Pour une nouvelle direction de l'économie

Le montant de la dette contractée par le gouvernement fédéral et les autres gouvernements dans les conditions de la pandémie est alarmant, car les prêteurs et les gouvernements s'attendent à ce que les Canadiens remboursent les dettes contractées à grands frais. Les élites dirigeantes ne peuvent le faire passer qu'en privant les travailleurs du pouvoir de dire leur mot sur les décisions qui les affectent. C'est pourquoi elles concentrent de plus en plus de pouvoirs de décision dans de moins en moins de mains d'intérêts privés pour accroître leur capacité à dicter les salaires et les conditions de travail, détruire les syndicats et les organes de décision collectifs et tout ce qui peut rester des institutions publiques à tous les niveaux. À l'heure où les gens demandent qu'il n'y ait pas de « retour à la normale » après la pandémie, les gouvernements se préparent déjà à mettre en oeuvre d'autres mesures dites d'austérité et de restructuration antiouvrières parce que c'est le dogme néolibéral sur la base duquel les riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent.

L'offensive antisociale brutale déclenchée au début des années 1990, après le début du libre-échange au milieu des années 1980, a toujours été justifiée en disant qu'il n'y a pas d'alternative à payer les riches. À la première vague de mesures antisociales du néolibéralisme, on nous disait que les déficits et les dettes qui en résultent étaient dus à de mauvaises politiques de gouvernements engagés dans une frénésie de dépenses pour financer l'État-providence. La logique était que les Canadiens vivaient « au-dessus de leurs moyens » et qu'en conséquence ils devaient maintenant payer pour leur mode de vie de classe moyenne. Aujourd'hui, c'est la pandémie qui est citée pour justifier les emprunts et nombreux sont ceux qui croient vraiment que les emprunts de l'État sont destinés à financer « les dépenses publiques consacrées aux programmes sociaux ». Certains vont jusqu'à dire que des « mesures keynésiennes » sont nécessaires pour faire face à la crise actuelle qu'ils comparent à la crise des années 1930 ou qu'il faut un nouveau « New Deal » pour créer des emplois et sauver l'économie, etc.

Le fait est que des déficits et des emprunts ont été contractés dans le passé pour payer les riches et que les programmes visant à « éliminer le déficit et à rembourser la dette » avaient le même objectif. Aujourd'hui, tant les prêteurs qui représentent des intérêts privés étroits colossaux que les emprunteurs à leur service considèrent la crise actuelle comme une manne d'une ampleur sans précédent pour laquelle le peuple, selon eux, paiera volontiers.

En discutant des emprunts et de la nouvelle dette contractée dans les conditions de la pandémie, il est utile d'examiner pourquoi les dettes sont contractées en premier lieu et ce qu'elles financent.

La dette nationale

La dette nationale est l'ensemble des passifs financiers du gouvernement fédéral. En 1998, elle s'élevait à plus de 583,2 milliards de dollars. C'est 19 250 $ pour chaque homme, femme et enfant au Canada. Si l'on y ajoute les dettes des gouvernements provinciaux, alors chaque enfant né en 1998 est venu au monde accablé d'une dette de plus de 26 000 $. La dette fédérale et provinciale combinée est passée de 837 milliards de dollars en 2007-2008 à 1,5 billion de dollars en 2019-2020. Cela équivaut à 64,3 % du produit intérieur brut du Canada et représente une dette de 39 483 $ pour chaque homme, femme et enfant.

De 1997 à 2008, grâce à d'importantes compressions dans le financement des programmes sociaux et d'autres mesures de l'offensive antisociale, le gouvernement fédéral a réussi à rembourser 92,7 milliards de dollars. Mais de 2008 à 2019, la dette s'est accrue d'un montant équivalent à presque 3 fois le montant remboursé du milieu des années 1990 à la fin des années 2000.

Depuis 1946, le gouvernement du Canada paie chaque année au chapitre du service de la dette plus que le déficit annuel. Il a payé 523 milliards de dollars en frais de service de la dette de 1946 à 1998 et environ 620 milliards de dollars de 1998 à 2017.

Ce sera important d'aller au fond des choses aujourd'hui, quand les gouvernements contractent des dettes énormes sous prétexte de protéger le bien-être des Canadiens et sauver l'économie.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 42 - 27 juin 2020

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