Numéro 42 - 27 juin 2020

Des sujets de préoccupation pour le corps politique

Des stratagèmes pour payer les riches comme moyen de «relancer» l'économie


Pour une nouvelle direction de l'économie

Des programmes de dépenses publiques d'infrastructure pour payer les riches et maintenir le contrôle et les privilèges de classe

- K.C. Adams -

Magouillage chez Alberta Investment Management Corporation

- Dougal MacDonald -


Les morts aux mains de la police requièrent réparation

Criminalisation dangereuse des affaires sociales et politiques

Mort d'Ejaz Choudry aux mains de la police

- Steve Rutchinski -

Les manifestations pour réclamer justice pour la mort d'Ejaz Choudry se poursuivent

- Frank Chilelli -

Manifestation à Ottawa contre la brutalité et l'impunité policières


La politique des États-Unis vis-à-vis Cuba

Sans même une feuille de vigne

- Arthur Gonzalez -


30e anniversaire de la défaite de l'Accord du lac Meech

Le renouveau politique et constitutionnel,
plus que jamais à l'ordre du jour

- Christine Dandenault -



Pour une nouvelle direction de l'économie

Le montant de la dette contractée par le gouvernement fédéral et les autres gouvernements dans les conditions de la pandémie est alarmant, car les prêteurs et les gouvernements s'attendent à ce que les Canadiens remboursent les dettes contractées à grands frais. Les élites dirigeantes ne peuvent le faire passer qu'en privant les travailleurs du pouvoir de dire leur mot sur les décisions qui les affectent. C'est pourquoi elles concentrent de plus en plus de pouvoirs de décision dans de moins en moins de mains d'intérêts privés pour accroître leur capacité à dicter les salaires et les conditions de travail, détruire les syndicats et les organes de décision collectifs et tout ce qui peut rester des institutions publiques à tous les niveaux. À l'heure où les gens demandent qu'il n'y ait pas de « retour à la normale » après la pandémie, les gouvernements se préparent déjà à mettre en oeuvre d'autres mesures dites d'austérité et de restructuration antiouvrières parce que c'est le dogme néolibéral sur la base duquel les riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent.

L'offensive antisociale brutale déclenchée au début des années 1990, après le début du libre-échange au milieu des années 1980, a toujours été justifiée en disant qu'il n'y a pas d'alternative à payer les riches. À la première vague de mesures antisociales du néolibéralisme, on nous disait que les déficits et les dettes qui en résultent étaient dus à de mauvaises politiques de gouvernements engagés dans une frénésie de dépenses pour financer l'État-providence. La logique était que les Canadiens vivaient « au-dessus de leurs moyens » et qu'en conséquence ils devaient maintenant payer pour leur mode de vie de classe moyenne. Aujourd'hui, c'est la pandémie qui est citée pour justifier les emprunts et nombreux sont ceux qui croient vraiment que les emprunts de l'État sont destinés à financer « les dépenses publiques consacrées aux programmes sociaux ». Certains vont jusqu'à dire que des « mesures keynésiennes » sont nécessaires pour faire face à la crise actuelle qu'ils comparent à la crise des années 1930 ou qu'il faut un nouveau « New Deal » pour créer des emplois et sauver l'économie, etc.

Le fait est que des déficits et des emprunts ont été contractés dans le passé pour payer les riches et que les programmes visant à « éliminer le déficit et à rembourser la dette » avaient le même objectif. Aujourd'hui, tant les prêteurs qui représentent des intérêts privés étroits colossaux que les emprunteurs à leur service considèrent la crise actuelle comme une manne d'une ampleur sans précédent pour laquelle le peuple, selon eux, paiera volontiers.

En discutant des emprunts et de la nouvelle dette contractée dans les conditions de la pandémie, il est utile d'examiner pourquoi les dettes sont contractées en premier lieu et ce qu'elles financent.

La dette nationale

La dette nationale est l'ensemble des passifs financiers du gouvernement fédéral. En 1998, elle s'élevait à plus de 583,2 milliards de dollars. C'est 19 250 $ pour chaque homme, femme et enfant au Canada. Si l'on y ajoute les dettes des gouvernements provinciaux, alors chaque enfant né en 1998 est venu au monde accablé d'une dette de plus de 26 000 $. La dette fédérale et provinciale combinée est passée de 837 milliards de dollars en 2007-2008 à 1,5 billion de dollars en 2019-2020. Cela équivaut à 64,3 % du produit intérieur brut du Canada et représente une dette de 39 483 $ pour chaque homme, femme et enfant.

De 1997 à 2008, grâce à d'importantes compressions dans le financement des programmes sociaux et d'autres mesures de l'offensive antisociale, le gouvernement fédéral a réussi à rembourser 92,7 milliards de dollars. Mais de 2008 à 2019, la dette s'est accrue d'un montant équivalent à presque 3 fois le montant remboursé du milieu des années 1990 à la fin des années 2000.

Depuis 1946, le gouvernement du Canada paie chaque année au chapitre du service de la dette plus que le déficit annuel. Il a payé 523 milliards de dollars en frais de service de la dette de 1946 à 1998 et environ 620 milliards de dollars de 1998 à 2017.

Ce sera important d'aller au fond des choses aujourd'hui, quand les gouvernements contractent des dettes énormes sous prétexte de protéger le bien-être des Canadiens et sauver l'économie.

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Des programmes de dépenses publiques d'infrastructure pour payer les riches et maintenir le contrôle et les privilèges de classe

Les experts économiques de l'Institut C.D. Howe conseillent le gouvernement fédéral sur la manière de défendre les intérêts privés des riches pendant la pandémie. Ils ont formé un groupe de travail de crise sur la continuité des affaires et le commerce qui a publié jusqu'à présent huit communiqués. Le dernier en date s'intitule « Accélérer les projets d'infrastructure et adapter les processus de restructuration ».

Leur préoccupation est déterminée par leur être social, par leur appartenance à l'oligarchie impérialiste au pouvoir. Nul ne peut douter de leur sincérité à servir leur cause qui est de préserver et de défendre l'immense richesse sociale et les privilèges de classe de leurs pairs et leur contrôle des affaires économiques et politiques du pays. Le président-directeur général de l'Institut C.D. Howe, William B.P. Robson, écrit : « Parmi les faits saillants du travail de l'Institut CD Howe au fil des ans, mentionnons la libéralisation du commerce et des investissements en Amérique du Nord. »

Libéralisation veut dire mondialisation impérialiste, offensive antisociale contre le bien-être et les droits du peuple et intégration accrue des affaires économiques, politiques et militaires du Canada au système impérialiste d'États dirigé par les États-Unis. Un aspect important a été la prolifération des stratagèmes pour payer les riches qui distribuent des fonds publics aux entreprises et aux cartels privés les plus grands et les plus puissants de l'oligarchie mondiale.

L'Institut C.D. Howe affirme que son « impact » est tel que ses produits écrits sont « une source prééminente de renseignements politiques fiables » et « une lecture obligatoire pour les décideurs de haut niveau d'un océan à l'autre ». L'Institut C.D. Howe se vante du fait que ses produits écrits et son blogue « Intelligence Memo » ont « jeté les bases intellectuelles de réalisations comme le développement du libre-échange continental et la fin des déficits insoutenables des années 1970 et 1980 ».

L'Institut C.D. Howe est une voix forte et importante parmi l'élite dirigeante qui prône l'offensive antisociale des trois dernières décennies pour servir l'oligarchie impérialiste contre les intérêts généraux des travailleurs. L'Institut C.D. Howe fournit des arguments pour dissuader les travailleurs et les intellectuels en particulier de s'unir dans des actes de participation consciente, des actes de découvrir pour donner une nouvelle direction à l'économie pour qu'elle serve le bien-être du peuple et mène à la résolution de la contradiction entre la nature sociale de l'économie moderne et son contrôle continu par de puissants intérêts privés concurrents et les crises économiques récurrentes qui en résultent.

L'existence de l'Institut C.D. Howe et son influence soulignent la nécessité pour la classe ouvrière d'avoir ses propres institutions qui encouragent les travailleurs, et aussi les intellectuels, à accomplir des actes de participation consciente pour ouvrir la voie au progrès pour le peuple et la société et à développer leur propre pensée, théorie et idéologie en s'engageant dans des actes pour bâtir le Nouveau.

Des infrastructures pour payer les riches

Dans son communiqué #8, le Groupe de travail de crise de l'Institut C.D. Howe exige que des fonds fédéraux soient débloqués pour « fournir la stimulation nécessaire et aider l'économie canadienne à se remettre de la crise de la COVID-19 ». L'accent est mis avec insistance sur le financement public de grands projets d'infrastructure pour payer les riches.

Les infrastructures sont un moyen de production social indispensable utilisé par tous les secteurs et toutes les entreprises de l'économie collective. La valeur des infrastructures est largement répartie dans l'ensemble de l'économie socialisée et cette valeur devrait également être réalisée pleinement et objectivement.

Les infrastructures fixes, comme les routes et les ponts, sont semblables aux machines et aux bâtiments ; elles transfèrent leur valeur aux utilisateurs au fil du temps. La valeur fixe transférée générée par l'utilisation des infrastructures peut être scientifiquement identifiée et liée aux entreprises et aux moyens de production qui ont besoin de cette valeur, l'utilisent et la consomment.

Les infrastructures circulantes, comme l'eau et l'électricité, transfèrent leur valeur en quantités identifiables, qui sont utilisées et entièrement consommées. La valeur circulante transférée peut être identifiée et mise en relation avec les entreprises et les moyens de production qui ont besoin de cette valeur, l'utilisent et la consomment. La valeur marchande de la valeur circulante transférée doit être proche du prix de production de la quantité consommée.

Le communiqué #8 recommande entre autres : « Stimuler par l'accélération des dépenses d'infrastructure - plus précisément : le rôle possible des dépenses d'infrastructure pour stimuler la demande globale déprimée... »

« De plus, la connectivité large bande est une 'dorsale' essentielle de la prospérité nationale à long terme. Pour orienter les futures priorités nationales en matière d'infrastructures, le Canada a besoin d'une initiative nationale d'évaluation stratégique pour identifier les investissements d'infrastructure qui stimuleraient la croissance économique à long terme. [...]

« Afin d'employer des capacités industrielles et des métiers inutilisés, les gouvernements devraient envisager d'accélérer les dépenses pour les projets d'infrastructure publique qui stimulent la productivité canadienne à long terme. »

L'Institut C.D. Howe reconnaît le rôle des infrastructures dans l'augmentation de la productivité et veut utiliser cette nécessité comme moyen d'enrichir des intérêts privés : « Face à une reprise prolongée du secteur de l'investissement privé non résidentiel, le Canada devrait saisir cette occasion à court terme pour rattraper son retard dans l'entretien des infrastructures publiques vieillissantes, par exemple en réparant la grande partie des ponts, des routes et des infrastructures hydrauliques linéaires qui sont en mauvais état (c'est-à-dire qui ont atteint ou dépassé leur durée de vie prévue). »

Tout cela est bien beau, mais l'Institut C.D. Howe n'identifie pas qui profitera de cette « occasion à court terme ». Ces projets deviendront tous des partenariats public-privé sous le contrôle des plus importants cartels et entreprises privées. Cela inclut non seulement l'expropriation privée de la valeur ajoutée directement par les grandes entreprises de construction privées, mais aussi le financement privé de ces projets d'infrastructure par l'oligarchie impérialiste mondiale avec l'achat de titres d'État. Les politiques de l'Institut visent à défendre le contrôle et la propriété des principaux secteurs et des principales entreprises de l'économie canadienne par l'oligarchie impérialiste.

L'Institut C.D. Howe n'analyse pas concrètement le rôle central des infrastructures critiques dans l'économie moderne et la nécessité d'une nouvelle direction prosociale. Les infrastructures au service de l'économie génèrent une valeur énorme et sont cruciales pour tous les secteurs et toutes les entreprises. La construction et l'entretien des infrastructures doivent être assurés par des entreprises publiques sous la gestion et le contrôle de travailleurs responsables devant le public. Toutes les entreprises publiques et privées doivent réaliser (payer) de manière transparente la valeur des infrastructures qu'elles utilisent. Pour arriver à cela, les infrastructures doivent être entre les mains des travailleurs et sous leur contrôle en tant qu'entreprise publique et la valeur qu'elles créent et réalisent doit être ensuite réinvestie dans les infrastructures et dans d'autres secteurs pour développer l'économie locale, régionale et nationale.

L'oligarchie impérialiste considère l'infrastructure comme un moyen d'écorcher plusieurs fois le même boeuf. Tout d'abord, l'infrastructure est nécessaire à l'économie et à toutes ses entreprises et institutions. Deuxièmement, bien que l'on dise qu'elle est publique, l'argent est emprunté à l'oligarchie financière et devient une partie de la dette publique due aux impérialistes. Troisièmement, les grands cartels de la construction, dont beaucoup ont leur siège social hors du Canada, profitent directement de la construction des projets. Ces entreprises privées se voient garantir leurs paiements et leurs profits et n'ont pas à attendre que la valeur des infrastructures qu'elles construisent soit réalisée par la vente ou leur utilisation prolongée. Quatrièmement, les grandes entreprises privées de l'ensemble de l'économie font des profits avec les bas prix qu'elles paient pour l'utilisation des infrastructures et ces bas prix sont justifiés par la fraude que pour attirer les investisseurs, il faut leur accorder des « prix industriels ».

Le cercle vertueux des infrastructures pour payer les riches

Le programme d'infrastructure du gouvernement fédéral pour payer les riches, dont l'Institut C.D. Howe demande l'élargissement immédiat pendant la crise actuelle, comporte quatre éléments principaux qui peuvent être résumés comme suit.

1. La Banque du Canada commence le processus par l'achat de titres détenus par l'oligarchie financière mondiale. Certaines des obligations d'entreprises contiennent des hypothèques et d'autres prêts appartenant à des institutions financières privées et aux plus grandes sociétés. De nombreux prêts et hypothèques contenus dans ces obligations subissent actuellement des tensions dues à la crise économique et pourraient s'effondrer. La Banque du Canada a déclaré que le montant qu'elle pourrait acheter pourrait atteindre 150 milliards de dollars et comprendrait l'achat d'obligations détenues par les gouvernements provinciaux et d'autres paliers de gouvernement. De plus, la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) a annoncé l'achat de 50 milliards de dollars d'hypothèques détenues actuellement par les grandes banques. La justification pour déverser tout cet argent public dans les coffres des oligarques mondiaux est que les prêteurs privés vont maintenant investir dans l'économie en difficulté, alors qu'en fait ces mêmes institutions financières mondiales achètent des titres garantis par l'État.

2. L'oligarchie financière prend l'argent public de la Banque du Canada et de la SCHL qui vient de ses titres achetés et, avec cet argent, achète les obligations d'État aujourd'hui encore plus nombreuses, car le déficit du gouvernement fédéral et des autres gouvernements monte en flèche. Ces achats deviennent un refuge pour la richesse sociale des oligarques pendant la crise alors que les autres opportunités d'investissement se sont taries ou sont devenues trop risquées. Les titres garantis par l'État rapportent même des intérêts.

3. Le gouvernement prend l'argent privé qu'il emprunte à l'oligarchie financière avec la vente de ses titres et en consacre une partie au financement de projets d'infrastructure. Cela devient la mise de fonds de démarrage pour commencer la construction.

4. Le gouvernement recrute des cartels mondiaux privés de la construction pour réaliser les projets d'infrastructure. Ces entreprises n'ont pas à trouver elles-mêmes le financement ni à se soucier de vendre le projet terminé. Le gouvernement leur donne l'argent nécessaire à la construction au fur et à mesure que les projets avancent, ce qui comprend des profits considérables. Tous ces travaux sont garantis par le gouvernement, y compris les prix exorbitants dictés par les cartels privés de la construction pour la réalisation des projets.

5. Une fois construits, les principaux utilisateurs des moyens de production publics (routes, ponts, électricité, etc.), qui sont les grandes entreprises privées de l'économie, n'ont pas à payer le plein prix du marché pour la valeur de la partie des infrastructures qu'ils consomment, car ils bénéficient de « prix industriels » préférentiels fixés arbitrairement.

Ce cercle vertueux explique comment le plan d'infrastructure du gouvernement fédéral « Investir dans le Canada » sert à payer les riches et contribue à la concentration toujours plus grande des richesses et du pouvoir entre les mains d'une poignée de privilégiés. En 2019, le gouvernement fédéral s'est engagé à investir plus de 187 milliards de dollars sur 12 ans en infrastructure. L'Institut C.D. Howe affirme que la crise actuelle devrait inciter le gouvernement à dépenser encore plus et plus rapidement, non seulement pour de nouveaux projets, mais aussi pour l'entretien et la modernisation des infrastructures existantes.

Les Canadiens sont intimidés et sommés de ne pas s'opposer à cette orientation de l'économie, car elle « crée des emplois et bâtit l'infrastructure » dont ils ont tant besoin. Mais une nouvelle direction est exactement ce qu'il faut pour que l'économie soit sous le contrôle des travailleurs, pour prévenir des crises récurrentes et résoudre les autres problèmes sociaux.

Une nouvelle direction de l'économie interdirait au gouvernement d'emprunter auprès d'institutions privées. Une nouvelle direction permettrait de bâtir, d'entretenir et de gérer les infrastructures publiques avec des entreprises de construction publiques permanentes. Elle garantirait que la valeur des infrastructures est pleinement réalisée par les entreprises publiques et privées qui l'utilisent et la consomment et que cette valeur est réinjectée dans l'économie et non pas retirée par les riches et envoyée dans des paradis fiscaux ou ailleurs.

L'Institut C.D. Howe veut justifier l'octroi de fonds
publics à des intérêts privés

Dans son communiqué, il dit : « Les dépenses publiques sont justifiées du point de vue économique lorsque les avantages nets pour la société dépassent les coûts des dépenses. Le secteur privé est bien équipé pour réaliser des projets qui génèrent des profits tout au long de la durée de vie de l'actif. En revanche, les gouvernements fournissent ou contribuent à juste titre à des investissements lorsqu'un projet procure à la société des avantages qui dépassent la valeur actualisée nette qui reviendrait à un propriétaire privé. »

Ce charabia est totalement intéressé. Les « avantages nets pour la société » sont en fait des programmes d'infrastructure pour payer les riches qui enrichissent l'oligarchie financière et garantissent le maintien de ses privilèges et de son existence. Une économie moderne a besoin d'infrastructures importantes pour exister. L'Institut C.D. Howe veut que les fonds publics soient utilisés « lorsque les avantages nets pour la société dépassent les coûts des dépenses » pendant que le secteur privé réalise « des projets qui génèrent des profits tout au long de la durée de vie de l'actif ». L'Institut C.D. Howe présuppose que « les avantages nets pour la société » sont contraires aux profits privés. Si les profits privés étaient des profits publics, ne serait-ce pas un avantage net pour la société ?

L'Institut C.D. Howe tente de justifier la poursuite du profit privé dans une situation où les grands projets et le développement sont impossibles sans fonds publics et sans stratagèmes pour payer les riches. Cette direction désuète de l'économie garantit qu'aucun projet, quelle que soit sa taille, ne puisse se réaliser sans payer les riches à même les fonds communs de l'État qui proviennent principalement des impôts des travailleurs et des petites et moyennes entreprises. L'Institut C.D. Howe ne veut pas entrer dans le Nouveau où l'entreprise publique est la force motrice décisive de tous les grands secteurs de l'économie et où les travailleurs eux-mêmes sont aux commandes.

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Magouillage chez Alberta Investment
Management Corporation

L'Alberta Investment Management Corporation (AIMCo) a embauché Mark Wiseman, un ancien dirigeant de BlackRock, comme nouveau président à compter du 1er juillet. AIMCo est le fonds d'investissement du gouvernement de l'Alberta qui gère plus de 110 milliards de dollars d'actifs au nom de 30 régimes gouvernementaux de retraite et de dotations basés en Alberta et autres clients. BlackRock est le plus grand gestionnaire d'actifs au monde avec 7,4 billions de dollars d'actifs sous gestion à la fin de 2019.

Chez BlackRock, Wiseman a été chef mondial des titres négociés de façon active, faisant de lui un successeur potentiel du PDG Larry Fink, fondateur de BlackRock. Cependant, BlackRock a licencié Wiseman en décembre 2019 pour avoir violé une règle de la firme qui interdit les relations internes au sein de l'entreprise. Il n'est pas surprenant que le nouveau président d'AIMCo provienne de l'omniprésent BlackRock qui a « une gestion d'actifs supérieurs au PIB de n'importe quel pays... [et] le principal actionnaire dans la plupart des 300 plus importantes sociétés en Amérique du Nord et en Europe et copropriétaire de 17 309 compagnies et banques partout dans le monde[1] ». BlackRock est le plus grand investisseur mondial dans les combustibles fossiles, et payer l'industrie de l'énergie avec des fonds publics est la principale stratégie économique du Parti conservateur uni (PCU) de l'Alberta.

« La puissance et l'autorité de BlackRock ne reposent pas uniquement sur sa taille, elles reposent aussi sur le fait qu'il constitue, comme l'a dit un analyste, une 'quatrième branche de gouvernement' ou, comme certains diraient plutôt, la 'première' branche. Dès le début, un aspect clé de la stratégie de BlackRock a été de recruter de hauts fonctionnaires de l'État dans le monde entier sur une base intermittente. Une année, ceux-ci travaillent pour le gouvernement et l'année suivante, voilà qu'ils travaillent pour BlackRock et ainsi de suite[2]. » Wiseman en est un exemple vivant. Il a auparavant occupé le poste de PDG de l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada de juillet 2012 à mai 2016. Il a également été membre du Conseil consultatif sur la croissance économique, présidé par Dominic Barton, créé en 2016 ostensiblement pour conseiller le ministre canadien des Finances, Bill Morneau. Barton est également étroitement lié à BlackRock, ainsi qu'à la société mondiale de conseil en gestion McKinsey embauchée le 13 juin pour revoir le système d'éducation postsecondaire de l'Alberta.

Le 30 avril 2020, le PDG d'AIMCo a honteusement confirmé qu'AIMCo avait perdu 2,1 milliards de dollars en raison d'un pari mal avisé sur la volatilité des marchés. Un facteur clé de cette énorme perte a été les investissements importants d'AIMCo dans le secteur volatile et risqué de l'énergie. Progress Alberta a constaté qu'AIMCo avait investi 1,1 milliard de dollars des régimes de retraite des travailleurs de la fonction publique dans les entreprises pétrolières et gazières depuis 2016. La plupart de ces entreprises avaient perdu une valeur importante bien avant la crise de la COVID-19 et la chute des prix du pétrole à des niveaux record.

AIMCo gère un portefeuille d'environ 110 milliards de dollars, ce qui représente des centaines de milliers de pensions et d'investissements des Albertains pour le Fonds du patrimoine de l'Alberta (Alberta Heritage Trust Fund), les Services de santé de l'Alberta (AHS) et le Régime de retraite des autorités locales (LAPP). Le 2 janvier 2020, le gouvernement du PCU a adopté le projet de loi omnibus 22 transférant à AIMCo le contrôle du régime de retraite des enseignants de l'Alberta (ATRF) ainsi que des fonds de la Commission de l'indemnisation des travailleurs de l'Alberta et l'AHS. Les travailleurs ont vivement critiqué le transfert, en particulier ceux dont les pensions étaient directement visées.

Les enseignants de l'Alberta n'ont pas été consultés sur le projet de loi 22, même si environ 18 milliards de dollars étaient transférés de l'ATRF à l'AIMCo d'ici la fin de 2021. Le président de l'Association des enseignants de l'Alberta (ATA), Jason Schilling, a déclaré que les pertes montrent pourquoi les enseignants étaient préoccupés par le transfert. « [Avec l'ATRF], nous avons notre mot à dire en ce qui concerne ce genre de choses, dit-il. Lorsque notre gestion des actifs sera transférée à AIMCo, nous n'aurons plus ce mot à dire. » Schilling aurait pu aller plus loin et aurait pu demander pourquoi la sécurité à la retraite pour les enseignants devrait dépendre des caprices de la bourse qui est manipulée par l'oligarchie financière dans son propre intérêt ? Les enseignants et tous les travailleurs devraient avoir leur pension garantie en toutes circonstances afin de pouvoir prendre leur retraite en toute sécurité, à un niveau de vie de standard canadien.

L'argent des régimes de retraite qui a été transféré chez AIMCo est un autre exemple de la façon dont le PCU tente de prendre le contrôle d'autant de grands réservoirs de capitaux que possible et de les utiliser pour payer les riches, en particulier les monopoles énergétiques. C'est le coeur de son plan de « relance » de l'économie albertaine. Un exemple frappant est l'annonce du 31 mars disant que le gouvernement de l'Alberta remettait 1,1 milliard de dollars américains en fonds publics pour l'oléoduc Keystone XL de TC Énergie et accordait une garantie de prêt de 6 milliards de dollars. Cela rend les Albertains responsables d'environ 85 % du coût du pipeline que beaucoup jugent à la fois risqué et inutile et qui ne sera peut-être jamais construit.

Le gouvernement du PCU affirme de façon peu convaincante qu'AIMCo est « indépendante » du gouvernement et que le gouvernement n'a aucune influence sur ses politiques. Cela est contredit par les faits, tels que les récentes lois introduites par le PCU qui donnent au ministre provincial des Finances le pouvoir de réaffecter des parties du portefeuille d'AIMCo à un gestionnaire de choix du gouvernement. À l'heure actuelle, l'ancien membre de BlackRock, Mark Wiseman, est ce choix.

Notes

1. « BlackRock, le supercartel », de Peter Ewart, LML 13 juin 2020

2. Ibid.

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Les morts aux mains de la police requièrent réparation

Criminalisation dangereuse
des affaires sociales et politiques


« Retirez les fonds à la police » peint sur la rue devant le quartier général de la police de Toronto dans le cadre des actions menées pour exiger que cessent la violence et l'impunité policières.

Les morts toujours plus nombreuses aux mains de la police continue d'être un sujet de grande préoccupation pour le corps politique. Les appels à la justice et à la fin de l'impunité policière se font de plus entendre pendant que les gouvernements évitent le sujet afin de préserver leur pouvoir.

La criminalisation impérialiste de la vie affecte beaucoup les affaires économiques, politiques et sociales du pays de même que les institutions de la société et son tissu social. La criminalisation de la vie a dépassé le cadre de la politique et atteint les conditions sociales et le mode de vie. La criminalisation mène au recours aux pouvoirs de police pour traiter de problèmes comme la pauvreté et l'itinérance ; les problèmes mentaux et les autres problèmes de santé et le droit de tous à la santé ; ce que les gens consomment ; les réclamations des travailleurs en ce qui concerne la vente de leur capacité de travailler et leurs conditions d'emploi ; les problèmes et les différences d'opinions en éducation au sujet des méthodes et des curriculums, et comment affirmer le droit à l'éducation ; l'opposition du peuple aux grands projets avec lesquels ils peuvent être en désaccord en ce qui a trait aux enjeux environnementaux ou à d'autres enjeux ; les disputes familiales et d'autres disputes concernant des affaires personnelles et les relations entre les personnes ; les enjeux et les luttes au sujet de la direction de l'économie, de la politique et de la société, etc.

La liste des problèmes, des contradictions et des divergences dans les affaires économiques et politiques, les relations sociales et la société en général est sans fin, et leur criminalisation est désastreuse, car elle mène à l'accroissement constant de la brutalité et du pouvoir policiers et au blocage permanent de toute solution des problèmes politiques, sociaux et économiques, ce qui ne fait qu'aggraver les crises, l'anarchie, la violence et la guerre.

Alors que les peuples luttent pour s'investir eux-mêmes du pouvoir, ils savent que l'antidote est d'augmenter les investissements dans les programmes sociaux et les services publics et dans l'entreprise afin d'aborder concrètement les problèmes de la société moderne et des relations entre les personnes ; d'arrêter de payer les riches ; de rechercher un équilibre dans la relation sociale aux endroits de travail entre la classe ouvrière et les employeurs ; de faire du Canada une zone de paix et, chose des plus importante, d'habiliter le peuple politiquement afin de permettre à la personnalité démocratique d'émerger et d'ouvrir la voie à la paix, la liberté et la démocratie et à une nouvelle direction prosociale des affaires économiques et politiques de la société.

Dans ce numéro, Le Marxiste-Léniniste publie un reportage sur une autre mort aux mains de la police au Canada et réclame la justice au Canada et aux États-Unis.


Manifestation à Vancouver contre la violence et l'impunité policières, 19 juin 2020

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Mort d'Ejaz Choudry aux mains de la police


22 juin 2020, rassemblement pour réclamer justice pour Ejaz

Ejaz Ahmed Choudry a été abattu le samedi 20 juin par la police régionale de Peel à Malton, un quartier de Mississauga, en Ontario. Dans la soirée du 22 juin, environ 2 000 personnes se sont rassemblées à l'intersection Goreway et Morning Star à Malton pour dénoncer cet acte brutal contre M. Ejaz Choudry par la police régionale de Peel pendant cette fin de semaine. Ils étaient tous unis, sans égard à la nationalité, la race, la langue ni la religion, contre le recours à la force meurtrière par la police, pour exiger des comptes et réclamer justice. On lisait sur leurs pancartes : « Un père tué par la police », « Un père tué le jour de la fête des Pères », « Justice pour Ejaz, tué par la police », et « Définancez la police ». Ils ont scandé à maintes reprises « Pas de justice, pas de paix » et « Non à la police raciste ».

Choudry était âgé de 62 ans et souffrait de schizophrénie et d'autres maladies. Il était en crise et avait besoin d'aide. Sa famille avait contacté les services de santé par téléphone pour demander que des paramédics viennent l'aider à prendre ses médicaments comme ils l'avaient fait dans le passé. Les paramédics sont arrivés sur les lieux et ont appelé la police en déclarant que M. Choudry était en possession d'un couteau de poche. Après avoir crié des instructions à M. Choudry en anglais, qu'il n'a pas comprises, la police a choisi d'enfoncer la porte, de lancer une grenade assourdissante et de tirer sur M. Choudry dans un déploiement soudain de violence.

Un porte-parole de la police de Peel a dit que les agents « croyaient » qu'il avait des armes et qu'il représentait « un danger pour lui-même ». Il était un homme frêle, seul à la maison et ne représentait un danger pour personne sauf peut-être lui-même. La déclaration de la police qu'ils avaient une raison d'ouvrir le feu et de le tuer révèle l'étendue du problème auquel les noirs et les minorités font face à Toronto. Selon des reportages, la police a rejeté tous les efforts de la famille pour qu'elle puisse intervenir de manière à désamorcer la situation.

Hassan Choudry, le neveu de la famille, a pris la parole au rassemblement du 22 juin. Il a réitéré ce qu'il avait dit aux journalistes, que son oncle était inoffensif, qu'il pouvait à peine faire trois ou quatre pas. « Vous êtes en train de me dire qu'un homme de 62 ans qui peut à peine respirer va courir vers vous et vous attaquer !? » Il a dit que quiconque a visionné l'enregistrement vidéo ou entendu les commentaires des témoins sait que la police n'a pas fait tout ce qu'elle pouvait pour désamorcer la situation.

« Nos dirigeants politiques et notre chef de police ne peuvent pas nous apaiser. Nous demandons que des actions soient menées immédiatement », a dit Hassan. « Nous réclamons la tenue d'une enquête publique sur ce qui s'est passé. » « Nous n'avons aucune confiance dans une enquête menée par la SIU [Unité spéciale d'enquête] qui n'a jamais rendu justice aux victimes de la violence policière dans cette province. Nous demandons aussi que l'agent qui a tiré sur notre oncle soit démis de la police immédiatement... Ceux qui ont pris la décision de tirer sur lui pour le tuer sont inaptes à servir dans la police. Ils ne devraient jamais plus porter un insigne ou patrouiller nos rues. »

Tous ceux qui ont pris la parole au rassemblement ont soulevé les mêmes revendications : que les agents responsables rendent des comptes et que cessent la violence policière, le racisme et le recours à la force meurtrière ! Ils ont aussi réclamé un changement de direction afin de mettre fin à des années de compressions à l'éducation, à la santé et dans les autres programmes sociaux, au lieu de plus d'activités policières et plus de prisons.

La communauté de Malton comprend principalement des travailleurs de minorités nationales qui font constamment face à la brutalité policière. En avril dernier, la police régionale de Peel a abattu D'Andre Campbell, âgé de 26 ans, qui souffrait lui aussi de schizophrénie. Il avait demandé de l'aide pour se rendre à l'hôpital. Au lieu d'aider une personne en détresse, la police l'a abattu.

L'utilisation de la force meurtrière contre des victimes souffrant de problèmes de santé mentale, surtout contre des Noirs et des Autochtones, est une chose très commune au Canada. Les autochtones représentent 4,8 % de la population du pays, mais 15 % de toutes les morts aux mains de la police. Les Noirs représentent 3,4 % de la population, mais 9 % des morts dues à la violence policière.

Des funérailles publiques pour Ejaz Ahmed Choudry ont eu lieu le 24 juin.

Un site GoFundMe a été mis sur pied pour fournir de l'aide financière à la famille Choudry - voir gofundme.com.


Depuis le meurtre par la police d'Ejaz Choudry, des manifestations quotidiennes ont lieu au coin de Goreway et Morning Star à Malton.

(Sources : Frank Chilelli et Lorne Gershuny, CBC et Mississauga News)

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Les manifestations pour réclamer justice pour la mort d'Ejaz Choudry se poursuivent

Depuis la mort de M. Ejaz Choudry aux mains de la police régionale de Peel le 20 juin, la communauté de Malton, à Mississauga en Ontario, et les citoyens de la région du Grand Toronto n'ont cessé de se rassembler sur une base quotidienne à l'intersection Morning Star Drive et Goreway Road. Le mercredi 24 juin, le jour des funérailles de M. Choudry, un contingent de personnes scandant « Qu'est-ce que nous voulons ? La justice ! Pour qui ? Pour Ejaz ! », est parti de la procession funéraire et s'est rendu à l'intersection vers 19 h 30, où il a été rejoint par d'autres manifestants. Vers 20 h 15, de nombreux manifestants, en majorité des jeunes, ont décidé de se diriger vers le nord et de bloquer la voie ferrée du CN.


La famille parle lors des funérailles d'Ejaz Choudry le 24 juin (gauche) ;
une portion de la foule (droite)

Alors qu'ils bloquaient la voie ferrée, ils ont scandé « Justice pour Ejaz maintenant ! », « Définancez la police, augmentez le financement pour les jeunes et les programmes sociaux ! »

Plusieurs des jeunes qui ont pris part à la manifestation étaient musulmans. À un moment donné, ils se sont agenouillés sur la voie ferrée, pointant vers l'est, pour prier en silence. Deux trains de marchandises ont dû s'arrêter devant le passage à niveau. Les mécaniciens de locomotive se sont approchés des manifestants pour s'informer de la durée de l'action. Pendant la discussion, ils ont exprimé leur appui pour les manifestants. Le blocus de la voie ferrée a duré environ deux heures et demie. Pendant la dernière demi-heure, un membre de la famille de M. Choudry a dit aux manifestants que la police avait averti la famille qu'il pourrait y avoir des arrestations parce qu'ils étaient sur une propriété privée.


Des jeunes bloquent la voie ferrée après les funérailles d'Ejaz Choudry, le 24 juin 2020.

Les jeunes qui dirigeaient la manifestation ont commencé à discuter de ce qu'ils allaient faire. Les manifestants ont décidé qu'avant de se conformer aux menaces de la police, ils présenteraient des revendications et reprendraient le blocus de la voie ferrée le lendemain si celles-ci n'étaient pas satisfaites dans les 24 prochaines heures. Ils ont mis de l'avant trois revendications :

1. Que le nom du policier qui a tué M. Ejaz Choudry soit révélé publiquement;

2. Qu'un organisme indépendant, et non l'Unité des enquêtes spéciales, soit chargé d'enquêter sur la mort de M. Choudry[1];

3. Qu'on fournisse à la famille un appartement différent de celui où M. Choudry a été tué.

Pendant la manifestation, plusieurs jeunes qui résident dans la région de Malton ont parlé du harcèlement policier et du profilage racial continuels qui se produisent dans la communauté. Plusieurs ont parlé de leur expérience personnelle de la violence et de la brutalité policière exercées contre eux. Les jeunes et l'ensemble des manifestants ont exprimé leur colère contre un système qui est raciste et ont fait un lien entre le racisme et le système socio-économique dont ils ont dit qu'il ne leur est pas favorable.

L'intersection Goreway et Morning Star à Malton continue d'être bloquée par la communauté 24 heures par jour.

Note

1. L'Unité des enquêtes spéciales « est l'organisme civil de surveillance qui est chargé d'enquêter sur les circonstances impliquant la police qui ont mené à la mort, à des blessures sérieuses ou à des allégations d'assaut sexuel contre un civil en Ontario au Canada. » (Wikipedia)

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Manifestation à Ottawa contre la brutalité
et l'impunité policières

Le 20 juin, une manifestation organisée par la Coalition justice pour Abdirahman a rassemblé plus de 1 000 personnes au poste de police de la rue Elgin à Ottawa. Les manifestants ont ensuite marché jusqu'à l'hôtel de ville d'Ottawa pour dénoncer le racisme et la violence policière contre les Noirs et les Autochtones.

Les organisateurs ont noté : « Cette marche est organisée pour appuyer les manifestations mondiales et locales contre la violence policière faite aux Noirs. Nous agissons également en solidarité avec nos soeurs et frères autochtones qui luttent contre les mêmes violences policières racistes à Ottawa et partout au Canada. »

Hamid Ibrahim, un membre de la coalition, a pris la parole devant l'hôtel de ville. Il a déclaré en partie :

« Ces dernières semaines, la mort insensée de George Floyd aux mains de la police a galvanisé le monde. La vidéo horrible des derniers moments de George aux mains de ceux chargés de sa protection a vraiment mis à nu une capacité de brutalité raciste que beaucoup aux États-Unis et au Canada ont du mal à reconnaître. Tout comme avec la mort d'Abdirahman Abdi et l'agression récente contre Obi Ifedi ici à Ottawa, la violence contre les Noirs a été délibérément ignorée par nos institutions. La mort de Greg Ritchie à Ottawa en 2019 et les récentes morts d'Autochtones aux mains de policiers par le Canada nous montrent que cette violence est déployée à force égale contre nos frères et soeurs autochtones. Pourtant, dans notre ville et au-delà, les changements institutionnels et structurels ont été lents, malgré les preuves vidéo de plus en plus nombreuses d'actes de violence extrêmement disproportionnés, ce qui équivaut à une complaisance face aux exécutions sommaires.

« Les exécutions extrajudiciaires de Noirs et d'Autochtones non armés aux mains de la police se sont révélées être une pandémie. Cette pandémie requiert la même attention, diligence et approche que ce que les responsables de la santé publique ont établi dans leur lutte contre la COVID-19. Les demandes pour que justice soit faite ont atteint un point critique, un point qu'ils ne peuvent plus ignorer. »

Ibrahim a ensuite formulé diverses revendications auprès de la ville d'Ottawa, de la province de l'Ontario et du gouvernement du Canada. Cela comprend une demande de définancement du Service de police d'Ottawa en consacrant une « partie importante » de son budget à des services qui offrent des solutions de rechange à l'intervention policière armée pour assurer la sécurité et le bien-être de la communauté. La province a été invitée à rétablir le projet de loi 175, Loi de 2018 pour plus de sécurité en Ontario, afin de mettre en place des mesures de reddition de comptes des policiers. Le gouvernement fédéral a été appelé à enquêter sur « le racisme enraciné au sein de la GRC[1] ».

La Coalition Justice pour Abdirahman a été formée en 2016. Abdirahman Abdi était un Canadien d'origine somalienne de 37 ans qui souffrait de problèmes de santé mentale. Il vivait dans la communauté de Hintonburg à Ottawa, au 55, rue Hilda. Abdirahman est décédé le 24 juillet 2016 lors d'une violente altercation avec des agents du Service de police d'Ottawa, enregistrée sur l'une des caméras de sécurité de l'appartement. M. Abdi n'avait aucun antécédent criminel et rien n'indique qu'il menaçait la vie ou la sécurité des policiers aux mains desquels il est décédé.

L'Unité des enquêtes spéciales (UES), une agence du ministère du Procureur général, a entrepris l'enquête quelques heures après l'incident. Cependant, l'UES n'a pas encore publié de jugement dans cette affaire. Le constable de la police d'Ottawa Daniel Montsion est actuellement jugé pour homicide involontaire, voies de fait graves et voies de fait avec une arme en relation avec la mort d'Abdi.

Note

1. Voir le discours complet.

VOIR LML DU 1er JUILLET 2020

Les manifestations se poursuivent contre le racisme, la brutalité policière, les morts aux mains de la police et l'impunité

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La politique des États-Unis vis-à-vis Cuba

Sans même une feuille de vigne


Des membres de la brigade cubaine Henry Reeves se préparent à partir pour l'Afrique du Sud aider à combattre la COVID-19, le 25 avril 2020.

Les Yankees, frustrés par 60 ans d'échecs dans leurs tentatives de détruire la Révolution cubaine, ont commis la grave erreur de déclarer publiquement que toutes leurs actions visent à étouffer l'économie cubaine et tuer son peuple par la faim et la maladie.

La vérité finit toujours par se savoir et, en ce moment, elle est là, sans masque ni feuille de vigne pour couvrir sa nudité, dans le nouveau projet de loi intitulé Loi de la réduction des profits pour le régime cubain, présenté le 17 juin 2020 par le sénateur Rick Scott, avec l'appui des sénateurs Marco Rubio et Ted Cruz, dans le but de sanctionner les pays qui embauchent des médecins cubains, dont les brigades Henry Reeves qui se spécialisent dans les maladies suite aux catastrophes naturelles et aux graves épidémies.

Les campagnes de chantage et de pressions menées par les États-Unis depuis plusieurs années sont faites par prétendu souci que ces brigades envoyées par Cuba seraient une forme d'« esclavage » parce que Cuba ne leur distribuerait pas tout l'argent qu'elles reçoivent des pays contractants.

Ce n'est pas un secret que cette soi-disant « préoccupation » de l'empire est fausse, puisque les États-Unis ne se sont jamais souciés du peuple cubain, ce dont témoigne sa guerre économique, commerciale et financière. Le seul objectif qu'ils visent est d'étouffer encore davantage l'économie cubaine, entretenant la vieille illusion qu'ils peuvent détruire ce socialisme qu'ils détestent tant.

Une simple lecture de l'Opération Mongoose, approuvée en janvier 1962 par le président John F. Kennedy, en atteste juridiquement. On y affirme sans le moindre signe d'humanisme :

« L'objectif des États-Unis est d'aider les Cubains à renverser le régime communiste à Cuba. [...] L'opération a comme objectif de provoquer une rébellion du peuple cubain. [...] L'action politique sera appuyée par une guerre économique qui fera en sorte que le régime communiste ne pourra pas répondre aux besoins du pays. Des opérations psychologiques accroîtront le ressentiment de la population envers le régime et celles de nature militaire donneront au mouvement populaire une arme d'action pour le sabotage et la résistance armée en appui aux objectifs politiques. »

La nouvelle conspiration tramée par ces sénateurs est de couper toute entrée d'argent dans Cuba, entretenant le vieux rêve de voir l'économie socialiste s'écrouler par manque de liquidités, ce qui n'a rien à voir avec les sentiments humains qu'ils disent nourrir envers les Cubains, sous couvert de « préoccupation » au sujet de « trafic humain » de médecins et d'infirmiers.

Le nom du projet de loi lui-même indique clairement que ces sénateurs ne cherchent qu'à couper les profits obtenus par Cuba avec ses contrats de missions médicales qui, selon leurs calculs, seraient de 7 milliards de dollars par année. C'est ce qu'ils cherchent à bloquer.

Avec l'arrivée de Bolsonaro à la présidence du Brésil, ils ont réussi à éliminer la présence cubaine dans ce pays. Les laquais de l'Équateur et de la Bolivie ont fait de même et c'est ce qu'exige le fantoche Juan Guaido [au Venezuela], mais en raison du besoin de personnel de santé pour combattre la pandémie de la COVID-19, plus de 40 pays ont demandé l'aide de Cuba, puisque ni les États-Unis ni les autres pays du « monde libre » n'ont des professionnels désirant leur venir en aide.

Devant le défi de gouvernements qui ont recours à l'effort humain de médecins et d'infirmiers cubains et qui ne se soutient pas des menaces de Washington, ces politiciens anticubains ont lancé leur projet de loi, dans un nouvel effort pour davantage étouffer l'économie de l'île. De telles actions évoquent le contenu d'un rapport de la CIA du 12 décembre 1963 :

« En grande partie, les problèmes auxquels est confronté le régime de Castro sont le résultat de la politique américaine d'isolement économique et politique, ainsi que d'autres mesures d'hostilité et de sabotage. [...] Le principal objectif des programmes secrets est de compléter l'isolement économique, politique et psychologique de Cuba face à l'Amérique latine et au monde libre. [...] Ces mesures sont en grande partie responsables des difficultés économiques actuelles de Castro, mais de nouvelles mesures efficaces de guerre économique pourraient être adoptées. »

Il semblerait que 60 ans sans résultats n'ont pas appris aux ennemis de la Révolution que les Cubains ont la peau dure.

Ne savent-ils pas que même les camps de concentration mis sur pied par le général espagnol Valeriano Weyler durant la guerre d'indépendance de Cuba en 1895, visant à faire crever de faim les révolutionnaires, ne pouvaient vaincre ceux qui se battaient pour leur indépendance contre l'Espagne ?

Ni les plans secrets d'intervention de la CIA, ni le terrorisme d'État, ni la subversion politique, ni la création et le financement de la contrerévolution n'ont réussi à détruire le socialisme à Cuba.

Scott et ses amis ne sont pas au courant de ce qui se passe. Ils devraient lire certains rapports et apprendre des échecs de la politique yankee.

Le 6 février 1964, George W. Ball, le sous-secrétaire d'État, s'est entretenu à Washington avec l'ambassadeur britannique Ormsby Gore, où il a fait part de « l'agacement » des États-Unis face à la croissance des relations commerciales avec Cuba. Il a clairement dit :

« La politique du président Lyndon Johnson est d'imposer des sanctions économiques à Cuba comme arme contre la Révolution, pour créer des épreuves économiques et provoquer l'élimination du régime communiste. »

Le jour précédent, Ball avait présenté au président une étude menée par le département d'État et la CIA sur les liens économiques des pays occidentaux avec Cuba, dans une réponse à une demande faite dans le Rapport numéro 274 de l'Action de la Sécurité nationale, en décembre 1963.

L'étude contient 19 recommandations et la première d'entre elles est que le président Johnson avise toutes les agences gouvernementales que la restriction et la réduction des liens économiques du « monde libre » avec Cuba étaient un objectif de la politique nationale.

Toutes les recommandations concernent la guerre économique, mais l'article 15 est particulièrement intéressant. Il conseille « le recours discret à la presse, par le biais d'articles qui laissent entendre que le gouvernement contrôlera rigoureusement les compagnies commerciales qui font affaire avec Cuba ». Peut-être était-ce le début d'une liste noire.

C'est pourquoi la campagne de diffamation telle que publiée aujourd'hui dans la presse contre les missions médicales n'est pas le fruit du hasard. Elle est une extension de la campagne initiée par la CIA, en conjonction avec le département d'État, et qui ressurgit sans cesse comme politique prioritaire du gouvernement yankee contre Cuba.

Actuellement, près de 28 000 médecins et infirmiers cubains sauvent des vies dans 59 pays dans le monde et ils affrontent la COVID-19 dans 37 de ces pays avec un humanisme sans bornes, sans se soucier des questions d'argent ni de conditions de travail, parce que comme l'a dit José Marti :

« Une personne vraie ne cherche pas où il pourrait mieux vivre, mais où il peut mieux accomplir son devoir ».

(El Heraldo Cubano, republié par Boletin Por Cuba Ano 18 Numero 48. Traduit de l'espagnol par LML)

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30e anniversaire de la défaite de l'Accord du lac Meech

Le renouveau politique et constitutionnel,
plus que jamais à l'ordre du jour

Le 23 juin 2020 était le 30e anniversaire de la défaite de l'Accord du lac Meech. Trente ans plus tard, le besoin d'investir le peuple du pouvoir souverain par le renouveau politique et constitutionnel demeure le problème posé et à résoudre. Les luttes des travailleurs, des jeunes, des femmes et des Premières Nations pour leurs droits et les droits de tous, notamment la lutte contre la COVID-19, se heurtent à la privation de leur pouvoir politique qui bloque la mise en oeuvre d'un projet d'édification nationale qui défend les droits de tous, donne une nouvelle direction à l'économie et fait du Canada une zone de paix.

Aujourd'hui, le pouvoir politique est concentré entre les mains de grands intérêts supranationaux privés qui agissent à la fois en collusion et en rivalité pour le profit privé étroit et la domination. Ils accaparent les États, dont celui du Canada, au détriment du bien-être de tous et du droit du peuple de décider de ses affaires. Le régime constitutionnel canadien est aujourd'hui l'instrument de factions de l'élite dirigeante impérialiste, qui n'ont d'autres liens réels avec les Canadiens que celui du pouvoir économique et politique qu'elles ont usurpé et qu'elles exercent contre eux, et qui opèrent à travers les divers gouvernements, les institutions dites démocratiques, les partis politiques cartellisés du parlement canadien, les assemblées législatives provinciales et l'Assemblée nationale du Québec. Le Canada a urgemment besoin d'une constitution moderne qui place la souveraineté dans les mains du peuple et qui reconnaît les droits de tous, dont les droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones et le droit de la nation québécoise à l'autodétermination.

L'échec de l'Accord du lac Meech

Il y a 30 ans, le 23 juin 1990, échouait l'Accord du lac Meech, un ensemble d'amendements à la Constitution du Canada négocié en 1987 derrière des portes closes par le premier ministre du Canada, Brian Mulroney, et les premiers ministres des provinces. La défaite de Meech signalait un nouvel approfondissement de la crise constitutionnelle, laquelle est maintenant devenue une crise existentielle à cause de l'intégration du Canada à l'économie de guerre et aux arrangements des États-Unis.

L'Accord de Meech avait été signé à cause de la crise qui a fait suite au référendum de 1980 au Québec sur la place du Québec dans le Canada et du refus du Québec de signer la Constitution de 1982 rapatriée par le gouvernement de Pierre Trudeau. Trudeau avait promis de rédiger une nouvelle entente constitutionnelle après la défaite du référendum de 1980 du Québec et cette promesse s'est soldée deux ans plus tard par l'ajout de la Charte des droits et libertés et d'une formule d'amendement à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Appelées Loi du Canada, elles ont été adoptées par le parlement britannique le 29 mars 1982 et on a prétendu qu'avec cette loi la Constitution du Canada était « rapatriée ». On a dit que cela mettait fin à la dépendance du Canada envers la Grande-Bretagne, alors qu'en réalité la Reine d'Angleterre demeure la cheffe d'État du Canada.

La loi constitutionnelle de Trudeau (de 1982) était l'« équivalent canadien » de l'Acte du Canada du parlement britannique et elle était incluse dans celui-ci avec une formule d'amendement et la Charte des droits et libertés. Or, elle ne reconnaissait pas le droit du Québec à l'autodétermination et par conséquent le Québec refusa d'en être signataire, ce qui causa une crise constitutionnelle. C'est pour tenter de la résoudre que le gouvernement de Brian Mulroney entama en 1985 des négociations constitutionnelles qui allaient conduire à l'Accord du lac Meech deux ans plus tard le 23 juin 1987.

Le premier ministre du Québec de l'époque, Robert Bourassa, a dit que le Québec signerait la Constitution si cinq modifications lui étaient apportées :

- la reconnaissance constitutionnelle du Québec comme société distincte ;
- un veto constitutionnel pour le Québec sur les changements constitutionnels ;
- une voix au chapitre pour le Québec sur la nomination des juges de la Cour suprême du Canada ;
- une garantie constitutionnelle de pouvoirs accrus en matière d'immigration ;
- la limitation du pouvoir fédéral de dépenser.

Ces modifications et l'Accord ne s'attaquaient pas aux causes de la crise constitutionnelle. Il fallait notamment garantir des relations de nation à nation avec les peuples autochtones de façon à mettre fin à l'injustice coloniale et à offrir des compensations pour tous les torts qui leur ont été faits ; il fallait mettre fin à toutes les notions de droits basées sur le privilège et les soi-disant limites raisonnables, investir le peuple du pouvoir et non une personne d'État fictive, sans parler d'un monarque étranger, et enchâsser des droits égaux pour tous les citoyens et résidents. Enfin, il fallait reconnaître le droit du peuple du Québec à l'autodétermination, y compris la sécession si telle est sa décision, ce que l'Accord du lac Meech a refusé de faire.

Deux ans après l'échec de l'Accord de Meech, une autre entente constitutionnelle a été conclue derrière des portes closes appelée Accord de Charlottetown, qui a été soumise à un référendum. Le premier de trois livres (ci-dessus) écrits par Hardial Bains durant la campagne référendaire donnait la vraie information sur le contenu et la signification de l'Accord, lequel fut rejeté par les Canadiens.

L'Accord de Meech visait en fait à maintenir le statu quo en déclarant le Québec « société distincte » au sein du Canada, ce qui embrouillait les cartes. Il donnait un veto constitutionnel au Québec, augmentait les pouvoirs des provinces en matière d'immigration, étendait et réglementait le droit à une compensation financière raisonnable pour toute province qui se retirerait de quelque programme fédéral futur dans un domaine de juridiction exclusivement provinciale et donnait voix au chapitre aux provinces dans la nomination des sénateurs et des juges de la Cour suprême.

Puisque Meech aurait changé la formule d'amendement de la Constitution et modifié le processus de la Cour suprême, il fallait obtenir le consentement de toutes les législatures provinciales et du parlement canadien dans un délai de trois ans, soit en juin 1990. Les dix premiers ministres provinciaux s'étaient tout de suite mis d'accord, mais le consensus ne dura pas les trois ans requis pour obtenir le consentement des assemblées législatives. Une conférence des premiers ministres fut convoquée vingt jours avant l'échéance pour essayer de sauver Meech et il fut convenu que Meech devait être suivi d'une autre ronde de négociations constitutionnelles.

Le premier ministre de Terre-Neuve, Clyde Wells, s'attaqua au secret du processus décisionnel. Le 23 juin 1990, date limite, Elijah Harper, député autochtone de l'Assemblée législative du Manitoba, signala son refus de consentement en brandissant une plume d'aigle, rendant ainsi impossible l'unanimité requise de l'assemblée. Wells annula sa proposition de tenir un vote à l'assemblée de Terre-Neuve et l'Accord du lac Meech était officiellement mort. C'était l'échec de l'Accord du lac Meech.


Manifestation contre l'Accord du Lac Meech devant l'Assemblée législative
du Manitoba le 21 juin 1990

Les problèmes intrinsèques à l'Accord

Une des principales caractéristiques de l'Accord de Meech était de ne pas clarifier ce que voulait dire « société distincte » en parlant du Québec. Il affirmait que le Québec était une « société distincte » et que « la législature et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir la société distincte ». La « société distincte » est restée indéterminée dans les documents, les aspects « distincts » du Québec n'y étaient pas énumérés et il n'y avait pas de critères par lesquels les préserver et les promouvoir. Le terme « société distincte » a été le sujet de nombreuses interprétations, mais celle qui a dominé les cercles politiques officiels était que le Québec est distinct en raison de la langue française uniquement. En faisant de la langue la seule question, la formulation de Meech sur la « société distincte » niait que le peuple québécois est une nation ayant évolué au fil de l'histoire avec une communauté d'économie et de territoire, une langue, une culture et une psychologie portant l'empreinte de cette histoire. Qui plus est, elle niait au peuple québécois le droit à l'autodétermination. Le fait de dire à l'Assemblée nationale ce qu'elle devait faire n'a pas été bien reçu non plus.

Un autre aspect important de l'Accord de Meech est la promotion qu'il faisait de la désunion et de l'inégalité. Le fait de définir une nation uniquement par sa langue mène à la théorie que le Canada est habité par un grand nombre de « nations linguistiques », toutes susceptibles d'un statut indépendant, mais dont seulement les langues « anglaise » et « française » ont une place d'honneur. Il n'y a pas de corps politique où tous ses membres sont égaux, avec les mêmes droits et devoirs et qui sont garantis par la Constitution.

Meech encourageait la désunion également en octroyant certains pouvoirs fédéraux aux provinces comme s'il s'agissait de dix petites nations (les provinces) regroupées dans une grande nation (le gouvernement fédéral). Les deux territoires (le Nunavut n'existait pas encore) ne furent pas invités au lac Meech (ils ont participé par téléconférence) parce que le premier ministre considérait que leur pouvoir était insuffisant, établissant ainsi la possibilité de différents statuts selon la région. D'autre part, Meech accordait à chaque province un pouvoir de veto en matière législative et il était clair que chaque province s'en servirait pour avancer les intérêts étroits des regroupements économiques et politiques régionaux qui finançaient les gouvernements plutôt que de mettre de l'avant l'intérêt ou le but national d'ensemble.

Le troisième aspect de Meech était son refus d'affirmer ou même d'aborder le sujet des droits ancestraux des peuples autochtones, ce qui revenait à supprimer ces droits. Les droits ancestraux des peuples autochtones ne sont pas un élément périphérique, ils doivent être enchâssés dans la Constitution. Les Autochtones ont le droit légitime de revendiquer les terres de leurs ancêtres et d'en disposer comme ils l'entendent. En tant que peuples souverains, ils ont le droit de décider de leurs affaires, mais aussi de participer à la décision des affaires du Canada dans son ensemble. Aucune des modifications proposées par l'Accord de Meech n'abordait ces sujets. Les chefs autochtones présentèrent deux autres objections. La première concernait leur exclusion de l'ensemble des travaux de Meech. L'autre concernait le transfert possible de services fédéraux aux provinces prévu dans la clause sur le droit de retrait avec compensation, ce qui risquait d'entraîner le démantèlement de programmes essentiels pour les peuples autochtones.

Le quatrième aspect principal de Meech était le caractère antidémocratique des procédures. Toutes les consultations eurent lieu derrière des portes closes. Les gens disaient que c'était une rencontre de onze hommes blancs à cravate pour décider du sort du pays entre eux. Une fois l'accord conclu dans le secret, les onze premiers ministres tentèrent de l'imposer au peuple sans autre discussion ou délibération. Il n'y eut pas de consultation populaire, l'ordre du jour n'était pas établi suivant les désirs du peuple et les points discutés et inclus dans l'accord étaient ceux que les premiers ministres voulaient discuter et inclure.

Les procédés de Meech et la Commission Spicer

L'extrême mécontentement de la population face aux procédés de Meech fut capté par le Forum des citoyens sur l'unité nationale de 1990, appelé Commission Spicer, que Mulroney fut forcé d'établir après la défaite de Meech, disant que son gouvernement voulait entendre les opinions des Canadiens. Le rapport de la Commission Spicer publié en 1991 permet de constater que les Canadiens étaient très conscients que quelque chose manquait dans le processus politique canadien, qu'on ne pouvait pas faire confiance aux hommes et aux femmes politiques et qu'il manquait les mécanismes nécessaires pour habiliter le peuple. Beaucoup ont réclamé la convocation d'une assemblée constituante qui permettrait au peuple de délibérer et de décider de la constitution qu'il veut.

Toutes les recommandations et propositions de la Commission Spicer ont par la suite été ignorées par le Gouvernement du Canada.

Problème posé et à résoudre

Les peuples aujourd'hui veulent être les arbitres et les décideurs. C'est la bataille qui se mène partout sur la question de qui décide. Les Canadiens, les Québécois et les peuples autochtones ont rejeté Meech parce qu'aujourd'hui l'histoire exige que le pouvoir soit transféré au peuple qui agit de son propre chef et dans son propre intérêt.

L'Accord du lac Meech a confirmé que dans la forme de pouvoir politique héritée par le Canada, le pouvoir absolu aujourd'hui réside dans les oligarques financiers et leurs représentants politiques. Ce pouvoir absolu n'est pas le défenseur des droits du peuple et n'est pas au service du bien-être du peuple et de la résolution des problèmes qu'il confronte. La réalité est que l'autorité publique a depuis longtemps été détruite et que des intérêts privés étroits ont directement usurpé les institutions publiques, lesquelles sont dorénavant leur chasse gardée.

Aujourd'hui, aucun gouvernement n'a le consentement des gouvernés et la nécessité d'un renouveau démocratique est plus urgente que jamais.

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