Forum ouvrier

Numéro 37 - 28 mai 2020

1er juin: 37e Journée des travailleurs accidentés

Les travailleurs accidentés luttent pour leur dignité et leurs droits


La solution à la crise du système de santé est dans la lutte pour les droits de tous et de toutes
La crise dans les résidences de soins de longue durée en Colombie-Britannique fait ressortir le besoin d'augmenter les investissements dans les programmes sociaux dont les soins aux aînés - Barbara Biley

Entrevues
Jean Gagnon, représentant du secteur préhospitalier de la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN
Benoît Taillefer, vice-président en santé et sécurité au travail du Syndicat des travailleurs et travailleuses du CIUSSS du Nord-de-l'Île-de-Montréal

Le droit à des conditions de travail sécuritaires
L'opposition aux déclarations non fondées de la sous-ministre du Travail de la Saskatchewan sur les droits des travailleurs et la sécurité au travail


1er juin: 37e Journée des travailleurs accidentés

Les travailleurs accidentés luttent pour
leur dignité et leurs droits


Piquet de pelouse des activistes à la défense des travailleurs accidentés à London, le 2 mai 2020, pendant la pandémie de la COVID-19

Le 1er juin 2020 est la 37e Journée des travailleurs accidentés. Lors de cette journée, nous célébrons la force collective des travailleurs accidentés et nous commémorons la journée du 1er juin 1983, lorsque plus de 3 000 travailleurs accidentés ont forcé un comité gouvernemental qui envisageait des changements majeurs au système d'indemnisation de l'Ontario à tenir ses audiences publiques sur les marches de la législature afin que tous puissent y participer.

Cette année, en raison de la pandémie de la COVID-19, ce sera la première fois depuis 1983 que les travailleurs accidentés ne se rassembleront pas à Queen's Park ni en d'autres endroits à l'échelle de la province. Au lieu de cela, le Réseau ontarien des groupes de travailleurs accidentés lance l'appel à tout le monde à se joindre à lui, le 1er juin, pour un rassemblement en ligne comprenant récits, discours et messages d'espoir et de lutte. La vigile que les Femmes d'inspiration tiennent chaque année, le 31 mai, la veille de la Journée des travailleurs accidentés, se tiendra elle aussi en ligne (voir le calendrier ci-dessus pour les détails).

Comme c'est le cas sur plusieurs fronts, la pandémie de la COVID-19 a rendu encore plus nécessaires et urgentes les revendications des travailleurs accidentés pour le renouvellement du régime d'indemnisation en un régime public qui couvre tous les travailleurs pendant toute la période où ils ne sont pas capables de travailler.

Dans son appel à la Journée des travailleurs accidentés, le Réseau ontarien des groupes de travailleurs accidentés écrit : « Les systèmes de santé et de sécurité et d'indemnisation des accidentés du travail de l'Ontario ne fonctionnent plus. Le coronavirus n'a pas créé ces problèmes, mais il les a clairement mis en lumière et nous ne pouvons pas revenir à la situation du passé. Ce 1er juin, tous ensemble, nos regards portent vers l'avenir. Il est temps de créer le changement qui fera la différence afin d'assurer la sécurité des travailleurs et de montrer une fois pour toutes que L'INDEMNISATION DES TRAVAILLEURS EST UN DROIT.

« Nous savons ce qui est nécessaire pour remettre sur pied le système :

Les travailleurs DOIVENT être protégés au travail.

Ceux qui tombent malades DOIVENT être couverts par l'indemnisation des travailleurs sans tracas ni délai, et

La commission d'indemnisation DOIT mettre fin à sa pratique néfaste de présumer, ou de prétendre que les travailleurs accidentés ont des emplois qu'ils n'ont pas en réalité et de couper les prestations. »

Les défenseurs des travailleurs accidentés font remarquer qu'en plus de devoir continuer de lutter pour l'indemnisation qui leur revient de droit, de nombreux travailleurs devront déposer des réclamations en vue d'une indemnisation parce qu'ils ont contracté la COVID-19 au travail. Les familles des travailleurs qui meurent d'une exposition au virus de la COVID-19 au travail ont aussi le droit d'être indemnisées et prises en charge par le régime d'indemnisation. Dans le cas de la COVID-19, plutôt que de présumer que les travailleurs de première ligne ont contracté la maladie au travail, la Commission ontarienne de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail a insisté, jusqu'à présent, pour traiter la réclamation de chaque travailleur séparément. Le résultat a été que seules 513 réclamations sur les quelque 3 500 qui ont été faites ont été approuvées.

L'indemnisation est un droit !
Justice pour les travailleurs accidentés !

Notre sécurité est dans notre lutte pour les droits de tous !

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La solution à la crise du système de santé est
dans la lutte pour les droits de tous et de toutes

La crise dans les résidences de soins de longue durée en Colombie-Britannique fait ressortir le besoin d'augmenter les investissements dans les programmes sociaux dont celui des soins aux aînés


Réunion à Comox sur la crise dans les soins de santé des aînés en Colombie-Britannique,
le 24 février 2020, avant la pandémie

La Colombie-Britannique n'a pas échappé à la tragédie terrible de la perte des précieuses vies des personnes âgées dans les centres de soins de longue durée, en particulier dans la région densément peuplée des Basses-terres. En fait, les premiers cas de la COVID-19 au Canada et le premier décès ont eu lieu au Lynn Valley Care Centre à Vancouver Nord. Il y a eu des éclosions de la COVID-19 dans plus de vingt foyers de soins de longue durée dans trois des cinq régions administratives de la santé dans lesquelles la province est divisée. Les deux régions qui n'ont connu aucune éclosion dans les centres de soins de longue durée sont le nord de la Colombie-Britannique et l'île de Vancouver.

Au cours des dernières années, les centres de soins de longue durée de la Colombie-Britannique ont été de plus en plus surveillés grâce aux actions menées par les syndicats, dont la campagne « Les soins ne peuvent pas attendre » du Syndicat des employés d'hôpitaux. Cette campagne a attiré l'attention sur la nécessité d'augmenter les investissements afin d'accroître les effectifs dans les centres de soins de longue durée et elle a été menée de concert avec le plaidoyer public courageux des membres des familles des résidents des centres de soins de longue durée. La détermination d'agir des syndicats et des familles a assisté l'enquête du Bureau du défenseur des aînés sur la façon dont les centres de soins de longue durée sont financés et comment les fonds sont alloués. Le rapport, intitulé « Un milliard de raisons pour s'en faire », a été publié le 4 février.

Plusieurs centaines de personnes sur l'île de Vancouver ont participé à des réunions publiques en février pour discuter de la crise des soins de longue durée et présenter des propositions de changement. Au moment où ces réunions ont eu lieu, les conditions dans quatre foyers de soins de longue durée de Retirement Concepts avaient entraîné une situation où quatre médecins hygiénistes différents, trois de l'île de Vancouver et un de l'intérieur de la Colombie-Britannique, ont ordonné aux autorités sanitaires de reprendre la gestion des établissements de soins de longue durée. Des familles de résidents de plusieurs résidences de Retirement Concepts en Colombie-Britannique avaient déjà demandé l'autorisation d'un recours collectif pour les soins aux aînés contre l'entreprise et le ministère de la Santé, qui n'a pas encore été accordée. La chaîne Retirement Concepts comprend 20 résidences en Colombie-Britannique et en Alberta. Elle a été achetée en 2017, avec l'approbation du gouvernement fédéral et l'acquiescement du gouvernement provincial, par la multinationale chinoise d'assurances Anbang. Une autre résidence de Retirement Concepts, Millrise Seniors Village, dans le sud-ouest de Calgary, a été reprise le 4 mai par les Services de santé de l'Alberta sur ordre du médecin hygiéniste en chef de l'Alberta.

Dans le contexte d'urgence face à la COVID-19, la Colombie-Britannique a été la première province à prendre des mesures spécifiques pour régler certains des problèmes des centres de soins de longue durée. Des ordonnances de la médecin hygiéniste en chef, Bonnie Henry, et du ministre de la Sécurité publique et solliciteur général, Mike Farnworth, ont été émises respectivement le 26 mars et le 10 avril. Elles stipulent que les travailleurs des centres de soins de longue durée doivent travailler dans un seul centre, que les travailleurs doivent être rémunérés pour les heures qu'ils auraient normalement dû travailler avant de se limiter à travailler dans un seul centre. En ce qui concerne les salaires, elles stipulent aussi que tous les travailleurs en soins de longue durée doivent être rémunérés aux taux de la convention collective entre l'Association des employeurs des soins de santé de la Colombie-Britannique (HEABC) et l'Association qui négocie au nom des infirmières, et entre la HEABC et l'Association qui négocie pour les établissements de soins (FBA), qui est la « convention-cadre ». Celle-ci couvre tous les travailleurs des hôpitaux de la Colombie-Britannique, des centres de soins de longue durée détenus et exploités par les autorités de la santé et bon nombre des centres exploités par des organismes à but non lucratif.

Les mesures qui ont été prises pour lutter contre les bas salaires et la prévalence du travail précaire, à temps partiel et occasionnel, qui obligent les travailleurs à avoir plusieurs emplois dans différents établissements afin de gagner ce qu'un travailleur à temps plein gagnerait, sont une réponse provisoire nécessaire face à la crise immédiate. Cependant, le diable est dans les détails. Bien que l'ordonnance sur le « site unique » ait été rendue le 26 mars et que l'ordonnance du solliciteur général qui autorisait la dérogation aux conventions collectives pour permettre le complément de salaire pour les travailleurs non couverts par la convention collective des infirmières et la FBA, ait été émise le 10 avril, la mise en oeuvre, qui est compliquée, n'est toujours pas terminée. Dans la plupart des cas, l'ordonnance de s'en tenir à un site unique était en vigueur le 11 mai, mais dans la plupart des centres pour personnes âgées exploités à des fins privées, le complément salarial n'a pas eu lieu. Une entreprise aussi importante est évidemment compliquée, mais des rapports indiquent également que certains propriétaires refusent tout simplement de payer. Il est encore plus préoccupant de constater que les travailleurs, autrefois limités à travailler dans un seul établissement, n'ont pas vu leurs heures et leur salaire augmenter pour correspondre à ce qu'ils gagnaient avant que l'ordonnance relative au site unique ne soit mise en place. Ces « héros » ont été reconnus pour leur travail au service de certaines des personnes les plus vulnérables de la Colombie-Britannique. En dépit de toutes les meilleures intentions, beaucoup ne font pas face à une augmentation, mais à une diminution de leurs revenus.

Selon l'analyse du Bureau du défenseur des aînés, sur le 1,4 milliard de dollars de revenus générés dans le secteur des soins contractuels (tous les centres gérés par les autorités de la Santé publique), 1,3 milliard de dollars proviennent du gouvernement provincial. La province finance tous les exploitants, publics, à but lucratif et non lucratif, à un niveau suffisant pour payer tout le personnel couvert par les associations regroupant les infirmières et les établissements de soins de santé de longue durée, selon les taux en vigueur. Les exploitants privés signent des contrats avec les autorités sanitaires en fonction de ce qu'ils considèrent être des profits acceptables, mais par la suite, ces profits sont considérablement augmentés en payant des salaires jusqu'à 7,00 $ de l'heure inférieurs aux tarifs de la FBA et des infirmières. Et tout cela est parfaitement légal. La crise actuelle et l'incapacité du gouvernement à répondre aux besoins immédiats des travailleurs reflètent le fait que le système est organisé pour servir les intérêts privés étroits des exploitants et non, comme les Canadiens s'y attendent et l'exigent, pour prendre soin des résidents et de ceux qui s'occupent d'eux.

Les aînés qui vivent dans des résidences de soins de longue durée et les travailleurs qui en prennent soin ont des demandes fondées sur la valeur qu'ils produisent pour la société, les aînés sur la base de la capacité de travail qu'ils ont contribuée au cours de leur vie active, les travailleurs sur la base de leur capacité de travail que les exploitants des centres achètent aujourd'hui. L'élite dirigeante qui contrôle les moyens de production et de distribution ne valorise pas la capacité de travail de ceux qui oeuvrent dans des centres de soins de longue durée et considère ceux qui ont dépassé leurs années productives comme un fardeau. Résoudre la crise des soins aux aînés nécessite l'effort déterminé de l'ensemble de la classe ouvrière pour augmenter la part que les travailleurs reçoivent de la valeur qu'ils créent, à la fois sous la forme de salaires plus élevés et d'investissements accrus dans les soins de santé, l'éducation et d'autres programmes sociaux.

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Entrevues

Jean Gagnon, représentant du secteur
préhospitalier de la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN

La semaine du 24 au 30 mai est la semaine des paramédics et des services hospitaliers d'urgence. À cette occasion, nos meilleures salutations à tous les paramédics et à tous les travailleurs et travailleuses de ces services au Québec et au Canada qui sont aux toutes premières lignes de la lutte pour freiner la pandémie de la COVID-19. Nous sommes heureux de publier à cette occation une entrevue avec Jean Gagnon, représentant des travailleurs du secteur préhospitalier au Québec.

Forum ouvrier : Quelles sont vos préoccupations et vos demandes en cette période de crise intense ?

Jean Gagnon : Merci. Notre première préoccupation, en ce qui concerne la place que la COVID joue dans notre vie, c'est la contamination, en particulier la crainte de contaminer nos proches. C'est pour cela qu'il est si important que nous ayons les bons équipements, les équipements appropriés afin de bien nous protéger. Notre travail est complexe. Nous devons tenir compte de la condition du patient et tenir compte de l'environnement. Quand nous entrons dans un CHSLD, la charge dans l'air du virus est très forte, et quand nous entrons dans un appartement qui est un espace clos où il y a des gens qui ont la COVID, la présence dans l'air est beaucoup plus grande, alors il nous faut l'équipement approprié.

Une grosse préoccupation que nous avons en ce moment, c'est qu'avec le déconfinement, on ne veut pas se retrouver avec une deuxième et une troisième vague. Et il y a aussi la grande chaleur que nous connaissons ces jours-ci, avec un haut taux d'humidité, qui est très accablante pour nos membres qui doivent porter ces équipements de protection individuelle. Cela ajoute à l'épuisement et à notre temps d'intervention. Nos membres ont besoin de récupérer et de temps de repos, d'autant plus que le nombre d'appels va augmenter. La situation est également difficile pour nos répondants médicaux d'urgence qui reçoivent les appels, les trient et les répartissent, et qui, avec la chaleur, se retrouvent avec autant de risque de surcharge de travail que nos paramédics.

Une grande préoccupation, c'est que le nombre d'appels va augmenter avec le déconfinement. Notre volume d'appels avait diminué avec le confinement. Avec un volume d'appels qui va augmenter, qui va revenir à la normale, et avec les cas de COVID, et le temps d'intervention qui augmente avec les équipements, cela risque de nous causer beaucoup de difficultés. Nous espérons qu'avec le déconfinement et les canicules, les cas de COVID n'exploseront pas et que le volume d'appels n'explosera pas. Il faut suivre de façon stricte les recommandations de la Santé publique en ce qui concerne le déconfinement. On doit se serrer les coudes et travailler ensemble sinon on ne passera pas à travers cette crise-là.

FO : Avez-vous les effectifs nécessaires pour faire face à la situation ?

JG : Dès le début de la pandémie, le ministère de la Santé a admis que nous étions en situation de pénurie de personnel dans le secteur préhospitalier. La seule chose qui a fait que cela n'a pas dégénéré, c'est que le confinement a fait diminuer le nombre d'appels. Sinon, ça aurait été l'hécatombe, il n'y a pas de doute. Comme nous sommes en situation de pénurie de personnel depuis des années, les gens sont épuisés et c'est donc plus important que jamais de maintenir les temps de repos, les temps de vacances, si on ne veut pas que les gens se mettent à tomber au combat.

Dans le secteur préhospitalier, comme dans les CHSLD et ailleurs, si nous avions eu des conditions de travail normales à la hauteur de ce que nous faisons, une charge de travail normale, le système aurait été capable d'avoir une certaine marge de manoeuvre pour faire face à la crise. Mais le système préhospitalier est tellement acculé au mur que cette marge de manoeuvre n'existe pas.

Dans une charge de travail normale dans notre secteur, le temps d'appel des paramédics correspond à 50 % du quart de travail. Les paramédics ont aussi plusieurs tâches à accomplir qui ne sont pas du temps d'appel pour les ambulances comme tel. Cependant, en ce moment, on est en temps d'appel presque en tout temps, et la surcharge de travail est énorme. La seule raison pour laquelle nous avons pu faire face à la situation c'est à cause du confinement.

Pour donner un exemple, prenons les horaires de faction [ce sont des horaires pendant lesquels les paramédics sont de faction à partir de la maison 24 heures par jour pendant sept jours après quoi ils sont en congé pour sept jours - Note de FO]. On se souvient que la pandémie a éclaté au départ en Estrie. À ce moment-là, les employeurs ont pris les horaires de faction et les ont transformés en horaires à l'heure, parce que les travailleurs devaient pouvoir dormir et on était en pénurie. Dès que les appels se sont mis à diminuer à cause du confinement, ils ont ramené les horaires de faction. Le problème de fond est qu'il n'y a pas assez de paramédics.

En plus, même l'an dernier, les employeurs étaient réticents à accorder des vacances. Les moyens n'ont jamais été pris pour régler le problème de la pénurie. Et la tâche des paramédics est très complexe. Un paramédic est dans le domaine de la santé, et il est aussi dans le domaine de la sécurité civile. Par exemple, il fait partie de la gestion des événements lorsqu'il y a des blessés. Les travailleurs d'hôpitaux ne sont pas sujets à se faire tirer dessus, à se faire prendre en otage, à avoir des accidents de la route. Les paramédics le sont. Les conditions de travail doivent être bonnes pour permettre d'attirer les personnes dans un secteur aussi vital que le secteur préhospitalier.

En plus, les critères d'embauche des paramédics sont beaucoup plus stricts qu'auparavant. Les gens doivent être hautement qualifiés. Si les salaires ne suivent pas, les gens ne resteront pas dans la profession. Depuis 2007, il y a eu un grand rattrapage qui s'est fait et on a à nouveau besoin d'une réévaluation salariale. Et cela, autant pour les paramédics que pour les répondants médicaux d'urgence, considérant ce qu'on exige d'eux. C'est important que cette réévaluation se fasse pour qu'on puisse retenir le personnel et en attirer du nouveau.

FO : Tu veux dire quelque chose en conclusion ?

JG : Depuis le début de la COVID-19, , le secteur préhospitalier a fait le moins de vagues possible afin que tout le monde se serre les coudes pour aider la population. Il ne faudra pas cependant que le gouvernement l'oublie au moment où le secteur préhospitalier va négocier et demander une hausse salariale qui lui est due.

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Benoît Taillefer, vice-président en santé et sécurité au travail du Syndicat des travailleurs et travailleuses
du CIUSSS du Nord-de-l'Île-de-Montréal

Forum ouvrier : À ton avis, quels sont les principaux problèmes en ce moment avec la crise de la pandémie qui sévit dans le système de santé, et de manière particulièrement forte dans les CHSLD ?

Benoît Taillefer : Il y a plusieurs problèmes. Il y a le problème de la bureaucratie et au niveau administratif. Depuis que nous sommes devenus un CIUSSS (Centre intégré universitaire de santé et services sociaux), le centre est devenu une grosse bureaucratie et une grosse administration. Il y a un directeur général et un directeur adjoint pour gérer les 26 sites qui font partie du CIUSSS, dont cinq hôpitaux. C'est trop. Quand j'ai commencé à travailler dans le réseau de la santé, il y avait un directeur général pour un établissement. C'était plus facile à gérer. Ce sont les libéraux, avec le gouvernement Charest en 2005 et le gouvernement Couillard et son ministre de la santé, Gaétan Barrette, en 2015, qui ont décidé de mettre en place et de poursuivre leur réforme en disant qu'en créant des établissements géants, il y aurait plus de corridors de communications et de soins. Tout cela est peut-être vrai sur papier, mais en pratique, les résultats sont à l'opposé. C'est trop gros à gérer, il y a trop d'administration et trop de bureaucratie. Tu poses des questions aux personnes responsables, souvent tu n'as pas de réponse, ou alors elles sont inadéquates. La personne responsable te dit qu'elle n'est pas au courant du problème, et la bureaucratie est telle que souvent elle ne va pas chercher à obtenir la réponse et à te revenir pour que le problème soit réglé.

L'autre problème qui vient avec la bureaucratie c'est le manque de communications entre les instances, notamment entre le syndicat et la direction. Cela fait deux mois que la pandémie dure. Moi, je ne cherche pas de coupable, je cherche des solutions, mais on n'obtient pas de réponse à des questions rudimentaires.

Par exemple, dans notre CIUSSS, nous avons des militaires qui nous donnent un coup de main. Je n'ai pas d'objection à cela. Ce ne sont pas des préposés aux bénéficiaires, ce sont des militaires. Pourtant, on dit aux gens qui sont expérimentés, spécialisés, qui travaillent dans les zones chaudes [des zones où les résidents sont infectés par la COVID-19] ,d'aller travailler dans les zones froides [des zones sans infection]. Et cela, à l'intérieur d'un même quart de travail. C'est une chose à ne jamais faire. On les remplace par des militaires qui n'ont pas d'expérience et qui viennent travailler à leur place dans les zones chaudes.

Nous sommes dans l'extrême incohérence. La seule circonstance où cette mesure serait acceptable c'est dans une situation de bris de services, une zone où il n'y a pas de préposés et où il faut absolument trouver quelqu'un. Dans un même quart de travail, on est supposé rester là où on est. On essaie d'éviter que les gens bougent pour éviter la propagation du virus. Si j'adresse la question aux instances responsables, la réponse est que ce n'est pas grave ou alors on n'est pas au courant.

Le deuxième grand problème, c'est le manque de préparation, notamment le manque d'équipements de protection individuelle. On n'en a pas suffisamment. On savait qu'un jour on ferait face à une pandémie, on n'a pas organisé pour une éventuelle pandémie, pour développer les réserves nécessaires. Moi je suis préposé aux bénéficiaires et je sais qu'il faut bâtir des réserves dans notre matériel. Les bureaucraties néolibérales n'ont pas bien prévu les choses. On a donc beaucoup d'éclosion de cas de COVID-19 dans les CHSLD. Il y a des CHSLD dans notre CIUSSS où les morts de résidents se comptent par dizaines. Nous sommes un des CIUSSS où il y a eu le plus de morts.

En tant que vice-président en santé et sécurité du syndicat, je m'assure de travailler avec les inspecteurs de la CNESST (Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail) pour que les inspections soient faites correctement, pour dénoncer les situations qui ne se règlent pas, pour m'assurer qu'il y a un suivi, sinon je rapporte la situation à la CNESST.

Nous avons connu un décès d'une travailleuse dans un des CHSLD du CIUSSS. Une travailleuse de 41 ans, très dévouée, très appréciée de ses collègues. Nous demandons la tenue d'une enquête sur son décès. Elle avait développé les symptômes de la COVID-19, avait été retirée du travail pour cela, et elle est morte la journée où elle devait passer un deuxième test pour la COVID. Nous soupçonnons très fortement qu'elle est morte de la COVID.

Pour freiner la pandémie, il faut mettre les choses bien en place, s'assurer que les règles de sécurité soient bien suivies. Il faut appliquer les directives de la Santé publique correctement. Il ne faut pas manquer d'ÉPI.

Il faut reprendre le dessus dans les CHSLD. S'assurer que quand une personne décède, il y a une désinfection complète de la chambre avant qu'une autre personne soit admise. Il faut assurer une désinfection fondamentale de tous les CHSLD. C'est difficile parce qu'il y a tellement de gens en attente pour venir dans les CHSLD.

On doit penser à des solutions auxquelles on n'a pas pensé encore. Est-ce que les résidents pourraient porter des masques ? Pas en tout temps, mais quand il y a une interaction entre un membre du personnel et la personne hébergée. On peut déjà entendre la réponse, qu'il n'y a pas assez de masques. À mon avis, si la volonté politique est là, on peut résoudre ces problèmes-là.

FO : Tu veux ajouter quelque chose en conclusion ?

BT : Je pense que s'il y a quelque chose de positif qui ressort de cette crise, c'est qu'elle a permis de mettre en lumière les travailleurs de l'ombre, qui sont sous-payés, sous-valorisés, qui sont au front et qui risquent leur vie. Il faut les valoriser monétairement bien sûr, mais pas seulement monétairement. Ils doivent avoir de bonnes conditions de travail, une reconnaissance psychologique aussi. Il faut reconnaître ces métiers-là qui sont au bas de l'échelle, comme les préposés aux bénéficiaires.

C'est important aussi de prendre la parole publiquement sur ce qui se passe. Cette crise est une crise sanitaire publique. Il y a des pressions de la part des employeurs pour nous forcer au silence. On ne peut pas être silencieux. Nous sommes les premiers intervenants. Nous devons faire avancer les choses pour nos gens qui sont à risque et pour le public. Bien sûr, il faut être objectif, rechercher des solutions. La population doit savoir ce qui se passe dans le secteur.

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Le droit à des conditions de travail sécuritaires

L'opposition aux déclarations non fondées de la sous-ministre du Travail de la Saskatchewan sur les droits des travailleurs et la sécurité au travail

Dans un communiqué de presse du 19 mai, la section locale 5430 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) conteste les déclarations fallacieuses de la sous-ministre du Travail Donna Johnson sur les droits des travailleurs et la sécurité au travail. Dans un récent article, la sous-ministre écrivait : « S'il n'y a aucune raison de dire que le lieu de travail est dangereux, l'employé n'a essentiellement pas la possibilité de refuser de travailler. »

« La sous-ministre du Travail n'a pas le droit de prédéclarer qu'un lieu de travail est sécuritaire », dit Troy Winters, responsable de la santé-sécurité du SCFP. « Le droit de refus n'est que le début d'un processus qui permet au travailleur de prendre du recul par rapport à une situation qui pourrait lui causer des blessures ou à une maladie si sa plainte en matière de santé et de sécurité n'est pas traitée avant qu'il accomplisse la tâche réclamée. »

Selon le communiqué de presse, lorsqu'un travailleur croit que son endroit de travail ou la tâche qu'on lui demande de faire sont particulièrement dangereux, il a alors le droit de refuser. « Chaque situation est unique. Une affirmation générale sur ce qui est dangereux est en soi très dangereuse », affirme Winters.

Toujours selon le communiqué de presse, il est souligné que la Loi sur l'emploi de la Saskatchewan dit en fait qu'un travailleur a le droit de refuser un travail « s'il a des motifs raisonnables de croire que l'acte ou la série d'actes est anormalement dangereux pour sa santé et sa sécurité. »

Le droit de refus s'applique directement à la situation actuelle de la pandémie de la COVID-19, alors que plusieurs membres de la section locale disent qu'ils n'obtiennent pas tous les masques dont ils ont besoin pour eux-mêmes et les patients. Ceci « représente un danger sur lequel le travailleur doit pouvoir exercer un certain contrôle », lit-on dans le communiqué.

« La COVID-19 est mortelle. Il est irresponsable de faire une déclaration générale disant qu'elle ne présente pas de danger inhabituel. La sous-ministre devrait se préoccuper davantage de s'assurer que tous les travailleurs de la province disposent des ÉPI (équipements de protection individuelle) adéquats et que tous les employeurs forment correctement leurs employés quant à leur utilisation. Ce n'est pas le moment de refuser des droits aux travailleurs de cette province », dit Sandra Seitz, la présidente de la section locale 5430 du SCFP.

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