à la Loi électorale et institue une nouvelle loi sur la sécurité nationale visant à restreindre « l'influence étrangère » dans les élections canadiennes sous prétexte de ne pas compromettre « les institutions démocratiques libérales » du Canada, l'affaire SNC-Lavalin montre à quel point l'ingérence des gouvernements compromet ces mêmes « institutions démocratiques libérales ». Ce sont des entreprises comme SNC-Lavalin, quel que soit le gouvernement au pouvoir et leurs hommes de main au sein de l'État qui, avec leur corruption et leur comportement dommageable, subvertissent ce que la police politique appelle les institutions démocratiques libérales du Canada. Qu'y a-t-il de démocratique dans tout cela ?

L'affaire SNC Lavalin montre que des personnes qui occupent des postes privilégiés au sein du corps politique ont le droit de violer la loi, de commettre des actes qu'ils savent illégaux et de le faire en toute impunité. Même quand ils se font prendre, les gouvernements et la minorité riche qu'ils protègent peuvent changer les lois pour se donner une impunité entière.

Le témoignage de Michael Wernick est une violation de son rôle de greffier du Conseil privé. Il tente de passer à l'offensive en parlant d'ingérence étrangère dans les prochaines élections et d'une « vague montante d'incitations à la violence » pour extirper le premier ministre, son bureau et le Conseil privé lui-même du gâchis dans lequel ils se trouvent. Ainsi, plutôt que de condamner le rôle du privilège, tout est fait pour légitimer le recours accru aux pouvoirs de police. Plus les choses vont, plus le gouvernement est exposé comme n'ayant aucune justification morale pour ses stratagèmes pour payer les riches au nom de grands idéaux.

Nous publions également des articles de la presse du Parti qui rappellent le scandale des commandites de 1995, à l'époque du gouvernement libéral de Jean Chrétien. Trop désireux de faire échec au référendum sur la souveraineté du Québec et de rester au pouvoir, le Parti libéral s'est embourbé dans la corruption. Tous les partis à la Chambre des communes l'ont rejoint dans son « mouvement pour l'unité canadienne » en violation des lois électorales du Québec. La Commission d'enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires présidée par le juge John Gomery a révélé l'étendue des pratiques de corruption et les libéraux ont été chassés du pouvoir. Avant de quitter, les libéraux ont prétendu répondre au scandale des commandites en instituant des limites sur les contributions des sociétés aux partis politiques et aux candidats, disant que cela allait mettre fin à « l'influence indue de l'argent ». Les conservateurs de Stephen Harper sont allés plus loin et ont interdit les contributions des sociétés. Rien de cela n'allait changer le caractère essentiellement corrompu du gouvernement de parti au Canada. Sous le gouvernement moralisateur de Stephen Harper, la corruption s'est répandue davantage et maintenant elle atteint de nouveaux sommets sous le gouvernement des « voies ensoleillées » de Justin Trudeau.

L'important dans tout cela est de voir que, comme avec le scandale des commandites et ensuite la corruption du gouvernement Harper, il ne s'agit pas de fautes commises par certains individus qui doivent être punis, mais ne le sont jamais. Ces scandales à répétition sont l'expression d'un problème fondamental : dans ce système appelé démocratie représentative basé sur ce qu'on appelle le gouvernement responsable, le peuple est dépourvu de tout moyen d'obliger ceux qui sont au pouvoir à rendre des comptes.

Le spectacle auquel nous assistons aujourd'hui montre comment tout ce monde, - le premier ministre et son personnel, les hommes de main de l'État passés et présents, les chefs des autres partis à la Chambre des communes et de l'opposition officielle, d'anciens juges de la Cour suprême et les médias à la disposition du maintien du pouvoir d'intérêts privés étroits sur le corps politique -,  tout ce monde agit d'une façon coordonnée. Tous détournent l'attention de la nécessité de trouver une solution au fait que le peuple est dépourvu des moyens d'obliger les gouvernements à rendre des comptes.

Les libéraux disent qu'il ne s'agit que d'interprétations différentes des événements et des propos tenus, tandis que l'opposition se querelle à savoir s'il faut des accusations au criminel ou une commission d'enquête. Tous cherchent à cacher que c'est le système de démocratie représentative et le processus électoral construit sur cette base qui sont en crise et qu'un renouveau est devenu nécessaire. S'il faut parler de légitimité, c'est la légitimité du processus qui porte au pouvoir des gouvernements de parti sur lesquels le peuple n'exerce aucun contrôle qui est remise en cause par les développements actuels.

Le Canada prêche contre la corruption dans les pays dits « du tiers monde ». Il consacre d'immenses sommes d'argent à former des étrangers à faire les choses « dans la légalité ». Dans le cas du Venezuela, sous prétexte de fournir une aide humanitaire et de s'opposer au gouvernement et au président prétendument corrompus, le gouvernement du Canada soutient même un coup d'État sanglant et poursuit une politique d'apaisement face aux plans des États-Unis d'envahir ce pays. La ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, joue le rôle de grand chevalier blanc de l'État de droit et de la démocratie et du juge de ce qui est « légitime » dans les autres pays. Mais cette affaire de SNC-Lavalin montre que la corruption au Canada est sans égale. La différence est qu'au Canada tout est « légal ». Les tentatives de présenter la corruption du Canada comme « légale » sont méprisables et condamnables, mais on dira néanmoins que cela est nécessaire et donc « légitime ».

La position du Parti marxiste-léniniste du Canada (PMLC) lors du scandale des commandites d`il y a plus de vingt ans, présentée dans ce numéro de LML, est particulièrement appropriée dans la situation actuelle :

« Aujourd'hui, pendant que s'intensifient l'offensive antisociale et l'effort pour engager le Canada dans les guerres agressives menées par l'impérialisme américain, le fait que le peuple est incapable de tenir le gouvernement responsable est un problème plus criant que jamais et il devient urgent d'y apporter une solution. Tant que les Canadiens ne participent pas à l'établissement de l'ordre du jour du gouvernement et qu'ils sont au contraire à la merci des priorités décidées par le gouvernement, les partis politiques et les médias, le principe de la responsabilité échappera au corps politique. Qui détient le pouvoir politique ? Où réside le pouvoir décisionnel ? Voilà les questions importantes qui ressortent de cette affaire. L'exercice du pouvoir est constitué d'une multitude d'éléments, mais le tranchant de la lutte du peuple pour exercer le pouvoir est la construction des organisations par lesquelles se placer en position d'influence en prenant position à la défense de ses droits et, de là, ouvrir la voie au progrès de la société et faire avancer la cause de la paix et des droits humains. C'est la seule façon de conjurer les dangers que font planer sur la société ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui. Le programme du PMLC est d'encourager les travailleurs à devenir des politiciens ouvriers et que les politiciens ouvriers et les représentants du peuple élisent et se fassent élire pour former une Opposition ouvrière au parlement. L'Opposition ouvrière pourra aller plus loin et former un gouvernement antiguerre qui répondra aux besoins du peuple au pays et à l'étranger. »


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 8 - 2 mars 2019

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