Forum ouvrier

Numéro 41 - 16 juin 2020

Mettre fin aux arrangements pour le profit privé
dans les soins de longue durée

Les gouvernements doivent
rendre des comptes!

La quête du profit et la non-reddition de comptes sont à l'origine des défaillances dans les soins de longue durée - Diane Johnston
Un syndicat national exhorte le Régime de retraite de la fonction publique à se retirer des soins de longue durée
Les subventions du gouvernement de l'Alberta aux exploitants de centres privés de soins aux aînés - Peggy Morton
Déclaration de la Fédération du travail de l'Alberta
L'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario établit les normes minimales pour les soins de longue durée
Rassemblement en appui aux résidents d'Extendicare Guildwood à Scarbobough, Ontario
Le mépris total du gouvernement du Québec pour la vie, la santé et la
dignité
- Pierre Soublière


La quête du profit et la non-reddition de comptes
sont à l'origine des défaillances dans
les soins de longue durée


Les soins de longue durée ne sont pas offerts aux Canadiens sur une base universelle et les Canadiens sont en grande partie laissés à eux-mêmes pour ce qui est d'assurer que leurs besoins en soins de longue durée soient satisfaits et que les coûts qui y sont associés soient défrayés.

En référence aux manques criants de soins de longue durée, lors d'une récente entrevue à l'émission Question Period de la chaîne CTV, Sharleen Stewart, présidente de l'Union internationale des employés de service (UIES) - Soins de santé, un syndicat représentant plus de 60 000 travailleurs de première ligne au Canada[1], a déclaré : « Nous tirons la sonnette d'alarme depuis des décennies à ce sujet et tout récemment, au cours des deux derniers mois en pleine pandémie, nous n'avons pas cessé de demander, d'annoncer et de rapporter ce que nous disent en temps réel nos membres sur la ligne de front. »

« Il doit y avoir une reddition de comptes pour tout transfert d'argent d'une main à l'autre, que ce soit l'argent fédéral aux provinces ou des provinces à ces centres de soins de longue durée », a-t-elle noté.

Sharleen Stewart a dit également que le Canada doit mettre fin aux établissements privés « dont les priorités sont davantage basées sur le paiement aux actionnaires que sur la qualité des soins à prodiguer ».

Le 2 juin, la présidente de l'UIES a écrit une lettre au premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, concernant son annonce d'une prime liée à la pandémie pour les travailleurs de première ligne admissibles, qui serait en vigueur pendant 16 semaines, du 24 avril au 13 août.

Dans sa lettre, elle souligne que « des dizaines de milliers de travailleurs de la santé de première ligne ont été exclus à tort, ce qui montre clairement que votre gouvernement ne comprend pas les rôles essentiels que tant de personnes jouent en ces temps sans précédent ».

« Plus de 8 000 de nos membres syndiqués ont signé notre pétition demandant l'élargissement de la prime liée à la pandémie, écrit-elle, alors je vous demande de voir immédiatement à ce que la rémunération liée à la pandémie soit appliquée à TOUS les travailleurs de la santé de première ligne qui ne font pas partie de la direction. Nous vous demandons également de rendre la prime liée à la pandémie rétroactive au début de cette pandémie, au lieu du 24 avril, date choisie arbitrairement. »

La présidente de l'UIES conclut : « Il est grand temps que tous les travailleurs de la santé de première ligne, qui risquent leur vie chaque jour pendant cette pandémie, soient adéquatement appuyés et soient respectés. »

La pandémie a démontré qu'une nouvelle direction est nécessaire dans les soins aux aînés et dans la santé en général. Pour cela, le besoin le plus urgent est d'avoir une autorité publique crédible.


L'UIES continue de tenir des rassemblements devant les résidences pour aînés en Ontario pour remercier les travailleurs de la santé. Ci-dessus : à la résidence Westgate Lodge à Belleville, en hommage à ceux qui y sont décédés de la COVID-19.

Pour qu'une telle autorité soit crédible, légitime et responsable, elle doit avoir un lien direct avec la classe ouvrière en ce qui concerne la direction de l'économie, car c'est la classe ouvrière qui crée toute la valeur produite dans la société. Cette valeur doit être consacrée aux besoins et au bien-être de la société en général[2].

Notes

1. Les membres de l'UIES - Soins de santé comprennent le soutien administratif, les travailleurs de soutien au développement, les aides diététiques, les femmes de ménage, les techniciens de laboratoire, les travailleurs d'entretien, les paramédicaux, les infirmières autorisées, les préposés aux bénéficiaires, les infirmières auxiliaires autorisées et les travailleurs sociaux.

2. « La nécessité d'une autorité publique crédible », LML, 30 mai 2020

(Sources : LML, CTV News, SEIU Healthcare. Photos:  SEIU Healthcare)

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Un syndicat national exhorte le Régime de retraite
de la fonction publique à se retirer des soins
de longue durée

Dans son communiqué de presse du 26 mai, l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) indique que son président national, Chris Aylward, a demandé à l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public (Investissements PSP) « de mettre fin à son investissement » dans l'exploitant de soins de longue durée Revera et plutôt de remettre « le deuxième plus grand réseau privé d'établissements de soins de longue durée du pays au secteur public ».

Revera est une filiale en propriété exclusive d'Investissements PSP, une société de la couronne fédérale[1] qui, indique l'AFPC, est le « gestionnaire de la caisse de retraite de la fonction publique fédérale, des Forces armées canadiennes, de la Gendarmerie royale du Canada et de la Force de réserve. En sa qualité d'agent négociateur pour ses membres de la fonction publique et des agences fédérales, l'AFPC représente un grand nombre des cotisants et prestataires du Régime de retraite de la fonction publique. »

L'AFPC souligne qu'elle revendique la cession de Revera au secteur public parce que « le nombre de cas de COVID-19 et de décès qui lui sont attribuables se retrouvent de façon disproportionnée dans les grands établissements privés de soins de longue durée à but lucratif, comme le prouvent les données. Et c'est sans compter le recours collectif intenté contre Revera Inc. par les familles des résidents décédés, qui a révélé les risques liés à l'exploitation commerciale d'établissements de soins de longue durée. »

Dans une lettre envoyée le 11 mai au président et chef de la direction d'Investissements PSP, Neil Cunningham, le président de l'AFPC, Chris Aylward, écrit : « Il est regrettable, qu'au milieu de cette pandémie mondiale sans précédent, nous ayons à vous écrire une fois de plus au nom des près de 140 000 membres de l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) qui contribuent présentement au Régime de retraite de la fonction publique, qui est régi par la Loi sur la pension de la fonction publique (LPFP). Comme nous vous en avons avisé précédemment, les objectifs de notre organisation comprennent un engagement envers la qualité des services qui sont fournis au public canadien et des conditions de rémunération et des conditions de travail qui permettent de s'acquitter de cette responsabilité. »

Aylward souligne ensuite le problème de « la preuve grandissante et accablante de la fréquence très disproportionnée de décès et de maladies liés à la COVID-19 parmi les résidents et les employés des centres de soins de longue durée (CSLD) » laquelle, selon lui, « soulève des inquiétudes troublantes. À ce sujet, comme vous le savez, Revera Inc., en tant que filiale en propriété exclusive d'Investissements PSP, exploite le deuxième plus grand réseau de CSLD à but lucratif au Canada. »

« Notre organisation a dû intervenir dans le passé auprès de vous et de vos prédécesseurs concernant les opérations et la conduite de Revera Inc. envers les résidents et le personnel. Les réponses qu'a données Investissements PSP ont été, très franchement, inadéquates et condescendantes. » En ce qui concerne le recours collectif intenté en Ontario par les familles des résidents décédés dans les établissements de Revera, qui cite le manque de protocoles d'hygiène et de procédures de tests adéquats face à la pandémie, Aylward note que l'AFPC « soupçonne que le recours est le premier de plusieurs autres qui se pointent à l'horizon ».

Faisant remarquer que l'AFPC avertit depuis longtemps Investissements PSP que « la continuation de pratiques commerciales qui ne tiennent pas compte des préoccupations de notre organisation ne ferait que nuire aux résidents et aux employés » de Rivera, il ajoute que de telles pratiques « pourraient aussi avoir des conséquences à long terme pour les cotisants et les bénéficiaires du Régime de retraite de la fonction publique ».

« En conséquence de ce qui précède, et dans l'intérêt des résidents, des employés et des parties prenantes de Rivera », conclut Aylward, « les membres de l'AFPC revendiquent que votre office s'engage immédiatement dans des consultations formelles et globales avec les gouvernements fédéral et provinciaux sur la transition de la gestion et du contrôle » des opérations de Revera « aux autorités provinciales de la santé correspondantes » là où Revera exploite des établissements.

Une copie de la lettre a été envoyée au président du Conseil du Trésor du Canada, Jean-Yves Duclos, à qui Investissements PSP est redevable.

Note

1. « Une leçon du gouvernement libéral sur comment profiter des plus vulnérables pour ensuite refiler ses responsabilités », Diane Johnston, numéro du 20 mai 2020 du Marxiste-Léniniste

(Sources : AFPC, Le Marxiste-Léniniste)

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Les subventions du gouvernement de l'Alberta aux exploitants de centres privés de soins aux aînés

Le 20 mai dernier, le gouvernement albertain a annoncé qu'il offrira 170 millions de dollars aux exploitants privés de centres de soins de longue durée, de logements désignés comme supervisés et de foyers pour personnes âgées à l'échelle de la province. Il dit que le financement « vise à aider les aînés rendus vulnérables pendant la pandémie de la COVID-19 » et servira à augmenter les effectifs, accroître l'approvisionnement en produits de nettoyage et compenser la perte de revenus d'hébergement.

Le financement est rétroactif au 15 mars et est disponible seulement pour les « opérateurs à contrat », et non les établissements de propriété publique et les établissements gérés par Covenant Health (les hôpitaux et établissements de soins continus catholiques). Les Infirmières unies de l'Alberta, le Syndicat des employés provinciaux de l'Alberta (AUPE), le Syndicat canadien de la fonction publique, la Fédération du travail de l'Alberta et l'organisation Friends of Medicare ont tous dénoncé la décision de garantir les profits des exploitants privés alors que le gouvernement refuse de reconnaître la contribution de tout le personnel des soins aux aînés.

L'AUPE a demandé la suspension des profits et des primes pour la direction dans les établissements de soins continus, disant que « les entreprises profitables ne devraient pas être récompensées pour leur échec face à la pandémie ».

« Pendant l'annonce, le ministre de la Santé, Tyler Shandro, a reconnu que plus de 70 % des décès de la COVID-19 en Alberta se sont produits dans les établissements de soins continus », a fait remarquer Kevin Barry, vice-président de l'AUPE. « Le ministre a cependant omis de dire qu'une majorité disproportionnée des décès et des éclosions se sont produits dans les centres à but lucratif[1]. Donner cet argent à des entreprises multimillionnaires comme Revera et Chartwell pour leur permettre de faire un profit, c'est les récompenser pour leur échec... »

« Les résidents et le personnel ont dû sacrifier leur sécurité pendant la pandémie, et, pour rendre justice à ces résidents et à ce personnel, il faudrait suspendre les profits des exploitants à but lucratif et les forcer à piger dans leurs revenus pour gérer cette crise au lieu de leur offrir un sauvetage financé par des fonds publics », a dit Barry.

Les Infirmières unies de l'Alberta (UNA) ont dit que l'annonce de subventions démontre l'échec des soins aux aînés à but lucratif dont le gouvernement du Parti conservateur uni (PCU) a annoncé l'expansion. « Alors que l'argent est nécessaire de toute urgence pour protéger les résidents vulnérables des établissements privés de soins de longue durée qui ont été durement frappés par la COVID-19, il s'agit dans plusieurs cas d'un sauvetage d'entreprises commerciales qui ont un très mauvais bilan en ce qui a trait à la protection des résidents dont ils ont la responsabilité », a dit la présidente de l'UNA Heather Smith. « Essentiellement, le gouvernement récompense les exploitants privés qui ont détourné le financement public en profits plutôt que de payer des salaires acceptables et d'assurer des effectifs suffisants. »

Parlant de la situation où la majorité des décès dans les centres de soins aux aînés au Canada sont liés à des établissements qui sont de propriété privée, la présidente de l'UNA a dit : « Dans la plupart des cas, ces décès étaient évitables. Le système actuel est brisé et la priorité du gouvernement albertain devrait être de le réparer en le remettant dans les mains du secteur public, au lieu de subventionner les exploitants à but lucratif à même les fonds publics pour des raisons idéologiques. »

Le gouvernement albertain a promis de financer une augmentation de 2 dollars l'heure uniquement pour le personnel de soutien à la personne et les aides-soignants des établissements privés et à but non lucratif. Tout le reste du personnel dont les infirmières auxiliaires autorisées, les préposés à l'entretien ménager, les travailleurs des services alimentaires, les travailleurs d'entretien et les employés de bureau ne recevront rien, et même les aides qui oeuvrent dans les établissements publics et ceux qui sont gérés par Covenant Health ont été exclus. Le fait qu'ils aient tous risqué leur vie pour fournir les soins et les services aux patients n'est pas reconnu, disent les syndicats. La contribution du personnel qui ne donne pas habituellement de soins directs aux patients, mais qui le fait pendant la pandémie n'est pas reconnue non plus.

De nombreux exploitants privés, dont Chartwell et Rosedale Development, ont retenu les fonds, prétendant qu'ils ne doivent payer que pour les heures travaillées dans des lits financés par les fonds publics. « Cela n'a aucun sens », a dit la vice-présidente de l'AUPE Susan Slade. « Tous ces résidents vivent côte-à-côte
dans les mêmes unités. Le travail que font ces infirmières auxiliaires autorisées, et le risque qu'elles prennent, sont exactement les mêmes. Elles devraient toucher le même salaire. »

Un aspect particulièrement outrageant de l'annonce est que les exploitants qui ont des lits vides dans leurs établissements à cause du décès de patients vont être indemnisés pour la perte de revenus provenant des frais d'hébergement. Lorsque le gouvernement récompense la négligence, la cupidité et l'indifférence des exploitants privés envers les aînés dont ils prennent soin, cela démontre qu'il n'y a plus d'autorité gouvernementale qui soit apte à gouverner. L'argent donné rétroactivement aux établissements pour le nettoyage supplémentaire causé par la pandémie se retrouve dans les poches des exploitants privés et non celles du personnel d'entretien et d'autres membres du personnel qui risquent leur vie pour maintenir la salubrité dans les centres de soins pour aînés.

Alors que les Albertains, avec l'ensemble du Canada et du Québec, demandent une augmentation du financement des programmes sociaux et la fin de la privatisation, l'obsession du ministre de la Santé de l'Alberta est de garantir les profits des riches propriétaires et actionnaires. C'est une raison de plus, comme le soulignent les travailleurs et leurs organisations, pour laquelle le ministre devrait démissionner et pourquoi le gouvernement du PCU est inapte à gouverner.

Note

1. Des 102 décès identifiés par le médecin hygiéniste de l'Alberta dans les établissements de soins de longue durée et les résidences pour personnes âgées, cinq n'étaient associés à aucun établissement. Sur les 97 restants, 71 se sont produits dans des établissements à but lucratif.

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Déclaration de la Fédération du travail de l'Alberta

Le 20 avril, le ministre de la Santé de l'Alberta, Tyler Shandro, s'est publiquement engagé à une augmentation salariale de 2 dollars l'heure pour les préposés aux bénéficiaires qui travaillent dans les établissements privés de soins de longue durée. Peu après, le gouvernement a aussi annoncé un nouvel arrêté ministériel sur la politique d'un seul endroit de travail qui limite le nombre d'établissements de soins de longue durée dans lesquels un préposé peut travailler. Les grands oubliés de ces politiques sont les agences de soins communautaires à but non lucratif et les foyers d'accueil.

« Un grand nombre de préposés doivent avoir plusieurs emplois seulement pour arriver, ce qui veut dire qu'un travailleur dans un établissement privé de soins de longue durée peut aussi travailler dans les services de soins à domicile, dans un foyer d'accueil ou ailleurs pour réussir à joindre les deux bouts », selon Gil McGowan, président de la Fédération du travail de l'Alberta. En limitant les politiques provinciales à seulement certains établissements de soins de longue durée, le gouvernement du Parti conservateur uni (PCU) suscite des inquiétudes pour ce qui est de la pénurie de personnel dans les autres agences communautaires et endroits de travail où ces préposés font aussi partie du personnel. »

Les agences à but non lucratif qui prodiguent des soins aux plus vulnérables de la société ne reçoivent pas de financement ou d'appui supplémentaire du gouvernement provincial pour les personnes travaillant auprès des personnes ayant une déficience intellectuelle. Puisque plusieurs travailleurs sont limités à un endroit de travail et qu'ils reçoivent des salaires plus élevés s'ils choisissent de travailler dans d'autres établissements, ces agences se trouvent sans appui si elles veulent attirer ou retenir leur personnel.

« Le gouvernement fédéral a annoncé un appui aux provinces pour augmenter les salaires des préposés, mais le PCU a choisi de ne pas élargir leurs augmentations salariales pour venir en aide à ces agences à but non lucratif essentielles qui s'occupent des personnes parmi les plus vulnérables de notre société, a dit McGowan. Cette exclusion fait en sorte que de nombreux foyers d'accueil se battent sans relâche pour fournir des niveaux de personnel adéquats ou pour venir en aide à leurs résidents. »

« La pandémie de la COVID-19 a mis en lumière le fait que les préposés sont essentiels en tout temps et ont toujours mérité un salaire supérieur aux bas salaires permis légalement, a dit McGowan. Les syndicats représentant les préposés ont de façon répétée demandé d'être à la table pour ces discussions afin d'aider le gouvernement à mettre en oeuvre les meilleures politiques possibles durant cette pandémie. Pour l'instant, le gouvernement Kenney n'a démontré aucun intérêt à faire participer les travailleurs aux prises de décision et pour cette raison il rate la cible pour ce qui est de veiller à ce que les plus vulnérables de la société soient protégés et soignés pendant la pandémie. »

La Fédération du travail de l'Alberta s'est jointe à LIUNA 3000 pour coparrainer une pétition qui exige que le gouvernement du PCU intervienne dans ces dossiers. La pétition est disponible ici.

(1er juin 2020. Traduit de l'anglais par Forum ouvrier)

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L'Association des infirmières et infirmiers autorisés
de l'Ontario établit les normes minimales pour
les soins de longue durée


Mémorial créé par les familles des résidents morts de la COVID-19 au Camilla Care Community, un centre de soins de longue durée à Mississauga

Le 5 juin, l'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario (AIIAO) a lancé un défi au gouvernement de l'Ontario en établissant les normes de soins que l'AIIAO juge nécessaires pour les résidents des établissements de soins de longue durée. L'AIIAO a également déclaré qu'il n'est pas nécessaire d'aller plus loin dans l'examen de ce qui doit être fait parce que des dizaines de rapports ont déjà été rédigés à ce sujet au cours des 20 dernières années. La déclaration de l'AIIAO est publiée ci-dessous.

Si le gouvernement de l'Ontario souhaite sérieusement réparer le système de soins de longue durée (SLD), il doit adopter des solutions fondées sur des preuves documentées dans de nombreux rapports qui ont examiné les défaillances du secteur.

L'AIIAO a publié aujourd'hui une liste qui présente des dizaines et des dizaines de recommandations dans les domaines d'affectation du personnel et du financement formulées dans 35 rapports ainsi qu'une enquête publique et une enquête du coroner sur les problèmes des SLD au cours des 20 dernières années. Les recommandations contenues dans ces rapports appellent à une augmentation de personnel dans les établissements de SLD, à la bonne combinaison de compétences du personnel accrédité et non accrédité pour répondre à l'acuité croissante et à un modèle de financement qui répond aux besoins croissants.

L'AIIAO a compilé « Les défaillances systémiques des soins de longue durée : deux décennies de recommandations en matière d'affectation du personnel et de financement »[1], car nous faisons partie de ceux qui examinent cette question depuis des années. « Nous implorons le ministère des Soins de longue durée, le ministère de la Santé et le premier ministre d'agir MAINTENANT. Il est décourageant, épuisant et coûteux de continuer à étudier des problèmes qui sont connus et compris et où le facteur manquant est la volonté politique d'agir de manière décisive plutôt que, encore une fois, de pelleter vers l'avant avec plus de commissions et de rapports », a dit la Dre Doris Grinspun, présidente-directrice générale de l'AIIAO. « Fini les études et les demi-mesures dans ce secteur - nous savons et le gouvernement sait ce qui doit être fait pour améliorer et sauver la vie des résidents des SLD. »

« Le premier ministre Ford s'est engagé à réparer le système. Il dit qu'il y aura une reddition de comptes. Cependant, bien que je veuille le croire, j'ai déjà entendu des paroles sincères de la part de dirigeants politiques. La responsabilité commence au sommet et doit être exprimée par des actions rapides. Les résidents qui vivent en soins de longue durée, leurs familles et le personnel ne peuvent plus attendre le changement. Aucune étude et aucun mot n'offriront de meilleurs soins aux résidents, seuls un meilleur financement et une meilleure affectation du personnel le feront », insiste Grinspun.

L'AIIAO a proposé une formule d'affectation du personnel qui s'appuie sur des rapports et des études antérieurs et qui répond à ces besoins. Elle veut que chaque résident de centre de SLD reçoive au moins quatre heures de soins infirmiers directs et de soins personnels par jour, sur la base d'une combinaison de compétences de prestataires de soins accrédités et non accrédités. De ces quatre heures, 0,8 heure (48 minutes par jour) devrait être fournie par une infirmière autorisée (IA), 1 heure (60 minutes par jour) par une infirmière auxiliaire autorisée (IPA) et 2,2 heures (132 minutes par jour) par un préposé aux bénéficiaires non accrédité (PSW). De plus, chaque résidence devrait avoir une infirmière praticienne (IP) pour chaque 120 résidents ainsi qu'une infirmière spécialisée dans la prévention et le contrôle des infections.

L'AIIAO explique qu'une telle formule est nécessaire parce qu'environ 55 % des résidents de SLD ont 85 ans ou plus et 90 % de tous les résidents souffrent d'une forme de déficience cognitive, y compris la démence. La majorité des résidents des SLD ont également des besoins de santé complexes dont des maladies chroniques telles que les maladies cardiaques, le diabète ou l'arthrite - des besoins qui nécessitent les soins d'experts et la combinaison de compétences qu'offrent les IP, les IA, les IPA et les PSW.

La présidente de l'AIIAO, la Dre Angela Cooper Brathwaite, affirme qu'une échéance critique se profile. « Le 31 juillet 2020 est une date importante du calendrier gouvernemental. C'est la date limite que la juge Eileen Gillese a donnée au gouvernement pour déposer à l'Assemblée législative un rapport détaillé sur l'adéquation de personnel accrédité en SLD. C'était une recommandation clé de son rapport, 'Enquête publique sur les foyers de soins de longue durée (2019)'. »

« Le rapport du gouvernement du 31 juillet donne l'occasion au premier ministre Ford de démontrer qu'il veut agir. Nous devons régler immédiatement les problèmes d'affectation du personnel et du financement des SLD. Nous n'avons pas besoin de plus d'études, comme le montre la liste publiée par l'AIIAO aujourd'hui. Continuons à améliorer la vie des gens, de manière réelle. Nous devons aux résidents des SLD une reconnaissance pour les contributions qu'ils ont apportées au cours de leur vie. Ils devraient pouvoir vivre dans la dignité, le confort et l'amour, et eux et leur personnel devraient être mieux équipés et protégés, en particulier lorsque la deuxième vague de la pandémie frappera », ajoute la Dre Cooper Brathwaite.

L'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario (AIIAO) est l'association professionnelle qui représente les infirmières autorisées, les infirmières praticiennes et les étudiantes en soins infirmiers en Ontario. 

Note

1. Pour voir le rapport au complet, cliquer ici

(Traduit de l'anglais par Forum ouvrier)

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Rassemblement en appui aux résidents d'Extendicare Guildwood à Scarborough en Ontario


Rassemblement à Extendicare Guildwood, le 12 juin 2020

Les amis et les membres de la famille des résidents du centre de soins de longue durée Extendicare Guildwood à Scarborough demandent au gouvernement de l'Ontario d'intervenir et de prendre le contrôle de cet établissement. Le vendredi 12 juin, ils ont organisé un rassemblement de protestation devant l'établissement. Ils ont également créé une page Facebook et émis une déclaration sur les conditions épouvantables qui y règnent.

Le Groupe de soutien des familles de Guildwood Extendicare est venu appuyer pleinement l'appel de l'Union internationale des employés de service (UIES) qui demande au gouvernement de prendre en charge les services de soins de longue durée en Ontario. En fait, l'UIES, citant des dividendes de plus de 10 millions de dollars qu'Extendicare a récemment votés pour ses actionnaires, a émis une demande pour que les paiements de dividendes aux opérateurs de centres de soins de longue durée prennent fin, compte tenu de la situation dans ces établissements partout au pays. La présidente de l'UIES, division soins de santé, Sharleen Stewart, a déclaré à l'époque : « Ce que j'ai entendu aujourd'hui d'Extendicare était à la fois alarmant et l'affirmation d'un système de soins de longue durée vraiment hideux. Les résidents tombent malades et meurent. Les travailleurs tombent malades et meurent. Assez, c'est assez. Les dividendes d'entreprises comme Extendicare, Chartwell et Sienna ne peuvent plus faire partie de l'équation dans la santé. »

Les conditions à Extendicare Guildwood à Scarborough sont complètement à l'opposé de la description que fait le gouvernement Ford de la situation des soins de longue durée. Le 11 juin, le premier ministre Ford a annoncé que, parce qu'un « progrès » a été réalisé en ce qui concerne les éclosions de la COVID-19 dans les Centres de soins de longue durée (CSLD), les familles pourraient bientôt rendre visite à leurs proches, suivant des exigences strictes de distanciation. Il y a absence totale de sentiment, de honte ou de responsabilité à l'égard de ce qui est arrivé aux aînés dans les soins de longue durée.

Le Groupe de soutien des familles de Guildwood Extendicare brosse un portrait très différent, une situation à faire pleurer. La déclaration se lit comme suit :

« Au 10 juin, il y avait au moins 54 décès dans l'établissement depuis le début de l'épidémie en avril. Il y avait 159 résidents avant le début de l'éclosion, ce qui signifie qu'un tiers de tous les résidents sont décédés tandis que 86 % des résidents ont été testés positifs pour la COVID-19. Quarante-deux membres du personnel ont également été diagnostiqués et déclarés positifs. En toute objectivité, Extendicare Guildwood est en crise.


Des familles d'aînés de Guildwood lors d'un piquetage le 26 mai 2020

« Les tentatives de contenir le virus dans une seule aile de l'établissement ont échoué. Les résidents non infectés vivent toujours dans des espaces restreints avec ceux infectés et le virus continue d'infecter tous ceux qui se trouvent dans l'édifice. Les familles sont terrifiées du sort réservé à leurs proches. L'administrateur et le directeur des soins de Extendicare Guildwood ont contracté le virus au début de l'éclosion et ne sont pas encore retournés au travail. Pour le moment, il est difficile de savoir qui répond de quoi chez Extendicare Guildwood. La direction a rejeté une offre d'assistance de la Croix-Rouge. Aucune mesure de protection renforcée n'a été adoptée. Le confinement a échoué.

La déclaration du groupe de soutien se termine par ces mots :

« La COVID-19 a mis en lumière de nombreux problèmes concernant les établissements de soins de l'Ontario pour les personnes vulnérables. Apporter des changements à ces établissements est essentiel pour tous les Canadiens, car beaucoup sont confrontés à la réalité de placer des membres de leur famille dans un centre de soins de longue durée ou d'entrer eux-mêmes dans une telle résidence. Aidez-nous à sauver nos proches !

« Nous nous appuyons mutuellement et nous appuyons nos proches qui comptent sur nous pour être leur voix. »

(Photos: Groupe de soutien des familles de Guildwood)

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Le mépris total du gouvernement du Québec
pour la vie, la santé et la dignité

Le Centre intégré de santé et des services sociaux de l'Outaouais (CISSSO) a récemment révélé que dans un de ses centres d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), Lionel-Émond, une institution publique, il y avait eu 30 infections et six décès parmi ses résidents ainsi que 21 cas d'infection parmi les travailleurs de la santé. D'autre part, dans un CHSLD privé, Champlain de Gatineau, appartenant à la compagnie torontoise All Seniors Living Centres, il y aurait aussi eu des cas d'infection, mais le CISSSO a récemment affirmé à un journal local qu'il avait décidé de ne pas divulguer le nombre de cas « par respect pour les propriétaires ». On peut se demander, dans le décompte quotidien du Québec, combien de cas semblables ne sont pas rendus publics ?

Face aux problèmes dans les CHSLD, les gens recourent à des actions collectives. Par exemple, le 17 avril, une action collective a été prise contre le CHSLD de Herron à Dorval où 31 personnes ont perdu la vie. Les demandeurs réclament une somme en dommages punitifs pour le traitement inhumain et dégradant des aînés qui y ont habité. La demande est faite au nom des 130 résidents pour tout ce qu'ils ont subi. Le Groupe Kasata, le propriétaire de Herron, est tenu responsable de ne pas avoir fourni à ses travailleurs de la santé l'équipement de protection individuelle adéquat et de ne pas s'être assuré que les lieux soient sanitaires et sécuritaires. On lui reproche aussi d'avoir abandonné ses résidents, faisant preuve de mépris total pour leur vie, leur santé et leur dignité et les soumettant à des traitements inhumains et dégradants. Lors d'une journée particulière, selon les demandeurs, il y avait une infirmière et deux préposés pour les 130 résidents.

Bien avant la pandémie, la situation était telle dans les CHSLD qu'en juillet 2018 le Conseil pour la protection des malades a lui aussi entrepris une action collective dans laquelle il donne de nombreux exemples des conditions de vie dégradantes. Il dénonce la négligence et les mauvais traitements systémiques des patients de ces résidences. Le recours collectif touche 34 000 personnes, toutes ayant connu ces conditions depuis juillet 2015. Il soulève la pénurie de personnel et la surcharge de travail comme faisant partie du problème. Le gouvernement a même tenté d'annuler cette action collective, sous prétexte qu'un « milieu de vie » était « difficile à définir ». En 2019, un juge a alors défendu le bien-fondé de l'action en disant que les questions de milieu de vie et de la qualité adéquate des soins sont identiques, rejetant ainsi le plaidoyer du gouvernement. C'est un exemple parmi plusieurs qui illustre comment les gouvernements, qui sont censés défendre le bien public, tentent au nom d'intérêts privés d'annuler des recours collectifs qui ont pour but de défendre les droits de collectifs de travailleurs et des Premières Nations.

Aussi, le 26 mai, en pleine pandémie, le gouvernement du Québec a déposé une « offre globale » aux divers syndicats des travailleurs de la santé, dans le cadre de négociations pour le renuvellement de conventions collectives qui démontrent le même mépris total pour la vie, la santé et la dignité des travailleurs et du peuple. Aucune des demandes des travailleurs pour des conditions de travail qui garantissent leur santé et leur sécurité et le bien-être des patients n'est satisfaite. C'est donc avec mépris que les travailleurs ont rejeté cette offre. Ils ont fait valoir qu'avec ces offres le gouvernement refuse de répondre aux besoins des travailleurs des services publics alors que les rudes épreuves que vivent les travailleurs et la population en ce moment sont précisément une conséquence de ce refus.

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