Les principales caractéristiques et la discussion de l'accord proposé entre le Canada, les États-Unis et le Mexique
L'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) qui doit
remplacer l'actuel Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) a été
signé par les représentants gouvernementaux du Canada, des États-Unis
et du Mexique le 30 novembre 2018 et a été signé à nouveau
le 10 décembre 2019 après l'inclusion de plusieurs
modifications. Les gouvernements des trois pays doivent adopter
officiellement l'ACEUM pour qu'il entre en vigueur. Entre-temps,
l'ALÉNA demeure en vigueur. L'ALÉNA a été signé en 1992 par les
dirigeants des États-Unis, du Mexique et du Canada et est entré en
vigueur le 1er janvier 1994.
L'objectif officiel déclaré de l'ALÉNA, qui a été
utilisé à des fins de propagande pour intensifier l'offensive
antisociale, était d'accorder à chaque pays les meilleurs tarifs
possibles sur certaines marchandises, un arrangement appelé la clause
de la nation la plus favorisée, d'éliminer les barrières commerciales
et de faciliter le commerce des biens et des services, promouvoir une
concurrence loyale, accroître les opportunités d'investissement et,
ultimement, établir un cadre de coopération future en matière de
commerce entre les trois pays.
Le résultat a été l'accélération de la tendance déjà
évidente : l'intégration de l'économie des trois pays de
l'Amérique du Nord dans une forteresse dominée et dirigée par les
factions les plus puissantes de l'oligarchie financière et leurs
conglomérats et cartels. Le contrôle des oligarques au pouvoir est si
étendu qu'ils ont politisé leurs intérêts privés et les ont intégrés au
gouvernement et à l'État. La plupart des règlements et des restrictions
sur les opérations et les investissements des grandes entreprises ont
été supprimés, dilués, ignorés ou voués à l'élimination.
Cela signifie que le pouvoir du gouvernement consiste
principalement à canaliser la richesse sociale recueillie publiquement
vers différentes factions de l'oligarchie financière, à restreindre les
actions de la classe ouvrière pour défendre ses intérêts et à utiliser
l'armée, les ressources humaines et naturelles et la richesse sociale
produite de la Forteresse Amérique du Nord pour la guerre et d'autres
actions pour établir leur hégémonie sur le monde entier.
Le pouvoir direct de l'oligarchie financière aligné avec
les impérialistes américains, sur les affaires économiques, politiques,
militaires et sociales de l'Amérique du Nord et leur lutte pour
l'hégémonie mondiale sont à l'origine des changements à l'ALENA pour
créer la CUSMA. L'Organisation mondiale du commerce (OMC) et son
mécanisme de règlement des différends, par exemple, sont remplacés
parce qu'ils entravent la capacité des impérialistes américains à faire
ce qu'ils veulent. De même, les principes des relations internationales
pour maintenir la paix que l'ONU est censée incarner et défendre ont
été systématiquement sapés.
Une grande partie des mécanismes et des règles de
l'ALÉNA, de l'Organisation mondiale du commerce et des Nations unies
ont perdu leur pertinence et ont été remplacés par le pouvoir direct de
l'oligarchie financière sur l'économie, les affaires politiques,
militaires et sociales de l'Amérique du Nord et sa lutte pour
l'hégémonie mondiale.
La politisation des intérêts privés de
l'oligarchie
financière se traduit par l'anarchie et la violence à l'échelle
mondiale sans droit commercial international pour empêcher les
concurrents de se détruire ou de s'entre-tuer. D'une certaine manière,
les intérêts privés politisés reflètent l'anarchie du Far West à
l'échelle mondiale. L'arbitraire des intérêts privés politisés se voit
dans la façon dont le président Trump brandit les tarifs comme arme
pour gagner des avantages sur la Chine et d'autres pays identifiés
comme des concurrents hostiles, et imposer des sanctions et des
boycottages à tout pays qui ne se soumet pas à la domination des
États-Unis.
Les droits imposés sur le bois d'oeuvre qui attaquent la
production et les ventes canadiennes aux États-Unis ne sont qu'un
exemple. Les tarifs sont considérés comme un avantage pour les intérêts
privés des grands producteurs de bois d'oeuvre, car les prix de détail
ont augmenté de façon exponentielle. Les cinq plus gros producteurs de
bois d'oeuvre résineux canadiens ont profité de la hausse des prix,
fermé des scieries au Canada et investi massivement aux États-Unis et
en Europe.
Cependant, les conditions pour que des accords tels que
l'ACEUM et des organes tels que l'OMC puissent ordonner ou résoudre les
contradictions n'existent plus. L'anarchie et la violence dans les
relations internationales et le diktat des pouvoirs supranationaux
dominent. Dans ces conditions d'anarchie et de violence, l'adhésion aux
règles pour faire respecter les accords et arrangements n'existe plus,
sauf dans les cas où une puissante faction de l'oligarchie financière
veut les utiliser de manière opportuniste. Inutile de dire que le temps
est venu pour une nouvelle direction de l'économie qui favorise la
classe ouvrière des trois pays d'Amérique du Nord, qui restreint les
activités de l'oligarchie financière et prend des mesures nécessaires
pour éliminer l'anarchie et la violence qui règnent désormais dans les
relations internationales.
Les révisions de décembre 2019 et les
modifications proposées
à l'ALÉNA pour l'ACEUM
Les secteurs spécifiques qui seront touchés par
la modification des arrangements actuels avec l'adoption de l'ACEUM
sont, entre autres, le secteur agricole, l'industrie automobile et
l'industrie pharmaceutique, et les règlements qui touchent les
relations économiques des trois pays avec les autres pays du monde.
L'attaque contre les agriculteurs canadiens
L'oligarchie financière tient
particulièrement à éliminer le système traditionnel de gestion de
l'offre du Canada et du Québec dans le secteur laitier. Les
agriculteurs ont mené une lutte acharnée pour défendre leurs droits au
sein d'un Canada souverain et de son économie. En accordant l'accès en
franchise de droits au marché laitier canadien pour les deux autres
pays et inversement, l'ACEUM cherche à détruire le droit souverain des
agriculteurs d'organiser leur secteur. Le secteur agricole américain
est reconnu pour sa domination en raison de la taille de ses
exploitations et de son intégration avec l'oligarchie financière. Les
conglomérats du secteur pourront vendre à des prix inférieurs aux prix
de production pour éliminer les concurrents dans le secteur laitier,
comme ils l'ont fait aux États-Unis.[1]
L'industrie automobile
En 1965, les trois grands constructeurs automobiles
de l'époque (Ford, GM et Chrysler) ont établi un cartel organisé par
l'État avec l'Accord canado-américain sur les produits de l'industrie
automobile. Le Pacte de l'automobile a intégré efficacement l'industrie
automobile des États-Unis et du Canada sous le contrôle des trois
grands monopoles américains et de divers fabricants de pièces
automobiles. Pour le cartel de l'automobile, le commerce entre le
Canada et les États-Unis est devenu principalement une libre
circulation interne sans droit tarifaire des produits dans le cadre
d'un processus de production connu sous le nom de «
juste-à-temps ».
Dans la plupart des secteurs, y compris celui de
l'énergie, les échanges internes entre les divisions des entreprises
privées géantes, principalement contrôlées par les États-Unis, dont les
marchandises circulent entre le Canada et les États-Unis, sont devenus
un trait dominant de l'intégration du Canada à l'économie américaine au
cours des dernières décennies du XXe siècle. Le Canada ne fait pas de
commerce avec les États-Unis comme pays souverain qui contrôle ses
affaires économiques, mais comme une économie capturée et intégrée au
sein de la Forteresse Amérique du Nord dominée par une oligarchie
financière.
Grâce au Pacte de l'automobile, le cartel de
l'automobile a pu accéder à une force productive humaine canadienne
instruite, en santé et disciplinée. Deux importants programmes sociaux
ont fait en sorte que la capacité de travailler des Canadiens était
moins chère que celle des travailleurs aux États-Unis : le
programme national d'assurance-maladie du Canada et
l'assurance-chômage, qui deviendra plus tard l'assurance-emploi.
Les monopoles de l'automobile des États-Unis n'avaient
pas à payer d'assurance-maladie privée pour leurs travailleurs au
Canada, comme ils le faisaient aux États-Unis. Ils pouvaient organiser
de grandes mises à pied irrégulières, car les travailleurs recevaient
des prestations d'assurance-chômage presque équivalentes à leur salaire
normal. Ainsi les travailleurs demeuraient en contact comme
travailleurs de l'automobile expérimentés, qui pouvaient être rappelés
même pendant les mises à pied prolongées.[2]
Avec l'extension progressive du secteur automobile dans
le monde entier au cours des dernières décennies du XXe siècle,
notamment les importants investissements mondiaux dans la production
automobile en Asie de l'Est, le Pacte de l'automobile a perdu sa
pertinence pour l'oligarchie financière et est en fait devenu un
irritant pour les producteurs japonais et sud-coréens en plein essor
qui avaient des liens étroits avec les grands investisseurs des
États-Unis. En 1994, l'Accord de libre-échange entre les
États-Unis et le Canada et l'ALÉNA ont remplacé le Pacte de
l'automobile et ont intégré l'ensemble de la production automobile en
Amérique du Nord, limité auparavant aux trois grands d'origine, en un
marché libre.
Le développement inégal de l'impérialisme, l'évolution
des techniques de production et l'augmentation rapide du transport
maritime international de marchandises ont permis à la production de
véhicules de prendre de l'importance en Asie et au Mexique et entraîné
son déclin aux États-Unis et au Canada. L'ALÉNA a alors perdu sa
pertinence pour ce secteur.
L'oligarchie financière cherche toujours à renforcer son
contrôle aux dépens de ses concurrents et de la classe ouvrière. Sous
son contrôle et pour favoriser les intérêts privés des oligarques, le
secteur automobile américain et canadien subit de profonds changements
et ce sont les travailleurs de l'automobile qui portent le fardeau des
licenciements permanents sans perspectives de trouver un emploi
similaire.
Leurs villes, comme Oshawa, Oakville, Windsor et de
nombreuses autres aux États-Unis, subissent les graves conséquences de
la contraction de leur économie. Les changements proposés pour le
secteur automobile avec l'ACEUM visent à favoriser l'oligarchie
financière alors que la classe ouvrière est attaquée, n'a pas son mot à
dire et n'a aucun contrôle sur ce qui touche sa vie et l'économie, et
n'a certainement pas donné son consentement.
Dans le cadre de l'ACEUM, pour
être exempt de droits de
douane sur le marché nord-américain, un minimum de 75 % du
prix de production d'un véhicule doit avoir été produit à l'intérieur
de la Forteresse Amérique du Nord. Cela n'apporte aucune garantie que
la production se poursuivra dans des usines déjà établies, car ceux qui
en ont le contrôle introduisent rapidement de nouvelles techniques de
production et déplacent la production selon leurs intérêts privés
étroits, perspectives et critères qui vont à l'encontre du bien-être du
facteur humain, du développement d'une économie durable diversifiée qui
diminue le fardeau de l'introduction de nouvelles techniques et
détourne de la culture automobile, de sa pollution de l'environnement
et d'autres facteurs négatifs.
L'ACEUM cherche à normaliser le prix payé pour la
capacité de travail des travailleurs de l'automobile nord-américains
à 16 $ l'heure, ce qui est bien inférieur au prix actuel aux
États-Unis et au Canada. Avec cette manoeuvre, l'ACEUM cherche à
éliminer les syndicats de l'automobile en tant qu'organisations
indépendantes de la classe ouvrière, qui négocient collectivement avec
l'oligarchie financière des conditions d'emploi acceptables pour les
travailleurs de l'automobile dans les trois pays.
Le Mexique a accepté d'établir de nouveaux mécanismes
bilatéraux avec les États-Unis et le Canada afin de permettre une
ingérence directe dans ses rapports de production dans le secteur
automobile et d'intégrer davantage son économie à la Forteresse
Amérique du Nord sous le contrôle de l'oligarchie financière. Un
communiqué de presse du gouvernement du Canada détaillant les
changements finalisés en décembre se lit : « Le Canada a établi un
nouveau mécanisme bilatéral avec le Mexique en application du chapitre
sur le règlement des différends dans le domaine du travail. [...] Ce
mécanisme d'intervention rapide propre aux installations fournira au
Canada un processus amélioré pour veiller à la mise en oeuvre efficace
de certaines obligations en matière de main-d'oeuvre dans les
installations visées. Si une partie a des préoccupations ... elle peut
demander la tenue d'une enquête par un groupe indépendant d'experts du
travail et, sous réserve d'une confirmation, elle peut prendre des
mesures pour imposer des sanctions visant les exportations de ces
installations. »
Des règles sur l'acier et aucune pour l'aluminium
Les règles d'origine de l'ACEUM exigent
que 70 % de l'acier acheté par les assembleurs de véhicules
soit considéré comme originaire de la région de l'ACEUM. Le nouvel
ALÉNA révisé prévoit la mise en oeuvre de règles sur l'acier sur une
période de sept ans.
Aucune règle de ce genre n'a été incluse pour
l'aluminium. La délégation canadienne aurait réclamé qu'un certain
pourcentage d'aluminium utilisé dans les automobiles soit fondu en
Amérique du Nord, mais les États-Unis et le Mexique ont refusé de
l'accepter. Le Canada est de loin le plus grand producteur d'aluminium
de la Forteresse Amérique du Nord. Les oligopoles qui contrôlent la
production d'aluminium ont des installations partout dans le monde et
utilisent leur production mondiale pour attaquer les travailleurs du
Québec et de la Colombie-Britannique et pour exiger des gouvernements
des concessions sur le prix de l'électricité, qui est un facteur
important de la production.
L'absence d'un accord sur les règles d'origine de
l'aluminium pourrait être un des points qui posent problème lorsque
l'ACEUM arrivera au parlement canadien pour être ratifié. Le Bloc
québécois a déjà fait part de sa déception face à cette faille dans
l'accord.
La « propriété intellectuelle »
Dans le chapitre sur la « propriété
intellectuelle », la durée du droit d'auteur d'un contenu comme
les enregistrements sonores passera de 70 ans à 75 ans. Avec
les modifications de décembre, les produits biologiques tels que les
vaccins recevront des brevets conformément aux accords existants dans
chaque pays. Au Canada, leur durée est de huit ans. Cela permet aux
grandes pharmaceutiques de vendre des médicaments à des coûts élevés
pendant au moins huit ans, y compris aux agences gouvernementales dans
le cadre des programmes d'assurance-médicaments. Les produits
pharmaceutiques hors marque ou génériques, une alternative moins
coûteuse à de nombreux médicaments couramment utilisés, ne seront pas
disponibles pendant la période de protection par le brevet.[3]
Le gouvernement abdique ses responsabilités sociales
L'ACEUM comprend des dispositions de coopération
réglementaire qui limitent la capacité de chaque gouvernement de
réglementer la production et la vente de biens dans des domaines comme
les produits chimiques, la sécurité alimentaire et l'environnement.
Cela profite directement aux conglomérats de l'oligarchie financière,
car les gouvernements n'ont que peu de pouvoir pour contrôler ce qui
est produit et vendu en Amérique du Nord.
L'ACEUM donne à l'oligarchie
financière des pouvoirs
extraordinaires pour contrôler les règlements couvrant toutes sortes
d'affaires économiques qui empêchent le gouvernement de s'acquitter de
ses responsabilités sociales. Dans le cadre de l'ACEUM, les
gouvernements doivent permettre aux grandes entreprises d'examiner tout
projet de règlement régissant leur secteur ou leur industrie avant
d'adopter une loi. De fait, cela politise les intérêts privés et les
activités des conglomérats de l'oligarchie financière de manière très
précise.
De plus, aucune participation ou surveillance du public
n'est permise dans l'élaboration des règlements. L'ACEUM donne aux
entreprises un préavis des nouveaux règlements. Les personnes dites «
intéressées » sont avisées à l'avance du projet de règlement du
gouvernement et ont droit de participer à un processus de consultation
avant qu'un règlement ne soit adopté par une assemblée législative.
Tous les règlements doivent être « fondés sur la
science ». La politique d'édification de la nation n'est pas
considérée comme « fondée sur la science » selon la définition
impérialiste, pas plus que les considérations sociales ou autres
considérations pour faire face à des problèmes et des défis comme la
pauvreté, le changement climatique, le développement régional ou la
tendance impérialiste à une économie de guerre et la nécessité de faire
du Canada une zone de paix. Les conglomérats peuvent rejeter les
règlements qu'ils considèrent comme non « fondés sur la science ».
Le gouvernement doit prouver qu'un projet de règlement
s'appuie sur la science tandis que les intérêts privés des conglomérats
n'ont pas à prouver que leur production ou leurs autres activités ne
sont pas nuisibles à la vie collective de la nation, au bien-être du
peuple ou à la santé de la Terre Mère. L'ACEUM renverse le « principe
de précaution » de la société civile selon lequel les intérêts
privés sont censés prouver que leurs activités ne nuisent pas au bien
commun. En excluant le principe de précaution, l'ACEUM impose à ceux
qui élaborent des règlements le fardeau de défendre leurs règles
lorsqu'elles sont contestées par de puissants intérêts privés.
Le Conseil des Canadiens souligne que dans le cadre de
l'ACEUM « les organismes de réglementation doivent défendre
vigoureusement les règlements proposés et sont même tenus de proposer
des solutions de rechange qui ne comportent pas de réglementation. Ils
doivent fournir une analyse approfondie, y compris les coûts-avantages
pour l'industrie. »
Dans la pratique, dans la société civile, le principe de
précaution s'est souvent avéré être une escroquerie lorsqu'il était
confronté aux intérêts privés de l'oligarchie financière, où la
responsabilité sociale des conséquences est ignorée et les preuves
supprimées. Les exemples sont nombreux, comme dans le cas du tabac et
des risques pour la santé liés au tabagisme, la culture de l'automobile
et l'hécatombe sur les routes, la congestion et la pollution
atmosphérique, le secteur de l'énergie et la pollution menant au
changement climatique, les grandes sociétés pharmaceutiques et la
promotion des opiacés entraînant la dépendance et une mortalité
grandissante et le recours à la violence pour régler les différends
dans les relations internationales, ce qui élargit l'économie de
guerre, ce qui favorise la vente et l'utilisation de sa production
d'armements
La normalisation des règlements
L'ACEUM insiste pour que les trois pays harmonisent
leurs règlements ou aient au moins des règlements similaires. De
nombreux commentateurs soulignent que cette normalisation abaissera les
normes au plus bas dénominateur commun et niera toute indépendance
d'action selon les conditions concrètes dans les trois pays.
Les entreprises peuvent contester la réglementation d'un
pays si elle n'est pas standard ou similaire à celle des deux autres ou
d'un autre pays. Cette coopération en matière de règlement est
assujettie au règlement des différends, ce qui signifie que les grandes
sociétés peuvent contester directement les mesures prises par le
gouvernement devant un organisme non gouvernemental.
L'ACEUM permet et encourage à certains égards les
conglomérats de l'oligarchie financière à défendre leurs intérêts
privés et à faire pression pour que des modifications soient apportées
à la réglementation qui porte sur des questions comme les organismes
génétiquement modifiés, les glyphosates comme l'herbicide Roundup de
Monsanto/Bayer, l'étiquetage des produits de santé et des cigarettes,
les règles sur l'inspection des aliments et celles qui portent
généralement sur la sécurité du public. Une grande partie de cette
activité se déroulerait en privé, derrière des portes closes.
Le règlement des différends
Le chapitre 20 de l'ALÉNA, qui énonce le mécanisme
de règlement des différends de pays à pays, et le chapitre 19, qui
énonce le mécanisme de règlement des différends en matière de droits
antidumping et compensateurs, sont maintenus. Beaucoup considèrent que
ces deux mécanismes portent atteinte au droit souverain des nations de
réglementer les importations, car ils confient le règlement des
différends à un groupe non gouvernemental. Comme la plupart des accords
de libre-échange, ces mécanismes créent un organe supranational pour
traiter les plaintes. Les États-Unis s'opposent depuis longtemps à leur
utilisation et ont en fait réduit la portée du chapitre 19 par un
accord parallèle avec le Mexique. La seule utilisation importante du
chapitre 19 a été la contestation par le Canada en matière de
droits sur le bois d'oeuvre. Le Canada a remporté sa cause, mais les
autorités américaines sont tout simplement revenues à la charge avec de
nouveaux tarifs et de nouveaux arguments.
L'oligarchie financière américaine s'oppose à ces
arbitrages, car ils empiètent sur son pouvoir privé. Elle essaie
présentement d'éliminer le processus de règlement des différends de
l'OMC en bloquant les nominations et le renouvellement de mandat des
juges d'arbitrage. Étant donné que trois juges sont nécessaires pour
chaque appel, le système devrait s'effondrer à l'expiration du mandat
de deux juges en décembre 2019.
De même, les autorités américaines bloquent
l'utilisation du chapitre 20 depuis 2000, date à laquelle
elles ont refusé de nommer des représentants à un groupe spécial chargé
d'examiner une plainte du Mexique sur les tarifs américains sur le
sucre. Aucun groupe spécial du chapitre 20 de l'ALÉNA n'a pu être
établi depuis.
L'ACEUM élimine le chapitre 11 de l'ALÉNA, le
mécanisme de règlement des différends entre le Canada et les États-Unis
en matière d'investissements d'État, ce qui semble contredire la
volonté de maintenir les chapitres 19 et 20, mais il le
maintient dans certains cas entre les États-Unis et le Mexique.
L'élimination du chapitre 11 a été saluée par certains comme une
victoire populaire, mais un examen plus approfondi permet de croire
qu'il a perdu toute importance avec l'élargissement des pouvoirs
supranationaux de l'oligarchie financière au sein de la Forteresse
Amérique du Nord.
Le chapitre 11 était un mécanisme qui permettait
aux sociétés privées d'intenter une action en justice contre un
gouvernement étranger si elles croyaient que les politiques d'un
gouvernement étranger portaient atteinte à leur droit de faire du
commerce dans ce pays suivant les conditions fixées par l'ALÉNA. Avec
la normalisation des réglementations et autres pouvoirs, l'oligarchie
financière peut imposer sa volonté dans la plupart des cas, à moins
d'une résistance populaire résolue. Les oligarques pensent sans doute
que le chapitre 11 est devenu un paratonnerre pour l'opposition et
est trop de tracas. Sans compter que les néolibéraux peuvent maintenant
dire que c'est une victoire pour le peuple et la souveraineté et une
pièce maîtresse du nouvel ALÉNA.
Restrictions sur les négociations avec les pays «
n'ayant pas
une économie de marché »
L'ACEUM stipule : « À la demande d'une autre
Partie, une Partie qui a l'intention d'amorcer des négociations en vue
de conclure un accord de libre-échange avec un pays n'ayant pas une
économie de marché fournit, sur demande d'une autre Partie, autant de
renseignements que possible sur les objectifs des négociations
précitées. Pour l'application du présent article, un pays n'ayant pas
une économie de marché est un pays qui, à la fois, a) à la date de
signature du présent accord, est considéré par une Partie comme n'ayant
pas une économie de marché aux fins de la législation sur les recours
commerciaux de la Partie en question et b) n'a conclu d'accord de
libre-échange avec aucune des Parties. [...]
« Si une Partie conclut un accord de libre-échange avec
un pays n'ayant pas une économie de marché, les autres Parties pourront
mettre fin au présent accord moyennant un préavis de six mois, et
remplacer le présent accord par un accord bilatéral entre elles. »
Au moment de la publication du contenu de
l'ACEUM, la Presse canadienne rapportait que le député conservateur
Michael Chong a accusé le gouvernement libéral de renoncer à une mesure
importante de souveraineté dans l'entente. « Nous devons maintenant
demander l'autorisation de Washington pour entamer des négociations
commerciales avec certains pays que les États-Unis désigneront comme
pays n'ayant pas une économie de marché, a déclaré Chong. Cela fait
littéralement de nous un État vassal des Américains. »
Dans une entrevue avec Reuters, le secrétaire américain
au Commerce, Wilbur Ross, a défendu la clause en question en la
qualifiant de « pilule empoisonnée pour dissuader les accords avec la
Chine ». Ross a déclaré que la clause vise à « colmater les
brèches dans les accords commerciaux qui ont servi à légitimer le
commerce, la propriété intellectuelle et les pratiques de subventions
industrielles de la Chine ». [4]
La clause crépusculaire
Les termes de l'ACEUM resteront en vigueur pendant une
période de 16 ans, date à laquelle les parties peuvent choisir de
revoir et/ou renégocier ces conditions, ou de se retirer complètement
de l'accord. Après six ans, la clause crépusculaire de 16 ans peut
être réexaminée et possiblement prolongée.
Article 232 sur les droits américains
En mars 2018, les États-Unis ont imposé des droits
de douane de 25 % sur l'acier importé et de 10 %
sur l'aluminium importé en vertu de l'article 232 de la Trade
Expansion Act de 1962, qui permet au président américain
d'imposer des droits de douane pour des raisons de sécurité nationale.
Le président Trump aurait utilisé les tarifs pour extorquer certaines
concessions demandées par la faction qu'il représente. Les tarifs de
l'article 232 sur l'acier et l'aluminium produits au Canada et au
Mexique ont finalement été retirés.
Les États-Unis songent également à invoquer
l'article 232 pour imposer des droits de 25 % sur toutes
les importations d'automobiles. L'ACEUM comprend des lettres
d'accompagnement dans lesquelles il est stipulé que si les États-Unis
imposent des tarifs sur les importations d'automobiles, le Canada et le
Mexique disposeraient d'une période de franchise de deux mois pour
prendre d'autres dispositions.
Les tarifs de l'article 232 et les tarifs du bois
d'oeuvre résineux montrent à quel point les relations au sein de la
Forteresse Amérique du Nord et au-delà sont précaires et incertaines,
on pourrait même dire sans loi, et sujettes aux exigences pragmatiques
des factions rivales de l'oligarchie financière dans leur lutte pour le
contrôle de la présidence américaine.
Les achats en ligne et la circulation des données
L'ACEUM augmente la limite de franchise de droits pour
les Canadiens qui achètent des produits américains en ligne
de 20 $ à 150 $. Il permet aux entreprises de
transférer des données à travers les frontières sans rencontrer
d'obstacles.
Jason Oxman, président du groupe de commerce
technologique ITI, dit que les dispositions numériques du pacte
établissent « un nouveau précédent important pour les règles
commerciales modernes ». (Associated Press) Les détails du pacte
ne clarifient pas l'importance de ces « règles commerciales
modernes » pour les données ni ce que cela signifie pour les
Canadiens, par exemple dans le domaine de la vie privée ou des affaires
politiques.
Le contexte de la renégociation de l'ALÉNA
L'Accord de libre-échange nord-américain
(ALÉNA) est entré en vigueur le 1er janvier 1994. Depuis
lors, le commerce entre les trois pays a connu une croissance
exponentielle, en partie grâce à l'établissement de chaînes
d'approvisionnement continentales des plus grands conglomérats. Chaque
jour, les États-Unis font plus de 3,6 milliards de dollars
d'échanges commerciaux avec le Canada et le Mexique. Le PIB annuel
combiné de la Forteresse Amérique du Nord est supérieur à 22
billions de dollars américains.
L'ALÉNA a permis à l'oligarchie financière de déplacer
ses entreprises là où cela convient à ses intérêts privés étroits et là
où les fonds et les infrastructures publics sont le plus généreusement
offerts dans des stratagèmes pour payer les riches. Des progrès dans la
technologie de production et de transport ont été faits au profit de
l'oligarchie financière sans tenir compte du bien-être de la classe
ouvrière, de la stabilité et de la sécurité de l'économie nationale et
régionale ou des impacts sur l'environnement social et naturel.
Les entreprises de l'oligarchie financière ont établi
des réseaux de fabricants, vendeurs, fournisseurs et distributeurs qui
dépendent fortement de la libre circulation des marchandises par les
frontières de l'Amérique du Nord. Des couloirs de transport à cet effet
sont envisagés pour maximiser les avantages et les bénéfices des
oligarques.
L'ACEUM se concentre sur ce que l'administration
américaine appelle la modernisation dans les domaines des droits de
propriété intellectuelle, des pratiques réglementaires, des droits des
travailleurs, de l'environnement, des marchés publics et d'un certain
nombre d'autres domaines clés.
Notes
1. La gestion de l'offre est un
système selon lequel le gouvernement canadien émet des permis qui
permettent aux agriculteurs certains quotas de production de produits
laitiers, de volaille et d'oeufs. Il contrôle également le prix des
importations au Canada de ces produits. Ce processus garantit aux
agriculteurs de tirer des revenus durables et garantit que les petites
exploitations locales ne sont pas inondées par les produits agricoles
provenant des mégafermes aux États-Unis et en Europe.
Les changements apportés au nouvel ALÉNA entraîneront un
afflux de produits agricoles en provenance des États-Unis, y compris
des produits laitiers américains qui peuvent provenir de vaches qui ont
reçu des hormones de croissance bovine génétiquement modifiées (SBTR)
pour augmenter leur production de lait. Il n'existe actuellement aucune
exigence d'étiquetage pour le lait provenant des vaches traitées au
SBTR, de sorte que les consommateurs ne sauront pas ce qu'ils boivent.
L'industrie agroalimentaire des États-Unis est fortement
subventionnée par des fonds publics et intégrée à l'oligarchie
financière. Permettre un plus grand accès au marché aux exploitations
agricoles d'entreprises américaines signifierait que les petits
agriculteurs canadiens seraient en concurrence avec des producteurs
beaucoup plus grands capables de manipuler les prix à leur avantage.
« Le Conseil des Canadiens s'oppose à la ratification
d'un nouvel ALÉNA qui érode notre système de gestion de l'offre et met
en péril notre souveraineté alimentaire. »
Les citations directes en anglais se retrouvent ici.
(Traduit de l'anglais par LML)
2. « En 1964, 7 %
des véhicules fabriqués au Canada étaient vendus aux États-Unis, alors
qu'à partir de 1968, c'était 60 %. À la même
date, 40 % des automobiles achetées au Canada étaient
fabriquées aux États-Unis. La production d'automobiles et de pièces
automobiles dépassa, en valeur marchande, la production de l'industrie
papetière, au point de devenir la plus importante industrie du Canada.
Le déficit commercial se résorba et devint un surplus commercial annuel
valant des milliards de dollars canadiens. De 1965 à 1982, le
déficit commercial total du Canada avec les États-Unis était
de 12,1 milliards de dollars ; c'était le résultat d'un
surplus commercial d'environ 28 milliards de dollars de véhicules
assemblés et un déficit commercial d'environ 40,5 milliards de
dollars en pièces automobiles. [...]
« Le pacte a bénéficié aux travailleurs canadiens, car
il s'agit d'un milieu de travail dont le salaire moyen est nettement
supérieur à la moyenne nationale. Il a par contre amené des
inconvénients majeurs. Il a créé une situation de dépendance envers
l'industrie automobile américaine, ce qui a défavorisé la création
d'une industrie nationale. Par ailleurs, les usines sont surtout des
unités de fabrication, l'administration et la recherche et
développement sont demeuréss concentréss aux États-Unis. Le traité a
aussi interdit au Canada d'établir des relations semblables avec
d'autres fabricants automobiles.
« Le Canada devait aussi adhérer aux NHTSA, normes
américaines régissant la sécurité et l'émission de polluants
automobiles, il ne pouvait donc s'aligner sur les ECE Vehicle
Regulations, normes internationales établies par l'UNECE, ce qui
prévint la production canadienne de trouver des débouchés en dehors de
l'Amérique du Nord. [...]
« Il a été aboli en 2001 après que l'OMC l'ait
déclaré illégal. À ce moment, l'ALÉNA l'avait déjà largement
remplacé. » (Wikipédia)
« En 1966, les exportations canadiennes de
véhicules et de pièces aux États-Unis s'élèvent à 886 millions de
dollars. En 1977, elles atteignent 9,9 milliards. De même,
les importations canadiennes des États-Unis passent de 1,5
milliard en 1966 à 10,9 milliards en 1977.
« Dans l'ensemble, le Pacte de l'automobile a atteint
son objectif d'établir un réseau de production intégré au Canada et aux
États-Unis. En 1965, le Canada n'exportait que 48 000
véhicules aux États-Unis, représentant seulement 6 % de la
production canadienne, tandis que les États-Unis n'exportaient
que 64 000 véhicules au Canada, soit 0,6 % de la
production de véhicules de type nord-américain des États-Unis. Une
dizaine d'années plus tard, en 1975, le Canada
exportait 849 000 véhicules aux États-Unis,
représentant 59 % de la production canadienne, tandis que les
États-Unis exportaient 698 000 véhicules au Canada,
soit 8 % de la production américaine. » (Extrait de l'Encyclopédie
canadienne)
Il est à noter que la croissance dans son ensemble de la
production de véhicules doit être évaluée à la lumière de l'énorme
promotion de la culture automobile dans les films et à la télévision,
en particulier auprès des jeunes. Cette pression sur les individus
d'utiliser et acheter des voitures a inclus l'aménagement urbain dans
les plus grandes villes qui obligeait de nombreux travailleurs à
acheter des voitures pour se rendre au travail et pour leurs loisirs.
3. Le nouvel ALÉNA confirme aux
grandes sociétés pharmaceutiques américaines la durée actuelle de leurs
brevets, qui au Canada est de huit ans d'exclusivité. L'accord comprend
des produits biologiques, une nouvelle classe de médicaments fabriqués
à partir de tissus humains ou animaux. Les produits biologiques
comprennent des médicaments tels que l'insuline et des médicaments qui
traitent le cancer, l'arthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn et la
colite ulcéreuse.
En 2016, les Canadiens ont dépensé 30
milliards de dollars pour faire remplir plus de 600 millions
d'ordonnances. Les Canadiens paient déjà le deuxième prix le plus élevé
des pays de l'OCDE pour les médicaments sur ordonnance. Des études ont
révélé que de nombreuses personnes ne peuvent pas se permettre les
médicaments qui leur sont prescrits.
(Source : Le Conseil des Canadiens)
4. Ce que dit l'ACEUM sur les pays
« n'ayant pas une économie de marché » :
« Article 32.10 : Accords de libre-échange
avec des pays n'ayant pas une économie de marché
« 1. Pour l'application du présent article :
un pays n'ayant pas une économie de marché est un pays qui, à la
fois : a) à la date de signature du présent accord, est considéré
par une Partie comme n'ayant pas une économie de marché aux fins de la
législation sur les recours commerciaux de la Partie en question, b)
n'a conclu d'accord de libre-échange avec aucune des Parties.
« 2. Sur demande, une Partie fournira autant de
renseignements que possible sur les objectifs des négociations.
« 3. Dès que possible, et au plus tard 30 jours
avant la date de signature, la Partie qui a l'intention de signer un
accord de libre-échange avec un pays n'ayant pas une économie de marché
donne aux autres Parties la possibilité d'examiner le texte intégral de
l'accord, y compris toute annexe et tout instrument accompagnant
celui-ci, afin que ces Parties puissent examiner l'accord et en évaluer
les incidences possibles sur le présent accord. Si la Partie concernée
demande que le texte soit traité comme confidentiel, les autres Parties
en préservent la confidentialité.
« 4. Si une Partie conclut un accord de libre-échange
avec un pays n'ayant pas une économie de marché, les autres Parties
pourront mettre fin au présent accord moyennant un préavis de six mois,
et remplacer le présent accord par un accord bilatéral entre elles.
« 5. L'accord bilatéral est constitué de toutes les
dispositions du présent accord à l'exception de celles dont les Parties
concernées conviennent qu'elles ne s'appliquent pas entre elles.
« 6. Les Parties concernées utilisent la période de
préavis de six mois pour examiner le présent accord et décider si des
amendements devaient y être apportés pour assurer le bon fonctionnement
de l'accord bilatéral.
« 7. L'accord bilatéral entre en vigueur 60 jours
après la date à laquelle la dernière partie à l'accord bilatéral ayant
accompli ses procédures juridiques applicables en a notifié l'autre
partie. »
Cet article est paru dans
Volume 49 Numéro 35 - 14 décembre 2019
Lien de l'article:
Les principales caractéristiques et la discussion de l'accord proposé entre le Canada, les États-Unis et le Mexique
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