La direction insoutenable de l'économie et
autres sujets de grave préoccupation
TABLE DES MATIÈRES
Dénonçons les mesures
inhumaines qui privent l'humanité
du traitement pour la COVID-19
• Le
gouvernement Trudeau approuve l'exploitation
obscène
d'une maladie cruelle
• La
suspension des droits de propriété
intellectuelle sur les vaccins COVID-19 est une
nécessité humanitaire
• L'accès
mondial aux vaccins anti-COVID-19 a raté ses
cibles
- Nhan Dan -
• Le
besoin urgent de lever les sanctions qui privent
des pays entiers de protections contre la
COVID-19
• Il y
a des alternatives!
Hausse des profits
d'entreprises pendant la pandémie
• Les
assurances-médicaments impérialistes pour les
vaccins font de nouveaux milliardaires
• Les
fusions et acquisitions se produisent à un
rythme effréné
• Les
subventions salariales du gouvernement fédéral
augmentent les profits des grandes entreprises
pendant la pandémie
- Centre ouvrier du
PCC(M-L) -
Les travailleurs doivent exercer le pouvoir
décisionnel
sur nos ressources naturelles
• Les
plans de l'industrie de l'aluminium de payer les
riches
pour la modernisation
• Le
projet « ELYSIS » qualifié de « modernisation
progressive »
- K.C. Adams -
• Les
travailleurs de l'Alberta et leurs alliés
affrontent les milliardaires australiens du
charbon
- Dougal MacDonald (Ph. D.
en éducation) -
• Les
baies sauvages de la Colombie-Britannique sont
impropres à la consommation humaine et animale
- Peter Ewart -
• Les
forêts québécoises sont plus que des arbres à
abattre
- Pierre Soublière -
• Mexique,
glyphosate et Bayer-Monsanto
Dénonçons les mesures inhumaines
qui privent l'humanité
de traitement pour la COVID-19
Piquet devant l'assemblée des actionnaires de
Moderna, Boston, le 28 avril 2021
« La médecine, telle que
nous la pratiquons, est un commerce de luxe.
Nous vendons du pain au prix des bijoux...
Supprimons le profit, le profit économique
privé, de la médecine, et purifions notre
profession de l'individualisme rapace. » -
Norman Bethune[1]
La pandémie de la COVID-19 a pleinement révélé
que le blocage des solutions centrées sur l'humain
sur tous les fronts est devenu le trait qui
caractérise le mieux le gouvernement Trudeau. Le
fait qu'il se plie aux exigences des grandes
sociétés pharmaceutiques en est un exemple, et un
exemple méprisable.
À cet égard, son gouvernement a tout
fait pour s'assurer que la recherche, le
développement et les installations de production
du Canada soient entravés et que le pays reste
dépendant de la propriété et du contrôle
étrangers. Sa servilité envers les oligopoles et
les cartels d des grandes entreprises
pharmaceutiques est chaque jour plus regrettable
pour les dommages qu'elle cause à l'humanité.
Non seulement le premier ministre Justin Trudeau
a-t-il refusé de soutenir la suspension des droits
de propriété intellectuelle sur les vaccins, mais
dans la même entrevue a annoncé un nouveau
financement de 375 millions de dollars pour le «
dispositif pour accélérer l'accès aux outils de
lutte contre la COVID-19 », ce qui s'ajoute aux
940 millions de dollars déjà engagés. Le
dispositif d'accès accéléré et le mécanisme COVAX
sont des éléments du programme mondial
d'assurance-médicaments pour les vaccins qui
concernent l'achat de vaccins aux cartels des
grandes sociétés pharmaceutiques et leur
distribution au monde entier.
Justin Trudeau a laissé à sa ministre du Commerce
international, Mary Ng, le soin de défendre les
grandes sociétés pharmaceutiques et leur droit de
monopole qui leur permet de faire des profits
obscènes avec la crise sanitaire. Elle a déclaré
que le Canada « croit fermement en l'importance de
la protection de la propriété intellectuelle et
reconnaît le rôle essentiel qu'a joué l'industrie
dans l'innovation visant à mettre au point et à
fournir des vaccins contre la COVID-19 qui sauvent
des vies ».
Médicaments novateurs Canada, un groupe
industriel qui représente certains des cartels des
grandes entreprises pharmaceutiques, a cherché à
justifier le refus du gouvernement Trudeau de
suspendre les droits de propriété intellectuelle
sur les vaccins en déclarant dans un communiqué
qu'« une dérogation des aspects des droits de
propriété intellectuelle qui touchent au commerce
ne résoudra pas les problèmes causés par les
barrières commerciales, l'engorgement de la chaîne
d'approvisionnement mondiale et les pénuries de
matières premières qui influencent
l'approvisionnement en vaccins contre la COVID-19
».
Tous ces « problèmes » dont il est question sont
attribuables à l'usurpation du pouvoir de l'État
par l'oligarchie financière mondiale, qui
l'utilise dans sa quête de contrôle ou
d'acquisition d'intérêts concurrents et pour le
contrôle de l'économie mondiale elle-même.
L'économie mondiale réclame à grands cris
l'élimination de l'emprise des intérêts privés
étroits qui la contrôlent pour que les êtres
humains puissent l'orienter dans une direction qui
répond aux exigences de notre époque.
Des observateurs qui connaissent bien le commerce
mondial des médicaments font remarquer que les
questions relatives aux droits de propriété
intellectuelle, aux barrières commerciales, aux
goulets d'étranglement de la chaîne
d'approvisionnement mondiale et à la pénurie de
matières premières sont le produit de politiques
délibérées visant à contrôler la production et
l'approvisionnement en produits pharmaceutiques, à
faire grimper leurs prix sur le marché et à
garantir que les cartels pharmaceutiques existants
conservent leur mainmise sur le secteur.
Dans un article paru en mai dernier dans le Toronto
Star intitulé « Le refus du Canada de
renoncer aux droits de propriété intellectuelle
sur les vaccins COVID-19 devrait être un crime
contre l'humanité », Shree Paradkar écrit : « Nous
avons déjà vu ce cirque auparavant avec les mêmes
conséquences criminelles. En 1996, la thérapie
antivirale contre le VIH/SIDA a été mise au point,
mais était inaccessible à environ 95 % des
personnes vivant avec le VIH dans le monde, selon
The Lancet. En effet, un an auparavant, la
création de l'Organisation mondiale du commerce a
permis aux entreprises de transformer des brevets
nationaux en brevets mondiaux. Au début du siècle,
les médicaments non génériques coûtaient environ
10 000 dollars par an et étaient hors de portée de
nombreuses personnes. Les appels en faveur de
médicaments antirétroviraux génériques abordables
se sont heurtés aux menaces et aux poursuites
judiciaires des sociétés pharmaceutiques. Il a
fallu des années de lutte contre les droits de
monopole pour rendre enfin les traitements
abordables. »
Les médecins et les
autres persronnes qui ont manifesté lors de la
réunion des ministres de la Santé du Groupe des 7
(G7) au duché de Cornouailles du prince Charles,
le 2 juin, ont exigé que le G7 fournisse des
vaccins aux pays plus pauvres au lieu de les
thésauriser à leur profit. Des professionnels de
la santé calculent que les personnes vivant dans
les pays du G7 ont 77 fois plus de chances de
recevoir un vaccin que celles vivant dans les pays
les plus pauvres du monde. Au rythme actuel, il
faudrait à ces pays quelque 57 ans pour que tout
le monde soit entièrement vacciné. Les
manifestants ont appelé le G7 à « cesser de faire
des promesses vides et de protéger les intérêts
des sociétés pharmaceutiques ».
Anna Marriott, responsable de la politique de
santé d'Oxfam de Grande-Bretagne, qui est une
organisation membre de l'Alliance pour un vaccin
populaire, a dénoncé ces profits obscènes : « Quel
témoignage de notre incapacité collective à
contrôler cette maladie cruelle que de créer
rapidement de nouveaux milliardaires du vaccin,
mais de ne pas vacciner les milliards de personnes
qui ont désespérément besoin de se sentir en
sécurité. Ces milliardaires sont le visage humain
des énormes profits que de nombreuses sociétés
pharmaceutiques réalisent grâce au monopole
qu'elles détiennent sur ces vaccins. Ces vaccins
ont été financés par des fonds publics et
devraient être avant tout un bien public mondial,
et non une opportunité de profit privé. Nous
devons de toute urgence mettre fin à ces monopoles
afin de pouvoir augmenter la production de
vaccins, faire baisser les prix et vacciner le
monde entier. »
Winnie Byanyima, directrice du Programme commun
des Nations unies sur le VIH/sida, qui fait
également partie de l'Alliance pour un vaccin
populaire, déclare qu'« il est obscène que les
profits continuent de passer avant de sauver des
vies » parce que les détenteurs de brevets
refusent de partager leur technologie et leurs
installations de production. Elle rappelle que la
recherche scientifique qui a permis de créer des
vaccins efficaces contre la COVID-19 a été
financée et centrée dans des institutions
publiques et devrait en fait être considérée comme
un trésor commun de matériel de pensée des peuples
du monde entier. Or, les oligopoles privés qui
contrôlent la propriété intellectuelle et les
moyens de production qui en résultent manipulent
ces connaissances et leur contrôle de la
production pour exproprier le profit privé de
l'urgence sanitaire et drainer la valeur sociale
et les ressources nécessaires là où elles sont le
plus indispensables.
Le premier ministre Trudeau et ses ministres
agissent comme de pitoyables silhouettes en carton
et des voix programmées, créations des
départements de promotion du Big Pharma. Le fait
qu'il existe des médias qui reprennent avec un tel
zèle le refrain que ces représentants servent
l'intérêt public avec leurs stratagèmes pour payer
les riches montre le contrôle que le Big Pharma
exerce sur le pouvoir d'État dans les pays qui se
disent des démocraties avancées et indispensables.
L'augmentation rapide de la propriété et du
contrôle de la richesse sociale par les oligopoles
et les cartels du Big Pharma souligne la nécessité
d'un système de recherche et de production
pharmaceutique et de soins de santé centré sur
l'être humain et possédé et contrôlé par les êtres
humains. Le système actuel exproprie en tant que
profit privé une grande partie de la nouvelle
valeur que les travailleurs pharmaceutiques
produisent. La fuite de la richesse sociale dans
les mains de l'oligarchie mondiale et son contrôle
des produits vitaux ne sont pas viablers, ni dans
l'intérêt de la société humaine.
Les médicaments possédés et contrôlés par le
secteur privé sont mis en circulation en tant que
produits payants ou par le biais de systèmes
d'assurance-médicaments privés ou gouvernementaux.
L'énorme richesse concentrée dans des mains
privées dicte le contrôle de la recherche, de la
production et de la distribution des produits
pharmaceutiques produits et de leur prix de
marché. La pandémie accompagnée de la crise des
opioïdes a mis en évidence les dangers du contrôle
impérialiste et de la recherche du profit maximum
sur des secteurs aussi importants que les soins de
santé, les soins aux personnes âgées et
l'éducation.
Au-delà du soutien du gouvernement Trudeau à la
concentration accrue de la richesse entre les
mains d'un nombre de plus en plus restreint de
personnes, il y a le problème du contrôle exercé
par les oligarques sur les prises de décisions des
gouvernements pour leur imposer leur objectif
rétrograde qui empêche. Cette usurpation du
pouvoir de décision est devenue le problème
central parce qu'en plus de bloquer le progrès
humain, elle préside à la commission de crimes
odieux, comme le fait de priver des pays entiers
des vaccins contre le coronavirus. La
concentration du contrôle entre les mains de ceux
dont l'objectif est le profit privé maximum fausse
l'orientation non seulement du secteur
pharmaceutique, mais de toute l'industrie des
soins de santé, y compris les soins aux personnes
âgées.
Un système de
prises de décisions centrées sur l'être humain
pour la recherche, le développement et la
production de produits pharmaceutiques est
nécessaire pour que la nouvelle valeur reste dans
le domaine public, là où elle est nécessaire, et
pour que les êtres humains puissent avoir leur mot
à dire et exercer un contrôle sur la direction et
les opérations du secteur. La valeur produite, une
fois réalisée, doit être réinvestie pour garantir
la poursuite de la recherche et du développement
des produits pharmaceutiques et leur relation avec
la santé des personnes en général, et pour
affirmer le droit de tous aux soins de santé sans
restriction liée à la capacité de payer.
Un autre aspect essentiel est de pouvoir réaliser
la valeur des soins de santé dans les autres
secteurs et entreprises de l'économie qui
existent, et qui profitent de l'achat de la
capacité de travail de travailleurs en santé qui
produisent une nouvelle valeur. Toutes les
entreprises actives bénéficient d'une offre de
travailleurs en santé sans laquelle leurs
activités cesseraient. Toutes les entreprises
d'une certaine taille doivent payer une partie de
la valeur d'échange des travailleurs en santé, le
paiement étant destiné aux entreprises
pharmaceutiques centrées sur l'humain et à toutes
les autres entreprises du secteur de la santé.
La revendication des soins de santé est un droit
humain. Les hôpitaux, les cliniques médicales, les
soins dentaires, les soins de la vue et de l'ouïe,
les produits pharmaceutiques et les fournitures
médicales en général sont autant d'aspects
nécessaires à l'affirmation d'une société centrée
sur l'être humain. Pour ce faire, les soins de
santé et toutes leurs composantes doivent être
sous le contrôle d'un système centré sur l'être
humain pour être accessibles gratuitement à tous
sans exception.
La valeur créée par les travailleurs de la santé
doit être mise à la disposition du secteur de la
santé pour être réinvestie dans les soins de santé
et dans d'autres programmes sociaux. Pour cela, il
faut créer des entreprises de soins de santé
centrées sur l'être humain basées sur le fait que
les travailleurs sont en mesure de priver
l'oligarchie financière de sa capacité de priver
le peuple du droit aux soins de santé, et
d'empêcher les oligarques de s'ingérer
politiquement et de profiter du travail des
travailleurs de la santé.
Comment le faire est un problème que la classe
ouvrière doit poser et résoudre. Le point de
départ est d'exiger et d'affirmer le droit aux
soins de santé pour tous et de dénoncer et rejeter
la direction et le contrôle actuels des soins de
santé par l'oligarchie et les gouvernements à sa
disposition qui ont transformé la santé du peuple
en une vache à lait à exploiter pour payer les
riches.
Il appartient aux travailleurs d'apporter
l'alternative et une nouvelle direction. Élevons
ensemble nos voix et oeuvrons à établir une
nouvelle direction qui affirme le droit de tous
les êtres humains aux soins de santé.
Note
1. The Sword, The Scalpel: The
Story of Doctor Norman Bethun,
Ted Allan et Sydney Gordon, 1952
Capetown, Afrique du Sud, le 11 mars 2021
Les gouvernements d'Afrique du Sud, d'Inde et
d'autres pays ont demandé aux principaux pays
impérialistes de suspendre temporairement les
droits de propriété intellectuelle sur les vaccins
COVID-19 en raison d'une nécessité humanitaire.
Ils affirment que leurs pays ont la capacité de
production nécessaire pour augmenter
considérablement l'offre. Leurs scientifiques et
producteurs ont le savoir-faire et la capacité de
produire les vaccins à ARN messager, mais pour ce
faire, ils ont besoin d'une dérogation aux droits
de propriété intellectuelle détenus par les
cartels privés dont le siège social est aux
États-Unis et en Europe.
En l'état actuel
des choses, les cartels des grandes sociétés
pharmaceutiques s'opposent à tout assouplissement
sur leurs droits de brevet en matière de propriété
intellectuelle. Ils engrangent déjà des milliards
de bénéfices et s'apprêtent à en exproprier bien
davantage avec l'accroissement de leur production
et des ventes dans le monde. Pour que ces ventes
atteignent le monde en développement, plutôt que
d'avoir une production immédiate qui soit hors de
leur contrôle, les cartels pharmaceutiques veulent
que les gouvernements mondiaux fournissent des
fonds par le biais de l'assurance vaccinale pour
l'achat de leurs vaccins. Cela leur permettrait
d'engranger des profits au-delà des rêves les plus
fous qu'ils auraient pu entretenir avant la
pandémie.
L'achat par les gouvernements de vaccins aux
cartels privés en vue de leur distribution
gratuite a donné lieu à ce que beaucoup appellent
des « profits obscènes » et à des accusations de
meurtre de masse contre les États impérialistes
dominants pour avoir bloqué l'expansion de la
production et de la distribution de vaccins dans
le monde entier.
Les pays impérialistes dominants ont déjà
commandé plus de vaccins qu'ils n'en ont besoin,
ce qui a eu pour effet d'accaparer l'offre
actuelle et de refuser les vaccins au reste du
monde. Le gouvernement Trudeau soutient en
pratique l'obstruction de la production afin que
les cartels pharmaceutiques puissent récolter
encore d'autres milliards de la vente de leurs
vaccins par le biais d'un programme mondial élargi
d'assurance-médicaments.
En ce qui concerne la situation actuelle avec les
variantes de la COVID-19 qui font des ravages dans
les pays pauvres, l'expert en droits de la
propriété intellectuelle Achal Prabhala a déclaré
dans le balado The Dig qu'une décision
d'attendre que les cartels privés produisent et
vendent les vaccins dans le cadre du dispositif
d'accès accéléré et du mécanisme COVAX retarderait
toute distribution substantielle des vaccins dans
les pays pauvres jusqu'en 2023. Un tel retard
entraînera des millions de décès et d'autres
pertes et dommages indicibles, en partie parce que
d'autres mesures visant à freiner la propagation
de l'infection et à traiter les personnes
souffrant du virus ne sont pas possibles en raison
des terribles conditions sociales existantes.
Achal Prabhala rapporte que le gouvernement
américain et des gouvernements européens ont donné
aux cartels privés, dont Pfizer, Moderna et
AstraZeneca, « des milliards de dollars — des
milliards — en subventions sans conditions pour
faire la recherche (sur les vaccins), ce qui
signifie que les entreprises ne couraient aucun
risque en cas d'échec. Ensuite, ils ont versé aux
entreprises des milliards de dollars — des
milliards — en précommandes, de sorte que les
entreprises étaient assurées de trouver des
acheteurs avant même d'arriver sur le marché.
Maintenant, ils jouissent d'un monopole mondial
dans une très grande partie financée par le
travail des contribuables. »
En fait, les droits de propriété intellectuelle
sont des droits permettant de faire des richesses
privées obscènes en utilisant des stratagèmes pour
payer les riches, des réglementations
gouvernementales et des lois instituées dans
l'ensemble du système impérialiste d'États pour
servir l'oligarchie mondiale. En opposition à
cela, les peuples, par leurs propres efforts et
leur organisation, doivent mettre l'ensemble du
secteur des soins de santé sous leur contrôle et
s'assurer qu'il sert le peuple et la société et
non les intérêts privés étroits des oligarques.
- Nhan Dan -
En 2020, le Mécanisme pour un accès mondial aux
vaccins contre la COVID-19 (COVAX) a été lancé
dans le but d'offrir à tous les pays la
possibilité d'un accès rapide, juste et équitable
aux vaccins contre le coronavirus. Cependant, les
objectifs de l'initiative susmentionnée ont été «
ratés » en raison d'un manque de financement et de
l'égocentrisme de certains pays développés.
L'objectif initial de COVAX est de disposer de
deux milliards de doses d'ici la fin 2021 pour
soutenir les efforts de la lutte contre la
pandémie dans les pays. Pourtant, ce plan
ambitieux risque d'échouer car les statistiques
montrent que seules 68 millions de doses de vaccin
du programme COVAX ont été livrées à ce jour, ce
qui ne représente que 3,4 % du plan. Pendant ce
temps, à la fin du mois de mai 2021, le monde a
enregistré la distribution de 1,5 milliard de
doses, mais seulement 0,3 % d'entre elles ont
atteint les pays à faible revenu.
Les experts de la
santé mondiale soulignent que les résultats
décevants susmentionnés ne sont pas attribuables
aux efforts insuffisants des personnes
responsables du programme COVAX à l'Organisation
mondiale de la santé (OMS), mais principalement à
un manque de financement et de fournitures de
vaccins, et à la réticence des pays riches à
partager les vaccins avec les pays pauvres.
COVAX était initialement destiné à être une
structure d'attraction financière à but non
lucratif. Par conséquent, les pays riches
contribuent financièrement à la recherche
simultanée de nombreux vaccins différents pour
trouver des vaccins efficaces, puis les
fournissent gratuitement à 92 pays à faible revenu
qui ne peuvent pas se permettre d'acheter des
vaccins anti-COVID-19. Pour assurer son
efficacité, ce mécanisme nécessite qu'un nombre
suffisant de pays riches investissent et
s'engagent à se faire vacciner par le biais de
COVAX. Cependant, dans les faits, cette initiative
n'a pas obtenu le financement nécessaire pour
servir la recherche et l'approvisionnement en
vaccins au stade initial. De nombreux pays riches
ont même signé des contrats individuels pour
acheter des vaccins auprès de fabricants tels que
Pfizer et Moderna, retardant ainsi la mise en
oeuvre de contrats de production de vaccins à
grande échelle en 2021, dans le cadre de
l'initiative COVAX.
Un problème majeur qui entrave les efforts
d'approvisionnement en vaccins via COVAX est la
pénurie de vaccins, qui est en partie attribuée à
la grave situation pandémique en Inde. Le
principal fournisseur de vaccins pour COVAX est le
Serum Institute of India, qui produit le vaccin
AstraZeneca. Cependant, avec la forte épidémie de
la maladie dans ce pays d'Asie du Sud,
l'approvisionnement prévu en vaccins pour COVAX a
dû être détourné pour répondre à la demande
intérieure de l'Inde.
L'OMS et l'alliance mondiale pour les vaccins
Gavi – des représentants d'organisations à
l'origine du mécanisme COVAX – ont récemment
publié une déclaration selon laquelle 2 milliards
de dollars américains supplémentaires sont
nécessaires pour porter la couverture des
programmes de vaccination à près de 30 %. Pour
sécuriser les doses à livrer jusqu'en 2021 et au
début de 2022, COVAX a besoin de la somme
susmentionnée d'ici le 2 juin pour confirmer et
garantir les approvisionnements. [En date du 22
juin, des promesses d'approvisionnement de
l'ordre de 2,4 millards de dollars US avaient
été faites – ndlr.] Selon ses
objectifs initiaux, COVAX devrait livrer deux
milliards de doses de vaccin dans le monde en 2021
et 1,8 milliard de doses d'ici le début 2022. Les
« obstacles financiers » entravent les objectifs
et les efforts de COVAX en ce qui concerne la
livraison des vaccins. Les responsables de
l'initiative COVAX ont également averti que si la
pénurie actuelle de vaccins n'était pas traitée
d'urgence, les « conséquences pourraient être
catastrophiques ».
Les faits mentionnés montrent que les plans de
COVAX d'assurer « un vaccin pour tout le monde »
et de « ne laisser aucun pays de côté » ratent
leurs objectifs. Le problème ne provient pas
seulement des fondateurs et des dirigeants de
COVAX, mais il est aussi un gros problème à
l'échelle mondiale, car des variantes du
coronavirus et de nouvelles vagues de la pandémie
peuvent pénétrer et réapparaître dans les pays
développés à tout moment. L'humanité peut vaincre
la pandémie actuelle seulement si les
gouvernements et les peuples, en particulier ceux
des pays développés, partagent les difficultés,
distribuent les vaccins de manière appropriée et
unissent leurs efforts dans la lutte contre la
COVID-19.
Les
sanctions que les États-Unis ont imposées à divers
pays, avec l'aide du Canada et d'autres pays,
causent un grave préjudice aux populations de ces
pays en les privant de la possibilité de se
procurer la nourriture et les médicaments
nécessaires au maintien de la vie. L'objectif de
ces sanctions est particulièrement odieux. Ces
sanctions qui constituent en fait un acte de
guerre visent en effet à contrôler ces pays et, si
cela n'est pas possible, à les exterminer
littéralement. L'urgence de lever ces sanctions
est apparue lors de la 74e session de l'Assemblée
mondiale de la santé (AMS) qui s'est tenue
virtuellement du 24 au 31 mai 2021. Plusieurs pays
membres ont attiré l'attention sur l'urgente
nécessité de lever les mesures coercitives
unilatérales imposées à des pays comme le
Venezuela, Cuba, l'Iran, la République populaire
démocratique de Corée (RPDC) et le Zimbabwe dans
le contexte de la pandémie de COVID-19. Ces
mesures font obstacle à l'accès aux fournitures
médicales, aux équipements de protection
individuelle et aux vaccins, ainsi qu'aux denrées
alimentaires et aux produits de première
nécessité, ce qui limite la capacité de ces pays à
sauver la vie des personnes touchées par la
pandémie.
Selon la coalition « Les sanctions tuent », « les
pays ciblés sont confrontés à des pénuries de
médicaments et d'équipements médicaux, notamment
en approvisionnement d'oxygène et de ventilateurs,
d'équipements de protection, de pièces de
rechange, de logiciels, de carburant,
d'électricité, d'eau potable et d'eau pour se
laver, [ils] ne peuvent pas utiliser les actifs
étrangers pour les importations humanitaires,
leurs citoyens et leur personnel médical ne
peuvent pas avoir accès aux informations sur la
COVID-19 et à la télémédecine ou utiliser les
plateformes éducatives et de communication . »
La coalition souligne que « dans une perspective
à long terme, les sanctions unilatérales entravent
la capacité des pays ciblés à répondre à la
COVID-19, à mettre en oeuvre des plans de réponse
nationaux; elles entraînent des violations des
mécanismes de coopération/intégration régionaux et
bilatéraux existants ; elles rendent les
populations dépendantes de l'aide humanitaire et
empêchent la reprise économique des pays ciblés
par le développement et l'entretien des
infrastructures nécessaires. Cela viole les droits
du travail, le droit à l'éducation, l'accès à
l'information, le droit à l'alimentation et le
droit à la santé de leurs populations[1]. »
Zoe Alexandra fournit le rapport
suivant :
Au moins 39 pays sont actuellement soumis à des
sanctions unilatérales imposées par les États-Unis
et appliquées, entre autres, par le Canada et les
institutions qu'ils contrôlent. Il est urgent de
mettre fin à ces sanctions. Les prétextes pompeux
de défense des droits de la personne, des normes
et des valeurs modernes, doivent être démasqués
comme frauduleux et dénoncés comme des couvertures
pour les crimes contre l'humanité.
Le ministre vénézuélien de la Santé, Carlos
Alvarado, a déclaré à l'AMS le 25 mai : « Pour
mettre un terme à la pandémie de COVID, nous avons
besoin de la paix et nous devons travailler en
harmonie avec notre peuple. C'est pourquoi nous
exigeons la fin du blocus financier et de toutes
les mesures coercitives promues unilatéralement.
Nous exprimons notre solidarité avec les peuples
de Palestine et de Colombie qui souffrent d'une
répression violente. Les mesures unilatérales
mises en oeuvre par les États-Unis et leurs alliés
nous rendent difficile l'accès aux produits
essentiels pour produire des vaccins, ce qui viole
le droit à la santé de notre peuple. »
Le Venezuela a enregistré plus de 230 000 cas de
COVID-19 et plus de 2 500 décès. Le blocus
financier et économique imposé par les États-Unis
a eu un impact catastrophique sur l'économie du
pays. Selon un rapport du Washington Office on
Latin America (WOLA), les sanctions américaines
visant le secteur pétrolier et les transactions
financières du Venezuela depuis 2017 ont fait
perdre au pays entre 17 et 31 milliards de dollars
de revenus. Cette perte de PIB a un impact direct
sur la capacité de l'État à importer des articles
essentiels et à financer des programmes clés.
Pendant la pandémie, cela a directement affecté la
capacité de l'État à prendre soin de sa
population. Le pays a reçu des vaccins de la Chine
et de la Russie. Cependant, son paiement à
l'initiative COVAX a été retardé en raison de ses
difficultés financières, ce qui a affecté ses
efforts pour faire avancer le processus
d'inoculation de masse.
Lors de la réunion des ministres de la Santé des
pays du Mouvement des pays non alignés (MNA)
organisée en marge de l'AMS, le ministre de la
Santé Alvarado a également déclaré que « le modèle
de soins de santé dominant et capitaliste, dans
lequel la santé est considérée comme un bien
auquel vous n'avez droit que si vous payez, se
reflète clairement dans l'inégalité d'accès aux
vaccins et aux autres fournitures nécessaires pour
combattre la pandémie, comme l'a souligné le Dr
Tedros Adhanom Ghebreyesus [directeur général de
l'OMS] ».
Lors de cette réunion, le ministre cubain de la
Santé, José Angel Portal Miranda, s'est fait
l'écho de la demande de levée des sanctions et a
expliqué la situation complexe à laquelle son pays
est confronté : « L'intensification du blocus
économique, commercial et financier injuste imposé
par le gouvernement américain, parallèlement à
l'application délibérée de mesures coercitives
unilatérales inhumaines, entrave l'accès aux
ressources essentielles pour le développement de
médicaments et de fournitures qui soutiennent la
lutte contre le virus. »
Toutefois, Portal Miranda a souligné qu'« au
milieu de cette guerre économique étouffante et
d'autres défis qui exigent un effort énorme de la
part du gouvernement et du secteur de la santé,
rien ne nous a empêchés de mettre en oeuvre des
actions ayant pour objectif de protéger la vie de
tout notre peuple ».
Cuba est le seul pays d'Amérique latine et de la
région des Caraïbes à avoir développé des vaccins
pour lutter contre le virus COVID-19. C'est aussi
le pays de la région qui a le mieux combattu et
contenu la propagation de la pandémie, malgré le
blocus étouffant. Portal Miranda attribue le
succès de Cuba aux efforts déployés pendant les 60
ans de la révolution, au cours desquels le pays a
« maintenu un système de santé public, universel,
gratuit et accessible à 100 % de la population ».
Le représentant de l'Iran a également
pris une position ferme contre les mesures de
blocus. « Nous appelons tous les États membres,
l'OMS et les organisations régionales et mondiales
à s'opposer à ces mesures illégales afin de
garantir une lutte mondiale rapide, complète et
coordonnée contre la COVID-19 », a-t-il déclaré.
L'Iran a également souffert des mesures
coercitives imposées par l'administration
américaine l'année dernière. Les tentatives de
l'Organisation mondiale de la santé de faire
livrer des trousses de dépistage à l'Iran depuis
les Émirats arabes unis se sont heurtées à des
difficultés en raison de « restrictions de vol ».
Les Émirats arabes unis ont dû envoyer les
trousses dans un avion de transport militaire. De
même, une application destinée à aider la
population iranienne pendant la pandémie a été
retirée par Google de sa boutique d'applications
en raison des sanctions américaines.
Le fait d'inhiber la capacité d'un pays à prendre
en charge sa propre population touchée par la
pandémie de COVID-19 a des implications mondiales.
Comme cela a été répété tout au long de
l'Assemblée, il n'y a aucun moyen de mettre fin à
la pandémie si tous les pays ne sont pas en mesure
de la contenir. Il incombe clairement aux
États-Unis et à leurs alliés de répondre à la
demande collective et de lever les sanctions.
Note
1.
L'Assemblée mondiale de la santé est l'organe
de décision de l'OMS. Elle est composée de
délégations de tous les états membres de l'OMS
et se concentre sur un programme de santé
spécifique préparé par le conseil exécutif.
Les principales fonctions de l'Assemblée
mondiale de la Santé sont de déterminer les
politiques de l'Organisation, de nommer le
directeur général, de superviser les
politiques financières et d'examiner et
d'approuver le projet de budget-programme.
L'Assemblée mondiale de la Santé se tient
chaque année à Genève, en Suisse.
Les programmes pour payer les riches liés à
l'assurance-médicaments et à la COVID-19, qui
représentent des milliards de dollars et qui
rapportent des fortunes à certains individus qui
contrôlent et possèdent les grandes sociétés
pharmaceutiques, prouvent que toute forme
d'assurance-médicaments doit être globale, sinon
elle devient inévitablement un autre système
corrompu d'enrichissement des oligarques mondiaux
qui exploitent à leurs fins un programme social
nécessaire. Pour durer et être efficace et ne pas
être utilisée pour enrichir les oligarques des
grandes pharmaceutiques, l'assurance-médicaments
doit englober le développement, la recherche, la
production et la distribution de produits
pharmaceutiques et avoir pour seul objectif de
servir le peuple, l'économie et la société et non
les nantis de la planète. Cela nécessite des
entreprises publiques centrées sur l'être humain
pour organiser la recherche nécessaire et
développer et produire des produits
pharmaceutiques et les mettre à la disposition du
peuple sans qu'aucun aspect ne soit infecté par
l'objectif impérialiste du profit privé maximum.
Un véritable
programme d'assurance-médicaments et plus
généralement un système de santé sont nécessaires
non seulement pour les individus, mais aussi pour
que l'économie et la société fonctionnent et se
développent. La pandémie montre à quel point il
est crucial d'avoir des conditions sociales qui
produisent et maintiennent une population en
santé. Comme on l'a vu, dans ces conditions, des
secteurs entiers de l'économie, voire l'ensemble
de la société, ralentissent et s'arrêtent. Pour
que les travailleurs soient disponibles pour
travailler, il faut bâtir et préserver la santé de
la population par un système de santé universel et
gratuit.
La pandémie prouve que pour soutenir les
investissements nécessaires à un système de santé
qui répond aux besoins, y compris
l'assurance-médicaments et les soins aux aînés, la
valeur que ces services produisent sous la forme
de travailleurs en santé doit être réalisée dans
un échange convenable au sein de l'économie.
Toutes les grandes entreprises de l'économie d'une
certaine taille doivent payer pour cette valeur
sans laquelle elles ne peuvent exister. Ces
grandes entreprises doivent être tenues
responsables de la réalisation (du paiement) de la
valeur que représentent des travailleurs en santé
et leur capacité de travail dont le système de
santé et l'ensemble de l'économie tirent profit.
Des travailleurs en bonne santé et instruits sont
le facteur humain essentiel pour produire une
nouvelle valeur sans laquelle l'économie et la
société s'effondreraient. Les oligarques
impérialistes qui contrôlent les affaires
économiques et politiques refusent d'admettre
cette vérité évidente et continueront de le faire
tant qu'ils ne seront pas privés de leur capacité
de priver les travailleurs de ce qui leur
appartient de droit.
La pandémie montre à quel point cette situation
est devenue intenable et elle ne peut être résolue
que par la création d'entreprises publiques
centrées sur l'être humain, capables d'assurer la
recherche, le développement et la distribution des
produits pharmaceutiques dont la population a
besoin. Cette approche moderne éliminerait la
recherche d'un profit privé maximum pour les
remèdes et les vaccins, qui bloque actuellement la
distribution massive de vaccins pour lutter contre
la COVID-19. Tant que ces aspects resteront entre
les mains des cartels impérialistes, le monde ne
sera pas en sécurité.
La mondialisation s'est faite à la vitesse de
l'éclair pour servir les cartels et leur soif du
profit maximum. Mais les conséquences de leurs
actions échappent à leur contrôle. La lutte pour
les vies est la lutte pour les droits et c'est
l'alternative à ce que font les gouvernements au
service des riches avec leurs stratagèmes pour
payer les riches et leur offensive antisociale.
Hausse des profits d'entreprises
pendant la pandémie
À Washington le 11 mars 2021
Les milliardaires des grandes sociétés
pharmaceutiques (Big Pharma) s'enrichissent de la
vente de vaccins COVID-19 à des prix exorbitants
aux gouvernements du monde entier. Une forme
d'assurance vaccinale impérialiste dans des pays
dépourvus de production pharmaceutique
indépendante et centrée sur l'être humain a
répandu le vaccin COVID-19 des cartels mondiaux
dans tous les pays, sauf les plus pauvres,
poussant les profits des cartels et le cours de
leurs actions à la bourse à des sommets inégalés.
Une poignée de
cartels pharmaceutiques mondiaux a pris le
contrôle de la matière première des vaccins et de
la vaste capacité de production nécessaire pour
produire des milliards de doses. Un groupe
international de défense appelé Alliance pour un
vaccin populaire prévient que les différents
cartels de Big Pharma utilisent leur contrôle et
leurs relations avec les gouvernements pour
dominer l'approvisionnement et le prix du marché
des vaccins. Les cartels ont augmenté leurs
profits tout en rendant plus difficile pour les
pays pauvres en particulier d'obtenir les stocks
dont ils ont besoin, tandis que le contrôle
impérialiste bloque leur capacité à produire
eux-mêmes des vaccins.
Les PDG de Moderna et de BioNTech figurent en
tête de liste des neuf oligarques du Big Pharma
qui sont devenus milliardaires grâce au lancement
des vaccins contre la COVID-19. De nombreux
gouvernements utilisent diverses formes
d'assurance-médicaments impérialiste pour acheter
les vaccins aux producteurs privés et les
administrer gratuitement à la population. La
distribution gratuite de vaccins achetés par des
particuliers a considérablement augmenté les
ventes et les bénéfices des grandes entreprises
pharmaceutiques mondiales qui, dans ce cas, n'ont
pas besoin de s'engager dans la publicité coûteuse
habituelle pour promouvoir leurs médicaments.
Le palmarès des riches de Forbes identifie neuf
nouveaux oligarques milliardaires du Big Pharma.
Ils rejoignent un groupe de huit autres oligarques
pharmaceutiques qui contrôlent déjà chacun une
richesse sociale supérieure à un milliard de
dollars. Les neuf nouveaux milliardaires possèdent
une richesse nette combinée de 19,3 milliards de
dollars. Selon l'Alliance pour un vaccin
populaire, la richesse sociale personnelle de ces
neuf oligarques permettrait à elle seule de payer
1,3 fois la vaccination de tous les habitants des
pays à faible revenu. Au lieu de cela, les pays
considérés comme « pauvres » par les Nations unies
n'ont reçu que 0,2 % des vaccins disponibles dans
le monde, alors qu'ils abritent 10 % de la
population mondiale.
Les oligarques milliardaires du Big Pharma
Les plus récents milliardaires du Big Pharma sont
Stéphane Bancel, PDG de Moderna, et Ugur Sahin, de
BioNTech, qui détiennent chacun plus de 4
milliards de dollars de richesse sociale. Parmi
les autres nouveaux milliardaires de l'industrie
pharmaceutique figurant sur la liste de Forbes se
trouvent trois investisseurs de Moderna, le
président d'une entreprise chargée de fabriquer et
d'emballer le produit de Moderna et les trois
cofondateurs du producteur chinois de vaccins
CanSino Biologics.
Huit autres oligarques du Big Pharma, dont la
fortune avait déjà dépassé le milliard de dollars
avant l'arrivée de la pandémie, ont vu leur
fortune augmenter de manière significative. Il
s'agit notamment d'oligarques liés aux entreprises
chinoises Chongqing Zhifei Biological et
Sinopharm, aux entreprises indiennes Cadila
Healthcare et Serum Institute of India, ainsi
qu'aux détenteurs d'actions de BioNTech[1]. Aux individus
cités s'ajoutent les cartels d'investisseurs
mondiaux, poliment appelés « investisseurs
institutionnels », qui détiennent la part du lion
des actions des oligopoles pharmaceutiques.
Les données du palmarès Forbes « The Richest
People In The World List » identifient les
oligarques de Big Pharma suivants et la richesse
sociale qu'ils contrôlent :
Stephane Bancel, PDG de Moderna (4,3 milliards
de dollars) ;
Ugur Sahin, PDG de BioNTech (4 milliards de
dollars) ;
Timothy Springer, investisseur de Moderna (2,2
milliards de dollars) ;
Noubar Afeyan, président de Moderna (1,9
milliard de dollars) ;
Juan Lopez Belmonte Encina, président de ROVI,
une société ayant conclu un accord pour la
fabrication et le conditionnement du vaccin
Moderna (1,8 milliard de dollars) ;
Robert Langer, investisseur dans Moderna (1,6
milliard de dollars) ;
Zhu Tao, cofondateur de CanSino Biologics (1,3
milliard de dollars) ;
Qiu Dongxu, cofondateur de CanSino Biologics
(1,2 milliard de dollars) ;
Mao Huinhoa, cofondateur de CanSino Biologics (1
milliard de dollars).
De plus, huit milliardaires existants ayant des
investissements importants dans les sociétés
pharmaceutiques spécialisées dans les vaccins de
la COVID-19 ont vu leur richesse combinée
augmenter de 32,2 milliards de dollars.
L'Alliance pour un vaccin populaire fait
remarquer que cette somme est plus que
suffisante pour vacciner tous les habitants de
l'Inde. Parmi ces huit personnes figurent Cyrus
Poonawalla, fondateur de Serum Institute of
India, dont la fortune est passée de 8,2
milliards de dollars l'an dernier à 12,7
milliards de dollars en 2021, et Pankaj Patel,
qui contrôle Cadila Healthcare. Ce dernier a vu
sa fortune passer de 2,9 milliards de dollars en
2020 à 5 milliards de dollars cette année.
Note
Les fusions et acquisitions sont un facteur
dans l'économie impérialiste qui concentre
davantage la richesse sociale et le pouvoir
entre moins de mains. Les médias rapportent que
les prises de contrôle mondiales se déroulent à
un rythme record. Dix-sept de ces transactions
depuis 2020 comprennent des montants de plus de
20 milliards de dollars et deux des plus
importantes impliquent des sociétés basées au
Canada[1].
La plus importante est l'acquisition de Kansas
City Southern par le Canadien National, estimée
à 29 milliards de dollars. Cette acquisition
concentre la force productive des deux sociétés
ferroviaires pour créer la plus grande société
du secteur en Amérique du Nord, avec des
opérations à travers le continent. L'acquisition
semble faire partie de la stratégie de
l'impérialisme américain d'intégrer le Canada et
le Mexique à la sécurité intérieure des
États-Unis et à leur économie de guerre au moyen
d'un corridor de transport ferroviaire sécurisé.
La fusion des sociétés ferroviaires concorde
avec la décision du président Biden d'annuler
l'oléoduc Keystone XL, car davantage de pétrole
de l'Alberta sera désormais expédié aux
États-Unis par chemin de fer. Certains
commentateurs ont déclaré que ce fait en soi
avait fait augmenter la valeur de la fusion,
entraînant des profits potentiels plus
importants pour les propriétaires tels que
Vanguard grâce à une valorisation plus élevée
des actions des deux monopoles impliqués. Il
convient de souligner que les cartels
d'investissement mondiaux tels que Vanguard ont
des participations dans ces deux monopoles
ferroviaires et manipulent et profitent des
fusions et acquisitions à la fois en tant
qu'acheteur et vendeur.
Une autre acquisition importante prévue est
celle entre deux monopoles canadiens de
télécommunications, Rogers Communications inc.
et Shaw Communications inc. La prise de contrôle
de Shaw est évaluée à 26 milliards de dollars.
Ces deux monopoles ont déjà une propriété et des
opérations qui se chevauchent et deviendront le
plus grand monopole de télécommunications au
Canada, légèrement plus important en valeur
d'entreprise que BCE (Bell) et Telus, ce qui va
consolider le contrôle des grandes entreprises
technologiques sur la vie des Canadiens.
Une autre fusion qui touche l'économie
canadienne est un accord tripartite de 12,4
milliards de dollars comprenant l'assureur
torontois Intact Financial Corp., un partenaire
européen appelé Tryg A/S, et le monopole
britannique RSA Insurance Group PLC.
À l'échelle mondiale, les monopoles ont
effectué des fusions et acquisitions de l'ordre
de 1,3 billion de dollars au cours des trois
premiers mois de 2021. « C'est la période
d'ouverture la plus forte pour conclure des
accords depuis la tenue de registres », comme
l'a déclaré Matt Toole, directeur du service de
données Refinitiv, dans un article paru dans le
Globe and Mail[2].
Non seulement des accords sont annoncés, mais
les cartels d'investissement mondiaux tels que
les fonds spéculatifs augmentent leur part de la
propriété des actions de certaines sociétés, en
prévision de la montée en flèche du cours des
actions de ces sociétés lorsque la fusion ou
l'acquisition « inévitable » se produira, qu'ils
peuvent eux-mêmes manipuler et faire avancer.
La nécessité d'une nouvelle direction de
l'économie
et du renouveau démocratique
L'article du Globe and Mail se livre
à de la spéculation : « La frénésie des prises
de contrôle est alimentée par des taux d'intérêt
bas, la volonté des banques de prêter et la
flambée des valeurs boursières. » Il cite le
banquier d'investissement Ian Macdonell : « Les
conseils d'administration (de sociétés) se
rendent compte que le paysage concurrentiel est
en train de changer et qu'il est plus difficile
d'être un acteur régional en Amérique du Nord ou
dans le monde; donc s'ils ne peuvent pas être
des consolidateurs, ils sont des vendeurs.
L'activité de prise de contrôle se poursuivra
jusqu'à ce que le marché du crédit se resserre,
que les perspectives économiques s'affaiblissent
ou que nous obtenions une correction boursière
importante. »
Le Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste) croit que les spéculations
du Globe & Mail sont de la
désinformation pour semer la confusion sur la
source du problème engendré par la
mondialisation impérialiste où les riches
s'enrichissent non seulement grâce aux fusions
et acquisitions, mais aussi par l'économie de
guerre et la domination d'autres pays et le
pillage mondial de la valeur que les
travailleurs produisent. Les guerres constantes
et le contrôle autocratique croissant de
l'économie mondiale entre les mains d'une
oligarchie soulignent la nécessité d'une
nouvelle direction de l'économie et du renouveau
démocratique pour former un gouvernement
antiguerre.
La frénésie des fusions et acquisitions dans
les conditions concrètes de l'économie ne
provient pas « des taux d'intérêt bas, la
volonté des banques de prêter et la flambée des
valeurs boursières ». Cette analyse n'explore
pas le but des oligarques en contrôle et ce qui
les pousse à s'engager dans de telles pratiques,
et la tendance constante sous l'impérialisme à
la concentration de la richesse sociale et du
pouvoir entre moins de mains alors que les
riches s'emplissent les poches aux dépens de la
richesse créée par d'autres.
La désinformation du Globe & Mail veut
faire croire que les banques et leur « volonté
de prêter » pour financer les fusions et
acquisitions sont en quelque sorte indépendantes
des « faibles taux d'intérêt et de la flambée
des valeurs boursières » et des fusions et
acquisitions mêmes. Ce n'est pas le cas. Les
banques et les autres institutions financières
profitent énormément des frais énormes
d'organisation et d'arrangement des transactions
et d'autres aspects des fusions et acquisitions.
L'analyse du Globe & Mail décrit
diverses caractéristiques de l'économie
impérialiste, mais n'analyse pas pourquoi ces
choses se produisent. Les fusions et
acquisitions proviennent de l'économie
impérialiste dans le cadre de son parasitisme et
de sa décadence, de sa recherche du profit
maximum par le biais de l'échange et de
l'accaparement de la valeur déjà produite sans
passer par un nouveau processus de production et
de circulation du produit social. Les grandes
entreprises rachètent des entreprises plus
petites ou consentantes ou les forcent à la
faillite tandis que l'oligarchie parcourt le
monde à la recherche de cibles et de richesses à
piller par l'intimidation et la guerre.
La tendance impérialiste actuelle est de
concentrer la richesse sociale et le pouvoir
économique et politique dans moins de mains et
de faire la guerre pour le contrôle et le
profit. Ces caractéristiques sont constantes
indépendamment de « la volonté des banques de
prêter » ou non. En fait, les banques et les
autres institutions financières telles que les
fonds spéculatifs sont pleinement impliquées et
intégrées dans l'ensemble du processus
impérialiste en tant que prêteurs, acheteurs,
vendeurs, propriétaires, organisateurs et
profiteurs de guerre.
L'ensemble du processus reflète la réalité que
l'édification nationale est un trait du passé et
que la mondialisation impérialiste, la politique
du néolibéralisme, l'économie de guerre et la
destruction nationale ont pris le contrôle. Si
vous examinez en détail les plus grandes fusions
et acquisitions, vous constaterez que la plupart
des intérêts privés impliqués sont les mêmes ou
ont au moins le même objectif et le même intérêt
à voir les fusions et acquisitions réalisées ou
à en émerger dans les meilleures conditions
possibles si celles-ci leur sont imposées. Comme
nous l'avons dit, les mêmes intérêts privés sont
souvent représentés en tant que prêteurs,
acheteurs, vendeurs, propriétaires,
organisateurs et profiteurs.
Les fusions et acquisitions font partie de ce
que les oligarques appellent « libérer la valeur
pour l'actionnaire et créer de la valeur pour
l'actionnaire » et, en tant que telles, elles
servent leur objectif fondamental de réaliser le
profit privé maximum dans les plus brefs délais.
Elles n'ont rien à voir avec l'édification d'une
économie stable et pacifique qui sert le peuple,
répond à ses besoins et revendications, et peut
être mobilisée pour humaniser l'environnement
social et naturel. Elles font partie de la
concurrence à l'échelle mondiale et des guerres
constantes pour l'hégémonie qui permet de
dominer par la richesse et le pouvoir politique.
La poussée pour
s'emparer de la richesse sociale et du pouvoir
conduit les oligarques en concurrence à enrôler
la puissance militaire publique et privée pour
atteindre leurs objectifs de saisir les forces
productives, les marchés, les régions et les
travailleurs pour exploiter et bloquer ou
détruire tous les concurrents ou ceux qui
résistent. L'objectif et la pratique des
oligarques dans son ensemble est en opposition à
la demande de l'humanité de vivre en paix et
d'avoir des économies qui servent les peuples
dans un esprit d'avantage réciproque et de
développement sous leur contrôle.
Un trait de la concentration de la richesse et
du pouvoir entre moins de mains est la
croissance continue du prolétariat en tant que
classe sociale la plus nombreuse. Une conscience
se développe que l'économie est déjà socialisée
et en contradiction antagoniste avec le contrôle
privé et autocratique de l'oligarchie
dirigeante. La nécessité que les producteurs
véritables prennent le contrôle de l'économie
déjà socialisée, des forces productives et du
produit social devient un cri de ralliement pour
le changement afin de mettre l'objectif, le
contrôle et la direction de l'économie en
conformité avec son caractère déjà socialisé
pour le bien de toute l'humanité et de la Terre
Mère.
Notes
1. La Liste
des plus grandes fusions et acquisitions.
Le tableau montre les plus grandes fusions
et acquisitions de 1879 à aujourd'hui. Il
met en évidence l'expansion de
l'impérialisme américain, car la plupart des
plus grandes fusions et acquisitions au
cours du XXe siècle impliquent les monopoles
des États-Unis. Le tableau montre également
l'accélération de la concentration de la
richesse sociale au XXIe siècle.
2. Article de Andrew Willis paru dans le Globe
and Mail, intitulé « Mergers and
acquisitions activity has exploded. Here's
why -- and the reasons it will continue for
the foreseeable future ».
- Centre ouvrier du PCC(M-L) -
La subvention salariale d'urgence du Canada
(SSUC) accorde aux employeurs jusqu'à 75 % du
montant qu'ils donnent à leurs employés pour leur
capacité de travailler. Cette subvention salariale
du gouvernement est accordée à des compagnies qui
continuent en principe de s'approprier toute
nouvelle valeur produite par les travailleurs. Le
profit est dérivé de la portion de la nouvelle
valeur que les travailleurs produisent et que les
employeurs exproprient. Dans bien des cas, une
subvention salariale tend à augmenter le profit.
La SSUC fait
donc en sorte que non seulement les compagnies
exproprient la valeur ajoutée de la nouvelle
valeur que les travailleurs produisent, mais
reçoivent un montant additionnel de la valeur
reproduite que les travailleurs réclament de la
valeur qu'ils produisent. Pour expliquer ce tour
de passe-passe, le gouvernement Trudeau et sa
ministre des Finances Chrystia Freeland présument
qu'on n'aura peut-être pas besoin des travailleurs
pendant la pandémie. Le gouvernement affirme que
le fait de verser une grande partie des salaires
des travailleurs encourage les compagnies à garder
ces travailleurs, qu'ils soient requis ou non.
Le gouvernement omet tout bonnement de
reconnaître que les travailleurs qui ne sont pas
requis et qui ne travaillent pas, pourraient,
voire devraient, recevoir directement une aide
sociale pendant la période où ils ne sont pas au
travail, tandis que les entreprises ne devraient
rien recevoir des fonds, en particulier les
grandes entreprises qui ont déjà d'immenses
ressources. Il prétend avec la SSUC tenter
d'encourager les compagnies à ramener des
travailleurs au travail en présumant qu'ils vont
générer un revenu équivalent à moins de 25 % de
leur salaire. Le programme est allé beaucoup plus
loin que cela pour plusieurs compagnies. Il est
devenu une nouvelle source de corruption,
permettant à de grandes entreprises d'augmenter
leurs profits et, dans certains cas, d'attaquer
les travailleurs pendant des lockouts et des
grèves en utilisant l'argent de la SSUC pour
engager des briseurs de grève.
Les extraits qui suivent sont tirés du rapport du
Globe and Mail sur comment les grandes
abusent du programme de la SSUC. L'article du 9
mai disponible en ligne est intitulé : « Les subventions
salariales avaient comme but de préserver les
emplois. Dans bien des cas, la réponse de 110,6
milliards de dollars a servi à accroître les
profits. » L'article met en
lumière comment de grandes entreprises se sont
servies des subventions salariales de la SSUC pour
stimuler leurs profits et tout simplement servir
leurs intérêts privés.
La pandémie a
démontré une fois de plus que la direction
actuelle de l'économie est un échec à tous les
niveaux. Avec l'urgence sanitaire, la classe
ouvrière est placée devant la nécessité de
discuter, d'organiser et de façonner une nouvelle
direction qui met le bien-être et la sécurité de
la classe ouvrière, de la société et de
l'environnement social et naturel au centre de
toutes les considérations. Le défi posé à la
classe ouvrière est de surmonter l'obstruction que
représentent les oligarques financiers et leur
défense féroce de la direction actuelle de
l'économie en faillite en dépit de son anarchie,
de ses crises chroniques, de son insécurité et de
ses guerres.
Le Globe écrit : « Sur deux ans, avec
une somme estimée à 110,6 milliards de dollars,
Ottawa dépensera plus pour la SSUC qu'il ne le
fait pour les prestations familiales, les
transferts de paiements pour la santé, les
paiements de péréquation ou les prestations en
temps de pandémie pour les individus. »
Le programme de la SSUC a grandement augmenté le
déficit fédéral, incitant le gouvernement à
emprunter d'immenses sommes des prêteurs privés
mondiaux. Selon les ententes actuelles, ces sommes
devront être remboursées avec intérêt aux
créanciers. Le service de la dette sera à nouveau
un prétexte pour attaquer le peuple en annonçant
une réduction des dépenses pour les programmes
sociaux. La vaste majorité des fonds publics
consacrés au service de la dette provient de
l'impôt sur le revenu des particuliers et les
frais d'usagers que la classe ouvrière est obligée
de payer.
La recherche du Globe sur les états
financiers des grandes entreprises cotées en
bourse montre qu'un grand nombre de travailleurs
ayant eu accès au programme de la SSUC ont
continué de produire une importante valeur
nouvelle pour ces compagnies, et pendant ce temps
le gouvernement payait 75 % de leurs salaires.
Plusieurs compagnies ont exproprié la valeur
ajoutée de la valeur réalisée que les travailleurs
ont produite et par la même occasion se sont
bourré les poches des subventions de la SSUC,
augmentant ainsi leurs profits.
Si la SSUC avait été une prestation pour les
travailleurs sans emploi, elle aurait été versée
directement aux travailleurs mis à pied qui
travaillaient, mais qui ne travaillent plus et par
conséquent ne produisent pas de revenu pour la
compagnie. En tant que stratagème pour payer les
riches, la SSUC est devenue un nouveau moyen
d'augmenter les profits des grandes compagnies,
comme le démontre l'enquête. Pour ce qui est de
sauver les petites et moyennes entreprises, une
alternative est de les transformer en entreprises
publiques centrées sur l'humain, tout en
dédommageant de façon équitable les propriétaires
et gestionnaires actuels et en leur offrant des
postes au sein des compagnies publiques
nouvellement créées s'ils le désirent. La pratique
des gouvernements qui consiste à distribuer les
fonds publics pour sauver des compagnies privées
en difficulté doit cesser et une nouvelle
direction doit être trouvée qui sert le bien
commun.
L'exemple de TFI International Inc.
Le Globe écrit : « TFI International
Inc. a vécu une pandémie formidable. Le revenu du
conglomérat de camionnage basé à Montréal, sans
prendre en compte les surcharges de carburant, a
augmenté en 2020. Le revenu net a monté en flèche,
dans les deux chiffres. »
« Pendant la pandémie, TFI et ses filiales ont
fait une série de 13 acquisitions au cours de
l'année. Et après les premières éclosions de la
COVID-19 au Canada en mars dernier, la compagnie a
engendré un dividende (d'actionnariat) plus élevé
pour chaque semestre comparativement à la même
période un an plus tôt.
« En chemin, TFI et ses filiales ont aussi
recueilli près de 75 millions de dollars en
paiement de la Subvention salariale d'urgence du
Canada, faisant d'elle l'une des plus importantes
bénéficiaires de ce qui est de loin le projet de
dépense le plus important de l'histoire du
gouvernement fédéral.
« Si la rencontre d'une marge de profit accrue et
d'une mesure de renflouement semble déconcertante,
elle ne l'est pas. Rien n'indique que TFI ne
répondait pas aux critères pour recevoir la
subvention. Le fait que la compagnie ait eu des
résultats convaincants, des dividendes plus élevés
et même de l'argent pour faire des acquisitions en
plus de mettre à pied des travailleurs pour
réduire les coûts, ne l'a pas empêché d'obtenir la
SSUC – malgré les tentatives sporadiques du
gouvernement libéral de prétendre le contraire.
« Et si l'expérience de TFI semble inusitée, elle
ne l'est pas. TFI est en bonne compagnie, si on en
croit l'analyse du Globe and Mail, qui a
comparé la liste d'Ottawa de milliers de
bénéficiaires de la SSUC à la base de données de
Statistique Canada sur les sociétés mères et les
filiales, pour ensuite recouper ces données avec
les compagnies répertoriées sur la Bourse de
Toronto ou sur la Bourse de croissance TSX, selon
les renseignements sur le marché mondial de
Standard & Poor.
« Le résultat : une base de données où l'on
retrouve 389 compagnies cotées en bourse (ou les
filiales leur appartenant intégralement) qui ont
reçu plus de 3,6 milliards de dollars en paiements
de la SSUC depuis aussi récemment que janvier 2021
(lorsque l'Agence du revenu du Canada a retiré la
liste des compagnies mise en ligne par le
gouvernement fédéral). Parmi les noms les plus
prestigieux des grandes entreprises canadiennes se
trouvent Air Canada, BCE Inc., Canadien National,
Onex Corp., Power Corp., Groupe SNC-Lavalin Inc.
et Suncor Energy Inc. À elles seules, ces 389
compagnies représentent 14 % des compagnies qui se
retrouvent sur les listes associées de TSX et de
TSX-V. Au nom de restrictions en raison du droit à
la vie privée des contribuables, Ottawa a refusé
de publier un bilan intégral de la distribution
des subventions de la SSUC.
« Plusieurs compagnies n'ont pas divulgué les
montants des subventions reçues. Des compagnies
comme Bombardier Inc., ayant rapporté dans leurs
documents déposés auprès des commissions des
valeurs mobilières qu'elles avaient reçu des
subventions, ne correspondaient à aucun des noms
mentionnés ni à aucune des filiales dont elles
sont les propriétaires attitrées sur la liste en
ligne d'Ottawa, et ont été exclues de notre
méthodologie. »
L'enquête du Globe constate que
plusieurs de ces 389 grandes entreprises qu'il a
étudiées « avaient assez aisément traversé la
pandémie, même si elles étaient admissibles à
l'aide de la SSUC ». En réalité, malgré le fait
qu'elles aient été admissibles aux subventions du
gouvernement, la moitié de ces grandes entreprises
n'ont souffert d'aucune perte de revenu (revenu
brut réalisé) pendant le deuxième trimestre de
2020 comparativement à la même période en 2019, et
le quart de ces entreprises ont en fait enregistré
des revenus plus élevés. Selon l'enquête, le
troisième trimestre a été encore plus positif pour
plusieurs de ces grandes entreprises, alors que
seulement le tiers d'entre elles ont subi une
baisse quelle qu'elle soit de revenu brut.
Le Globe écrit : « C'est la même chose
pour les profits. Le revenu provenant des
opérations continues aux deuxième et troisième
trimestres a augmenté pour très peu d'entreprises
publiques ayant reçu la SSCU. Seulement une faible
majorité de compagnies a vu leurs profits baisser
comparativement aux mêmes périodes en 2019, alors
même que le pays subissait sa pire récession
depuis la Grande Dépression.
« Le secteur industriel des biens et services
était au premier rang de la liste de bénéficiaires
de la SSUC cotés en bourse. Seize pour cent des
compagnies de technologie s'y retrouvent, même si
certaines d'entre elles ont grandement bénéficié
d'une recrudescence d'achats en ligne pendant la
pandémie. Les compagnies de pétrole et de gaz, qui
souffraient bien avant la pandémie, comptaient
parmi 15 % des bénéficiaires. Les autres – y
compris les minières, les sciences de la vie, les
biens et services aux consommateurs, et plusieurs
autres – comptaient pour un peu moins de 10 %.
« Les données d'Ottawa destinées au public ne
réussissent pas à donner un portrait d'ensemble de
la façon dont les compagnies avec des filiales ont
eu accès au programme. Les 389 compagnies
publiques dans les bases de données du Globe
représentaient 1 542 subventions distinctes,
reflétant les subventions à leurs filiales dont
ils sont les propriétaires intégraux. Mais ces
filiales n'étaient pas associées à leur société
mère dans la liste de recherche que le
gouvernement a ultimement mise hors service.
Maintenant, il n'y a qu'une fonction de recherche
limitée qui permet aux utilisateurs de vérifier si
une compagnie spécifique a reçu des subventions de
la SSUC.
« Il est clair que les subventions salariales ont
profité non seulement aux entreprises en
difficulté, mais aussi à de nombreuses autres qui
étaient suffisamment solides pour résister seules
au ralentissement associé à la pandémie. Sans une
comptabilité publique complète d'Ottawa, il est
impossible de déterminer combien de milliards de
dollars ont été dépensés inutilement. Mais il est
certain que le coût de la SSUC a grimpé bien
au-delà de ce qui était prévu au départ. »
Cela soulève une
question dont les travailleurs doivent discuter.
Les gouvernements doivent-ils « sauver » les
entreprises privées en difficulté et leurs
propriétaires ? Est-ce devenu le rôle des
gouvernements dans l'économie impérialiste en
usant d'excuses telles que le maintien des emplois
et le sauvetage de l'économie des crises
récurrentes ? Les ressources publiques
doivent-elles être mobilisées pour sauver les
intérêts privés des riches au lieu de trouver une
alternative qui résout les problèmes à long terme
et sert le bien commun et non les intérêts privés
étroits d'une infime minorité qui exploite en fait
la majorité ?
Le Globe dit qu'un défaut de conception
de la SSUC a fait en sorte qu'elle a pu être
exploitée par de grandes entreprises pour gonfler
leurs bénéfices. Il écrit : « Ottawa a choisi de
ne pas limiter la SSUC aux petites entreprises. Le
gouvernement n'a pas non plus versé de subventions
uniquement aux travailleurs dont l'emploi risquait
d'être éliminé. Si une entreprise était
admissible, les salaires de tous ses employés -
même ceux de la direction - étaient au moins
partiellement subventionnés. Et la SSUC permettait
aux filiales d'être admissibles, sans tenir compte
des ressources ou des résultats financiers de leur
entité corporative plus large. »
Le Globe poursuit : « Le programme de
subventions salariales - qui, pour être plus
précis, est en fait un programme de remise sur les
salaires - était la deuxième tentative d'Ottawa de
renflouer les entreprises menacées par les coups
économiques combinés de la pandémie et des
confinements qui en ont résulté. »
La SSUC a élargi la base des entreprises pouvant
demander des subventions. « Les petites
entreprises aux liquidités limitées n'étaient pas
les seules à bénéficier d'un soutien, les
entreprises de toute taille pouvaient faire la
queue...
« Pour les entreprises, il n'y avait pas
d'équivalent d'une preuve de besoins. La capacité
des entreprises à absorber un ralentissement
temporaire n'était pas prise en compte dans la
détermination de l'octroi des subventions. Non
plus la capacité des grandes entreprises à faire
appel aux marchés de capitaux, ou à simplement
redéployer les liquidités des filiales rentables
vers les filiales en difficulté. »
« La SSUC n'a imposé aucune limite à
l'utilisation des fonds par les entreprises.
Ottawa a refusé d'imposer de telles règles et
restrictions, même s'il a révisé, élargi et
prolongé la SSUC plusieurs fois au-delà de sa
durée initiale de 12 semaines. Mais cela n'a pas
empêché Chrystia Freeland de laisser entendre que
les libéraux l'avaient fait. Elle l'a fait encore
en mars lorsqu'elle a déclaré : 'Il est important
que les entreprises comprennent que, légalement,
la subvention salariale ne peut être utilisée que
pour payer les employés. Elle ne peut pas être
utilisée à d'autres fins'. »
« En fait, il n'y a pas de règles à cet effet
dans la loi de mise en application de la SSUC. La
structure du programme ne prévoit même pas un tel
scénario. [...]
« Les demandes de remboursement de la SSUC n'ont
pas à être faites immédiatement. Selon les règles
du programme, les entreprises auraient pu attendre
jusqu'au début de février 2021 pour soumettre des
demandes pour la période de remboursement initiale
en mai 2020. Qu'elles aient embauché ou licencié
des travailleurs dans les huit mois intermédiaires
n'avait aucune importance. [...]
« Au-delà de la question de l'inclusion des
grandes entreprises, le programme ne faisait pas
de distinction entre les opérations autonomes et
les filiales à part entière des conglomérats. Dans
le cas de TFI, le conglomérat de transport
routier, la division des colis et courriers de la
société a été autorisée à percevoir des
subventions au troisième trimestre, même si les
revenus de son activité logistique ont augmenté,
en partie, en raison de la croissance explosive du
commerce électronique pendant la pandémie. Au
total, 20 sociétés différentes détenues à 100 %
par TFI ont reçu des paiements au titre de la
SSUC. TFI a décliné toute invitation à commenter.
« Mais TFI ne figure pas parmi les premières sur
la liste des 20 entreprises ayant le plus de
filiales recevant la SSUC. Corus Entertainment
Inc. était en tête de liste, la société mère et 79
de ses entités corporatives en propriété exclusive
ayant reçu un total de 40,2 millions de dollars en
subventions en 2020. BCE arrive en deuxième
position, avec 63 filiales en propriété exclusive;
ensemble, la société mère et ses filiales ont reçu
122,9 millions de dollars. (L'entreprise n'a
révélé ce chiffre que dans un dépôt de registre de
lobbying, affirmant que le montant de la
subvention n'était pas assez important pour
mériter une mention dans ses rapports financiers.)
« Un autre défaut qui est devenu évident avec le
recul est la capacité des entreprises à demander
des subventions pour ce qui s'est avéré être des
ralentissements extrêmement limités de leurs
activités. Un exemple concret : la société
montréalaise de traitement des paiements
Lightspeed POS Inc., dont la valeur boursière a
augmenté de plus de 9 milliards de dollars pendant
la pandémie, car les détaillants indépendants et
les restaurants se sont abonnés en masse à son
logiciel de paiement qui permet aux clients de
traiter les ventes en ligne.
« Lightspeed a perçu 7,26 millions de dollars US
en paiement de la SSUC, en grande partie à cause
d'une baisse passagère des revenus de mars à juin
2020. C'est la seule baisse de revenus
trimestrielle que l'entreprise a subie pendant la
pandémie - une piètre chute de 100 000 $ US. La
subvention salariale qu'elle a réclamée était, en
effet, 70 fois supérieure à ce manque à gagner.
« Dans l'ensemble, les revenus de Lightspeed ont
bondi de 79 % en 2020. Et elle est devenue l'une
des entreprises technologiques canadiennes les
plus performantes en 2020 grâce à la pandémie.
L'entreprise s'est également inscrite à la Bourse
de New York en septembre dernier, une entrée
fracassante qui lui a rapporté un produit brut de
332 millions de dollars américains. »
Hausse des bénéfices des entreprises pendant
la pandémie
Le Globe écrit : « Au-delà de ces
anecdotes, le professeur Smart (de l'Université
de Toronto) souligne la hausse des bénéfices des
entreprises au troisième trimestre de 2020 comme
preuve que la SSUC a surcompensé les
entreprises. En temps normal, les bénéfices des
entreprises subissent un coup solide lors d'une
récession, souvent réduits de moitié, dit-il.
« Ce n'est pas le cas pendant la pandémie. Au
troisième trimestre, les bénéfices globaux des
entreprises sur une base désaisonnalisée, tels
que comptabilisés par les comptes nationaux
trimestriels de Statistique Canada, étaient
supérieurs de 12,1 milliards de dollars à ceux
du quatrième trimestre de 2019, le dernier
trimestre complet avant la pandémie. À la fin du
troisième trimestre, l'économie rebondissait
fortement après sa chute libre du printemps,
avec un PIB inférieur de seulement 5 % aux
niveaux prépandémiques de février – bien que
cette reprise ait été inégale selon les
secteurs.
« Les subventions gouvernementales aux
entreprises, y compris les versements de la
SSUC, se sont élevées à 22,6 milliards de
dollars. Un décompte séparé de la SSUC par le
gouvernement évalue les coûts du programme au
troisième trimestre à 21,3 milliards de dollars.
« Selon le professeur Smart, cela signifie
qu'environ la moitié des subventions versées aux
entreprises ont constitué une surcompensation,
puisqu'elles ont permis d'augmenter les
bénéfices des entreprises au-delà des niveaux
prépandémiques.
« La même tendance est apparue au quatrième
trimestre lorsque, selon Statscan, les bénéfices
totaux des entreprises ont augmenté de 10,9
milliards de dollars, les subventions étant
légèrement inférieures à 10 milliards de
dollars. Cela signifie que les bénéfices ont
presque entièrement retrouvé leur niveau d'avant
la pandémie et que les subventions ont
simplement gonflé le résultat net. Il n'y a
qu'une seule explication possible et c'est
l'accès à la SSUC », dit le professeur Smart.
La SSUC paie pour les briseurs de grève
Rassemblement des travailleurs de la raffinerie
Coop, le 7 janvier 2020. La raffinerie
a utilisé l'argent de la SSUC pour payer des
briseurs de grève afin de remplacer les
travailleurs en lockout.
Un autre exemple flagrant ne figure pas dans le
rapport du Globe, mais dans PressProgress.
L'argent de la SSUC a été utilisé pour financer
des mercenaires briseurs de grève pour remplacer
les travailleurs qui avaient été mis en lockout
à la raffinerie Co-op de Regina, en
Saskatchewan. L'argent de la SSUC a servi à
payer des briseurs de grève, dont beaucoup ont
été amenés par hélicoptère à la raffinerie et y
ont été logés pour la faire fonctionner à la
place des 750 travailleurs mis en lockout. Cette
lutte a duré sept mois de pandémie. Le lockout
des travailleurs de l'entreprise a réduit la
production et donc ses revenus, ce qui lui a
permis de bénéficier de l'argent public de la
SSUC pour payer les briseurs de grève
professionnels et les entreprises de trafic de
main-d'oeuvre qui ont fourni les briseurs de
grève.
PressProgress cite Amir Mawani,
professeur d'études commerciales de l'Université
de York qui fait actuellement des recherches sur
la SSUC, qui affirme que les syndicats canadiens
ont raison de s'inquiéter de ces formes de
subventions aux entreprises. « Vous n'avez pas
eu à expliquer pourquoi vos revenus ont baissé,
explique-t-il. Cela pourrait être la COVID, cela
pourrait être un piquet de grève, cela pourrait
être la baisse des prix du pétrole. C'est ce qui
devrait préoccuper le syndicat : le fait même
d'un lockout rend (l'employeur) admissible, qui
ne le serait sans doute pas sans le lockout. »
Le professeur Mawani explique que les sociétés
cotées en bourse ne sont pas tenues d'inclure
les revenus de la SSUC dans les rapports
trimestriels si le montant est jugé « sans
importance », c'est-à-dire insignifiant par
rapport au budget global. Les sociétés non
cotées en bourse ne sont même pas tenues de
produire des rapports publics. « La SSUC n'est
pas vraiment une subvention salariale, c'est une
subvention pour frais d'affaires », dit Amir
Mawani.
PressProgress rapporte que la
raffinerie de Regina n'est pas la seule à avoir
utilisé l'argent de la SSUC pour attaquer sa
main-d'oeuvre pendant une grève ou un lockout.
Federated Co-operatives Limited et plusieurs des
entreprises contractantes qu'elle a employées
pendant le lockout figurent dans la base de
données de la SSUC, tout comme de nombreux
autres employeurs qui ont connu des conflits de
travail en 2020. L'Agence du revenu du Canada a
reçu 1 200 plaintes concernant l'utilisation
abusive de la SSUC par des entreprises.
Les travailleurs ont été mis en lockout le 20
juin 2020 par CESSCO Ltd., un fabricant de
produits métalliques d'Edmonton, qui cherchait à
leur faire accepter de grandes coupures dans leurs
salaires et leur régime de retraite. La compagnie
a utilisé des briseurs de grève pendant le lockout
tout en recevant l'aide du programme de la SSUC.
« Charles Smith, professeur de sciences
politiques à l'Université de la Saskatchewan,
affirme que cette 'échappatoire pour les
briseurs de grève' est l'une des nombreuses
méthodes par lesquelles la subvention salariale
permet aux employeurs de privilégier les profits
au détriment de leurs propres travailleurs. »
Le programme de la SSUC du gouvernement Trudeau
a pour objectif de préserver le pouvoir, la
richesse sociale et les privilèges de classe des
oligarques au pouvoir et de bloquer toute
discussion ou tout élan vers une nouvelle
direction pour l'économie. Cela prouve une fois
de plus que l'édification nationale au XXIe
siècle est la responsabilité sociale de la
classe ouvrière en opposition au contrôle et à
la domination de l'oligarchie mondiale et de ses
gouvernements. Un premier pas dans cette
nouvelle direction est d'organiser les forces
des travailleurs dans un grand mouvement pour
arrêter de payer les riches, augmenter les
investissements dans les programmes sociaux et
faire du Canada une zone de paix avec un
gouvernement antiguerre.
(Photos : Unifor,
Boilermakers 146)
Les travailleurs doivent
exercer le pouvoir décisionnel sur
nos ressources naturelles
L'Association de l'aluminium du Canada (AAC) a
soumis ses « recommandations prébudgétaires »
dans une lettre au gouvernement du Québec le 12
février. La lettre est en fait un coup de
semonce tiré en direction des travailleurs de
l'aluminium qui sont la cible d'attaques par le
biais de ce qu'on appelle l'automatisation
numérique 4.0[1].
Pour ajouter à l'injure, l'AAC demande que les
gouvernements financent cette attaque par des
stratagèmes pour payer les riches et des
modifications à certains règlements.
Les travailleurs
de l'aluminium et leurs syndicats n'ont pas été
consultés sur les propositions de l'AAC qui
demandent un financement gouvernemental pour
moderniser le processus de production et réduire
leurs rangs. Ils n'ont pas non plus été
consultés sur la manière dont les travailleurs,
s'ils sont licenciés en raison de
l'automatisation, seront soutenus et formés pour
d'autres types de travail et auront un moyen de
subsistance garanti qui maintiendra leur niveau
de vie actuel. L'automatisation menée de la
manière proposée dans la lettre de l'AAC avec le
soutien de fonds publics est inacceptable. Il en
résulterait que les cartels mondiaux
renforceraient leur domination et leur contrôle
sur le secteur et sur la classe ouvrière au
Québec et au Canada et draineraient de la valeur
hors du pays. Ça ne doit pas passer !
Une direction différente doit et peut être
trouvée ! Les travailleurs peuvent commencer en
s'exprimant contre le fait qu'on fasse payer les
travailleurs pour la modernisation afin de payer
les riches. Lorsque les travailleurs
s'expriment, ils découvrent l'étendue de la
fraude et de la corruption qui sont en cours.
Quand ils s'expriment, la fausseté des arguments
fournis par les riches est révélée. On peut voir
à quel point ils sont faux. Les riches pensent
pouvoir forcer l'économie à faire ce qu'ils
veulent, mais ils se trompent. Ils en veulent
toujours plus. Par ailleurs, c'est uniquement
s'ils ne sont pas tenus de rendre des comptes
que les gouvernements peuvent s'en tirer avec
des stratagèmes pour payer les riches.
Maintenant que l'économie dans son ensemble a
besoin d'être modernisée, il est temps de les
forcer à rendre des comptes.
Note
1.
Selon Wikipedia, l'industrie 4.0 ou la
quatrième révolution industrielle «
s'affirme comme la convergence du monde
virtuel, de la conception numérique, de la
gestion (opérations, finance et marketing)
avec les produits et objets du monde réel. »
- K.C. Adams -
La lettre écrite par l'Association de
l'aluminium du Canada au gouvernement du Québec
en février, avec sa recommandation pour la
modernisation du secteur de l'aluminium, dévoile
les arguments intéressés de l'association. Dans
sa lettre, l'AAC dit que l'industrie de
l'aluminium est bien placée pour profiter de la
tendance actuelle à la décarbonisation et à
l'automatisation. Elle souhaite que le
gouvernement du Québec accompagne le secteur
dans le renforcement de sa position
concurrentielle mondiale en consolidant son
contrôle de la chaîne d'approvisionnement
nord-américaine par le biais de son « Projet
ELYSIS » qualifié de « modernisation progressive
». Elle propose de produire un matériau traçable
à faible émission de carbone en mettant l'accent
sur la réduction du prix de production grâce à
l'automatisation numérique 4.0 pour éliminer les
travailleurs et accomplir ce qu'elle appelle les
meilleures pratiques environnementales. Pour
atteindre son objectif de dominer « l'Amérique
du Nord », vaincre ses concurrents mondiaux et
réduire la main-d'oeuvre, l'AAC dit qu'elle doit
recevoir des fonds gouvernementaux sous forme de
subventions, d'allégements fiscaux et de
changements de réglementation. (Toutes les
citations sont tirées de la lettre.)[1].
La classe ouvrière n'a pas son mot à dire sur
les stratagèmes
pour payer les riches
L'AAC déplore le fait que les usines du cartel
sont vieilles et ont besoin d'un renouvellement
pour être numérisées afin de répondre aux
besoins d'un marché réorganisé selon de faibles
émissions de carbone et faire face à la
concurrence mondiale. Tout cela coûte cher et
l'industrie pense qu'elle a le droit de recevoir
des fonds publics pour financer la
transformation même si les profits seront
privés. Les propriétaires privés ne veulent pas
être accablés par le coût et les risques d'une
direction qu'ils ont eux-mêmes mise en place.
Ils n'acceptent pas non plus de responsabilité
sociale pour les travailleurs licenciés à cause
de l'automatisation et abandonnés à leur sort
avec leurs familles.
Les travailleurs de l'aluminerie de Rio
Tinto à Alma dénoncent le gouvernement du
Québec qui subventionne l'électricité de
la compagnie pendant le lockout en 2012.
|
Le cartel de l'aluminium veut que toutes les
formes existantes ou ce qu'il appelle les formes «
traditionnelles » de payer les riches restent en
place, comme les subventions et l'électricité à
rabais. En outre, il souhaite que les
gouvernements « regardent au-delà » avec des
formules rehaussées comprenant des réglementations
favorables et des avantages fiscaux. Le cartel
demande des fonds publics pour aider directement à
l'automatisation par le biais de la robotisation
et de nouvelles technologies entraînant une
efficacité énergétique, moins de travailleurs et
des émissions plus faibles de carbone. Il dit que
si le cartel est obligé d'utiliser sa propre
richesse sociale ou de l'emprunter sur les marchés
privés, le retour sur l'investissement par rapport
au prix de production qui en résulterait ne serait
pas assez élevé pour satisfaire ses investisseurs
et propriétaires majoritaires. Pour augmenter le
retour sur l'investissement et le taux de profit,
divers facteurs sont nécessaires, que l'AAC décrit
comme suit.
L'AAC souhaite que ses membres du cartel puissent
rapidement amortir en déduction fiscale tout
investissement dans la modernisation 4.0. Elle
qualifie cette demande, dans le jargon
impérialiste, d'une accélération de
l'amortissement de la dépense en capital. Elle la
présente tant au gouvernement du Québec qu'au
gouvernement fédéral. L'AAC réclame que les
alumineries soient immédiatement admissibles aux
crédits d'impôt à l'investissement qui ne sont
actuellement disponibles que pour les entreprises
manufacturières. Ces formes de crédits d'impôt
comprennent le montant investi pour l'achat
d'équipement de production et son installation.
La modernisation ne doit pas se faire aux dépens
des travailleurs et de la société
L'AAC veut que le gouvernement mette en place des
stratagèmes non spécifiés pour payer les riches
pour ses entreprises membres, les trois principaux
producteurs d'aluminium au Québec et au Canada :
Alcoa, Aluminerie Alouette et Rio Tinto. Ces
stratagèmes paieraient pour toutes les
améliorations technologiques et les composants
dont les entreprises pourraient avoir besoin dans
leurs programmes de modernisation 4.0 « dans les
domaines de l'automatisation, de la robotisation
et de l'IA, et accélérer les projets 'prêts à
démarrer' ».
L'AAC souhaite que le gouvernement assume tous
les risques pouvant être liés à l'utilisation de
l'intelligence artificielle dans les alumineries.
Elle demande aux gouvernements d'établir des
crédits d'impôt pour tout paiement pour les
services-conseils et de formation nécessaires à
l'adaptation de ces technologies au raffinage et
d'étendre ces crédits pour stimuler la
valorisation de la « scrap secondaire » provenant
de la refonte d'aluminium par raffinage. Des
crédits d'impôt plus importants devraient
également être mis à sa disposition, dit-elle,
pour favoriser l'électrification des équipements
et des procédés utilisés dans le raffinage, car il
s'agit évidemment d'« un avantage environnemental
». À noter que l'hydroélectricité à rabais et
abondante pour les alumineries, fournie à des
tarifs dits industriels, est un attrait majeur
pour les monopoles mondiaux de l'aluminium à
produire au Québec et en Colombie-Britannique.
L'AAC veut des crédits d'impôt pour le montant
versé aux travailleurs de la construction sur tous
les projets de modernisation d'aluminerie. Elle
veut aussi des subventions ou des crédits d'impôt
pour le temps de travail nécessaire pour former
les travailleurs aux nouveaux équipements et aux
améliorations technologiques. Dans toutes ces
réclamations, elle ne mentionne aucunement le sort
réservé aux travailleurs licenciés par
l'automatisation. Ce silence signifie que les
propriétaires de l'industrie ne veulent assumer
aucune responsabilité sociale pour le bien-être et
l'avenir des travailleurs et de leurs familles,
car cela réduirait le rendement sur les
investissements.
La fraude du marketing environnemental
L'AAC joue sans honte la carte
environnementale lorsqu'elle dit que tous les
stratagèmes corrompus de payer les riches qu'elle
exige autour de la modernisation 4.0 sont bons
pour l'environnement, sans parler des intérêts
privés mondiaux qui possèdent et contrôlent le
secteur. C'est frauduleux de répéter sans cesse
qu'il y a des intérêts communs entre les intérêts
privés étroits qui profitent des ressources qui
appartiennent à la nation québécoise et les
travailleurs comme si les travailleurs ne
pouvaient pas se passer des propriétaires privés.
Ce qui est frauduleux, c'est que les gouvernements
prétendent représenter l'intérêt national alors
qu'en fait ils représentent des intérêts privés
étroits qui ne sont même pas québécois !
Comme si le secteur de la production d'aluminium
au Québec et en Colombie-Britannique était détenu
et contrôlé par des Canadiens et des Québécois,
l'AAC affirme qu'elle est constamment sur la
défensive face à des concurrents mondiaux et que
par conséquent les gouvernements québécois et
canadien doivent payer pour renforcer ces
entreprises privées en payant leur modernisation.
En fait, la plus grande partie de la nouvelle
valeur que les travailleurs ont produite au cours
des décennies de production d'aluminium a quitté
le pays, expropriée comme profit par les
oligarques mondiaux. Cette fuite de la valeur
ajoutée inclut l'expropriation des profits de la
nouvelle valeur produite par les travailleurs
d'Hydro-Québec et de BC Hydro, que le cartel de
l'aluminium saisit sous forme de tarifs
d'électricité inférieurs au prix de production.
L'AAC est très enthousiaste quant aux
possibilités de profiter des dépenses publiques
postpandémiques des gouvernements québécois et
canadien en matière d'infrastructure. Elle écrit
que « les pratiques d'approvisionnement des
marchés publics devraient tirer parti de chaque
dollar vers une économie plus durable, permettant
comme jamais auparavant l'utilisation et la mise
en oeuvre de solutions innovantes faisant appel à
des matériaux à faible empreinte carbone tels que
l'aluminium. Cela contribuera à atteindre les
objectifs nationaux de réduction des émissions de
CO2. » C'est peut-être le cas, mais qui devrait
payer ? Qui devrait décider de la direction de
l'économie ?
Promouvoir la corruption généralisée représentée
par le vol des ressources publiques par des
intérêts privés puissants et privilégiés, qui
jouent la carte verte, comme étant en quelque
sorte acceptable et au service du bien commun est
inacceptable ! L'AAC déclare que les stratagèmes
gouvernementaux de payer les riches pour innover
dans le secteur sont « essentiels au leadership de
l'industrie dans le futur et à sa contribution à
la réduction des GES ». Elle dit que ces paiements
corrompus à des intérêts privés mondiaux génèrent
de la « richesse nationale » à partir de « R-D et
les exportations potentielles de technologies » et
que pour cette raison ils « doivent être soutenus
». Les groupes de réflexion et les médias
impérialistes répètent sans arrêt et sans
discussion que payer les riches crée de la
richesse nationale pour tous, sert le bien commun
et mène à l'édification nationale. Lorsqu'ils
répondent, les travailleurs et leurs organisations
doivent commencer par rejeter cette fraude.
Les travailleurs ne sont pas superflus!
L'AAC déclare
ouvertement que ce « passage à l'industrie 4.0 »
se traduira par des pertes d'emplois dans le
secteur. Elle exprime son inquiétude non pas pour
la classe ouvrière, mais plutôt pour un changement
de réglementation qui rendrait acceptable et
légale l'absence de préoccupation pour les
travailleurs licenciés et le fait que les riches
deviennent plus riches et plus puissants. Elle dit
que les inévitables licenciements « signifient
également que les politiques de soutien financier
ne peuvent plus être ancrées sur une base d'emploi
par dollar, et doivent plutôt être fondées sur la
création de richesse. Elles doivent comprendre la
richesse générée en amont de l'automatisation, des
robots et de l'IA : c'est le nouveau paradigme. »
En d'autres termes, les stratagèmes pour payer les
riches basés sur la tromperie de la création
d'emplois ne sont plus réalisables et doivent
désormais être basés sur la tromperie de « la
création de richesse ». L'AAC laisse délibérément
dans le flou qui va s'emparer de cette richesse
qui est créée, mais les oligarques mondiaux
contrôlent et possèdent les moyens de production
et, selon les règles impérialistes de propriété,
ont légalement droit à tout nouveau profit et à un
rendement sur investissement qui est concurrentiel
au niveau international pour attirer les
investissements.
L'AAC déclare que « le soutien financier
d'Investissement Québec dans le projet ELYSIS est
fondamental et permet d'ancrer au Québec le
développement et la commercialisation future d'une
technologie de rupture. Cette capacité
d'intervention financière doit être maintenue et
mise à contribution pour accélérer l'innovation
industrielle au Québec. »
L'AAC ne s'inquiète pas du fait que les cartels
mondiaux privés comme Apple ont tout à gagner du
financement public de la modernisation 4.0 grâce à
la vente de ses produits et à son expertise privée
qualifiée de « propriété intellectuelle ». L'AAC
ne cesse de répéter que les fonds publics allant à
des intérêts privés servent le bien commun, tel
l'argent du gouvernement pour « le Projet
ELYSIS ». Et d'ailleurs, comme le dit l'AAC, le
projet entraînera la production d'aluminium à
partir d'anodes inertes sans aucune libération de
gaz à effet de serre (GES). Elle parle plus
discrètement du fait que la nouvelle technique de
production entraînera certainement des pertes
d'emplois. De plus, le nouveau type d'anodes, qui
durent beaucoup plus longtemps que les anodes
actuelles, ne sera pas produit au Québec comme
l'est l'anode actuelle, du moins selon ce qu'on
croit. Le fait que les GES seront réduits et que
le recyclage de l'aluminium augmentera devient une
couverture pour masquer tous les problèmes, y
compris les attaques contre les droits et les
moyens de subsistance des travailleurs et la
corruption consistant à payer les riches pour
consolider leur richesse sociale, leur pouvoir et
leurs privilèges de classe.
Encore plus d'intégration dans l'économie de
guerre des États-Unis
L'AAC salue l'accord de libre-échange conclu
récemment entre le Canada, les États-Unis et le
Mexique et le financement par le gouvernement
canadien de l'intégration « plus forte » de
l'industrie de l'aluminium à l'économie (de
guerre) des États-Unis. L'aluminium est crucial
pour l'armée des États-Unis, son matériel et ses
préparatifs de guerre, et l'industrie automobile
dominée par les États-Unis et d'autres industries
manufacturières.
Pour assurer cette
intégration à l'économie de guerre et la sécurité
intérieure des États-Unis, l'AAC veut la « mise en
oeuvre de la technologie de traçabilité dans les
alumineries du Canada, avec le soutien financier
du gouvernement canadien ». La traçabilité «
contribuera à assurer (que) ce lien » avec
l'économie des États-Unis demeure sécurisé et
ainsi les dirigeants des États-Unis seront
convaincus que l'aluminium ne provient pas de
concurrents mondiaux, en particulier la Chine et
la Russie contre lesquels ils génèrent de la haine
en prévision d'une guerre. À cet égard, l'AAC
salue que « le financement par le biais de
Développement économique Canada exigeait une
technologie de traçage des points d'entrée pour
permettre la traçabilité complète des métaux de la
chaîne de valeur en aval. Le gouvernement du
Québec devrait assurer l'accès par les PME de
transformation à la technologie de point d'entrée
appropriée par un soutien financier à travers les
programmes existants tel le manufacturier 4.0. »
Cela signifie que toutes les activités
d'extraction, de raffinage et de traitement au
Québec et au Canada seront soumises à des «
autorisations de sécurité » de l'impérialisme
américain pour prouver la loyauté et la volonté de
s'engager dans des préparatifs de guerre contre la
Chine, la Russie et tous les autres que les
États-Unis déclarent être un ennemi. De cette
façon, le secteur de l'aluminium et toutes ses
parties sont assurés de leur intégration et leur
pénétration du marché américain.
La classe ouvrière du Québec et du Canada doit
examiner comment les gouvernement permettent que
les attaques contre ses droits et revendications,
comme celles proposées par l'AAC, soient commises
sans résistance ou obstacle. Les travailleurs et
leurs organisations devront répondre aux demandes
que font les oligarques mondiaux dans le contexte
du besoin de modernisation. L'automatisation 4.0
telle que décrite par l'AAC, avec les stratagèmes
pour payer les riches, la destruction nationale,
l'absence d'attention au bien-être, aux droits et
aux revendications des travailleurs et les appels
bellicistes à être concurrentiels doivent être
confrontés avant qu'il ne soit trop tard et que
tout le pays soit entraîné dans une guerre. Il
faut une nouvelle direction qui défend les droits
des travailleurs et l'édification nationale dans
le but de créer une économie indépendante et
autosuffisante centrée sur l'humain qui arrête de
payer les riches, augmente les investissements
dans les programmes sociaux, fait du commerce avec
tous les peuples dans un esprit d'avantage mutuel
et de développement et de paix. Un point de départ
dans cette direction est de rejeter les
propositions avancées dans la lettre de l'AAC et
exiger que le gouvernement écoute les
travailleurs.
Note
1.Voir le texte de la
lettre de l'AAC
(Photos: LML, S. Duchenes)
- Dougal MacDonald (Ph. D. en
éducation) -
À Calgary le 28 mars 2021
Un puissant mouvement de masse se développe en
Alberta contre les plans récemment annoncés du
gouvernement du Parti conservateur uni (PCU) de
brader les réserves de charbon de l'Alberta sur
le versant oriental des montagnes Rocheuses à
des monopoles de charbon australiens pour
presque rien. Le charbon miné devait être
extrait et ensuite expédié en Asie. Les
manifestants jugent, avec raison, que la mine de
charbon à ciel ouvert dans les bassins
hydrographiques de la province est une grave
menace pour les communautés, l'environnement et
leurs moyens de subsistance.
Des centaines de
milliers d'Albertains de tous les horizons
contestent ces efforts pour brader le charbon en
formant des groupes organisés, en créant des
alliances et des forums publics, en posant des
pancartes sur les pelouses et en lançant
plusieurs pétitions, celles-ci ayant recueilli
au total plus de 100 000 signatures. Les
résultats préliminaires d'un sondage provincial
de mai 2021 auprès de plus de 25 000 personnes
montrent que les Albertains ont d'importantes
préoccupations face à l'expansion de
l'industrie. « Plus de 90 % des répondants
estiment que certaines régions de la province ne
se prêtent pas à l'exploration et à
l'exploitation du charbon », selon les résultats
du sondage publié le 21 mai.
Le PCU a annoncé son plan de brader le
territoire aux monopoles australiens en mai
2020, lorsque le gouvernement a abrogé la
politique du charbon de l'Alberta qui protège
depuis 44 ans quelques 1,5 million d'hectares de
terres sur le versant oriental des Rocheuses
contre l'extraction à ciel ouvert. Le PCU a mis
fin à cette politique sur le charbon adoptée en
1976 sans aucune consultation publique, bien
qu'il ait consulté l'Association du charbon du
Canada basée en Alberta et qui représente les
propriétaires des mines de charbon. Le PCU nie
que son objectif est d'ouvrir le versant
oriental aux monopoles miniers, mais Capital
Investment Partners, basé en Australie et
propriétaire de quatre compagnies de charbon
ayant des contrats dans les Rocheuses centrales,
a rapporté à ses investisseurs en 2019 que « le
gouvernement de l'Alberta est en train de
changer sa politique sur le charbon pour
autoriser plus d'extraction à ciel ouvert ».
L'intensité des protestations qui se
poursuivent sans relâche a forcé le PCU à
reculer, ou du moins à faire semblant de
reculer. La ministre de l'Énergie de l'Alberta,
Sonia Savage, un ancien cadre d'entreprises
d'oléoducs, a annoncé dans un communiqué de
presse le 18 janvier qu'à la lumière de
l'opposition publique, l'octroi de onze contrats
de charbon aux monopoles australiens serait
annulé et qu'aucun autre site ne serait vendu
sur des terres où les mines à ciel ouvert
étaient interdites en vertu de l'ancienne
politique. Les manifestants ont fait valoir que
les contrats annulés ne représentent qu'une
petite fraction des contrats conclus depuis que
la politique du charbon a été abrogée.
Le 8 février, la
ministre Savage a changé la décision d'abroger
la politique du charbon de 1976, prétendant que
le PCU avait maintenant l'intention de mener une
vaste consultation sur la nouvelle politique du
charbon. Elle a annoncé qu'un comité composé de
cinq personnes avait été nommé, avec à sa tête
un consultant privé qui a travaillé pour la
Banque mondiale et est un ancien membre de
l'Institut canadien des Affaires mondiales, un
organisme néolibéral et financé par les
entreprises. Évidemment, les Albertains sont
très conscients que toutes ces consultations
commanditées par le PCU sont bidon et ne
mèneront qu'à des conclusions prédéterminées par
les monopoles et leur gouvernement vendu.
Entre 2003 et 2013, les monopoles australiens
exploitaient les mines dans leur pays,
approvisionnant les marchés asiatiques en
expansion de minerai de fer, de charbon pour
fabriquer de l'acier et pour générer de
l'électricité ainsi que d'immenses profits. Mais
un déclin dans la qualité des ressources ainsi
que l'opposition accrue du peuple aux mines à
ciel ouvert en Australie ont forcé les monopoles
australiens à chercher ailleurs le charbon
qu'ils veulent expédier en Asie. Les monopoles
australiens du charbon espèrent maintenant que
le gouvernement du PCU vendu leur offrira la
même formule gagnante que celle qu'ils ont
connue en Australie : de faibles redevances, un
faible taux d'imposition des entreprises, le
moins de règlements possibles et des politiciens
qui collaborent. En d'autres mots, la même
formule que le PCU adopte envers les monopoles
des combustibles fossiles qui opèrent en
Alberta.
Les mesures douteuses du PCU favorables aux
intérêts des milliardaires australiens du
charbon montrent une fois de plus comment les
monopoles mondiaux ont une emprise privée sur
l'économie contemporaine et la contrôlent, en
plus de dominer la politique officielle. Leur
propriété privée est en contradiction avec le
caractère socialisé de l'économie moderne, avec
sa réalité imbriquée et les milliards de
producteurs de fait qui créent le produit social
nécessaire pour l'existence du peuple et de la
société sans avoir droit au chapitre quant à la
direction de l'économie.
Le but de la propriété privée est de faire un
profit maximum avec les secteurs de l'économie
que les propriétaires contrôlent, telles que
l'extraction du charbon, et de forcer l'État à
se soumettre à sa volonté et à payer les riches.
Il en résulte une dysfonction de l'économie
ainsi que des crises chroniques alors que les
secteurs entrent en conflit les uns avec les
autres et avec les intérêts des producteurs de
fait qui se voient refuser toute voix au
chapitre. Par exemple, l'objectif étroit des
oligarques du charbon, qui est le gain privé,
entre en conflit avec le besoin des divers
secteurs et entreprises de l'économie de
fonctionner en harmonie pour le bien commun.
Les conditions objectives soulèvent la question
de comment résoudre les problèmes
environnementaux et le pillage de la nature,
comme pour les mines à ciel ouvert, par
lesquelles on fait littéralement sauter les
cimes de montagnes tandis que les « déchets »
sont jetés dans les vallées des rivières
avoisinantes, ce qui obstrue les courants et
pollue les eaux avec de dangereux produits
chimiques tels que le sélénium. Le problème
majeur est que le peuple ne contrôle pas son
économie et ses affaires politiques. Si la
domination des monopoles mondiaux n'est pas
prise en compte, souvent les efforts pour régler
les problèmes environnementaux sont manipulés
par les forces mêmes qui sont à la source du
problème et transformés en programmes pour payer
les riches.
Bien sûr, chaque problème de pollution
industrielle et autres - la détérioration des
sols, la poussière, le bruit incessant, les gaz
toxiques, la contamination de l'eau - peut être
abordé en soi. Des propositions, des campagnes
et des solutions portées par des luttes peuvent
mener à des remèdes passagers comme l'annulation
par le PCU de certains contrats miniers, le
retour à la loi abrogée, et « s'engager » à
tenir des consultations pour développer une
nouvelle politique du charbon. Cependant, pour
transformer tout succès en victoire à long
terme, le problème de la domination globale des
oligarques sur tous les aspects de la vie doit
être abordé et combattu avec sérieux. Et des
efforts tout aussi sérieux doivent être
consacrés à surmonter cette domination et à
bâtir le Nouveau.
(Photos : A. Woo, Nipissing
Water Protectors)
- Peter Ewart -
Rassemblement à Prince George le 12 novembre
2020 pour exiger l'arrêt de
la pulvérisation de glyphosate
Est-ce une bonne idée de cueillir et de manger
des framboises et des bleuets sauvages dans les
zones de coupe des forêts dans la région
centrale et nordique de l'intérieur de la
Colombie-Britannique ? Pas si ces terres ont été
arrosées de l'herbicide glyphosate au cours des
dernières années. Et la même précaution vaut
pour les animaux sauvages comme l'orignal et
l'ours, qui consomment non seulement les baies,
mais aussi de grandes quantités de jeunes
pousses d'épilobe, de saule et de cornouiller,
qui peuvent tous contenir de faibles niveaux de
résidus de glyphosate pendant une période de
temps relativement longue.
Ce sont des
conclusions qu'on peut tirer du projet de
recherche récemment publié par une équipe de
scientifiques de l'Université du Nord de la
Colombie-Britannique et signé N. Botten, L. J.
Wood, et J. R. Werner[1].
Leurs observations contredisent carrément le
message répété par le fabricant du glyphosate,
Bayer-Monsanto, que l'herbicide disparaît
rapidement des plantes et de l'environnement en
général après qu'il a été répandu, et qu'il
n'est pas nocif pour les humains et la faune.
En ce moment, certaines grandes compagnies
forestières arrosent de glyphosate, par
hélicoptère, jusqu'à 17 000 hectares de forêts
en Colombie-Britannique (surtout dans
l'intérieur) chaque année et elles le font
depuis le début des années 1980. La superficie
totale couverte soit par pulvérisation ou
manuellement est de 1,3 million d'hectares.
L'objectif est de tuer les feuillus comme le
bouleau et le tremble afin de faciliter la
croissance des arbres « qui rapportent », à
savoir l'épinette et le pin. Les compagnies
forestières sont tenues de le faire en vertu de
règlements du gouvernement provincial.
Les résultats de l'étude sont alarmants. Par
exemple, un an après un traitement au
glyphosate, 26 % des échantillons de framboises
et de bleuets obtenus dans les zones de coupe et
ayant fait l'objet de recherche seraient
considérés « impropres à la consommation humaine
» si évalués selon les normes de l'Agence
canadienne d'inspection des aliments. Des
résidus de glyphosate (ainsi que l'AMPA, un
métabolite dérivé) ont été décelés dans les
fruits au cours d'au moins une année après
qu'ils ont été arrosés. De plus, de faibles
niveaux de résidu d'herbicide sont restés sur
les jeunes pousses de framboise, d'épilobe et de
cornouiller pendant au moins six ans et dans les
racines d'épilobe pendant douze ans.
Les autochtones ont soulevé pendant plusieurs
années comment la consommation de ces baies et
plantes médicinales arrosées au glyphosate les
ont rendus malades, et il y a des rapports
anecdotiques au sujet d'autres personnes qui
auraient été touchées. Les répercussions à long
terme sur la faune sont inconnues.
Aux États-Unis, au Canada et ailleurs, des
milliers d'actions en justice ont été lancées
par des personnes qui disent être atteints du
cancer et d'autres maladies à cause d'une
exposition prolongée au glyphosate, et un
jardinier en phase terminale a reçu 289 millions
de dollars en dommages-intérêts d'un tribunal
californien. Par conséquent, la société
Bayer-Monsanto a accepté de verser 10,9
milliards de dollars dans un fonds pour régler
les milliers d'autres poursuites.
Ce qui a été révélé dans ces démarches
juridiques est que Bayer-Monsanto a
systématiquement recruté des scientifiques pour
qu'ils publient des recherches qui défendent
l'utilisation du glyphosate, allant même jusqu'à
publier certaines recherches sous couvert d'un
pseudonyme. Ce qui est malheureux, c'est que les
autorités gouvernementales canadiennes et
américaines fondent leurs décisions d'autoriser
l'épandage de glyphosate à grande échelle sur
ces recherches bidon.
En Colombie-Britannique, il y a une large
opposition menée par des fermiers, des
trappeurs, des travailleurs en forêt et d'autres
à l'épandage de glyphosate. Une organisation Arrêtez
l'épandage Colombie-Britannique a été
fondée spécifiquement pour contrer l'épandage à
grande échelle de l'herbicide. Le produit
chimique a été complètement interdit en
Allemagne, en Arabie saoudite, au Vietnam et
dans d'autres pays.
Pourtant, le gouvernement provincial de la
Colombie-Britannique continue d'autoriser
l'épandage par hélicoptère du glyphosate sur
toutes nos forêts intérieures qui souffrent déjà
d'infestations de dendroctone du pin et de
l'épinette, de surexploitation, d'érosion,
d'inondations, d'incendies et d'une foule
d'autres problèmes.
Maintenant, la cueillette de baies, un
passe-temps auquel plusieurs personnes de
l'Intérieur central et nordique s'adonnent
depuis la nuit des temps, est menacée.
Note
1.
Botten N., Wood L.J, & Werner, J.R. « Glyphosate
remains in forest plant tissues for a
decade or more », Forest Ecology
and Management, 2021.
(Photos : H. Petersen)
- Pierre Soublière -
Aujourd'hui, les élites dirigeantes continuent
leur poursuite insouciante et socialement
irresponsable du profit maximum et promeuvent
leurs manoeuvres pour payer les riches, tout en
prétendant se préoccuper de l'avenir de la Terre
Mère. Il y a quelque chose de clownesque, de
profane et de sordide à la fois que de prendre
de telles questions à la légère. À titre
d'exemple, il y a l'industrie forestière au
Québec, qui considère que les forêts québécoises
ne sont que des « arbres à abattre », les
travailleurs, des coûts, et les peuples
autochtones, des obstacles à leur pillage.
Aujourd'hui, l'industrie forestière est
toujours bien vivante sous une forme ou une
autre dans 157 municipalités du Québec. Dans
l'Outaouais, par exemple, une région bâtie sur
l'industrie du bois, elle représente toujours 50
% de la production manufacturière. Le problème
n'est pas la coupe de bois comme telle, mais
plutôt l'accès que les compagnies ont eu à
travers l'histoire à nos forêts et leur
indifférence et leur dissimulation des dommages
réels causés aux écosystèmes naturels et
sociaux.
Ce n'est pas que l'alarme n'a
jamais été sonnée. En 1999, le documentaire L'erreur
boréale, produit par l'artiste québécois
et porte-parole d'Action boréale Richard
Desjardins, est sorti, exprimant de vives
inquiétudes face aux dangers des coupes à blanc
et à la destruction aveugle de nos forêts. Le
film a eu un impact momentané dans le sens que,
entre autres, le gouvernement québécois de cette
époque a mis sur pied la Commission Coulombe qui
devait se pencher sur la question. Plus de vingt
ans plus tard, Action boréale affirme que la
situation est critique et que le gouvernement
québécois perçoit toujours nos forêts comme les
« cours à bois » des compagnies forestières.
Récemment, 67 scientifiques québécois, dans une
lettre ouverte, ont dénoncé la vision «
industrielle » du ministère des Forêts, de la
Faune et des Parcs et ont appelé à la création
d'un « observatoire national » indépendant du
gouvernement dans le but d'avoir une meilleure
évaluation de l'état de nos forêts publiques.
La situation est telle que les compagnies
forestières parlent éloquemment des mesures
prises pour contrer les émissions de carbone et
pour « réduire leur empreinte environnementale
», mais, du même souffle, exigent des
gouvernements « d'augmenter la possibilité
forestière », ce qui veut dire offrir plus de
latitude pour couper plus d'arbres à des coûts
réduits. Maintenant, avec le prix élevé du bois
d'oeuvre, le seul « vert » qui les intéresse est
celui de l'argent. À cet égard, le gouvernement
– toujours à la disposition de l'industrie
forestière – a présenté son Plan stratégique
2019-2023 par lequel il a annoncé une récolte
accrue des forêts québécoises au cours des
prochaines décennies, tout en prétendant que son
plan contribuera à « la lutte contre le
changement climatique » et le « développement
économique ». Il a aussi annoncé dans son récent
budget d'importantes compressions affectant le
ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.
Pour ce qui est de l'industrie forestière
elle-même, elle passe d'une crise à l'autre,
d'une fermeture à l'autre. Dans l'Outaouais,
l'usine Fortress à Thurso est fermée depuis plus
d'un an et demi, l'une des nombreuses usines à
avoir fermé ses portes au Québec. L'industrie
forestière a toujours en grande partie été
dominée par des intérêts privés étrangers –
surtout américains – et aujourd'hui elle est
encore plus concentrée dans les mains de
compagnies de « gestionnaires d'actifs » pour
qui le secteur forestier existe uniquement pour
enrichir leurs actionnaires sans assumer de
responsabilité envers les communautés,
l'environnement ou les travailleurs.
Parlez-en aux travailleurs de White Birch à
Stadacona. Il y a quelques années, lorsque la
compagnie a eu recours à la Loi sur les
arrangements avec les créanciers des
compagnies, l'usine a été achetée par une
de ces compagnies de gestionnaires d'actifs,
Black Diamond, qui a procédé à une «
restructuration » qui, en plus d'imposer de
nombreuses mises à pied et des reculs dans les
conditions de travail, a coupé de façon
draconienne dans les régimes de retraite
auxquels les travailleurs avaient contribué
toute leur vie. En dépit des nombreux obstacles
et de l'indifférence du gouvernement, ces
retraités continuent de lutter à la défense de
leur dignité et de réclamer ce qui leur revient
de droit.
Pour ce qui est de Fortress, sa fermeture a eu
des répercussions sur plusieurs autres usines et
scieries de la région. Nous devons prendre du
recul et voir le problème de façon globale,
comme une entité organique dans laquelle les
humains sont interreliés et où la principale
préoccupation des travailleurs et des
communautés est d'agir de façon responsable
envers la société et la nature. Par exemple,
certaines municipalités et organisations
recommandent de prendre en compte la valeur
médicinale et alimentaire des forêts. La
pression qui s'exerce est d'imposer une vision à
l'effet que le problème en est simplement un
d'approvisionnement en matière ligneuse. Cette
pression était évidente dans le rapport d'une «
cellule d'intervention » mise sur pied pour
étudier la crise de l'industrie forestière dans
l'Outaouais et les Laurentides. Les propositions
mises de l'avant visent avant tout à « améliorer
les activités d'approvisionnement dans les
régions » et à « tirer avantage du potentiel de
création de la valeur offerte par le secteur
forestier dans ces régions ». Aussi la cellule
demande que le gouvernement du Québec « fasse
tout ce qui est nécessaire pour débloquer les
négociations avec la communauté algonquine de
Lac-Barrière ».
Une ligne de démarcation est en train d'être
tracée. D'une part, il y a les intérêts privés
et les gouvernements qui veulent maintenir le
pouvoir de prises de décisions afin de continuer
d'agir unilatéralement aux dépens de
l'environnement naturel et social. De l'autre,
il y a les travailleurs, les peuples autochtones
et le peuple québécois, en particulier les
jeunes, qui ont exprimé de maintes façons leur
opposition à la destruction de leurs écosystèmes
naturels et sociaux. Ils prennent en compte les
véritables dommages causés à la Terre Mère, y
compris le tissu social lui-même, et veulent
faire partie des prises de décisions sur ces
questions qui peuvent avoir des répercussions
permanentes sur leur environnement immédiat et
sur l'avenir même de l'humanité.
(Photo : Chantier politique)
Le Mexique est l'ancienne patrie du maïs.
Pendant des milliers d'années, ce sont les Mayas
et d'autres méso-américains qui ont développé le
maïs (également connu sous le nom de maíz) en
une culture, utilisant ses nombreuses variétés
comme aliment de base pour nourrir leurs
civilisations[1].
C'est cet aliment sacré qui est aujourd'hui
menacé par les multinationales chimiques et le
gouvernement des États-Unis qui exigent que le
Mexique garde ses portes ouvertes au désherbant
glyphosate et au maïs génétiquement modifié.
En décembre 2020, répondant aux agriculteurs,
aux peuples autochtones et à d'autres, le
président du Mexique, Andres Obrador, a publié
un décret éliminant progressivement le
glyphosate d'ici 2024. Le décret indique que «
ces dernières années, différentes enquêtes
scientifiques ont averti que ledit produit
chimique avait des effets nocifs sur la santé, à
la fois chez l'homme et chez certaines espèces
animales, et a été identifié comme un
cancérogène probable chez l'homme par le Centre
international de recherche sur le cancer. »
À cet égard, le
Mexique n'est pas le seul à être préoccupé. Aux
États-Unis et au Canada, des milliers de
poursuites et de protestations ont été lancées
contre Bayer-Monsanto (la multinationale géante
qui fabrique du glyphosate) au motif que le
produit chimique causait le cancer et d'autres
maladies. Par exemple, un jardinier d'une école
californienne qui utilisait du glyphosate dans
ses fonctions s'est récemment vu octroyer 289
millions $ de dommages-intérêts par un jury
après avoir contracté un cas terminal de
lymphome non hodgkinien. Bayer-Monsanto a même
été contraint d'annoncer qu'il versera 10,9
milliards $ dans un fonds pour régler des
dizaines de milliers d'affaires judiciaires.
Le glyphosate est un produit chimique qui «
inhibe la photosynthèse (le processus de
fabrication de nouveaux tissus) chez les
plantes, ce qui en fait un désherbant très
efficace » [2].
Les plantes qui ne résistent pas à ses effets se
dessèchent et meurent. Dans le monde, environ
820 millions de kilogrammes sont utilisés chaque
année, dont une grande partie en Amérique du
Nord. Le désherbant a été développé pour la
première fois par Monsanto en 1974 et
commercialisé sous le nom de « Roundup ». Mais
la production a vraiment décollé après que la
société a introduit les cultures « Roundup Ready
» en 1996.
Ces cultures, dont le maïs, le soja et le
canola, ont été génétiquement modifiées pour
tolérer le glyphosate. Ainsi, les champs
pourraient être arrosés avec le produit
chimique, tuant les mauvaises herbes, mais
permettant aux cultures commerciales de
survivre. En outre, il est également utilisé
pour pulvériser des terrains de golf, des
terrains de jeux scolaires et d'autres sites,
ainsi que des terres forestières à l'intérieur
de la Colombie-Britannique afin de tuer les
espèces d'arbres à feuilles larges et de
promouvoir les « arbres payants » que sont
l'épinette et le pin[3].
Aujourd'hui, une grande partie des cultures de
céréales et de légumineuses au Canada et aux
États-Unis dépend d'une manière ou d'une autre
de la pulvérisation de glyphosate. Les
États-Unis exportent chaque année environ 3
milliards de dollars de maïs génétiquement
modifié tolérant au glyphosate vers le Mexique,
ce qui rend le Mexique dépendant d'un pays
étranger pour une grande partie de sa nourriture
de base. Ce maïs est fortement subventionné par
le gouvernement américain, ce qui rend la
concurrence difficile pour les agriculteurs
mexicains.
En
raison de son utilisation généralisée, le
produit chimique s'infiltre dans presque tous
les aspects de la vie, que ce soit la
nourriture, le sol, l'eau ou l'air. Par exemple,
en 2015-2016, des résidus de glyphosate ont été
détectés dans 36,6 % des produits céréaliers,
47,4 % des haricots, pois et lentilles et 11 %
des produits du soja. Un peu plus de 31 % des
aliments pour bébés à base de céréales
contiennent ce produit chimique. Il a également
été trouvé dans la bière et d'autres produits.
Le problème est aggravé au Mexique parce que les
gens y mangent en moyenne une livre de maïs par
jour, dont une grande partie est importée.
Un problème supplémentaire pour le Mexique est
que ce maïs génétiquement modifié importé des
États-Unis menace les diverses espèces indigènes
de maïs développées au fil des siècles par les
agriculteurs mexicains. Pour cette raison et
d'autres, le décret présidentiel mexicain
bloquera également l'importation de maïs
génétiquement modifié d'ici 2024.
Selon le président Lopez Obrador, l'objectif du
décret est de mettre « le pouvoir politique
d'abord et avant tout au service de l'intérêt
public » et du « bien-être général de la
population », et « non des intérêts privés ». Il
s'agit d'être « conforme aux traditions
agricoles du Mexique »[4] et
d'atteindre l'autosuffisance et la souveraineté
alimentaire.
En réponse, les administrations américaines
successives ont fait pression sur le
gouvernement mexicain pour qu'il révoque le
décret. Divers documents divulgués ont révélé
comment de hauts responsables du gouvernement
américain ont travaillé en étroite collaboration
avec Bayer-Monsanto pour forcer le Mexique à
reculer[5].
Cela est arrivé au gouvernement thaïlandais qui,
selon certains observateurs, a annulé
l'interdiction du glyphosate après la pression
de responsables américains et de Bayer-Monsanto[6]. Cependant,
jusqu'à présent, le Mexique n'a pas changé sa
position malgré les menaces que les dispositions
de l'Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM)
pourraient être utilisées contre lui ainsi que
d'autres moyens. Dix-sept poursuites devant les
tribunaux ont été déposées contre le décret pour
l'interdire mais aucune n'a réussi jusqu'à date.
C'est en effet l'une des grandes ironies du
modèle actuel de mondialisation dominée par les
entreprises que le pays même qui a créé le maïs
cultivé pour les peuples du monde se voit
maintenant enfoncer une version frelatée et
toxique dans la gorge.
Notes
1.
Fussell, Betty, « The Story of Corn »,
University of New Mexico Press, 1992
2. Environmental Defence, «
What's in your lunch. How glyphosate finds
its way into your children's food »
3. Stop the Spray BC
4. Pesticide Action Network,
« Mexico ousts glyphosate and GM corn »
5. Stancil, Kenny, « Emails
reveal US officials joined with agrochemical
giant Bayer to stop Mexico's glyphosate ban.
» Common Dreams, 16 février 2021
6. Tanakasempipat, Patpicha,
« Bayer campaign against glyphosate ban
revealed. » Bangkok Post, 18
septembre 2020
(Pour voir les articles
individuellement, cliquer sur le titre de
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