Numéro 37 - 30 mai 2020
D'importants sujets de préoccupation pour
le corps politique
Les rapports des Forces armées
canadiennes sur les résidences pour aînés en
Ontario et au Québec
Des travailleurs du secteur public manifestent
devant le bureau du premier ministre du Québec
François Legault à Montréal le 28 mai 2020.
• La
crise révèle que le pouvoir de décision doit
être retiré des mains de ceux qui sont inaptes à
gouverner
- Peggy Morton -
• Une
tentative maladroite de donner un rôle à l'armée
dans les affaires civiles
- Tony Seed -
Dossier
• Une leçon du
gouvernement libéral sur comment profiter des
plus vulnérables pour ensuite refiler ses
responsabilités
- Diane Johnston -
• Un
syndicat appelle à mettre fin au versement de
dividendes aux actionnaires de résidences des
soins de longue durée
• Les
recommandations de la Coalition ontarienne de la
santé pour une action immédiate dans les
résidences de soins de longue durée
• L'abus
des pouvoirs exécutifs va revenir hanter
le gouvernement du Québec
- Pierre Chénier -
• L'arrogance
de ceux qui saccagent les programmes sociaux et
refusent toute responsabilité
- Christine Dandenault -
Les succès de Cuba en santé
• Le
Globe and Mail ignore la contribution de Cuba
à la lutte contre la pandémie mondiale
- Isaac Saney, Réseau
canadien pour Cuba -
• Fidel
contre la COVID-19 et ensuite
- Iroël Sanchez -
25 mai: Journée de libération de l'Afrique
• Mettons
fin à l'exploitation des ressources humaines et
matérielles de l'Afrique et affirmons le droit
d'être des peuples
Les rapports des Forces armées
canadiennes sur les résidences
pour aînés en Ontario et au Québec
- Peggy Morton -
La publication des rapports des Forces armées
canadiennes (FAC) sur les conditions dans les
établissements de soins de longue durée en Ontario
et au Québec a été suivie par les promesses du
premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, et du
premier ministre du Québec, François Legault, de
s'attaquer à la crise des soins de longue durée et
des soins aux personnes âgées. Le rapport de
l'Ontario sur cinq résidences de soins de longue
durée a été publié le 20 mai 2020 et
communiqué aux médias le 26 mai. Le rapport
sur 25 résidences québécoises a été publié
le 27 mai 2020.
Les médias ont porté une grande attention à ces
rapports et le terme « maltraitance » est le
mot qui revient le plus souvent dans les titres au
sujet des rapports de l'Ontario. En réponse, la
ministre ontarienne des Soins de longue durée,
Merrilee Fullerton, a déclaré que le gouvernement
de l'Ontario allait créer une « commission
d'enquête indépendante » chargée d'examiner
le secteur des centres de soins de longue durée de
la province. Le premier ministre Legault a annoncé
que le gouvernement allait former et
embaucher 10 000 nouveaux préposés aux
bénéficiaires avec des emplois à temps plein
garantis à 26 dollars l'heure. Cette
annonce était liée à une demande de maintien de la
présence des militaires dans les maisons de soins
de longue durée jusqu'en septembre, demande que le
ministre de la Défense, Harjit Sajjan, a déjà
rejetée.
Les travailleurs de la santé et leurs
organisations, les familles, les défenseurs des
personnes âgées, les organisations des aînés et
bien d'autres ont réagi en soulignant que depuis
des années, ils dénoncent les conditions de vie et
de travail inhumaines dans les centres pour
personnes âgées et demandent une augmentation des
investissements dans les soins aux personnes
âgées, la fin de la propriété et du contrôle
privés et un secteur des soins aux personnes âgées
qui soit moderne et humain.
Manifestation contre les mesures d'austérité en
santé en mai 2016 à Montréal, y compris
devant le CHSLD Vigi Mont-Royal, celui dont tous
les 226 patients et 148 travailleurs ont été
infectés et 70 résidents sont décédés de la
COVID-19.
Dans tout le pays il y a indignation de voir les
gouvernements réagir ainsi aux rapports de l'armée
alors qu'ils ont fermé les yeux sur les rapports,
les études et les enquêtes menés par les
travailleurs de la santé et leurs organisations,
les conseils des résidents, les défenseurs des
personnes âgées, les familles, les universitaires
et d'autres personnes qui depuis des années
dénoncent les problèmes dans le secteur des soins
aux personnes âgées et exigent l'augmentation du
financement et un système moderne dans lequel les
droits des résidents et des travailleurs qui s'en
occupent sont respectés.
Le personnel médical des forces armées n'est pas
formé pour le travail dans les centres de soins de
longue durée, mais les gouvernements ont choisi
cette option plutôt que de mobiliser ceux qui sont
disposés à faire ce travail et ont l'expérience
requise. Au Québec, la proposition des étudiants
en fin de formation en sciences infirmières qui
sont pleinement qualifiés pour fournir les soins
nécessaires dans les centres d'hébergement et de
soins de longue durée (CHSLD) a été ignorée. En
Ontario, l'Ordre des infirmières et infirmiers de
l'Ontario a proposé de mobiliser les infirmières à
la retraite, les infirmières praticiennes et les
étudiantes en soins infirmiers, mais le
gouvernement Ford n'était pas intéressé. Ce
dernier a rejeté la proposition de l'Association
médicale de l'Ontario (AMO) de mettre en place des
centres mobiles d'évaluation de COVID-19, gérés
par des médecins, dans les centres de soins de
longue durée. L'AMO a également proposé de fournir
plus de soutien administratif aux directeurs
médicaux des centres de soins de longue durée,
mais cette proposition a également été rejetée.
Les travailleurs rapportent qu'à Montréal-Nord,
des militaires ont été envoyés travailler dans les
« zones chaudes » (des zones où les résidents
sont infectés par la COVID-19), tandis que des
travailleurs expérimentés et spécialisés qui
étaient dans des zones chaudes ont été envoyés
dans des zones froides où les patients n'étaient
pas infectés, et ce, à l'intérieur d'un même quart
de travail. Cela ne devrait jamais avoir lieu du
point de vue de la lutte contre l'infection, sans
parler du fait que les travailleurs expérimentés
ont été remplacés par des travailleurs qui n'ont
pas été formés à ce travail.[1]
Il est maintenant évident que la santé et la
sécurité des membres des forces armées n'étaient
pas non plus bien protégées. Trente-neuf
militaires déployés dans des centres de soins de
longue durée ont été infectés par la COVID-19. Ils
travaillent 12 heures par jour, sept jours
par semaine.
Il est très légitime de se demander pourquoi tant
d'importance est donnée à ces rapports. Ces
rapports et leur publication font passer l'armée
pour un organisme chef de file dans la gestion de
crise en santé publique.[2]
Malgré un travail acharné, le personnel militaire
n'a aucune expertise dans la prestation de soins
ou l'encadrement médical ou administratif des
soins aux personnes âgées ni dans l'évaluation et
le suivi de la situation. Le rapport sur l'Ontario
vient confirmer ce que l'on savait déjà sur les
conditions inhumaines qui existent dans les
centres de soins de longue durée, mais les
rapports sur la plupart des centres se concentrent
sur ce que les aides-soignants « n'ont pas
fait », plutôt que sur le système dans lequel
ils travaillent et qui gère ce système. Dans un de
ces rapports, l'auteur est très explicite sur le
fait que le manque de personnel met les
travailleurs de la santé dans l'impossibilité de
s'occuper comme il le faut des résidents, tandis
que d'autres rapports blâment le personnel et
semblent indifférents face au stress extrême et
aux conditions impossibles vécus par les
travailleurs de la santé. Un des rapports semble
surtout s'attacher à démontrer que les militaires
sont plus humains et plus compétents que le
personnel des centres de soins de longue durée.
Un thème récurrent est que les placards de
fournitures sont verrouillés, qu'il y a un manque
de fournitures de base, dont la literie, et que le
personnel a peur d'utiliser trop de fournitures.
Plusieurs exemples sont donnés pour dire que le
personnel n'utilise pas les équipements de
protection individuelle (ÉPI) conformément aux
procédures acceptées de contrôle des infections,
mais sans préciser si les ÉPI étaient adéquats et
en quantité suffisante, comment le nouveau
personnel est entrainé le cas échéant, si
formation il y a, ou s'il y a suffisamment de
temps alloué pour changer de blouse et de masque
en passant d'un patient à l'autre (ce qui n'est
évidemment pas le cas). L'impression est laissée
que le personnel est indifférent ou incompétent.
Les rapports sur chacun des cinq centres de soins
de longue durée de l'Ontario contiennent tous
l'affirmation que tous les problèmes signalés ont
été discutés de manière « collégiale » avec
la « direction » des établissements. Et ils
concluent que la direction a indiqué qu'elle
s'attaquerait aux problèmes. Il n'est pas fortuit
que le gouvernement ait été forcé de prendre le
contrôle de quatre des résidences le lendemain des
« discussions collégiales » avec la «
direction ».
Ajoutez à cela les promesses du gouvernement de
tenir une commission sur cette « mauvaise gestion
», et vous avez une désinformation de premier
ordre. Qui essaie-t-on de tromper ici ? Qui est
cette « direction » sinon les représentants des
cartels mafieux qui ont pris le contrôle de ces
établissements, les dirigent comme une mafia et
qui reçoivent des fonds du gouvernement, volent
les résidents et leurs familles, les dieux de la
peste qui ont créé cette situation en premier
lieu? Quelles mesures l'armée attendait-elle de
ces cartels et quelles conclusions le public
est-il censé tirer, si ce n'est que le problème se
limite à une « gestion » incompétente ?
Les
rapports de l'armée ont des relents d'intentions
et de motivations cachées et montrent
certainement que ceux qui sont
en position d'autorité en ce moment ne sont pas
aptes à gouverner. Ils font partie d'un effort
concerté pour dissimuler le fait que les
travailleurs de ces résidences ont été et
demeurent un grand atout, mais ne peuvent pas
s'acquitter de leurs fonctions tant que le système
moderne de prestation de services de santé est
entravé par des intérêts privés étroits qui
fonctionnent comme des cartels et des coalitions.
Ces établissements sont exploités par des fonds
spéculatifs et ce secteur est dominé par les
cartels pharmaceutiques, les cartels qui
contrôlent la technologie à tous les niveaux ainsi
que les services de buanderie, d'alimentation, de
nettoyage — tous de connivence avec le système de
gouvernement formé par des partis cartellisés dont
la responsabilité première est de priver le peuple
de tout pouvoir décisionnel. Les droits des
personnes âgées ne peuvent être garantis tant que
ce sera le cas.
Les travailleurs et les professionnels de la
santé dénoncent depuis des années la détérioration
de leurs conditions de travail, font valoir que
celles-ci sont les conditions de vie des résidents
et luttent pour l'augmentation des investissements
dans les soins aux personnes âgées. Que les
gouvernements se disent maintenant «
étonnés » par les rapports des FAC montre
qu'ils n'ont pas l'intention de faire quoi que ce
soit, si ce n'est, bien sûr, donner plus de
fonds de l'État à des intérêts privés qui
promettent d'améliorer la situation.
Le problème auquel font face les gouvernements
dans tout le pays, c'est qu'ils ne peuvent
convaincre ni les travailleurs de la santé, ni les
familles, ni le peuple que le statu quo peut
continuer dans le secteur des soins aux personnes
âgées. Ils sont également confrontés au problème
suivant : ce sont les travailleurs, les
familles et les personnes âgées elles-mêmes qui
savent ce qu'il faut faire et qui sont les plus
motivés à corriger la situation.
Faire appel aux militaires et déclarer que leurs
rapports sont d'une grande importance et ont une
grande autorité montre une tentative désespérée de
préserver le statu quo et de garder le pouvoir de
décision fermement entre les mains des riches,
même si cela signifie mettre sous le contrôle de
l'armée des institutions qui étaient auparavant
des institutions publiques. La crise révèle que
ces institutions appartiennent au passé, que la
privatisation est un désastre et que le pouvoir de
décision doit être retiré des mains de ceux qui
sont inaptes à gouverner.
Notes
1. Voir : « Entrevues :
Benoît Taillefer, vice-président en santé et
sécurité au travail du Syndicat des travailleurs
et travailleuses du CIUSSS du
Nord-de-l'Île-de-Montréal » dans Forum
Ouvrier du 28 mai 2020
2. Voir : « L'intensification
des exercices de guerre durant la
COVID-19 : l'écrasement d'un Snowbird »,
Tony Seed, dans LML du 27
mai 2020
(Photos : p.turbis, FIQ)
- Tony Seed -
À la suite de la publication du rapport sur les
conditions de vie dans les résidences de soins de
longue durée en Ontario cette semaine, le
journaliste de la CBC pour les affaires de la
défense, Murray Brewster, qui avait été intégré à
l'armée canadienne en Afghanistan par le ministère
de la Défense nationale, a écrit le 27
mai : « Envoyer des soldats dans les centres
de soins de longue durée a semblé une idée étrange
- jusqu'à ce qu'ils nous disent ce qu'ils y ont
vu. »[1]
Il écrit : « La perspective d'une action
concentrée mais compatissante qu'apportent les
soldats face à des conditions inhumaines était
précisément l'outil qu'il fallait pour arracher le
couvercle sur les conditions dans certains foyers
de soins de longue durée ... » Il prend soin
de citer la fille d'une victime de la COVID-19 qui
le dit et va même jusqu'à l'utiliser pour rejeter
tout le blâme pour la débâcle de la politique
délibérée des élites dirigeantes qui ont permis la
privatisation des soins de santé et des soins de
longue durée sur le dos des simples Canadiens à
qui on reproche de n'avoir rien dit pendant tout
ce temps, alors qu'en réalité ils ont tout fait
pour dénoncer les conditions criminelles dans le
système de santé et foyers de soins de longue
durée.
Brewster cite Sylvia Lyon, la fille de la
victime, demanderesse dans un recours collectif à
la suite du décès de sa mère à la résidence
Orchard Villa à Pickering, en Ontario : «
Nous lisons des articles de journaux. Nous voyons
les reportages. Les médias ont parfois des
exposés, et nous disons : 'Oh, c'est
terrible', puis nous retournons tous dans nos
petites bulles, alors je pense que nous sommes
tous coupables. »
« Suis-je en colère ? Je suis en colère
contre moi-même. Je suis en colère contre nous
tous. Je suis en colère contre la légèreté des
êtres humains [qui] ne portent pas l'attention
requise aux problèmes et que nous attendons qu'une
crise se produise. Je pense que nous sommes tous à
blâmer, et c'est une pilule très, très amère à
avaler », explique la jeune femme.
La vérité est
malheureusement plus sinistre que l'interprétation
de Brewster. La vérité est que l'armée se voit
donner un rôle toujours plus important dans la vie
civile, alors qu'on empêche les syndicats et les
organisations de la société civile de jouer le
rôle qui leur revient de droit. On prive aussi le
peuple d'une voix pour contester les partis
politiques qui font partie du cartel mafieux qui
justifie l'imposition des politiques néolibérales
qui sont à l'origine de cette débâcle. Il s'agit
également d'amener les « civils » et la « vie
civile » à accepter et à soutenir le
bellicisme du gouvernement Trudeau qui, sous
prétexte que « nous tous sommes ensemble », se
range du côté des visées de domination
mondiale des impérialistes américains au nom d'«
être ensemble ». Le premier ministre Justin
Trudeau l'a dit ouvertement lorsqu'il a déclaré
le 29 avril : « Lorsque nous regarderons
les Snowbirds survoler nos maisons, souvenons-nous
que nous traversons tout cela tous
ensemble. » C'est une tentative de priver le
peuple d'une vision sur la base de laquelle bâtir
le pays dans tous les aspects de la vie pour le
bien-être de tous.
Le premier ministre Trudeau a fait la déclaration
suivante le 30 avril, après que six
militaires à bord du NCSM Fredericton ont
perdu la vie dans l'écrasement d'un hélicoptère
lors d'un exercice de guerre de l'OTAN dans la mer
Ionienne dans le cadre de l'opération
Reassurance :
« J'ai parlé au secrétaire général Stoltenberg de
l'OTAN, qui m'a offert son aide et son soutien
pour la suite des choses. Au cours des prochains
jours, on va avoir de nombreuses questions à poser
sur la façon dont cette tragédie s'est produite.
Et je peux vous garantir qu'on va obtenir des
réponses, en temps et lieu.
« [...] En cette saison de deuil, les hommes et
les femmes des Forces armées canadiennes gardent
la tête haute.
« Portant fièrement la feuille d'érable, ils sont
reconnus à travers le monde comme étant des
modèles de civilité, de compassion et de courage.
« Qu'ils soient appelés à combattre le
terrorisme, à se tenir aux côtés de nos
partenaires et de nos alliés ou à appuyer les
opérations de la paix, ils font ce qu'ils ont
l'habitude de faire : ils avancent vers le
danger pour assurer notre sécurité.
« L'opération Reassurance montre le Canada à son
meilleur. Elle vise à augmenter la sécurité et la
stabilité en Europe centrale et en Europe de
l'Est. »
Quatre jours plus tard, la réponse « en temps et
lieu » des libéraux de Trudeau a été de
lancer l'Opération Inspiration, la tournée
aérienne pancanadienne des Snowbirds qui s'est
terminée par une tragédie à Kamloops, en
Colombie-Britannique, le 16 mai. L'exercice a
eu lieu à l'initiative du Northern Command de
NORAD de concert avec l'opération Strong America
aux États-Unis.
Trudeau, comme Trump, a qualifié à plusieurs
reprises la lutte contre la pandémie de «
guerre ». Parallèlement à la promotion de
l'OTAN en tant que soi-disant instrument de paix,
il se dit fier de mettre l'armée à la disposition
des premiers ministres de l'Ontario et du Québec
ou des communautés autochtones et assimile le
personnel militaire aux médecins et aux
travailleurs de la santé en tant que héros. Le
rapport de l'armée sur les conditions dans les
établissements de soins de longue durée en Ontario
a été rédigé par un général de brigade de haut
rang. Des « modèles de civilité, de compassion et
de courage » de Trudeau à la « perspective
d'une action concentrée, mais compatissante,
qu'apportent les soldats face à des conditions
inhumaines [qui] était précisément l'outil qu'il
fallait pour arracher le couvercle sur les
conditions dans certains foyers de soins de longue
durée ... » de la CBC, tous peuvent voir ce
que les Forces armées entendent par «
communications stratégiques » et ce que
Trudeau entend par « aide militaire au pouvoir
civil ».
À mon avis, le but du déploiement militaire
de 240 millions de dollars nommé « Opération
Laser » n'était pas celui du bon samaritain.
C'était de permettre au Canada, au Québec et à
l'Ontario d'éliminer tout rôle du peuple et de ses
organisations dans la dispensation des services de
santé – notamment les travailleurs syndiqués dont
les conventions collectives ont été arbitrairement
suspendues par des lois d'urgence – et de les
empêcher de s'unir pour apporter une vraie
solution à cet horrible problème sur la base de
garantir leurs droits et les droits de tous.
C'était une intervention néocoloniale sous
prétexte d'aide humanitaire pour nier les droits
ancestraux des communautés autochtones à un moment
d'essor dans leur résistance. Le déploiement de
l'armée n'est pas une « idée étrange » et il
ne réussira pas.
Note
1. « Why it took an
outside-the-box use of the military to rip the lid
off Canada's long-term care crisis », Murray
Brewster, CBC, 27 mai 2020. Brewster est
l'auteur de The Savage War : The Untold
Battles of Afghanistan, Wiley, 2011.
Un autre rapport abonde dans le même sens :
« Canada's soldiers have provided a wake-up call
for our long-term care system », Samir Sinha
et Michael Nicin, Globe and Mail, 28
mai 2020.
Dossier
- Diane Johnston -
Un reportage de John Paul Tasker de la CBC
publié le 25 mai 2020 expose le fait que
la compagnie Revera, un des plus importants
entrepreneurs de résidences pour aînés et de soins
de longue durée au Canada, est une filiale
appartenant entièrement à l'Office
d'investissement des régimes de pensions du
secteur public (PSP), « une société d'État
canadienne qui investit des fonds pour les régimes
de pensions des membres de la fonction publique,
des Forces armées canadiennes, de la Gendarmerie
royale du Canada et de la Force de réserve ».
Le PSP a été établi en 1999 pour investir
les fonds des régimes de pension et générer un
rendement pour financer le revenu de retraite des
fonctionnaires. Le PSP gère un actif de 168
milliards de dollars. Il est un des plus
importants investisseurs institutionnels au pays,
avec des bureaux à Montréal, à New York, à Londres
et à Hong Kong.
Revera est
propriétaire et gestionnaire de douzaines de
propriétés partout au Canada. Il a aussi
d'importantes participations aux États-Unis et au
Royaume-Uni, avec un portefeuille d'appartements
pour aînés, soins à domicile et résidences de
soins de longue durée.
Revera se décrit comme étant « un important
propriétaire, gestionnaire, développeur et
innovateur dans le secteur des aînés. Grâce à son
portefeuille de partenariats, Revera a plusieurs
milliards d'actifs et est propriétaire et
gestionnaire de plus de 500 propriétés
partout au Canada, aux États-Unis et au
Royaume-Uni. Avec près de 50 000
employés, Revera sert plus de 55 000
aînés. »
Au Québec, Revera est le propriétaire conjoint
de 33 résidences gérées par Groupe Sélection
et est actionnaire majoritaire de Sunrise Senior
Living. Dans un communiqué de presse en date
du 25 mai, le Conseil central de Montréal
métropolitain de la Confédération des syndicats
nationaux (CCMM-CSN) et la Fédération de la santé
et des services sociaux (FSSS-CSN) ont sévèrement
condamné le refus du Groupe Sélection de verser
les montants rétroactifs au 15 mars aux
travailleurs de la santé des résidences pour aînés
privées de la prime de 2 dollars de l'heure
que le gouvernement Legault leur avait accordée
le 15 mars.
L'article nous apprend qu'en Ontario, un recours
collectif de 50 millions de dollars a été
intenté contre Revera au début de mai au nom des
familles des victimes de la COVID-19 dans les
établissements de longue durée de la compagnie.
Celle-ci est poursuivie pour négligence et rupture
de contrat. Les demandeurs allèguent que les
établissements n'avaient pas « les protocoles
d'hygiène ni les tests adéquats pour prévenir la
propagation de la COVID-19 ».
Un recours collectif de 25 millions de
dollars a aussi été intenté contre la compagnie
relativement à sa gestion du centre de soins de
longue durée McKenzie Towne à Calgary, où 21
résidents sont décédés de la COVID-19 et 63
autres ont été infectés, ainsi que 44
employés. Le 25 mai, pendant la mise à jour
sur la réponse fédérale à la COVID-19, la
journaliste de la CBC Julie Van Dusen a demandé au
président du Conseil du Trésor Jean-Yves Duclos si
Revera était toujours sous la responsabilité de
l'Office d'investissement des régimes de pensions
du secteur public, qui relève de lui, ce que
Duclos a confirmé. La journaliste lui a alors
demandé s'il était en pourparlers directs avec
Revera sur la question d'améliorer les conditions
dans ses établissements « considérant qu'un
recours collectif important pèse contre lui et
considérant tous les décès de la COVID ».
« Il y a deux choses, a répondu Duclos. La
première est que je ne peux commenter les
circonstances spécifiques et les détails d'une
poursuite ou d'un recours collectif. Ce serait,
évidemment, inapproprié pour un ministre d'en
parler. Mais je peux dire cependant, et vous le
savez très bien et c'est très important, que nous
sommes extrêmement attristés des circonstances
difficiles [...] vécues par nos aînés depuis
quelques semaines. Nous savons que ceci requiert
un niveau de leadership qui appuie fermement la
responsabilité et la juridiction absolument
importantes des provinces et des territoires. Et
bien que nous soyons conscients du fait que le
gouvernement fédéral doit travailler
respectueusement, nous avons fait savoir plus
d'une fois que nous voulons faire tout ce que nous
pouvons pour appuyer le travail des provinces et
des territoires dans la gestion du secteur de la
santé. »
C'est le genre de double langage libéral que les
Canadiens doivent endurer durant les séances
d'information quotidiennes du gouvernement. Il est
typique d'une autorité corrompue de ne pas parler
franchement et de refuser de prendre la
responsabilité sociale de quoi que ce soit. Où les
fonds de pension sont investis est un gros
problème au Canada. Ce sont d'importantes sommes
d'argent qui sont investies dans des entreprises
odieuses, mais tout cela est rejeté du revers de
la main comme des « décisions d'affaires » et
présenté frauduleusement en disant que ce qui est
bon pour les affaires est prétendument bon pour
les Canadiens. Cela montre comment l'autorité ne
cadre pas avec les conditions et que cette
autorité n'est pas apte à gouverner.
Piquetage, le 26 mai 2020, devant la
résidence de soins de longue durée Guildwood gérée
par Extendicare où 29 personnes, atteintes de
la COVID-19, ont perdu la vie
Le 28 mai, l'Union internationale des
employés des services - Division santé (UIES), qui
représente plus de 60 000 travailleurs de la
santé aux premières lignes en Ontario, a publié
une déclaration exigeant de mettre fin aux
dividendes des actionnaires en soins de longue
durée, après que le monopole Extendicare a révélé
à son Assemblée générale annuelle (AGA) qu'il
n'avait dépensé que 300 000 dollars de
son argent pour faire face à la COVID-19, alors
qu'il avait distribué plus de 10 000 000
de dollars aux actionnaires pendant la pandémie.
L'UIES a dit
qu'il avait été révélé, lors de l'AGA
d'Extendicare, que l'entreprise avait encouru en
dépenses supplémentaires liées aux mesures de la
COVID-19 environ 700 000 dollars,
dont 400 000 dollars ont été couverts
par la province. Aussi, lorsqu'on lui a demandé si
une évaluation des dangers de la pandémie avait
été faite à la suite du dépôt du rapport de la
Commission sur le SRAS en 2007, le président
et PDG a répondu « nos plans de risques
n'anticipaient pas ce genre de comportement de la
part d'un agent infectieux ».
L'UIES souligne que même après que 80
personnes sont mortes dans des établissements
d'Extendicare après avoir été infectées par la
COVID-19, la compagnie ne s'engageait pas à
réduire le 8 % de dividende aux
actionnaires,
représentant 10 000 0000 de
dollars.
La présidente de l'UIES-Santé, Sharleen Stewart,
a dit : « Ce que j'ai entendu aujourd'hui
était à la fois alarmant et une affirmation de
l'état sordide du système des soins de longue
durée. Les résidents tombent malades et meurent.
Les travailleurs tombent malades et meurent.
Assez, c'est assez.
« Les dividendes des sociétés comme Extendicare,
Chartwell et Sienna ne peuvent plus faire partie
de l'équation de la prestation des soins de santé.
L'UIES-Santé demandera à tous les gouvernements
d'arrêter de donner de l'argent aux entreprises de
santé qui versent de gros dividendes à des
actionnaires privés. »
(Photos : SIEU Healtcare)
Croix posées à la mémoire des personnes décédées à
Camilla Care Community,
une résidence de soins de longue durée à
Mississauga où 50 résidents sont décédés de
la COVID-19 en date du 11 mai 2020. Le
29 mai, on y comptait 64 résidents morts de la
COVID-19.
À la lumière de l'engagement du premier ministre
de l'Ontario, Doug Ford, à lancer une enquête
indépendante, non partisane et transparente sur
les soins de longue durée, la Coalition ontarienne
de la santé (COS) a publié le 28 mai une
lettre ouverte mettant de l'avant des
revendications spécifiques pour une action
immédiate qui ne peut et ne doit attendre
l'enquête de la commission. Au moins 100
organisations de la santé, des conseils familiaux,
des professionnels de la santé et des
organisations sociales, des cliniques juridiques,
des groupes d'aînés et de retraités, ainsi que des
organisations culturelles et autres, ont appuyé et
signé la lettre ouverte de la COS.
La Coalition ontarienne de la santé maintient que
la commission d'enquête doit être avisée qu'elle
doit recueillir les opinions et les déclarations
des familles, des résidents, du personnel et de
leurs associations et syndicats, des groupes
d'intérêt public et des défenseurs de la santé et
que le procès-verbal intégral des procédures doit
être disponible au public. La COS maintient aussi
que « la ministre des Soins de longue durée doit
se servir de ses pouvoirs pour révoquer les permis
des résidences de soins de longue durée et
assigner de nouveaux gestionnaires à ces
résidences où il y a eu des éclosions incontrôlées
et des preuves de négligence et de mauvaises
pratiques ».
Dans sa lettre, la
Coalition met de l'avant certaines revendications
spécifiques pour une action immédiate de la part
du gouvernement provincial pour que celui-ci
veille à ce que les résidents des soins de longue
durée obtiennent des soins et un traitement
humain. Parmi les mesures demandées il y a :
- Que le manque de personnel chronique soit réglé
immédiatement. La solution du problème ne peut
être laissée entre les mains des entrepreneurs
institutionnels.
- Une action immédiate est requise pour améliorer
les pratiques de contrôle des infections, la
sécurité au travail et l'accès à l'équipement de
protection individuelle. La « réutilisation de
masques chirurgicaux patient après patient,
résident après résident » est totalement
inacceptable.
- Le personnel qui devient infecté doit être
appuyé financièrement et doit pouvoir prendre le
temps de se confiner à la maison. Le ministère
permet actuellement à des établissements de santé
d'exiger que le personnel qui a eu un résultat de
test positif, mais qui est asymptomatique,
continue de se présenter au travail !
- Une intervention pour augmenter à plein régime
le nombre de dépistages et de traçages dans la
province.
- Que la province lève son interdiction sur le
transfert de résidents des soins de longue durée
infectés par la COVID-19 aux hôpitaux où ils
peuvent obtenir les soins médicaux appropriés.
L'idée directrice et l'esprit de la lettre
ouverte de la COS sont que la province doit agir
immédiatement pour établir un minimum de normes au
niveau des soins dans les établissements de soins
de longue durée. « Ceci ne peut pas être laissé
uniquement aux entrepreneurs. » Selon la COS,
les ressources à la fois humaines et financières
doivent être déployées par la province pour
appuyer cette démarche. Voir le
texte intégral de la lettre ouverte et la
liste d'organisations qui ont signé leur appui.
(Photos : LML, SIEU
Healthcare)
- Pierre Chénier -
Les professionnelles en soins organisent une
journée d'action à l'échelle du Québec, le 27
mai 2020, sous le thème « Mortes de
fatigue », pour demander au gouvernement du
Québec qu'il respecte leurs vacances et leurs
horaires de travail.
Utilisant la COVID-19 comme prétexte, l'élite
dirigeante a abondamment recours aux pouvoirs
exécutifs pour attaquer les travailleurs pendant
cette période de crise. Ce phénomène est
particulièrement flagrant au Québec où l'exécutif
gouvernemental a adopté une série de décrets et
d'arrêtés ministériels, dont le tristement célèbre
Arrêté numéro 2020-007 de la ministre de la
Santé et des Services sociaux en date du 21
mars 2020. Cet arrêté donne au gouvernement
l'entier pouvoir d'annuler unilatéralement les
conventions collectives des travailleurs de la
santé et des services sociaux et de changer leurs
conditions de travail à volonté. Il donne
notamment le pouvoir à la ministre de suspendre ou
d'annuler de façon unilatérale les congés et les
vacances des travailleurs et d'affecter le
personnel partout où les administrations le
décident, sans égard à la notion de poste, de
quart de travail ou de toute autre disposition
limitant la mobilité du personnel. Le pouvoir
exécutif n'a jamais expliqué pourquoi l'adoption
de cet arrêté était nécessaire. Depuis le début de
la pandémie, les travailleurs de la santé et des
services sociaux ont dit clairement qu'ils étaient
prêts à changer certaines de leurs conditions de
travail si la situation l'exige, tout en ajoutant
qu'ils veulent avoir leur mot à dire et exercer le
contrôle sur ces affectations pour s'assurer
qu'elles ne soient pas abusives on inhumaines. Ils
ont souligné qu'ils ont été des plus coopératifs,
même lorsqu'ils ont pensé que des affectations
différentes étaient requises, mais qu'ils ne
veulent pas qu'on tienne leur acceptation pour
acquise.
Alors que les
travailleurs cherchent à utiliser leur nombre et
leur organisation pour protéger la santé de la
population et contenir la pandémie, le
gouvernement cherche à les forcer à se soumettre à
ses décrets et à s'assurer qu'ils ne seront pas
capables de se mobiliser pour défendre leurs
droits et les droits de tous. L'objectif de
l'utilisation du pouvoir exécutif est de priver le
peuple de pouvoir afin qu'il ne puisse pas faire
obstacle aux programmes pour payer les riches.
C'est la raison pour laquelle les travailleurs
sont ignorés, que leurs préoccupations sont
marginalisées, qu'ils sont forcés au silence et
même criminalisés quand ils osent prendre la
parole ou agir contre la détérioration des
conditions dans le réseau de la santé et des
services sociaux.
Il est important de comprendre comment ce
processus fonctionne. L'arrêté ministériel donne
le pouvoir d'annuler les conventions collectives
et de changer unilatéralement les conditions de
travail. Ce sont alors la ministre et les
administrations de la santé qui imposent ces
changements dans les établissements de santé.
Le 20 mai dernier, lors de la conférence de
presse ministérielle quotidienne sur la pandémie,
la vice-première ministre et ministre de la
Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a
dit : « Je veux aussi faire une mise au point
sur les vacances de nos infirmières parce qu'il y
a des informations qui ont circulé par rapport à
cette question-là, qui ont été diffusées, entre
autres hier, sur les vacances que pourront prendre
nos infirmières cet été. Donc, je veux être très,
très claire là-dessus. Nos infirmières vont
pouvoir bénéficier cet été d'un repos qui est
amplement mérité. Donc, il n'est pas question
d'empêcher nos infirmières de prendre des
vacances. »
S'il n'est pas question d'empêcher les
infirmières de prendre leurs vacances, pourquoi
est-il écrit dans l'arrêté
ministériel 2020-007 que « les articles
relatifs aux congés de toute nature, avec ou sans
solde, incluant les vacances, sont modifiés
pour permettre à l'employeur de suspendre ou
d'annuler les congés déjà autorisés, ainsi que
de refuser l'octroi de nouveaux congés ».
[Notre souligné]
Les infirmières membres de la Fédération
interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
rapportent que, dans différents établissements de
santé, la suspension et l'annulation des congés
sont déjà une réalité. Le 15 mai, dix
dirigeants de syndicats locaux de la CSN dans la
santé et les services sociaux à Montréal et à
Laval ont mis en garde le gouvernement du Québec
contre toute suspension ou annulation de vacances
prévues dans leurs conventions collectives. Les
infirmières de la Côte-Nord et du Nord-du-Québec
ont aussi indiqué que les PDG de différentes
institutions leur disent, qu'en vertu des arrêtés
ministériels, ils ont le pouvoir de faire ce
qu'ils veulent et qu'ils n'ont pas besoin de
consulter les infirmières.
Cette utilisation des pouvoirs exécutifs pour
suspendre ou annuler les vacances et le diktat des
conditions de travail sont la méthode consacrée de
l'offensive antisociale et du gouvernement par
décret qui est imposée par le gouvernement. Ce
sont des attaques contre les travailleurs qui
visent à assurer que les objectifs des riches de
s'enrichir ne sont pas entravés. Lorsque le
gouvernement libéral a imposé sa réforme du
système de santé en 2015, il a créé des
méga-établissements qui sont directement sous le
contrôle du ministre de la Santé. Le ministre est
devenu la seule autorité dotée du pouvoir de
décider des budgets qui sont alloués à ces
établissements, que les travailleurs considèrent
comme très insuffisants pour combler les besoins
du système. La réforme du gouvernement a été
assortie de clauses qui interdisent aux
établissements de faire des déficits budgétaires
et qui les forcent à éliminer du personnel et à
couper des services. Cela veut dire que bien que
d'énormes compressions ont été faites dans les
établissements, le pouvoir exécutif a pu dire
qu'il n'y a joué aucun rôle.
La même chose est
en train de se produire en ce moment, alors que le
gouvernement tient des négociations avec les
syndicats du secteur de la santé. La menace d'un
décret des conditions de travail est constante.
Sous l'argument frauduleux d'un manque de fonds,
et sous prétexte d'augmenter les salaires des
préposés aux bénéficiaires, qui doivent
certainement être très augmentés, le gouvernement
du Québec propose une augmentation de salaire
essentiellement équivalente à la seule
augmentation du coût de la vie à tous les autres
travailleurs du secteur, de même que le statu quo
dans les conditions de travail. Sur cette base
frauduleuse, l'urgent besoin d'augmenter les
salaires et d'améliorer les conditions de travail
de tous les travailleurs est nié. Cette fraude
détourne l'attention du problème essentiel de qui
doit décider quels fonds sont disponibles et à
quelles fins.
Récemment, le gouvernement a proposé
l'organisation de comités sectoriels avec les
syndicats afin d'examiner les conditions de
travail. On ne voit pas encore clairement comment
cela va se traduire en une ronde de négociation.
Sous prétexte que nous vivons une crise et que ce
n'est pas le moment de tenir de longues
négociations et qu'il faut s'occuper de manière
urgente de la situation des préposés aux
bénéficiaires, l'épée de Damoclès d'un décret des
salaires et des conditions de travail pend
constamment au-dessus des têtes des travailleurs.
Les travailleurs qui refusent ce diktat seront
tenus responsables de tous les décès évitables qui
se produiront dans le réseau, qu'ils soient causés
ou non par la pandémie. C'est ce que le
gouvernement Ford a fait en Ontario quand il a
blâmé les inspecteurs pour les désastres dans les
établissements de soins de longue durée, déclarant
qu'ils n'ont pas fait leur travail alors que le
gouvernement a lui-même abandonné les inspections
annuelles de chaque établissement suivant la
décision arbitraire qu'ils étaient pour la majeure
partie « à faible risque ».
En plus de cet abus de pouvoir exercé contre ceux
qui font le travail et contre le public, le trait
commun qui relie tous ces exemples de pouvoir
exécutif est le diktat imposé aux travailleurs
selon lequel ils doivent se débrouiller tout
seuls. Les travailleurs qui sont affectés
arbitrairement dans toutes les directions ne sont
pas appuyés par les autorités responsables du
secteur ou par les administrations d'où ils
proviennent et qu'ils rejoignent. En même temps,
un diktat est exercé sur les syndicats pour qu'ils
n'interviennent pas à la défense de ces
travailleurs. Le sens du devoir de ces
travailleurs envers la santé et la sécurité du
public est soumis à rude épreuve chaque jour,
dès qu'ils mettent le pied à leur endroit de
travail. Ils prennent la parole avec raison en
leur propre nom, individuellement ou par le biais
de leurs syndicats, et Forum ouvrier et Le
Marxiste-Léniniste jouent aussi un rôle
important pour briser le silence sur ce qui se
passe vraiment.
L'abus du pouvoir exécutif est un trait du régime
totalitaire au service de l'oligarchie financière
qui doit être mis en échec. Il doit être aboli et
cette demande doit être au centre du mouvement
ouvrier. Chose sûre, cet abus des pouvoirs
exécutifs reviendra hanter le gouvernement du
Québec.
(Photos : FIQ, J-F Couto)
- Christine Dandenault -
Les travailleuses de la santé manifestent devant
les bureaux du premier ministre
François Legault à Québec le 19
mai 2020.
Lors de sa conférence de presse quotidienne sur
la pandémie de la COVID-19, le 19 mai, le
premier ministre du Québec, François Legault, a
critiqué une manifestation que les infirmières ont
tenue dans la matinée devant les bureaux du
premier ministre à Québec.
Les infirmières, membres de la Fédération
interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
et de la FIQ Secteur privé (FIQP), se sont
rassemblées devant les bureaux du premier ministre
pour demander au gouvernement, et en particulier à
la ministre de la Santé, Danielle McCann, de
mettre fin à l'arrêté ministériel 007 et de
redonner leurs droits aux professionnelles en
soins. Décrété le 21 mars dernier, cet arrêté
ministériel donne à l'exécutif gouvernemental, au
nom de l'urgence sanitaire qu'il a déclaré, le
pouvoir de modifier unilatéralement les
conventions collectives et les conditions de
travail dans le réseau de la santé et des services
sociaux. Il donne notamment le pouvoir de modifier
unilatéralement les articles relatifs aux congés
et aux vacances, pour permettre leur suspension ou
leur annulation, et de modifier les articles
relatifs au mouvement de personnel pour permettre
l'affectation du personnel partout où le décident
les administrations, sans égard à la notion de
poste ou de quart de travail ou de toute autre
disposition limitant la mobilité du personnel.
Pendant la
manifestation, les membres de la FIQ ont demandé à
la ministre McCann et au premier ministre
d'arrêter de procéder par arrêtés ministériels en
ce qui concerne les conditions des
professionnelles en soins, de les écouter, elles
qui font partie de ceux et celles qui tiennent le
système de santé à bout de bras depuis des
décennies, et de reconnaître leurs droits. La
manifestation a aussi dénoncé la décision de la
ministre d'instaurer une ligne courriel
confidentielle de dénonciation. C'est une
tentative de plus de briser les syndicats sous
prétexte de protéger les infirmières, les
travailleurs de la santé et les soi-disant
lanceurs d'alerte. Cela montre que tout a été
réduit à une question d'accords secrets parce que
les institutions ne sont plus publiques et que la
responsabilité n'y existe plus.
« Le Québec est en processus de déconfinement et
on reprend graduellement les activités régulières
dans le réseau de la santé. Pendant ce temps, les
professionnelles en soins sont toujours privées de
leurs droits. Leur employeur les oblige à faire du
temps complet, met fin aux congés, aux fériés,
bouleverse leur horaire et leurs vacances. Ce
n'est pas de cette façon qu'elles traverseront
l'épreuve de la pandémie, il faut faire cesser
rapidement l'arrêté et leur faire retrouver, à
elles aussi, leurs conditions de travail », a
dit Nancy Bédard, présidente de la FIQ.
Au lieu d'appuyer les revendications des
infirmières, qu'il se plaît à appeler « nos anges
gardiens », le premier ministre a utilisé son
temps d'antenne quotidien sur le développement de
la situation de la COVID-19, dont on dit qu'il est
suivi par des millions de personnes au Québec,
pour s'en prendre aux infirmières et faire de la
désinformation sur le but de la manifestation, et
sur les préoccupations et les revendications des
membres de la FIQ.
« Tantôt, devant nos bureaux, le syndicat des
infirmières, la FIQ, a fait une manifestation,
a-t-il dit. Bon, évidemment, ça me déçoit. La
principale revendication de la FIQ, c'est
d'augmenter les ratios, donc, augmenter le nombre
d'infirmières. Ce qu'il faut comprendre, c'est que
depuis qu'on est au gouvernement, depuis un an et
demi, on a beaucoup augmenté le nombre de postes,
à peu près à tous les niveaux, infirmières,
préposés et autres, mais malheureusement, beaucoup
de postes sont restés non comblés. Donc, c'est un
peu théorique de dire : il faudrait augmenter
encore plus le nombre de postes, alors que les
postes qui sont déjà affichés ne sont pas comblés.
Donc, je comprends, là, que cette revendication-là
est une revendication qui date d'il y a longtemps,
mais il faut d'abord reconnaître qu'on a beaucoup
augmenté les postes, puis les postes ne sont pas
comblés. »
La manifestation ne portait pas principalement
sur les ratios infirmières/patients. Elle portait
sur la nécessité de mettre fin aux arrêtés
ministériels qui décrètent les conditions de
travail et les bouleversent à volonté. Elle
portait sur l'abus de pouvoir de l'exécutif
gouvernemental. Là-dessus, le premier ministre n'a
pas dit un mot.
Sur la question même des ratios, il a fait de la
désinformation, en disant que son gouvernement
fait tout pour augmenter les postes d'infirmières,
notamment à temps plein, mais que les postes ne
sont pas pourvus. Comme s'il ne savait pas que les
infirmières qui postulent pour des postes à temps
plein mettent la main dans l'engrenage et sont
happées par le temps supplémentaire obligatoire,
les heures impossibles et leurs conséquences
désastreuses sur leur santé physique et mentale,
sans parler des conséquences sur les soins aux
patients.
C'est inacceptable pour un premier ministre
d'utiliser un point de presse qui est censé donner
de l'information sur l'état de la pandémie et sur
les mesures prises pour la combattre, de s'en
prendre à ceux et celles qui nous protègent, sans
même qu'elles soient présentes pour donner leur
point de vue. Le premier ministre doit rendre des
comptes de ses tentatives pathétiques de répéter ad
nauseam que les travailleurs sont
irrationnels et ne font que se plaindre pour des
motifs intéressés et pour des avantages
économiques pour eux-mêmes.
Les lettres de créance du premier ministre sont
qu'il fait partie des politiciens qui, au-delà de
l'appartenance souvent provisoire à tel ou tel
parti cartel selon ce qui les rapproche ou les
maintient au pouvoir, font partie de la machine
des exécutifs gouvernementaux qui ont saccagé les
programmes sociaux et les services publics
depuis 30 ans et plus au service des intérêts
privés étroits. Il va sans dire que ces lettres de
créance ne vous préparent pas à être modeste et
cultivé, et à reconnaître que les travailleurs ont
des droits qui doivent être affirmés. Les droits
ne peuvent ni être donnés, ni enlevés, ni
abandonnés de quelque façon que ce soit. Ce sont
ceux que nous mandatons de faire le travail qui
doivent avoir le dernier mot sur les conditions de
travail dans le réseau de la santé.
Les travailleurs du Québec n'ont pas oublié et
n'ont pas pardonné ces décennies de destruction
antisociale. Ils n'acceptent pas qu'au nom de la
lutte à la pandémie et de l'urgence de la
situation, ils n'aient pas leur mot à dire sur
leurs conditions de travail.
(Photos : FIQ)
Les succès de Cuba en santé
- Isaac Saney, Réseau canadien
pour Cuba -
Des membres de la Brigade Henry Reeves à La Havane
le 25 avril 2020 se préparant à leur
départ vers l'Afrique du Sud pour combattre la
pandémie de la COVID-19
La lettre qui suit a été envoyée au Globe and
Mail le 13 mai par Isaac Saney, coprésident et
porte-parole du Réseau canadien pour Cuba et
spécialiste des questions cubaines à
l'Université de Dalhousie à Halifax.
J'ai été un peu surpris de constater que
l'article du Globe and Mail du 12
mai, intitulé « L'Interféron, un traitement
potentiel pour la COVID-19 », ne fait aucune
mention de l'Interféron Alfa 2B Recombinant
(IFNrec) cubain, qui prend de plus en plus de
place sur le plan international dans la lutte
contre la COVID-19. Des articles ont été publiés
dans Newsweek, Le Monde diplomatique,
International Busines Times, et des
journaux scientifiques importants comme Lancet
et le World Journal of Pediatrics. Il a
été utilisé contre diverses infections virales
pour lesquelles des thérapies spécifiques ne sont
pas disponibles. Il a été prouvé qu'il peut
activer le système immunitaire du patient et
inhiber la réplication virale. À Cuba, l'IFNrec a
été utilisé pour combattre l'éclosion de la dengue
hémorragique et de la conjonctivite, ainsi que
pour traiter l'hépatite B et C. Il a aussi prouvé
son efficacité à combattre et protéger contre les
infections causées par diverses versions du
coronavirus, telles que le SRAS-CoV (le
coronavirus de l'éclosion de 2002) et le SRAS
et MERS-CoV (le coronavirus de l'éclosion
de 2012).
Bien que l'IFNrec
n'est pas une panacée, des rapports préliminaires
sont prometteurs, indiquant une efficacité (en
lien avec d'autres médicaments) dans le traitement
de la COVID-19. À Cuba et dans ses missions
médicales dans plus de 25 pays, l'IFNrec est
une partie intégrante des protocoles de traitement
et sert aussi en tant que mesure préventive pour
protéger les travailleurs de la santé contre la
contagion. La Chine et l'Espagne ont incorporé
l'IFNrec dans leurs protocoles nationaux et leurs
directives cliniques pour le traitement de la
COVID-19, où il est une composante essentielle du
traitement antiviral pour combattre la COVID-19.
En Chine, l'IFNrec, utilisé avec le
Lopinavi/Ritonavir, fait partie d'un traitement
nébulisé recommandé aux patients ayant une
pneumonie liée à la COVID-19. L'Interféron
Alfa 2B nébulisé est aussi recommandé en tant
que traitement pour les enfants et les femmes
enceintes ayant la COVID-19. Bien que l'IFNrec
n'est pas le seul médicament utilisé pour
confronter la pandémie de la COVID-19 en Chine,
c'est un des médicaments le plus utilisé dans le
traitement de la COVID-19, surtout sous forme
aérosol. Ainsi, même si l'IFNrec n'est pas un
remède curatif, les preuves sont nombreuses quant
à son immense potentiel en tant que réponse
thérapeutique à la COVID-19.
Plusieurs
pays
s'appuient maintenant sur l'expertise de Cuba
dans la lutte contre la COVID-19 car la nation
insulaire possède des traitements de la
COVID-19, lesquels ne sont pas disponibles au
Canada ou aux États-Unis.
À présent, plus de 80 pays ont demandé
de pouvoir utiliser ces traitements pour
confronter la pandémie de la COVID-19.
(Photos : J. Hernandez, Adan)
- Iroël Sanchez -
Fidel au Centre national de génétique médicale
avec le Dr Juan C. Dupuy Nunez, un des fondateurs
du Contingent médical international Henry Reeve
spécialisé dans les catastrophes et les épidémies
graves (Granma
Archives)
Le fait que la réponse de Cuba à la lutte contre
la COVID-19 est bien supérieure à celle de la
plupart des pays voisins, y compris les États-Unis
et aussi de plusieurs pays d'Europe, est une
réalité qui gagne progressivement du terrain. Un
système de santé basé sur la prévention, avec une
présence de cabinets médicaux dans tous les pâtés
de maisons, structuré depuis les communautés par
des polycliniques d'enseignement dans chaque
agglomération ou quartier, des hôpitaux généraux
et spécialisés dans tous les chefs-lieux de
province et certaines des villes les plus
importantes, ainsi que des facultés de médecine,
avec des laboratoires de pointe chargés de la
recherche biomédicale, a permis un dépistage actif
et constant des patients asymptomatiques, ainsi
que leur isolement et leur traitement précoces
grâce à des protocoles et des médicaments cubains,
en plus de la création de sa propre technologie
pour effectuer des tests capables de détecter les
patients porteurs du virus, avec un minimum de
dépenses en réactifs dans les laboratoires
préexistants dans toutes les municipalités du
pays.
Cuba, à qui les États-Unis ont soustrait la
moitié de ses médecins dans les années qui ont
suivi immédiatement le triomphe de la Révolution
de 1959, la laissant avec à
peine 3 000 médecins, en compte
aujourd'hui 95 000, avec la moyenne de
médecins par habitant la plus élevée de la
planète.
Alors que dans le monde entier la plupart des
essais cliniques thérapeutiques cherchent des
traitements pour contenir la tempête de cytokines
— l'hyperréaction inflammatoire due à la COVID-19
— chez les patients atteints de cette maladie,
Cuba a résolu le problème avec un médicament qui
lui est propre (le cigb-258), et travaille à un
rythme accéléré, de même que des grandes
puissances comme les États-Unis, l'Allemagne, la
Chine, la Russie et le Royaume-Uni, pour disposer
d'un vaccin pour la prévention de la maladie, et
développe également son prototype de ventilateur
pulmonaire pour les unités de soins intensifs.
Tout ce qui précède, ainsi que la création de
centres de recherche en biotechnologie de niveau
mondial, la formation de milliers de
scientifiques hautement qualifiés et engagés dans
la santé de leur peuple qui sont restés à Cuba,
confrontés à des pénuries et des manques, malgré
la politique systématique de vol de cerveaux
encouragée par le Nord contre tous les pays du
Sud, en dépit du blocus des États-Unis contre Cuba
qui se renforce, tout cela est le résultat de la
vision de Fidel qui, depuis le début des
années 1980, a encouragé la production
nationale de médicaments tels que
l'interféron ; des vaccins innovants contre
des maladies telles que l'hépatite B et la
méningite à méningocoques ; des anticorps
monoclonaux pour le traitement de différents types
de cancer et des médicaments uniques au monde,
comme celui qui empêche l'amputation des pieds
diabétiques dans un très grand nombre de cas,
parmi bien d'autres résultats. Il a également
stimulé des recherches innovantes, concernant le
cerveau et d'autres sur nos propres moyens de
diagnostic qui permettent de détecter précocement
les malformations congénitales du foetus, les
maladies présentes dans le sang comme le VIH et
d'autres, auxquelles viennent de s'ajouter des
recherches sur la COVID-19. Tous ces traitements
sont accessibles, le plus souvent gratuitement ou
à un coût symbolique, aux Cubains au niveau
communautaire. Signalons par ailleurs que les
enfants sont vaccinés gratuitement contre 13
maladies.
C'est également au milieu des années 1980
que Fidel a commencé à affirmer que le pays serait
une puissance médicale mondiale, alors qu'à Cuba
le nombre d'écoles de médecine se multipliait et
que celui des étudiants dans les spécialités liées
à la santé augmentait, au milieu des doutes d'un
bon nombre de sceptiques et des moqueries de ses
ennemis
Lorsque, quelques années plus tard, la
disparition de l'URSS a déclenché la crise
économique la plus profonde de l'histoire de Cuba,
des centres de recherche scientifique ont continué
à être ouverts, tandis que le commandant
répétait : « Ce pays vivra des créations de
son intelligence ». L'exportation des
services médicaux est aujourd'hui la principale
source de devises pour l'économie cubaine, malgré
la traque du gouvernement étasunien. Par ailleurs,
la mise au point de produits innovants dans le
domaine de la biomédecine est également une source
de devises importante.
À cela s'ajoute la coopération solidaire dans le
secteur de la santé, dont Cuba est leader mondial,
avec une présence dans les endroits les plus
reculés des pays pauvres. Par ailleurs, elle offre
des milliers de bourses d'études pour des
étudiants en médecine, en plus du travail du
Contingent internationaliste Henry Reeve
spécialisé dans les situations de catastrophes et
de graves épidémies.
Il n'est pas exagéré de relier tout cela à Fidel,
parce que les Cubains l'ont vu donner des
explications à la télévision dans des discours
bien argumentés, alors qu'il inaugurait des
cabinets de médecins, des hôpitaux, des
polycliniques et des centres scientifiques, et ils
ont écouté ses discours lors des remises de
diplômes de médecins, non pas avec la démagogie de
l'homme politique capitaliste qui en profite pour
se constituer un capital social, mais avec la
connaissance millimétrique de celui qui a conçu et
promu ce projet jusqu'au moindre détail et qu'il
en connaît la raison et l'objectif, avec toujours
en tête les bienfaits qu'il peut apporter au
citoyen le plus humble.
Si cela ne suffisait pas, il existe des
institutions universitaires dans tout le pays,
avec des capacités d'hébergement permettant de
loger gratuitement les étudiants venant de
provinces éloignées, lesquelles ont été
transformées en centre d'isolement pendant la
pandémie. Signalons l'université de sciences
informatiques, conçue par Fidel, où des milliers
de professionnels ont été formés. Au cours de ces
derniers mois, des applications pour téléphone
portable y ont été mises au point, l'une
permettant à la population de se dépister
elle-même, l'autre fournissant des informations
sur l'épidémie. C'est aussi Fidel qui a encouragé
l'élaboration de cours pour l'enseignement à
distance par la télévision, ce qui permet
aujourd'hui aux élèves de l'enseignement général
et artistique de poursuivre leur apprentissage à
domicile.
Et après la pandémie ?
Tout cela est très bien, dirait un observateur,
Cuba résoudra sans doute la crise sanitaire avant
d'autres pays, mais que va-t-il se passer ensuite,
lorsque l'impact du renforcement des sanctions
étasuniennes — qui frappaient déjà l'économie
cubaine — sera aggravé par la crise économique
mondiale augmentée par la pandémie avec un impact
négatif sur des activités comme le tourisme, qui
ont un poids très important sur les recettes en
devises du pays ? Dans cette situation, faire
face aux dommages économiques constitue un énorme
défi pour tous les pays et l'est encore plus pour
Cuba qui souffre du plus long blocus économique de
l'histoire.
Comme la direction du pays en a fait part, il est
essentiel de faire des progrès décisifs dans la
mise en oeuvre des transformations économiques
décidées lors du 7e Congrès du Parti
communiste, y compris dans des conditions
nouvelles et plus défavorables.
Le gouvernement cubain a donné la priorité
économique à la production nationale d'aliments,
la plus grande partie, avec le carburant, de la
facture des importations, qui ne pourra plus être
supportée par nos faibles finances ; à la
promotion des exportations et à l'ouverture au
tourisme en toute sécurité lorsque les conditions
le permettront. Dans ce cas aussi, les idées de
Fidel pourraient jouer un rôle très important.
La production intensive de plantes protéiques, un
objectif auquel Fidel a consacré ses efforts au
cours de ses dernières années ont, selon la FAO,
un fort potentiel en tant qu'aliment pour animaux.
Depuis 2011, Fidel a travaillé avec des
scientifiques cubains à des recherches sur des
plantes comme la moringa, le mûrier et la tithonia
en tant qu'aliments pour les animaux
monogastriques (poulet, porc) et polygastriques
(bovins et ovins). Certains, comme cela s'est
produit avec ses idées sur la santé ou sur la
biotechnologie se sont également moqués, mais la
recherche scientifique confirme que les trois
plantes dépassent en productivité par hectare le
soja, le tournesol et la luzerne, et permettent
jusqu'à huit coupes par an avec une forte densité
dans leur culture.
Les connaissances novatrices, profondes, vastes
et uniques accumulées par Cuba dans ce domaine
pourraient être très attractives pour les
investissements étrangers, tant pour la
satisfaction du marché intérieur que pour
l'exportation. Les projets de développement local,
facilités par les facultés accordées aux
municipalités dans la Constitution, pourraient
également avoir de nouvelles possibilités dans ce
domaine. Depuis 2018, le gouvernement cubain
a créé le centre de Science, Technologie et
Innovation Sierra Maestra, pour donner continuité
à ce travail initié par Fidel.
C'est également Fidel qui a eu l'idée de
l'exploitation touristique de cayos, accessibles
par des routes sur la mer, construites dans les
dures années 90. Ces îlots disposent
aujourd'hui d'une solide infrastructure, notamment
d'aéroports, de plages pratiquement vierges dans
des sites sans population résidente, dans le nord
de l'Île qui permettraient une première ouverture
aux visiteurs internationaux sans mettre en danger
des lieux de population. Des sociétés hôtelières
telles que Melia et Iberostar intègrent déjà la
durabilité sanitaire comme une valeur fondamentale
dans leur stratégie post-pandémique, et peu de
destinations touristiques dans le monde peuvent
rivaliser avec ce que Cuba sera en mesure d'offrir
lorsque les garanties et les assurances seront en
place pour rouvrir les frontières.
Il ne s'agit pas d'une panacée. Celle-ci n'existe
pas en économie, encore moins en période de tant
d'incertitude et de crise au niveau mondial, mais
il est évident que Fidel est très loin d'être «
le responsable du désastre économique »,
comme l'affirment les «
cubanologues ». Au contraire, il a
contribué à l'apport de sources de revenus très
importantes qui ont permis à un pays non
producteur de pétrole, sans grandes ressources
naturelles et avec des terres peu fertiles — qui
obligent à l'irrigation et à la fertilisation —,
de non seulement survivre dans des conditions de
siège économique, mais aussi de développer un
projet de justice sociale qui défend pour tous ses
citoyens les services de base dont manquent de
nombreux pays des environs, sans les problèmes qui
y sont endémiques, comme le crime organisé et le
travail des enfants.
Outre la formation massive de ressources humaines
de haut niveau, qui constituent une incitation à
l'investissement étranger, et l'exportation de
services professionnels et de produits uniques au
monde à forte valeur ajoutée, le travail
inlassable de Fidel Castro en faveur de son peuple
peut non seulement être un facteur décisif pour
que la catastrophe humanitaire, prévisible dans de
nombreux autres pays qui lui ont été présentés
comme modèle, ne se soit pas produit sur l'île des
Caraïbes. Grâce à sa ténacité, son dévouement
envers le peuple, sa soif de connaissances et sa
rigueur scientifique, il existe des solutions qui
permettent à Cuba de faire échouer une fois de
plus le rêve de l'extrême droite de la transformer
en cet « hybride de casino et de maison
close » que certains croient viable pour elle
à la lumière de la « tempête parfaite » que
va produire, supposent-ils, la combinaison d'un
blocus économique renforcé et l'arrivée d'un
virus, qui a mis à nu la non viabilité du système
économique, politique et social que le commandant
a combattu toute sa vie.
25 mai: Journée de libération de
l'Afrique
Le peuple de la République du Congo célèbre son
indépendance le 7 juillet 1960 — un des
17 États africains qui ont gagné leur indépendance
cette année-là.
Les peuples d'Afrique et d'ascendance africaine
ont une fière tradition de célébrer la Journée de
la libération de l'Afrique. En ce jour, ils
soulignent les victoires de leurs luttes contre le
colonialisme et pour l'indépendance. Ils
s'engagent à renforcer leur unité dans la lutte
contre toute exploitation et pour la libération
complète du continent africain. Aujourd'hui, à un
moment où la pandémie COVID-19 fait rage, LML
condamne les tentatives de puissances
étrangères d'asservir à nouveau l'Afrique et de
commettre de nouveaux actes de génocide contre les
peuples africains sous le couvert de l'aide
humanitaire et du progrès. Il est plus important
que jamais de s'opposer à la représentation
eurocentrique de l'Afrique, de ses peuples, de son
histoire et de leur droit d'être ainsi qu'aux
actes de génocide.
La Journée de la libération de l'Afrique est née
de la prise de conscience des peuples africains
que leur libération relevait d'eux-mêmes et fait
partie de la lutte mondiale contre l'impérialisme
et du front uni de la classe ouvrière et des
peuples pour mettre fin à l'exploitation de
l'humain par l'humain. Elle a été lancée lors de
la première Conférence des États africains
indépendants tenue à Accra, au Ghana, le 15
avril 1958, et a réuni huit chefs d'État
africains indépendants.[1]
Cette journée a été déclarée « Journée de la
liberté de l'Afrique » pour souligner la
progression du mouvement de libération.
En 1960, dix-sept États africains ont acquis
leur souveraineté en la soulignant comme « l'Année
de l'Afrique ». Le 25 mai 1963,
l'Organisation de l'unité africaine a été fondée à
Addis-Abeba, en Éthiopie, avec la participation de
plus de 1 100 personnes
représentant 31 États africains, 21
mouvements de libération africains et des
centaines de sympathisants.[2] L'OUA a
proclamé que le 25 mai serait désormais
célébré comme la « Journée de libération de
l'Afrique » à observer chaque année et pour
poursuivre les aspirations des peuples d'Afrique à
la liberté, à la souveraineté et à une nouvelle
société.
Les chefs d'État africains à la fondation de
l'Organisation de l'unité africaine le 25 mai 1963
Aujourd'hui, le continent africain compte 55
pays indépendants. À l'exception de Djibouti,
gouverné par les Français, aucune puissance
extérieure n'a de pouvoir direct sur le territoire
africain. Malgré cela, l'ingérence dans les
affaires africaines des anciennes puissances
coloniales et d'autres grandes puissances signifie
que les questions de l'unité, de l'indépendance et
de l'autodétermination de l'Afrique se posent plus
fortement que jamais.
La Journée de la libération de
l'Afrique 2020 arrive à un moment où les
impérialistes américains et britanniques ainsi que
les anciennes puissances coloniales telles que la
France et la Belgique et d'autres pays tels que le
Canada qui intervient pour protéger les intérêts
miniers, sont engagés dans de nouvelles tentatives
pour inverser le cours de l'histoire et exploiter
impitoyablement le continent africain pour ses
vastes ressources humaines et matérielles. C'est
un crime inimaginable de la part de ces puissances
que leur legs et leur programme actuel de
mondialisation ont fait que les peuples africains
sont si appauvris, ravagés par les divisions et
les conflits internes, alors que les ressources
sur leurs territoires sont si abondantes. La
Grande-Bretagne voudrait effacer le souvenir de sa
période coloniale inhumaine lorsqu'elle a pris les
devants dans la traite des esclaves et dévasté des
peuples et des cultures entiers dans des actes de
génocide. Pendant ce temps, le rôle des États-Unis
dans l'esclavage des Africains se poursuit et les
demandes de réparations retentissent.
Le monde a rejeté bon nombre des valeurs et
politiques anglo-américaines et eurocentriques
adoptées en rapport avec les tentatives de
soumettre l'Afrique avec le mépris le plus absolu
qu'elles méritent, mais il continue d'être du
devoir de la classe ouvrière et du peuple du
Canada et des anciennes puissances coloniales de
rompre avec et de briser les illusions chauvines
promues par l'oligarchie financière et les
monopoles qui encouragent les travailleurs à se
joindre à eux pour assumer le nouveau « fardeau de
l'homme blanc », en prétendant que la mission
pour faire réussir les monopoles sur le marché
mondial vise à « apporter le développement » aux
Africains. Dans le cadre de ce devoir, nous
établissons une cause commune avec les peuples
d'Afrique et du monde en développement qui luttent
pour avancer sur leur propre voie de
développement, pour garantir et consolider une
indépendance politique et économique complète,
ainsi que pour assurer un monde futur qui convient
à tous les êtres humains.
Vive la Journée de la
libération de l'Afrique !
Notes
1. Y ont participé des
représentants des gouvernements de l'Éthiopie, du
Ghana, du Libéria, de la Libye, du Maroc, du
Soudan, de la Tunisie, de la République arabe unie
(qui était la fédération d'Égypte et de Syrie) et
des représentants du Front de libération nationale
d'Algérie et de l'Union des peuples camerounais.
Cette conférence était importante en ce qu'elle
représentait la première conférence panafricaine
tenue sur le sol africain. Elle était également
significative en ce qu'elle représentait
l'expression collective du dégoût des peuples
africains envers le système du colonialisme et de
l'impérialisme qui causait tant de souffrances aux
peuples africains. De plus, elle représentait la
volonté collective de voir le système du
colonialisme définitivement aboli. The Talking
Drum écrit à ce sujet :
« Après 500 ans de souffrances les plus
brutales connues de l'humanité, le viol de
l'Afrique et la traite des esclaves qui a suivi,
qui a coûté à l'Afrique plus
de 100 000 000 de ses enfants, les
masses des peuples africains singulièrement,
séparément, individuellement, en petits groupes
déconnectés pendant des siècles avaient dit
'assez' ! Mais en 1958, lors de la
Conférence d'Accra, il était dit d'une manière qui
mettait l'accent sur une action commune,
coordonnée et unifiée.
« Cette conférence a donné une clarté et une
définition nette au panafricanisme, à la
libération totale et à l'unification de l'Afrique
sous le socialisme scientifique. La conférence a
également jeté les bases et la stratégie pour
l'intensification et la coordination de la
prochaine étape de la Révolution africaine, pour
la libération du reste de l'Afrique et pour une
éventuelle et complète unification. »
2. À ce moment-là, plus
des deux tiers du continent étaient devenus
indépendants de la domination coloniale.
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