Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes

Le 30e anniversaire de la tuerie de Polytechnique

Le 6 décembre marquait le 30e anniversaire de la tuerie de l'École polytechnique, un des événements les plus tragiques qui ait frappé la société québécoise et canadienne. Le 6 décembre 1989, un individu ouvrait le feu sur vingt-huit personnes, tuant quatorze femmes et blessant dix femmes et quatre hommes, avant de se suicider. Au moins quatre personnes se sont suicidées à la suite de ce drame.

Des milliers de femmes et leurs organisations réitèrent en cette occasion leur ordre du jour pour l'élimination de la violence contre les femmes et pour une autorité publique qui prend responsabilité sociale et garantit les droits de toutes et tous. Les 12 jours d'action contre la violence ont été lancés au Québec le 25 novembre, Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, de même que les 16 jours d'action à l'échelle internationale du 25 novembre au 10 décembre.

La gouvernance néolibérale au Canada fait beaucoup d'efforts pour s'assurer que ce mouvement demeure dans les limites d'une opposition « raisonnable », « comportementale », qui ne s'adresse pas à la direction violente et antisociale de l'économie. Le premier ministre Justin Trudeau l'a exprimé encore clairement le 25 novembre en disant : « Aujourd'hui, au premier des 16 jours d'activisme contre la violence fondée sur le sexe, j'invite les Canadiens à réfléchir à ce que nous pouvons tous faire, que ce soit par des gestes ou des paroles, pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe et créer un avenir meilleur pour tout le monde. » C'est l'hypocrisie libérale dans sa plus pure expression et une insulte à l'endroit des femmes.

La litanie des bons ou mauvais comportements du gouvernement illustre l'hypocrisie de ceux qui, à tous les jours, s'attaquent à la dignité des femmes, à leurs conditions de travail et de vie. La politique antisociale des gouvernements n'est pas un problème de comportement, tout comme la politique étrangère d'ingérence et d'agression, la politique raciste et coloniale à l'endroit des femmes des Premières Nations et de leur communauté. La violence contre les femmes et les enfants est intimement liée la direction antisociale et guerrière de la société et à la destruction aujourd'hui des arrangements et institutions qui ne fonctionnent plus.

Le mouvement des femmes et sa conscience sont beaucoup plus avancés que ce qu'exprime le gouvernement Trudeau. Elles veulent décider, humaniser la société. Les demandes des femmes s'adressent à ces arrangements lorsqu'elles revendiquent des investissements massifs en santé, en éducation et dans les programmes sociaux, dans les organismes de défense des droits des femmes, les maisons d'hébergement. Les femmes autochtones pour mettre fin à la violence permanente subie par les femmes et les membres des Premières Nations, dont plus de 1300 femmes disparues et assassinées. Depuis le début de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, le 1er septembre 2016, il y a eu plus de 130 cas de femmes et de filles autochtones soit assassinées, soit mortes dans des circonstances considérées comme suspectes. Elles luttent depuis près de 200 ans pour leurs droits ancestraux, leur droit d'être, niés à un point tel que le Canada est interpellé par l'ONU pour mettre fin à son héritage colonial et pour s'attaquer aux sources du problème. Il faut parler également des femmes musulmanes qui sont ciblées tout particulièrement par la Loi 21 du gouvernement Legault. Les femmes ne veulent pas simplement diminuer la violence, elles veulent l'éliminer et elles refusent que la chose soit réduite à une histoire de comportement.


Une commémoration a eu lieu à Montréal le 6 décembre à l'occasion du 30e anniversaire de la tragédie de l'École Polytechnique, à la Place-du-6-décembre-1989, à l'intersection du Chemin de la Reine-Marie et de la rue Bégin, pour rendre hommage aux 14 jeunes femmes tuées: Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne-Marie Edward, Maude Haviernick, Barbara Klucznik-Widajewicz, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne-Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie St-Arneault et Annie Turcotte.

La politique étrangère canadienne est empreinte d'agressions commises au nom de nobles idéaux. L'appui du Canada au gouvernement répressif et corrompu d'Haïti, son ingérence dans les affaires internes du Venezuela, son appui à la déstabilisation politique en Bolivie et son refus de condamner la répression à grande échelle au Chili sont tous des « gestes ou des paroles » qui permettent les pires violences contre des femmes.

La lutte menée par les femmes et filles pour affirmer leurs droits et contre toutes formes de violence contre elles est courageuse, héroïque, inspirante. Elle est héroïque et courageuse car menée dans le contexte d'une dégénérescence politique, sociale, culturelle et économique de la société. Cette dégénérescence atteint un niveau tel que la violence, loin de diminuer, prend des proportions sans précédent dans toutes les sphères de la société et l'empêche d'avancer.

Dans ces conditions, c'est tout à l'honneur des femmes, en ce 30e anniversaire de la tuerie de Polytechnique, de réitérer leur demande pour l'élimination de toute violence faite aux femmes et aux enfants. C'est tout à leur honneur d'exiger la fin de la violence sous toutes ces formes. L'humanisation de l'environnement naturel et social de la société est à l'ordre du jour plus que jamais.


À l'Université de la Colombie-Britannique le 6 décembre 2019

(Photos : LML, A. Funduk, Women's Shelters Canada, T. Williams)


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 35 - 14 décembre 2019

Lien de l'article:
Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes: Le 30e anniversaire de la tuerie de Polytechnique - Christine Dandenault


    

Site Web:  www.pccml.ca   Courriel:  redaction@cpcml.ca