Des réclamations légitimes des travailleurs sont criminalisées
au Nouveau-Brunswick

Le gouvernement provincial et la Cour du Banc
de la reine déclarent la grève des travailleurs
des foyers illégale


Réunion des membres du SCFP le 9 mars 2019 pour discuter de ce qu'il faut faire maintenant que leur droit de grève a été nié

Les travailleurs et travailleuses des foyers de soins du Nouveau-Brunswick, membres du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), ont pris un vote de grève à 94 % pour appuyer leurs revendications de salaires et de conditions de travail qu'ils jugent acceptables. Plutôt que de répondre d'une manière positive et respectueuse, le gouvernement a demandé et obtenu une ordonnance de la Cour du Banc de la reine pour attaquer le droit des travailleurs de faire la grève à la défense de leurs revendications. La veille du déclenchement de la grève par les 4 100 travailleurs qui devait avoir lieu le 10 mars, la cour a émis une ordonnance qui prive les travailleurs de leur droit de grève pendant 10 jours.

Quel que soit le parti cartellisé qui ait été au pouvoir, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a constamment refusé de financer les foyers de soins comme un programme social nécessaire pour combler les besoins et assurer le bien-être des personnes ayant besoin de soins et du personnel qui fournit les soins. Les gouvernements n'ont cessé de dire que l'Association des foyers de soins doit négocier à l'intérieur des paramètres fixés par le gouvernement. Selon ces gouvernements, ceux qui tiennent les cordons de la bourse et décident de comment la valeur des foyers de soins est réalisée n'ont rien à voir avec la négociation sauf de bafouer les droits des travailleurs.

Le 11 mars, les travailleurs des foyers de soins et leurs alliés ont organisé des manifestations à Saint John, Shippagan, Edmundston et dans d'autres villes pour protester contre l'ordonnance de la cour et l'entrave à leur droit de faire la grève pour défendre leur réclamation à la valeur qu'ils produisent pour la société et pour avoir leur mot à dire sur leurs conditions de travail.

Forum ouvrier a interviewé Simon Ouellette, le directeur des communications au bureau des Maritimes du SCFP.

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Piquetage le 11 mars devant le bureau du vice-premier ministre Robert Gauvin à Shippagan

Forum ouvrier : Combien de travailleurs et de travailleuses sont engagés dans la lutte actuelle ?

Simon Ouellette : Ce sont environ 4100 employés, surtout des femmes, qui travaillent dans 46 foyers de soins du Nouveau-Brunswick, répartis dans toute la province. On peut dire qu'ils forment le personnel de soutien du système des foyers de soins : les infirmières auxiliaires, les cuisiniers, les gens de l'entretien, préposés aux soins, etc. Ces centres sont opérés de manière privée mais ils sont financés par le gouvernement.

Forum ouvrier : Quelles sont les principales demandes des travailleurs et des travailleuses ?

SO : On peut caractériser les revendications de la façon suivante : des salaires décents pour régler la crise au niveau du recrutement et de la rétention du personnel. Ces questions sont liées entre elles. Le Nouveau-Brunswick a une population qui est très vieillissante. Les gens qui vivent dans les foyers de soins ne peuvent plus conduire, ils ont une mobilité réduite, le besoin de services augmente, mais le niveau de personnel n'a pas augmenté et les salaires non plus. Les salaires stagnent depuis plus de dix ans, c'est un phénomène qui se produit dans tout le Nouveau-Brunswick, malgré la reprise économique ; on peut parler d'une reprise sans augmentations de salaire. En fait, les travailleurs du Nouveau-Brunswick ont vu leur pouvoir d'achat diminuer. Les foyers de soins sont un peu la pointe de l'iceberg, de toute une série de personnes de différents secteurs dont les salaires ont stagné et dont le pouvoir d'achat a diminué.

Le coeur du problème est le recrutement et la rétention du personnel. Sans salaires décents, les personnes ayant le plus d'expérience quittent la profession, les nouvelles recrues travaillent quelques mois et réalisent que les conditions n'ont pas de sens et quittent le secteur. Les incitatifs sont faibles parce que les gens peuvent se trouver un emploi ailleurs. Et même là ce n'est pas vrai partout parce que dans les régions rurales, les foyers de soins sont souvent un des plus grands employeurs. Il y a plus de 350 postes vacants en ce moment dans les foyers de soins dans la province.

FO : On a beaucoup parlé de la question des services essentiels dans cette lutte des travailleurs Qu'en est-il ?

SO : Il y a une loi qui a été adoptée en 2009 sur les services essentiels dans les foyers de soins au Nouveau-Brunswick. Une loi du gouvernement provincial qui désignait presque tous les employés dans les foyers de soins comme étant essentiels. À toutes fins pratiques, ils perdaient leur droit de grève. Puis, la Cour suprême du Canada a statué en 2015, relativement à une loi du gouvernement de la Saskatchewan, que le droit de libre négociation collective inclut le droit de grève en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. En 2018, le tribunal des relations de travail du Nouveau-Brunswick a invalidé une bonne partie de la Loi sur les services essentiels dans les foyers de soins comme étant une contravention à la charte.

L'employeur s'est retrouvé dans une situation où il n'y a pas de désignation de soins essentiels. Il a demandé que le gouvernement intervienne pour réévaluer la désignation des services essentiels. Cela se produit alors que nous sommes en pleine négociation, et que les employeurs se trouvent dans une situation où les travailleurs ont retrouvé leur droit de grève qui avait été nié. Cela fait près de dix ans que la crise de rétention s'amplifie et il n'y a pas eu un seul gouvernement qui a voulu s'attaquer à ce problème. Les employeurs demandent une révision de la décision du tribunal des relations de travail, et cela pourrait prendre des années. Plutôt que d'être pris devant le tribunal durant des années, on a des gens qui ont besoin d'améliorer leurs salaires et leurs conditions et ont autre chose à penser que d'aller devant les tribunaux. L'employeur espère remettre tout cela dans le système juridique au lieu d'en arriver à une entente acceptable avec les travailleurs.

FO : Peux-tu nous en dire plus sur l'ordonnance de la cour qui a été émise samedi le 9 mars ?

SO : Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a obtenu une ordonnance de la Cour du Banc de la Reine en catimini samedi le 9 mars. On l'a appris dans les médias. Ils sont allés chercher une ordonnance ex parte, ce qui veut dire en notre absence. Nous n'avons même pas eu l'occasion de présenter nos arguments. L'ordonnance dit que c'est illégal de faire la grève et de faire tout moyen de pression pour les dix prochains jours. Les pénalités sont très sévères contre quiconque enfreint l'ordonnance de la cour.

Nous avons trouvé très irresponsable de la part du gouvernement d'intervenir dans le processus de négociation avec le gros bâton de la loi en faveur de l'employeur au lieu d'amener les ressources à la table pour améliorer la situation. Cela fait 28 mois qu'on essaie de négocier un contrat acceptable.

L'employeur a fait traîner les choses et cela l'arrange que le gouvernement fasse ces procédures juridiques car cela permet de faire traîner le processus et de ne pas fournir un meilleur salaire et de meilleures conditions aux travailleurs et aux travailleuses.

Il est possible que le gouvernement demande une prolongation de l'ordonnance de la cour afin de pouvoir réviser toute la question de la désignation des services essentiels dans les foyers de soins. Après cela, le syndicat ira probablement en appel s'il n'est pas satisfait et cela ne finira jamais. Cela pourrait durer des années et cela nierait en pratique aux employés un droit fondamental.

Nous demandons que le gouvernement règle la situation et fasse en sorte qu'il y ait une négociation juste et équitable pour une convention collective qui est acceptable aux travailleurs. On ne veut pas que la question importante des salaires et du recrutement et de la rétention du personnel soit noyée dans le système juridique.


Cet article est paru dans

Numéro 9 - 14 mars 2019

Lien de l'article:
Des réclamations légitimes des travailleurs sont criminalisées : Le gouvernement provincial et la Cour du Banc de la reine déclarent la grève des travailleurs des foyers illégale - Entrevue avec Simon Ouellette, directeur des communications, bureau des Maritimes du SCFP


    

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