Numéro 35
8 juillet 2024
Le sommet de l'OTAN 2024 à Washington
À 75 ans, l'OTAN n'a rien à
célébrer
Joignez-vous
aux
actions pour dire:
Sortons le Canada de l'OTAN! Démantelons
l'OTAN!
• Déclaration
du
Cabinet du premier ministre
• Trente ans d'échecs de l'OTAN
• Militante
opposition à la visite du secrétaire général
de l'OTAN au Canada
• Les problèmes de recrutement de l'OTAN
Les événements entourant la création de l'OTAN
• La division anglo-américaine de l'Allemagne au service de visées anticommunistes
• Le discours raciste et anticommuniste de Winston Churchill à Fulton, Missouri, le 5 mars 1946
• Interview de Staline accordée à la Pravda au sujet du discours de M. Churchill à Fulton
• La géopolitique de l'atlantisme
• L'opération «Unthinkable» – le plan d'invasion de l'Union soviétique par Churchill en juillet 1945
Sommet de l'OTAN 2024 à Washington
Joignez-vous aux actions
pour
dire:
Sortons le Canada de l'OTAN! Démantelons
l'OTAN!
CALENDRIER
D'ÉVÉNEMENTS
Le sommet de l'OTAN 2024 a lieu à Washington du 9 au 11 juillet, à l'occasion du 75e anniversaire de la création de cette alliance militaire agressive. Des actions contre l'OTAN auront lieu au Canada pour exprimer la demande des Canadiens et des Québécois que le Canada sorte de l'OTAN et que l'OTAN soit démantelée. Les actions sont également appelées pour s'opposer à la guerre par procuration des États-Unis/OTAN en Ukraine et à l'augmentation des dépenses pour la guerre et les préparatifs de guerre.
Les actions les plus importantes auront lieu à Washington, où des revendications précises seront présentées, comme une résolution pacifique négociée de la guerre par procuration des États-Unis/OTAN en Ukraine, l'arrêt du génocide par le partenaire de l'OTAN, l'État sioniste d'Israël, et le démantèlement de l'OTAN.
Sur sa page Web pour le sommet de 2024, l'OTAN déclare
que «
les 32 membres de l'Alliance se réuniront à nouveau à
Washington
pour prendre des décisions cruciales qui leur permettront
de
continuer à protéger leurs citoyens, soit un milliard de
personnes, dans un monde qui n'avait plus été aussi
dangereux
depuis la guerre froide ». Outre ces 32 membres, l'OTAN
dit
entretenir des « partenariats » avec plus de 40 pays et
organisations non membres, dont l'État sioniste d'Israël.
La réalité est que les actions de l'OTAN menacent, mettent en danger, mutilent et tuent continuellement non seulement le milliard de citoyens qu'elle prétend protéger, mais aussi les 7,1 milliards d'autres personnes dont les pays ne font pas partie de l'OTAN. Ce fait n'est évidemment pas mentionné.
L'OTAN a été créée en 1949 en tant qu'instrument militaire et politique dont les États-Unis avaient besoin pour consolider la guerre froide à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, alors que les impérialistes anglo-américains entreprenaient de diviser le monde sur la base des considérations idéologiques racistes et anticommunistes. Depuis la fin de la guerre froide en 1989-1991, lorsque l'Union soviétique s'est effondrée, jusqu'à aujourd'hui, les impérialistes anglo-américains ont continué de diviser le monde sur la base d'objectifs racistes et anticommunistes qui favorisent la quête de domination mondiale de l'impérialisme américain. Les dirigeants de l'OTAN parlent des États-Unis comme du leader du monde, la seule superpuissance, le pays responsable de la paix dans le monde, et laissent entendre que les crimes qu'ils commettent doivent être excusés parce que telle est le fardeau que doit porter une superpuissance. Et sans discussion, cela est donné comme une analyse. La logique veut qu'elle soit la superpuissance en raison de sa capacité économique, de sa projection militaire, de ses influences culturelles, etc. C'est l'idée qui est projetée, celle d'une superpuissance au sommet du monde. Elle ne se limite pas à un État-nation ou à son intégrité territoriale. L'image du monde dans lequel nous vivons est donnée de ce point de vue.
Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, en a fait la démonstration dans un discours prononcé au Wilson Center lors de sa visite aux États-Unis le 17 juin. Il a rappelé les visées réactionnaires que l'OTAN continue d'entretenir aujourd'hui. La Russie et la Chine, dit-il, s'opposent à l'OTAN « parce qu'ils savent que l'OTAN représente pour les États-Unis quelque chose qu'eux n'ont pas : 31 amis et alliés qui aident à avancer les intérêts des États-Unis, à amplifier la puissance des États-Unis, et à assurer la sécurité des Américains. À eux seuls, les États-Unis possèdent le quart de l'économie mondiale, mais ensemble, avec les alliés de l'OTAN, nous possédons la moitié de la puissance économique mondiale et la moitié de la force militaire mondiale. Donc, ensemble, nous sommes beaucoup plus forts. » Il a souligné le rôle central qu'ont joué les intérêts impérialistes des États-Unis dans le développement de l'OTAN : « Depuis 75 ans, les États-Unis ont été la force motrice de l'OTAN, ayant contribué à maintenir la paix et la prospérité partout en Europe atlantique, a dit Jens Stoltenberg. Et depuis 75 ans, défendre l'unité et la puissance de l'OTAN a été dans l'intérêt de la sécurité nationale des États-Unis. »
Tout ce discours hyperbolique ne peut masquer le fait que l'unité de l'OTAN est un produit de l'imagination de ceux qui ne veulent pas affronter le fait que le monde et l'humanité sont en train de les laisser derrière. Les rêves fantaisistes de Stoltenberg sur la magnificence des États-Unis et de l'OTAN sont repris par le premier ministre canadien Justin Trudeau qui fait figure de découpe en carton. Celui-ci ne défend jamais l'État de droit international et ne fait que répéter les sornettes impérialistes provenant des États-Unis à propos d'être « unis depuis 75 ans » pour défendre leur ordre international fondé sur des règles qu'ils inventent et modifient au fur et à mesure. Le cabinet du premier ministre (PMO) a annoncé le 2 juillet que M. Trudeau participerait au sommet de l'OTAN du 8 au 11 juillet 2024. Selon le cabinet du premier ministre :
« Depuis 75 ans, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) sous-tend l'ordre international fondé sur des règles. Tandis que les menaces pour la paix et la sécurité deviennent de plus en plus complexes et que les tentatives visant à déstabiliser notre défense collective se font de plus en plus sophistiquées, le Canada et ses Alliés de l'OTAN demeurent solidaires et déterminés à défendre la démocratie, la sécurité et la liberté. »
Le communiqué reprend cette citation du premier ministre : « L'Alliance de l'OTAN est inébranlable. Elle protège la liberté et défend la démocratie. L'OTAN a été créée il y a 75 ans, et le Canada a participé à presque toutes ses opérations. Lors du Sommet de cette année, nous renforcerons notre travail pour faire respecter les règles mondiales qui sous-tendent notre prospérité et notre souveraineté. »
Dans un communiqué de presse du 5 juillet, l'OTAN cite son secrétaire général sortant, Jens Stoltenberg, qui a déclaré : « Au sommet de Washington, nous démontrerons une fois encore que l'OTAN est unie et forte – qu'il s'agisse de soutenir l'Ukraine ou de préserver nos valeurs et la sécurité de tous nos citoyens. »
Alors que l'OTAN prétend être unie par des valeurs communes, elle tient de tels propos même après les débâcles majeures du mois de juin en Ukraine, sa principale préoccupation à l'heure actuelle, qui ont exposé une unité très défaillante. Lors de la réunion des ministres de la défense de l'OTAN des 13 et 14 juin à Bruxelles, l'OTAN a été contrainte d'abandonner son « principe » de consensus et d'adopter son plan de soutien à l'Ukraine sans l'approbation de la Hongrie, un pays qui a refusé toute implication dans la guerre par procuration menée par les États-Unis et l'OTAN dans un avenir prévisible. La « Conférence de haut niveau sur la paix en Ukraine », qui s'est tenue en Suisse les 15 et 16 juin, a été un autre échec retentissant. Convoquée sans la participation de la Russie, elle n'avait pas du tout pour objectif de parvenir à la paix en Ukraine, ce qui explique qu'elle n'ait abouti à aucun résultat concret. Loin de constituer une avancée, la décision du G7, qui s'est réuni à la suite de la réunion en Suisse, de continuer à financer l'Ukraine avec l'argent volé des actifs russes saisis, ne fait que souligner la situation désespérée dans laquelle se trouvent les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN.
Puis, le 27 juin, il a été annoncé que le président de la Bulgarie, Roumen Radev, ne dirigerait pas ou ne participerait pas à la délégation du pays au sommet de l'OTAN, en raison de divergences internes concernant les positions du pays sur la guerre en Ukraine. Radev a déclaré qu'il n'avait pas été consulté lorsque le gouvernement a défini la position officielle du pays. Radev ne soutiendrait pas les positions pro-OTAN/anti-Russie des autres membres du gouvernement bulgare. En tant que président, Radev est le commandant en chef de l'armée bulgare.
Le 2 juillet, le Premier ministre hongrois Viktor Orban
a
entamé un voyage international qui a commencé par une
visite en
Ukraine, puis en Russie, suivie de la Chine, pour faire
pression
en faveur d'un cessez-le-feu suivi d'une accélération des
pourparlers de paix. On sait également que les peuples
d'Europe
ne soutiennent pas la politique de leur gouvernement sur
l'Ukraine, comme en témoignent la vague actuelle
d'opposition à
Emmanuel Macron en France, la défaite de Rishi Sunak en
Grande-Bretagne, l'opposition en Pologne et dans d'autres
pays.
Les agriculteurs de Pologne et d'ailleurs ont manifesté
une
opposition soutenue à la politique de sanctions contre la
Russie
et aux autres mesures qui ont un impact sur leurs moyens
de
subsistance et leur production. Ils s'opposent également
aux
importations bon marché de céréales ukrainiennes
destinées à
soutenir l'économie défaillante de l'Ukraine, qui a été
accaparée en bloc par des banques et des oligopoles
internationaux.
Ajoutez à cela le fait que l'un des neuf « partenaires mondiaux » de l'OTAN n'est pas vraiment convaincu par les mensonges concernant la guerre par procuration en Ukraine et le soutien de l'OTAN au génocide contre le peuple palestinien. Le président colombien Gustavo Petro a refusé de participer à la conférence tenue en Suisse avec la prétention de trouver une solution au conflit entre l'Ukraine et la Russie. Il a déclaré que ce n'était pas un forum libre pour discuter de la voie vers la paix entre la Russie et l'Ukraine, que toutes les conclusions étaient déjà prédéterminées et qu'au lieu de discuter des moyens de prolonger la guerre, l'Europe devrait discuter des moyens d'y mettre fin. Il a également fait des déclarations répétées sur le génocide en Palestine, comparant les actions d'Israël à celles des nazis, ce qui n'est pas dans l'esprit de l'OTAN. Lors d'un concert financé par le gouvernement Petro le 5 juillet « pour l'espoir et la solidarité avec le peuple palestinien », un gigantesque drapeau palestinien portant l'inscription « Stop au génocide » recouvrait la façade du bâtiment du Sénat national sur la place Bolivar, à Bogota.
La vice-première ministre et ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, a pratiquement salué les efforts de l'OTAN pour diviser le monde sur une base raciste et idéologique dans une allocution le 11 octobre 2022 à la Brookings Institution, un groupe de réflexion géopolitique américain. S'insurgeant contre l'opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine, qu'elle a qualifiée d'« invasion de l'Ukraine », et contre la « diplomatie du loup que la Chine applique de façon de plus en plus agressive », elle a dit que « pour défendre l'ordre international fondé sur les règles des États-Unis, [...] le premier pilier, le plus fondamental, est que nous, les démocraties du monde, devons resserrer les liens qui nous unissent, comme démocraties du monde, [...] pour approfondir et élargir notre principale alliance militaire : l'OTAN ».
Loin de là, ce sont les peuples du monde qui jouent un
rôle
décisif dans l'instauration d'une démocratie de masse à
leur
service. L'époque de l'OTAN est révolue. Le Parti
communiste du
Canada (marxiste-léniniste) appelle tous les Canadiens et
les
Québécois épris de paix à agir à cette occasion pour
exiger :
Canada, hors de l'OTAN! L'OTAN doit être démantelée!
Faisons du
Canada une zone de paix!
Les origines de l'OTAN
Les origines de l'OTAN remontent à la trahison par les
impérialistes anglo-américains des accords conclus entre
les
puissances alliées lors des conférences de Yalta et de
Postdam,
qui visaient d'abord et avant tout à dénazifier,
démilitariser,
démocratiser et décentraliser l'Allemagne.
Les peuples du monde, qui étaient sortis de la Deuxième guerre mondiale en une seule humanité, avançaient sur la voie de la paix, de la liberté et de la démocratie. Le nombre de personnes qui avaient joint les rangs des partis communistes, qui étaient à l'avant-garde de la lutte contre le nazisme, le fascisme et le militarisme japonais, est une indication importante de l'enthousiasme des peuples à ouvrir une voie du progrès en libérant leur pays du joug colonial et en établissant des systèmes sociaux centrés sur les besoins des êtres humains, et non ceux des capitalistes. En 1935, il y avait 81 partis communistes dans le monde, avec 1 860 000 membres, et après la Deuxième Guerre mondiale, il y en avait 70 avec plus de 30 000 000 membres. La croissance sans précédent des partis communistes, qui avaient été aux premières lignes de la lutte pour vaincre le nazisme allemand, le fascisme italien et le militarisme japonais, offrait un contraste frappant avec ce que faisaient les forces armées de pays comme les États-Unis, le Canada et la Pologne, dont les soldats et les équipements étaient demeurés inutilisés en Grande-Bretagne pendant plusieurs années jusqu'à ce que leurs chefs militaires et politiques aient pu déterminer dans quel sens la guerre allait se développer.
En Europe, un continent possédant de vastes ressources et une économie socialisée, les expressions les plus spectaculaires de la résistance populaire et du rôle des peuples dans le rejet des modèles des institutions libérales des États européens, qui n'avaient pas résolu le problème du fascisme et de l'antisémitisme, sont peu connues aujourd'hui. Cependant, les résultats majoritaires ou quasi-majoritaires remportés par les communistes et leurs alliés de la résistance antifasciste lors des élections d'après-guerre en Belgique, en France, en Italie, en Hongrie et en Tchécoslovaquie, de 1946 à 1948, attestent qu'une crise révolutionnaire frappait les puissances anglo-américaines, la bourgeoisie européenne et leur système social et économique. Lorsque le parlement municipal de Berlin, constitué en novembre 1946, a tenu des élections, les deux partis ouvriers ont remporté une majorité des deux tiers.
Les allusions à la Révolution française de 1789 étaient chose courante et le symbolisme révolutionnaire est revenu à la mode. Écrivant au sujet de ce ferment en France, l'historien anglais Rod Kedward écrit :
« Le tableau qui se dessine est celui d'une période d'euphorie dans laquelle les résistants ont comblé le vide du pouvoir avec une forte expression d'idéaux populaires et patriotiques, ont mis sur pied des comités locaux pour administrer le ravitaillement, organiser le recrutement dans l'armée et rétablir leurs comités sur une base plus égale, juste et fraternelle. Il n'y a peu d'exemples en France depuis 1789 où les mots d'ordre de la révolution ont inspiré un respect aussi universel. Pendant au moins un mois, avant que le poids de la restructuration de l'économie et de la poursuite de la guerre ne commence à saper l'optimisme populaire, il existait une croyance répandue que la société française pouvait être refondue pour donner des chances égales à chacun. C'était un idéal que les résistants se rappellent avec fierté. C'était une période, selon plusieurs, pendant laquelle des hommes et des femmes des plus humbles ont été temporairement aux commandes de leur propre histoire[1]. »
Tous les développements de l'époque exprimaient une humanité forgée dans le creuset de sa lutte commune et de son front uni pour vaincre l'Allemagne nazie, l'Italie fasciste et le Japon militariste. Le théâtre de la guerre n'était pas seulement l'Europe mais l'Asie et l'Afrique. Des Étatsuniens, des Canadiens et les peuples d'Amérique latine et des Caraïbes se sont également joints au front antifasciste de multiples manières, notamment par des détachements de partisans qui ont commencé leur combat dans les Brigades internationales pour sauver la République espagnole en 1939. De grands sacrifices ont été consentis pour remporter la victoire antifasciste.
Le besoin de s'assurer que l'agression et la guerre impérialistes et le fascisme ne ravageraient plus jamais l'humanité était à l'ordre du jour. L'OTAN a été créée pour bloquer ces aspirations. Elle est bâtie sur une histoire infâme d'anticommunisme et d'activités clandestines contre-révolutionnaires visant à saper les mouvements des peuples pour leur libération au service des ambitions hégémoniques des États-Unis, quels que soient les crimes commis pour y parvenir. Mais les peuples du monde, alors et aujourd'hui, continuent de garantir la marche avant vers le progrès et l'aspiration de l'humanité à une société propre à l'existence humaine.
À l'occasion du sommet de Washington de l'OTAN, qui célèbre le 75e anniversaire de la création de l'OTAN, ce supplément du LML présente des articles sur les événements qui sont liés à la création de l'OTAN.
Note
1. Citations tirées de France and the Second World War : Occupation, Collaboration and Resistance, Peter Davies, Routledge, Londres, 2001. Traduction : LML
L'ordre du jour du
sommet
confirme
le désespoir des impérialistes et l'intensification des
préparatifs de guerre
L'OTAN cherche désespérément à mettre en place des engagements pluriannuels de tous ses membres pour financer et armer l'Ukraine dans le cadre de la guerre par procuration que les États-Unis et l'OTAN mènent contre la Russie « jusqu'au dernier Ukrainien ». Le sommet de Washington prévoit passer outre la volonté démocratique de tout peuple de changer de direction pour mettre fin à l'implication dans la guerre par procuration menée par les États-Unis et l'OTAN en Ukraine en demandant à tous les membres de l'OTAN de s'engager par des accords juridiquement contraignants à soutenir la guerre en Ukraine « aussi longtemps qu'il le faudra ». Tout cela se fait sans le consentement des peuples des pays membres, ce qui a provoqué une forte réaction en Europe et aux États-Unis.
Telle est la « démocratie » que défend l'OTAN.
Dans le communiqué de presse du 5 juillet, Jens
Stoltenberg a
expliqué que le sommet était axé sur la guerre par
procuration
menée par les États-Unis et l'OTAN en Ukraine, en
essayant de
soutenir ce pays financièrement et militairement, bien
que les
actions antérieures à cet égard n'aient pas réussi à
empêcher sa
faillite et sa défaite sur le champ de bataille. « Je
veux
croire que les chefs d'État et de gouvernement se
mettront
d'accord sur un ensemble substantiel de mesures en faveur
de
l'Ukraine », a-t-il déclaré. « L'OTAN sera[it]
amenée à
coordonner la fourniture de la majeure partie de
l'assistance
internationale à la sécurité que reçoit le pays »,
par
l'intermédiaire d'un commandement dédié placé sous les
ordres
d'un général trois étoiles. Ce commandement, basé en
Allemagne,
et les plateformes logistiques dont il disposera sur le
flanc
est, emploieront plusieurs centaines de personnes
travaillant au
siège de l'OTAN en Allemagne et dans les noeuds
logistiques de
la partie orientale de l'Alliance, a-t-il ajouté.
Un n ud logistique est un point qui relie un réseau
logistique
de la chaîne d'approvisionnement et cela montre comment
le bras
puissant des impérialistes américains s'empare de
l'Europe.
Notons également que le commandement sera assuré par un
général
trois étoiles, alors que les États-Unis comptent 43
généraux
quatre étoiles. Néanmoins, la direction semble assez
claire : en
utilisant l'OTAN, les États-Unis continueront à causer
des
problèmes et ne permettront pas une paix durable en
Europe,
tandis que les pays de l'OTAN paieront de plus en plus la
facture. L'annonce est une mesure de protection
indubitable
contre une présidence erratique et imprévisible de Donald
Trump
ou une présidence incompétente comme celle de Joe Biden.
L'exigence que tous les membres de l'OTAN s'engagent dans
des
accords juridiquement contraignants pour soutenir la
guerre en
Ukraine est une indication claire du fait que l'OTAN est
tout
sauf unie.
Les pays de l'OTAN devront prendre un engagement
financier en
faveur de l'Ukraine, lui apporter davantage de soutien
militaire
dans l'immédiat, conclure de nouveaux accords bilatéraux
de
sécurité et « poursuivre les travaux sur le plan de
l'interopérabilité militaire ». L'interopérabilité
consiste
à fournir à l'armée ukrainienne des armes et un
entraînement
conformes aux normes de l'OTAN.
Même avec l'inévitable défaite militaire de l'Ukraine,
Stoltenberg et l'OTAN continuent de faire miroiter
l'adhésion de
l'Ukraine, affirmant que tous ces éléments « constituent
une
passerelle vers l'adhésion du pays à l'OTAN et un
ensemble
solide de mesures à présenter au sommet » et que «
l'Ukraine ne cesse de se rapprocher de l'OTAN ».
« Nous sommes en train de mettre au point une série de
mesures
réalisables qui serviront essentiellement de passerelle
vers
l'adhésion », a déclaré à la presse un responsable
du
département d'État américain, quelques jours avant le
sommet de
Washington. Il s'agirait notamment de
l'institutionnalisation du
soutien et de la formation de l'Occident à l'Ukraine,
d'un
engagement financier annuel de 40 milliards d'euros (43,3
milliards $US), d'un engagement en faveur du statut de
pays-membre et de la nomination d'un envoyé de l'OTAN en
Ukraine. Une « passerelle » vers l'OTAN inclurait
une aide
militaire concrète et une formation pour moderniser les
forces
armées, ainsi qu'un engagement à déclarer «
irréversible »
l'entrée de l'Ukraine dans l'alliance militaire
occidentale.
Plusieurs hauts fonctionnaires de l'OTAN ont récemment
déclaré
que cela pourrait être considéré comme un progrès vers
l'adhésion, rapporte Euractiv. Toutefois,
plusieurs
diplomates de l'OTAN ont exprimé des doutes quant à la
pertinence des termes choisis pour marquer les progrès de
l'Ukraine, tant pour le processus d'adhésion que pour la
crédibilité de ce processus, l'OTAN promettant
essentiellement à
l'Ukraine que son adhésion est inévitable. Le fait que
les
autres pays européens qui ont rejoint l'OTAN depuis
l'effondrement de l'ex-Union soviétique aient dû faire
des pieds
et des mains pour pouvoir adhérer à l'Alliance, alors que
les
mêmes normes ne s'appliquent pas à l'Ukraine, n'est pas
non plus
garant de bonne volonté au sein de l'OTAN.
Depuis le sommet de l'OTAN de 2023 à Vilnius, en
Lituanie, on
dit que l'OTAN s'efforce de trouver un équilibre entre la
reconnaissance du fait que l'Ukraine se conforme aux
réformes et
à la modernisation de ses forces armées et le fait de
modérer
ses attentes quant à son adhésion à l'OTAN dans un avenir
plus
ou moins proche. En fin de compte, la faction menée par
les
États-Unis au sein de l'OTAN ne veut pas que l'Ukraine
puisse
invoquer l'article 5 de la Charte de l'OTAN et ouvrir un
conflit
militaire direct avec la Russie. Il n'en reste pas moins
que les
armes et le personnel américains et ceux d'autres pays
sont déjà
directement impliqués dans des attaques contre la Russie
à
partir de l'Ukraine et d'autres bases dans les pays
voisins.
L'ampleur du conflit s'en trouve sérieusement accrue, ce
qui,
tout compte fait, rend peu probable un quelconque
règlement de
la question lorsque les dirigeants se retrouveront à
Washington
le 9 juillet.
Le deuxième point important du sommet concerne les
préparatifs
de guerre de l'OTAN, en particulier en Europe. Lors du
sommet,
les pays de l'OTAN devront s'engager à renforcer la
production
de guerre transatlantique, ce qu'ils appellent la «
coopération
transatlantique en matière d'industrie de défense ».
Alors
que la crise financière et l'offensive néolibérale
antisociale
font peser une profonde insécurité sur les travailleurs
des pays
membres de l'OTAN, Jens Stoltenberg a déclaré avec fierté
que 23
membres de l'OTAN consacraient désormais au moins
2 % de
leur PIB à la défense. Stoltenberg a indiqué « que l'OTAN
allait
renforcer ses moyens de défense antimissile
balistique » en
Europe par le biais d'une nouvelle base Aegis Ashore qui
sera
établie en Pologne. Il s'agit d'une nouvelle menace au
désir du
peuple polonais de ne pas être utilisé comme pion dans
une
guerre contre la Russie.
En 2023, les membres de l'OTAN ont dépensé plus de 1,2 billion de dollars pour faire la guerre et s'y préparer. L'Europe a dépensé 380 milliards de dollars américains, soit 2 % de son PIB combiné, tandis que les États-Unis ont dépensé plus de 916 milliards de dollars. La part du lion revient à cinq producteurs d'armes basés aux États-Unis. En revanche, les Nations unies signalent qu'en 2021, 828 millions de personnes souffraient de la faim, un chiffre qui a augmenté de 150 millions depuis la pandémie mondiale. Selon Oxfam, il faudrait environ 23 milliards de dollars par an pour répondre aux besoins des personnes souffrant de famine et de malnutrition aiguë et environ 37 milliards de dollars par an jusqu'en 2030 pour éliminer la faim extrême et chronique.
Dans un discours prononcé le 17 juin aux États-Unis pour vanter les relations entre les États-Unis et l'OTAN, M. Stoltenberg a déclaré que le bellicisme de l'OTAN et les pressions exercées sur ses membres pour qu'ils augmentent leurs dépenses militaires « sont bons pour l'Europe et bons pour l'Amérique ». D'autant plus qu'« une grande partie de cet argent supplémentaire est dépensée ici, aux États-Unis ». L'OTAN crée un marché pour les ventes de matériel de défense. Au cours des deux dernières années, plus des deux tiers des acquisitions européennes en matière de défense ont été réalisées avec des entreprises américaines. Cela représente plus de 140 milliards de dollars américains de contrats avec des entreprises de défense américaines. L'OTAN est donc bonne pour la sécurité des États-Unis, bonne pour l'industrie américaine et bonne pour l'emploi aux États-Unis.
Le Canada, dans son dernier budget fédéral publié en avril, a alloué des milliards pour accroître l'intégration du Canada à l'économie de guerre des États-Unis et les guerres d'agression dans le monde. Par exemple : 38 milliards de dollars sur 20 ans pour moderniser NORAD; 11,5 milliards de dollars sur 20 ans pour augmenter le budget commun de l'OTAN; 3,8 milliards de dollars sur 20 ans pour acquérir de nouveaux systèmes d'armes critiques, reconstituer les stocks de munitions et améliorer les systèmes numériques; 3,5 milliards de dollars pour renouveler et étendre l'opération REASSURANCE, la plus grande mission à l'étranger des Forces armées canadiennes contribuant à la présence militaire avancée de l'OTAN en Europe centrale et orientale; 14 milliards de dollars pour soutenir la guerre par procuration que mènent les États-Unis et l'OTAN en Ukraine. La liste est encore longue et le sommet de l'OTAN à Washington exigera encore plus, en fixant à 2 % du PIB les dépenses militaires comme le minimum attendu de chaque membre de l'OTAN. Le Canada prévoit que son ratio défense/PIB atteindra 1,76 % d'ici 2029-2030, ce qui représente environ 57,8 milliards de dollars canadiens par an.
L'expansion du programme belliciste étroit de l'OTAN en
Asie-Pacifique et en Océanie constitue le troisième axe
du
sommet de Washington, par le biais de ce que l'OTAN
appelle ses
« partenariats mondiaux ». Le secrétaire général a
invité
les dirigeants de l'Australie, du Japon, de la
Nouvelle-Zélande
et de la République de Corée au sommet afin d'approfondir
la
coopération, notamment en ce qui concerne le soutien à
l'Ukraine.
Peut-être Jens Stoltenberg n'a-t-il pas vu qu'en
l'espace de 13
jours depuis son lancement, un total de 1 024 200
personnes en
Corée du Sud ont signé une pétition demandant la
présentation
immédiate d'une motion de destitution du président Yoon
Suk
Yeol, qui est affichée sur le site web de l'Assemblée
nationale.
Le peuple demande des comptes au gouvernement Yoon pour
les
nombreux méfaits commis à l'encontre des Coréens, dont
l'escalade du danger de guerre, sous la tutelle des
impérialistes américains, n'est pas le moindre.
Le sommet du 75e anniversaire de l'OTAN sera un
véritable
gâchis. Les Canadiennes et les Canadiens peuvent
s'attendre à ce
que des sommes considérables soient dépensées pour donner
l'impression que l'OTAN est leur sauveur, mais ce n'est
pas le
cas. C'est un énorme gouffre pour les ressources des pays
membres, qui ne cause que mort et destruction, et toutes
les
tentatives de la maintenir mettent sérieusement en danger
la
cause des peuples qui aspirent à la paix, la démocratie
et la
liberté. Le seul programme que les peuples peuvent
envisager
aujourd'hui est de démanteler l'OTAN dès que
possible.
Déclaration du Cabinet
du
premier ministre
La déclaration du Cabinet du premier ministre à
l'occasion de
la participation de Justin Trudeau au sommet de l'OTAN au
75e
anniversaire de sa fondation répète mécaniquement
l'hystérie
guerrière qui sert au Canada et à ses alliés de l'OTAN à
justifier leur armement et financement du régime en
Ukraine.
Le premier ministre affirme s'opposer « aux attaques et
aux
actes de déstabilisation continus de la Russie »,
ainsi
qu'à « la guerre injustifiable que mène la Russie »,
sans
mentionner que la guerre contre le peuple ukrainien, en
particulier la population du Donbass, n'a pas commencé
avec
l'opération militaire russe en 2022. Après le coup d'État
soutenu par les États-Unis en 2014, dans lequel le Canada
a joué
un rôle important, et la déclaration d'indépendance des
populations des régions orientales, le gouvernement
central de
l'Ukraine a lancé une guerre brutale contre les nouvelles
républiques – la République populaire de Donetsk et la
République populaire de Louhansk. Une cabale anti-russe
de nazis
a été portée au pouvoir sous l'égide des États-Unis et de
l'OTAN. Ces nazis ont fait des milliers de morts parmi
les
Ukrainiens lorsque la Russie a lancé son opération
militaire en
2022 avec pour objectif de dénazifier et de démilitariser
l'Ukraine qui menace la sécurité de la Russie.
La Russie a soutenu au début de l'opération militaire
spéciale
russe, et encore récemment, que les forces russes étaient
invitées à aider à défendre les populations des nouvelles
républiques contre les attaques des néonazis qui avaient
pris le
pouvoir en Ukraine. La Russie a lancé l'opération
militaire
spéciale en vertu de l'article 51 de la Charte des
Nations
unies. L'article 51 stipule ce qui suit : « Aucune
disposition
de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel
de
légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas
où un
Membre des Nations unies est l'objet d'une agression
armée,
jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les
mesures
nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité
internationales. Les mesures prises par des Membres dans
l'exercice de ce droit de légitime défense sont
immédiatement
portées à la connaissance du Conseil de sécurité et
n'affectent
en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu
de la
présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il
juge
nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la
sécurité
internationales. »
Cette réalité n'est jamais mentionnée par Trudeau ou ses collaborateurs. Cela montre ce qu'ils veulent dire lorsqu'ils prêtent allégeance à un « ordre international fondé sur des règles ». Lorsque ceux que les États-Unis/l'OTAN considèrent comme leurs rivaux semblent violer une « règle » internationale, ils poussent des hurlements d'indignation, mais lorsque le peuple proclame son droit à l'autodétermination, ils répondent par la violence et la destruction, sans se soucier d'aucune « règle ».
Les objectifs de guerre de « l'ordre international fondé sur des règles » que défend le Canada apparaissent dans la déclaration du Cabinet du premier ministre, qui ajoute que Justin Trudeau assiste au sommet de l'OTAN pour :
« ... réaffirmer l'engagement du Canada à l'égard de la sécurité et de la stabilité de la région euro-atlantique, en particulier face aux attaques et aux actes de déstabilisation continus de la Russie. Le premier ministre soulignera les contributions du Canada aux initiatives de défense collective de l'OTAN en Europe, notamment dans le cadre de l'opération REASSURANCE, qui constitue à l'heure actuelle le déploiement militaire le plus important du Canada à l'étranger.
« Durant le Sommet, le premier ministre Trudeau rencontrera des Alliés de l'OTAN et des partenaires internationaux pour renforcer la sécurité de la région euro-atlantique. Ensemble, les dirigeants des pays de l'OTAN étudieront des moyens de renforcer leurs mesures de dissuasion collectives, leurs capacités de défense et leur coopération, tout en s'attaquant aux autres menaces actuelles et émergentes pour l'ordre international fondé sur des règles.
« À Washington, le premier ministre rencontrera des membres du Sénat et de la Chambre des représentants des États-Unis afin de faire avancer les possibilités offertes aux entreprises, aux travailleurs et aux communautés de tout le Canada. Ces rencontres s'inscrivent dans le cadre des efforts que nous déployons ensemble à l'échelle du pays pour promouvoir et défendre les intérêts du Canada aux États-Unis et dans le cadre de nos efforts bilatéraux.
« Le président de l'Ukraine, Volodymyr Zelenskyy, se joindra au premier ministre Trudeau et à ses Alliés de l'OTAN pour la tenue d'une réunion du Conseil OTAN Ukraine, qui portera sur le renforcement du soutien octroyé à l'Ukraine et la poursuite des mesures prises en réaction à la guerre injustifiable que mène la Russie contre l'Ukraine. Au cours de cette réunion, le premier ministre Trudeau soulignera l'importance de continuer à apporter un soutien militaire, financier et humanitaire à l'Ukraine. Tout au long de sa visite, le premier ministre réaffirmera l'engagement du Canada à renforcer les priorités communes en matière de défense et les partenariats en matière de sécurité.
« Les contributions actuelles du Canada au sein de l'OTAN comprennent les suivantes :
« - Soutenir les mesures d'assurance et de dissuasion de l'OTAN en Europe centrale et en Europe de l'Est dans le cadre de l'opération REASSURANCE. Avec environ 1 500 membres des Forces armées canadiennes (FAC) actuellement déployés, il s'agit de la plus grande opération militaire internationale du Canada. Depuis 2017, le Canada dirige le groupement tactique multinational de l'OTAN en Lettonie, lequel deviendra bientôt une brigade. En juillet 2023, le premier ministre Trudeau a annoncé le renouvellement et l'élargissement de l'opération REASSURANCE, s'engageant à verser 2,6 milliards de dollars pour un mandat de trois ans, ce qui permettra de déployer en permanence jusqu'à 2 200 membres des FAC.
« – Déployer le Navire canadien de Sa Majesté Charlottetown pour qu'il se joigne au 2e Groupe maritime permanent OTAN (SNMG2) et assume les fonctions de navire amiral dans le cadre de l'opération REASSURANCE en Méditerranée. La participation de la Marine royale canadienne au sein du SNMG2 démontre la participation continue du Canada aux activités de l'OTAN et renforce la coopération militaire avec nos Alliés et partenaires dans la région.
« – Accueillir le Centre d'excellence de l'OTAN pour le changement climatique et la sécurité, à Montréal, au Québec, ainsi que le bureau régional nord-américain de l'OTAN de l'Accélérateur d'innovation de défense pour l'Atlantique Nord, à Halifax, en Nouvelle-Écosse.
« – Continuer de soutenir les efforts en matière de formation et de renforcement des capacités au Moyen-Orient dans le cadre de l'opération IMPACT, y compris au moyen de la mission de l'OTAN en Irak, qui a été mise en place sous le commandement du Canada, et contribuer à la sécurité et à la stabilité durables du pays.
« – Envoyer des membres des FAC pour appuyer l'opération internationale de soutien de la paix dirigée par l'OTAN au Kosovo, dans le cadre de l'opération KOBOLD.
« Dans le Budget 2024 et la politique Notre Nord, fort et libre : Une vision renouvelée pour la défense du Canada, le gouvernement du Canada a annoncé de nouvelles dépenses en matière de défense de l'ordre de 8,1 milliards de dollars sur cinq ans et de 73 milliards de dollars sur 20 ans. Cela s'ajoute aux investissements sans précédent que le gouvernement fédéral a réalisés jusqu'à présent pour appuyer les FAC, renforcer les capacités de défense du Canada et réagir aux problèmes sur la scène mondiale.
« Depuis 2022, le Canada a versé plus de 19 milliards de
dollars pour venir en aide à l'Ukraine sur de multiples
plans.
Cela comprend 4 milliards de dollars en aide militaire et
en
dons d'équipement militaire, comme des chars de combat
principaux Leopard 2A4 et un véhicule blindé de
dépannage, des
véhicules blindés d'appui tactique, des armes antichars
et
d'autres armes et équipements. Les autres formes d'aide
comprennent 12,4 milliards de dollars en aide financière,
352,5
millions de dollars en aide humanitaire, 442 millions de
dollars
en aide au développement et plus de 210 millions de
dollars dans
le cadre de programmes de sécurité et de stabilisation.
»
Trente ans d'échecs de l'OTAN
Le fait est que l'OTAN arrive à son 75e anniversaire plus fracturée que jamais, résultat de 30 ans d'échecs depuis l'effondrement de l'ex-Union soviétique en 1989-1991, et qu'elle aurait dû être démantelée puisque son « ennemi » n'existait plus.
Scott Taylor, écrivant pour espritdecorps.ca le 26 juin à l'occasion du dîner privé organisé par l'Association canadienne pour l'OTAN pour le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg, a souligné :
« Outre le fait que Jens Stoltenberg a profité de l'occasion pour forcer le gouvernement canadien à dépenser davantage pour la défense nationale, les participants se sont réunis pour célébrer le 75e anniversaire de l'alliance militaire. La charte originale de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord a été signée le 4 avril 1949 par les 12 premiers membres, dont le Canada était fier de faire partie. »
Scott Taylor demande « quels jalons exactement » « Stoltenberg et les groupies de l'OTAN qui se sont réjouis de la célébration du 75e anniversaire la semaine dernière » sont en train de célébrer ? Il écrit : « Eh bien, en 1999, l'OTAN a violé le droit international :
« En 1999, l'OTAN a violé le droit international en bombardant la Serbie pendant 78 jours. Après une résistance obstinée et inattendue des Serbes, ce petit pays s'est finalement soumis à l'alliance de l'OTAN.
« Bien qu'il ait fallu attendre 2008 pour que la province contestée du Kosovo se déclare État indépendant, le résultat escompté de l'OTAN, qui a redessiné la carte de l'Europe par la force militaire, reste un gâchis politique. Le Kosovo n'a toujours pas de statut à part entière à l'ONU, puisque 89 des 193 nations membres reconnaissent encore le Kosovo comme un territoire souverain de la Serbie.
« Au sein de l'Union européenne, cinq États membres bloquent l'adhésion du Kosovo pour la même raison. Dans un article récent sur le Kosovo, Matthew Karnitschnig de Politico écrit : « En termes simples, même après des décennies d'aide et de soutien américains, le pays reste un cas désespéré sur les plans économique et politique. »
« L'article souligne également que le Kosovo a l'un des PIB par habitant les plus bas d'Europe, un taux de pauvreté de plus de 20 %, et qu'il est en proie à la corruption et aux troubles politiques.
« Il n'y a donc pas de quoi se réjouir. En septembre 2001, à la suite du 11 septembre, tous les membres de l'OTAN ont répondu à l'invocation par le président américain George Bush de l'article 5 de la Charte de l'OTAN. Bien que cela puisse rassurer l'opinion publique américaine, presque tous les membres des Nations unies ont également accepté d'être des alliés dans la guerre contre la terreur. Ce n'est donc pas grave.
« Ensuite, il y a eu le fiasco de l'Afghanistan. Les troupes de l'OTAN, y compris les Canadiens, ont combattu pendant plus d'une décennie dans ce pays. Le résultat final a été un échec en 2021, lorsque les talibans ont pris le pouvoir. Mieux vaut l'oublier.
« En 2011, l'OTAN a joué un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui demandait l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne dans le ciel de la Libye. Les généraux de l'OTAN se sont empressés de bombarder les forces loyalistes du président Mouammar Kadhafi. Après dix mois de bombardements aériens, les différentes factions rebelles ont réussi à assassiner Kadhafi.
« Cependant, les forces rebelles fragmentées ont immédiatement commencé à se battre les unes contre les autres et la Libye a été plongée dans une anarchie sanglante qui perdure encore aujourd'hui. Ce n'est donc pas vraiment digne d'un défilé de la Victoire, mais le Canada a néanmoins organisé une cérémonie complète avec un défilé aérien sur la colline du Parlement pour célébrer la défaite de la Libye par l'OTAN.
« En 2018, l'OTAN a accepté d'aider la coalition
américaine en
Irak. Bien que le drapeau de l'OTAN puisse encore flotter
sur
certains bâtiments lourdement gardés de la zone verte à
Bagdad,
l'alliance n'a pas plus de chances de réussir sa sortie
d'Irak
que d'Afghanistan. »
(Traduction : LML)
Militante opposition à
la
visite du secrétaire général de l'OTAN au Canada
Ottawa, 19 juin
Le 19 juin, le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg s'est rendu aux États-Unis et au Canada en préparation pour le sommet de l'OTAN à Washington du 9 au 11 juillet.
Comme ils le font depuis la création de l'OTAN, les Québécois et les Canadiens se sont opposés à l'alliance belliciste et à la visite du secrétaire général. Un militant piquetage a été dressé devant le bureau du premier ministre le 19 juin pour affirmer que Stoltenberg est persona non grata et que pour réaliser la paix et la sécurité au pays et à l'échelle mondiale, l'OTAN doit être démantelée. L'appel au piquetage a été lancé par les Jeunes pour le renouveau démocratique, avec la participation de divers activistes et organisations antiguerre de la région de la capitale nationale. Des manifestations ont aussi eu lieu à Calgary et à Edmonton.
Plusieurs piétons et automobilistes passant devant le bureau du premier ministre ont exprimé leur approbation ou leur appui. Autant la visite du secrétaire général de l'OTAN était une affaire relativement discrète, autant il est important de rappeler les activités des États-Unis/OTAN et de les faire connaître, qu'il s'agisse de leur rôle dans la prolongation du conflit en Ukraine, leurs appels à une participation directe de l'OTAN dans les attaques contre le territoire russe, leur appui à l'État sioniste d'Israël et le génocide en cours à Gaza, leurs appels constants à augmenter le financement militaire pour alimenter l'industrie de guerre aux dépens des secteurs sociaux, ou leurs exercices de guerre partout dans le monde.
Durant sa visite, M. Stoltenberg a rencontré le premier ministre Justin Trudeau, a été l'invité d'honneur lors d'une réception parrainée par l'Association canadienne pour l'OTAN et l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN et a donné une entrevue à l'émission Question Period du réseau CTV.
Lors de la réception, il a reçu le Prix d'excellence Louis St-Laurent, la plus haute distinction de l'Association du barreau canadien (ABC) remise « à un membre afin de reconnaître les services exceptionnels qu'il a rendus et les réalisations professionnelles qu'il a menées tout au long de sa carrière pour le bien de la profession juridique, de l'ABC et de la société en général ». Louis Saint-Laurent a été premier ministre du Canada de 1948 à 1957. C'est sous son égide que le Canada est devenu membre fondateur de l'OTAN le 30 avril 1949. C'est donc sur cette base que les cercles dirigeants, qui cherchent désespérément à soutenir l'OTAN et son hystérie guerrière, ont décerné ce prix à Stoltenberg, qui n'est ni avocat, ni Canadien, ni membre de l'ABC, et qui ne parle pas au nom des Québécois ou des Canadiens.
Dans son allocution lors de la réception, Jens Stoltenberg a jugé bon de s'exprimer sur le rôle du Canada dans l'OTAN et de rappeler le décret de l'OTAN sur l'augmentation des dépenses militaires de ses membres, questions sur lesquelles les travailleurs du Canada et du Québec sont privés de tout droit de parole. Il a salué le rôle du Canada dans l'hystérie guerrière de l'OTAN, en particulier son rôle de leadership dans le groupement tactique de l'OTAN en Lettonie. Il a souligné l'importance de l'appui canadien en termes de financement et d'entraînement à l'Ukraine, ajoutant que le Canada avait fourni des « milliards de dollars en aide à l'Ukraine sous forme de systèmes de défense aérienne, de chars d'assaut et de formation au pilotage de F-16 ». Il a souligné que l'appui indéfectible à l'Ukraine sera « de la plus haute priorité » lors du prochain sommet à Washington.
Le secrétaire général de l'OTAN a aussi dit qu'il saluait la décision du Canada d'augmenter ses dépenses militaires, mais a exhorté le Canada à se joindre aux 23 autres pays membres de l'OTAN qui se sont engagés à consacrer 2 % de leur PIB aux forces militaires. Accroître le financement « ajoutera des milliards de dollars dans les années à venir, y compris l'achat d'équipement militaire de haute gamme, la modernisation de NORAD et l'investissement dans les F-35 de cinquième génération ».
Stoltenberg a dit qu'il s'attendait à ce que les membres de l'OTAN respectent la « directive » du 2 %, ajoutant qu'en tant qu'ancien parlementaire et premier ministre, il sait que « c'est toujours plus facile de dépenser de l'argent sur la santé, l'éducation, l'infrastructure et plusieurs autres obligations que d'investir dans la défense », mais que dans le contexte actuel des menaces auxquelles l'Alliance est confrontée, il est nécessaire de s'engager et de « prioriser les investissements dans la défense ».
Que les cercles dirigeants du Canada invitent un tel personnage au Canada pour lui dicter ouvertement la direction de son économie, tout en permettant aux services de renseignement internationaux de hurler à propos d'une prétendue ingérence étrangère dans les affaires du Canada et en adoptant des lois à leurs ordres, serait risible et d'une ironie cruelle si ce n'était du grave danger que représente la participation du Canada à l'hystérie guerrière de l'OTAN et à la machine de guerre des États-Unis.
Calgary, 19 juin
Les problèmes de recrutement de l'OTAN
Le Sommet de l'OTAN 2024 à Washington prend son envol et des plans sont élaborés pour inciter les pays à augmenter leurs budgets militaires en appui aux objectifs des États-Unis/OTAN, accroître leur financement et le flot d'armes vers l'Ukraine afin de « gagner » la guerre par procuration des États-Unis/OTAN contre la Russie et amplifier l'hystérie guerrière de l'OTAN au nom de l'impérialisme américain partout dans le monde. Un des défis que plusieurs pays membres de l'OTAN doivent relever est le recrutement militaire des jeunes.
En décembre 2023, le département de la Défense des États-Unis (DOD) a souligné qu'« au cours de l'année fiscale 2023, 41 000 recrues manquaient à l'appel dans l'atteinte des cibles de recrutement des services militaires ». La principale raison de cette pénurie, selon le DOD, est que « la génération Z, la génération née entre 1997 à 2012, a généralement moins confiance aux institutions ». Le même rapport soulignait qu'il y a 20 ans, pas moins de 75 % des jeunes Américains envisageaient de faire carrière dans l'armée. Aujourd'hui, il y en a moins de 50 %. Pour assister le recrutement militaire, entre autres choses, le DOD exhorte les membres du Congrès à promouvoir davantage l'armée chez les jeunes électeurs. Il propose utiliser les « jeux » pour encourager les jeunes enfants à jouer à des jeux vidéo où sont promues la guerre et l'agression, en plus de la promotion de l'armée dans les sports et les évènements sportifs, etc.
Au Canada, qui est un des membres fondateurs et un grand défenseur de l'OTAN, le recrutement militaire est aussi en crise. Plus tôt cette année, le ministre de la Défense Bill Blair a annoncé que les forces armées canadiennes étaient déficitaires de près de 16 500 membres et que l'impossibilité de l'armée d'augmenter son recrutement menait à une « spirale de la mort ». Pour résoudre cette crise, en 2022 l'armée canadienne a retiré l'interdiction empêchant les résidents permanents de joindre les forces armées. La CBC rapporte qu'au cours d'une seule année, l'armée canadienne a reçu plus de 21 000 demandes. Cependant, à ce jour, seulement un peu plus de 100 personnes ont été acceptées, le processus de recrutement ayant été ralenti par la lourdeur des contrôles de sécurité imposés à ce groupe de demandeurs. Des 21 000 résidents permanents demandeurs, 15 000 ont choisi d'abandonner en raison des listes d'attente interminables et de la complexité des exigences de sécurité.
Dans un sondage en 2022 parrainé par le ministère de la Défense nationale du Canada en préparation pour les célébrations du 100e anniversaire de la Royal Canadian Air Force en 2024, 58 % des personnes interrogées ont répondu qu'il était « peu probable » qu'elles se joignent aux forces armées de l'air et un autre 21 % a indiqué qu'il était « très peu probable » qu'elles s'y joignent. Pour ce qui est de l'armée, les chiffres étaient de 57 % et de 22 % respectivement et pour la marine, ils étaient encore plus élevés, 61 % et 22 % respectivement.
La campagne menée depuis dix ans par les Forces armées canadiennes (FAC) pour que les femmes représentent 25 % des effectifs militaires d'ici 2026 a également échoué. Les statistiques sur la représentation des femmes dans les FAC en mai 2023 montrent qu'elles représentent 16,06 % de l'ensemble des membres des forces régulières, 16,99 % des officiers de la Première réserve, 17,48 % des officiers et aux militaires du rang (MR) de la Première réserve et 17,39 % de l'ensemble des membres de la Première réserve. Elles représentent 16,48 % de l'ensemble des membres de la Force régulière et de la Première réserve.
D'autres pays de l'OTAN sont aux prises avec la même difficulté. En Grande-Bretagne, on signale un déficit annuel de recrutement de 1 100 soldats, bien que le gouvernement ait confié le recrutement à Capita, une entreprise privée. Entre 2022 et 2023, le nombre de candidats à l'armée allemande a chuté de 7 %.
Non seulement les pays comme l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne connaissent-ils des problèmes de recrutement, mais ils sont aux prises avec un nombre élevé d'abandons. En 2023, plus de 1 500 soldats ont démissionné du Bundeswehr, les forces armées allemandes composées de près de 183 000 membres actifs. Le ministre français des Armées Sébastien Lecornu a souligné en mars de cette année : « Aux réunions de l'OTAN, nous parlons souvent d'équipement, mais maintenant nous parlons aussi des niveaux de rétention. » La France compte régler ce problème en aidant le personnel militaire à se trouver un logement, en subventionnant les soins de santé et les garderies et en augmentant les salaires et les régimes de retraite.
Certains pays de l'OTAN comme la Croatie songent à rétablir la conscription. Le Danemark, un des membres fondateurs de l'OTAN, a, pour la première fois, imposé la conscription aux femmes et augmenté la période de service militaire de quatre mois à un an au mois de mars. Bien que l'Allemagne ait supprimé la conscription en 2011, il est question de rétablir une forme de service militaire.
Ces exemples montrent que l'incapacité d'attirer et de retenir les jeunes dans l'armée exacerbe la crise de l'OTAN qui continue malgré tout de se targuer d'être « l'alliance la plus puissante de l'histoire ».
(Avec des informations de la CBC, du Ottawa Citizen, de Politico et du département de la Défense des États-Unis)
Les événements entourant la création de l'OTAN
La division anglo-américaine de l'Allemagne au service de visées anticommunistes
« L'histoire me sera indulgente car j'ai
l'intention de
l'écrire. »
– Winston Churchill[1]
Selon les historiens anglo-américains et anticommunistes, le soi-disant blocus de Berlin et le pont aérien de Berlin de 1948-1949 auraient signalé le début de la guerre froide par l'Union soviétique. Mais c'est Winston Churchill qui a lancé la guerre froide en mars 1946 en attaquant l'Union soviétique dans son discours à Fulton, au Missouri, au sujet du « rideau de fer » : « De Stettin sur la Baltique à Trieste sur l'Adriatique, un rideau de fer s'est abattu sur le continent. Derrière cette ligne se trouvent toutes les capitales des anciens États d'Europe centrale et orientale[2]. Churchill faisait ainsi écho à son mentor Joseph Goebbels, le ministre nazi de la Propagande. Voyez cette citation de Goebbels un an plus tôt : « Si le peuple allemand déposait les armes, les Soviétiques, en vertu de l'entente signée par Roosevelt, Churchill et Staline, occuperaient toute l'Europe de l'Est et du Sud-Est, et la majeure partie du Reich. Un rideau de fer tomberait sur cet énorme territoire contrôlé par l'Union soviétique derrière lequel les nations seraient décimées[3]. »
Occupation de l'Allemagne après la guerre, de 1945 à 1949 |
Quels sont donc les faits concernant le « blocus de Berlin » et le « pont aérien de Berlin » ? En vertu de l'Accord de Postdam de 1945 conclu à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les quatre puissances alliées ont divisé l'Allemagne vaincue en quatre zones : soviétique, américaine, britannique et française. La ville de Berlin était située dans la zone soviétique, mais les gouvernements militaires des quatre pays étaient représentés dans son administration. Une des principales décisions prises à Postdam en vue d'établir un État allemand démocratique dans l'après-guerre concernait la nécessaire unité économique entre les quatre zones. Dès le début, cependant, les impérialistes américains ont poursuivi une politique de division plutôt que d'unification de l'Allemagne et d'isolement de l'Union soviétique, à commencer par la fusion des zones américaine et britannique en une zone appelée Bizone, vite devenue Trizone avec l'incorporation de la France.
En 1948, les États-Unis et les autres puissances occidentales ont annoncé leur intention de former une Allemagne de l'Ouest séparée. L'« Allemagne de l'Est » n'existait pas à ce moment-là. L'Union soviétique a appelé à des pourparlers entre les quatre puissances pour résoudre la question, mais les puissances occidentales ont ignoré son appel et introduit une réforme séparée de la monnaie dans la partie occidentale, alors que l'Accord de Postdam prévoyait l'unité économique, ce qui est impossible sans une monnaie unifiée. L'introduction par les puissances occidentales du nouveau deutschmark à Berlin visait à déstabiliser non seulement l'économie d'une partie de Berlin, mais de toute la zone soviétique dont Berlin faisait partie. C'était une guerre menée sur le front économique. L'Union soviétique a alors institué des restrictions sur les déplacements en provenance ou à destination de Berlin, lesquelles ont été qualifiées de « blocus » par les puissances occidentales.
Les puissances occidentales ont répondu à ces restrictions justifiées en instituant le 24 juin 1948 un « pont aérien sur Berlin » pour transporter de la nourriture sous la propagande mensongère que la population de Berlin était affamée et « victime de famine ». Dans des buts de propagande contre l'Union soviétique, ce pont aérien totalement non nécessaire a livré de la nourriture à la population dite « victime du blocus » dans les zones non soviétiques de Berlin, et cela, jusqu'au 12 mai 1949. Dans un geste de bonne foi, l'Union soviétique a immédiatement offert suffisamment de nourriture pour nourrir toute la population de Berlin (et non seulement celle de la zone soviétique), ce qu'elle a fait à partir de juillet 1948. Les puissances occidentales pendant ce temps ont continué à répandre de fausses allégations, disant par exemple que l'Union soviétique refusait de négocier, que les Soviétiques s'apprêtaient à renverser le gouvernement municipal de Berlin, que les Soviétiques souhaitaient une nouvelle guerre mondiale, etc.
En août 1948, réunies à Moscou, les quatre puissances ont finalement accepté de lever les restrictions sur les déplacements et introduit une monnaie uniforme à Berlin, mais les impérialistes américains ont tôt fait de briser l'entente et ont poursuivi leurs activités hostiles parce que ces changements nuisaient à leurs plans de forcer la partition de l'Allemagne et de créer un État allemand séparé. Les impérialistes voulaient former un bloc militaire agressif dirigé contre l'Union soviétique et les démocraties populaires, et détourner l'attention des problèmes de la paix, du désarmement et de la dénazification. Les impérialistes américains cherchaient depuis le début à diviser l'Allemagne, une politique qu'ils ont appliquée plus tard en Corée et au Vietnam, comme les Britanniques l'ont fait lorsqu'ils ont partitionné l'Inde en 1947.
L'histoire démontre combien hypocrites sont les sermons des impérialistes aujourd'hui au sujet d'une Allemagne enfin réunifiée, quand on sait que ce sont eux qui ont délibérément divisé l'Allemagne à l'époque.
L'histoire de Berlin permet de voir comment opère la falsification historique qui répète des mensonges sur le passé objectif et supprime, même par la force, la présentation de la vérité. Hitler a dit : « Un mensonge répété dix fois reste un mensonge; répété dix mille fois il devient une vérité. » Joseph Goebbels, son ministre de la Propagande, était un maître de la technique du gros mensonge. Les nazis ont toujours appuyé leurs mensonges par la force. Le mensonge d'Hitler selon lequel la Pologne avait attaqué l'Allemagne a été suivi de l'invasion de la Pologne le 1er septembre 1939, provoquant la mort de plus de trois millions de Polonais.
Les impérialistes américains ont appris à l'école d'Hitler et des nazis. Ils ont hérité de la technique du gros mensonge et l'ont utilisée durant la guerre froide pour empêcher les peuples du monde de se doter d'une conception du monde sur la base de laquelle poursuivre leur mouvement pour la paix, au lieu d'être divisés en deux camps, les deux posant une menace de guerre, alors que les vrais problèmes de la paix restent sans solution.
Notes
1. Churchill à la conférence des puissances alliées à Potsdam en 1945
2. Discours du « rideau de fer » de Churchill au Westminster College de Fulton, au Missouri, le 5 mars 1946
3. Tiré de 'Das Jahr 2000' du journal Das Reich du 25 février 1945, pp 1-2
(Extraits de « Le mur de Berlin a été érigé sur des faussetés », Dougal MacDonald, LML, 9 novembre 2010)
Le discours raciste et anticommuniste de Winston Churchill à Fulton, Missouri, le 5 mars 1946
Le 5 mars 1946, l'ancien premier britannique Sir Winston Churchill a prononcé ce qui est devenu le discours du « rideau de fer » (le titre officiel de ce discours était « Le nerf de la paix ») au Westminster College de Fulton dans l'État du Missouri en présence du président des États-Unis, Harry Truman, et devant un auditoire estimé à 40 000 personnes. Après quelques remarques préliminaires, Churchill a dévoilé le principal objectif de son discours qui était d'attaquer l'Union soviétique. Churchill a déclaré : « De Stettin dans la Baltique jusqu'à Trieste dans l'Adriatique, un rideau de fer est descendu à travers le continent ». L'expression « rideau de fer » est entrée dans le vocabulaire populaire et, dans les années qui ont suivi, elle a été utilisée à maintes reprises par les Britanniques et les Américains pour diaboliser l'Union soviétique et attaquer sa direction révolutionnaire.
Il est dit souvent que le discours de Churchill a marqué le début officiel de la guerre froide. Cependant, la Grande-Bretagne et les États-Unis se livraient à la conspiration et aux intrigues contre l'Union soviétique bien avant la fin de la Deuxième Guerre mondiale, comme le montre le refus d'ouvrir un second front, dans l'espoir que l'Allemagne nazie écraserait l'Union soviétique sur le front de l'Est. Des aristocrates britanniques ont appuyé Hitler. Des sociétés américaines ont financé des groupes fascistes américains tandis que d'autres monopoles ont aidé secrètement les hitlériens tout au long de la guerre. Cependant, les impérialistes anglo-américains se heurtaient à la réalité que, en raison de l'héroïsme de l'Armée rouge, de l'Union soviétique et des forces partisanes pour vaincre le nazisme, le communisme jouissait d'un grand prestige après la Deuxième Guerre mondiale. Ainsi, les impérialistes anglo-américains avaient besoin d'une justification pour briser l'alliance antifasciste.
Le discours du « rideau de fer » de Winston Churchill était une rationalisation importante des impérialistes anglo-américains pour attaquer le front uni contre le fascisme et déclarer que désormais il existait deux mondes, le « monde libre » centré sur les États-Unis, et le « monde en esclavage », centré autour de l'Union soviétique. Churchill et d'autres ont demandé la mise en oeuvre d'une grande stratégie anglo-américaine (comprenant des considérations géopolitiques et des objectifs de guerre) liée aux notions de valeurs et de lois pour lutter contre cette situation. Après la mort de Staline et la montée du révisionnisme, l'Union soviétique a concilié avec la notion de deux mondes et, sur cette base, un ordre mondial bipolaire a été créé.
Dans son discours à Fulton, Churchill a déclaré que la Grande-Bretagne devait resserrer ses « relations spéciales » avec les États-Unis contre l'Union soviétique, ancien allié des deux pays pendant la guerre. La Grande-Bretagne était en déclin, son ancien empire s'effondrait et sa position de « leader du monde occidental » était reprise par les États-Unis qui étaient sortis de la guerre pratiquement indemnes et plus puissants que jamais. Dans cet esprit, à plusieurs reprises dans son discours, Churchill a fait référence aux « nations de langue anglaise » et déclaré que celles-ci étaient les plus précieuses et qu'elles devaient donc décider et régir le destin du monde.
Dans son discours, Churchill proposait que le combat de la Grande-Bretagne et des États-Unis contre les nazis, anciens et nouveaux, soit un problème du passé et que désormais leur lutte politique et militaire unie devait être exclusivement dirigée contre l'Union soviétique, le pays même qui avait le plus contribué à vaincre les nazis à un prix de loin plus élevé que tout autre participant à la guerre. En fait, ces deux pays accueillaient déjà à bras ouverts d'anciens nazis qui pourraient s'avérer utiles dans l'exécution de leurs plans d'après-guerre.
En plus de fulminer contre le « rideau de fer », Churchill s'est déchaîné contre « les partis communistes ou les cinquièmes colonnes » qui, selon lui, « constituent un défi et un danger croissants pour la civilisation chrétienne ». Établissant un faux parallèle avec la politique d'apaisement envers Hitler avant la Deuxième Guerre mondiale, Churchill a ouvertement préconisé un renforcement de la puissance militaire contre l'Union soviétique parce qu'en traitant avec les Soviétiques il s'était convaincu « qu'il n'y a rien qu'ils admirent autant que la force et rien qu'ils respectent moins que la faiblesse, surtout la faiblesse militaire ».
Interview de Staline accordée à la Pravda au sujet du discours de M. Churchill à Fulton
En mars 1946, un correspondant de la Pravda a demandé à Staline de clarifier certaines questions soulevées dans le discours prononcé par Winston Churchill à Fulton, États-Unis. Voici les réponses de Staline aux questions du correspondant, dans lesquelles il condamne et qualifie à juste titre ce discours d'« appel à la guerre » et condamne la sanctification des « nations de langue anglaise » de Churchill comme étant une théorie raciale impérialiste. Staline défend l'amitié soviétique avec les États d'Europe orientale, que l'Armée rouge avait aidés à libérer du joug nazi, comme étant une garantie nécessaire contre une autre invasion. Il accuse avec raison Churchill de vouloir installer des gouvernements antisoviétiques en Europe orientale.
Question : Comment jugez-vous le dernier discours prononcé par M. Churchill aux États-Unis ?
Réponse : J'estime que ce discours est un acte dangereux, qui vise à semer des germes de discorde entre les États alliés et à rendre plus difficile leur collaboration.
Question : Peut-on estimer que le discours de M. Churchill compromet la paix et la sécurité mondiale ?
Réponse : Sans contredit, oui. En fait, M. Churchill se trouve actuellement dans la position d'un fauteur de guerre. Et il ne s'y trouve pas seul. Il a des amis, non seulement en Angleterre, mais également aux États-Unis. Il est à remarquer que, sous ce rapport, M. Churchill et ses amis rappellent d'une façon étonnante Hitler et ses amis. Hitler a commencé la préparation à la guerre par sa proclamation d'une théorie raciale, où il déclarait que seules les personnes de langue allemande représentaient une nation « véritable » au sens complet du mot.
M. Churchill, également, commence la préparation à la guerre par une théorie raciale, en affirmant que seules les nations de langue anglaise sont des nations dans toute l'acceptation du mot appelées à diriger les destinées du monde entier.
La théorie raciale allemande amena Hitler et ses amis à conclure que les Allemands, en tant qu'unique nation « véritable », devaient commander aux autres nations. La théorie raciale anglaise amène M. Churchill et ses amis à cette conclusion que les nations de langue anglaise, en tant que seules « véritables », doivent régner sur les autres nations du monde.
En fait, M. Churchill et ses amis, en Angleterre et aux États-Unis, présentent aux nations ne parlant pas anglais quelque chose comme un ultimatum : « Reconnaissez de bon gré notre domination, et tout alors ira bien ; dans le cas contraire, la guerre est inévitable. »
Mais si les nations ont versé leur sang au cours de cinq années d'une terrible guerre, c'est pour la liberté et l'indépendance de leur pays et non pas pour remplacer la domination des Hitler par celle des Churchill.
Il est donc tout à fait probable que les nations qui ne parlent pas l'anglais, et qui représentent l'énorme majorité de la population du globe, n'accepteront pas de retourner à un nouvel esclavage. La tragédie de M. Churchill consiste dans le fait qu'il ne comprend pas, en « tory » endurci, cette vérité simple et évidente.
Il n'y a aucun doute que la position prise par M. Churchill est une position qui mène à la guerre, un appel à la guerre contre l'URSS. Il est clair aussi que cette position de M. Churchill est incompatible avec le traité d'alliance qui existe actuellement entre l'Angleterre et l'URSS. Il est vrai que, pour embrouiller ses auditeurs, il déclare en passant que le traité anglo-soviétique d'aide mutuelle et de coopération pourrait être facilement prolongé pour une période de cinquante ans. Mais comment peut-on concilier une telle déclaration de M. Churchill avec sa position qui mène à la guerre contre l'URSS, avec son prêche en faveur de la guerre contre l'URSS ? Il est clair que ces faits sont absolument inconciliables. Et si M. Churchill, invitant à la guerre contre l'URSS, estime cependant que le traité anglo-soviétique peut être prolongé et voir sa durée portée jusqu'à cinquante ans, cela montre qu'il considère ce traité comme un papier sans importance, qui ne lui sert qu'à couvrir et masquer sa position antisoviétique. C'est pourquoi l'on ne peut pas considérer sérieusement les fausses déclarations des amis de M. Churchill en Grande-Bretagne relatives à une prolongation du traité anglo-soviétique jusqu'à cinquante ans et plus. La prolongation du traité ne répond à rien si l'une des parties viole le traité et le transforme en un papier vide de sens.
Question : Que pensez-vous de la partie du discours dans laquelle M. Churchill attaque le régime démocratique des États européens voisins de l'Union soviétique, et où il critique les relations de bon voisinage établies entre ces États et l'URSS ?
Réponse : Cette partie du discours de M. Churchill présente un mélange d'éléments de calomnie avec des éléments de grossièreté et de manque de tact. M. Churchill affirme que « Varsovie, Berlin, Prague, Vienne, Budapest, Belgrade, Bucarest, Sofia, toutes ces villes célèbres, avec la population d'alentour, se trouvent dans la sphère soviétique et subissent toutes, sous une forme ou une autre, non seulement l'influence soviétique, mais encore le contrôle toujours grandissant de Moscou ». M. Churchill qualifie tout cela de « tendances expansionnistes » sans limites de l'URSS.
Il n'est pas nécessaire de faire un gros effort pour démontrer que M. Churchill calomnie grossièrement et sans pudeur, aussi bien Moscou que les États voisins de l'URSS dont il est question plus haut.
Premièrement, il est tout à fait absurde de parler de contrôle exclusif de l'URSS à Vienne et à Berlin, où se trouvent également des Conseils de contrôle alliés composés de représentants des quatre puissances, et où l'URSS n'a qu'un quart des voix. Il arrive que certaines gens ne puissent pas faire autrement que de calomnier, mais il faut cependant garder la mesure.
Deuxièmement, il ne faut pas oublier les circonstances suivantes : les Allemands ont envahi l'URSS à travers la Finlande, la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie. Ils ont pu exécuter leur agression à travers ces pays parce que, dans ces derniers, existaient alors des gouvernements hostiles à l'Union soviétique.
Par suite de l'invasion allemande, l'Union soviétique a perdu sans retour, dans les combats avec les Allemands pendant l'occupation et par l'envoi d'hommes soviétiques dans les bagnes allemands, près de dix-sept millions de personnes. Autrement dit, les pertes de l'Union soviétique dépassent de plusieurs fois celles de la Grande-Bretagne et des États-Unis pris ensemble.
Il est possible qu'en certains lieux on soit enclin à oublier ces pertes colossales du peuple soviétique qui ont rendu possible la libération de l'Europe du joug hitlérien. Mais l'Union soviétique ne peut oublier ces pertes. On se demande ce qu'il peut bien y avoir d'étonnant dans le fait que l'Union soviétique, voulant garantir sa sécurité dans l'avenir, s'efforce d'obtenir que ces pays aient des gouvernements qui observent une attitude loyale envers l'URSS. Comment peut-on, si l'on a tout son bon sens, qualifier ces intentions pacifiques de l'Union soviétique de tendances expansionnistes de notre État ?
M. Churchill affirme, plus loin, que « le gouvernement polonais, se trouvant sous la domination des Russes, a été encouragé à formuler, vis-à-vis de l'Allemagne, des exigences énormes et injustifiées ». Chacun de ses mots est une calomnie grossière et insultante.
La Pologne démocratique actuelle est dirigée par des hommes éminents. Ils ont montré par leurs actes qu'ils savent défendre les intérêts et la dignité de leur patrie mieux que n'ont pu le faire leurs prédécesseurs. Quelles raisons peut invoquer M. Churchill pour affirmer que les dirigeants de la Pologne contemporaine peuvent tolérer dans leur pays la « domination » de représentants de quelque État étranger que ce soit ? Les calomnies de M. Churchill contre les « Russes » ne sont-elles pas dictées par l'intention de semer des germes de discorde dans les relations entre la Pologne et l'Union soviétique ?
M. Churchill n'est pas content que la Pologne ait effectué un tournant dans sa politique en faveur de l'amitié et de l'alliance avec l'URSS. Il fut un temps où, dans les relations entre la Pologne et l'URSS, prédominaient des éléments de discorde et de contradictions. Cela donnait la possibilité, à des hommes d'État du genre de M. Churchill, de jouer de ces contradictions, de chercher à mettre la main sur la Pologne sous prétexte de la protéger des Russes, d'agiter le spectre de la guerre entre l'URSS et la Pologne et de conserver la position d'arbitre.
Mais cette époque est révolue, car l'hostilité entre la Pologne et la Russie a fait place à l'amitié polono-soviétique. La Pologne actuelle, démocratique, ne veut plus être un « ballon de jeu » aux mains d'étrangers. Il me semble que c'est précisément cette circonstance qui irrite M. Churchill et le pousse à des sorties grossières, dépourvues de tact, contre la Pologne. Pensez donc : on ne le laisse pas jouer aux dépens d'autrui...
En ce qui concerne les attaques de M. Churchill contre l'Union soviétique, à propos de l'extension des frontières occidentales de la Pologne, grâce à la reprise de territoires anciennement pris par l'Allemagne à la Pologne, il me semble que M. Churchill pipe ouvertement les dés.
Comme on le sait, la décision relative aux frontières occidentales de la Pologne a été adoptée à la conférence de Berlin des trois puissances sur la base des demandes polonaises. L'Union soviétique a déclaré à plusieurs reprises qu'elle considérait ces demandes comme justes et équitables. Il est tout à fait probable que M. Churchill n'est pas content de cette décision. Mais pourquoi M. Churchill, sans ménager ses flèches contre la position des Russes dans cette question, cache-t-il à ses auditeurs le fait que cette décision a été prise à l'unanimité à la conférence de Berlin et qu'elle a été votée non seulement par les Russes, mais également par les Britanniques et les Américains ? Pourquoi M. Churchill a-t-il eu besoin d'induire en erreur ses auditeurs ?
M. Churchill affirme plus loin que « les Partis communistes étaient très faibles dans tous ces États d'Europe orientale, qu'ils ont acquis une force extraordinaire dépassant de beaucoup leur importance en effectifs et qu'ils s'efforcent d'instaurer partout un contrôle totalitaire », que « des gouvernements policiers dominent dans presque tous ces pays et que, à l'heure actuelle, il n'y existe aucune démocratie véritable, exception faite pour la Tchécoslovaquie ».
Comme on le sait, en Angleterre, un seul parti dirige maintenant l'État : le Parti travailliste, alors que les partis d'opposition sont privés du droit de participer au gouvernement anglais. Chez M. Churchill, cela s'appelle le véritable esprit démocratique. En Pologne, en Roumanie, en Yougoslavie, en Bulgarie, en Hongrie, c'est un bloc de plusieurs partis qui gouverne, un bloc de quatre à six partis, et l'opposition, si elle est à peu près loyale, se voit assurer le droit de participer au gouvernement. Chez M. Churchill, cela s'appelle du totalitarisme, de la tyrannie, de la dictature policière. Pourquoi ? Pour quel motif ? N'attendez pas de réponse de la part de M. Churchill. M. Churchill ne comprend pas dans quelle position comique il se met avec ses discours criards sur le totalitarisme, la tyrannie et la dictature policière.
M. Churchill voudrait que la Pologne soit gouvernée par Sosnkowski et Anders, la Yougoslavie par Mikhaïlovitch et Pavélitch, la Roumanie par le prince Stirbey et Radescu, la Hongrie et l'Autriche par n'importe quel roi de la maison des Habsbourg, et ainsi de suite. Il voudrait nous convaincre que ces messieurs de la fourrière fasciste peuvent garantir « un ordre vraiment démocratique ». Tel est l'« esprit démocratique » de M. Churchill.
M. Churchill n'est pas loin de la vérité quand il parle de l'influence accrue des Partis communistes en Europe orientale. Il convient cependant de noter qu'il n'est pas tout à fait précis. L'influence des Partis communistes a augmenté non seulement en Europe orientale, mais aussi dans tous les pays où avait auparavant dominé le fascisme (Italie, Allemagne, Hongrie, Bulgarie, Roumanie, Finlande), ou bien où avait eu lieu l'occupation allemande, italienne ou hongroise (France, Belgique, Hollande, Norvège, Danemark, Pologne, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Grèce, Union soviétique, etc.).
L'accroissement de l'influence des communistes ne peut pas être considéré comme un fait du hasard, mais comme un phénomène entièrement légitime. L'influence des communistes s'est accrue parce que, pendant les dures années de la domination fasciste en Europe, les communistes se sont montrés des combattants sûrs, audacieux et pleins d'abnégation contre le régime fasciste et pour la liberté des peuples.
M. Churchill rappelle quelquefois, dans ses discours, « les petites gens qui vivent dans des maisons modestes ». Il leur donne, en grand seigneur, des tapes amicales sur l'épaule et se dit leur ami. Mais ces hommes ne sont pas aussi simples qu'on pourrait le croire à première vue. Ces « petites gens » ont leur point de vue, leur politique, et ils savent se défendre.
Ce sont eux, les millions de ces « petites gens », qui ont battu M. Churchill et son parti en Angleterre, donnant leurs voix aux travaillistes.
Ce sont eux, les millions de ces « petites gens », qui ont isolé en Europe les réactionnaires et les partisans de la collaboration avec le fascisme, et ont donné leur préférence aux partis démocratiques de gauche.
Ce sont eux, les millions de ces « petites gens », qui, après avoir éprouvé les communistes dans le feu de la lutte et de la résistance au fascisme, ont décidé que les communistes méritaient pleinement la confiance du peuple.
C'est ainsi que l'influence des communistes a augmenté en Europe. Telle est la loi du développement historique.
Naturellement, M. Churchill n'est pas satisfait par un tel développement des événements, et il sonne l'alarme, faisant appel à la force. Mais M. Churchill n'était pas non plus satisfait de l'apparition du régime soviétique en Russie, après la Première Guerre mondiale. À cette époque, il sonnait également l'alarme et organisa la campagne militaire « des quatorze États » contre la Russie, se proposant de faire tourner en arrière la roue de l'Histoire.
Mais l'Histoire s'est avérée plus forte que l'intervention churchillienne et le don-quichottisme de M. Churchill l'a amené à subir à l'époque une défaite complète.
Je ne sais si M. Churchill et ses amis réussiront à organiser, après la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle campagne militaire contre « l'Europe orientale ». Mais s'ils y réussissent, ce qui est peu probable car des millions de « petites gens » montent la garde pour défendre la cause de la paix, on peut dire avec assurance qu'ils seront battus, de même qu'ils ont été battus autrefois, il y a de cela vingt-six ans.
La géopolitique de l'atlantisme
Winston Churchill et le président des États-Unis, Harry
Truman,
arrivent au Westminster College de Fulton, au Missouri,
le 5
mars 1946, où Churchill a prononcé son discours
belliciste du «
rideau de fer ».
Souvent les présidents des États-Unis soutiennent que leur direction soit acceptée parce que, disent-ils, ils sont les seuls à pouvoir établir un ordre international pouvant instaurer la paix et la stabilité. Avant l'apparition de la doctrine qui affirme que les États-Unis sont la nation indispensable à laquelle tous doivent se soumettre, cet ordre a toujours été assimilé aux intérêts et aux exigences d'une « communauté internationale ». À leur grand dam, les peuples du monde sont témoins du génocide du peuple palestinien perpétré par les États-Unis/Israël et leurs complices, dont le Canada, et s'opposent à la conception des « intérêts et exigences de la communauté internationale » que représente ce génocide.
La prétention de représenter « la communauté internationale » vient de leur adhésion à la conception raciste des impérialistes anglo-américains après la Deuxième Guerre mondiale selon laquelle les « nations de langue anglaise » devraient décider et diriger le destin du monde. Pour eux, la « communauté internationale » est assimilée aux « nations de langue anglaise » (États-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) et comprend celles qui, de façon pragmatique, y sont assimilées. C'est ce que le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, et la ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, avancent aujourd'hui lorsqu'ils prétendent parler au nom d'une « communauté internationale » autoproclamée qui dicte qui sont les représentants du peuple d'Haïti, qui sont les représentants des Palestiniens et ainsi de suite. Le but de cette vision du monde raciste est de détourner l'attention de l'essentiel de la question : le non-respect du droit des nations de décider elles-mêmes de leurs affaires intérieures sans ingérence étrangère, consacré dans la Charte des Nations unies.
L'article suivant sur la géopolitique de l'atlantisme – les valeurs et l'idéologie fondatrices de l'OTAN – a été écrit par Tony Seed et publié par Le Marxiste-Léniniste le 6 avril 2019. Tony Seed écrit :
Le document le plus significatif dans lequel cette vision raciste est élaborée et qui exprime les objectifs et le mandat de l'OTAN est le discours du « rideau de fer » de Winston Churchill du 5 mars 1946. Ce discours a été prononcé à peine six mois après la victoire sur le Japon, après que son parti conservateur eut été écrasé lors des élections en Angleterre et alors que la crise dans laquelle l'Empire britannique était plongé s'aggravait. Winston Churchill a redécouvert à la fois la doctrine raciale de la « destinée manifeste » atlantiste, proclamée par Théodore Roosevelt au tournant du siècle dernier, et la doctrine hitlérienne de la « menace bolchevique ».
Le discours du « rideau de fer », qui a provoqué un véritable tollé, a été prononcé au Westminster College de Fulton, dans le Missouri où, officiellement, Churchill était allé recevoir un diplôme honorifique. Ce collège peu connu est situé à 240 kilomètres de la ville natale du président Truman qui s'y est rendu pour présenter Churchill. La présence de Truman était nécessaire, car cette mise en scène ne pouvait être montée sans lui. Il est évident que Truman était présent non seulement pour présenter Churchill à l'auditoire, mais aussi pour souligner son importance et garantir une forte couverture médiatique.
Il ne fait aucun doute que Truman et Churchill s'étaient entendus sur le contenu du discours et en avaient évalué les conséquences. « À la lumière de la ferme détermination de Truman de cesser de 'chouchouter' les Soviétiques, Truman est probablement à l'origine de ce discours », estime l'historien américain D. F. Fleming. Comme on le sait, le premier ministre britannique, Clement Attlee, le secrétaire aux Affaires étrangères britanniques, Ernest Bevin, ainsi que le président Truman et le secrétaire d'État américain James Byrnes savaient que ce discours allait être prononcé et avaient donné leur accord. Lester Pearson a également lu un brouillon de ce discours et s'est vanté d'en avoir écrit une phrase[1]. En d'autres termes, la « célébrité » de Churchill devait être utilisée pour justifier toutes sortes d'infamies et d'agressions. L'ensemble des faits prouvent que Churchill n'a pas exprimé ses opinions personnelles, il a énoncé le programme antisoviétique de l'élite dirigeante de Grande-Bretagne, des États-Unis d'Amérique et du Canada.
En Grande-Bretagne, Churchill n'aurait pas pu annoncer publiquement la guerre froide contre l'Union soviétique. Un tel discours aurait été très embarrassant pour lui à cette époque. Le peuple soutenait fermement l'Union soviétique et son dirigeant, Joseph Staline, qui avait conduit son peuple à la brillante victoire sur les hordes nazies qui avaient envahi l'Union soviétique. Les peuples de Grande-Bretagne avaient subi de lourdes pertes pendant la guerre et venaient de chasser du pouvoir Churchill et son parti lors de l'élection générale de 1945. Leur opposition à la politique étrangère de l'ancien gouvernement que Churchill devait maintenant formuler dans le discours de Fulton aurait été sans équivoque. En raison de la situation en Grande-Bretagne, les dirigeants du gouvernement travailliste social-démocrate n'ont pas osé exprimer officiellement leur solidarité envers Churchill; ils devaient le faire quelques années plus tard. C'était une autre affaire aux États-Unis où le gouvernement prônait ouvertement les idées antisoviétiques de Churchill. La présence de Truman à Fulton a montré l'importance que l'élite américaine au pouvoir attachait à ce discours. De plus, les États-Unis ont été obligés, à cause de leur position dans le monde impérialiste, de jouer un rôle de premier plan dans l'exécution du plan proposé par Churchill.
L'Union soviétique, qui avait vaincu les fascistes au prix d'énormes pertes humaines et matérielles, était préoccupée uniquement par la reconstruction de ce qui avait été détruit par les agresseurs, par l'avancement sur la voie de l'édification socialiste et par la défense vigoureuse de la cause de l'humanité qui réclamait la libération et la paix, contre la guerre. Pourtant, au grand étonnement de son auditoire, le conférencier invité a annoncé que le monde était sous la menace directe et immédiate d'une autre guerre mondiale et de la tyrannie, et que la cause de cette menace était l'Union soviétique et le mouvement communiste international.
Churchill a déclaré dans son discours que son objectif principal était de proposer la création d'une « association fraternelle des peuples anglophones ». Il a déclaré que cela comprenait « une relation particulière entre le Commonwealth et l'Empire britanniques d'une part, et les États-Unis d'autre part. [...] Une association fraternelle exige non seulement une amitié croissante et une compréhension mutuelle entre nos deux systèmes de société vastes mais analogues, mais également la continuation des relations étroites entre nos conseillers militaires, menant à l'étude commune de dangers potentiels, à la similitude de nos armements et de nos manuels d'instruction ainsi qu'à l'échange d'officiers et de cadets dans les hautes écoles techniques. Elle devrait comprendre la continuation des efforts actuels en faveur de la sécurité mutuelle par l'utilisation commune de toutes les bases militaires navales et aériennes qu'un de nos pays possède, partout dans le monde.
« Une telle association permettrait peut-être de doubler la mobilité des forces navales et aériennes américaines. Elle augmenterait sensiblement celle des forces de l'Empire britannique et mènerait très probablement, au fur et à mesure que le monde se calmera, à d'importantes économies financières. [...] Finalement nous pourrons voir naître [...] le principe d'une citoyenneté commune, mais contentons-nous de laisser cette décision au destin dont le bras étendu apparaît déjà clairement à beaucoup d'entre nous. »
Churchill apportait de l'eau au moulin de l'élite dirigeante des États-Unis, de Grande-Bretagne et d'autres pays :
« Prenez garde, vous dis-je ! Le temps risque de nous manquer. Ne laissons pas libre cours aux événements jusqu'à ce qu'il soit trop tard. »
Quelle était la cible de l'alliance militaire anglo-américaine ? Churchill a été très clair. Il a dit qu'il était contre « le danger croissant pour la civilisation chrétienne » et contre « la menace bolchevique », la révolution socialiste en développement. Il a exigé une prépondérance anglo-américaine du pouvoir contre l'Union soviétique, en référence à l'Europe de l'Est.
Il a expliqué que l'Europe et le monde étaient divisés en deux sphères d'influence, l'une dirigée par les États-Unis, l'autre par l'URSS, c'est-à-dire en deux camps, déclarant officiellement la guerre froide et formulant le mandat initial de l'OTAN, puis lançant l'idée d'un bloc militaire de nations partageant des idéaux communs, prétendument sous l'égide des Nations unies. Churchill a déclaré :
« Nous avons beau instituer des tribunaux et des magistrats, ils ne pourront pas fonctionner sans police. L'Organisation des Nations unies doit être équipée dès le départ d'une force armée internationale » dont les escadrilles « porteraient l'uniforme de leur propre pays, mais avec des insignes différents. Elles ne seraient pas appelées à intervenir contre leur propre nation, mais pour le reste elles seraient sous les ordres de l'organisation mondiale. [...] J'aurais voulu déjà qu'elle soit prise après la Première Guerre mondiale et je suis fermement convaincu qu'elle pourra l'être maintenant. »
D'une part, Churchill annonçait « une relation particulière entre le Commonwealth et l'Empire britanniques et les États-Unis » et d'autre part déclarait la guerre froide à l'Union soviétique. Il a proclamé que l'Europe et le monde anglo-américain étaient des victimes :
« De Stettin dans la Baltique jusqu'à Trieste dans l'Adriatique, un rideau de fer est descendu à travers le continent. Derrière cette ligne se trouvent toutes les capitales des anciens États de l'Europe centrale et orientale. Varsovie, Berlin, Prague, Vienne, Budapest, Belgrade, Bucarest et Sofia, toutes ces villes célèbres et les populations qui les entourent se trouvent dans ce que je dois appeler la sphère soviétique, et toutes sont soumises, sous une forme ou sous une autre, non seulement à l'influence soviétique, mais aussi à un degré très élevé et, dans beaucoup de cas, à un degré croissant, au contrôle de Moscou. [...]
« Je ne crois pas que la Russie soviétique désire la guerre. Ce qu'elle désire, ce sont les fruits de la guerre et une expansion illimitée de sa puissance et de ses doctrines[2]. »
C'était la première fois que l'expression « une relation particulière » était utilisée, mais pas celle du « rideau de fer » qui allait devenir populaire auprès des propagandistes de la guerre froide. Dans l'édition de 1948 de Familiar Quotations de Bartlett, on lit : « Selon le London Times, l'expression 'rideau de fer' a été inventée par von Krosigk, ministre des Finances de Hitler, et a été utilisée par Goebbels, dans sa propagande quelques années avant que M. Churchill ne l'adopte. » Ce qui n'a pas empêché le communiste britannique R. Palme Dutt d'écrire à l'époque : « La formule est universellement reconnue comme ayant été inventée par le génie de sir Winston Churchill[3]. »
La notion de rideau de fer de Churchill était la salve qui allait justifier toutes les brutalités pour garder asservis les peuples et les nations. Elle rappelait ce que les chauvins anglo-américains craignaient le plus : un monde où tous les peuples et nations seraient libres. Au lieu d'un monde uni contre le fascisme et la réaction, pour la paix, la liberté, l'indépendance et la démocratie, les chauvins anglo-américains ont divisé l'humanité en défendant les forces antidémocratiques et impérialistes et en créant deux camps.
En condamnant les transformations démocratiques dans les pays de l'Europe de l'Est, Churchill a indiqué ce qu'il avait en tête pour ces pays. « Seule Athènes – la Grèce et ses gloires immortelles – est libre de décider de son avenir dans des élections contrôlées par des observateurs britanniques, américains et français », a-t-il déclaré. Mais Athènes était le symbole de la honte dont Churchill s'était couvert en décembre 1944 lorsqu'il avait ordonné à ses troupes et aux collaborateurs nazis locaux d'ouvrir le feu sur les Grecs non armés qui manifestaient pour soutenir les partisans grecs, alliés de la Grande-Bretagne dans la guerre, en raison de l'influence du parti communiste dans le mouvement de résistance.
Churchill a recommandé le recours à la force contre l'URSS, et le plus tôt sera le mieux – alors que les États-Unis possédaient la bombe atomique tandis que l'Union soviétique ne l'avait pas encore développée. Churchill a laissé clairement entendre que cela signifiait l'utilisation de la force militaire contre l'URSS. « Ce que j'ai pu voir chez nos amis et alliés russes pendant la guerre, m'a convaincu qu'il n'y a rien qu'ils admirent autant que la force », a-t-il dit. Il proposait de réaliser en 1946 « une bonne entente sur tous les points avec la Russie ». Cela signifiait que si l'Union soviétique ne capitulait pas devant la menace du recours à la force, il serait alors nécessaire de déclencher une guerre préventive contre elle.
Churchill ne se satisfaisait plus du principe traditionnel britannique de l'équilibre des forces que la Grande-Bretagne avait suivi dans le continent européen en montant les pays les uns contre les autres. « C'est pourquoi la vieille doctrine d'un équilibre des forces est hasardeuse. Nous ne pouvons nous permettre, s'il est en notre pouvoir de l'éviter, de nous appuyer sur des marges étroites et d'éveiller ainsi les tentations d'une épreuve de force », a-t-il déclaré. Au nom de Truman, il a présenté la nouvelle politique des impérialistes anglo-américains qui allait par la suite être connue sous le nom de politique de « position de force » ou de « la paix par la force ».
La « bonne entente sur tous les points avec la Russie », que Churchill espérait, devait être soutenue « par toute la force du monde anglophone et de toutes ses connexions ». L'idée était d'imposer la domination mondiale anglo-américaine. Ce n'était pas une idée nouvelle.
« L'association fraternelle des peuples anglophones attachés aux idéaux de la démocratie et de la liberté intéressait depuis longtemps Winston Churchill et constituait son plus grand espoir pour l'avenir de l'humanité. » Son projet littéraire, commencé dans les années 1930, était son livre en quatre volumes Une histoire des peuples anglophones. On sait que Churchill a travaillé à sa rédaction tout au long de la Deuxième Guerre mondiale[4].
À la suite de la percée de la ligne Maginot et de l'humiliation de Dunkerque, Churchill a posé un « geste grandiose » envers la France en proposant une citoyenneté commune. (« Je remercie Dieu pour l'armée française », a déclaré Churchill à maintes reprises.) Churchill prônait l'assujettissement de la France à l'Angleterre sous les auspices des États-Unis et soutenait que « nous pourrons voir naître le principe d'une citoyenneté commune » pour les États-Unis et l'Angleterre[5].
Churchill croyait que si la Grande-Bretagne et les États-Unis pouvaient éliminer les mouvements révolutionnaires et soumettre l'Union soviétique à leur volonté, ils seraient en mesure d'assurer leur domination sur le monde pour les cent prochaines années. Dans son discours de Fulton, il a dit :
« Si la population du Commonwealth anglophone se joint effectivement à celle des États-Unis, avec tout ce qu'une telle coopération implique dans les airs, sur les mers, partout sur le globe, dans les sciences et l'industrie, et dans la force morale, alors aucun équilibre tremblant, précaire entre les forces en présence ne servira de tentation à l'ambition et à l'aventure. [...] Si toutes les forces et les convictions morales et matérielles de la Grande-Bretagne se joignent aux vôtres dans une association fraternelle, alors les routes de l'avenir deviendront claires, non seulement pour nous, mais pour tous, non seulement pour le présent, mais pour le siècle à venir. »
Avec un orgueil napoléonien, Churchill a annoncé son intention de définir la mission de l'humanité et d'expliquer comment elle devait être accomplie. Il a fait remarquer qu'à la fin des années 1930, devant l'imminence d'une deuxième guerre mondiale, il avait été le seul à avoir donné les bons conseils sur la façon de l'éviter, mais ses efforts avaient échoué parce que ceux qui étaient au pouvoir à l'époque s'étaient avérés incapables de comprendre l'importance de ses propositions.
C'était plus que son habituelle autoglorification. Il laissait entendre que les conseils qu'il donnait à l'humanité dans son discours étaient aussi bien fondés et justifiés que son attitude à la veille de la Deuxième Guerre mondiale.
L'idée maîtresse du discours de Fulton était la suivante : l'Union soviétique est la principale menace à la sécurité et à la liberté de toutes les autres nations et, par conséquent, l'humanité doit s'unir sous la direction anglo-américaine et conjurer cette menace par le recours à la force. Churchill voulait dresser le monde entier contre l'Union soviétique.
Ce discours a été prononcé moins d'un an après que l'Union soviétique, au prix de sacrifices et de souffrances énormes, eut assuré la défaite du fascisme et contribué à la libération des peuples asservis; grâce à ces sacrifices, l'Angleterre avait été sauvée de la destruction imminente; et ce que les experts militaires anglo-américains pensaient, la Grande-Bretagne et les États-Unis auraient été encore en guerre avec le Japon en Extrême-Orient si l'Union soviétique n'était pas intervenue aux côtés des Alliés, assurant ainsi la conclusion rapide de la guerre. La vérité est maintenant connue au sujet de la préparation de l'opération Unthinkable ordonnée par Churchill, l'« opération impensable », un plan de guerre contre l'Union soviétique qui devait commencer le 1er juillet 1945 avec 112-113 divisions, dont 10-12 divisions allemandes, gardées intactes dans le Schleswig-Holstein et dans le sud du Danemark jusqu'au printemps de 1946[6]. Le plan prévoyait une attaque surprise de 47 divisions britanniques et américaines dans la région de Dresde, au milieu des lignes soviétiques.
Le discours de Churchill est marqué par une haine pour les peuples de l'Union soviétique, dont le crime était de construire leur propre vie selon leurs propres désirs et façons de penser, et non comme il l'aurait voulu. Churchill avait combattu la Révolution d'Octobre en Russie et organisé le bloc interventionniste des 14 États, dont les États-Unis et le Canada, en 1918, 1919 et 1920, qui a été vaincu par l'Armée rouge. Il devait déclarer : « L'échec à étrangler le bolchévisme à sa naissance et d'amener la Russie, alors effondrée, par un moyen ou par un autre dans le système démocratique général, est lourd de conséquences pour nous aujourd'hui[7]. » Puis, tout au long des années 1920, il a prêché contre la menace de la « révolution rouge », ne perdant jamais une occasion de traiter les dirigeants bolcheviques d'« assassins meurtriers et ministres de l'enfer ».
En plus de reprendre les théories du complot judéo-bolchevique des hitlériens, Churchill faisait la promotion frénétique du chauvinisme national, de la division raciale des peuples entre peuples supérieurs et peuples inférieurs dans le but de semer la discorde et de les rallier aux objectifs des impérialistes anglo-américains et des classes réactionnaires dominantes.
Caricature soviétique de Churchill prononçant son tristement célèbre discours de 1946, tenant deux drapeaux sur lesquels on peut lire « Un rideau de fer sur l'Europe » et « Les Anglo-Saxons doivent dominer le monde ». À l'arrière-plan se trouvent Hitler et Goebbels. |
L'essence de la politique des cercles dominants britanniques et français au cours de cette période a été exposée par Joseph Staline dans un entretien avec la Pravda. Dénonçant le vrai sens de cet appel, Staline explique :
« En fait, M. Churchill se trouve actuellement dans la position d'un fauteur de guerre. Et il ne s'y trouve pas seul. Il a des amis, non seulement en Angleterre, mais également aux États-Unis. »
Staline poursuit que dans son discours à Fulton, Churchill rappelait de manière frappante Hitler :
« Hitler a commencé la préparation à la guerre par sa proclamation d'une théorie raciale, où il déclarait que seules les personnes de langue allemande représentaient une nation 'véritable' au sens complet du mot. M. Churchill, également, commence la préparation à la guerre par une théorie raciale, en affirmant que seules les nations de langue anglaise sont des nations – dans toute l'acception du mot – appelées à diriger les destinées du monde entier. [...] La théorie raciale anglaise amène M. Churchill et ses amis à la conclusion que les nations de langue anglaise, en tant que seules 'véritables', doivent régner sur les autres nations du monde. En fait, M. Churchill et ses amis, en Angleterre et aux États-Unis, présentent aux nations ne parlant pas anglais quelque chose comme un ultimatum : 'Reconnaissez de bon gré notre domination, et tout alors ira bien; dans le cas contraire, la guerre est inévitable. [...] Il n'y a aucun doute que la position prise par M. Churchill est une position qui mène à la guerre, un appel à la guerre contre l'URSS[8]. »
Les réactions au discours de Churchill
Le discours de Churchill-Truman a été accueilli avec indignation et par des condamnations véhémentes dans les cercles démocratiques de divers pays, y compris aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en France. Le discours de Churchill a créé un climat d'inquiétude. Plusieurs constataient qu'il s'agissait d'un appel à déclencher une autre guerre mondiale. Plus d'une centaine de députés travaillistes au parlement britannique ont condamné les propos de Churchill. La réaction du gouvernement canadien a été obséquieuse. Le meneur de claque, Lester Pearson, a avoué dans un communiqué officiel : « La réaction populaire et médiatique au discours de M. Churchill au Westminster College correspond à ce que je m'attendais. Elle est partagée, mais les opinions critiques sont tout de même prépondérantes. »
L'influent chroniqueur Walter Lippmann, a dit Pearson, « pensait qu'une alliance avec le Royaume-Uni et les dominions pouvait tenir la route, mais qu'une alliance avec l'Empire britannique était une tout autre paire de manches. C'est la vieille crainte enracinée d'être lié à l''impérialisme', une crainte qui est amplifiée alors que le système colonial britannique est confronté à un soulèvement d'après-guerre de nationalisme indigène qui pourrait très bien se manifester violemment. S'il était peut-être possible de soutenir le Royaume-Uni, soutenir la Malaisie, la Birmanie et Hong-Kong l'était moins, bien que les deux pouvaient difficilement être séparés. C'est ce qui laissait perplexe 'l'école Lippmann'[9]. »
L'attaque de Churchill contre Staline à cause de la soi-disant « division de l'Europe » a légitimé la falsification perfide de toutes les ententes importantes entre la Grande-Bretagne, les États-Unis et l'Union soviétique qui étaient en cours, de Téhéran, Yalta et Potsdam. Selon Jacob Heilbrunn, qui écrivait pour le Los Angeles Times en 2005, Joseph McCarthy et ses semblables ont élaboré des arguments contre « ce qui était perçu comme un modèle d''apaisement' au sein du Parti démocrate. En parallèle, la 'gauche' trotskiste prétendait que Staline avait 'trahi' la résistance française, les communistes grecs et même les Palestiniens. La droite, elle, prétendait que Roosevelt avait 'trahi' l'Europe de l'Est à la conférence de Yalta en promettant aux Soviétiques une sphère d'influence incontestée dans la région[10]. »
Jacob Heilbrunn ajoute : « Un élément de la mythologie que la droite a fabriquée à cette époque était qu'Alger Hiss, qui pendant la guerre a été assistant au secrétaire d'État Edward Stettinius Jr. – et qui a été accusé au cours des années suivantes d'être un espion soviétique et condamné pour parjure – avait joué un rôle déterminant pour convaincre Roosevelt de conspirer avec Staline contre Churchill. C'est nul autre que Joseph McCarthy qui avait déclaré en février 1950 que 'si le temps le permettait, il serait peut-être bien d'examiner de plus près le fait que Hiss était le principal conseiller de Roosevelt à Yalta alors que ce dernier avait de sérieux problèmes de santé et était épuisé physiquement et mentalement'. Plus tard, des conservateurs comme Ronald Reagan allaient dénoncer le fait que les négociations avec l'Union soviétique présageaient un nouveau 'Yalta'. Lisez vous-mêmes le protocole de Yalta. Nulle part n'est-il question de 'division' du continent, d'une région ou d'un pays. Ni en existe-t-il des traces ne serait-ce qu'informelles. Les puissances ont ensemble décidé de la division d'une ville, Berlin, sous un commandement unifié. Ce sont les historiens anglo-américains eux-mêmes qui sont les auteurs de l'histoire sans fondement de la 'division de l'Europe'. Ce sont les États-Unis qui, unilatéralement, ont divisé Berlin pour ensuite, de façon unilatérale encore une fois, proclamer l'existence de l'Allemagne de l'Ouest en contravention de l'Accord de Potsdam[11]. »
Pendant sa visite aux États-Unis en mai 1943, Churchill a avancé l'idée de « citoyenneté commune » entre les pays anglo-saxons et a proposé que la structure de leur alliance militaire soit préservée après la guerre et que les deux pays puissent collaborer sur les questions saillantes de leur politique étrangère. Il a ensuite laissé transparaître ses intentions dans toute leur laideur en élaborant dans son exhortation que seules les nations « anglophones » étaient les nations vraiment inestimables, et en les appelant à décider du destin du monde. Churchill leur attribuait la « constance intellectuelle, la persistance dans l'atteinte de leurs objectifs et la grande simplicité dans leurs prises de décisions ». Il s'agit bien sûr de la supériorité morale des valeurs anglo-américaines, aujourd'hui brandie avec fébrilité, au nom de l'« euro-atlantisme », des « valeurs transatlantiques » et de la « communauté internationale » – les mêmes qui ont largué des bombes humanitaires sur l'Afghanistan, la Libye, la Syrie. On réitère ici l'idéologie de la supériorité anglo-saxonne qu'on érige en justification pour la nouvelle puissance impérialiste américaine qui, par la guerre hispano-américaine de 1898, a dévoré les Amériques et les Philippines – la « mission civilisatrice » du « fardeau de l'homme blanc ». Dans toute leur « grandeur », les nations « anglophones » préconisent la division du monde entre peuples supérieurs et inférieurs, entre États supérieurs et inférieurs.
L'appel de Churchill n'était pas destiné seulement aux « peuples anglophones », mais était aussi une incitation à la guerre civile de tous les nationalistes bourgeois et les forces chauvines en Europe centrale et de l'Est qui avaient été rassemblés pendant la Deuxième Guerre mondiale sous la tutelle anglo-américaine – « toutes les capitales des anciens États de l'Europe centrale et de l'Est. Varsovie, Prague, Vienne, Budapest et Sofia, toutes ces villes renommées et les populations qui s'y trouvent » – où la question nationale était devenue l'une des questions les plus profondes et qui avait été prise en main par le peuple sous forme de nouvelles démocraties populaires. Ces forces émigrées avaient fui en 1945 vers Munich occupé par la Troisième Armée américaine où elles étaient réformées en forces politiques et terroristes clandestines.
L'atlantisme
« Je suis pour la nation mondiale », dit le raciste
de la
doctrine anglo-saxonne, « mais ma nation est précisément
cette
nation mondiale. » Sur la base de cette vision,
toutes les
autres nations doivent s'adapter à cette nation
anglo-américaine, se dissoudre en elle, perdre leur
identité
nationale et oublier à tout jamais leurs traditions, leur
philosophie et leur culture intellectuelle nationales.
Ainsi, on
ne prend pas comme point de départ les réalisations de
chaque
peuple. La philosophie et la culture intellectuelle de
chaque
peuple traitent des problèmes qui leur sont propres,
comme
l'expliquait Hardial Bains, « elles font ressortir les
personnalités qui sauront s'attaquer à ces problèmes et,
qui
sait, rien ne dit qu'on ne dépassera pas les
développements
réalisés en philosophie dans le monde »[12].
La théorie cosmopolite et la géopolitique de l'atlantisme forment l'un des principaux fondements de l'OTAN et de l'effort mondial pour la suprématie anglo-américaine – l'anglosphère – en déclarant que l'unité culturelle et la communauté d'intérêts de tous les peuples du lac Atlantique sont une « culture mondiale » (lire anglo-américaine et euroculture) et l'influence réciproque et la pénétration des cultures. Il s'agit bel et bien d'une doctrine eurocentriste et raciste.
L'« atlantisme » signifie l'« unité spirituelle » de la « communauté nord-atlantique », c'est-à-dire de ces pays qui chevauchent l'océan Atlantique. L'« Union atlantique » repose essentiellement sur une union anglo-saxonne. C'est une stratégie successive qui adopte différentes formes politiques d'unité atlantique selon les différentes périodes offensives de l'impérialisme américain. Cette stratégie est au coeur de la Destinée manifeste et de la doctrine Monroe[13].
La proclamation de la doctrine Truman en 1947 et du plan Marshall en 1948 signifiait que l'essentiel du projet de politique étrangère avait été accepté en tant que politique d'État américaine. Suite aux efforts des États-Unis, de la Grande-Bretagne et du Canada, l'OTAN a été établie en tant que bloc militaire et politique agressif en 1949. C'était le programme de Fulton en action.
Les Canadiens doivent voir que c'est de cela qu'il s'agit lorsque le gouvernement du Canada parle des « valeurs » que le Canada embrasse comme justification pour sa participation à l'OTAN. Tel que mentionné, Lester Pearson s'est personnellement enorgueilli d'avoir contribué au discours de Churchill et le Canada est passé à l'offensive pour préconiser la division de l'Allemagne, de l'Europe et de l'humanité. Les dossiers d'après-guerre du ministère des Affaires extérieures, parallèlement à tout leur verbiage au sujet de leur nouveau « non-colonialisme », « universalisme » et « internationalisme », étaient imprégnés des préjugés des bâtisseurs d'empire du XIXe siècle.
Le 19 mars 1946, George Ritchie, premier secrétaire au ministère des Affaires extérieures puis ambassadeur du Canada en Allemagne de l'Ouest, aux Nations unies et aux États-Unis, écrivait candidement qu'il s'agissait d'une « lutte de pouvoir » et que le Canada fait partie « de l'équipe anglo-saxonne »[14].
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les Canadiens et
d'autres
peuples du monde ont versé leur sang au cours de cinq
années de
guerre acharnée dans l'intérêt de la démocratie, de la
liberté
et de l'indépendance, et non dans le but d'échanger la
domination des Hitler contre celle des Churchill. Ils
n'ont pas
été d'accord avec la création de l'alliance belliciste de
l'OTAN
quatre ans plus tard et n'ont pas eu leur mot à dire.
Aujourd'hui, la grande majorité de la population mondiale
n'accepte pas de se soumettre à un nouvel esclavage au
nom d'une
« communauté internationale » défendue par les
Trudeau et
les Trump. Ils auront leur mot à dire en défendant le
droit de
toutes les nations de décider de leurs propres affaires
sans
ingérence étrangère.
Notes
1. Les commentaires de Pearson sur le discours de Churchill révèlent la duplicité libérale et comment, même en 1946, le gouvernement canadien se livrait à des intrigues pour former un nouveau bloc militaire agressif :
« Enfin, les propositions de M. Churchill ont été violemment attaquées par ceux qui voient dans une Organisation des Nations unies le seul espoir d'une paix forte et universelle, ou presque universelle. Ils estiment, et avec raison, qu'une alliance militaire anglo-américaine pourrait affaiblir et détruire l'Organisation des Nations unies. M. Churchill, bien sûr, a tenté de combattre ces craintes par son argument « dans la demeure de Notre Père il y a de la place pour tous. » Mais il n'a pas réussi. Il aurait pu avoir plus de succès s'il avait élargi la base de ses propositions « d'association fraternelle » pour inclure tous les États épris de paix, qui pourraient souhaiter renforcer leurs relations de défense au sein de l'Organisation des Nations unies. De ce point de vue, et à mon opinion d'autres, il aurait été préférable que M. Churchill plaide en faveur du renforcement de l'Organisation des Nations unies et de la modification de la Charte, si nécessaire, pour que ce renforcement soit possible. Il aurait alors été dans une bien meilleure position pour soutenir l'idée que si un État, ou plus d'un, bloquait un tel renforcement, une relation spéciale entre les autres serait justifiée. Toutefois, il est assez clair que M. Churchill n'avait pas cela à l'esprit dans son discours. Il pensait à une association militaire étroite des peuples anglophones uniquement.
« Dans l'ébauche du discours que j'ai lue, il était question de l'opportunité de maintenir le commandement combiné des chefs d'état-major. J'ai mentionné à l'époque à Lord Halifax que je pensais que ce serait indésirable même pour les autorités militaires américaines et britanniques qui espéraient beaucoup son maintien, mais pensaient que la meilleure façon de le faire était de ne pas attirer l'attention sur la question, mais de laisser les arrangements du temps de guerre continués tranquillement. Lord Halifax a accepté et la phrase en question a été modifiée par la suite. Toutefois, ainsi amendée, il était assez clair à quoi elle faisait référence; suffisamment claire pour provoquer une discussion qui pourrait nuire à ces arrangements en les mettant en lumière. L'article ci-joint d'Arthur Krock dans le New York Times est intéressant à cet égard.
« Vous avez peut-être aussi remarqué qu'une question a été posée au président Truman lors de la conférence de presse de jeudi dernier sur ce point. M. Truman a expliqué que le Commandement combiné des chefs d'état-major fonctionnait toujours parce que la paix n'avait pas encore été officiellement conclue, mais que cette situation ne durerait pas beaucoup plus longtemps, espérait-il. Cette partie des remarques de M. Churchill a donc peut-être nui plutôt qu'aidé la cause qu'il espérait promouvoir, soit l'association la plus étroite possible des forces armées des deux pays. » [Notre souligné]
[...]
« Si aucun succès réel n'est obtenu à une telle conférence (comme celle des trois grands), alors les États-Unis et le Royaume-Uni devraient convertir les Nations unies en un agent vraiment efficace pour préserver la paix et prévenir l'agression. Il faut donc la réviser radicalement. Si les Russes s'opposent à une telle révision, approuvée par d'autres, il faut créer une nouvelle organisation qui, en tant que gardienne de la paix pour toutes les nations, et pas seulement les nations anglophones, peut fonctionner sans les Russes et, en dernier recours, contre eux. » (Mike : Memoirs of the Rt. Hon. Lester B. Pearson, Volume Two : 1948-1957, Toronto, University of Toronto Press. Traduit de l'anglais par LML)
En même temps, l'ambassadeur du Canada en URSS, Hume Wrong, reconnaissait dans ses dépêches que l'Union soviétique ne se préparait pas du tout à la guerre.
2. Cité dans Daniel Yergin, Shattered Peace : The Origins of the Cold War and the National Security State, Boston : Houghton Mifflin, Co., 1977, pp. 175-6. Traduit de l'anglais par LML
3. La formulation de « rideau de fer » a été utilisée des millions de fois par les anticommunistes. Le communiste britannique R. Palme Dutt souligne : « Cette formulation, en fait, a été utilisée en ce sens... par Joseph Goebbels dans un éditorial publié dans Das Reich le 25 février 1945... [elle] continue d'être utilisée de tout côté sans reconnaissance de son origine nazie. Si des redevances devaient être payées pour son utilisation chaque fois par les publicistes et les politiciens occidentaux à l'auteur originel, l'ombre de Goebbels serait maintenant l'ombre la plus riche de l'Hadès. »
Dans cet article, Goebbels écrivait :
« Si le peuple allemand déposait ses armes, les Soviétiques, conformément à l'accord conclu entre Roosevelt, Churchill et Staline, occuperaient toute l'Europe de l'Est et du Sud-Est avec la plus grande partie du Reich. Un rideau de fer tomberait sur cet immense territoire dominé par l'Union soviétique, derrière lequel les nations seraient massacrées. »
Le « mégaphone nazi » lui-même a sans doute repris ce terme d'un article du journal de propagande de la Wehrmacht, Signal, publié en 1943 dans lequel le terme rideau de fer est utilisé :
« Celui qui a écouté l'interrogatoire d'un prisonnier de guerre soviétique sait qu'une fois le barrage brisé, un flot de paroles commence alors qu'il tente de faire comprendre ce qu'il a vécu derrière le mystérieux rideau de fer qui sépare plus que jamais le monde de l'Union soviétique. »
Cité dans Behind the Iron Curtain, Randall Bytwerk (Derrière le rideau de fer, Randall Bytwerk). Citation traduite de l'anglais par LML
4. Dans un discours prononcé le 27 avril 1941 à la suite de l'invasion du Danemark, de la Hollande, de la Belgique et de la France par l'Allemagne nazie, qui a mis fin à la « drôle de guerre », Churchill a cité le poète Arthur Hugh Clough :
Tandis que les vagues lassées en vain se brisent,
Ne semblent avancer péniblement d'un pouce,
Progressant tout au loin parmi anses et criques,
L'océan monte alors silencieusement.
Ce n'est pas seulement par les croisées, à l'est,
Que lorsqu'entre le jour, entre aussi la lumière;
En face paraît le soleil – lent, combien lent !
Mais regarde à l'ouest s'illuminer la terre.
5. Dans un article du journal britannique The Times du 8 mai 1945, on lisait : « Incapable d'arrêter la ruée allemande vers la côte, [le général français] Weygand réforma ses armées derrière la Somme et l'Aisne et une petite force expéditionnaire britannique débarqua en renfort. Il était trop tard, et le 14 juin les Allemands entrèrent à Paris, qui avait été déclarée ville ouverte. De Bordeaux, où il s'était retiré, le gouvernement français a demandé au gouvernement britannique de le libérer de son obligation de ne pas conclure une paix séparée. À cela, le gouvernement britannique – le gouvernement de coalition que M. Churchill avait formé un mois auparavant – était prêt à y consentir si d'abord la flotte française se réfugiait dans les ports britanniques.
« Mais la proposition britannique allait plus loin.
« Il a offert l'union des deux États avec une citoyenneté commune si la France se battait. Le gouvernement français a rejeté cette proposition, M. Reynaud, qui l'avait soutenu avait démissionné, et l'octogénaire Pétain qui l'avait remplacé allait devenir la figure centrale dans l'épisode le plus humiliant de l'histoire française. (The Long Road To Victory; A Historical Narrative And A Chronological Register Of The Events Of The War In Europe And Africa 1939-1945, London, Printing House Square 1945. Traduit de l'anglais par LML)
6. 1945 – Opération Unthinkable, naissance de la guerre froide, Yuriy Rubtsov 25 mai 2015, Strategic culture
7. Discours prononcé le 31 mars 1949 au Massachusetts Institute of Technology
8. Interview au sujet du discours de M. Churchill à Fulton, mars 1946. Staline, Oeuvres, Tome XVI, NBE, Paris, 1975
9. Ambassadeur aux États-Unis du secrétaire d'État aux affaires extérieures, DESPATCH 511, Washington, 11 mars 1946
10. « Once Again, the Big Yalta Lie », Jacob Heilbrunn, Los Angeles Times, 10 mai 2005
12. Extrait de l'allocution de Hardial Bains à la Conférence « Regard sur la philosophie indienne – la période zéro », Montréal, juillet 1992, cité dans Discussion (hebdomadaire), Vol.1, Numéro 2, 1992
13. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le journaliste Walter Lippmann, dans un livre publié en 1944 intitulé United States War Aims (Les buts de la guerre des États-Unis), une suite à un autre livre sur la politique étrangère des États-Unis, a brossé le portrait des affinités culturelles et historiques des deux côtés de l'Atlantique – ce qu'il décrivait comme étant la « civilisation atlantique ».
Charles Cogan, adjoint de recherche principal à la Kennedy School de l'Université Harvard, a écrit sur l'influence de Lippmann dans un article de 2009 intitulé « Relations extérieures américaines et européennes » :
« Petit à petit, remplissant un vide spirituel tout en fournissant une raison d'être stratégique et morale pour le nouvel engagement des États-Unis en Europe, un certain nombre d'intellectuels américains et européens semblent avoir adopté le thème de l'influent journaliste Walter Lippmann. » (International Relations, Volume 1, UNESCO/EOLSS, 2009)
Cogan souligne que, dans l'après-guerre, une étude commune sur le même thème a été publiée par le Français, Jacques Godechot, et l'Américain, Robert Palmer, intitulée The Problem of the Atlantic. Cogan cite les auteurs comme suit :
« Lippmann est sans doute le premier à se servir de l'expression 'Communauté atlantique'. Pour lui, la Communauté atlantique était un regroupement politique et économique, mise en place peu à peu par toutes les grandes puissances en bordure de l'océan, consolidée par la 'Charte atlantique' et destinée à se développer à l'avenir grâce au principe de bon voisinage et à l'organisation d'échanges économiques de plus en plus nombreux.
Dans Les objectifs de la guerre des États-Unis et d'autres écrits, Lippmann propose une série d''orbites' qui coexisteraient de façon pacifique après la guerre : une orbite atlantique, une orbite soviétique et une éventuelle orbite chinoise. Pour Lippmann, selon son biographe Ronald Steele, l''objectif premier' de la responsabilité américaine était le bassin de l'Atlantique des deux côtés, et les îles du Pacifique- en d'autres mots, la communauté atlantique plus une stratégie de 'l'eau bleue' de bases navales et de flottes qui rôdent les océans. En dehors de ces régions, il ne devrait pas y avoir d'engagements militaires ou politiques permanents. »
Le terme « atlantique » ne plaisait pas aux Français. La difficulté éprouvée par la France vis-à-vis l'accent sur les affinités atlantiques et liant l'Ancien Monde au Nouveau, était que l'Atlantique, comme le disait Jacques Godechot et Robert Palmer, avait été dominée par l'Angleterre à partir du XVIIIe siècle qui à la fin du XIXe siècle a été remplacée par une domination américaine, britannique et canadienne. Ainsi, l'« Atlantique » était un monde dont la France ne pouvait espérer prendre la tête.
14. Ritchie était le descendant d'une famille de loyalistes de premier plan qui s'était réfugiée dans la vallée de l'Annapolis, en Nouvelle-Écosse, à la suite de la Révolution américaine, avec des Africains réduits à l'esclavage.
L'opération «Unthinkable» – le plan d'invasion de l'Union soviétique par Churchill en juillet 1945
À la fin de mai 1945, Joseph Staline a ordonné au maréchal Gueorgui Joukov de quitter l'Allemagne et de venir à Moscou. Il était préoccupé par les actions des alliés britanniques. Staline a déclaré que les forces soviétiques désarmaient les Allemands et les envoyaient dans les camps de prisonniers tandis que les Britanniques ne le faisaient pas. Au contraire, ils ont coopéré avec les troupes allemandes pour qu'elles maintiennent leurs capacités de combat. Staline a pensé qu'il y avait des plans pour les utiliser plus tard. Il a souligné que c'était une violation flagrante de l'accord inter-gouvernemental qui stipulait que les forces qui se rendaient devaient être immédiatement dissoutes. Les services de renseignement soviétiques ont obtenu le texte du télégramme secret, envoyé par Winston Churchill au maréchal Bernard Montgomery, le commandant des forces britanniques. Il le chargeait de recueillir les armes et de les garder prêtes pour les rendre aux Allemands dans le cas où l'offensive soviétique se serait poursuivie.
Selon les instructions reçues de Staline, Joukov a sévèrement condamné ces activités devant le Conseil de contrôle allié (l'Union soviétique, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France). Il a dit que l'histoire du monde connaissait peu d'exemples d'une telle trahison et du refus de respecter leurs engagements de la part de nations qui avaient un statut d'alliées. Montgomery a nié l'accusation. Quelques années plus tard, il a admis qu'il avait reçu une telle instruction et l'avait exécutée. Il devait se conformer à l'ordre comme un soldat.
Une bataille acharnée faisait rage dans les environs de Berlin. En ce temps, Winston Churchill avait dit que la Russie soviétique était devenue une menace mortelle pour le monde libre. Le premier ministre britannique a voulu créer un nouveau front à l'Est pour arrêter l'offensive soviétique dès que possible. Churchill était obsédé par le sentiment qu'après la chute de l'Allemagne une nouvelle menace émergeait du fait de l'Union soviétique.
Rapport de l'état-major inter-armées de planification sur l'opération « Unthinkable », 22 mai 1945 |
Voilà pourquoi Londres voulait que Berlin soit prise par les forces anglo-américaines. Churchill voulait aussi que les Américains libèrent la Tchécoslovaquie et Prague avec une Autriche contrôlée par tous les alliés sur un pied d'égalité.
Pas plus tard qu'en avril 1945, Churchill a chargé l'état-major interarmées de planification des forces armées britanniques de mettre en place l'Opération « Unthinkable » [Opération impensable], nom de code de deux plans connexes pour un conflit entre les alliés occidentaux et l'Union soviétique. On a demandé aux généraux de concevoir les moyens d'« imposer à la Russie la volonté des États-Unis et de l'Empire britannique ». La date hypothétique pour le début de l'invasion alliée de l'Europe tenue par les Soviétiques a été prévue pour le 1er juillet 1945. Dans les derniers jours de la guerre contre l'Allemagne hitlérienne, Londres se préparait déjà à frapper l'Union soviétique par derrière.
Le plan envisageait de déclencher une guerre totale pour occuper les parties de l'Union soviétique qui étaient importantes à son effort de guerre et de porter ainsi un coup décisif aux forces armées soviétiques rendant l'URSS incapable de continuer le combat.
Le plan prévoyait la possibilité d'une retraite en profondeur des forces soviétiques dans leur territoire selon les tactiques utilisées dans les guerres précédentes. Le plan a été estimé irréalisable par les chefs de l'état-major britannique en raison de la supériorité numérique des forces terrestres soviétiques, dans un rapport de un à trois en Europe, et au Moyen-Orient où le conflit était aussi projeté. Les unités allemandes étaient nécessaires pour équilibrer le rapport des forces. Voilà pourquoi Churchill voulait qu'elles restent aptes au combat.
Le cabinet de guerre a déclaré : « L'armée russe a développé un haut commandement capable et expérimenté. L'armée est extrêmement robuste, vit et se déplace avec des moyens de survie plus légers que toutes les armées de l'Ouest, et emploie des tactiques audacieuses fondées en grande partie sur le mépris des pertes dans la réalisation de son objectif. L'équipement s'est rapidement amélioré pendant toute la guerre et est maintenant bon. On en sait assez sur son développement pour dire qu'il n'est certainement pas inférieur à celui des grandes puissances. La facilité que les Russes ont montrée dans le développement et l'amélioration des armes et des équipements existants et dans leur production de masse a été très frappante. Il y a des cas connus où les Allemands ont copié les fonctions de base de l'armement russe. » Les planificateurs britanniques sont arrivés à des conclusions pessimistes. Le rapport effectivement déclare : « Si nous nous lançons dans la guerre avec la Russie, nous devons être prêts à être engagés dans une guerre totale, qui serait à la fois longue et coûteuse ». La supériorité numérique des forces terrestres soviétiques laisse peu de chance au succès. L'évaluation, signée par le chef d'état-major de l'Armée, le 9 juin 1945, a conclu : « Il est au-delà de notre pouvoir de remporter un succès rapide mais limité et nous serons engagés dans une guerre prolongée contre de lourds aléas. Ces aléas, d'ailleurs, deviendraient chimériques si les Américains se lassaient et devenaient indifférents, attirés au loin par l'aimant de la guerre du Pacifique. »
Le premier ministre a reçu une copie du projet de plan le 8 juin. Bien qu'exaspéré, Churchill ne pouvait pas faire grand-chose à ce sujet tellement la suprématie de l'Armée rouge était évidente. Même avec une bombe nucléaire dans les stocks de l'armée américaine, Harry Truman, le nouveau président américain, a dû en tenir compte.
En rencontrant le ministre soviétique des Affaires étrangères Viatcheslav Molotov, le président Truman a pris le taureau par les cornes. Il a fait une menace à peine voilée d'utilisation de sanctions économiques contre l'Union soviétique. Le 8 mai, le président américain a ordonné de réduire considérablement les fournitures du prêt-bail sans notification préalable. Au point que les navires américains, déjà en route pour l'Union soviétique, sont retournés dans leurs bases. Peu de temps après, l'ordre de réduire le prêt-bail a été annulé, sinon l'Union soviétique n'aurait pas rejoint la guerre contre le Japon, quelque chose dont les États-Unis avaient grand besoin. Mais les relations bilatérales ont été endommagées. Le mémorandum signé par le secrétaire d'État par intérim Joseph Grew le 19 mai 1945 déclarait que la guerre avec l'Union soviétique était inévitable. Il appelait à prendre une position plus ferme dans les relations avec l'Union soviétique. Selon lui, il était opportun de commencer le combat avant que l'URSS ne puisse se remettre de la guerre et restaurer son immense armée, son potentiel économique et territorial.
Les militaires étaient poussés par les politiciens. En août 1945 (la guerre avec le Japon était en cours), un plan des cibles stratégiques en URSS et en Mandchourie a été soumis au général L. Groves, le chef du programme nucléaire américain. Le plan contenait la liste des quinze plus grandes villes de l'Union soviétique : Moscou, Bakou, Novosibirsk, Gorki, Sverdlovsk, Tcheliabinsk, Omsk, Kouibychev, Kazan, Saratov, Molotov (Perm), Magnitogorsk, Grozny, Stalinsk (le Donetsk contemporain ) et Nizhny Tagil. Les cibles étaient décrites : géographie, potentiel industriel et les priorités de frappe. Washington ouvrait un nouveau front. Cette fois contre son allié.
Londres et Washington ont immédiatement oublié qu'ils avaient combattu au coude à coude avec l'Union soviétique pendant la Deuxième Guerre mondiale, ainsi que les engagements pris aux conférences de Yalta, Potsdam et San Francisco.
(Strategic Culture Foundation, 25 mai 2015. Paru dans LML du 10 juin 2015. Traduction : Saker francophone)
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