Numéro 42 - 27 juin 2020
Des sujets de préoccupation pour le corps
politique
Des stratagèmes pour payer les riches comme
moyen de «relancer» l'économie
• Pour
une nouvelle direction de l'économie
• Des
programmes de dépenses publiques
d'infrastructure pour payer les riches et
maintenir le contrôle et les privilèges de
classe
- K.C. Adams -
• Magouillage
chez Alberta Investment Management Corporation
- Dougal MacDonald -
Les morts aux mains de la police requièrent
réparation
• Criminalisation
dangereuse des affaires sociales et politiques
• Mort
d'Ejaz Choudry aux mains de la police
- Steve Rutchinski -
• Les
manifestations pour réclamer justice pour la
mort d'Ejaz Choudry se poursuivent
- Frank Chilelli -
• Manifestation
à Ottawa contre la brutalité et l'impunité
policières
La politique des États-Unis vis-à-vis Cuba
• Sans
même une feuille de vigne
- Arthur Gonzalez -
30e anniversaire de la défaite de l'Accord du lac
Meech
• Le
renouveau politique et constitutionnel,
plus que jamais à l'ordre du jour
- Christine Dandenault -
Le montant de la dette contractée par le
gouvernement fédéral et les autres gouvernements
dans les conditions de la pandémie est alarmant,
car les prêteurs et les gouvernements s'attendent
à ce que les Canadiens remboursent les dettes
contractées à grands frais. Les élites dirigeantes
ne peuvent le faire passer qu'en privant les
travailleurs du pouvoir de dire leur mot sur les
décisions qui les affectent. C'est pourquoi elles
concentrent de plus en plus de pouvoirs de
décision dans de moins en moins de mains
d'intérêts privés pour accroître leur capacité à
dicter les salaires et les conditions de travail,
détruire les syndicats et les organes de décision
collectifs et tout ce qui peut rester des
institutions publiques à tous les niveaux. À
l'heure où les gens demandent qu'il n'y ait pas de
« retour à la normale » après la pandémie,
les gouvernements se préparent déjà à mettre en
oeuvre d'autres mesures dites d'austérité et de
restructuration antiouvrières parce que c'est le
dogme néolibéral sur la base duquel les riches
s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent.
L'offensive antisociale brutale déclenchée au
début des années 1990, après le début du
libre-échange au milieu des années 1980, a
toujours été justifiée en disant qu'il n'y a pas
d'alternative à payer les riches. À la première
vague de mesures antisociales du néolibéralisme,
on nous disait que les déficits et les dettes qui
en résultent étaient dus à de mauvaises politiques
de gouvernements engagés dans une frénésie de
dépenses pour financer l'État-providence. La
logique était que les Canadiens vivaient «
au-dessus de leurs moyens » et qu'en
conséquence ils devaient maintenant payer pour
leur mode de vie de classe moyenne. Aujourd'hui,
c'est la pandémie qui est citée pour justifier les
emprunts et nombreux sont ceux qui croient
vraiment que les emprunts de l'État sont destinés
à financer « les dépenses publiques consacrées aux
programmes sociaux ». Certains vont jusqu'à
dire que des « mesures keynésiennes » sont
nécessaires pour faire face à la crise actuelle
qu'ils comparent à la crise des années 1930 ou
qu'il faut un nouveau « New Deal »
pour créer des emplois et sauver l'économie, etc.
Le fait est que des déficits et des emprunts ont
été contractés dans le passé pour payer les riches
et que les programmes visant à « éliminer le
déficit et à rembourser la dette » avaient le
même objectif. Aujourd'hui, tant les prêteurs qui
représentent des intérêts privés étroits colossaux
que les emprunteurs à leur service considèrent la
crise actuelle comme une manne d'une ampleur sans
précédent pour laquelle le peuple, selon eux,
paiera volontiers.
En discutant des emprunts et de la nouvelle dette
contractée dans les conditions de la pandémie, il
est utile d'examiner pourquoi les dettes sont
contractées en premier lieu et ce qu'elles
financent.
La dette nationale
La dette nationale est l'ensemble des passifs
financiers du gouvernement fédéral. En 1998,
elle s'élevait à plus de 583,2 milliards de
dollars. C'est 19 250 $ pour chaque
homme, femme et enfant au Canada. Si l'on y ajoute
les dettes des gouvernements provinciaux, alors
chaque enfant né en 1998 est venu au monde
accablé d'une dette de plus de 26 000 $.
La dette fédérale et provinciale combinée est
passée de 837 milliards de dollars en
2007-2008 à 1,5 billion de dollars
en 2019-2020. Cela équivaut
à 64,3 % du produit intérieur brut du
Canada et représente une dette
de 39 483 $ pour chaque homme,
femme et enfant.
De 1997 à 2008, grâce à d'importantes
compressions dans le financement des programmes
sociaux et d'autres mesures de l'offensive
antisociale, le gouvernement fédéral a réussi à
rembourser 92,7 milliards de dollars. Mais
de 2008 à 2019, la dette s'est accrue
d'un montant équivalent à presque 3 fois le
montant remboursé du milieu des années 1990 à
la fin des années 2000.
Depuis 1946, le gouvernement du Canada paie
chaque année au chapitre du service de la dette
plus que le déficit annuel. Il a payé 523
milliards de dollars en frais de service de la
dette de 1946 à 1998 et environ 620
milliards de dollars de 1998 à 2017.
Ce sera important d'aller au fond des choses
aujourd'hui, quand les gouvernements contractent
des dettes énormes sous prétexte de protéger le
bien-être des Canadiens et sauver l'économie.
- K.C. Adams -
Les experts économiques de l'Institut C.D. Howe
conseillent le gouvernement fédéral sur la manière
de défendre les intérêts privés des riches pendant
la pandémie. Ils ont formé un groupe de travail de
crise sur la continuité des affaires et le
commerce qui a publié jusqu'à présent huit
communiqués. Le dernier en date s'intitule «
Accélérer les projets d'infrastructure et adapter
les processus de restructuration ».
Leur préoccupation est déterminée par leur être
social, par leur appartenance à l'oligarchie
impérialiste au pouvoir. Nul ne peut douter de
leur sincérité à servir leur cause qui est de
préserver et de défendre l'immense richesse
sociale et les privilèges de classe de leurs pairs
et leur contrôle des affaires économiques et
politiques du pays. Le président-directeur général
de l'Institut C.D. Howe, William B.P. Robson,
écrit : « Parmi les faits saillants du
travail de l'Institut CD Howe au fil des ans,
mentionnons la libéralisation du commerce et des
investissements en Amérique du Nord. »
Libéralisation veut
dire mondialisation impérialiste, offensive
antisociale contre le bien-être et les droits du
peuple et intégration accrue des affaires
économiques, politiques et militaires du Canada au
système impérialiste d'États dirigé par les
États-Unis. Un aspect important a été la
prolifération des stratagèmes pour payer les
riches qui distribuent des fonds publics aux
entreprises et aux cartels privés les plus grands
et les plus puissants de l'oligarchie mondiale.
L'Institut C.D. Howe affirme que son «
impact » est tel que ses produits écrits sont
« une source prééminente de renseignements
politiques fiables » et « une lecture
obligatoire pour les décideurs de haut niveau d'un
océan à l'autre ». L'Institut C.D. Howe se
vante du fait que ses produits écrits et son
blogue « Intelligence Memo » ont « jeté les
bases intellectuelles de réalisations comme le
développement du libre-échange continental et la
fin des déficits insoutenables des
années 1970 et 1980 ».
L'Institut C.D. Howe est une voix forte et
importante parmi l'élite dirigeante qui prône
l'offensive antisociale des trois dernières
décennies pour servir l'oligarchie impérialiste
contre les intérêts généraux des travailleurs.
L'Institut C.D. Howe fournit des arguments pour
dissuader les travailleurs et les intellectuels en
particulier de s'unir dans des actes de
participation consciente, des actes de découvrir
pour donner une nouvelle direction à l'économie
pour qu'elle serve le bien-être du peuple et mène
à la résolution de la contradiction entre la
nature sociale de l'économie moderne et son
contrôle continu par de puissants intérêts privés
concurrents et les crises économiques récurrentes
qui en résultent.
L'existence de l'Institut C.D. Howe et son
influence soulignent la nécessité pour la classe
ouvrière d'avoir ses propres institutions qui
encouragent les travailleurs, et aussi les
intellectuels, à accomplir des actes de
participation consciente pour ouvrir la voie au
progrès pour le peuple et la société et à
développer leur propre pensée, théorie et
idéologie en s'engageant dans des actes pour bâtir
le Nouveau.
Des infrastructures pour payer les riches
Dans son communiqué #8, le Groupe de travail de
crise de l'Institut C.D. Howe exige que des fonds
fédéraux soient débloqués pour « fournir la
stimulation nécessaire et aider l'économie
canadienne à se remettre de la crise de la
COVID-19 ». L'accent est mis avec insistance
sur le financement public de grands projets
d'infrastructure pour payer les riches.
Les infrastructures sont un moyen de production
social indispensable utilisé par tous les secteurs
et toutes les entreprises de l'économie
collective. La valeur des infrastructures est
largement répartie dans l'ensemble de l'économie
socialisée et cette valeur devrait également être
réalisée pleinement et objectivement.
Les infrastructures fixes, comme les routes et
les ponts, sont semblables aux machines et aux
bâtiments ; elles transfèrent leur valeur aux
utilisateurs au fil du temps. La valeur fixe
transférée générée par l'utilisation des
infrastructures peut être scientifiquement
identifiée et liée aux entreprises et aux moyens
de production qui ont besoin de cette valeur,
l'utilisent et la consomment.
Les infrastructures circulantes, comme l'eau et
l'électricité, transfèrent leur valeur en
quantités identifiables, qui sont utilisées et
entièrement consommées. La valeur circulante
transférée peut être identifiée et mise en
relation avec les entreprises et les moyens de
production qui ont besoin de cette valeur,
l'utilisent et la consomment. La valeur marchande
de la valeur circulante transférée doit être
proche du prix de production de la quantité
consommée.
Le communiqué #8 recommande entre autres : «
Stimuler par l'accélération des dépenses
d'infrastructure - plus précisément : le rôle
possible des dépenses d'infrastructure pour
stimuler la demande globale déprimée... »
« De plus, la connectivité large bande est
une 'dorsale' essentielle de la prospérité
nationale à long terme. Pour orienter les futures
priorités nationales en matière d'infrastructures,
le Canada a besoin d'une initiative nationale
d'évaluation stratégique pour identifier les
investissements d'infrastructure qui stimuleraient
la croissance économique à long terme. [...]
« Afin d'employer des capacités industrielles et
des métiers inutilisés, les gouvernements
devraient envisager d'accélérer les dépenses pour
les projets d'infrastructure publique qui
stimulent la productivité canadienne à long terme.
»
L'Institut C.D. Howe reconnaît le rôle des
infrastructures dans l'augmentation de la
productivité et veut utiliser cette nécessité
comme moyen d'enrichir des intérêts privés :
« Face à une reprise prolongée du secteur de
l'investissement privé non résidentiel, le Canada
devrait saisir cette occasion à court terme pour
rattraper son retard dans l'entretien des
infrastructures publiques vieillissantes, par
exemple en réparant la grande partie des ponts,
des routes et des infrastructures hydrauliques
linéaires qui sont en mauvais état (c'est-à-dire
qui ont atteint ou dépassé leur durée de vie
prévue). »
Tout cela est bien beau, mais l'Institut C.D.
Howe n'identifie pas qui profitera de cette «
occasion à court terme ». Ces projets
deviendront tous des partenariats public-privé
sous le contrôle des plus importants cartels et
entreprises privées. Cela inclut non seulement
l'expropriation privée de la valeur ajoutée
directement par les grandes entreprises de
construction privées, mais aussi le financement
privé de ces projets d'infrastructure par
l'oligarchie impérialiste mondiale avec l'achat de
titres d'État. Les politiques de l'Institut visent
à défendre le contrôle et la propriété des
principaux secteurs et des principales entreprises
de l'économie canadienne par l'oligarchie
impérialiste.
L'Institut C.D. Howe n'analyse pas concrètement
le rôle central des infrastructures critiques dans
l'économie moderne et la nécessité d'une nouvelle
direction prosociale. Les infrastructures au
service de l'économie génèrent une valeur énorme
et sont cruciales pour tous les secteurs et toutes
les entreprises. La construction et l'entretien
des infrastructures doivent être assurés par des
entreprises publiques sous la gestion et le
contrôle de travailleurs responsables devant le
public. Toutes les entreprises publiques et
privées doivent réaliser (payer) de manière
transparente la valeur des infrastructures
qu'elles utilisent. Pour arriver à cela, les
infrastructures doivent être entre les mains des
travailleurs et sous leur contrôle en tant
qu'entreprise publique et la valeur qu'elles
créent et réalisent doit être ensuite réinvestie
dans les infrastructures et dans d'autres secteurs
pour développer l'économie locale, régionale et
nationale.
L'oligarchie impérialiste considère
l'infrastructure comme un moyen d'écorcher
plusieurs fois le même boeuf. Tout d'abord,
l'infrastructure est nécessaire à l'économie et à
toutes ses entreprises et institutions.
Deuxièmement, bien que l'on dise qu'elle est
publique, l'argent est emprunté à
l'oligarchie financière et devient une partie de
la dette publique due aux impérialistes.
Troisièmement, les grands cartels de la
construction, dont beaucoup ont leur siège social
hors du Canada, profitent directement de la
construction des projets. Ces entreprises privées
se voient garantir leurs paiements et leurs
profits et n'ont pas à attendre que la valeur des
infrastructures qu'elles construisent soit
réalisée par la vente ou leur utilisation
prolongée. Quatrièmement, les grandes entreprises
privées de l'ensemble de l'économie font des
profits avec les bas prix qu'elles paient pour
l'utilisation des infrastructures et ces bas prix
sont justifiés par la fraude que pour attirer les
investisseurs, il faut leur accorder des « prix
industriels ».
Le cercle vertueux des infrastructures pour
payer les riches
Le programme d'infrastructure du gouvernement
fédéral pour payer les riches, dont l'Institut
C.D. Howe demande l'élargissement immédiat pendant
la crise actuelle, comporte quatre éléments
principaux qui peuvent être résumés comme suit.
1. La Banque du Canada commence le processus par
l'achat de titres détenus par l'oligarchie
financière mondiale. Certaines des obligations
d'entreprises contiennent des hypothèques et
d'autres prêts appartenant à des institutions
financières privées et aux plus grandes sociétés.
De nombreux prêts et hypothèques contenus dans ces
obligations subissent actuellement des tensions
dues à la crise économique et pourraient
s'effondrer. La Banque du Canada a déclaré que le
montant qu'elle pourrait acheter pourrait
atteindre 150 milliards de dollars et
comprendrait l'achat d'obligations détenues par
les gouvernements provinciaux et d'autres paliers
de gouvernement. De plus, la Société canadienne
d'hypothèques et de logement (SCHL) a annoncé
l'achat de 50 milliards de dollars
d'hypothèques détenues actuellement par les
grandes banques. La justification pour déverser
tout cet argent public dans les coffres des
oligarques mondiaux est que les prêteurs privés
vont maintenant investir dans l'économie en
difficulté, alors qu'en fait ces mêmes
institutions financières mondiales achètent des
titres garantis par l'État.
2. L'oligarchie financière prend l'argent public
de la Banque du Canada et de la SCHL qui vient de
ses titres achetés et, avec cet argent, achète les
obligations d'État aujourd'hui encore plus
nombreuses, car le déficit du gouvernement fédéral
et des autres gouvernements monte en flèche. Ces
achats deviennent un refuge pour la richesse
sociale des oligarques pendant la crise alors que
les autres opportunités d'investissement se sont
taries ou sont devenues trop risquées. Les titres
garantis par l'État rapportent même des intérêts.
3. Le gouvernement prend l'argent privé qu'il
emprunte à l'oligarchie financière avec la vente
de ses titres et en consacre une partie au
financement de projets d'infrastructure. Cela
devient la mise de fonds de démarrage pour
commencer la construction.
4. Le gouvernement recrute des cartels mondiaux
privés de la construction pour réaliser les
projets d'infrastructure. Ces entreprises n'ont
pas à trouver elles-mêmes le financement ni à se
soucier de vendre le projet terminé. Le
gouvernement leur donne l'argent nécessaire à la
construction au fur et à mesure que les projets
avancent, ce qui comprend des profits
considérables. Tous ces travaux sont garantis par
le gouvernement, y compris les prix exorbitants
dictés par les cartels privés de la construction
pour la réalisation des projets.
5. Une fois construits, les principaux
utilisateurs des moyens de production publics
(routes, ponts, électricité, etc.), qui sont les
grandes entreprises privées de l'économie, n'ont
pas à payer le plein prix du marché pour la valeur
de la partie des infrastructures qu'ils
consomment, car ils bénéficient de « prix
industriels » préférentiels fixés
arbitrairement.
Ce cercle vertueux explique comment le plan
d'infrastructure du gouvernement fédéral «
Investir dans le Canada » sert à payer les
riches et contribue à la concentration toujours
plus grande des richesses et du pouvoir entre les
mains d'une poignée de privilégiés. En 2019,
le gouvernement fédéral s'est engagé à investir
plus de 187 milliards de dollars sur 12
ans en infrastructure. L'Institut C.D. Howe
affirme que la crise actuelle devrait inciter le
gouvernement à dépenser encore plus et plus
rapidement, non seulement pour de nouveaux
projets, mais aussi pour l'entretien et la
modernisation des infrastructures existantes.
Les Canadiens
sont intimidés et sommés de ne pas s'opposer à
cette orientation de l'économie, car elle « crée
des emplois et bâtit l'infrastructure » dont
ils ont tant besoin. Mais une nouvelle direction
est exactement ce qu'il faut pour que l'économie
soit sous le contrôle des travailleurs, pour
prévenir des crises récurrentes et résoudre les
autres problèmes sociaux.
Une nouvelle direction de l'économie interdirait
au gouvernement d'emprunter auprès d'institutions
privées. Une nouvelle direction permettrait de
bâtir, d'entretenir et de gérer les
infrastructures publiques avec des entreprises de
construction publiques permanentes. Elle
garantirait que la valeur des infrastructures est
pleinement réalisée par les entreprises publiques
et privées qui l'utilisent et la consomment et que
cette valeur est réinjectée dans l'économie et non
pas retirée par les riches et envoyée dans des
paradis fiscaux ou ailleurs.
L'Institut C.D. Howe veut justifier l'octroi de
fonds
publics à des intérêts privés
Dans son communiqué, il dit : « Les dépenses
publiques sont justifiées du point de vue
économique lorsque les avantages nets pour la
société dépassent les coûts des dépenses. Le
secteur privé est bien équipé pour réaliser des
projets qui génèrent des profits tout au long de
la durée de vie de l'actif. En revanche, les
gouvernements fournissent ou contribuent à juste
titre à des investissements lorsqu'un projet
procure à la société des avantages qui dépassent
la valeur actualisée nette qui reviendrait à un
propriétaire privé. »
Ce charabia est totalement intéressé. Les «
avantages nets pour la société » sont en fait
des programmes d'infrastructure pour payer les
riches qui enrichissent l'oligarchie financière et
garantissent le maintien de ses privilèges et de
son existence. Une économie moderne a besoin
d'infrastructures importantes pour exister.
L'Institut C.D. Howe veut que les fonds publics
soient utilisés « lorsque les avantages nets pour
la société dépassent les coûts des dépenses »
pendant que le secteur privé réalise « des
projets qui génèrent des profits tout au long de
la durée de vie de l'actif ». L'Institut C.D.
Howe présuppose que « les avantages nets pour la
société » sont contraires aux profits privés.
Si les profits privés étaient des profits publics,
ne serait-ce pas un avantage net pour la
société ?
L'Institut C.D. Howe tente de justifier la
poursuite du profit privé dans une situation où
les grands projets et le développement sont
impossibles sans fonds publics et sans stratagèmes
pour payer les riches. Cette direction désuète de
l'économie garantit qu'aucun projet, quelle que
soit sa taille, ne puisse se réaliser sans payer
les riches à même les fonds communs de l'État qui
proviennent principalement des impôts des
travailleurs et des petites et moyennes
entreprises. L'Institut C.D. Howe ne veut pas
entrer dans le Nouveau où l'entreprise publique
est la force motrice décisive de tous les grands
secteurs de l'économie et où les travailleurs
eux-mêmes sont aux commandes.
- Dougal MacDonald -
L'Alberta Investment Management Corporation
(AIMCo) a embauché Mark Wiseman, un ancien
dirigeant de BlackRock, comme nouveau président à
compter du 1er juillet. AIMCo est le fonds
d'investissement du gouvernement de l'Alberta qui
gère plus de 110 milliards de dollars
d'actifs au nom de 30 régimes gouvernementaux
de retraite et de dotations basés en Alberta et
autres clients. BlackRock est le plus grand
gestionnaire d'actifs au monde avec 7,4
billions de dollars d'actifs sous gestion à la fin
de 2019.
Chez BlackRock,
Wiseman a été chef mondial des titres négociés de
façon active, faisant de lui un successeur
potentiel du PDG Larry Fink, fondateur de
BlackRock. Cependant, BlackRock a licencié Wiseman
en décembre 2019 pour avoir violé une règle
de la firme qui interdit les relations internes au
sein de l'entreprise. Il n'est pas surprenant que
le nouveau président d'AIMCo provienne de
l'omniprésent BlackRock qui a « une gestion
d'actifs supérieurs au PIB de n'importe quel
pays... [et] le principal actionnaire dans la
plupart des 300 plus importantes sociétés en
Amérique du Nord et en Europe et copropriétaire
de 17 309 compagnies et banques partout
dans le monde[1] ».
BlackRock est le plus grand investisseur mondial
dans les combustibles fossiles, et payer
l'industrie de l'énergie avec des fonds publics
est la principale stratégie économique du Parti
conservateur uni (PCU) de l'Alberta.
« La puissance et l'autorité de BlackRock ne
reposent pas uniquement sur sa taille, elles
reposent aussi sur le fait qu'il constitue, comme
l'a dit un analyste, une 'quatrième branche de
gouvernement' ou, comme certains diraient plutôt,
la 'première' branche. Dès le début, un aspect clé
de la stratégie de BlackRock a été de recruter de
hauts fonctionnaires de l'État dans le monde
entier sur une base intermittente. Une année,
ceux-ci travaillent pour le gouvernement et
l'année suivante, voilà qu'ils travaillent pour
BlackRock et ainsi de suite[2]. »
Wiseman en est un exemple vivant. Il a auparavant
occupé le poste de PDG de l'Office
d'investissement du régime de pensions du Canada
de juillet 2012 à mai 2016. Il a
également été membre du Conseil consultatif sur la
croissance économique, présidé par Dominic Barton,
créé en 2016 ostensiblement pour conseiller
le ministre canadien des Finances, Bill Morneau.
Barton est également étroitement lié à BlackRock,
ainsi qu'à la société mondiale de conseil en
gestion McKinsey embauchée le 13 juin pour
revoir le système d'éducation postsecondaire de
l'Alberta.
Le 30 avril 2020, le PDG d'AIMCo a
honteusement confirmé qu'AIMCo avait
perdu 2,1 milliards de dollars en raison d'un
pari mal avisé sur la volatilité des marchés. Un
facteur clé de cette énorme perte a été les
investissements importants d'AIMCo dans le secteur
volatile et risqué de l'énergie. Progress Alberta
a constaté qu'AIMCo avait investi 1,1
milliard de dollars des régimes de retraite des
travailleurs de la fonction publique dans les
entreprises pétrolières et gazières
depuis 2016. La plupart de ces entreprises
avaient perdu une valeur importante bien avant la
crise de la COVID-19 et la chute des prix du
pétrole à des niveaux record.
AIMCo gère un portefeuille d'environ 110
milliards de dollars, ce qui représente des
centaines de milliers de pensions et
d'investissements des Albertains pour le Fonds du
patrimoine de l'Alberta (Alberta Heritage Trust
Fund), les Services de santé de l'Alberta (AHS) et
le Régime de retraite des autorités locales
(LAPP). Le 2 janvier 2020, le
gouvernement du PCU a adopté le projet de loi
omnibus 22 transférant à AIMCo le contrôle du
régime de retraite des enseignants de l'Alberta
(ATRF) ainsi que des fonds de la Commission de
l'indemnisation des travailleurs de l'Alberta et
l'AHS. Les travailleurs ont vivement critiqué le
transfert, en particulier ceux dont les pensions
étaient directement visées.
Les enseignants de l'Alberta n'ont pas été
consultés sur le projet de loi 22, même si
environ 18 milliards de dollars étaient transférés
de l'ATRF à l'AIMCo d'ici la fin de 2021. Le
président de l'Association des enseignants de
l'Alberta (ATA), Jason Schilling, a déclaré que
les pertes montrent pourquoi les enseignants
étaient préoccupés par le transfert. « [Avec
l'ATRF], nous avons notre mot à dire en ce qui
concerne ce genre de choses, dit-il. Lorsque notre
gestion des actifs sera transférée à AIMCo, nous
n'aurons plus ce mot à dire. » Schilling
aurait pu aller plus loin et aurait pu demander
pourquoi la sécurité à la retraite pour les
enseignants devrait dépendre des caprices de la
bourse qui est manipulée par l'oligarchie
financière dans son propre intérêt ? Les
enseignants et tous les travailleurs devraient
avoir leur pension garantie en toutes
circonstances afin de pouvoir prendre leur
retraite en toute sécurité, à un niveau de vie de
standard canadien.
L'argent des régimes de retraite qui a été
transféré chez AIMCo est un autre exemple de la
façon dont le PCU tente de prendre le contrôle
d'autant de grands réservoirs de capitaux que
possible et de les utiliser pour payer les riches,
en particulier les monopoles énergétiques. C'est
le coeur de son plan de « relance » de
l'économie albertaine. Un exemple frappant est
l'annonce du 31 mars disant que le
gouvernement de l'Alberta remettait 1,1
milliard de dollars américains en fonds publics
pour l'oléoduc Keystone XL de TC Énergie et
accordait une garantie de prêt de 6 milliards
de dollars. Cela rend les Albertains responsables
d'environ 85 % du coût du pipeline que
beaucoup jugent à la fois risqué et inutile et qui
ne sera peut-être jamais construit.
Le gouvernement du PCU affirme de façon peu
convaincante qu'AIMCo est « indépendante » du
gouvernement et que le gouvernement n'a aucune
influence sur ses politiques. Cela est contredit
par les faits, tels que les récentes lois
introduites par le PCU qui donnent au ministre
provincial des Finances le pouvoir de réaffecter
des parties du portefeuille d'AIMCo à un
gestionnaire de choix du gouvernement. À l'heure
actuelle, l'ancien membre de BlackRock, Mark
Wiseman, est ce choix.
Notes
1. « BlackRock,
le supercartel », de Peter Ewart, LML
13 juin 2020
2. Ibid.
Les morts aux mains de la police
requièrent réparation
« Retirez les fonds à la police » peint sur
la rue devant le quartier général de la police de
Toronto dans le cadre des actions menées pour
exiger que cessent la violence et l'impunité
policières.
Les morts toujours plus nombreuses aux mains de
la police continue d'être un sujet de grande
préoccupation pour le corps politique. Les appels
à la justice et à la fin de l'impunité policière
se font de plus entendre pendant que les
gouvernements évitent le sujet afin de préserver
leur pouvoir.
La criminalisation
impérialiste de la vie affecte beaucoup les
affaires économiques, politiques et sociales du
pays de même que les institutions de la société et
son tissu social. La criminalisation de la vie a
dépassé le cadre de la politique et atteint les
conditions sociales et le mode de vie. La
criminalisation mène au recours aux pouvoirs de
police pour traiter de problèmes comme la pauvreté
et l'itinérance ; les problèmes mentaux et
les autres problèmes de santé et le droit de tous
à la santé ; ce que les gens
consomment ; les réclamations des
travailleurs en ce qui concerne la vente de leur
capacité de travailler et leurs conditions
d'emploi ; les problèmes et les différences
d'opinions en éducation au sujet des méthodes et
des curriculums, et comment affirmer le droit à
l'éducation ; l'opposition du peuple aux
grands projets avec lesquels ils peuvent être en
désaccord en ce qui a trait aux enjeux
environnementaux ou à d'autres enjeux ; les
disputes familiales et d'autres disputes
concernant des affaires personnelles et les
relations entre les personnes ; les enjeux et
les luttes au sujet de la direction de l'économie,
de la politique et de la société, etc.
La liste des problèmes, des contradictions et des
divergences dans les affaires économiques et
politiques, les relations sociales et la société
en général est sans fin, et leur criminalisation
est désastreuse, car elle mène à l'accroissement
constant de la brutalité et du pouvoir policiers
et au blocage permanent de toute solution des
problèmes politiques, sociaux et économiques, ce
qui ne fait qu'aggraver les crises, l'anarchie, la
violence et la guerre.
Alors que les peuples luttent pour s'investir
eux-mêmes du pouvoir, ils savent que l'antidote
est d'augmenter les investissements dans les
programmes sociaux et les services publics et dans
l'entreprise afin d'aborder concrètement les
problèmes de la société moderne et des relations
entre les personnes ; d'arrêter de payer les
riches ; de rechercher un équilibre dans la
relation sociale aux endroits de travail entre la
classe ouvrière et les employeurs ; de faire
du Canada une zone de paix et, chose des plus
importante, d'habiliter le peuple politiquement
afin de permettre à la personnalité démocratique
d'émerger et d'ouvrir la voie à la paix, la
liberté et la démocratie et à une nouvelle
direction prosociale des affaires économiques et
politiques de la société.
Dans ce numéro, Le Marxiste-Léniniste
publie un reportage sur une autre mort aux mains
de la police au Canada et réclame la justice au
Canada et aux États-Unis.
Manifestation à Vancouver contre la violence et
l'impunité policières, 19 juin 2020
- Steve Rutchinski -
22 juin 2020, rassemblement pour réclamer
justice pour Ejaz
Ejaz Ahmed Choudry a été abattu le samedi 20
juin par la police régionale de Peel à Malton, un
quartier de Mississauga, en Ontario. Dans la
soirée du 22 juin, environ 2 000
personnes se sont rassemblées à l'intersection
Goreway et Morning Star à Malton pour dénoncer cet
acte brutal contre M. Ejaz Choudry par la police
régionale de Peel pendant cette fin de semaine.
Ils étaient tous unis, sans égard à la
nationalité, la race, la langue ni la religion,
contre le recours à la force meurtrière par la
police, pour exiger des comptes et réclamer
justice. On lisait sur leurs pancartes : « Un
père tué par la police », « Un père tué le
jour de la fête des Pères », « Justice pour
Ejaz, tué par la police », et « Définancez la
police ». Ils ont scandé à maintes reprises «
Pas de justice, pas de paix » et « Non à la
police raciste ».
Choudry était âgé
de 62 ans et souffrait de schizophrénie et
d'autres maladies. Il était en crise et avait
besoin d'aide. Sa famille avait contacté les
services de santé par téléphone pour demander que
des paramédics viennent l'aider à prendre ses
médicaments comme ils l'avaient fait dans le
passé. Les paramédics sont arrivés sur les lieux
et ont appelé la police en déclarant que M.
Choudry était en possession d'un couteau de poche.
Après avoir crié des instructions à M. Choudry en
anglais, qu'il n'a pas comprises, la police a
choisi d'enfoncer la porte, de lancer une grenade
assourdissante et de tirer sur M. Choudry dans un
déploiement soudain de violence.
Un porte-parole de la police de Peel a dit que
les agents « croyaient » qu'il avait des
armes et qu'il représentait « un danger pour
lui-même ». Il était un homme frêle, seul à
la maison et ne représentait un danger pour
personne sauf peut-être lui-même. La déclaration
de la police qu'ils avaient une raison d'ouvrir le
feu et de le tuer révèle l'étendue du problème
auquel les noirs et les minorités font face à
Toronto. Selon des reportages, la police a rejeté
tous les efforts de la famille pour qu'elle puisse
intervenir de manière à désamorcer la situation.
Hassan Choudry, le neveu de la famille, a pris la
parole au rassemblement du 22 juin. Il a
réitéré ce qu'il avait dit aux journalistes, que
son oncle était inoffensif, qu'il pouvait à peine
faire trois ou quatre pas. « Vous êtes en train de
me dire qu'un homme de 62 ans qui peut à
peine respirer va courir vers vous et vous
attaquer !? » Il a dit que quiconque a
visionné l'enregistrement vidéo ou entendu les
commentaires des témoins sait que la police n'a
pas fait tout ce qu'elle pouvait pour désamorcer
la situation.
« Nos dirigeants politiques et notre chef de
police ne peuvent pas nous apaiser. Nous demandons
que des actions soient menées
immédiatement », a dit Hassan. « Nous
réclamons la tenue d'une enquête publique sur ce
qui s'est passé. » « Nous n'avons aucune
confiance dans une enquête menée par la SIU [Unité
spéciale d'enquête] qui n'a jamais rendu justice
aux victimes de la violence policière dans cette
province. Nous demandons aussi que l'agent qui a
tiré sur notre oncle soit démis de la police
immédiatement... Ceux qui ont pris la décision de
tirer sur lui pour le tuer sont inaptes à servir
dans la police. Ils ne devraient jamais plus
porter un insigne ou patrouiller nos
rues. »
Tous ceux qui ont
pris la parole au rassemblement ont soulevé les
mêmes revendications : que les agents
responsables rendent des comptes et que cessent la
violence policière, le racisme et le recours à la
force meurtrière ! Ils ont aussi réclamé un
changement de direction afin de mettre fin à des
années de compressions à l'éducation, à la santé
et dans les autres programmes sociaux, au lieu de
plus d'activités policières et plus de prisons.
La communauté de Malton comprend principalement
des travailleurs de minorités nationales qui font
constamment face à la brutalité policière. En
avril dernier, la police régionale de Peel a
abattu D'Andre Campbell, âgé de 26 ans, qui
souffrait lui aussi de schizophrénie. Il avait
demandé de l'aide pour se rendre à l'hôpital. Au
lieu d'aider une personne en détresse, la police
l'a abattu.
L'utilisation de la force meurtrière contre des
victimes souffrant de problèmes de santé mentale,
surtout contre des Noirs et des Autochtones, est
une chose très commune au Canada. Les autochtones
représentent 4,8 % de la population du
pays, mais 15 % de toutes les morts aux
mains de la police. Les Noirs
représentent 3,4 % de la population,
mais 9 % des morts dues à la violence
policière.
Des funérailles publiques pour Ejaz Ahmed Choudry
ont eu lieu le 24 juin.
Un site GoFundMe a été mis sur pied pour fournir
de l'aide financière à la famille Choudry - voir gofundme.com.
Depuis le meurtre par la police d'Ejaz Choudry,
des manifestations quotidiennes ont lieu au coin
de Goreway et Morning Star à Malton.
- Frank Chilelli -
Depuis la mort de M. Ejaz Choudry aux mains de la
police régionale de Peel le 20 juin, la
communauté de Malton, à Mississauga en Ontario, et
les citoyens de la région du Grand Toronto n'ont
cessé de se rassembler sur une base quotidienne à
l'intersection Morning Star Drive et Goreway Road.
Le mercredi 24 juin, le jour des funérailles de M.
Choudry, un contingent de personnes scandant «
Qu'est-ce que nous voulons ? La
justice ! Pour qui ? Pour
Ejaz ! », est parti de la procession
funéraire et s'est rendu à l'intersection
vers 19 h 30, où il a été rejoint par
d'autres manifestants. Vers 20 h 15, de
nombreux manifestants, en majorité des jeunes, ont
décidé de se diriger vers le nord et de bloquer la
voie ferrée du CN.
La famille parle lors des funérailles d'Ejaz
Choudry le 24 juin (gauche) ;
une portion de la foule (droite)
Alors qu'ils bloquaient la voie ferrée, ils ont
scandé « Justice pour Ejaz
maintenant ! », « Définancez la police,
augmentez le financement pour les jeunes et les
programmes sociaux ! »
Plusieurs des jeunes qui ont pris part à la
manifestation étaient musulmans. À un moment
donné, ils se sont agenouillés sur la voie ferrée,
pointant vers l'est, pour prier en silence. Deux
trains de marchandises ont dû s'arrêter devant le
passage à niveau. Les mécaniciens de locomotive se
sont approchés des manifestants pour s'informer de
la durée de l'action. Pendant la discussion, ils
ont exprimé leur appui pour les manifestants. Le
blocus de la voie ferrée a duré environ deux
heures et demie. Pendant la dernière demi-heure,
un membre de la famille de M. Choudry a dit aux
manifestants que la police avait averti la famille
qu'il pourrait y avoir des arrestations parce
qu'ils étaient sur une propriété privée.
Des jeunes bloquent la voie ferrée après les
funérailles d'Ejaz Choudry, le 24
juin 2020.
Les jeunes qui dirigeaient la manifestation ont
commencé à discuter de ce qu'ils allaient faire.
Les manifestants ont décidé qu'avant de se
conformer aux menaces de la police, ils
présenteraient des revendications et reprendraient
le blocus de la voie ferrée le lendemain si
celles-ci n'étaient pas satisfaites dans les 24
prochaines heures. Ils ont mis de l'avant trois
revendications :
1. Que le nom du policier qui a tué M. Ejaz
Choudry soit révélé publiquement;
2. Qu'un organisme indépendant, et non l'Unité
des enquêtes spéciales, soit chargé d'enquêter sur
la mort de M. Choudry[1];
3. Qu'on fournisse à la famille un appartement
différent de celui où M. Choudry a été tué.
Pendant la manifestation, plusieurs jeunes qui
résident dans la région de Malton ont parlé du
harcèlement policier et du profilage racial
continuels qui se produisent dans la communauté.
Plusieurs ont parlé de leur expérience personnelle
de la violence et de la brutalité policière
exercées contre eux. Les jeunes et l'ensemble des
manifestants ont exprimé leur colère contre un
système qui est raciste et ont fait un lien entre
le racisme et le système socio-économique dont ils
ont dit qu'il ne leur est pas favorable.
L'intersection Goreway et Morning Star à Malton
continue d'être bloquée par la communauté 24
heures par jour.
Note
1. L'Unité des enquêtes
spéciales « est l'organisme civil de
surveillance qui est chargé d'enquêter sur les
circonstances impliquant la police qui ont mené
à la mort, à des blessures sérieuses ou à des
allégations d'assaut sexuel contre un civil en
Ontario au Canada. » (Wikipedia)
Le 20 juin, une manifestation organisée par la
Coalition justice pour Abdirahman a rassemblé plus
de 1 000 personnes au poste de police de la rue
Elgin à Ottawa. Les manifestants ont ensuite
marché jusqu'à l'hôtel de ville d'Ottawa pour
dénoncer le racisme et la violence policière
contre les Noirs et les Autochtones.
Les organisateurs ont noté : « Cette marche est
organisée pour appuyer les manifestations
mondiales et locales contre la violence policière
faite aux Noirs. Nous agissons également en
solidarité avec nos soeurs et frères autochtones
qui luttent contre les mêmes violences policières
racistes à Ottawa et partout au Canada. »
Hamid Ibrahim, un membre de la coalition, a pris
la parole devant l'hôtel de ville. Il a déclaré en
partie :
« Ces dernières semaines, la mort insensée de
George Floyd aux mains de la police a galvanisé le
monde. La vidéo horrible des derniers moments de
George aux mains de ceux chargés de sa protection
a vraiment mis à nu une capacité de brutalité
raciste que beaucoup aux États-Unis et au Canada
ont du mal à reconnaître. Tout comme avec la mort
d'Abdirahman Abdi et l'agression récente contre
Obi Ifedi ici à Ottawa, la violence contre les
Noirs a été délibérément ignorée par nos
institutions. La mort de Greg Ritchie à Ottawa en
2019 et les récentes morts d'Autochtones aux mains
de policiers par le Canada nous montrent que
cette violence est déployée à force égale contre
nos frères et soeurs autochtones. Pourtant, dans
notre ville et au-delà, les changements
institutionnels et structurels ont été lents,
malgré les preuves vidéo de plus en plus
nombreuses d'actes de violence extrêmement
disproportionnés, ce qui équivaut à une
complaisance face aux exécutions sommaires.
« Les exécutions extrajudiciaires de Noirs et
d'Autochtones non armés aux mains de la police se
sont révélées être une pandémie. Cette pandémie
requiert la même attention, diligence et approche
que ce que les responsables de la santé publique
ont établi dans leur lutte contre la COVID-19. Les
demandes pour que justice soit faite ont atteint
un point critique, un point qu'ils ne peuvent plus
ignorer. »
Ibrahim a ensuite formulé diverses revendications
auprès de la ville d'Ottawa, de la province de
l'Ontario et du gouvernement du Canada. Cela
comprend une demande de définancement du Service
de police d'Ottawa en consacrant une « partie
importante » de son budget à des services qui
offrent des solutions de rechange à l'intervention
policière armée pour assurer la sécurité et le
bien-être de la communauté. La province a été
invitée à rétablir le projet de loi 175, Loi
de 2018 pour plus de sécurité en Ontario,
afin de mettre en place des mesures de reddition
de comptes des policiers. Le gouvernement fédéral
a été appelé à enquêter sur « le racisme enraciné
au sein de la GRC[1] ».
La Coalition Justice pour Abdirahman a été formée
en 2016. Abdirahman Abdi était un Canadien
d'origine somalienne de 37 ans qui souffrait de
problèmes de santé mentale. Il vivait dans la
communauté de Hintonburg à Ottawa, au 55, rue
Hilda. Abdirahman est décédé le 24 juillet 2016
lors d'une violente altercation avec des agents du
Service de police d'Ottawa, enregistrée sur l'une
des caméras de sécurité de l'appartement. M. Abdi
n'avait aucun antécédent criminel et rien
n'indique qu'il menaçait la vie ou la sécurité des
policiers aux mains desquels il est décédé.
L'Unité des enquêtes spéciales (UES), une agence
du ministère du Procureur général, a entrepris
l'enquête quelques heures après l'incident.
Cependant, l'UES n'a pas encore publié de jugement
dans cette affaire. Le constable de la police
d'Ottawa Daniel Montsion est actuellement jugé
pour homicide involontaire, voies de fait graves
et voies de fait avec une arme en relation avec la
mort d'Abdi.
Note
1. Voir le discours
complet.
VOIR LML
DU 1er JUILLET 2020
Les
manifestations se poursuivent
contre le racisme, la
brutalité policière, les morts
aux mains de la police et
l'impunité
|
|
La politique des États-Unis
vis-à-vis Cuba
- Arthur Gonzalez -
Des membres de la brigade cubaine Henry Reeves se
préparent à partir pour l'Afrique du Sud aider à
combattre la COVID-19, le 25 avril 2020.
Les Yankees, frustrés par 60 ans d'échecs dans
leurs tentatives de détruire la Révolution
cubaine, ont commis la grave erreur de déclarer
publiquement que toutes leurs actions visent à
étouffer l'économie cubaine et tuer son peuple par
la faim et la maladie.
La vérité finit toujours par se savoir et, en ce
moment, elle est là, sans masque ni feuille de
vigne pour couvrir sa nudité, dans le nouveau
projet de loi intitulé Loi de la réduction des
profits pour le régime cubain, présenté
le 17 juin 2020 par le sénateur Rick
Scott, avec l'appui des sénateurs Marco Rubio et
Ted Cruz, dans le but de sanctionner les pays qui
embauchent des médecins cubains, dont les brigades
Henry Reeves qui se spécialisent dans les maladies
suite aux catastrophes naturelles et aux graves
épidémies.
Les campagnes de chantage et de pressions menées
par les États-Unis depuis plusieurs années sont
faites par prétendu souci que ces brigades
envoyées par Cuba seraient une forme d'«
esclavage » parce que Cuba ne leur
distribuerait pas tout l'argent qu'elles reçoivent
des pays contractants.
Ce n'est pas un secret que cette soi-disant «
préoccupation » de l'empire est fausse,
puisque les États-Unis ne se sont jamais souciés
du peuple cubain, ce dont témoigne sa guerre
économique, commerciale et financière. Le seul
objectif qu'ils visent est d'étouffer encore
davantage l'économie cubaine, entretenant la
vieille illusion qu'ils peuvent détruire ce
socialisme qu'ils détestent tant.
Une simple lecture de
l'Opération Mongoose, approuvée en
janvier 1962 par le président John F.
Kennedy, en atteste juridiquement. On y affirme
sans le moindre signe d'humanisme :
« L'objectif des États-Unis est d'aider les
Cubains à renverser le régime communiste à Cuba.
[...] L'opération a comme objectif de provoquer
une rébellion du peuple cubain. [...] L'action
politique sera appuyée par une guerre économique
qui fera en sorte que le régime communiste ne
pourra pas répondre aux besoins du pays. Des
opérations psychologiques accroîtront le
ressentiment de la population envers le régime et
celles de nature militaire donneront au mouvement
populaire une arme d'action pour le sabotage et la
résistance armée en appui aux objectifs
politiques. »
La nouvelle conspiration tramée par ces sénateurs
est de couper toute entrée d'argent dans Cuba,
entretenant le vieux rêve de voir l'économie
socialiste s'écrouler par manque de liquidités, ce
qui n'a rien à voir avec les sentiments humains
qu'ils disent nourrir envers les Cubains, sous
couvert de « préoccupation » au sujet de «
trafic humain » de médecins et d'infirmiers.
Le nom du projet de loi lui-même indique
clairement que ces sénateurs ne cherchent qu'à
couper les profits obtenus par Cuba avec ses
contrats de missions médicales qui, selon leurs
calculs, seraient de 7 milliards de dollars
par année. C'est ce qu'ils cherchent à bloquer.
Avec l'arrivée de Bolsonaro à la présidence du
Brésil, ils ont réussi à éliminer la présence
cubaine dans ce pays. Les laquais de l'Équateur et
de la Bolivie ont fait de même et c'est ce
qu'exige le fantoche Juan Guaido [au Venezuela],
mais en raison du besoin de personnel de santé
pour combattre la pandémie de la COVID-19, plus
de 40 pays ont demandé l'aide de Cuba,
puisque ni les États-Unis ni les autres pays du «
monde libre » n'ont des professionnels
désirant leur venir en aide.
Devant le défi de gouvernements qui ont recours à
l'effort humain de médecins et d'infirmiers
cubains et qui ne se soutient pas des menaces de
Washington, ces politiciens anticubains ont lancé
leur projet de loi, dans un nouvel effort pour
davantage étouffer l'économie de l'île. De telles
actions évoquent le contenu d'un rapport de la CIA
du 12 décembre 1963 :
« En grande partie, les problèmes auxquels est
confronté le régime de Castro sont le résultat de
la politique américaine d'isolement économique et
politique, ainsi que d'autres mesures d'hostilité
et de sabotage. [...] Le principal objectif des
programmes secrets est de compléter l'isolement
économique, politique et psychologique de Cuba
face à l'Amérique latine et au monde libre. [...]
Ces mesures sont en grande partie responsables des
difficultés économiques actuelles de Castro, mais
de nouvelles mesures efficaces de guerre
économique pourraient être adoptées. »
Il semblerait que 60 ans sans résultats
n'ont pas appris aux ennemis de la Révolution que
les Cubains ont la peau dure.
Ne savent-ils pas que même les camps de
concentration mis sur pied par le général espagnol
Valeriano Weyler durant la guerre d'indépendance
de Cuba en 1895, visant à faire crever de
faim les révolutionnaires, ne pouvaient vaincre
ceux qui se battaient pour leur indépendance
contre l'Espagne ?
Ni les plans secrets d'intervention de la CIA, ni
le terrorisme d'État, ni la subversion politique,
ni la création et le financement de la
contrerévolution n'ont réussi à détruire le
socialisme à Cuba.
Scott et ses amis ne sont pas au courant de ce
qui se passe. Ils devraient lire certains rapports
et apprendre des échecs de la politique yankee.
Le 6 février 1964, George W. Ball, le
sous-secrétaire d'État, s'est entretenu à
Washington avec l'ambassadeur britannique Ormsby
Gore, où il a fait part de « l'agacement »
des États-Unis face à la croissance des relations
commerciales avec Cuba. Il a clairement dit :
« La politique du
président Lyndon Johnson est d'imposer des
sanctions économiques à Cuba comme arme contre la
Révolution, pour créer des épreuves économiques et
provoquer l'élimination du régime
communiste. »
Le jour précédent, Ball avait présenté au
président une étude menée par le département
d'État et la CIA sur les liens économiques des
pays occidentaux avec Cuba, dans une réponse à une
demande faite dans le Rapport numéro 274 de
l'Action de la Sécurité nationale, en décembre
1963.
L'étude contient 19 recommandations et la
première d'entre elles est que le président
Johnson avise toutes les agences gouvernementales
que la restriction et la réduction des liens
économiques du « monde libre » avec Cuba
étaient un objectif de la politique nationale.
Toutes les recommandations concernent la guerre
économique, mais l'article 15 est
particulièrement intéressant. Il conseille « le
recours discret à la presse, par le biais
d'articles qui laissent entendre que le
gouvernement contrôlera rigoureusement les
compagnies commerciales qui font affaire avec
Cuba ». Peut-être était-ce le début d'une
liste noire.
C'est pourquoi la campagne de diffamation telle
que publiée aujourd'hui dans la presse contre les
missions médicales n'est pas le fruit du hasard.
Elle est une extension de la campagne initiée par
la CIA, en conjonction avec le département d'État,
et qui ressurgit sans cesse comme politique
prioritaire du gouvernement yankee contre Cuba.
Actuellement, près de 28 000 médecins
et infirmiers cubains sauvent des vies
dans 59 pays dans le monde et ils affrontent
la COVID-19 dans 37 de ces pays avec un
humanisme sans bornes, sans se soucier des
questions d'argent ni de conditions de travail,
parce que comme l'a dit José Marti :
« Une personne vraie ne cherche pas où il
pourrait mieux vivre, mais où il peut mieux
accomplir son devoir ».
30e anniversaire de la défaite de
l'Accord du lac Meech
- Christine Dandenault -
Le 23 juin 2020 était le 30e
anniversaire de la défaite de l'Accord du lac
Meech. Trente ans plus tard, le besoin d'investir
le peuple du pouvoir souverain par le renouveau
politique et constitutionnel demeure le problème
posé et à résoudre. Les luttes des travailleurs,
des jeunes, des femmes et des Premières Nations
pour leurs droits et les droits de tous, notamment
la lutte contre la COVID-19, se heurtent à la
privation de leur pouvoir politique qui bloque la
mise en oeuvre d'un projet d'édification nationale
qui défend les droits de tous, donne une nouvelle
direction à l'économie et fait du Canada une zone
de paix.
Aujourd'hui, le pouvoir politique est concentré
entre les mains de grands intérêts supranationaux
privés qui agissent à la fois en collusion et en
rivalité pour le profit privé étroit et la
domination. Ils accaparent les États, dont celui
du Canada, au détriment du bien-être de tous et du
droit du peuple de décider de ses affaires. Le
régime constitutionnel canadien est aujourd'hui
l'instrument de factions de l'élite dirigeante
impérialiste, qui n'ont d'autres liens réels avec
les Canadiens que celui du pouvoir économique et
politique qu'elles ont usurpé et qu'elles exercent
contre eux, et qui opèrent à travers les divers
gouvernements, les institutions dites
démocratiques, les partis politiques cartellisés
du parlement canadien, les assemblées législatives
provinciales et l'Assemblée nationale du Québec.
Le Canada a urgemment besoin d'une constitution
moderne qui place la souveraineté dans les mains
du peuple et qui reconnaît les droits de tous,
dont les droits ancestraux et issus de traités des
peuples autochtones et le droit de la nation
québécoise à l'autodétermination.
L'échec de l'Accord du lac Meech
Il y a 30 ans, le 23 juin 1990,
échouait l'Accord du lac Meech, un ensemble
d'amendements à la Constitution du Canada négocié
en 1987 derrière des portes closes par le
premier ministre du Canada, Brian Mulroney, et les
premiers ministres des provinces. La défaite de
Meech signalait un nouvel approfondissement de la
crise constitutionnelle, laquelle est maintenant
devenue une crise existentielle à cause de
l'intégration du Canada à l'économie de guerre et
aux arrangements des États-Unis.
L'Accord de Meech avait été signé à cause de la
crise qui a fait suite au référendum de 1980
au Québec sur la place du Québec dans le Canada et
du refus du Québec de signer la Constitution
de 1982 rapatriée par le gouvernement de
Pierre Trudeau. Trudeau avait promis de rédiger
une nouvelle entente constitutionnelle après la
défaite du référendum de 1980 du Québec et
cette promesse s'est soldée deux ans plus tard par
l'ajout de la Charte des droits et libertés et
d'une formule d'amendement à l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique de 1867.
Appelées Loi du Canada, elles ont été
adoptées par le parlement britannique le 29
mars 1982 et on a prétendu qu'avec cette loi
la Constitution du Canada était «
rapatriée ». On a dit que cela mettait fin à
la dépendance du Canada envers la Grande-Bretagne,
alors qu'en réalité la Reine d'Angleterre demeure
la cheffe d'État du Canada.
La loi constitutionnelle de Trudeau
(de 1982) était l'« équivalent
canadien » de l'Acte du Canada du
parlement britannique et elle était incluse dans
celui-ci avec une formule d'amendement et la Charte
des droits et libertés. Or, elle ne
reconnaissait pas le droit du Québec à
l'autodétermination et par conséquent le Québec
refusa d'en être signataire, ce qui causa une
crise constitutionnelle. C'est pour tenter de la
résoudre que le gouvernement de Brian Mulroney
entama en 1985 des négociations
constitutionnelles qui allaient conduire à
l'Accord du lac Meech deux ans plus tard
le 23 juin 1987.
Le premier ministre du Québec de l'époque, Robert
Bourassa, a dit que le Québec signerait la
Constitution si cinq modifications lui étaient
apportées :
- la reconnaissance constitutionnelle du Québec
comme société distincte ;
- un veto constitutionnel pour le Québec sur les
changements constitutionnels ;
- une voix au chapitre pour le Québec sur la
nomination des juges de la Cour suprême du
Canada ;
- une garantie constitutionnelle de pouvoirs
accrus en matière d'immigration ;
- la limitation du pouvoir fédéral de dépenser.
Ces modifications et l'Accord ne s'attaquaient
pas aux causes de la crise constitutionnelle. Il
fallait notamment garantir des relations de nation
à nation avec les peuples autochtones de façon à
mettre fin à l'injustice coloniale et à offrir des
compensations pour tous les torts qui leur ont été
faits ; il fallait mettre fin à toutes les
notions de droits basées sur le privilège et les
soi-disant limites raisonnables, investir le
peuple du pouvoir et non une personne d'État
fictive, sans parler d'un monarque étranger, et
enchâsser des droits égaux pour tous les citoyens
et résidents. Enfin, il fallait reconnaître le
droit du peuple du Québec à l'autodétermination, y
compris la sécession si telle est sa décision, ce
que l'Accord du lac Meech a refusé de faire.
Deux ans après l'échec de l'Accord de
Meech, une autre entente constitutionnelle
a été conclue derrière des portes closes
appelée Accord de Charlottetown, qui a été
soumise à un référendum. Le premier de
trois livres (ci-dessus) écrits par
Hardial Bains durant la campagne
référendaire donnait la vraie information
sur le contenu et la signification de
l'Accord, lequel fut rejeté par les
Canadiens.
|
L'Accord de Meech visait en fait à maintenir le
statu quo en déclarant le Québec « société
distincte » au sein du Canada, ce qui
embrouillait les cartes. Il donnait un veto
constitutionnel au Québec, augmentait les pouvoirs
des provinces en matière d'immigration, étendait
et réglementait le droit à une compensation
financière raisonnable pour toute province qui se
retirerait de quelque programme fédéral futur dans
un domaine de juridiction exclusivement
provinciale et donnait voix au chapitre aux
provinces dans la nomination des sénateurs et des
juges de la Cour suprême.
Puisque Meech aurait changé la formule
d'amendement de la Constitution et modifié le
processus de la Cour suprême, il fallait obtenir
le consentement de toutes les législatures
provinciales et du parlement canadien dans un
délai de trois ans, soit en juin 1990. Les
dix premiers ministres provinciaux s'étaient tout
de suite mis d'accord, mais le consensus ne dura
pas les trois ans requis pour obtenir le
consentement des assemblées législatives. Une
conférence des premiers ministres fut convoquée
vingt jours avant l'échéance pour essayer de
sauver Meech et il fut convenu que Meech devait
être suivi d'une autre ronde de négociations
constitutionnelles.
Le premier ministre de Terre-Neuve, Clyde Wells,
s'attaqua au secret du processus décisionnel.
Le 23 juin 1990, date limite, Elijah
Harper, député autochtone de l'Assemblée
législative du Manitoba, signala son refus de
consentement en brandissant une plume d'aigle,
rendant ainsi impossible l'unanimité requise de
l'assemblée. Wells annula sa proposition de tenir
un vote à l'assemblée de Terre-Neuve et l'Accord
du lac Meech était officiellement mort. C'était
l'échec de l'Accord du lac Meech.
Manifestation contre l'Accord du Lac Meech devant
l'Assemblée législative
du Manitoba le 21 juin 1990
Les problèmes intrinsèques à l'Accord
Une des principales caractéristiques de l'Accord
de Meech était de ne pas clarifier ce que voulait
dire « société distincte » en parlant du
Québec. Il affirmait que le Québec était une «
société distincte » et que « la législature
et le gouvernement du Québec ont le rôle de
protéger et de promouvoir la société
distincte ». La « société distincte »
est restée indéterminée dans les documents, les
aspects « distincts » du Québec n'y étaient
pas énumérés et il n'y avait pas de critères par
lesquels les préserver et les promouvoir. Le terme
« société distincte » a été le sujet de
nombreuses interprétations, mais celle qui a
dominé les cercles politiques officiels était que
le Québec est distinct en raison de la langue
française uniquement. En faisant de la langue la
seule question, la formulation de Meech sur la «
société distincte » niait que le peuple
québécois est une nation ayant évolué au fil de
l'histoire avec une communauté d'économie et de
territoire, une langue, une culture et une
psychologie portant l'empreinte de cette histoire.
Qui plus est, elle niait au peuple québécois le
droit à l'autodétermination. Le fait de dire à
l'Assemblée nationale ce qu'elle devait faire n'a
pas été bien reçu non plus.
Un autre aspect important de l'Accord de Meech
est la promotion qu'il faisait de la désunion et
de l'inégalité. Le fait de définir une nation
uniquement par sa langue mène à la théorie que le
Canada est habité par un grand nombre de « nations
linguistiques », toutes susceptibles d'un
statut indépendant, mais dont seulement les
langues « anglaise » et « française »
ont une place d'honneur. Il n'y a pas de corps
politique où tous ses membres sont égaux, avec les
mêmes droits et devoirs et qui sont garantis par
la Constitution.
Meech encourageait
la désunion également en octroyant certains
pouvoirs fédéraux aux provinces comme s'il
s'agissait de dix petites nations (les provinces)
regroupées dans une grande nation (le gouvernement
fédéral). Les deux territoires (le Nunavut
n'existait pas encore) ne furent pas invités au
lac Meech (ils ont participé par téléconférence)
parce que le premier ministre considérait que leur
pouvoir était insuffisant, établissant ainsi la
possibilité de différents statuts selon la région.
D'autre part, Meech accordait à chaque province un
pouvoir de veto en matière législative et il était
clair que chaque province s'en servirait pour
avancer les intérêts étroits des regroupements
économiques et politiques régionaux qui
finançaient les gouvernements plutôt que de mettre
de l'avant l'intérêt ou le but national
d'ensemble.
Le troisième aspect de Meech était son refus
d'affirmer ou même d'aborder le sujet des droits
ancestraux des peuples autochtones, ce qui
revenait à supprimer ces droits. Les droits
ancestraux des peuples autochtones ne sont pas un
élément périphérique, ils doivent être enchâssés
dans la Constitution. Les Autochtones ont le droit
légitime de revendiquer les terres de leurs
ancêtres et d'en disposer comme ils l'entendent.
En tant que peuples souverains, ils ont le droit
de décider de leurs affaires, mais aussi de
participer à la décision des affaires du Canada
dans son ensemble. Aucune des modifications
proposées par l'Accord de Meech n'abordait ces
sujets. Les chefs autochtones présentèrent deux
autres objections. La première concernait leur
exclusion de l'ensemble des travaux de Meech.
L'autre concernait le transfert possible de
services fédéraux aux provinces prévu dans la
clause sur le droit de retrait avec compensation,
ce qui risquait d'entraîner le démantèlement de
programmes essentiels pour les peuples
autochtones.
Le quatrième aspect principal de Meech était le
caractère antidémocratique des procédures. Toutes
les consultations eurent lieu derrière des portes
closes. Les gens disaient que c'était une
rencontre de onze hommes blancs à cravate pour
décider du sort du pays entre eux. Une fois
l'accord conclu dans le secret, les onze premiers
ministres tentèrent de l'imposer au peuple sans
autre discussion ou délibération. Il n'y eut pas
de consultation populaire, l'ordre du jour n'était
pas établi suivant les désirs du peuple et les
points discutés et inclus dans l'accord étaient
ceux que les premiers ministres voulaient discuter
et inclure.
Les procédés de Meech et la Commission Spicer
L'extrême mécontentement de la population face
aux procédés de Meech fut capté par le Forum des
citoyens sur l'unité nationale de 1990,
appelé Commission Spicer, que Mulroney fut forcé
d'établir après la défaite de Meech, disant que
son gouvernement voulait entendre les opinions des
Canadiens. Le rapport de la Commission Spicer
publié en 1991 permet de constater que les
Canadiens étaient très conscients que quelque
chose manquait dans le processus politique
canadien, qu'on ne pouvait pas faire confiance aux
hommes et aux femmes politiques et qu'il manquait
les mécanismes nécessaires pour habiliter le
peuple. Beaucoup ont réclamé la convocation d'une
assemblée constituante qui permettrait au peuple
de délibérer et de décider de la constitution
qu'il veut.
Toutes les recommandations et propositions de la
Commission Spicer ont par la suite été ignorées
par le Gouvernement du Canada.
Problème posé et à résoudre
Les peuples
aujourd'hui veulent être les arbitres et les
décideurs. C'est la bataille qui se mène partout
sur la question de qui décide. Les Canadiens, les
Québécois et les peuples autochtones ont rejeté
Meech parce qu'aujourd'hui l'histoire exige que le
pouvoir soit transféré au peuple qui agit de son
propre chef et dans son propre intérêt.
L'Accord du lac Meech a confirmé que dans la
forme de pouvoir politique héritée par le Canada,
le pouvoir absolu aujourd'hui réside dans les
oligarques financiers et leurs représentants
politiques. Ce pouvoir absolu n'est pas le
défenseur des droits du peuple et n'est pas au
service du bien-être du peuple et de la résolution
des problèmes qu'il confronte. La réalité est que
l'autorité publique a depuis longtemps été
détruite et que des intérêts privés étroits ont
directement usurpé les institutions publiques,
lesquelles sont dorénavant leur chasse gardée.
Aujourd'hui, aucun gouvernement n'a le
consentement des gouvernés et la nécessité d'un
renouveau démocratique est plus urgente que
jamais.
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