Les subventions du gouvernement de l'Alberta aux exploitants de centres privés de soins aux aînés

Le 20 mai dernier, le gouvernement albertain a annoncé qu'il offrira 170 millions de dollars aux exploitants privés de centres de soins de longue durée, de logements désignés comme supervisés et de foyers pour personnes âgées à l'échelle de la province. Il dit que le financement « vise à aider les aînés rendus vulnérables pendant la pandémie de la COVID-19 » et servira à augmenter les effectifs, accroître l'approvisionnement en produits de nettoyage et compenser la perte de revenus d'hébergement.

Le financement est rétroactif au 15 mars et est disponible seulement pour les « opérateurs à contrat », et non les établissements de propriété publique et les établissements gérés par Covenant Health (les hôpitaux et établissements de soins continus catholiques). Les Infirmières unies de l'Alberta, le Syndicat des employés provinciaux de l'Alberta (AUPE), le Syndicat canadien de la fonction publique, la Fédération du travail de l'Alberta et l'organisation Friends of Medicare ont tous dénoncé la décision de garantir les profits des exploitants privés alors que le gouvernement refuse de reconnaître la contribution de tout le personnel des soins aux aînés.

L'AUPE a demandé la suspension des profits et des primes pour la direction dans les établissements de soins continus, disant que « les entreprises profitables ne devraient pas être récompensées pour leur échec face à la pandémie ».

« Pendant l'annonce, le ministre de la Santé, Tyler Shandro, a reconnu que plus de 70 % des décès de la COVID-19 en Alberta se sont produits dans les établissements de soins continus », a fait remarquer Kevin Barry, vice-président de l'AUPE. « Le ministre a cependant omis de dire qu'une majorité disproportionnée des décès et des éclosions se sont produits dans les centres à but lucratif[1]. Donner cet argent à des entreprises multimillionnaires comme Revera et Chartwell pour leur permettre de faire un profit, c'est les récompenser pour leur échec... »

« Les résidents et le personnel ont dû sacrifier leur sécurité pendant la pandémie, et, pour rendre justice à ces résidents et à ce personnel, il faudrait suspendre les profits des exploitants à but lucratif et les forcer à piger dans leurs revenus pour gérer cette crise au lieu de leur offrir un sauvetage financé par des fonds publics », a dit Barry.

Les Infirmières unies de l'Alberta (UNA) ont dit que l'annonce de subventions démontre l'échec des soins aux aînés à but lucratif dont le gouvernement du Parti conservateur uni (PCU) a annoncé l'expansion. « Alors que l'argent est nécessaire de toute urgence pour protéger les résidents vulnérables des établissements privés de soins de longue durée qui ont été durement frappés par la COVID-19, il s'agit dans plusieurs cas d'un sauvetage d'entreprises commerciales qui ont un très mauvais bilan en ce qui a trait à la protection des résidents dont ils ont la responsabilité », a dit la présidente de l'UNA Heather Smith. « Essentiellement, le gouvernement récompense les exploitants privés qui ont détourné le financement public en profits plutôt que de payer des salaires acceptables et d'assurer des effectifs suffisants. »

Parlant de la situation où la majorité des décès dans les centres de soins aux aînés au Canada sont liés à des établissements qui sont de propriété privée, la présidente de l'UNA a dit : « Dans la plupart des cas, ces décès étaient évitables. Le système actuel est brisé et la priorité du gouvernement albertain devrait être de le réparer en le remettant dans les mains du secteur public, au lieu de subventionner les exploitants à but lucratif à même les fonds publics pour des raisons idéologiques. »

Le gouvernement albertain a promis de financer une augmentation de 2 dollars l'heure uniquement pour le personnel de soutien à la personne et les aides-soignants des établissements privés et à but non lucratif. Tout le reste du personnel dont les infirmières auxiliaires autorisées, les préposés à l'entretien ménager, les travailleurs des services alimentaires, les travailleurs d'entretien et les employés de bureau ne recevront rien, et même les aides qui oeuvrent dans les établissements publics et ceux qui sont gérés par Covenant Health ont été exclus. Le fait qu'ils aient tous risqué leur vie pour fournir les soins et les services aux patients n'est pas reconnu, disent les syndicats. La contribution du personnel qui ne donne pas habituellement de soins directs aux patients, mais qui le fait pendant la pandémie n'est pas reconnue non plus.

De nombreux exploitants privés, dont Chartwell et Rosedale Development, ont retenu les fonds, prétendant qu'ils ne doivent payer que pour les heures travaillées dans des lits financés par les fonds publics. « Cela n'a aucun sens », a dit la vice-présidente de l'AUPE Susan Slade. « Tous ces résidents vivent côte-à-côte
dans les mêmes unités. Le travail que font ces infirmières auxiliaires autorisées, et le risque qu'elles prennent, sont exactement les mêmes. Elles devraient toucher le même salaire. »

Un aspect particulièrement outrageant de l'annonce est que les exploitants qui ont des lits vides dans leurs établissements à cause du décès de patients vont être indemnisés pour la perte de revenus provenant des frais d'hébergement. Lorsque le gouvernement récompense la négligence, la cupidité et l'indifférence des exploitants privés envers les aînés dont ils prennent soin, cela démontre qu'il n'y a plus d'autorité gouvernementale qui soit apte à gouverner. L'argent donné rétroactivement aux établissements pour le nettoyage supplémentaire causé par la pandémie se retrouve dans les poches des exploitants privés et non celles du personnel d'entretien et d'autres membres du personnel qui risquent leur vie pour maintenir la salubrité dans les centres de soins pour aînés.

Alors que les Albertains, avec l'ensemble du Canada et du Québec, demandent une augmentation du financement des programmes sociaux et la fin de la privatisation, l'obsession du ministre de la Santé de l'Alberta est de garantir les profits des riches propriétaires et actionnaires. C'est une raison de plus, comme le soulignent les travailleurs et leurs organisations, pour laquelle le ministre devrait démissionner et pourquoi le gouvernement du PCU est inapte à gouverner.

Note

1. Des 102 décès identifiés par le médecin hygiéniste de l'Alberta dans les établissements de soins de longue durée et les résidences pour personnes âgées, cinq n'étaient associés à aucun établissement. Sur les 97 restants, 71 se sont produits dans des établissements à but lucratif.


Cet article est paru dans

Numéro 41 - Numéro 41 - 16 juin 2020

Lien de l'article:
Les subventions du gouvernement de l'Alberta aux exploitants de centres privés de soins aux aînés - Peggy Morton


    

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