Forum ouvrier

14 mars 2019

Les travailleurs d'ABI rejettent l'offre et le protocole
de retour au travail dictés par Alcoa

Rejet de l'offre de la compagnie à 82 %
et avec un taux de participation de 90 %
en assemblée générale

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Les travailleurs veulent un contrat négocié, pas un diktat à sens unique de la compagnie
La revendication des travailleurs pour une alternative au diktat - Pierre Chénier

Lettre à la rédaction
Un lockout n'est pas une « force majeure » - Un travailleur de la métallurgie
de la Montérégie


La tragédie ferroviaire en Colombie-Britannique et d'autres déraillements
Un geste irresponsable du Canadien Pacifique
Les travailleurs ferroviaires défendent leurs droits et leur
sécurité
- Peggy Askin
L'arbitre émet une ordonnance à CP de cesser et de s'abstenir - Conférence ferroviaire de Teamsters Canada
Un nombre croissant d'accidents ferroviaires

Des réclamations légitimes des travailleurs sont criminalisées
au Nouveau-Brunswick

Le gouvernement provincial et la Cour du Banc de la reine déclarent la grève des travailleurs des foyers illégale - Entrevue avec Simon Ouellette, directeur des communications, bureau des Maritimes du SCFP


Les travailleurs d'ABI rejettent l'offre et le protocole
de retour au travail dictés par Alcoa

Rejet de l'offre de la compagnie à 82 % et avec un taux de participation de 90 % en assemblée générale

Les travailleurs de l'aluminerie de Bécancour (ABI) ont tenu une assemblée générale le 11 mars pour discuter et prendre un vote sur la dernière offre de convention collective du cartel Alcoa/Rio Tinto. Huit cent trente-et-un travailleurs, sur un total possible de 926, ont participé à l'assemblée. Après une discussion sérieuse et plusieurs présentations, les travailleurs présents ont voté à une majorité de 82 % de rejeter l'offre de convention collective de la compagnie. En lockout depuis 14 longs mois, ils ont aussi rejeté le protocole de retour au travail qui n'avait pas été négocié avec le syndicat.

Le président de la section locale 9700 du Syndicat des Métallos, Clément Masse, a donné ses impressions de l'assemblée à Forum ouvrier  :

« Les travailleurs ont dit que ce n'est pas une entente négociée et que si on accepte une entente comme celle-là, c'est comme dire qu'on n'a plus de syndicat. L'employeur va faire ce qu'il veut. L'entente que l'employeur a présentée démontre un manque de respect pour nous et c'est la même chose en ce qui concerne le protocole de retour au travail. Nous avons bâti notre syndicat et nous avons bâti notre convention au cours de toutes ces années-là, ce n'est pas vrai qu'on va tout perdre parce que l'employeur veut casser le syndicat. C'est ce qui est ressorti des interventions au micro. Qu'on est capable de se tenir debout et ce n'est pas vrai qu'on va accepter n'importe quoi même après 14 mois. Ce n'est pas vrai que l'employeur va nous imposer sa façon de faire. Il va devoir s'asseoir et négocier dans le respect des travailleurs. Les travailleurs ont aussi tapé sur le clou de l'entente énergétique avec Alcoa qui nous nuit et ne fait rien que prolonger le conflit. »

Le président du syndicat a aussi fait le commentaire suivant dans un communiqué émis par le Syndicat des Métallos dans la soirée du 11 mars.

« Cette offre est une série de reculs. ABI ne voulait pas négocier, ne voulait pas d'un arbitrage neutre et comptait imposer en misant sur l'épuisement de 14 mois de lockout. La réponse des membres est claire : ça ne passe pas. Ils ne veulent pas rentrer à genoux. Alcoa méprise le Code du travail en négociant de mauvaise foi, méprise les Québécois en leur faisant payer pour son lockout et méprise les travailleurs en fermant la porte à la négociation et à l'arbitrage. Le gouvernement du Québec doit intervenir. Le déséquilibre des forces est inacceptable tout comme le comportement de cette multinationale. »

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Les travailleurs veulent un contrat négocié, pas un diktat à sens unique de la compagnie

Les travailleurs de l'aluminerie d'ABI, le 1er mars 2019, devant le bureau du premier
ministre Legault

La section locale 9700 du Syndicat des Métallos a organisé un vote sur la dernière offre de la compagnie pour faire en sorte que chaque membre ait son mot à dire et puisse voter sur celle-ci après 14 mois de lockout. Les Métallos ont fait remarquer que l'offre et le protocole de retour au travail qui l'accompagnait sont pires que ce qui avait été négocié avant le déclenchement du lockout en janvier 2018, alors que deux points seulement demeuraient non résolus.

Les travailleurs ont souligné que l'offre actuelle, un diktat en fait, était très inférieure à ce qui avait été négocié en ce qui concerne l'organisation du travail, les horaires de travail, le régime de retraite, le respect de l'ancienneté, le recours à la sous-traitance et les abolitions de postes. Le soi-disant protocole de retour au travail, qui n'avait fait l'objet d'aucune discussion avec le syndicat, démontrait un manque de respect total envers les travailleurs et leurs droits. Il prévoyait que le retour au travail s'échelonnerait sur une période minimale de 10 mois, pouvant être rallongée en fonction de différents prétextes. Pendant cette période, les cadres et des sous-traitants pourraient occuper les postes des employés syndiqués.

« C'est du jamais vu une aussi longue période de retour, a dit le président de la section locale 9700, Clément Masse. Le principe d'un protocole de retour au travail, c'est de négocier l'armistice, la fin d'un conflit. Ce protocole fait tout le contraire, il allume des feux. En guise de comparaison, en 2004, au bout de 6 semaines, tout le monde était de retour dans l'usine . »

Les travailleurs ont déclaré clairement pendant l'assemblée et par leur vote qu'ils ne veulent pas rentrer au travail dans ces conditions, même après 14 mois difficiles de lockout et l'incertitude dans la période qui vient.

Forum ouvrier éprouve un grand respect pour la décision des travailleurs d'ABI de rejeter le diktat de la compagnie. Leur courage et leur détermination de défendre leurs droits face à cette puissante force internationale et un gouvernement sans colonne qui refuse de faire son devoir et de protéger son propre monde, inspire des millions de travailleurs au Québec et au Canada qui en ont assez de l'état des choses à sens unique qui marque les relations entre les employeurs et les employés.

Forum ouvrier félicite tous ceux au Québec et au Canada qui ont appuyé les travailleurs d'ABI en lockout de multiples façons. Le cartel Alcoa/Rio Tinto n'est pas invincible mais la lutte requiert l'intensification de l'appui de la part de tous les travailleurs et de leurs alliés au pays. La détermination de la classe ouvrière organisée peut mener à la victoire de cette lutte pour ses droits, pour le respect et pour des conditions de travail que ceux qui font le travail et produisent la richesse sociale considèrent acceptables.

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La revendication des travailleurs pour
une alternative au diktat

Il faut trouver une alternative à la situation où les cartels mondiaux exercent un diktat sur les travailleurs et la société. La négation des droits sur une grande échelle sous cette dictature des puissants cartels supranationaux est inacceptable dans une société moderne. Les êtres humains ont des droits parce qu'ils sont des êtres humains. Les compagnies, peu importe à quel point elles sont devenues dominantes dans leur secteur, ne doivent pas être autorisées à violer les droits des employés ou d'autres personnes dans la société. Les gouvernements ont le devoir et la responsabilité sociale de prendre position en faveur des citoyens et les défendre.

Le lockout d'Alcoa/Rio Tinto et son diktat sur les conditions d'emploi sont une attaque non seulement contre les travailleurs d'ABI mais contre tous les membres d'une société civilisée. Les employés doivent être traités avec le respect qui leur revient en tant que producteurs de la richesse sociale que convoitent les compagnies et dont le peuple, l'économie et la société ont besoin pour exister. Le respect et les droits signifient que les travailleurs doivent avoir voix au chapitre de manière organisée et un contrôle organisé sur les conditions de leur emploi, ce qui comprend les salaires et les avantages sociaux qui leur sont payés en échange de leur capacité de travailler et les conditions de travail. Les conditions de leur emploi ne peuvent pas être établies de façon pragmatique selon les seuls besoins et désirs de la compagnie dans sa concurrence sur les marchés mondiaux. Une convention collective digne du nom doit être négociée d'une manière organisée et respectueuse avec les représentants des travailleurs. Elle doit obtenir le consentement des travailleurs et leur être bénéfique plutôt que de seulement procurer à la compagnie ce dont elle dit avoir besoin.

Les travailleurs modernes refusent d'être humiliés et de se faire nier leurs droits. Il semble que le cartel Alcoa/Rio Tinto soit ivre du pouvoir mondial que lui procurent ses opérations et pense qu'il peut faire ce qu'il veut sans rendre de comptes à personne. On le voit dans son rejet des négociations et son imposition d'un lockout alors que les différends dans le contrat proposé en 2018 étaient mineurs. Le cartel a autre chose en tête et c'est la destruction du syndicat local et des avantages, de la sécurité et de la stabilité que les travailleurs et leur communauté ont gagnés lors des conventions précédentes.

L'arrogance du cartel se voit aussi à la façon dont il a déclaré le lockout qu'il a planifié un cas de « force majeure » hors de son contrôle. C'est avec cet argument qu'il refuse de payer pour le bloc d'énergie qu'Hydro-Québec produit et réserve au cartel à des taux préférentiels. On le voit aussi à la facilité apparente avec laquelle il s'est gagné l'appui du gouvernement du Québec pour le lockout et la fraude de la « force majeure ».

Le gouvernement du Québec refuse de faire son devoir envers les citoyens et de tenir le cartel responsable même si les travailleurs du Québec et l'énergie hydroélectrique du Québec sont la ressource humaine et naturelle dont le cartel a besoin pour produire l'aluminium non seulement à Bécancour mais ailleurs au Québec et dans l'ouest canadien.

Il n'est pas difficile de concevoir une alternative au diktat de l'oligarchie financière mondiale mais il est difficile de la mettre en oeuvre à cause du pouvoir, de la richesse sociale et des alliés politiques que les cartels ont amassés. L'alternative doit venir de la force et de la détermination organisées de la classe ouvrière dont les travailleurs d'ABI font une puissante démonstration. On peut remporter cette lutte mais tous doivent s'y engager et se faire entendre et intensifier leur participation active et consciente à la résistance des travailleurs d'ABI contre la négation de leurs droits. Le gouvernement du Québec doit être dénoncé comme un vil vendeur à rabais du peuple et de la nation du Québec. Quelle sorte de gouvernement est-ce qui refuse de rendre un cartel mondial redevable de ses actions et lui permet d'abuser de ses employés, du peuple québécois et de son infrastructure hydroélectrique ?

Intensifions tous notre appui et notre participation active à la lutte des travailleurs d'ABI pour leurs droits et contre le diktat des oligarques mondiaux. Une alternative à ce diktat doit être trouvée ! Cette bataille peut être gagnée !

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Lettre à la rédaction

Un lockout n'est pas une « force majeure »

J'ai lu avec intérêt l'article du numéro du 7 mars de Forum ouvrier intitulé « Les travailleurs demandent que le gouvernement Legault force Alcoa/Rio Tinto à respecter ses engagements dans son contrat d'énergie  ». Je suis attentivement le déroulement du lockout à ABI et je pense aussi que c'est frauduleux de considérer ce lockout comme une force majeure « imprévisible, irrésistible et échappant au contrôle d'une Partie », soit Alcoa dans ce cas-ci. Comme le dit l'article, le lockout est une opération planifiée d'avance pour attaquer les conditions de travail et le syndicat des travailleurs d'ABI.

Je crois qu'un des moments cruciaux qui ont bien démontré que le lockout est planifié est ce qui s'est passé le 8 mars dernier. Après avoir liquidé en quelques minutes ce qui devait être une séance de négociation entre les deux parties en présence du médiateur, la direction d'ABI a émis un communiqué qui disait ceci :

« Les représentants de la direction de l'Aluminerie de Bécancour (ABI) ont rencontré aujourd'hui la section locale 9700 du Syndicat des Métallos, les informant que l'usine a besoin de changements fondamentaux pour réussir à long terme. La rencontre s'est déroulée en présence de M. Jean Nolin, le conciliateur nommé au dossier par le ministère du Travail.

« Les objectifs constants de la direction d'ABI au cours des longues négociations de l'année dernière, étaient d'assurer la pérennité de l'usine et de parvenir à une entente négociée. Cependant, les moyens de pression du syndicat durant ces négociations ont causé une détérioration importante des conditions d'opération dans l'usine, créant des dangers pour les employés, mettant les biens en péril, menaçant l'approvisionnement des clients et affectant négativement le rendement financier.

« Le rejet par le syndicat d'une offre équitable et concurrentielle n'a laissé d'autre choix à la direction d'ABI que de prendre des mesures pour protéger ses employés et les actifs de l'usine. En conséquence, l'offre rejetée ne peut plus servir de base pour un règlement futur.

« ABI n'est pas aussi compétitive qu'elle devrait l'être et cette situation doit être améliorée pour réussir à long terme.

« Par conséquent, la structure opérationnelle d'ABI doit être réévaluée en visant l'amélioration significative de la productivité et de l'organisation de la main-d'oeuvre afin d'assurer une constance pour ses clients. »

Si on n'est pas en face d'une opération planifiée alors qu'est-ce c'est ?

Dans ce communiqué, la direction d'ABI essaie de faire d'une pierre deux coups. Elle déclare la fin de son offre précédente, qui aurait pu mener à un règlement par des négociations, et que son objectif est en fait une restructuration complète de l'entreprise. En même temps, elle prétend, après le coup, que son lockout était justifié parce que les travailleurs avaient saboté la production et la machinerie et mis en danger l'usine et la vie des employés alors qu'ils étaient au travail des mois avant le lockout ! Et cela, sans jamais avoir soulevé la question au moment où ses employés étaient au travail. Dans ce communiqué, elle essaie donc de présenter le lockout comme un geste défensif de sa part contre une force majeure inventée qui est le soi-disant sabotage par les travailleurs et elle en conclut que son offre n'est plus valable et qu'elle doit procéder à une restructuration complète au détriment des conditions de travail et du syndicat ! C'est illogique et on peut dire que la rationalité n'est pas le point fort de la direction d'ABI mais on ne peut pas dire que le lockout n'a pas été planifié. Depuis le début, Alcoa a un ordre du jour caché qui n'a fait que se révéler depuis.

Le gouvernement du Québec ne devrait pas essayer de concurrencer la direction d'ABI sur qui est le plus frauduleux des deux. Le cartel Alcoa/Rio Tinto doit payer pour son bloc d'hydroélectricité parce qu'il a planifié le lockout. Ce lockout n'est pas une force majeure. Si le gouvernement se tient debout, au nom des Québécois qu'il dit représenter, cela fera pression sur le cartel Alcoa/Rio Tinto pour que finalement il négocie et que le lockout puisse se terminer d'une façon acceptable aux travailleurs.

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La tragédie ferroviaire en Colombie-Britannique et d'autres déraillements

Un geste irresponsable du Canadien Pacifique


Déraillement de train à Calgary le 1er mars 2019

Le 8 mars, le Canadien Pacifique a annoncé qu'il ira en appel de l'arrêté ministériel de Transports Canada exigeant l'application de freins à main pour sécuriser un train arrêté en pente dans une montagne. Selon le CP, l'Association des chemins de fer du Canada et le CN ont également interjeté appel de l'arrêté ministériel publié le 8 février à la suite de la tragédie survenue 4 jours plus tôt.

La catastrophe en question a coûté la vie au chef de train Dylan Paradis, à l'ingénieur Andrew Dockrell et au stagiaire Daniel Waldenberger-Bulmer. Leur train céréalier du CP, composé de 112 wagons, a dérapé rapidement sur une voie dans les montagnes Rocheuses. Le train avait été arrêté en pente pendant deux heures pour résoudre des problèmes mécaniques, notamment des problèmes de contrôle de la vitesse du train. Pendant l'arrêt, des freins d'urgence ont été appliqués. Le train a commencé à se déplacer et a accéléré à une vitesse supérieure à la vitesse maximale de la voie et a déraillé.

L'enquête du Bureau de la sécurité des transports a révélé qu'aucun frein à main n'avait été appliqué. L'arrêté ministériel du 8 février de Transports Canada exige que les exploitants de trains arrêtés lors d'un arrêt d'urgence en pente de montagne appliquent un nombre suffisant de freins à main pour empêcher le train de se mettre en branle.

Les travailleurs ferroviaires demandent depuis longtemps que davantage soit fait pour sécuriser les trains et protéger leurs vies et celles du public. Ils appuient l'arrêté ministériel concernant l'application des freins à main. Ils voient dans cette démarche une partie de leur lutte pour aller au coeur du problème des accidents récurrents. Cela comprend une enquête publique sur le phénomène de l'accélération incontrôlée de la vitesse des trains. Ils appellent à la mise en place d'une autorité publique chargée de la sécurité ferroviaire, dans laquelle les travailleurs qui ont une connaissance et une expérience directes du secteur ont leur mot à dire et sur laquelle ils exercent un contrôle.

Le CP, de manière grossière et arrogante, a annoncé qu'il ira en appel de l'arrêté ministériel sous prétexte que l'application des freins à main introduirait des « risques supplémentaires » et des « conséquences imprévues ». Le CP préconise des « options plus sûres » tout en restant silencieux sur ces options ou sur les risques supplémentaires et les conséquences imprévues que pourrait entraîner l'utilisation de freins à main.

Les travailleurs ferroviaires supposent que le CP se réfère probablement aux risques potentiels que courent les conducteurs qui se déplacent le long du train pour serrer les freins à main dans un environnement défavorable. Ils disent que de tels dangers, bien que réels, ne peuvent être comparés à ceux d'un train hors de contrôle qui file à toute allure après avoir commencé à rouler tout seul.

Dans un article paru le 1er mars, le Globe and Mail rapportait que Transports Canada avait tenu une réunion avec l'industrie et les syndicats à la fin du mois de février, au cours de laquelle le CP avait parlé de la nécessité de mesures de sécurité assurant que les opérations ne seront pas entravées par le ralentissement du mouvement des trains. Selon l'article du Globe and Mail, le CP ne voudrait pas de mesures qui mettent du temps à être effectuées comme le serrage des freins à main. Il veut que les trains soient le plus possible en mouvement, avec les interruptions les plus courtes possibles.

Cela a toujours été le but et l'objectif pragmatiques des entreprises ferroviaires d'obtenir un profit privé plus grand quelles que soient les conséquences pour les travailleurs et les communautés le long des lignes de chemin de fer. Avec le profit privé comme objectif et moteur de l'industrie, les compagnies ferroviaires font depuis longtemps la promotion de l'autoréglementation de concert avec les gouvernements dociles et obéissants. Il a été démontré dans la pratique que ce pragmatisme pour le profit privé a été un désastre pour la sécurité des travailleurs et du public. Les déraillements de train continuent de se produire et se multiplient à travers le Canada. Les travailleurs ferroviaires et leurs alliés à travers le Canada sont fermement opposés à la direction antisociale inacceptable de l'autoréglementation de l'industrie et exigent une alternative qui favorise les travailleurs et le public. L'application de freins à main sur les pentes est une mesure qui va dans ce sens.


Un déraillement à Carlos, au Minnesota, le 1er mars 2019

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Les travailleurs ferroviaires défendent
leurs droits et leur sécurité

Les travailleurs du rail continuent de se faire entendre à la défense de leurs droits et de leur sécurité et pour exiger des solutions qui traitent des risques sérieux qu'ils courent sur une base quotidienne. Quatre importants déraillements de trains de CP ont eu lieu récemment. Ces déraillements ont eu lieu seulement un mois après la mort de trois travailleurs du rail lorsqu'un train a déraillé à proximité des Spiral Tunnels près de Field, en Colombie-Britannique, et a plongé dans la rivière Kicking Horse.

La plus récente série de quatre déraillements a commencé le 28 février lorsqu'un train de marchandises transportant des céréales et des transporteurs d'automobiles vides a quitté les rails à l'ouest de la ville de Banff, en Alberta. Le lendemain, plus d'une douzaine de wagons d'un train de CP transportant des céréales et de la potasse a déraillé au sud de Carlos, au Minnesota. Le 2 mars, plusieurs wagons contenant du diesel et des céréales ont quitté les rails alors que le train traversait un pont enjambant la rivière Kicking Horse, presqu'au même endroit où les trois travailleurs ont été tués en janvier. Le 9 mars, un autre train a déraillé près d'Ogden Yards à Calgary et plusieurs wagons ont quitté les rails.

Christopher Monette, le porte-parole de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (CFTC), a dit au Calgary Herald que les travailleurs sont très inquiets de l'impact potentiellement dangereux de la récente vague de froid intense. « Les travailleurs nous disent que les trains deviennent plus difficiles à contrôler par froid intense », a dit Monette, particulièrement les locomotives qui fonctionnent dans des conditions particulièrement frigides et sur des sites difficiles dans les cols de montagnes.

Monette a aussi dit qu'une autre catastrophe potentielle a été évitée de justesse sur la même étendue de rails de Spiral Tunnels où a eu lieu le déraillement qui a tué trois travailleurs le mois dernier. L'ingénieur de locomotive d'un train de 109 wagons de céréales a dû avoir recours aux freins d'urgence pour arrêter une locomotive qui dérapait en direction ouest.

La sécurité sur les chemins de fer est une question de vie ou de mort, souligne le syndicat, mais CP n'a apporté aucun changement à sa politique depuis le déraillement de Field. CP refuse même de prendre des précautions pendant que l'enquête sur l'accident mortel suit son cours.

Quelque temps après le désastre tragique de Field, le ministre Marc Garneau de Transports Canada a émis un arrêté ministériel, qui dit : « Tout train qui utilise ses freins à air comprimé d'urgence sur une pente de 1,8 % ou plus doit aussi utiliser un nombre suffisant de freins à main pour s'assurer qu'il reste immobile conformément à l'Appendice A ci-joint. »

L'enquêteur principal du Bureau de la sécurité des transports, James Carmichael, a confirmé que l'équipage n'est pas du tout responsable de l'accident mortel et que le train a commencé à avancer par lui-même. « Nous allons tenter de déterminer pourquoi les freins ne sont pas restés en place », a-t-il dit.

La CFTC a offert son plein appui à l'arrêté ministériel. « Nous ne pouvons courir aucun risque en attendant que les causes exactes du déraillement tragique aient été trouvées. La sécurité ferroviaire n'a pas de prix —- c'est une question de vie ou de mort », a dit Don Ashley, le directeur national des affaires juridiques de la CFTC.

Mais pour CP, la vie des travailleurs et la sécurité publique a un prix, c'est là le problème. Le CP porte la cause au Tribunal d'appel, prétendant que le recours aux freins à mains « introduit des risques supplémentaires et aura des conséquences imprévues » mais ne clarifie pas quelles pourraient être ces conséquences ni ce qui devrait être fait en attendant. L'Association des chemins de fer du Canada qui représente les entreprises oeuvrant dans ce secteur et le CN vont aussi en appeler de l'arrêté ministériel.

Les travailleurs ferroviaires ont une expérience directe des conditions de fonctionnement et, de surcroît, ils peuvent obtenir un point de vue scientifique par le biais de leur syndicat. Ce sont eux les mieux placés pour évaluer si une mesure améliorera la sécurité ou pas. Le CP a rejeté les conclusions éclairées des travailleurs sur cette précaution spécifique du recours aux freins à main sans mettre de l'avant la moindre preuve pour montrer pourquoi cette mesure ne doit pas être prise. Les Canadiens doivent élever la voix en solidarité avec les travailleurs du rail qui continuent de défendre leur sécurité et celle du public dans l'industrie ferroviaire.

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L'arbitre émet une ordonnance à CP
de cesser et de s'abstenir

La Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (CFTC) a publié ce qui suit sur son site Web le 9 mars 2019.

***

« Consoeurs et confrères,

En mars 2018, l'arbitre Clarke s'est prononcé sur les violations systématiques des clauses des heures hors service, qui sont au coeur de la question des heures de repos et de la conciliation travail/vie personnelle des employés du rail.

En conséquence, l'arbitre déclare que CP a violé la convention collective.

La CFTC a également convaincu l'arbitre de rendre une ordonnance de cesser et de s'abstenir compte tenu du nombre élevé d'exemples, même à partir des chiffres et explications fournis par le CP, lorsque le droit des employés de ne pas être en service durant la période de 10 heures n'est pas respecté. Cette ordonnance de cesser et de s'abstenir s'applique également aux employés qui ont le droit d'être en service et au repos durant une période de 12 heures.

Nous avons besoin de votre aide !

Malheureusement, mais sans surprise, la compagnie a commencé à ne pas respecter votre droit de ne pas être en service durant une période de 10 à 12 heures. La CFTC ne va pas laisser cela passer. Nous avons donc besoin de votre aide pour documenter les violations. Veuillez remplir ce formulaire chaque fois que vous êtes forcé de faire plus que vos heures. »

Note : les règles relatives au repos des travailleurs du rail exigent que les employés affectés aux opérations qui quittent le travail après avoir été en service pendant plus de 10 heures seront au repos :

a) au point d'attache - pendant au moins 8 heures, ce qui « exclut » le temps lorsqu'ils sont sur appel, le cas échéant, à l'exception des employés affectés aux gares de triage qui retournent à leur quart régulier de travail, qui auront au moins 8 heures continues de temps de repos, ce qui « inclut » le temps lorsqu'ils sont sur appel, le cas échéant ; et

b) ailleurs qu'au point d'attache - doivent prendre au moins six heures consécutives de repos, ce qui « exclut » le temps lorsqu'ils sont sur appel, le cas échéant.

5.2.2 Au point d'attache, les heures de repos obligatoires commencent au moment où l'employé-e en fonction quitte le travail, et ailleurs qu'au point d'attache, les heures de repos obligatoires commencent à l'arrivée aux installations fournies par la société ferroviaire.

5.2.3 Lorsque le temps de repos entre tout quart de travail ou période d'affectation est inférieur à trois heures et que le temps de service combiné au quart de travail ou période d'affectation dépasse 10 heures, les dispositions de la sous-section 5.2.1 s'appliquent au moment où les employés prennent leur dernière période de repos. Le temps de repos entre ces quarts de travail ou périodes d'affectation ne doit pas être inclus dans le calcul du temps de service.

(Traduction : Forum ouvrier)

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Un nombre croissant d'accidents ferroviaires

Le nombre d'accidents ferroviaires au Canada a augmenté de 1 091 à 1 170 en 2017, un nombre plus élevé que la moyenne de 1035 sur cinq ans, selon le Bureau de la sécurité des transports. Les accidents dans le transport de produits dangereux ont augmenté de 9 %, de 115 à 125, et six d'entre eux ont eu comme conséquence le versement de matières dangereuses.[1] C'est une grande préoccupation pour les travailleurs ferroviaires et qui touche aussi à la sécurité publique. Pour l'oligarchie financière, par contre, c'est une tout autre histoire. En réponse à un rapport préliminaire du Bureau de la sécurité des transports, un analyste de RBC Capital Markets déclare dans un rapport de recherche : « En somme, nous trouvons les statistiques très encourageantes dans plusieurs domaines importants car elles démontrent que les chemins de fer fonctionnent à un haut niveau de sécurité. »

Le CP prétend prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité par froids extrêmes, mais ses propres statistiques montrent que ces prétentions sont fausses.

Dans le livre blanc de CP sur les voyages en chemin de fer dans les conditions hivernales canadiennes[2], il est dit que le temps froid augmente le taux de fuite d'air du système de freins à air et que la vitesse devrait être réduite quand les températures sont extrêmement froides —- d'au moins 16 km/h lorsqu'il fait -25 degrés Celsius et d'au moins 32 km/h lorsqu'il fait -35 degrés Celsius. Selon le rapport, la longueur des convois et leur vitesse ont augmenté en flèche en seulement quatre ans de 2013 à 2017. La longueur des trains était plus élevée en janvier et février 2017 que la moyenne annuelle au cours des années 2013 à 2016. Les vitesses moyennes en janvier et février 2016 et 2017 étaient plus élevées que les autres moyennes au cours des années 2013 à 2015. Le CP prétend qu'une telle augmentation de la longueur et de la vitesse des trains au cours de la période allant de 2013 à 2017 est le résultat d'« importants investissements de capitaux, d'une planification hivernale supérieure et d'autres changements opérationnels ». Le nombre croissant d'accidents et le nombre inquiétant de déraillements en si peu de temps racontent une tout autre histoire.

Notes

1.

Tableau 1 : Vitesse de train moyenne (en mph), 2013 à 2017



Tableau 2 : Longueur de train moyenne de CP (en pieds), 2013 à 2017


2. Livre blanc : Les voyages ferroviaires dans les hivers canadiens

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Des réclamations légitimes des travailleurs sont criminalisées
au Nouveau-Brunswick

Le gouvernement provincial et la Cour du Banc
de la reine déclarent la grève des travailleurs
des foyers illégale


Réunion des membres du SCFP le 9 mars 2019 pour discuter de ce qu'il faut faire maintenant que leur droit de grève a été nié

Les travailleurs et travailleuses des foyers de soins du Nouveau-Brunswick, membres du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), ont pris un vote de grève à 94 % pour appuyer leurs revendications de salaires et de conditions de travail qu'ils jugent acceptables. Plutôt que de répondre d'une manière positive et respectueuse, le gouvernement a demandé et obtenu une ordonnance de la Cour du Banc de la reine pour attaquer le droit des travailleurs de faire la grève à la défense de leurs revendications. La veille du déclenchement de la grève par les 4 100 travailleurs qui devait avoir lieu le 10 mars, la cour a émis une ordonnance qui prive les travailleurs de leur droit de grève pendant 10 jours.

Quel que soit le parti cartellisé qui ait été au pouvoir, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a constamment refusé de financer les foyers de soins comme un programme social nécessaire pour combler les besoins et assurer le bien-être des personnes ayant besoin de soins et du personnel qui fournit les soins. Les gouvernements n'ont cessé de dire que l'Association des foyers de soins doit négocier à l'intérieur des paramètres fixés par le gouvernement. Selon ces gouvernements, ceux qui tiennent les cordons de la bourse et décident de comment la valeur des foyers de soins est réalisée n'ont rien à voir avec la négociation sauf de bafouer les droits des travailleurs.

Le 11 mars, les travailleurs des foyers de soins et leurs alliés ont organisé des manifestations à Saint John, Shippagan, Edmundston et dans d'autres villes pour protester contre l'ordonnance de la cour et l'entrave à leur droit de faire la grève pour défendre leur réclamation à la valeur qu'ils produisent pour la société et pour avoir leur mot à dire sur leurs conditions de travail.

Forum ouvrier a interviewé Simon Ouellette, le directeur des communications au bureau des Maritimes du SCFP.

***


Piquetage le 11 mars devant le bureau du vice-premier ministre Robert Gauvin à Shippagan

Forum ouvrier : Combien de travailleurs et de travailleuses sont engagés dans la lutte actuelle ?

Simon Ouellette : Ce sont environ 4100 employés, surtout des femmes, qui travaillent dans 46 foyers de soins du Nouveau-Brunswick, répartis dans toute la province. On peut dire qu'ils forment le personnel de soutien du système des foyers de soins : les infirmières auxiliaires, les cuisiniers, les gens de l'entretien, préposés aux soins, etc. Ces centres sont opérés de manière privée mais ils sont financés par le gouvernement.

Forum ouvrier : Quelles sont les principales demandes des travailleurs et des travailleuses ?

SO : On peut caractériser les revendications de la façon suivante : des salaires décents pour régler la crise au niveau du recrutement et de la rétention du personnel. Ces questions sont liées entre elles. Le Nouveau-Brunswick a une population qui est très vieillissante. Les gens qui vivent dans les foyers de soins ne peuvent plus conduire, ils ont une mobilité réduite, le besoin de services augmente, mais le niveau de personnel n'a pas augmenté et les salaires non plus. Les salaires stagnent depuis plus de dix ans, c'est un phénomène qui se produit dans tout le Nouveau-Brunswick, malgré la reprise économique ; on peut parler d'une reprise sans augmentations de salaire. En fait, les travailleurs du Nouveau-Brunswick ont vu leur pouvoir d'achat diminuer. Les foyers de soins sont un peu la pointe de l'iceberg, de toute une série de personnes de différents secteurs dont les salaires ont stagné et dont le pouvoir d'achat a diminué.

Le coeur du problème est le recrutement et la rétention du personnel. Sans salaires décents, les personnes ayant le plus d'expérience quittent la profession, les nouvelles recrues travaillent quelques mois et réalisent que les conditions n'ont pas de sens et quittent le secteur. Les incitatifs sont faibles parce que les gens peuvent se trouver un emploi ailleurs. Et même là ce n'est pas vrai partout parce que dans les régions rurales, les foyers de soins sont souvent un des plus grands employeurs. Il y a plus de 350 postes vacants en ce moment dans les foyers de soins dans la province.

FO : On a beaucoup parlé de la question des services essentiels dans cette lutte des travailleurs Qu'en est-il ?

SO : Il y a une loi qui a été adoptée en 2009 sur les services essentiels dans les foyers de soins au Nouveau-Brunswick. Une loi du gouvernement provincial qui désignait presque tous les employés dans les foyers de soins comme étant essentiels. À toutes fins pratiques, ils perdaient leur droit de grève. Puis, la Cour suprême du Canada a statué en 2015, relativement à une loi du gouvernement de la Saskatchewan, que le droit de libre négociation collective inclut le droit de grève en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. En 2018, le tribunal des relations de travail du Nouveau-Brunswick a invalidé une bonne partie de la Loi sur les services essentiels dans les foyers de soins comme étant une contravention à la charte.

L'employeur s'est retrouvé dans une situation où il n'y a pas de désignation de soins essentiels. Il a demandé que le gouvernement intervienne pour réévaluer la désignation des services essentiels. Cela se produit alors que nous sommes en pleine négociation, et que les employeurs se trouvent dans une situation où les travailleurs ont retrouvé leur droit de grève qui avait été nié. Cela fait près de dix ans que la crise de rétention s'amplifie et il n'y a pas eu un seul gouvernement qui a voulu s'attaquer à ce problème. Les employeurs demandent une révision de la décision du tribunal des relations de travail, et cela pourrait prendre des années. Plutôt que d'être pris devant le tribunal durant des années, on a des gens qui ont besoin d'améliorer leurs salaires et leurs conditions et ont autre chose à penser que d'aller devant les tribunaux. L'employeur espère remettre tout cela dans le système juridique au lieu d'en arriver à une entente acceptable avec les travailleurs.

FO : Peux-tu nous en dire plus sur l'ordonnance de la cour qui a été émise samedi le 9 mars ?

SO : Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a obtenu une ordonnance de la Cour du Banc de la Reine en catimini samedi le 9 mars. On l'a appris dans les médias. Ils sont allés chercher une ordonnance ex parte, ce qui veut dire en notre absence. Nous n'avons même pas eu l'occasion de présenter nos arguments. L'ordonnance dit que c'est illégal de faire la grève et de faire tout moyen de pression pour les dix prochains jours. Les pénalités sont très sévères contre quiconque enfreint l'ordonnance de la cour.

Nous avons trouvé très irresponsable de la part du gouvernement d'intervenir dans le processus de négociation avec le gros bâton de la loi en faveur de l'employeur au lieu d'amener les ressources à la table pour améliorer la situation. Cela fait 28 mois qu'on essaie de négocier un contrat acceptable.

L'employeur a fait traîner les choses et cela l'arrange que le gouvernement fasse ces procédures juridiques car cela permet de faire traîner le processus et de ne pas fournir un meilleur salaire et de meilleures conditions aux travailleurs et aux travailleuses.

Il est possible que le gouvernement demande une prolongation de l'ordonnance de la cour afin de pouvoir réviser toute la question de la désignation des services essentiels dans les foyers de soins. Après cela, le syndicat ira probablement en appel s'il n'est pas satisfait et cela ne finira jamais. Cela pourrait durer des années et cela nierait en pratique aux employés un droit fondamental.

Nous demandons que le gouvernement règle la situation et fasse en sorte qu'il y ait une négociation juste et équitable pour une convention collective qui est acceptable aux travailleurs. On ne veut pas que la question importante des salaires et du recrutement et de la rétention du personnel soit noyée dans le système juridique.


Piquetage des travailleurs des foyers de soins devant le bureau de circonscription d'un député le 11 mars 2019

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