Numéro 35 - 14 décembre 2019

L'Accord Canada-États-Unis-Mexique

L'oligarchie financière resserre son
emprise sur l'Amérique du Nord


Les principales caractéristiques et la discussion de l'accord proposé
entre le Canada, les États-Unis et le Mexique


Contestation de l'ordre du jour antisocial du
gouvernement de l'Ontario

La cour juge que le gouvernement a enfreint l'autonomie
des institutions postsecondaires
- Mira Katz -

Rejetons les attaques organisées par l'État contre le droit de
conscience, la liberté de parole et la liberté d'association!

- Enver Villamizar -


L'affaire de la diffamation de Dougal MacDonald, chargé
de cours à l'Université de l'Alberta

Menace à la liberté académique
Déclarations de soutien de collègues universitaires et canadiens


Journée nationale de commémoration et d'action
contre la violence faite aux femmes

Le 30e anniversaire de la tuerie de Polytechnique

- Christine Dandenault -

L'origine de la campagne internationale pour mettre fin
aux violences contre les femmes et les filles


La Dominique

Le peuple fait échec à l'ingérence flagrante des États-Unis
dans les élections générales par le biais de
l'Organisation des États américains



L'Accord Canada-États-Unis-Mexique

L'oligarchie financière resserre son emprise sur l'Amérique du Nord

Le 10 décembre, à Mexico, des représentants des gouvernements du Canada, des États-Unis et du Mexique ont signé le nouvel Accord de libre-échange nord-américain maintenant appelé Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). Une faction de l'oligarchie financière, représentée politiquement par le Parti démocrate aux États-Unis, avait refusé de ratifier le premier ACEUM signé en novembre 2018 parce que le président Trump l'avait fait paraître comme une sorte de victoire personnelle. L'actuel ACEUM comprend des modifications mineures par rapport à la première version, alors au Congrès le 10 décembre les démocrates ont annoncé haut et fort leur soutien à l'accord comme une victoire sur Trump, par coïncidence le même jour qu'ils ont présenté à la Chambre des représentants des articles de mise en accusation du président pour « crimes et délits majeurs ».

L'utilisation de l'ACEUM comme arme dans la guerre civile qui fait rage entre les différentes factions de l'oligarchie financière montre à quel point le Canada et le Mexique sont entraînés dans les luttes politiques internes des États-Unis en raison de leur intégration à la Forteresse Amérique du Nord. L'ancien président Obama l'a clairement montré lui aussi lorsqu'il est intervenu directement dans l'élection fédérale au Canada en faveur de Trudeau. Le président Trump a réagi avec un mépris évident en reprochant au Canada d'être « légèrement délinquant » sur les dépenses militaires et en traitant Trudeau d'hypocrite.

L'ACEUM confirme politiquement la domination économique d'une oligarchie financière et de ses entreprises privées sur l'économie des trois pays d'Amérique du Nord et la négation de la souveraineté nationale. Il officialise le contrôle de l'oligarchie financière sur la Forteresse Amérique du Nord comme base pour la conquête de l'hégémonie mondiale.

Les Canadiens doivent se demander quels problèmes sont résolus par l'ACEUM. L'accord les empêche de prendre des mesures pour résoudre les problèmes tels qu'ils se posent dans tous les secteurs, toutes les régions et tous les pays souverains. En fait, l'ACEUM leur interdit de soulever tout problème économique, social ou politique si cela porte atteinte au droit de l'oligarchie financière de poursuivre la recherche du profit privé maximum.

Le président américain utilise la « sécurité nationale » pour imposer des tarifs au Canada et au Mexique contrairement aux accords existants, lorsque cela convient à l'oligarchie financière. Les États-Unis croient que leur droit de s'attaquer au bois d'oeuvre, à l'acier et à l'aluminium du Canada va de soi. Le droit de l'oligarchie financière de fermer des usines telles que GM à Oshawa et des magasins tels que RONA et Sears et de détruire des secteurs entiers est sacro-saint parce que les droits de propriété privée des riches oligarques sont sacrés, enchâssés dans l'ancien et le nouvel ALÉNA et affirmés en pratique. Cette réalité et la conclusion de l'ACEUM révèlent l'existence d'une situation où dominent l'anarchie, la violence et la « raison du plus fort », où ceux qui possèdent le plus de richesse sociale contrôlent tous les aspects de la vie et le peuple doit leur obéir.

L'ACEUM marque une autre étape dans l'intégration du Canada et du Mexique à la Forteresse Amérique du Nord sous la domination de l'oligarchie financière et de l'immense appareil militaire, de renseignement et de sécurité intérieure des États-Unis.

Le battage des médias de masse en faveur de l'ACEUM et la promotion de certaines personnalités politiques qui lui sont associées montrent que l'ordre du jour, les préoccupations et le pouvoir de l'oligarchie financière sont contraires à l'ordre du jour, aux préoccupations et au pouvoir des peuples d'Amérique du Nord et à leur désir de renouveler la démocratie et de s'investir de pouvoir. Le pouvoir, la conception du monde et le but de l'oligarchie financière sont imposés à force de répétition et d'exclusion de toute alternative. Face au battage médiatique en faveur de l'ordre du jour antisocial étouffant de l'oligarchie financière et de ses représentants politiques dans les partis cartels, le peuple doit renforcer sa politique indépendante, ses organisations, sa pensée, son ordre du jour et ses médias.

Les peuples n'ont pas décidé de créer l'ACEUM et la Forteresse Amérique du Nord et c'est là tout le problème. L'oligarchie financière prive le peuple de son droit de décider et de contrôler les affaires qui le concernent. Sans contrôle, le peuple est privé du droit de décider et d'agir pour résoudre les problèmes tels qu'ils se posent. Sans contrôle, les nations sont privées de leur souveraineté et sont entraînées dans des luttes intestines de l'oligarchie financière et dans sa quête de domination mondiale.

L'ACEUM représente la négation du droit du peuple de décider et doit être fermement dénoncé et combattu.

Organisons-nous pour renouveler la démocratie et investir le peuple
du pouvoir d'affirmer son droit de décider !

Tout en oeuvre pour bâtir le Nouveau !

(Photos : LML, F. Zuccarella)

Haut de page


Les principales caractéristiques et la discussion
de l'accord proposé entre le Canada, les États-Unis
et le Mexique

L'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) qui doit remplacer l'actuel Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) a été signé par les représentants gouvernementaux du Canada, des États-Unis et du Mexique le 30 novembre 2018 et a été signé à nouveau le 10 décembre 2019 après l'inclusion de plusieurs modifications. Les gouvernements des trois pays doivent adopter officiellement l'ACEUM pour qu'il entre en vigueur. Entre-temps, l'ALÉNA demeure en vigueur. L'ALÉNA a été signé en 1992 par les dirigeants des États-Unis, du Mexique et du Canada et est entré en vigueur le 1er janvier 1994.

L'objectif officiel déclaré de l'ALÉNA, qui a été utilisé à des fins de propagande pour intensifier l'offensive antisociale, était d'accorder à chaque pays les meilleurs tarifs possibles sur certaines marchandises, un arrangement appelé la clause de la nation la plus favorisée, d'éliminer les barrières commerciales et de faciliter le commerce des biens et des services, promouvoir une concurrence loyale, accroître les opportunités d'investissement et, ultimement, établir un cadre de coopération future en matière de commerce entre les trois pays.

Le résultat a été l'accélération de la tendance déjà évidente : l'intégration de l'économie des trois pays de l'Amérique du Nord dans une forteresse dominée et dirigée par les factions les plus puissantes de l'oligarchie financière et leurs conglomérats et cartels. Le contrôle des oligarques au pouvoir est si étendu qu'ils ont politisé leurs intérêts privés et les ont intégrés au gouvernement et à l'État. La plupart des règlements et des restrictions sur les opérations et les investissements des grandes entreprises ont été supprimés, dilués, ignorés ou voués à l'élimination.

Cela signifie que le pouvoir du gouvernement consiste principalement à canaliser la richesse sociale recueillie publiquement vers différentes factions de l'oligarchie financière, à restreindre les actions de la classe ouvrière pour défendre ses intérêts et à utiliser l'armée, les ressources humaines et naturelles et la richesse sociale produite de la Forteresse Amérique du Nord pour la guerre et d'autres actions pour établir leur hégémonie sur le monde entier.

Le pouvoir direct de l'oligarchie financière aligné avec les impérialistes américains, sur les affaires économiques, politiques, militaires et sociales de l'Amérique du Nord et leur lutte pour l'hégémonie mondiale sont à l'origine des changements à l'ALENA pour créer la CUSMA. L'Organisation mondiale du commerce (OMC) et son mécanisme de règlement des différends, par exemple, sont remplacés parce qu'ils entravent la capacité des impérialistes américains à faire ce qu'ils veulent. De même, les principes des relations internationales pour maintenir la paix que l'ONU est censée incarner et défendre ont été systématiquement sapés.

Une grande partie des mécanismes et des règles de l'ALÉNA, de l'Organisation mondiale du commerce et des Nations unies ont perdu leur pertinence et ont été remplacés par le pouvoir direct de l'oligarchie financière sur l'économie, les affaires politiques, militaires et sociales de l'Amérique du Nord et sa lutte pour l'hégémonie mondiale.

La politisation des intérêts privés de l'oligarchie financière se traduit par l'anarchie et la violence à l'échelle mondiale sans droit commercial international pour empêcher les concurrents de se détruire ou de s'entre-tuer. D'une certaine manière, les intérêts privés politisés reflètent l'anarchie du Far West à l'échelle mondiale. L'arbitraire des intérêts privés politisés se voit dans la façon dont le président Trump brandit les tarifs comme arme pour gagner des avantages sur la Chine et d'autres pays identifiés comme des concurrents hostiles, et imposer des sanctions et des boycottages à tout pays qui ne se soumet pas à la domination des États-Unis.

Les droits imposés sur le bois d'oeuvre qui attaquent la production et les ventes canadiennes aux États-Unis ne sont qu'un exemple. Les tarifs sont considérés comme un avantage pour les intérêts privés des grands producteurs de bois d'oeuvre, car les prix de détail ont augmenté de façon exponentielle. Les cinq plus gros producteurs de bois d'oeuvre résineux canadiens ont profité de la hausse des prix, fermé des scieries au Canada et investi massivement aux États-Unis et en Europe.

Cependant, les conditions pour que des accords tels que l'ACEUM et des organes tels que l'OMC puissent ordonner ou résoudre les contradictions n'existent plus. L'anarchie et la violence dans les relations internationales et le diktat des pouvoirs supranationaux dominent. Dans ces conditions d'anarchie et de violence, l'adhésion aux règles pour faire respecter les accords et arrangements n'existe plus, sauf dans les cas où une puissante faction de l'oligarchie financière veut les utiliser de manière opportuniste. Inutile de dire que le temps est venu pour une nouvelle direction de l'économie qui favorise la classe ouvrière des trois pays d'Amérique du Nord, qui restreint les activités de l'oligarchie financière et prend des mesures nécessaires pour éliminer l'anarchie et la violence qui règnent désormais dans les relations internationales.

Les révisions de décembre 2019 et les modifications proposées
à l'ALÉNA pour l'ACEUM

Les secteurs spécifiques qui seront touchés par la modification des arrangements actuels avec l'adoption de l'ACEUM sont, entre autres, le secteur agricole, l'industrie automobile et l'industrie pharmaceutique, et les règlements qui touchent les relations économiques des trois pays avec les autres pays du monde.

L'attaque contre les agriculteurs canadiens

L'oligarchie financière tient particulièrement à éliminer le système traditionnel de gestion de l'offre du Canada et du Québec dans le secteur laitier. Les agriculteurs ont mené une lutte acharnée pour défendre leurs droits au sein d'un Canada souverain et de son économie. En accordant l'accès en franchise de droits au marché laitier canadien pour les deux autres pays et inversement, l'ACEUM cherche à détruire le droit souverain des agriculteurs d'organiser leur secteur. Le secteur agricole américain est reconnu pour sa domination en raison de la taille de ses exploitations et de son intégration avec l'oligarchie financière. Les conglomérats du secteur pourront vendre à des prix inférieurs aux prix de production pour éliminer les concurrents dans le secteur laitier, comme ils l'ont fait aux États-Unis.[1]

L'industrie automobile

En 1965, les trois grands constructeurs automobiles de l'époque (Ford, GM et Chrysler) ont établi un cartel organisé par l'État avec l'Accord canado-américain sur les produits de l'industrie automobile. Le Pacte de l'automobile a intégré efficacement l'industrie automobile des États-Unis et du Canada sous le contrôle des trois grands monopoles américains et de divers fabricants de pièces automobiles. Pour le cartel de l'automobile, le commerce entre le Canada et les États-Unis est devenu principalement une libre circulation interne sans droit tarifaire des produits dans le cadre d'un processus de production connu sous le nom de « juste-à-temps ».

Dans la plupart des secteurs, y compris celui de l'énergie, les échanges internes entre les divisions des entreprises privées géantes, principalement contrôlées par les États-Unis, dont les marchandises circulent entre le Canada et les États-Unis, sont devenus un trait dominant de l'intégration du Canada à l'économie américaine au cours des dernières décennies du XXe siècle. Le Canada ne fait pas de commerce avec les États-Unis comme pays souverain qui contrôle ses affaires économiques, mais comme une économie capturée et intégrée au sein de la Forteresse Amérique du Nord dominée par une oligarchie financière.

Grâce au Pacte de l'automobile, le cartel de l'automobile a pu accéder à une force productive humaine canadienne instruite, en santé et disciplinée. Deux importants programmes sociaux ont fait en sorte que la capacité de travailler des Canadiens était moins chère que celle des travailleurs aux États-Unis : le programme national d'assurance-maladie du Canada et l'assurance-chômage, qui deviendra plus tard l'assurance-emploi.

Les monopoles de l'automobile des États-Unis n'avaient pas à payer d'assurance-maladie privée pour leurs travailleurs au Canada, comme ils le faisaient aux États-Unis. Ils pouvaient organiser de grandes mises à pied irrégulières, car les travailleurs recevaient des prestations d'assurance-chômage presque équivalentes à leur salaire normal. Ainsi les travailleurs demeuraient en contact comme travailleurs de l'automobile expérimentés, qui pouvaient être rappelés même pendant les mises à pied prolongées.[2]

Avec l'extension progressive du secteur automobile dans le monde entier au cours des dernières décennies du XXe siècle, notamment les importants investissements mondiaux dans la production automobile en Asie de l'Est, le Pacte de l'automobile a perdu sa pertinence pour l'oligarchie financière et est en fait devenu un irritant pour les producteurs japonais et sud-coréens en plein essor qui avaient des liens étroits avec les grands investisseurs des États-Unis. En 1994, l'Accord de libre-échange entre les États-Unis et le Canada et l'ALÉNA ont remplacé le Pacte de l'automobile et ont intégré l'ensemble de la production automobile en Amérique du Nord, limité auparavant aux trois grands d'origine, en un marché libre.

Le développement inégal de l'impérialisme, l'évolution des techniques de production et l'augmentation rapide du transport maritime international de marchandises ont permis à la production de véhicules de prendre de l'importance en Asie et au Mexique et entraîné son déclin aux États-Unis et au Canada. L'ALÉNA a alors perdu sa pertinence pour ce secteur.

L'oligarchie financière cherche toujours à renforcer son contrôle aux dépens de ses concurrents et de la classe ouvrière. Sous son contrôle et pour favoriser les intérêts privés des oligarques, le secteur automobile américain et canadien subit de profonds changements et ce sont les travailleurs de l'automobile qui portent le fardeau des licenciements permanents sans perspectives de trouver un emploi similaire.

Leurs villes, comme Oshawa, Oakville, Windsor et de nombreuses autres aux États-Unis, subissent les graves conséquences de la contraction de leur économie. Les changements proposés pour le secteur automobile avec l'ACEUM visent à favoriser l'oligarchie financière alors que la classe ouvrière est attaquée, n'a pas son mot à dire et n'a aucun contrôle sur ce qui touche sa vie et l'économie, et n'a certainement pas donné son consentement.

Dans le cadre de l'ACEUM, pour être exempt de droits de douane sur le marché nord-américain, un minimum de 75 % du prix de production d'un véhicule doit avoir été produit à l'intérieur de la Forteresse Amérique du Nord. Cela n'apporte aucune garantie que la production se poursuivra dans des usines déjà établies, car ceux qui en ont le contrôle introduisent rapidement de nouvelles techniques de production et déplacent la production selon leurs intérêts privés étroits, perspectives et critères qui vont à l'encontre du bien-être du facteur humain, du développement d'une économie durable diversifiée qui diminue le fardeau de l'introduction de nouvelles techniques et détourne de la culture automobile, de sa pollution de l'environnement et d'autres facteurs négatifs.

L'ACEUM cherche à normaliser le prix payé pour la capacité de travail des travailleurs de l'automobile nord-américains à 16 $ l'heure, ce qui est bien inférieur au prix actuel aux États-Unis et au Canada. Avec cette manoeuvre, l'ACEUM cherche à éliminer les syndicats de l'automobile en tant qu'organisations indépendantes de la classe ouvrière, qui négocient collectivement avec l'oligarchie financière des conditions d'emploi acceptables pour les travailleurs de l'automobile dans les trois pays.

Le Mexique a accepté d'établir de nouveaux mécanismes bilatéraux avec les États-Unis et le Canada afin de permettre une ingérence directe dans ses rapports de production dans le secteur automobile et d'intégrer davantage son économie à la Forteresse Amérique du Nord sous le contrôle de l'oligarchie financière. Un communiqué de presse du gouvernement du Canada détaillant les changements finalisés en décembre se lit : « Le Canada a établi un nouveau mécanisme bilatéral avec le Mexique en application du chapitre sur le règlement des différends dans le domaine du travail. [...] Ce mécanisme d'intervention rapide propre aux installations fournira au Canada un processus amélioré pour veiller à la mise en oeuvre efficace de certaines obligations en matière de main-d'oeuvre dans les installations visées. Si une partie a des préoccupations ... elle peut demander la tenue d'une enquête par un groupe indépendant d'experts du travail et, sous réserve d'une confirmation, elle peut prendre des mesures pour imposer des sanctions visant les exportations de ces installations. »

Des règles sur l'acier et aucune pour l'aluminium

Les règles d'origine de l'ACEUM exigent que 70 % de l'acier acheté par les assembleurs de véhicules soit considéré comme originaire de la région de l'ACEUM. Le nouvel ALÉNA révisé prévoit la mise en oeuvre de règles sur l'acier sur une période de sept ans.

Aucune règle de ce genre n'a été incluse pour l'aluminium. La délégation canadienne aurait réclamé qu'un certain pourcentage d'aluminium utilisé dans les automobiles soit fondu en Amérique du Nord, mais les États-Unis et le Mexique ont refusé de l'accepter. Le Canada est de loin le plus grand producteur d'aluminium de la Forteresse Amérique du Nord. Les oligopoles qui contrôlent la production d'aluminium ont des installations partout dans le monde et utilisent leur production mondiale pour attaquer les travailleurs du Québec et de la Colombie-Britannique et pour exiger des gouvernements des concessions sur le prix de l'électricité, qui est un facteur important de la production.

L'absence d'un accord sur les règles d'origine de l'aluminium pourrait être un des points qui posent problème lorsque l'ACEUM arrivera au parlement canadien pour être ratifié. Le Bloc québécois a déjà fait part de sa déception face à cette faille dans l'accord.

La « propriété intellectuelle »

Dans le chapitre sur la « propriété intellectuelle », la durée du droit d'auteur d'un contenu comme les enregistrements sonores passera de 70 ans à 75 ans. Avec les modifications de décembre, les produits biologiques tels que les vaccins recevront des brevets conformément aux accords existants dans chaque pays. Au Canada, leur durée est de huit ans. Cela permet aux grandes pharmaceutiques de vendre des médicaments à des coûts élevés pendant au moins huit ans, y compris aux agences gouvernementales dans le cadre des programmes d'assurance-médicaments. Les produits pharmaceutiques hors marque ou génériques, une alternative moins coûteuse à de nombreux médicaments couramment utilisés, ne seront pas disponibles pendant la période de protection par le brevet.[3]

Le gouvernement abdique ses responsabilités sociales

L'ACEUM comprend des dispositions de coopération réglementaire qui limitent la capacité de chaque gouvernement de réglementer la production et la vente de biens dans des domaines comme les produits chimiques, la sécurité alimentaire et l'environnement. Cela profite directement aux conglomérats de l'oligarchie financière, car les gouvernements n'ont que peu de pouvoir pour contrôler ce qui est produit et vendu en Amérique du Nord.

L'ACEUM donne à l'oligarchie financière des pouvoirs extraordinaires pour contrôler les règlements couvrant toutes sortes d'affaires économiques qui empêchent le gouvernement de s'acquitter de ses responsabilités sociales. Dans le cadre de l'ACEUM, les gouvernements doivent permettre aux grandes entreprises d'examiner tout projet de règlement régissant leur secteur ou leur industrie avant d'adopter une loi. De fait, cela politise les intérêts privés et les activités des conglomérats de l'oligarchie financière de manière très précise.

De plus, aucune participation ou surveillance du public n'est permise dans l'élaboration des règlements. L'ACEUM donne aux entreprises un préavis des nouveaux règlements. Les personnes dites « intéressées » sont avisées à l'avance du projet de règlement du gouvernement et ont droit de participer à un processus de consultation avant qu'un règlement ne soit adopté par une assemblée législative.

Tous les règlements doivent être « fondés sur la science ». La politique d'édification de la nation n'est pas considérée comme « fondée sur la science » selon la définition impérialiste, pas plus que les considérations sociales ou autres considérations pour faire face à des problèmes et des défis comme la pauvreté, le changement climatique, le développement régional ou la tendance impérialiste à une économie de guerre et la nécessité de faire du Canada une zone de paix. Les conglomérats peuvent rejeter les règlements qu'ils considèrent comme non « fondés sur la science ».

Le gouvernement doit prouver qu'un projet de règlement s'appuie sur la science tandis que les intérêts privés des conglomérats n'ont pas à prouver que leur production ou leurs autres activités ne sont pas nuisibles à la vie collective de la nation, au bien-être du peuple ou à la santé de la Terre Mère. L'ACEUM renverse le « principe de précaution » de la société civile selon lequel les intérêts privés sont censés prouver que leurs activités ne nuisent pas au bien commun. En excluant le principe de précaution, l'ACEUM impose à ceux qui élaborent des règlements le fardeau de défendre leurs règles lorsqu'elles sont contestées par de puissants intérêts privés.

Le Conseil des Canadiens souligne que dans le cadre de l'ACEUM « les organismes de réglementation doivent défendre vigoureusement les règlements proposés et sont même tenus de proposer des solutions de rechange qui ne comportent pas de réglementation. Ils doivent fournir une analyse approfondie, y compris les coûts-avantages pour l'industrie. »

Dans la pratique, dans la société civile, le principe de précaution s'est souvent avéré être une escroquerie lorsqu'il était confronté aux intérêts privés de l'oligarchie financière, où la responsabilité sociale des conséquences est ignorée et les preuves supprimées. Les exemples sont nombreux, comme dans le cas du tabac et des risques pour la santé liés au tabagisme, la culture de l'automobile et l'hécatombe sur les routes, la congestion et la pollution atmosphérique, le secteur de l'énergie et la pollution menant au changement climatique, les grandes sociétés pharmaceutiques et la promotion des opiacés entraînant la dépendance et une mortalité grandissante et le recours à la violence pour régler les différends dans les relations internationales, ce qui élargit l'économie de guerre, ce qui favorise la vente et l'utilisation de sa production d'armements

La normalisation des règlements

L'ACEUM insiste pour que les trois pays harmonisent leurs règlements ou aient au moins des règlements similaires. De nombreux commentateurs soulignent que cette normalisation abaissera les normes au plus bas dénominateur commun et niera toute indépendance d'action selon les conditions concrètes dans les trois pays.

Les entreprises peuvent contester la réglementation d'un pays si elle n'est pas standard ou similaire à celle des deux autres ou d'un autre pays. Cette coopération en matière de règlement est assujettie au règlement des différends, ce qui signifie que les grandes sociétés peuvent contester directement les mesures prises par le gouvernement devant un organisme non gouvernemental.

L'ACEUM permet et encourage à certains égards les conglomérats de l'oligarchie financière à défendre leurs intérêts privés et à faire pression pour que des modifications soient apportées à la réglementation qui porte sur des questions comme les organismes génétiquement modifiés, les glyphosates comme l'herbicide Roundup de Monsanto/Bayer, l'étiquetage des produits de santé et des cigarettes, les règles sur l'inspection des aliments et celles qui portent généralement sur la sécurité du public. Une grande partie de cette activité se déroulerait en privé, derrière des portes closes.

Le règlement des différends

Le chapitre 20 de l'ALÉNA, qui énonce le mécanisme de règlement des différends de pays à pays, et le chapitre 19, qui énonce le mécanisme de règlement des différends en matière de droits antidumping et compensateurs, sont maintenus. Beaucoup considèrent que ces deux mécanismes portent atteinte au droit souverain des nations de réglementer les importations, car ils confient le règlement des différends à un groupe non gouvernemental. Comme la plupart des accords de libre-échange, ces mécanismes créent un organe supranational pour traiter les plaintes. Les États-Unis s'opposent depuis longtemps à leur utilisation et ont en fait réduit la portée du chapitre 19 par un accord parallèle avec le Mexique. La seule utilisation importante du chapitre 19 a été la contestation par le Canada en matière de droits sur le bois d'oeuvre. Le Canada a remporté sa cause, mais les autorités américaines sont tout simplement revenues à la charge avec de nouveaux tarifs et de nouveaux arguments.

L'oligarchie financière américaine s'oppose à ces arbitrages, car ils empiètent sur son pouvoir privé. Elle essaie présentement d'éliminer le processus de règlement des différends de l'OMC en bloquant les nominations et le renouvellement de mandat des juges d'arbitrage. Étant donné que trois juges sont nécessaires pour chaque appel, le système devrait s'effondrer à l'expiration du mandat de deux juges en décembre 2019.

De même, les autorités américaines bloquent l'utilisation du chapitre 20 depuis 2000, date à laquelle elles ont refusé de nommer des représentants à un groupe spécial chargé d'examiner une plainte du Mexique sur les tarifs américains sur le sucre. Aucun groupe spécial du chapitre 20 de l'ALÉNA n'a pu être établi depuis.

L'ACEUM élimine le chapitre 11 de l'ALÉNA, le mécanisme de règlement des différends entre le Canada et les États-Unis en matière d'investissements d'État, ce qui semble contredire la volonté de maintenir les chapitres 19 et 20, mais il le maintient dans certains cas entre les États-Unis et le Mexique. L'élimination du chapitre 11 a été saluée par certains comme une victoire populaire, mais un examen plus approfondi permet de croire qu'il a perdu toute importance avec l'élargissement des pouvoirs supranationaux de l'oligarchie financière au sein de la Forteresse Amérique du Nord.

Le chapitre 11 était un mécanisme qui permettait aux sociétés privées d'intenter une action en justice contre un gouvernement étranger si elles croyaient que les politiques d'un gouvernement étranger portaient atteinte à leur droit de faire du commerce dans ce pays suivant les conditions fixées par l'ALÉNA. Avec la normalisation des réglementations et autres pouvoirs, l'oligarchie financière peut imposer sa volonté dans la plupart des cas, à moins d'une résistance populaire résolue. Les oligarques pensent sans doute que le chapitre 11 est devenu un paratonnerre pour l'opposition et est trop de tracas. Sans compter que les néolibéraux peuvent maintenant dire que c'est une victoire pour le peuple et la souveraineté et une pièce maîtresse du nouvel ALÉNA.

Restrictions sur les négociations avec les pays « n'ayant pas
une économie de marché »

L'ACEUM stipule : « À la demande d'une autre Partie, une Partie qui a l'intention d'amorcer des négociations en vue de conclure un accord de libre-échange avec un pays n'ayant pas une économie de marché fournit, sur demande d'une autre Partie, autant de renseignements que possible sur les objectifs des négociations précitées. Pour l'application du présent article, un pays n'ayant pas une économie de marché est un pays qui, à la fois, a) à la date de signature du présent accord, est considéré par une Partie comme n'ayant pas une économie de marché aux fins de la législation sur les recours commerciaux de la Partie en question et b) n'a conclu d'accord de libre-échange avec aucune des Parties. [...]

« Si une Partie conclut un accord de libre-échange avec un pays n'ayant pas une économie de marché, les autres Parties pourront mettre fin au présent accord moyennant un préavis de six mois, et remplacer le présent accord par un accord bilatéral entre elles. »

Au moment de la publication du contenu de l'ACEUM, la Presse canadienne rapportait que le député conservateur Michael Chong a accusé le gouvernement libéral de renoncer à une mesure importante de souveraineté dans l'entente. « Nous devons maintenant demander l'autorisation de Washington pour entamer des négociations commerciales avec certains pays que les États-Unis désigneront comme pays n'ayant pas une économie de marché, a déclaré Chong. Cela fait littéralement de nous un État vassal des Américains. »

Dans une entrevue avec Reuters, le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, a défendu la clause en question en la qualifiant de « pilule empoisonnée pour dissuader les accords avec la Chine ». Ross a déclaré que la clause vise à « colmater les brèches dans les accords commerciaux qui ont servi à légitimer le commerce, la propriété intellectuelle et les pratiques de subventions industrielles de la Chine ». [4]

La clause crépusculaire

Les termes de l'ACEUM resteront en vigueur pendant une période de 16 ans, date à laquelle les parties peuvent choisir de revoir et/ou renégocier ces conditions, ou de se retirer complètement de l'accord. Après six ans, la clause crépusculaire de 16 ans peut être réexaminée et possiblement prolongée.

Article 232 sur les droits américains

En mars 2018, les États-Unis ont imposé des droits de douane de 25 % sur l'acier importé et de 10 % sur l'aluminium importé en vertu de l'article 232 de la Trade Expansion Act de 1962, qui permet au président américain d'imposer des droits de douane pour des raisons de sécurité nationale. Le président Trump aurait utilisé les tarifs pour extorquer certaines concessions demandées par la faction qu'il représente. Les tarifs de l'article 232 sur l'acier et l'aluminium produits au Canada et au Mexique ont finalement été retirés.

Les États-Unis songent également à invoquer l'article 232 pour imposer des droits de 25 % sur toutes les importations d'automobiles. L'ACEUM comprend des lettres d'accompagnement dans lesquelles il est stipulé que si les États-Unis imposent des tarifs sur les importations d'automobiles, le Canada et le Mexique disposeraient d'une période de franchise de deux mois pour prendre d'autres dispositions.

Les tarifs de l'article 232 et les tarifs du bois d'oeuvre résineux montrent à quel point les relations au sein de la Forteresse Amérique du Nord et au-delà sont précaires et incertaines, on pourrait même dire sans loi, et sujettes aux exigences pragmatiques des factions rivales de l'oligarchie financière dans leur lutte pour le contrôle de la présidence américaine.

Les achats en ligne et la circulation des données

L'ACEUM augmente la limite de franchise de droits pour les Canadiens qui achètent des produits américains en ligne de 20 $ à 150 $. Il permet aux entreprises de transférer des données à travers les frontières sans rencontrer d'obstacles.

Jason Oxman, président du groupe de commerce technologique ITI, dit que les dispositions numériques du pacte établissent « un nouveau précédent important pour les règles commerciales modernes ». (Associated Press) Les détails du pacte ne clarifient pas l'importance de ces « règles commerciales modernes » pour les données ni ce que cela signifie pour les Canadiens, par exemple dans le domaine de la vie privée ou des affaires politiques.

Le contexte de la renégociation de l'ALÉNA

L'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) est entré en vigueur le 1er janvier 1994. Depuis lors, le commerce entre les trois pays a connu une croissance exponentielle, en partie grâce à l'établissement de chaînes d'approvisionnement continentales des plus grands conglomérats. Chaque jour, les États-Unis font plus de 3,6 milliards de dollars d'échanges commerciaux avec le Canada et le Mexique. Le PIB annuel combiné de la Forteresse Amérique du Nord est supérieur à 22 billions de dollars américains.

L'ALÉNA a permis à l'oligarchie financière de déplacer ses entreprises là où cela convient à ses intérêts privés étroits et là où les fonds et les infrastructures publics sont le plus généreusement offerts dans des stratagèmes pour payer les riches. Des progrès dans la technologie de production et de transport ont été faits au profit de l'oligarchie financière sans tenir compte du bien-être de la classe ouvrière, de la stabilité et de la sécurité de l'économie nationale et régionale ou des impacts sur l'environnement social et naturel.

Les entreprises de l'oligarchie financière ont établi des réseaux de fabricants, vendeurs, fournisseurs et distributeurs qui dépendent fortement de la libre circulation des marchandises par les frontières de l'Amérique du Nord. Des couloirs de transport à cet effet sont envisagés pour maximiser les avantages et les bénéfices des oligarques.

L'ACEUM se concentre sur ce que l'administration américaine appelle la modernisation dans les domaines des droits de propriété intellectuelle, des pratiques réglementaires, des droits des travailleurs, de l'environnement, des marchés publics et d'un certain nombre d'autres domaines clés.

Notes

1. La gestion de l'offre est un système selon lequel le gouvernement canadien émet des permis qui permettent aux agriculteurs certains quotas de production de produits laitiers, de volaille et d'oeufs. Il contrôle également le prix des importations au Canada de ces produits. Ce processus garantit aux agriculteurs de tirer des revenus durables et garantit que les petites exploitations locales ne sont pas inondées par les produits agricoles provenant des mégafermes aux États-Unis et en Europe.

Les changements apportés au nouvel ALÉNA entraîneront un afflux de produits agricoles en provenance des États-Unis, y compris des produits laitiers américains qui peuvent provenir de vaches qui ont reçu des hormones de croissance bovine génétiquement modifiées (SBTR) pour augmenter leur production de lait. Il n'existe actuellement aucune exigence d'étiquetage pour le lait provenant des vaches traitées au SBTR, de sorte que les consommateurs ne sauront pas ce qu'ils boivent.

L'industrie agroalimentaire des États-Unis est fortement subventionnée par des fonds publics et intégrée à l'oligarchie financière. Permettre un plus grand accès au marché aux exploitations agricoles d'entreprises américaines signifierait que les petits agriculteurs canadiens seraient en concurrence avec des producteurs beaucoup plus grands capables de manipuler les prix à leur avantage.

« Le Conseil des Canadiens s'oppose à la ratification d'un nouvel ALÉNA qui érode notre système de gestion de l'offre et met en péril notre souveraineté alimentaire. »

Les citations directes en anglais se retrouvent ici.

(Traduit de l'anglais par LML)

2. « En 1964, 7 % des véhicules fabriqués au Canada étaient vendus aux États-Unis, alors qu'à partir de 1968, c'était 60 %. À la même date, 40 % des automobiles achetées au Canada étaient fabriquées aux États-Unis. La production d'automobiles et de pièces automobiles dépassa, en valeur marchande, la production de l'industrie papetière, au point de devenir la plus importante industrie du Canada. Le déficit commercial se résorba et devint un surplus commercial annuel valant des milliards de dollars canadiens. De 1965 à 1982, le déficit commercial total du Canada avec les États-Unis était de 12,1 milliards de dollars ; c'était le résultat d'un surplus commercial d'environ 28 milliards de dollars de véhicules assemblés et un déficit commercial d'environ 40,5 milliards de dollars en pièces automobiles. [...]

« Le pacte a bénéficié aux travailleurs canadiens, car il s'agit d'un milieu de travail dont le salaire moyen est nettement supérieur à la moyenne nationale. Il a par contre amené des inconvénients majeurs. Il a créé une situation de dépendance envers l'industrie automobile américaine, ce qui a défavorisé la création d'une industrie nationale. Par ailleurs, les usines sont surtout des unités de fabrication, l'administration et la recherche et développement sont demeuréss concentréss aux États-Unis. Le traité a aussi interdit au Canada d'établir des relations semblables avec d'autres fabricants automobiles.

« Le Canada devait aussi adhérer aux NHTSA, normes américaines régissant la sécurité et l'émission de polluants automobiles, il ne pouvait donc s'aligner sur les ECE Vehicle Regulations, normes internationales établies par l'UNECE, ce qui prévint la production canadienne de trouver des débouchés en dehors de l'Amérique du Nord. [...]

« Il a été aboli en 2001 après que l'OMC l'ait déclaré illégal. À ce moment, l'ALÉNA l'avait déjà largement remplacé. » (Wikipédia)

« En 1966, les exportations canadiennes de véhicules et de pièces aux États-Unis s'élèvent à 886 millions de dollars. En 1977, elles atteignent 9,9 milliards. De même, les importations canadiennes des États-Unis passent de 1,5 milliard en 1966 à 10,9 milliards en 1977.

« Dans l'ensemble, le Pacte de l'automobile a atteint son objectif d'établir un réseau de production intégré au Canada et aux États-Unis. En 1965, le Canada n'exportait que 48 000 véhicules aux États-Unis, représentant seulement 6 % de la production canadienne, tandis que les États-Unis n'exportaient que 64 000 véhicules au Canada, soit 0,6 % de la production de véhicules de type nord-américain des États-Unis. Une dizaine d'années plus tard, en 1975, le Canada exportait 849 000 véhicules aux États-Unis, représentant 59 % de la production canadienne, tandis que les États-Unis exportaient 698 000 véhicules au Canada, soit 8 % de la production américaine. » (Extrait de l'Encyclopédie canadienne)

Il est à noter que la croissance dans son ensemble de la production de véhicules doit être évaluée à la lumière de l'énorme promotion de la culture automobile dans les films et à la télévision, en particulier auprès des jeunes. Cette pression sur les individus d'utiliser et acheter des voitures a inclus l'aménagement urbain dans les plus grandes villes qui obligeait de nombreux travailleurs à acheter des voitures pour se rendre au travail et pour leurs loisirs.

3. Le nouvel ALÉNA confirme aux grandes sociétés pharmaceutiques américaines la durée actuelle de leurs brevets, qui au Canada est de huit ans d'exclusivité. L'accord comprend des produits biologiques, une nouvelle classe de médicaments fabriqués à partir de tissus humains ou animaux. Les produits biologiques comprennent des médicaments tels que l'insuline et des médicaments qui traitent le cancer, l'arthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse.

En 2016, les Canadiens ont dépensé 30 milliards de dollars pour faire remplir plus de 600 millions d'ordonnances. Les Canadiens paient déjà le deuxième prix le plus élevé des pays de l'OCDE pour les médicaments sur ordonnance. Des études ont révélé que de nombreuses personnes ne peuvent pas se permettre les médicaments qui leur sont prescrits.

(Source : Le Conseil des Canadiens)

4. Ce que dit l'ACEUM sur les pays « n'ayant pas une économie de marché » :

« Article 32.10 : Accords de libre-échange avec des pays n'ayant pas une économie de marché

« 1. Pour l'application du présent article : un pays n'ayant pas une économie de marché est un pays qui, à la fois : a) à la date de signature du présent accord, est considéré par une Partie comme n'ayant pas une économie de marché aux fins de la législation sur les recours commerciaux de la Partie en question, b) n'a conclu d'accord de libre-échange avec aucune des Parties.

« 2. Sur demande, une Partie fournira autant de renseignements que possible sur les objectifs des négociations.

« 3. Dès que possible, et au plus tard 30 jours avant la date de signature, la Partie qui a l'intention de signer un accord de libre-échange avec un pays n'ayant pas une économie de marché donne aux autres Parties la possibilité d'examiner le texte intégral de l'accord, y compris toute annexe et tout instrument accompagnant celui-ci, afin que ces Parties puissent examiner l'accord et en évaluer les incidences possibles sur le présent accord. Si la Partie concernée demande que le texte soit traité comme confidentiel, les autres Parties en préservent la confidentialité.

« 4. Si une Partie conclut un accord de libre-échange avec un pays n'ayant pas une économie de marché, les autres Parties pourront mettre fin au présent accord moyennant un préavis de six mois, et remplacer le présent accord par un accord bilatéral entre elles.

« 5. L'accord bilatéral est constitué de toutes les dispositions du présent accord à l'exception de celles dont les Parties concernées conviennent qu'elles ne s'appliquent pas entre elles.

« 6. Les Parties concernées utilisent la période de préavis de six mois pour examiner le présent accord et décider si des amendements devaient y être apportés pour assurer le bon fonctionnement de l'accord bilatéral.

« 7. L'accord bilatéral entre en vigueur 60 jours après la date à laquelle la dernière partie à l'accord bilatéral ayant accompli ses procédures juridiques applicables en a notifié l'autre partie. »

(Photos : LML, J. Raedle, B. Proulx)

Haut de page


Contestation de l'ordre du jour antisocial du gouvernement de l'Ontario

La cour juge que le gouvernement a enfreint l'autonomie des institutions postsecondaires

Manifestation à Toronto le 18 janvier 2019 contre les coupures au Régime d'aide financière aux étudiants ontariens et contre l'« Initiative de liberté de choix des étudiants »

Le 21 novembre, les juges Sachs, Corbett et Favreau de la Cour divisionnaire de la Cour supérieure de justice de l'Ontario se sont prononcés contre le « Student Choice Initiative (SCI) » (Initiative de liberté de choix des étudiants) du gouvernement de l'Ontario. Le SCI exige que les institutions d'enseignement postsecondaire rendent optionnels certains frais d'adhésion aux associations étudiantes et certains frais afférents pour les services que fournissent les associations (i.e. les étudiants peuvent décider de ne pas les payer), sous peine de se voir priver d'une partie des fonds publics qui reviennent aux institutions. En même temps, le SCI définit arbitrairement d'autres frais afférents étudiants comme obligatoires.[1] Les juges ont décidé que l'initiative du gouvernement enfreint à la fois l'autonomie des universités et la Loi sur les collèges d'arts appliqués et de technologie de l'Ontario et va au-delà des pouvoirs de prérogative du gouvernement. Les poursuites en justice contre le gouvernement ont été initiées par la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants et la Fédération des étudiants de l'Université York. L'Association des étudiants des cycles supérieurs de l'Université de Toronto est intervenue en faveur des associations étudiantes, tandis que B'nai Brith Canada, un groupe de défense des intérêts et « ardent défenseur de l'État d'Israël », est intervenu en faveur des directives du gouvernement.

Le gouvernement avait affirmé que le but de son initiative, qui s'accompagnait d'une fausse réduction de 10 % des frais de scolarité et de réductions des prêts aux étudiants, était d'améliorer l'accessibilité financière et l'accès aux universités et collèges publics. Il avait aussi dit que ses directives étaient fondées sur des « décisions de politique majeure » prises par le Cabinet et qu'elles « dépassent donc la portée de la compétence du tribunal en matière d'examen ». Il avait également soutenu que les directives avaient été prises en vertu du pouvoir de dépenser de la Couronne et que le tribunal n'avait pas la compétence pour s'ingérer dans les décisions de dépenser du gouvernement.

En ce qui concerne l'objectif du gouvernement, la cour a noté la preuve soumise par les requérants sous forme d'une lettre de collecte de fonds envoyée par le premier ministre à ses partisans, qui déclarait :« Je pense que nous savons tous à quels genres d'absurdités marxistes s'adonnent ces associations étudiantes. Alors, nous avons corrigé cela. Les cotisations des associations étudiantes sont désormais volontaires. » Cependant, dans sa décision, le tribunal n'a pas traité du but visé par ces directives et s'est plutôt demandé si elles faisaient partie des pouvoirs de prérogative du gouvernement. Le tribunal « doit veiller à ce que le ministre ait le pouvoir légal d'exiger des universités et des collèges qu'ils se conforment aux directives », lit-on dans la décision.

Le tribunal a noté que la question dont il a été saisi « est de savoir si le SCI et les directives respectent les limites du pouvoir de dépenser de la Couronne ». La cour a souligné que « l'un des défauts évidents [de l'argument du gouvernement selon lequel la directive relève de son pouvoir de prérogative de pouvoir dépenser] est que les montants [des frais afférents] en cause pour chaque étudiant sont très faibles par rapport à l'ensemble des frais de scolarité. De plus, la distinction entre les frais essentiels et non essentiels semble arbitraire si l'objectif réel derrière le SCI et les directives est de réduire la charge financière des étudiants : les frais d'adhésion au centre d'éducation physique, qui sont environ dix fois plus élevés que les frais d'adhésion à l'association étudiante, sont jugés ‘essentiels', mais les frais d'adhésion à l'association étudiante ne le sont pas : aucun fondement de principe pour faire cette distinction n'a été offert dans le dossier dont nous sommes saisis ou dans les plaidoiries. »

Le tribunal a également soulevé de sérieuses questions sur ce que le gouvernement tentait de faire avec sa directive et les causes futures dans lesquelles il pourrait faire face à des contestations. « Cette affaire pourrait soulever une question légitime concernant l'étendue du pouvoir de dépenser de la Couronne : les conditions qui y sont rattachées peuvent-elles être sans pertinence ou sans rapport avec l'objectif pour lequel le financement est accordé ? Les conditions peuvent-elles aller jusqu'à nuire au financement et aux activités de tierces parties, comme les associations étudiantes dans cette cause, qui ne reçoivent aucun financement de l'Ontario ? Cependant, cette question n'a pas été soulevée de façon catégorique par les requérants ou traitée par l'Ontario, et il semble qu'il y ait peu de jurisprudence sur l'étendue de la prérogative de la Couronne de pouvoir dépenser. Nous notons qu'il n'y a aucun cas comme celui-ci où un tribunal a examiné la question de savoir si la Couronne a l'autorité d'utiliser son pouvoir de dépenser d'une manière qui affecte l'autofinancement et les activités d'une tierce partie. »

Le tribunal souligne que la Loi sur les collèges d'arts appliqués et de technologie de l'Ontario déclare spécifiquement que « la présente loi n'a pas pour effet d'empêcher un conseil des étudiants d'un collège élu par les étudiants du collège de mener ses activités normales et nul collège ne doit empêcher le conseil de les mener. » La cour a souligné qu'en obligeant les collèges à rendre les cotisations des associations étudiantes volontaires, « le ministre ordonne aux collèges de prendre des mesures qui empêcheront les conseils des étudiants de mener leurs activités normales, ce que l'article 7 interdit expressément ».

En ce qui concerne les universités, alors que chaque université est régie par sa propre loi qui ne définit pas explicitement le rôle des associations étudiantes, le tribunal a cité les décisions des cours suprêmes confirmant l'autonomie des universités et des témoignages d'experts sur l'histoire de l'autonomie des universités canadiennes, et a statué que « les lois régissant les universités ‘ont préséance' en matière de gouvernance universitaire, y compris les activités étudiantes. Exiger que les universités permettent aux étudiants de ne pas payer les frais d'adhésion aux associations étudiantes et pour d'autres services « non essentiels » est incompatible avec la gouvernance autonome des universités ».

Mis à part les arguments du gouvernement, le tribunal a également pris note des arguments avancés par le seul intervenant dans l'affaire du côté du gouvernement, B'nai Brith Canada. B'nai Brith a plaidé en faveur de l'initiative du gouvernement, affirmant qu'elle améliore « l'autonomie et le choix des étudiants individuels qui peuvent ne pas être d'accord avec ou souhaitent appuyer leurs associations étudiantes », ou ce que la cour a appelé « l'argument de la liberté ». Le tribunal n'a pas entamé de débat sur la validité des arguments de B'nai Brith, mais les a au contraire rejetés sur la base qu'ils ne présentaient aucun élément de preuve au dossier à l'appui de leurs allégations et que le groupe a présenté des éléments de preuve qui n'ont pas été versés au dossier pour le tribunal, quelque chose qu'aucun intervenant n'est autorisé à faire. La Cour a noté que ledit argument de liberté était en conflit avec « le droit de mener une action collective (qui peut être incluse dans la liberté d'association) ».

En plus de statuer contre les directives du gouvernement, le tribunal a ordonné au gouvernement de payer les dépenses des requérants, pour un montant de 15 000 $.

Le gouvernement a l'intention d'en appeler de la décision

Des reportages ont indiqué que le gouvernement Ford fera appel de la décision en faisant valoir que sa directive n'est pas une ingérence dans l'autonomie des universités ou des collèges, car les établissements sont libres de décider d'appliquer ou non la directive et, conséquemment, de décider si oui ou non leur financement public sera réduit en n'appliquant pas la directive. Un mémoire du gouvernement déposé auprès de la Cour d'appel se lisait comme suit : « Les universités restent libres d'exercer leur indépendance et leur autonomie en choisissant d'accepter un financement public, sous réserve des conditions qui y sont rattachées. Rattacher des conditions aux subventions gouvernementales n'interfère d'aucune façon dans l'autonomie et l'indépendance des universités. »[2]

Notes

1. Canadian Federation of Students v. Ontario, 2019 ONSC 6658

2. Voir l'article du Charlatan ici.

(Photos : LML, S. Russell, H. Singh)

Haut de page


Rejetons les attaques organisées par l'État contre
le droit de conscience, la liberté de parole
et la liberté d'association!

La lettre de levée de fonds du premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, qui cible les activités politiques des associations étudiantes, montre que l'objectif que le gouvernement de l'Ontario s'est donné est de menacer et d'essayer de réduire au silence toute dissidence collective des jeunes des collèges et des universités et de violer leur droit de conscience. Cela se produit au moment où le gouvernement mène une attaque tous azimuts contre les services publics comme l'éducation et les programmes sociaux, dont les jeunes ont besoin. L'intervention de B'nai Brith en appui à l'« Initiative de la liberté de choix des étudiants » (SCI) du gouvernement Ford, dans la poursuite intentée contre le SCI par la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants et la Fédération des étudiants de l'Université York devant la Cour de justice de l'Ontario, montre que l'ordre du jour du gouvernement ontarien est lié directement aux tentatives de faire taire les jeunes Canadiens qui veulent que le Canada s'oppose à l'occupation israélienne de la Palestine. Ces développements cadrent bien avec les attaques similaires inacceptables qui ont lieu en Alberta, où le premier ministre Jason Kenney a fait des allégations à caractère diffamatoire au sujet des opinions politiques d'un chargé de cours et syndicaliste bien connu de l'Université de l'Alberta, Dougal MacDonald, un enseignant à la faculté d'éducation de l'université.

Les universités sont des lieux où les jeunes et les professeurs s'organisent pour enquêter et exprimer leurs points de vue sur toutes les questions importantes, y compris celles liées au rôle du Canada dans le monde et les questions sérieuses de la guerre et de la paix. Ce n'est pas une coïncidence si le gouvernement Harper puis le gouvernement Trudeau au niveau fédéral ont par exemple soutenu que les jeunes et les étudiants ne devraient pas être autorisés à défendre ouvertement les droits humains des Palestiniens en utilisant leur parole pour plaider en faveur d'une campagne de boycott, de désinvestissement et de sanctions pour faire pression sur Israël afin qu'il mette fin à son occupation de la Palestine. Un référendum adopté par une majorité d'étudiants qui ont voté en 2014 à l'Université de Windsor pour que leur association étudiante se désinvestisse « des entreprises qui soutiennent ou profitent des crimes de guerre, de l'occupation et de l'oppression israéliens » a été dénoncé au Parlement par le gouvernement Harper. Suite à cela et aux menaces d'un riche donateur de retirer son financement à l'université, l'Université de Windsor a coupé les fonds à l'association étudiante. Lors de son élection en 2015, le gouvernement Trudeau a également condamné officiellement le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions comme une forme d'antisémitisme et a clairement indiqué qu'il ne voulait pas que les jeunes expriment leur point de vue à ce sujet sur les campus universitaires et collégiaux.

Les arguments maintenant avancés par B'nai Brith qui affirme que l'adhésion obligatoire à des associations étudiantes viole les droits individuels des étudiants qui ne sont pas d'accord avec leurs actions montrent que, comme le gouvernement Ford, il veut briser les organisations de défense collective des étudiants au nom des droits individuels. En tant que « fidèle allié » autoproclamé « d'Israël », le B'nai Brith soutient-il l'initiative du gouvernement Ford pour essayer de faire taire les étudiants ou du moins interférer avec la capacité des étudiants à s'organiser collectivement contre l'occupation israélienne de la Palestine ? Si c'est le cas, cela ne révèle-t-il pas le caractère antidémocratique de l'initiative ? Ce n'est pas un hasard si les arguments de B'nai Brith sont en fait les mêmes que ceux avancés par le gouvernement Ford, que le paiement des cotisations aux associations étudiantes devrait être une question de « choix ».

De même, au nom de la liberté individuelle, du choix et même de la liberté, le gouvernement Ford et ceux qui appuient ses actions tentent de réprimer l'organisation des jeunes et de tous ceux qui résistent à ses attaques contre les services publics et les programmes sociaux, et qui défendent le principe selon lequel la société a une responsabilité envers ses membres que les gouvernements ont le devoir de remplir. Ils ciblent pour diffamation ceux qui résistent - comme les syndicats ouvriers et les associations étudiantes et les champions des opprimés - insinuant qu'ils sont des chefs mafieux, des criminels ou des « antisémites » selon les circonstances, pour tenter de nier la justesse de leur cause. Le but est de dissimuler le véritable objectif du gouvernement qui est de faire taire ceux qui refusent d'accepter les violations organisées par l'État du droit à la conscience, à la liberté de parole et à la liberté d'association. Il est important de s'opposer aux objectifs de l'Initiative de la liberté de choix des étudiants du gouvernement, et pas seulement en fonction de sa légalité ou non. Elle doit être déclarée illégale car elle est injuste et viole les droits !

(Photos : LML)

Haut de page


L'affaire de la diffamation de Dougal MacDonald,
chargé de cours à l'Université de l'Alberta

Menace à la liberté académique

L'article « Menace à la liberté académique » a été écrit en 1953 par Charles Herbert Huestis, arrière-grand-père du Dr Dougal MacDonald, et est reproduit avec la permission de la famille. Divers adptes de l'affirmation que la famine en Ukraine en 1932-1933 a été provoquée artificiellement par le dirigeant soviétique Joseph Staline exigent le licenciement du Dr MacDonald qui enseigne à l'Université de l'Alberta. Ils affirment que même si son point de vue sur le soi-disant Holodomor n'a pas été présenté durant ses cours, il est à l'origine d'un traumatisme transgénérationnel et sa présence à l'université constitue une menace. Non seulement cette prise de position contrevient-elle de manière flagrante à la nécessité de garantir la liberté de parole dans la société et en particulier dans un milieu universitaire où l'investigation scientifique et la parole sont essentielles à l'apprentissage, mais elle fait aussi la promotion d'une idéologie officielle à laquelle tout le monde est censé se conformer sous prétexte qu'il n'y a pas de faits alternatifs. Cela ne correspond à aucune notion de démocratie.

La vraie question est de s'élever au-dessus de l'avilissement du discours politique qui prétend défendre les droits mais qui interdit ce que les forces de l'offensive antisociale appellent le discours haineux. La bataille n'est pas seulement pour la démocratie à un moment où même les libertés démocratiques les plus élémentaires sont retirées au nom d'idéaux élevés. La lutte pour utiliser sa parole comme expression de sa conscience fait également partie intégrante de la bataille de la démocratie - la bataille par laquelle le peuple prend en main ses affaires en affirmant ses droits d'une manière qui oblige ceux qui agissent en toute impunité à rendre des comptes. Le droit d'utiliser sa parole est un droit humain. Sans lui, personne ne peut délibérer sur la direction de l'économie et les autres affaires importantes qui touchent la vie des gens et la société, comme celles relatives au crime et au châtiment, à la guerre et à la paix, au rôle des idéologies et ainsi de suite.

L'article « Threat to Academic Freedom » (Menace à la liberté académique) a été originellement publié dans l'édition du 3 septembre 1953 du Toronto Star.

***

La vague d'anticommunisme qui a déferlé sur les États-Unis est l'un des phénomènes sociaux les plus étonnants des temps modernes. Le président [Dwight D. Eisenhower] a déclaré il y a peu de temps qu'elle reculait mais elle a pris de l'ampleur.

L'autre jour, le New Republic publiait une caricature d'un personnage recouvert d'une capuche et drapé de noir intitulée « Peur », qui brandissait un fouet devant lequel l'oncle Sam terrorisé se terrait. Pendant quelques années, les singeries du Comité de la Chambre sur les activités antiaméricaines ont été vues avec un certain amusement, mais ce n'est plus le cas. D'éminents scientifiques ont été amenés devant lui et forcés de répondre à des questions qui indiquent l'ignorance des inquisiteurs. Le comité de l'énergie atomique a lui aussi fait preuve d'un manque d'intelligence. Leonard Engel, qui écrit occasionnellement dans The Nation sur les progrès de la science, a dit : « Dans un cas que je connais, un ingénieur respecté affilié à une grande université a été jugé inadmissible à l'accès à des documents secrets sur la seule accusation qu'il avait appuyé Henry Wallace [du Parti progressiste] lors des dernières élections. »

Maintenant, l'inquisition pénètre les écoles publiques et les universités. Le Comité de la Chambre sur les activités antiaméricaines a exigé que tous les manuels scolaires leur soient soumis pour la recherche de matériel subversif. Selon le rapport du comité des scientifiques sur les problèmes liés à l'allégeance, la sécurité affecte désormais la moitié de tous les scientifiques américains dans des domaines comme la physique et une proportion croissante dans d'autres domaines des sciences. Elle s'est maintenant étendue aux campus : plusieurs départements de l'Université de la Californie, explique Engel, qui exige également un serment d'allégeance, font des autorisations de sécurité une exigence pour tout le monde, quel que soit la nature ou le parrainage de son travail.

Le conseil scolaire de Cleveland, en Ohio, a récemment exigé un serment d'allégeance à tous ses enseignants des écoles publiques et le journal Plain Dealer a publié une photo de l'assermentation. CW Lawrence, commentateur du matin au Plain Dealer, a écrit à son éditeur : « Il me semble que cette image symbolise ce qui s'est passé dans notre pays au cours des derniers mois - un affaiblissement de notre caractère national, une détérioration de notre confiance en soi nationale, une perte de notre sens de l'humour, le tout étant le résultat d'une grande crainte irraisonnée d'une nation bien plus faible, à la fois physiquement et idéologiquement, que la nôtre. » En effet, les Américains singent la conduite même qu'ils condamnent en Russie. Lorsque la bombe atomique a explosé à Los Alamos, un éminent américain a déclaré : « C'est la fin de la démocratie. » Il voulait dire bien sûr que la militarisation, le secret et le contrôle de la pensée seraient étendus jusqu'à ce que les peuples qui se gouvernent perdent le pouvoir de façonner leur propre existence.

Un incident d'intolérance très médiatisé dans les universités s'est produit il n'y a pas longtemps à l'Université de Washington. Le professeur Henry Steele Commager du département d'histoire de l'Université de Columbia a écrit à ce sujet dans le New Republic du 25 juillet sous le titre « Red Baiting in the Colleges » (la chasse aux communistes dans les collèges). L'assemblée législative de l'État de Washington avait décrété qu'aucun salaire ne devait être versé à un employé de l'État qui était membre d'une organisation qui « prône le renversement du gouvernement des États-Unis par la force ou la violence », formule utilisée pour désigner les communistes, car le Parti communiste est aussi légal aux États-Unis que le républicain ou le démocrate.

Un ratissage de la faculté a exposé six membres qui pourraient être inclus dans cette formule, trois d'entre eux présumés membres actuels et trois anciens membres du parti. Le comité de faculté était enclin à l'indulgence, mais pas le président, R.B. Allen. Il soutenait que l'appartenance au PC constitue en soi une preuve d'inaptitude et d'incompétence, et que la dissimulation de cette appartenance rend l'infraction doublement odieuse. Le professeur Commager écrit : « Aucun exemple n'a encore été produit où un communiste d'une faculté universitaire a effectivement fait du tort à des étudiants ou à la recherche scientifique. L'hypothèse qu'un communiste trompera fatalement les étudiants est basée sur l'hypothèse tout à fait inexplorée que les collégiens seraient des imbéciles. »

Et cela m'amène à mon propos. Récemment, le professeur George Hunter, chef du département de biochimie de l'université de l'Alberta, a été sommairement congédié par le conseil des gouverneurs après 20 ans de brillants services. Le Dr Hunter n'est pas, je crois, membre du Parti ouvrier progressiste, mais il est profondément sympathique à la philosophie communiste et a dirigé un conseil de paix à Edmonton cette année. Le président de l'université a fait une déclaration à la presse dans laquelle il affirme que les opinions politiques du Dr Hunter ont été prises en considération par le conseil d'administration. « Ses opinions politiques, a déclaré le président, n'étaient pas la cause directe de son limogeage. Celui-ci est la culmination de plusieurs années d'insatisfaction. Le conseil d'administration a dû prendre note des plaintes répétées des étudiants qui disaient que le Dr Hunter utilisait sa classe pour propager ses opinions politiques. Au lieu d'un préavis, le Dr Hunter a reçu plusieurs mois de salaire du conseil d'administration. »

Toutes les tentatives d'obtenir davantage d'information du chancelier et du président sur la question ont été vaines. Le docteur Hunter, dans une déclaration aux médias, a dit qu'aucune raison n'avait été donnée par le conseil d'administration pour expliquer son congédiement. Quant à l'affirmation du président à l'effet qu'il se servait de sa salle de cours pour propager ses opinions politiques, il le nie catégoriquement. Il a dit aux médias qu'à la fin de ses cours de la session d'hiver le 7 avril, ayant terminé ses cours à 11 h 30, pendant le quart d'heure qui a suivi, il a partagé ses opinions sur les évènements mondiaux contemporains, après quoi 17 étudiants sur une classe de 257 étudiants ont signé une pétition qui a été remise au conseil d'administration. De tels étudiants n'ont pas la capacité émotionnelle de raffermir des jugements sur des questions controversées et il est peu probable qu'ils aient la formation intellectuelle requise pour compléter des études universitaires supérieures.

Il y a quelques années, un groupe d'étudiants de l'Université de Toronto avaient invité Tim Buck [secrétaire général du Parti communiste] et certains avaient contesté la décision auprès du président, le docteur Coy. Celui-ci avait répondu que les étudiants de niveau universitaire sont censés avoir l'intelligence d'un adulte et doivent par conséquent être en mesure de forger leur propre opinion puisqu'on ne les empêcherait pas d'entendre les deux côtés.

Jusqu'à maintenant, mis à part certaines sections des médias et, visiblement, la province de Québec et le chef du Parti progressiste-conservateur, le Canada est relativement libre d'hystérie anticommuniste. C'est déplorable qu'elle se manifeste dans une université ayant une fière tradition universitaire telle qu'établie par H. M. Tory et R.C. Wallace, ses premiers présidents.

L'éditeur de Saturday Night, commentant l'incident, a écrit : « Lorsque le conseil d'administration d'une université pose un geste aussi grave que de congédier un professeur d'université de 53 ans ayant 30 ans de service méritoire dans sa science, il lui doit, à lui, au public et aux principes de liberté académique, d'expliquer clairement et avec la plus grande franchise le fondement de ses actions. C'est, comme je l'ai dit plus haut, ce que les gouverneurs refusent de faire. »

(Traduit de l'anglais par LML)

Haut de page


Déclarations de soutien de collègues universitaires
et canadiens

Déclaration du président de l'Association du personnel universitaire
de l'Université de l'Alberta


Chers membres,

Il a été annoncé dans les nouvelles récemment que Dougal MacDonald, un chargé de cours à l'Université de l'Alberta, aurait publié des commentaires sur sa page privée de Facebook, commentaires qui ont été regardés à la loupe. Les commentaires de Dougal MacDonald lui appartiennent et ne sont aucunement liés à ses activités professionnelles à l'Université de l'Alberta. La vice-rectrice principale de l'université, Wendy Rodgers, a dit dans un message courriel :

« En tant que simple citoyen, M. MacDonald a le droit d'exprimer son opinion, et d'autres ont le droit de le critiquer ou de débattre de cette opinion », a-t-elle dit. « Nous croyons comprendre qu'il n'a pas exprimé ces opinions dans le cadre de sa relation d'employé avec l'université. »

En effet, en tant que simple citoyen, Dougal MacDonald jouit de la liberté d'expression, qui est protégée dans la Charte des droits et des libertés. La liberté d'expression assure aussi une protection au droit, tel que mentionné plus haut, à la critique ou au débat des opinions émises par un simple citoyen tel que Dougal MacDonald, ce que l'Association étudiante de l'université a fait. Cependant, l'Association étudiante a aussi exigé que Dougal MacDonald retire ses commentaires ou qu'il démissionne. L'exigence imposée par l'association pourrait être interprétée comme étant une pression visant à une autocensure rétroactive, ce qui contrevient aux principes de la liberté d'expression. L'autre volet de la proposition de l'association, c'est-à-dire, faute de rétraction, la démission, n'est pas plus approprié, puisque cette exigence est en lien avec les commentaires émis par Dougal MacDonald à titre de simple citoyen.

Kevin Kane

(1er décembre 2019)

Pétition du corps professoral de l'Université de l'Alberta

Akanksha Bhatnagar
Présidente, Association des étudiants de l'Université de l'Alberta
[...]

Chère Akanksha,

Nous sommes très préoccupés par la déclaration de l'Association étudiante de l'Université de l'Alberta concernant le docteur Dougal MacDonald, qui enseigne à la faculté de l'Éducation.

Votre condamnation des commentaires du docteur MacDonald sur l'Holomodor et l'exigence qu'il les retire ou qu'il démissionne sont non conformes aux politiques et aux principes de l'Université sur la liberté d'expression. Cette semaine, le conseil général du corps enseignant a approuvé la nouvelle déclaration de l'université sur la liberté d'expression qui se lit comme suit :

« L'université est un endroit de recherche libre et ouverte sur toutes les questions, et tous les membres de la communauté universitaire ont la plus grande latitude possible lorsqu'il s'agit de parler, écrire, écouter, regarder, contester, promouvoir et apprendre. Les membres de la communauté universitaire ont le droit de critiquer et de remettre en cause d'autres opinions défendues sur nos campus, mais n'ont pas le droit d'entraver ou de faire obstacle d'aucune façon à la liberté d'expression des autres. Le débat et la délibération ne doivent pas être supprimés parce que les idées défendues sont perçues par certains, ou par plusieurs, comme étant injurieux, malavisés, immoraux ou erronés. Il relève des individus, et non des institutions, de formuler ces jugements de façon personnelle et d'agir non pas en tentant de supprimer l'expression, mais en contestant ouvertement et résolument les idées qu'ils contestent. L'université ne cherche pas à protéger la communauté universitaire contre des idées ou des opinions avec lesquelles elle n'est pas d'accord ou qu'elle considère offensantes. »

Les commentaires du docteur MacDonald sont protégés par notre Charte des droits et libertés et par la liberté d'expression académique extramuros, un droit nécessaire pour tout le personnel professoral de l'université. Comme l'indique la déclaration, à l'université, la réaction que l'on doit avoir face aux idées avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord est d'en débattre farouchement et non de les supprimer.

L'environnement propice à l'apprentissage n'est pas, comme il est sous-entendu dans votre déclaration, « sécuritaire » lorsqu'un individu ou un groupe tente d'empêcher un autre individu ou groupe d'exercer sa liberté d'expression. Au contraire, il est par le fait même profondément discrédité, puisque la capacité d'examiner, d'analyser et de critiquer toutes les idées est la pierre angulaire de l'université.

Voir la liste de signataires

(2 décembre 2019. Traduction: LML)

Lettre ouverte de la Société pour la liberté académique et universitaire au président de l'université

Cher président Turpin,

Je vous écris en tant que président de la Société de liberté académique et universitaire (SLAU), une organisation de membres du personnel universitaire et d'autres qui se consacrent à la défense de la liberté académique et du principe du mérite de l'enseignement supérieur. (Pour de plus amples informations, prière de visiter notre site web à www.safs.ca.)

Le chargé de cours en Éducation Dougal MacDonald a été sévèrement critiqué par des membres de la communauté de l'Université de l'Alberta (et d'autres) pour des commentaires qu'il aurait émis en novembre au sujet de l'Holodomor. Certains ont proposé que l'Université de l'Alberta réprimande ou congédie M. MacDonald. La Société de liberté académique et universitaire félicite l'Université de l'Alberta pour la teneur de ses réponses aux plaintes reçues. D'abord, l'Université de l'Alberta a rejeté les requêtes que M. MacDonald soit sanctionné. Aussi, l'Université de l'Alberta compte réunir des chercheurs dans un avenir proche pour discuter de l'Holodomor publiquement.

Néanmoins, deux éléments de la réponse de l'Université de l'Alberta aux plaintes ne semblent pas conformes à l'engagement déclaré de l'université à la défense de la liberté académique et la liberté d'expression sur le campus.

Le premier est le fait que l'université persiste à dire que M. MacDonald a parlé de l'Holodomor en tant que simple citoyen et non en tant qu'universitaire. Wendy Rogers, vice-rectrice de l'Université de l'Alberta, par exemple, au nom de l'université, aurait dit : « À notre avis, il n'a pas exprimé son opinion dans le cadre de sa relation d'emploi avec l'université. »

Parce qu'il est un universitaire, M. MacDonald jouit de la liberté d'expression extramuros. L'Université de l'Alberta ne fait pas que respecter sa liberté d'expression en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. L'université a l'obligation, mis à part la Charte et simplement en tant qu'institution académique, de protéger et d'entretenir les propos extramuros.

Aussi, dans ses commentaires, la docteure Rodgers semble dire que si M. MacDonald avait émis ses propos au sujet de l'Holodomor en tant que professeur de l'Université de l'Alberta, en tant qu'enseignant, chercheur ou dans une fonction de service, l'Université de l'Alberta aurait été dans son droit de le réprimander ou de le sanctionner. M. MacDonald jouit de la liberté académique, et un aspect important de la liberté académique est la liberté de discussion peu importe le contexte académique. On ne pouvait discipliner M. MacDonald en raison de ses opinions exprimées dans un contexte académique pas plus que sur Facebook ou ailleurs.

Le deuxième est le désir de l'université de participer à la discussion sur l'Holodomor et de défendre une position officielle de l'université sur un événement historique. Ceci est évident dans la déclaration commune des doyens en Arts et Éducation. Les doyens écrivent qu'ils « affirment catégoriquement que ceci [que l'Holodomor est un ‘mythe' inventé par les nazis hitlériens pour discréditer l'Union soviétique] n'est pas vrai. » Ce désir est aussi présent dans votre propre déclaration, écrite avec trois autres, sous le titre : « Alerter l'opinion publique au sujet de l'Holodomor » : « Ses opinions ne représentent pas l'Université de l'Alberta et ne sont pas appuyées par elle. ».
Ce désir est contraire à la déclaration sur la Liberté d'expression qui a été approuvée récemment par le conseil général du personnel enseignant de l'Université de l'Alberta :

« Ce sont les individus et non les institutions qui doivent porter ces jugements sur une base personnelle et agir non pas en tentant de supprimer l'expression mais en contestant ouvertement et rigoureusement les idées avec lesquelles ils ne sont pas d'accord. »

Le principe que les universités elles-mêmes ne prennent pas position sur des questions de fond est un principe important et sage. Il fait en sorte que les universitaires ne souffrent pas des pressions exercées pour qu'elles se conforment à une ligne de parti. Ce faisant, il préserve la confiance du public dans la recherche qui a lieu à l'université.

Nous demandons respectueusement que vous répondiez à notre lettre. Avec votre permission, nous publierons votre réponse ainsi que cette lettre sur notre site web.

Sincèrement,

Mark Mercer, PhD
Président, Société pour la liberté académique et universitaire (SLAU)

(10 décembre 2019. Traduction et photos : LML)

Haut de page


Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes

Le 30e anniversaire de la tuerie de Polytechnique

Le 6 décembre marquait le 30e anniversaire de la tuerie de l'École polytechnique, un des événements les plus tragiques qui ait frappé la société québécoise et canadienne. Le 6 décembre 1989, un individu ouvrait le feu sur vingt-huit personnes, tuant quatorze femmes et blessant dix femmes et quatre hommes, avant de se suicider. Au moins quatre personnes se sont suicidées à la suite de ce drame.

Des milliers de femmes et leurs organisations réitèrent en cette occasion leur ordre du jour pour l'élimination de la violence contre les femmes et pour une autorité publique qui prend responsabilité sociale et garantit les droits de toutes et tous. Les 12 jours d'action contre la violence ont été lancés au Québec le 25 novembre, Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, de même que les 16 jours d'action à l'échelle internationale du 25 novembre au 10 décembre.

La gouvernance néolibérale au Canada fait beaucoup d'efforts pour s'assurer que ce mouvement demeure dans les limites d'une opposition « raisonnable », « comportementale », qui ne s'adresse pas à la direction violente et antisociale de l'économie. Le premier ministre Justin Trudeau l'a exprimé encore clairement le 25 novembre en disant : « Aujourd'hui, au premier des 16 jours d'activisme contre la violence fondée sur le sexe, j'invite les Canadiens à réfléchir à ce que nous pouvons tous faire, que ce soit par des gestes ou des paroles, pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe et créer un avenir meilleur pour tout le monde. » C'est l'hypocrisie libérale dans sa plus pure expression et une insulte à l'endroit des femmes.

La litanie des bons ou mauvais comportements du gouvernement illustre l'hypocrisie de ceux qui, à tous les jours, s'attaquent à la dignité des femmes, à leurs conditions de travail et de vie. La politique antisociale des gouvernements n'est pas un problème de comportement, tout comme la politique étrangère d'ingérence et d'agression, la politique raciste et coloniale à l'endroit des femmes des Premières Nations et de leur communauté. La violence contre les femmes et les enfants est intimement liée la direction antisociale et guerrière de la société et à la destruction aujourd'hui des arrangements et institutions qui ne fonctionnent plus.

Le mouvement des femmes et sa conscience sont beaucoup plus avancés que ce qu'exprime le gouvernement Trudeau. Elles veulent décider, humaniser la société. Les demandes des femmes s'adressent à ces arrangements lorsqu'elles revendiquent des investissements massifs en santé, en éducation et dans les programmes sociaux, dans les organismes de défense des droits des femmes, les maisons d'hébergement. Les femmes autochtones pour mettre fin à la violence permanente subie par les femmes et les membres des Premières Nations, dont plus de 1300 femmes disparues et assassinées. Depuis le début de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, le 1er septembre 2016, il y a eu plus de 130 cas de femmes et de filles autochtones soit assassinées, soit mortes dans des circonstances considérées comme suspectes. Elles luttent depuis près de 200 ans pour leurs droits ancestraux, leur droit d'être, niés à un point tel que le Canada est interpellé par l'ONU pour mettre fin à son héritage colonial et pour s'attaquer aux sources du problème. Il faut parler également des femmes musulmanes qui sont ciblées tout particulièrement par la Loi 21 du gouvernement Legault. Les femmes ne veulent pas simplement diminuer la violence, elles veulent l'éliminer et elles refusent que la chose soit réduite à une histoire de comportement.


Une commémoration a eu lieu à Montréal le 6 décembre à l'occasion du 30e anniversaire de la tragédie de l'École Polytechnique, à la Place-du-6-décembre-1989, à l'intersection du Chemin de la Reine-Marie et de la rue Bégin, pour rendre hommage aux 14 jeunes femmes tuées: Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne-Marie Edward, Maude Haviernick, Barbara Klucznik-Widajewicz, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne-Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie St-Arneault et Annie Turcotte.

La politique étrangère canadienne est empreinte d'agressions commises au nom de nobles idéaux. L'appui du Canada au gouvernement répressif et corrompu d'Haïti, son ingérence dans les affaires internes du Venezuela, son appui à la déstabilisation politique en Bolivie et son refus de condamner la répression à grande échelle au Chili sont tous des « gestes ou des paroles » qui permettent les pires violences contre des femmes.

La lutte menée par les femmes et filles pour affirmer leurs droits et contre toutes formes de violence contre elles est courageuse, héroïque, inspirante. Elle est héroïque et courageuse car menée dans le contexte d'une dégénérescence politique, sociale, culturelle et économique de la société. Cette dégénérescence atteint un niveau tel que la violence, loin de diminuer, prend des proportions sans précédent dans toutes les sphères de la société et l'empêche d'avancer.

Dans ces conditions, c'est tout à l'honneur des femmes, en ce 30e anniversaire de la tuerie de Polytechnique, de réitérer leur demande pour l'élimination de toute violence faite aux femmes et aux enfants. C'est tout à leur honneur d'exiger la fin de la violence sous toutes ces formes. L'humanisation de l'environnement naturel et social de la société est à l'ordre du jour plus que jamais.


À l'Université de la Colombie-Britannique le 6 décembre 2019

(Photos : LML, A. Funduk, Women's Shelters Canada, T. Williams)

Haut de page


L'origine de la campagne internationale pour mettre fin aux violences contre les femmes et les filles


La Marche des papillons pour l'élimination de la violence contre les femmes à Santo Domingo, République dominicaine, le 24 novembre 2019

Le 17 décembre 1999, l'ONU a proclamé le 25 novembre Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Cette année marque donc le 20e anniversaire de cette journée qui est le point de départ d'une campagne de 16 jours d'actions à l'échelle internationale pour mettre fin aux violences contre les femmes.

Des marcheuses portent la photo des soeurs Mirabal à la Marche des papillons 2019.

Cette date a été choisie pour honorer la mémoire de Minerva, Patria et Maria Teresa Mirabal, trois jeunes femmes de la République dominicaine assassinées le 25 novembre 1960. Les trois soeurs étaient d'actives militantes et organisatrices contre la dictature sanglante de Rafael Trujillo. Ce dernier, installé au pouvoir grâce aux États-Unis en 1930, est reconnu pour la persécution et l'assassinat des personnes ou collectifs qui s'opposaient à sa gouvernance. Il est aussi connu pour avoir commandé l'exécution de dizaines de milliers d'Haïtiens qui travaillaient en République dominicaine en 1937. Les soeurs Mirabal et leurs époux mobilisaient et organisaient pour tenter de renverser la dictature. Le 25 novembre 1960, alors qu'elles-mêmes venaient d'être libérées de prison et qu'elles revenaient de visiter leurs époux eux aussi incarcérés, leur voiture fut interceptée et les occupantes et leur chauffeur furent battus à mort. Les corps furent remis ensuite dans la voiture qu'on poussa dans un ravin pour faire croire à un accident de la route.


Photo des soeurs Mirabal en 1960

Le 25 novembre est une journée qui illustre la violence de l'État envers les femmes qui luttent pour leurs droits. En 1993, l'Assemblée générale des Nations unies, dans sa Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes, définissait ainsi la violence envers les femmes :

« Aux fins de la présente Déclaration, les termes ‘violence à l'égard des femmes' désignent tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée. »

L'article 2 de la déclaration précise que ces violences contre les femmes peuvent être exercées par la famille, par la collectivité (milieu de travail, lieu d'enseignement, etc.) et par l'État.

Depuis 10 ans, la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes est suivie d'une campagne d'actions de 16 jours qui se clôt le 10 décembre, Journée internationale des droits de la personne. Au Québec, la campagne dure 12 jours pour se clore le 6 décembre, pour commémorer la mémoire de 14 jeunes étudiantes de l'École polytechnique de Montréal, assassinées en 1989 parce qu'elles étaient des femmes. Depuis 1991, partout au Canada, la journée du 6 décembre est la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes. Cette année marque le 30e anniversaire de cette tragédie et les femmes et leurs organisations font le bilan des avances qu'elles ont faites.

Au Québec, les 12 jours sont marqués par plus d'une cinquantaine d'actions qui sont organisées de Gatineau à Mont-Joli. Par des films, des discussions, des pièces de théâtre, des séances à micro ouvert, des marches et des vigiles, les femmes s'adressent aux formes d'abus dont elles sont victimes : migrantes emprisonnées, violence envers les femmes en situation de handicap, violence en milieu de travail, à la maison, racisme et pauvreté, la violence colonialiste de l'État canadien envers les autochtones, etc. Elles prennent leur responsabilité sociale en dénonçant les indignations subies et expriment qu'un gouvernement apte à gouverner doit prendre des mesures concrètes pour y mettre fin définitivement.

(Photos :  Listin Diario, Notas Argentina)

Haut de page


La Dominique

Le peuple fait échec à l'ingérence flagrante
des États-Unis dans les élections générales par le biais de l'Organisation des États américains

Dans une déclaration pour le moins impudente, le département d'État des États-Unis a félicité l'île de la Dominique dans les Caraïbes pour les résultats de l'élection générale du 6 décembre lors de laquelle Roosevelt Skerrit s'est vu confier un nouveau mandat en tant que premier ministre du gouvernement du Parti du travail de la Dominique.

Selon un communiqué de presse en date du 9 décembre, le gouvernement des États-Unis aurait l'intention de « continuer de travailler avec l'administration Skerrit afin de promouvoir la sécurité régionale, la prospérité économique, une réforme électorale qui garantit des élections libres, équitables et transparentes ainsi que le droit des citoyens d'exercer pacifiquement leur devoir civil ». On y remercie aussi les missions d'observation électorale (MOÉ) de l'Organisation des États américains (OÉA), du Commonwealth et de la CARICOM et leur travail pour assurer la transparence du processus démocratique.

Le premier ministre Roosevelt Skerrit après l'élection

Suite à des démarches juridiques visant sans succès à retarder les élections tout en présentant des candidats dans chaque circonscription, le Parti des travailleurs unis (PTU), de l'opposition, a remporté trois des 21 sièges à l'Assemblée législative et au Sénat, tandis que le Parti du travail de la Dominique a remporté les 18 autres sièges. Les trois MOÉ ont reconnu la validité des élections et n'ont noté aucun problème majeur dans le processus.

Au cours des dernières semaines, l'île de 75 000 habitants a vécu des moments de violence et de tension alors que le PTU dirigé par Lennox Linton, avec la complicité de groupes de la société civile que plusieurs croient inspirés, conseillés et organisés par l'OÉA, a mis en doute la validité du processus électoral en annonçant à l'avance son intention de rejeter les résultats des élections générales et en allant jusqu'à dire que le premier ministre pourrait connaître le même sort qu'Evo Morales en Bolivie. Le porte-parole a aussi ajouté que le PTU n'hésiterait pas à solliciter l'aide de l'OÉA pour atteindre ses objectifs. La tension a dégénéré en violence et en perturbations avant la tenue des élections du 6 décembre, attribuées aux propos incendiaires de Linton et au fait de pousser ses partisans à se défouler lors des manifestations.

Dans un appel à la CARICOM, aux gouvernements caribéens individuels, aux partis politiques, organisations religieuses et sociales ainsi qu'aux individus, avant la tenue des élections, le Réseau anti-impérialiste caribéen (RAC) a soulevé que les déclarations attribuées à l'opposition constituent un danger pour la paix en Dominique et à la sécurité et la sûreté des Dominicains, et que si l'on permettait aux forces qui défendent de tels objectifs de poursuivre leurs efforts, il y aurait un grave danger d'effusion de sang et de pertes de vie en Dominique.

Faisant allusion aux activités de l'OÉA en Dominique et mettant en lumière ses antécédents à miner la gouvernance démocratique dans la région — en organisant des coups d'État, en appuyant des forces racistes et en servant d'instrument pour les manoeuvres de changement de régime organisées par les États-Unis —, la déclaration condamne l'ingérence destructrice de cette organisation, qui fait des demandes éhontées à la Dominique concernant cette élection.

Suite à l'élection, le premier ministre Skerrit a dit : « Les élections sont donc terminées. Le PTU n'a pas réussi à les retarder ni à inciter le chaos dans notre société et il a connu l'échec électoral ». Au sujet de l'opposition, il a dit : « J'appelle le PTU et ses partisans à cesser leurs activités et leurs comportements des récentes semaines. Qu'ils reconnaissent leur défaite électorale et qu'ils oeuvrent pour la paix ». Il a réitéré son appel à « donner à ce pays la pleine assurance que le Parti du travail de la Dominique est totalement engagé envers la paix et l'unité ».

Le premier ministre a aussi dit que le gouvernement allait continuer de bâtir le pays avec détermination et respect pour son peuple, en favorisant des politiques qui consolident surtout les projets de logement, d'éducation et de santé.

En revanche, le chef de l'opposition a réitéré le rejet par son parti des résultats électoraux, disant qu'ils sont le résultat d'une fraude électorale, exigeant de nouvelles élections, rejetant les conclusions des MOÉ et appelant le peuple à s'insurger. À cette fin, Linton a lancé l'appel à ses partisans à se rassembler dans Roseau, la capitale, pour une soi-disant réunion de remerciement le 12 décembre.

Maintenant que la poussière est retombée, la Dominique peut continuer de se reconstruire à la suite de la destruction de l'ouragan qui a frappé en 2017, gérer la situation volatile créée par l'OÉA et d'autres forces et tenter de résoudre ses problèmes quotidiens dans un climat de calme. Mais il faut savoir que la caravane de déstabilisation de l'OÉA est toujours là et va sans doute poursuivre sa tournée dans la région.

À la lumière de cette tension continue, la vigilance est de mise. Il faut aussi faire le bilan des récentes expériences de Cuba, de la Jamaïque, de la Grenade, du Nicaragua et du Venezuela. La souveraineté des Caraïbes est des plus importantes. Il faut surtout lui donner corps en investissant nos peuples du pouvoir. Ce sera le premier pas de la défense.

Le vote à l'élection du 6 décembre

(Avec des informations de la correspondante du LML et du Réseau anti-impérialiste des Caraïbes. Photos : TeleSUR, Barricada)

Haut de page


(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)

PDF

Lisez Le Marxiste-Léniniste
Site web:  www.pccml.ca   Courriel: redaction@cpcml.ca