Lettre à la rédaction

Un lockout n'est pas une « force majeure »

J'ai lu avec intérêt l'article du numéro du 7 mars de Forum ouvrier intitulé « Les travailleurs demandent que le gouvernement Legault force Alcoa/Rio Tinto à respecter ses engagements dans son contrat d'énergie  ». Je suis attentivement le déroulement du lockout à ABI et je pense aussi que c'est frauduleux de considérer ce lockout comme une force majeure « imprévisible, irrésistible et échappant au contrôle d'une Partie », soit Alcoa dans ce cas-ci. Comme le dit l'article, le lockout est une opération planifiée d'avance pour attaquer les conditions de travail et le syndicat des travailleurs d'ABI.

Je crois qu'un des moments cruciaux qui ont bien démontré que le lockout est planifié est ce qui s'est passé le 8 mars dernier. Après avoir liquidé en quelques minutes ce qui devait être une séance de négociation entre les deux parties en présence du médiateur, la direction d'ABI a émis un communiqué qui disait ceci :

« Les représentants de la direction de l'Aluminerie de Bécancour (ABI) ont rencontré aujourd'hui la section locale 9700 du Syndicat des Métallos, les informant que l'usine a besoin de changements fondamentaux pour réussir à long terme. La rencontre s'est déroulée en présence de M. Jean Nolin, le conciliateur nommé au dossier par le ministère du Travail.

« Les objectifs constants de la direction d'ABI au cours des longues négociations de l'année dernière, étaient d'assurer la pérennité de l'usine et de parvenir à une entente négociée. Cependant, les moyens de pression du syndicat durant ces négociations ont causé une détérioration importante des conditions d'opération dans l'usine, créant des dangers pour les employés, mettant les biens en péril, menaçant l'approvisionnement des clients et affectant négativement le rendement financier.

« Le rejet par le syndicat d'une offre équitable et concurrentielle n'a laissé d'autre choix à la direction d'ABI que de prendre des mesures pour protéger ses employés et les actifs de l'usine. En conséquence, l'offre rejetée ne peut plus servir de base pour un règlement futur.

« ABI n'est pas aussi compétitive qu'elle devrait l'être et cette situation doit être améliorée pour réussir à long terme.

« Par conséquent, la structure opérationnelle d'ABI doit être réévaluée en visant l'amélioration significative de la productivité et de l'organisation de la main-d'oeuvre afin d'assurer une constance pour ses clients. »

Si on n'est pas en face d'une opération planifiée alors qu'est-ce c'est ?

Dans ce communiqué, la direction d'ABI essaie de faire d'une pierre deux coups. Elle déclare la fin de son offre précédente, qui aurait pu mener à un règlement par des négociations, et que son objectif est en fait une restructuration complète de l'entreprise. En même temps, elle prétend, après le coup, que son lockout était justifié parce que les travailleurs avaient saboté la production et la machinerie et mis en danger l'usine et la vie des employés alors qu'ils étaient au travail des mois avant le lockout ! Et cela, sans jamais avoir soulevé la question au moment où ses employés étaient au travail. Dans ce communiqué, elle essaie donc de présenter le lockout comme un geste défensif de sa part contre une force majeure inventée qui est le soi-disant sabotage par les travailleurs et elle en conclut que son offre n'est plus valable et qu'elle doit procéder à une restructuration complète au détriment des conditions de travail et du syndicat ! C'est illogique et on peut dire que la rationalité n'est pas le point fort de la direction d'ABI mais on ne peut pas dire que le lockout n'a pas été planifié. Depuis le début, Alcoa a un ordre du jour caché qui n'a fait que se révéler depuis.

Le gouvernement du Québec ne devrait pas essayer de concurrencer la direction d'ABI sur qui est le plus frauduleux des deux. Le cartel Alcoa/Rio Tinto doit payer pour son bloc d'hydroélectricité parce qu'il a planifié le lockout. Ce lockout n'est pas une force majeure. Si le gouvernement se tient debout, au nom des Québécois qu'il dit représenter, cela fera pression sur le cartel Alcoa/Rio Tinto pour que finalement il négocie et que le lockout puisse se terminer d'une façon acceptable aux travailleurs.


Cet article est paru dans

Numéro 9 - 14 mars 2019

Lien de l'article:
Lettre à la rédaction: Un lockout n'est pas une « force majeure » - Un travailleur de la métallurgie de la Montérégie


    

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