Numéro 73 - 16 novembre 2020

Les résultats des élections aux États-Unis

Une élection contestée qui accroît le mécontentement envers l'ensemble
du système


Rassemblement devant la Maison-Blanche, le 8 novembre 2020. (CPD Action)

Le dysfonctionnement des institutions existantes est clair

La certification du vote et plus de conflits potentiels

Les efforts futiles pour amener les factions dominantes à
s'unir et à coopérer

- Voice of Revolution -

L'écran magique de CNN et des autres


La Bolivie

Le nouveau président et le nouveau vice-président
entrent en fonction

Evo Morales de retour en Bolivie, accueilli par
des millions de personnes

Le nouveau président et le nouveau vice-président
s'adressent au peuple bolivien



Les résultats des élections aux États-Unis

Une élection contestée qui accroît le mécontentement envers l'ensemble du système

Les élections présidentielles américaines sont censées contribuer à « faire baisser la température », comme le dit Joe Biden, des conflits qui opposent les factions de l'élite dirigeante. Elles sont également censées donner à la présidence et aux institutions leur vernis démocratique, à savoir l'apparence que quiconque est élu avec « le consentement des gouvernés ». Sans ce vernis démocratique, il est impossible de cacher le fait que le peuple est exclu du gouvernement.

Toutefois, les résultats des élections actuelles ne rétablissent en rien la crédibilité du système démocratique américain. Le conflit qui perdure, en particulier la possibilité d'une intervention de la Cour suprême et d'un éventuel recours aux forces armées contre le peuple, n'a fait qu'exacerber la colère populaire.

Les poursuites judiciaires de Donald Trump en Pennsylvanie pourraient aller jusque devant la Cour suprême, tout comme les autres entamées pour bloquer la certification du vote au Michigan et en Pennsylvanie. Une intervention de la Cour suprême pourrait avoir des répercussions dans d'autres États et éventuellement remettre en question suffisamment de votes du Collège électoral de Joe Biden pour envoyer le conflit à la Chambre des représentants.

Chacun de ces résultats se heurterait à la résistance du peuple. C'est sans doute en prévision de cette possibilité que Donald Trump a limogé son secrétaire à la Défense, Mark Esper, et l'a remplacé par Christopher Miller. Mark Esper était parmi ceux qui ont contesté les menaces de Donald Trump d'utiliser les forces armées contre les manifestants. On s'attend à ce que Christopher Miller, un autre homme des forces armées, soutienne et exécute une telle mesure. Toutefois, étant donné le conflit, il n'est pas possible de prévoir la réaction des officiers supérieurs des forces armées, des soldats en service actif et de la Garde nationale.

La force de la résistance est telle que les syndicats représentant 600 000 membres appellent à la grève générale si Donald Trump conteste ou discrédite les résultats des élections et refuse de concéder sa défaite. Ce sont 70 000 travailleurs à Rochester, dans l'État de New York, 60 000 dans l'ouest du Massachusetts, des centaines de milliers dans le Midwest, le conseil du travail de Seattle, qui compte 200 000 membres, et l'Association des agents de bord qui en compte 50 000.


Manifestation à Philadelphie, Pennsylvanie, le 7 novembre 2020.

De plus, 100 membres du clergé afro-américain, qui représentent des dizaines de milliers de personnes, ont signé une pétition en ligne qui appelle à une grève générale si Donald Trump « tente un coup d'État ou refuse de respecter le résultat légitime de l'élection ». Ils ont déclaré : « Nous aurons besoin de nombreuses tactiques différentes – manifestations, occupations de capitales d'État, grèves – mais fondamentalement, tout cela exigera l'unité, du courage, de la préparation et de la discipline. »

Alors que dans tout le pays, tous sont prêts à faire entendre leur voix, d'autres actions sont également prévues pour le 1er décembre, date à laquelle la plupart des États devraient avoir certifié leur vote. Les luttes pour l'égalité, la justice et la responsabilité, en cours depuis le mois de mai, se poursuivent également.

Cette position n'est pas dirigée seulement contre Donald Trump et ses efforts pour contester et discréditer l'élection. C'est le reflet de la revendication croissante du peuple d'avoir son mot à dire au-delà du vote. Les travailleurs, en particulier, affirment qu'ils ont un rôle à jouer dans la vie politique du pays et dans la définition d'une démocratie qui sert leurs intérêts et non ceux des riches. Le dysfonctionnement du système actuel est largement débattu. Tout aussi important est la revendication que c'est le peuple qui a besoin d'être en contrôle, qui est apte à gouverner et à prendre les décisions et non les riches.

Il ne fait aucun doute que beaucoup ont voté pour Joe Biden, bien que les 80 millions d'électeurs admissibles qui n'ont pas voté, selon les estimations, dépassent encore ses 75 millions, ce qui ne représente qu'environ 25 % des votes admissibles. Il est également largement reconnu que les choix donnés pour le président ne représentaient que les riches et les servaient. De fait, l'absence de représentation à quelque niveau que ce soit des, par et pour les travailleurs fait partie des débats en ce moment, un débat qu'une grève générale ne ferait que renforcer.

Pour Donald Trump comme pour Joe Biden, le fait que l'élection soit contestée est un problème important, notamment avec la possibilité d'une intervention de la Cour suprême, d'une intervention des forces armées ou d'une décision du Congrès. Le manque de crédibilité et de légitimité de la démocratie force un recours toujours plus important aux pouvoirs de police de l'exécutif, ce qui ne fait qu'aggraver les contradictions entre les dirigeants et le peuple sur la question de qui décide. La lutte du peuple pour une démocratie moderne du peuple qui sert le peuple est à l'ordre du jour.

(Photos : VOR, Philly We Rise.)

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Le dysfonctionnement des institutions
existantes est clair


Les manifestations se poursuivent à Détroit, Michigan, le 8 novembre 2020.

Les élections américaines ont révélé au monde entier à quel point les institutions dites démocratiques aux États-Unis ne peuvent régler les conflits au sein de la classe dirigeante ou donner l'apparence d'une élection légitime qui confère le consentement des gouvernés.

Le conflit électoral entre les gouvernants continue de se dérouler sur plusieurs fronts. Donald Trump persiste à dire qu'il a gagné et que des votes illégaux sont comptés. Joe Biden procède comme président élu. Certains soutiennent les nombreuses poursuites judiciaires intentées par Donald Trump dans plusieurs États, tout en l'invitant à concéder sa défaite. Le Wall Street Journal est représentatif de cette position : « Si Joe Biden dispose de 270 voix du Collège électoral à la fin du dépouillement et des poursuites, le président Trump aura une décision à prendre. Nous espérons que dans ce cas, il concédera gracieusement sa défaite. »

Le chef républicain du Sénat, Mitch McConnell, a déclaré que Donald Trump a le droit, comme d'autres, d'utiliser les poursuites judiciaires pour contester les résultats. En même temps, les responsables électoraux républicains locaux, en Géorgie par exemple, ont défendu leur travail et ont déclaré que le décompte des voix était valable. Des positions similaires sont prises par les responsables locaux et des États dans tous les États où il y a actuellement des recours judiciaires. Il s'agit notamment de la Géorgie, de la Pennsylvanie, du Michigan, de l'Arizona et du Nevada. D'autres républicains ont demandé à Donald Trump de cesser les poursuites et ont déclaré qu'il est peu probable qu'elles changent le résultat. Les poursuivre mine « les fondations des institutions » du pays, disent-ils. C'est une préoccupation majeure pour la classe dirigeante dans son ensemble, car cela sape son autorité à gouverner et à utiliser la force contre le peuple, qui est déjà largement remise en question.


Manifestations à Philadelphie, Pennsylvanie, le 7 novembre 2020.

Douze poursuites ont été rejetées au niveau local ou des États. D'autres sont en cours, comme en Pennsylvanie et au Michigan, dans lesquelles il est demandé aux tribunaux de bloquer la certification du vote en raison d'irrégularités contraires à la loi électorale de l'État. D'autres poursuites sont encore en préparation. Les avocats s'inquiètent du fait que ces affaires visent à discréditer le vote, plutôt qu'à garantir un décompte précis des voix. La possibilité d'une intervention de la Cour suprême reste toujours présente, ce qui ne ferait que discréditer davantage l'élection.

Ce qui est évident pour tous, c'est que les querelles entre les factions des riches qui luttent pour le pouvoir de la présidence n'ont pas été résolues et il y a peu d'espoir qu'elles le seront. Bien que Joe Biden ait été déclaré vainqueur par les médias monopolisés, il est clair qu'il ne bénéficie pas d'un large soutien. Selon plusieurs rapports, environ la moitié des votes pour lui n'était pas des votes pour Joe Biden, mais des votes contre Donald Trump. C'est la défaite de Donald Trump que beaucoup célèbrent.

Dans certains des États où les résultats sont contestés actuellement, environ 40 000 personnes qui ont voté ont choisi de ne pas voter pour le président. En Géorgie, Joe Biden est en tête avec 10 502 voix; en Arizona avec 16 985 voix, au Nevada avec 34 283 voix. On estime également à 80 millions le nombre d'électeurs qui n'ont pas voté. Ce nombre atteindrait les 100 millions si l'on tient compte des personnes qui ont été empêchées de voter, comme les prisonniers et les immigrants. Il y a également la suppression du vote faite en utilisant les diverses exigences pour s'inscrire, la fermeture des bureaux de vote, des heures insuffisantes, etc. Tout cela tend à prouver que le vote pour Joe Biden ne représente qu'une petite partie de l'électorat, environ 25 %. De plus, sur ce nombre, seulement 12 % environ ont véritablement voté pour lui et non contre Donald Trump.

Ainsi, l'accent mis sur le fait que Joe Biden obtienne le plus grand nombre de voix cache la fraude des élections de la prétendue « nation indispensable » du monde. Selon Joe Biden, « le peuple de cette nation a parlé. Ils nous ont offert une victoire claire ». Cela sert également à dissimuler le fait que les votes pour des candidats que le peuple n'a pas choisis et qui ne le représentent pas ne reflètent en rien ses préoccupations et ses intérêts. Il est clair que les votes exprimés ne confèrent pas un « mandat » pour continuer la politique d'économie de guerre et le gouvernement de guerre des États-Unis que la classe dirigeante exige de chaque président.

La nouvelle direction que le peuple des États-Unis exige pour son pays est d'avoir une économie de paix et un gouvernement antiguerre. Les résultats des élections révèlent en fait que le processus électoral et le choix de Joe Biden par la classe dirigeante n'ont en rien détourné le large mouvement du peuple pour la justice, l'égalité et l'affirmation des droits de tous et de toutes.


La lutte pour les droits se poursuit à Washington, le 8 novembre 2020.

(Photos : A. Azikiwe, Phily We Rise, CPD Action.)

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La certification du vote et plus de conflits potentiels

Les poursuites judiciaires que la campagne de Trump a lancées vont probablement se poursuivre au moins jusqu'au 14 décembre, date à laquelle les électeurs de tous les États se réuniront et transmettront ensuite leur décision au Congrès. Le nouveau Congrès, qui entre en fonction le 3 janvier 2021, procédera alors à la certification finale. Si le vote n'est pas certifié au niveau de l'État, ce qui est possible compte tenu des querelles actuelles, il est possible qu'aucun candidat n'obtienne ses votes électoraux, ou alors l'État pourrait envoyer deux équipes d'électeurs au Congrès, une en faveur de Donald Trump et une en faveur de Joe Biden. Dans les deux cas, la Chambre des représentants devrait décider du résultat des élections.

Une des poursuites judiciaires de Donald Trump en Pennsylvanie pourrait se rendre à la Cour suprême. Au moins un juge, le juge Alito a indiqué qu'il pensait qu'il était inconstitutionnel de la part de la Pennsylvanie de prolonger la date de réception des votes postaux. Son argument probable est que cela n'a pas été fait par l'Assemblée législative de l'État, mais par le secrétaire d'État de la Pennsylvanie. Si la Cour suprême intervient et émet un jugement en faveur de Trump, cela peut remettre en question le comptage des votes dans les autres États qui ont agi d'une façon semblable, comme le Wisconsin et le Michigan, ce qui remettrait en question ces votes du Collège électoral.

Un tel résultat dépendrait de à qui sont allés les votes reçus après le jour du scrutin dans les États concernés : les votes en faveur de Donald Trump sont-ils suffisants pour qu'il remporte ces États ? Les tentatives de carrément bloquer la certification visent en partie à surmonter un tel calcul. Il n'est pas clair non plus si la Cour suprême accepte même d'entendre un ou plusieurs de ces cas et quelles exigences en termes de comptage ou de rejet des votes elle pourrait imposer. Tout cela ne fait qu'illustrer que les institutions existantes ne sont plus capables de régler les conflits ou de donner l'apparence d'une élection légitime.

Le processus de certification varie d'un État à l'autre, et les échéances sont différents dans chacun. En ce qui concerne les États où les résultats sont contestés, les échéances sont les suivantes : Nevada, 16 novembre; Géorgie, 20 novembre; Michigan et Pennsylvanie, 23 novembre; Arizona, 30 novembre; Wisconsin, 1er décembre. D'autres États ont des échéances en novembre et sept ont des échéances en décembre. Le dernier, en Californie, est le 11 décembre.

Les États ont mis en place des lois électorales pour le processus de certification avant le début des élections. Ce ne sont pas les assemblées législatives des États qui certifient le vote, mais des conseils électoraux. Ceux-ci sont habituellement composés d'un nombre égal de démocrates et de républicains, souvent nommés par le gouverneur, et tous les autres partis en sont exclus. Les conseils électoraux des États prennent leur information des conseils de comté, qu'ils examinent. Ensuite ils certifient le vote. Une fois le vote certifié, la liste des électeurs du candidat qui reçoit une majorité de votes est transmise à la réunion des électeurs qui se tient le 14 décembre.

Par exemple, le Michigan a un Conseil de solliciteurs de l'État, formé de 4 membres, qui doit obtenir un vote de 3-1 pour faire la certification. Si le vote est 2-2, le cas est renvoyé aux tribunaux de l'État, qui vont vraisemblablement, mais pas nécessairement, ordonner au Conseil de certifier le vote. Si le tribunal n'ordonne pas au Conseil de certifier le vote, il est possible que l'Assemblée législative de l'État intervienne, ou que deux listes d'électeurs soient transmises. Ainsi, dans le cas du Michigan, ce sont les tribunaux et un petit groupe de personnes, et non l'électorat, qui pourraient décider du résultat des élections.

Il faut noter que dans tout ce tapage sur le comptage des votes, la vaste majorité des États – qui constituent la majorité de la population et ont des millions de votes qui sont écartés ou supprimés – ne sont même pas pris en compte ou inclus dans la discussion. Les élections aux États-Unis ne sont pas conçues pour unir le peuple et le mobiliser dans le débat sur la façon de faire avancer la société. Au contraire, elles font en sorte que les préoccupations et les intérêts du peuple et les solutions des problèmes auxquels il fait face, comme la santé, l'éducation, la guerre et la paix, et les élections, sont entièrement exclus.



Marche à Louisville, au Kentucky, en hommage à Breonna Taylor, et déplacement de son monument commémoratif à un lieu plus permanent, le 7 novembre 2020

(Photos : I. McCullough)

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Les efforts futiles pour amener les factions dominantes à s'unir et à coopérer


Pancartes ajoutées sur la clôture entourant la Maison-Blanche, le 13 novembre 2020.

Dans son discours de victoire du 7 novembre et pendant sa campagne, Joe Biden a dit qu'il est temps que les factions dominantes s'unissent et coopèrent. Il a déclaré que cela est nécessaire pour préserver l'Union.

Plus les querelles entre les factions qui composent la classe dominante aux États-Unis sont acrimonieuses, plus le discours sur l'unité sonne creux. L'élection contestée et les nombreux conflits qui existent au sein et entre la présidence, les forces armées, le gouvernements fédéral et les gouvernements des États sont tous le reflet des conflits intenses qui font rage parmi les oligarques dominants. Les craintes que ces conflits n'éclatent en une guerre civile violente sont de plus en plus fortes.

Le refus de Donald Trump de concéder sa défaite dans l'élection vient renforcer la possibilité que la contradiction dégénère en violence ouverte. De plus, il est en train d'apporter des changements à son cabinet qui indiquent qu'il est prêt à recourir à des moyens violents pour réprimer l'opposition. Cette violence serait d'abord vraisemblablement dirigée contre le peuple. Les syndicats qui représentent plus de 600 000 travailleurs du pays, dont des enseignants, des travailleurs de la santé, des agents de bord, des travailleurs de l'automobile et de plusieurs autres secteurs ont appelé à la grève générale. Les cercles dirigeants ont une peur mortelle de voir les travailleurs s'unir et rejeter ensemble le rôle qui leur a été assigné dans lequel ils ne sont pas considérés comme des citoyens qui décident de la direction de l'économie et de la politique, mais comme des « consommateurs », des « producteurs », des « clients », des « gens qui votent », des noirs », des « blancs », des « délinquants » pour empêcher qu'ils s'imposent comme une force sociale dans la vie politique du pays. Face à la lutte du peuple pour s'investir du pouvoir, Joe Biden demande aux factions de s'unir et d'isoler Donald Trump à tel point qu'il sera forcé de concéder.

Une forme que prend cette lutte est le refus de Donald Trump de laisser le processus de transition habituel se dérouler. La transition requiert que l'Administration des services généraux (GSA) « détermine » que l'élection a produit un clair vainqueur. La GSA est censée être un organisme « non partisan » au sein du Bureau de l'exécutif mais, jusqu'à présent, elle refuse de déterminer que Joe Biden a été élu, et, conséquemment, de mettre à sa disposition les ressources dont le président élu a besoin pour procéder à la transition et « partir à plein régime » au moment de l'investiture. Des millions de dollars sont retenus, lesquelles comprennent non seulement de l'argent pour payer le personnel et la location des bureaux, mais également l'accès aux briefings du renseignement, les appels sécurisés aux dirigeants étrangers, les vérifications de sécurité pour les hauts fonctionnaires. Les forces liées à Joe Biden insistent pour que la GSA coopère et Donald Trump, jusqu'à maintenant, a réussi à empêcher que cela se produise. Une poursuite judiciaire de Joe Biden est envisagée.

L'effort principal comprend celui de Joe Biden pour accaparer les rênes du pouvoir que fournit la présidence. C'est fait sur un ton de menace, comme si un manque de préparation de Joe Biden est une menace à la sécurité nationale. « La sécurité nationale des États-Unis et leurs intérêts économiques requièrent que le gouvernement fédéral indique clairement et rapidement que le gouvernement des États-Unis respectera la volonté du peuple des États-Unis et s'engagera dans un transfert de pouvoir harmonieux et pacifique », a dit l'équipe de Joe Biden.

Comme ce fut le cas tout au long du processus électoral, la préoccupation au sujet d'une « transition pacifique » reflète l'intensité des conflits et le fait que les cercles dirigeants reconnaissent le potentiel de violence qui existe dans leurs rangs et contre le peuple qui menace l'Union et le maintien de leur pouvoir.

Des républicains, dont des fidèles de Donald Trump comme Lindsey Graham, le sénateur de longue date de la Caroline du Sud qui est le président de la Commission judiciaire du Sénat depuis 2019, déclarent maintenant que Joe Biden devrait recevoir les briefings du renseignement et qu'on doit procéder à la transition pendant que les poursuites judiciaires de contestation des résultats des élections sont traitées. « Je crois qu'il devrait avoir accès à l'information [...] Je pense que cela fait partie de la transition. Et s'il gagne en fin de cause, je pense qu'ils doivent être capables de se mettre à pied d'oeuvre immédiatement », a dit le sénateur républicain du Texas, John Cornyn, un membre du Comité du Sénat sur le renseignement.

D'autres sénateurs républicains ont fait des commentaires similaires, comme Chuck Grassley de l'Iowa, Mike Rounds du Dakota du Sud, James Lankford de l'Oklahoma, Ron Johnson du Wisconsin et les deux sénateurs du Missouri, Roy Blunt et Josh Howley.

Joe Biden appelle à l'unité dans son discours de victoire

Dans son discours de victoire, Joe Biden a répété ses appels à l'unité, qui est dirigé contre les factions rivales parmi les cercles dirigeants. Faisant écho à l'ancien président Barack Obama, il a dit : « Je promets d'être un président qui ne cherche pas à diviser mais à unifier, qui ne voit pas d'États rouges et d'États bleus, mais ne voit que les États-Unis. » La référence aux États rouges ou bleus est une référence à la division entre les démocrates et les républicains. La référence n'est pas au peuple mais aux factions. La préoccupation est envers l'Union, les États-Unis, qui pourrait se fracturer.

Le thème fondamental revient. « Le refus des démocrates et des républicains de coopérer les uns avec les autres n'est pas une force mystérieuse hors de notre contrôle, mais une décision, un choix que nous faisons. Si nous pouvons décider de ne pas coopérer, nous pouvons aussi décider de coopérer. » Il a ajouté : « Il est temps de laisser de côté les rhétoriques abrasives, de faire baisser la température, de se voir les uns les autres de nouveau, de s'écouter les uns les autres. Pour aller de l'avant, nous devons arrêter de traiter nos adversaires comme nos ennemis. Ils ne sont pas nos ennemis. Ils sont des Américains. »

Joe Biden suggère qu'il a un mandat du peuple lorsqu'il dit qu'« ils veulent que nous coopérions dans son intérêt, et c'est ce choix que je vais faire. Je vais demander au Congrès, aux démocrates comme aux républicains, de faire ce choix avec moi. » Il ajoute : « Nous sommes les États-Unis d'Amérique. Il n'y a jamais rien eu, jamais rien eu, que nous n'avons pas été capables d'accomplir quand nous l'avons fait ensemble. »

L'accent est mis sur le fait que pour maintenir leur position en tant que superpuissance et « nation indispensable », les États-Unis doivent demeurer unis.

Ce ne sont pas les gens de ce pays qui se décrivent comme des ennemis et qui refusent de coopérer. Au contraire, la prise de position dans le pays de tout faire pour s'aider les uns les autres face à la COVID-19 et de fournir les soins malgré le manque de protection, les plus de 20 millions de personnes qui ensemble revendiquent l'égalité et la justice et la fin des morts aux mains de la police sur une base raciste et les millions d'autres qui les appuient, les millions qui se sont dressés contre la séparation des enfants de leurs parents à la frontière, tout cela montre la lutte unie du peuple pour une direction différente du pays. Tandis que plusieurs se réjouissent de la défaite de Donald Trump, la plupart, comme les infirmières et les enseignants, sont aussi engagés dans la poursuite de la lutte pour les droits. Leurs efforts unis visent à donner une nouvelle direction à la politique et à l'économie, une direction qui favorise les intérêts du peuple en plaçant leurs droits au coeur de tout.

Voice of Revolution est une publication de l'Organisation marxiste-léniniste des États-Unis.

(Photos : A. Cole, Popular Mobilization Portland, California Nurses Assn)

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L'écran magique de CNN et des autres

La contradiction entre les forces productives modernes et les relations de production désuètes et comment elle se reflète politiquement était manifeste le soir des élections

Les principaux réseaux de télévision aux États-Unis ont tout mis en oeuvre le soir des élections pour enlever toute vie aux Américains et réduire leur cerveau en purée. Dans l'ensemble, les animateurs des réseaux ont parlé à des écrans et les « écrans magiques » ont répondu avec une régularité asphyxiante.

John King de CNN a parlé inlassablement et avec passion à son « écran magique », lui disant doucement par moments : « Comme c'est amusant. »

Bill Hemmer de Fox News avait ce qu'il appelait, sourire en coin, son « tableau d'affichage ». Lorsque quelqu'un a demandé à Bill s'il avait la moindre idée de ce que représentaient les petits carrés rouges et bleus sur son « tableau d'affichage » et ce qu'ils signifiaient, il a répondu en toute candeur : « Non, je les consulte à partir du télésouffleur qui est là. »

Steve Kornacki de MSNBC avait un écran presque identique, mais avec un nom plus terre à terre : « carte tactile interactive ». Steve a tenté de susciter de l'enthousiasme en gazouillant au préalable : « En chemin pour le studio et je ne repars pas sans qu'il y ait un résultat. Notre suivi en direct commence à 18 h — en espérant que vous serez des nôtres ! »

Chuck Todd de NBC News avait ce qu'il a simplement appelé la Carte de NBC News. Il y a eu un moment plutôt mémorable lorsque Todd a interprété la « Carte ». Pointant vers un carré, il a dit : « Si Biden tire de l'arrière, c'est ici qu'il va trouver les votes qu'il aurait dû recevoir pour l'emporter. » Malheureusement, personne de son entourage n'a pu interpréter l'interprétation de Todd sur ce que disait la « Carte ».

Pour Anthony Salvanto de CBS News, l'écran était un « tableau magique ». Un commentateur de l'émission Variety, au sujet de Salvanto, a observé « son intense concentration pendant ses présences au tableau magique, analysant dans les moindres détails les tendances démographiques et de participation en passant chaque État au peigne fin. D'une main, Salvanto empoigne des notes enroulées tandis que de l'autre il navigue sur le tableau magique et ses nombreux écrans tactiles. Peu après 21 h, heure normale de l'Est, il souligne la tendance évidente et claire que, dans l'État clé de la Caroline du Nord, les électeurs qui sont allés voter mardi étaient favorables à Trump par 69 contre 30, comparativement à une tendance de 53 contre 46 en faveur de Joe Biden parmi ceux qui ont voté avant le jour du scrutin. 'Cet écart définit cette course autant que la géographie peut le faire', a dit Salvanto à ses auditeurs ». Sans doute Salvanto a-t-il pu faire cette profonde observation grâce à son doctorat en sciences politiques obtenu à l'Université de la Californie à Irvine.

C'est Tom Llamas qui manipulait l'« écran » à ABC News. Aux nouvelles, on a louangé Llamas pour son approche modérée de l'« écran ». Avant de commenter chaque segment de l'« écran », il lançait un avertissement avant d'annoncer des résultats dans telle partie du pays, « Nous voulons nous assurer d'avoir un bon échantillonnage ».

Le commentateur canadien John Doyle, dans un article du Globe and Mail, écrit à quel point il n'a pas été impressionné. Dans son article, « La nuit des abrutis qui déblatèrent : l'échec des nouvelles télévisées américaines le soir des élections », il se lamente : « Autant parler aux murs...Avec tous leurs menus détails de gars intellos sur les tendances des votes dans des comtés obscurs, aucun n'a pu expliquer ce qui se passait vraiment. Après 10 heures, vous n'avez le goût que de souhaiter que la pire des malédictions s'abatte sur leurs maisons et leurs écrans. »

Lorsque la vague bleu démocrate telle que prévue par les sondages n'a pas été au rendez-vous et, aux petites heures du matin, lorsque la course était encore trop serrée pour faire des prédictions, Doyle écrit : « Un climat de perplexité et de désespoir a envahi les émissions électorales. Lorsqu'ils ont constaté, de façon inattendue, que les résultats étaient serrés, les animateurs et les commentateurs se sont sentis dépassés par les évènements. Ils l'étaient. Par conséquent, suivre les résultats des élections présidentielles américaines à la télé, c'était comme se faire administrer un anesthésique local — aucun 'high', seulement l'engourdissement. »

Doyle et les autres devraient prendre du recul et réfléchir sur ce à quoi ils viennent d'assister. L'« écran magique » et l'intelligence artificielle (IA) et les autres forces productives modernes ont fait progresser le monde au point où les peuples et leurs collectifs peuvent, dans les faits, exercer un contrôle sur leur vie. Nous pouvons nous nourrir, nous vêtir, nous instruire et nous loger sans l'interférence de despotes. Nous pouvons organiser le travail pour avoir le temps de participer à la politique, à l'éducation, à la culture, aux loisirs et de généralement nous élever en tant qu'êtres humains et société et exercer un contrôle sur nos vies, notre économie et la politique.

Le problème n'est pas l'écran magique, ni les abrutis qui déblatèrent, mais les formes économiques et politiques qui nous retiennent dans une époque depuis longtemps révolue, lorsqu'il n'y avait ni intelligence artificielle ni écrans magiques. Les conditions concrètes des forces productives sont devant nos yeux et offrent au peuple un grand potentiel pour l'avenir, mais les relations de production désuètes doivent être changées pour qu'elles soient au diapason de ces forces avancées.

Que nous dit présentement l'ensemble des relations humaines, surtout sur le pouvoir politique ? Que disent les relations humaines sur comment nous devrions organiser et harmoniser nos relations les uns avec les autres, nos collectifs, notre travail et les forces productives modernes et la nature ?

Le peuple doit continuer de se battre pour ce qui lui revient de droit. Il doit saisir l'occasion et s'organiser lui-même en un puissant contingent d'individus et de collectifs pour concevoir ce que sera le Nouveau. Les êtres humains ont toujours su comment engendrer les formes sociales et politiques correspondant aux conditions des forces productives et à ce que révèle l'ensemble de toutes les relations entre les humains et entre les humains et la nature.

À ce moment de l'histoire, le peuple a l'occasion de le faire consciemment, de créer l'histoire avec un plan et une prévoyance capable de mettre nos relations de production au diapason des incroyables forces productives que nous avons développées, pour harmoniser nos relations sociales les uns avec les autres et avec nos collectifs et avec la nature.

La couverture électorale américaine a clairement montré que les points de référence et d'ancrage du passé s'agitent dans toutes les directions et sont sans repères. Ce n'est pas joli à voir.

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La Bolivie

Le nouveau président et le nouveau
vice-président entrent en fonction


Le président Luis Arce et le vice-président David Choquehuanca sont assermentés pour un mandat de cinq ans, le 8 novembre 2020.

Le dimanche 8 novembre, le président Luis Arce et le vice-président David Choquehuanca ont été officiellement assermentés pour un mandat de cinq ans, complétant ainsi la passation du pouvoir du « gouvernement transitionnel » imposé à la Bolivie par le coup d'État militaire appuyé par les États-Unis l'an dernier. Le président Arce et son colistier du Mouvement pour le socialisme – Instrument politique pour la souveraineté des peuples (MAS-IPSP) ont été élus le 18 octobre par une majorité écrasante de plus de 55 %. Les députés et les sénateurs qui forment les deux chambres de l'Assemblée législative plurinationale, où le MAS-IPSP a la majorité des sièges, ont été assermentés plus tôt. Près de 52 % des membres de la nouvelle législature sont des femmes, un des pourcentages les plus élevés au monde.

Deux jours avant leur assermentation officielle, le vendredi 6 novembre à l'aube, Luis Arce et David Choquehuanca ont participé à une cérémonie autochtone sur le site des ruines de la ville précolombienne de Tiwanaku, le plus important site archéologique et cérémonial de la Bolivie. À cet endroit, ils ont symboliquement assumé la gouvernance de la Bolivie en acceptant le bâton de commandement du pouvoir d'Amautas (les Sages autochtones) et se sont engagés à gouverner pour la paix, l'unité et la prospérité, promettant de ne jamais trahir la confiance du peuple. Un rituel semblable a été célébré avec eux à La Paz, le matin de leur assermentation, dirigé par le Conseil national des Amautas, qui ont demandé à Pachamama (la Terre Mère) la permission de montrer le bon chemin à suivre pour ce mandat présidentiel.


Une cérémonie autochtone pendant laquelle le nouveau président et vice-président assument symboliquement la gouvernance de la Bolivie, le 6 novembre 2020
 Assermentation des sénateurs du MAS

La journée précédant l'inauguration officielle, des membres des syndicats et des nombreux mouvements sociaux organisés qui constituent la base du MAS, y compris des groupes de jeunes, ont monté la garde autour du Square Murillo où sont situés les édifices gouvernementaux, y passant la nuit. Les forces populaires n'avaient aucunement l'intention de confier la protection du pouvoir pour lequel elles ont lutté, ni la sécurité de leur nouveau gouvernement, à quiconque qu'à elles-mêmes, surtout avant que la passation du pouvoir ne soit officiellement terminée. Le souvenir est encore très présent de la trahison du pays par la police et l'armée, qui ont joué un rôle clé dans la victoire du coup de l'année dernière et dans les massacres perpétrés contre le peuple. Il était important que le peuple défende sa victoire électorale, d'autant plus qu'à peine quelques jours plus tôt, des éléments récalcitrants des forces réactionnaires du coup, refusant d'accepter leur défaite électorale humiliante, ont réussi à perpétrer une attaque terroriste à la dynamite devant le quartier général du MAS alors que Luis Arce était en réunion à l'intérieur avec d'autres personnes. Outre cet incident, il y a eu aussi le meurtre le mois dernier d'un jeune dirigeant militant et populaire des mineurs, Orlando Gutierrez, qui a succombé à ses blessures à la tête à l'hôpital à la suite d'une attaque organisée présumément par un gang de ces éléments réactionnaires.

Grâce à la vigilance du peuple organisé, les évènements officiels et les célébrations de dimanche se sont bien déroulés, avec la participation de dizaines de milliers de personnes venues des quatre coins du pays pour célébrer avec fierté la victoire réalisée en s'unissant dans l'action pour se débarrasser du gouvernement du coup tant détesté de cette oligarchie raciste. Cette oligarchie cherchait à détruire les acquis des dernières 14 années, y compris le système de santé public du pays, avec des conséquences désastreuses. Dans les célébrations de leur capacité à restaurer le pouvoir démocratique en un si court laps de temps, et de leur réponse tranchée aux forces impérialistes qui ont tramé le coup, les Boliviens patriotiques ont été salués par plusieurs à l'échelle internationale, y compris au Canada et au Québec. Les peuples du monde leur transmettent leurs meilleurs souhaits alors qu'ils relèvent le défi de défendre ce qu'ils ont accompli.

(Photos : Kawshachum News, L. Arce, O. Vargas)

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Evo Morales de retour en Bolivie, accueilli par des millions de personnes


Evo Morales et l'ancien vice-président Álvaro García Linera sont accueillis dans la ville frontalière de Villazón, alors qu'ils traversent la Bolivie à partir de l'Argentine,
le 9 novembre 2020.

Nous retournerons et nous serons des millions !

-Déclaration du légendaire combattant pour l'indépendance Amayra,
Tupac Katari, avant d'être tué par ses bourreaux espagnols en 1781

Le matin du lundi 9 novembre, une foule s'est rassemblée dans la ville frontalière de Villazon dans le sud de la Bolivie pour souhaiter la bienvenue à Evo Morales et à l'ancien vice-président, Alvaro Garcia Linera, lorsqu'ils sont arrivés en Bolivie à partir de l'Argentine où les deux étaient réfugiés pendant presque un an. De nombreuses personnes ont voyagé 16 heures la nuit, après avoir assisté, la veille, à l'investiture du président Luis Arce et du vice-président David Choquehuanca à La Paz, pour venir célébrer le retour tant attendu d'Evo en Bolivie.


Le président Alberto Fernández fait ses adieux à Evo Morales à La Quiaca en Argentine, avant de franchir la frontière bolivienne avec lui, le 9 novembre 2020. 

Avant de traverser la frontière, Evo a été honoré lors d'un grand événement d'adieu dans la ville voisine de La Quiaca, dans la province de Jujuy, en Argentine. À cet événement, le président argentin Alberto Fernandez lui a fait ses adieux en disant: « J'ai été honoré de vous avoir accueilli parmi nous ». Les deux hommes se sont embrassés et ont marché ensemble sur le pont international de Villazon pour traverser en Bolivie. 

Là, après avoir reçu les bénédictions autochtones traditionnelles, Evo et Alvares ont été accueillis par une foule en liesse qui a rempli la place publique et les rues adjacentes de plusieurs quartiers. On pouvait reconnaître les délégations de mineurs par leurs casques de protection. Des membres de différentes nations autochtones jouaient des instruments de musique traditionnels et dansaient dans la rue – contribuant à l'ambiance festive. Le rassemblement à Villazon a été le point de départ d'une caravane de véhicules qui mènerait Evo, Alvaro et des centaines de partisans dans trois départements, d'abord dans le sud de la Bolivie, pour arriver deux jours plus tard dans le tropique de Cochabamba, au coeur du pays.

Dans son discours à Villazon, Evo a dit que c'était grâce aux actions du peuple bolivien pour sauver sa démocratie et son pays qu'aujourd'hui le MAS était de retour au gouvernement et lui-même de retour en Bolivie. C'est un message qu'il répétera à maintes reprises devant les dizaines de milliers de personnes venues participer aux rassemblements dans les villages et les villes au passage de la caravane lors de son voyage de 1100 kilomètres à travers les départements de Potosi et d'Oruro, avant d'arriver dans le tropique de Cochabamba, la dernière étape de la caravane. Là, à Chimoré, la ville où Evo prévoit vivre et travailler dans la période à venir, comme il l'avait fait avant de devenir président, un million de personnes sont venues célébrer son arrivée. 

Evo et Alvaro ont été fêtés par des célébrations politico-culturelles dans des petits et grands centres de population le long de leur trajet où les gens ont affirmé les riches traditions ancestrales de leurs régions ainsi que leurs droits aujourd'hui. Ces fêtes ont eu lieu dans les villes minières d'Atocha, d'Uyuni et d'Oruro, dans la région des cultivateurs de quinoa de l'altiplano bolivien et dans celle des basses-terres tropicales de Cochabamba. Entre chaque arrêt, Evo et Alvaro sont descendus de leur voiture à de nombreuses reprises, car les villageois rassemblés le long de l'autoroute, agitant leurs wiphalas et autres drapeaux, demandaient à exprimer personnellement leur appui et leur joie au retour de l'ancien président, à prendre des selfies avec lui et à lui offrir en cadeau des mets et des produits agricoles cultivés dans leurs champs et dans leurs jardins.


Evo Morales et Alvaro García Linera sont accueillis par les mineurs à Antocha,
le 9 novembre 2020.

Dans un discours à un rassemblement à minuit à Uyuni, où se trouve le plus grand dépôt salin au monde et des mines de lithium, Evo a dit que le coup de l'an dernier n'était pas que l'acte des forces de la droite bolivienne, mais qu'il avait été appuyé, dirigé et financé par les États-Unis pour empêcher le processus de changement de l'économie bolivienne. « Ils ne veulent pas nous laisser bénéficier de la valeur ajoutée de nos ressources ni qu'on puisse obtenir la technologie requise pour les transformer », a-t-il dit.

L'industrie bolivienne de lithium a été pratiquement paralysée par le gouvernement du coup lorsque ses tentatives de la vendre à des intérêts étrangers privés n'ont pas fonctionné. Luis Arce a toujours déclaré qu'un gouvernement du MAS réactivera cette industrie et élaborera de nouveaux plans visant à transformer plus que jamais ce minerai stratégique en un projet national. Evo l'a réitéré et a déclaré que « la nationalisation est le programme du peuple; la privatisation est le programme des pillards qui veulent continuer de piller nos ressources naturelles ». Il a dit que cette lutte n'était pas que celle de la Bolivie, mais de toute l'humanité et qu'au coeur de cette lutte était la question à savoir qui contrôlera les ressources de la terre, disant à la fin de son intervention : « Longue vie à une Bolivie digne et souveraine ! »


Des paysans rassemblés le long de la route de la caravane d'Evo Morales,
le 10 novembre 2020.


Evo Morales visite la maison de son enfance à Orinoca, Oruro (à gauche) : Morales reçoit des cadeaux, le 10 novembre 2020.

Un rassemblement d'un million de personnes pour accueillir Evo dans le tropique de Cochabamba

Evo Morales et Alvaro García Linera au rassemblement de Chimoré, le 11 novembre 2020.

Lorsque la caravane est arrivée à destination à Chimoré, il y avait une mer de monde à perte de vue remplissant le tarmac de l'aéroport de la ville, l'endroit même où, l'année précédente, Evo et Alvaro s'étaient envolés vers le Mexique après avoir accepté l'offre de ce gouvernement de s'y réfugier.

L'événement a été organisé par les Six Fédérations du tropique de Cochabamba, le Syndicat des cultivateurs de coca dont Evo est toujours le président. Étaient présents des Boliviens de tous les horizons ainsi que des ministres et des élus de la nouvelle Assemblée législative plurinationale, d'autres représentants de tous les niveaux de gouvernement, des dirigeants autochtones et des membres du Pacte de l'Unité des syndicats et des mouvements sociaux qui ont travaillé à l'élection de Luis Arce et David Choquehuanca et plusieurs autres qui sont venus des quatre coins de la Bolivie, mais aussi des pays voisins dont l'Équateur, le Pérou, l'Argentine et d'autres, pour faire partie de ce qui s'annonçait un événement historique, ce qu'il fut.

Dans son discours, Evo a expliqué les circonstances qui l'avaient poussé, lui et Alvaro, à décider de quitter le pays – en particulier le fait que la haute direction de la police et de l'armée avait été soudoyée et était responsable de la mutinerie à laquelle ces forces ont participé. Il a remercié les milliers de travailleurs du Tropico qui avaient encerclé l'aéroport pour que l'avion les transportant au Mexique puisse s'envoler dans la situation tendue qui régnait et a dit qu'il ne s'était jamais senti abandonné durant son exil à l'extérieur de la Bolivie.

Il a dit que si le coup avait été vaincu en seulement un an, c'était grâce à la force, l'unité et les convictions du peuple bolivien, et que c'était aussi grâce à lui que les forces de la droite n'avaient pu empêcher Luis Arce d'entrer en fonction, bien qu'elles aient essayé de le faire jusqu'à la veille de l'investiture. Il a rappelé que la lutte devait se poursuivre.

« Aujourd'hui », a-t-il dit comme mot de la fin, « ce n'est pas une question d'être progressiste, populiste ou solidaire...si vous n'êtes pas anti-impérialistes, vous n'êtes pas révolutionnaires... C'est tout ! »

Le rassemblement a pris fin avec le discours galvanisant d'Alvaro Garcia Linera qui a rendu hommage à Evo et à ce qu'il représentait pour le peuple bolivien, en particulier pour les peuples autochtones, les campesinos, les travailleurs et toutes les autres gens du peuple qui, après 500 ans d'asservissement, se sont tenus debout pour ne jamais plus courber l'échine. Il a dit qu'Evo et lui continueraient de lutter pour la cause tout au long de leur vie peu importe les efforts des usurpateurs racistes, qui avaient brûlé le wiphala, pour tenter de reprendre ce qu'ils avaient perdu aux mains du peuple bolivien.

Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) envoie ses félicitations et ses meilleurs voeux à Evo Morales, en cette heureuse occasion de son retour en Bolivie afin de poursuivre son travail dans ses nouvelles fonctions pour le processus de changement commencé il y a 14 ans visant à transformer la Bolivie. Des félicitations particulières au peuple bolivien, dont le courage, les convictions et la détermination face à une situation extrêmement difficile ont créé les conditions pour le retour du dirigeant historique et fondateur du MAS-IPSP en Bolivie. Grâce à ses efforts, le peuple a riposté de façon cinglante aux forces criminelles du coup, dont plusieurs s'empressent maintenant de fuir la Bolivie, et à leurs alliés internationaux – dont l'ingérence du gouvernement canadien fait partie.

Voir les clips vidéo du retour d'Evo Morales en Bolivie :

- Rassemblement de minuit avec les mineurs à Uyuni, Potosí  

- Les campesinos autochtones saluent le retour d'Evo lors du passage de la caravane à Potosí 

- Vue aérienne de la foule lors du rassemblement de Chimoré dans le tropique de Cochabamba 

(Photos : MAS-IPSP, E. Morales, Resumen Latinamericano, teleSUR, ajplus.)

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Le nouveau président et le nouveau vice-président s'adressent au peuple bolivien


Discours d'investiture du président Luis Arce, le 8 novembre 2020

LML publie à titre d'information pour ses lecteurs des traductions non officielles du discours inaugural du président Luis Arce et du discours du vice-président David Choquehuanca livrés à l'Assemblée législative plurinationale le 8 novembre 2020. Des liens vers la vidéo des discours en espagnol sont aussi disponibles à la fin du texte.

Discours d'investiture du président de l'État plurinational de Bolivie
Luis Arce

Honneur et gloire à nos ancêtres qui nous ont toujours accompagnés !

Honneur et gloire à tous nos martyrs de la libération !

Honneur et gloire à ceux qui ont donné leur vie à Senkata, Sacaba, El Pedregal !

Honneur et gloire aux héros du peuple qui ont rétabli la démocratie !

Salutations au peuple bolivien, au frère vice-président de l'État plurinational de Bolivie et au président de l'Assemblée législative plurinationale, frère, jilata David Choquehuanca.

Aux frères, le roi Felipe VI d'Espagne, Felipe de Borbon et Grecia; le président de la République d'Argentine, Alberto Fernández; le président de la République du Paraguay, Mario Abdo Benítez; le président de la République de Colombie, Ivan Duque Marquez; le président du Conseil des ministres du Pérou, Walter Roger Martos Ruiz; le deuxième vice-président de l'Espagne, M. Pablo Iglesias.

Aux ministres des Affaires étrangères de la République islamique d'Iran, de la République orientale de l'Uruguay, de la République bolivarienne du Venezuela et de la République du Chili, Almuhamed Al Jasmi, délégué de Son Altesse, le cheikh Khalifa bin Zayed bin Sultan Al Nahayan, le président des Émirats arabes unis.

Aux parlementaires des pays frères, aux délégués officiels d'autres pays qui sont parmi nous aujourd'hui, aux secrétaires généraux de la CAN, Parlasur; au secrétaire général ibéro-américain; ALBA, à la Banque interaméricaine de développement; aux représentants d'organisations internationales, au corps diplomatique accrédité en Bolivie; aux observateurs électoraux; au président du Sénat; au président de la Chambre des députés; à tous les sénateurs et députés.

Autorités nationales et infranationales de l'État plurinational de Bolivie; autorités des organes de l'État; haut commandement militaire et policier; anciens présidents démocratiques; autorités religieuses et spirituelles.

Dirigeants d'organisations sociales, paysannes, autochtones et ouvrières; représentants des partis politiques, des dirigeants et des membres du Mouvement vers le socialisme  Instrument politique pour la souveraineté des peuples.

Salutations à la famille de notre frère, jilata David Choquehuanca, et salutations très spéciales à ma famille  à ma mère Olga, mon épouse, Lourdes, mes enfants : Marcelo, Rafael, Camila.

Mes petits-enfants et toute ma famille, que je remercie aujourd'hui de cette tribune pour toute leur patience et leur soutien.

Pendant les années où j'ai été ministre de l'Économie et des Finances publiques, j'ai sacrifié de nombreuses années avec vous, pour me consacrer au service de notre pays et, aujourd'hui, je vous demande encore cinq ans de patience et de tolérance.

Le gouvernement de facto

Je salue avec beaucoup d'affection toutes les femmes et tous les hommes boliviens qui nous accompagnent en ce jour historique pour le peuple bolivien.

Au 10 novembre 2019, après 21 jours où la volonté populaire exprimée dans les urnes a été cachée et où ils ont trouvé un gagnant, la Bolivie était le théâtre d'une guerre interne et systématique contre le peuple, en particulier contre les plus humbles.

Les deux tâches que s'est donné le gouvernement de facto : la pacification du pays et le déclenchement immédiat des élections n'ont pas été accomplies, bien au contraire. La mort, la peur et la discrimination ont été semées, le racisme s'est intensifié et la pandémie a été utilisée pour étendre un gouvernement illégal et illégitime.

La persécution et la criminalisation déclenchées par le régime contre les dirigeants du MAS-IPSP et des mouvements sociaux, contre les humbles femmes et hommes du peuple, ont entraîné des morts, des sévices, des emprisonnements, des persécutions, l'asile et l'exil.

Sacaba, Senkata et El Pedregal sont une preuve irréfutable de la brutalité du régime, mais ils sont aussi un symbole de dignité et de résistance aux côtés d'hommes comme Carlos Orlando Gutierrez Luna, un grand dirigeant minier qui a bravement combattu pour le rétablissement de la démocratie et qui vivra toujours dans le coeur du peuple.

Mais, comme dirait Marcelo Quiroga Santa Cruz, ce dirigeant socialiste assassiné lors d'un autre coup d'État en 1980, ce n'est pas la haine qui anime nos actions, mais une passion pour la justice.

Une nouvelle étape

Ce 8 novembre 2020, nous entamons une nouvelle étape de notre histoire, et nous voulons le faire avec un gouvernement qui est de tous et pour tous, sans discrimination d'aucune sorte.

Notre gouvernement cherchera à tout moment à reconstruire notre patrie dans l'unité pour vivre en paix.

Sur cette voie, la démocratie est une valeur fondamentale des peuples et c'est celle qui exprime sans équivoque la volonté de la population et est aussi un axe organisateur de notre institutionnalité et de notre société.

La démocratie n'est pas seulement le vote pour élire les autorités à tous les niveaux, mais aussi des élections ouvertes et équitables. C'est la participation de tous et de toutes, sans l'exclusion de personne, encore plus des majorités culturelles sociales et nationales. C'est la protection des droits civils et politiques tels que la liberté d'expression et la liberté d'organisation. C'est le pluralisme politique.

Toutes ces exigences pour qualifier un système de démocratique ont été mutilées en un an de gouvernement de facto. Pendant des mois, leurs bouches ont été remplies de démocratie pour certains, tout en essayant d'illégaliser non seulement le MAS, mais le peuple dans son ensemble.

Depuis le rétablissement de la démocratie en Bolivie en 1982, qui était le produit de la lutte du peuple bolivien, jamais jusqu'à présent il n'y a eu la preuve d'une démocratie mutilée de son contenu central. Une immense majorité multinationale fait face au danger de la proscription, de la criminalisation et de la persécution.

Les mouvements sociaux, les paysans, les peuples autochtones et les travailleurs ont été stigmatisés. Nous étions appelés sauvages, séditieux, terroristes. Les femmes de polleras ont été humiliées, notre wiphala brûlé, ce qui est comme se brûler, comme brûler nos racines. De secteurs minoritaires de la population, comme cela a été évident lors des élections d'octobre dernier, ils ne voulaient une démocratie que pour quelques-uns.

En fait, ces secteurs minoritaires ne lèvent le drapeau de la démocratie que lorsque cela leur convient, et quand ce n'est pas le cas, ils recourent à la déstabilisation, à la violence et aux coups d'État pour s'emparer du pouvoir.

Malheureusement, certains groupes veulent revenir à une démocratie d'exclusion, qui mutile notre plurinationalité, à laquelle ne participent pas les majorités qui, avec l'effort de leur travail, rendent possible la Bolivie de tous les jours.

Cependant, malgré ces conditions défavorables, malgré le fait que la participation du peuple ait été menacée par la violence du gouvernement de facto et des groupes paramilitaires lors des élections du 18 octobre, nous avons obtenu une victoire historique aux urnes avec plus de 55 %.

« Nous sommes la majorité »

Nous sommes la majorité. Cela signifie que la population bolivienne a voté pour la paix et la stabilité, pour l'espoir et la dignité, pour la réunion de toutes les femmes et de tous les hommes boliviens.

Ce vote de 55,10 % n'appartient ni à Luis Arce ni à David Choquehuanca. Ce vote est le produit de la conscience et de l'organisation d'un peuple qui ne veut pas de liberté pour quelques-uns, mais pour tous.

C'est le vote d'un peuple qui ne veut pas du bien-être pour quelques-uns, mais pour tous; qui ne veut pas du bonheur pour quelques-uns, mais pour tous.

Nous assumons ce mandat que la population nous donne – le peuple – de travailler sans relâche et humblement pour la reconstruction de notre patrie, et nous nous engageons à rectifier ce qui n'allait pas et à renforcer ce qui était juste.

En octobre 2020, la démocratie interculturelle a triomphé, la démocratie qui permet la délibération et l'organisation d'en bas a triomphé, et la démocratie qui traduit cette volonté, cette force créatrice par le vote, a triomphé. Mais la démocratie est aussi la matérialisation des droits contenus dans notre Constitution politique de l'État.

Il est inutile d'élire les autorités en votant si, en même temps, les personnes à qui la démocratie est due sont privées de droits fondamentaux, tels que l'accès à la santé, à l'éducation, au travail, aux revenus et au logement.

La démocratie, c'est avoir le droit de jouir de la richesse qui est pour tout le monde et non pour quelques-uns, comme nous l'avons soutenu pendant 14 ans et que nous allons approfondir dans notre gouvernement : la redistribution des revenus. Les obligations iront toujours de pair avec notre politique économique.

Nous allons travailler ensemble pour retrouver les niveaux de croissance que le gouvernement de facto a brisés, et nous le ferons en réduisant la pauvreté, ainsi que les inégalités économiques et sociales. Ce sont les principes qui guident notre modèle socio-économique de communauté productive sur lequel nous reviendrons.

La « triple crise »

Aujourd'hui, notre pays fait face à une triple crise qui a débuté en novembre 2019 avec le coup d'État et s'est aggravée avec la pandémie.

La crise politique engendrée par un gouvernement qui n'est pas sorti des urnes ou qui n'a pas respecté les règlements de l'Assemblée législative plurinationale, encore moins son adhésion à la Constitution politique de l'État.

La crise sanitaire résultant de l'émergence de la pandémie mondiale de la COVID-19 en Bolivie et à laquelle le gouvernement de facto n'a pas été en mesure d'apporter une réponse globale adéquate.

La crise économique découle de l'incapacité du gouvernement à générer la stabilité et la croissance avec la justice sociale. En un an, tous les gains du peuple bolivien ont reculé.

Il y a ceux qui ont fait valoir que la situation actuelle est uniquement et exclusivement le produit de l'action de cet ennemi silencieux appelé COVID-19, mais vouloir blâmer la pandémie pour cette situation n'est pas juste. La crise se profile à l'horizon depuis le coup d'État, après le brusque changement de politique économique, et est exacerbée par les effets de la crise sanitaire.

Aujourd'hui notre économie nationale est plongée dans une profonde récession. Le PIB a récemment chuté de 11,1 %.

Selon les données publiées par l'Institut national de statistique, au deuxième trimestre de cette année, notre pays, qui a été au premier rang de la croissance économique en Amérique du Sud pendant six ans dans la période entre 2006 et novembre 2019, est passé au dernier rang sur le plan économique, son pire rendement depuis 40 ans. De la même façon, le déficit fiscal prévu en 2020 atteint 12,1 % et devient le déficit le plus élevé depuis la période de l'UDP [Union populaire démocratique]. Le déficit du secteur public financier en date de septembre atteint déjà 5,6 %.

Quant à la Trésorerie générale, son budget prévoit un déficit de 8,7 %, qui s'explique en partie par l'augmentation des dépenses courantes depuis le déficit courant du Trésor de l'administration actuelle qui est à 8,1 %. Ces chiffres montrent que seulement en un an de gestion économique par le gouvernement de facto, nous sommes passés d'une économie qui encourageait l'investissement public et la redistribution de revenu à la nécessité de contracter une dette publique pour payer les salaires du secteur public. Il y a eu une augmentation dramatique de la dette publique.

Entre novembre 2019 et octobre 2020, le gouvernement de transition a endetté le pays de plus de 4,2 milliards de dollars, compte tenu de la dette interne et externe. Notamment, il a contracté une dette envers la Banque centrale de la Bolivie d'un montant de près de 1,9 milliard et de 800 millions par des enchères publiques d'obligations du Trésor général. Pour ce qui est de la dette étrangère, les crédits étrangers encourus ont été de l'ordre de plus de 1,5 milliard. À la fin de l'année, ils ont prévu une dette additionnelle de 4,4 milliards de bolivars sur le marché domestique.

Les réserves internationales nettes ont chuté de 881 millions entre novembre 2019 et octobre 2020, une chute de près 13 % en date de novembre 2019.

Les réserves internationales totalisaient 6,459 milliards, et en date d'octobre de cette année, elles sont seulement de 5,578 milliards. Seulement pour le mois d'octobre, les réserves ont baissé de 777 millions.

Le gouvernement de facto laisse l'économie avec des chiffres qu'on ne voyait pas même pendant une des pires crises que la Bolivie a connues, sous le gouvernement UDP durant la décennie des années 1980 au siècle dernier. Le chômage, la pauvreté et les inégalités ont augmenté. Nous devons relever l'important défi de rebâtir notre économie, d'engendrer la stabilité et la croissance par la redistribution du revenu, de réduire les inégalités économiques et sociales, et nous sommes convaincus qu'en travaillant ensemble, avec le peuple, nous réussirons une fois de plus à surmonter l'adversité.

Un message d'espoir

Aujourd'hui, nous sommes ici pour livrer un message d'espoir à toutes les nations qui composent la Bolivie, à toutes ces femmes et hommes braves qui sortent tous les jours pour surmonter cette situation difficile. Ils sont un exemple pour la classe politique qui doit tourner cette triste page de son histoire, examiner le présent avec responsabilité et engagement et envisager l'avenir avec optimisme, tout en se concentrant sur un seul objectif : le bien-être de chaque Bolivien.

C'est pourquoi nous allons continuer de bâtir une économie plurielle et diversifiée qui reprend, consolide et encourage tout le potentiel que nous avons, les initiatives et les capacités de la Bolivie provenant de la communauté des peuples autochtones et des paysans, de l'État, du secteur privé, des coopératives et de la grande diversité culturelle.

Depuis des mois, nous préparons une série d'actions pour activer notre économie et stimuler l'économie interne. Nous avons de grands projets que nous allons lancer progressivement dans les mois qui viennent, respectant ainsi notre engagement électoral envers le peuple, parce que chaque jour qui passe sans que nous ne passions à l'action fait en sorte que la situation en Bolivie devient plus complexe.

Plus que jamais, notre pays aujourd'hui a besoin d'un effort et d'une mobilisation coordonnée entre la société civile et tous les organes de l'État, entre le secteur public et le secteur privé ainsi qu'entre les divers groupes politiques.

En dépit des différends, nous avons l'obligation d'être là pour le peuple, qui exige l'unité, la paix et la stabilité.

Il faut l'unité et la complémentarité entre l'est et l'ouest, entre la ville et la campagne. Nous sommes tous la Bolivie, nous devons mettre fin à la peur en Bolivie.

Je crois en la justice, et non dans l'entretien d'un environnement de hargne et de vengeance, qui ne respecte pas la diversité des opinions, où l'appartenance à un autre parti ou à une autre couleur politique fait de vous un objet de haine.

Cela doit cesser. Je crois en la consolidation et j'appuie la consolidation du cadre institutionnel de l'État, la création d'un environnement sécuritaire et stable, où les seuls qui devraient avoir peur sont les contrevenants, les criminels, les gens violents et ceux qui commettent des actes de corruption.

Notre gouvernement travaillera en étant axé sur le présent et l'avenir, au service du peuple bolivien, des intérêts collectifs et non des intérêts privés mesquins.

« Nous sommes une nation souveraine »

De cette tribune où la volonté démocratique de notre peuple est concentrée, je tiens aussi à m'adresser à la communauté internationale, aux soeurs et aux frères d'autres pays qui nous visitent aujourd'hui. Nous sommes une nation souveraine, avec un gouvernement né dans la boîte de scrutin et nous voulons oeuvrer à un monde multipolaire, dans lequel il n'y a pas la suprématie d'une puissance quelle qu'elle soit et dans lequel tous les États et tous les êtres humains vivent sans peur, sans guerres, sans haine, sans pillage de nos ressources naturelles, sans exploitation, sans racisme ni discrimination, sans menaces et sans aucune sorte de pression.

Aujourd'hui, nous embrassons plus que jamais les principes d'autodétermination des peuples, de non-ingérence, de non-alignement et d'entière égalité juridique et politique de tous les États sans aucune forme de subordination.

Nous nous engageons à oeuvrer à une intégration émancipatoire et sans subordination qui comprend toutes les sphères de la vie, que ce soit la santé, l'éducation ou les entreprises commerciales.

Nous exigeons l'intégration sud-sud dans un monde globalisé qui ne se laisse pas imposer des ambitions venant du nord.

Nous défendons l'unité politique de la diversité de l'Amérique latine et des Caraïbes. La CÉLAC est la meilleure façon d'atteindre une cause aussi noble et historique.

Nous adhérons une fois de plus à la résolution de 2014 de la CÉLAC, où nous avons déclaré l'Amérique latine et les Caraïbes une zone de paix.

Nous hissons la bannière de la diplomatie du peuple pour une vie et un monde sans murs. Nous devons mettre fin à tout ce qui nous empêche de nous reconnaître en tant qu'égaux, en tant que soeurs et frères.

Dans notre sous-région, nous proposons le rétablissement d'Unasur en tant qu'espace pour l'intégration et mécanisme de dialogue politique où nous participons tous, peu importe l'orientation politique de nos gouvernements.

« J'assume la présidence avec humilité »

Cher peuple bolivien, je suis devant vous tous aujourd'hui, rempli d'une grande émotion et d'un énorme sens des responsabilités qui vient de l'amour que j'ai pour mon pays, pour nos racines et pour le peuple, mais qui vient aussi des engagements pris avant cette campagne politique. C'est pourquoi je veux réaffirmer du haut de cette tribune mon engagement à honorer chacun de ces engagements.

J'assume la présidence de l'État plurinational de l'État de Bolivie avec grande humilité, avec un grand honneur et une profonde gratitude pour la confiance que vous nous avez accordée.

Nous gouvernerons avec responsabilité et inclusion, vous représentant tous, apportant les changements nécessaires pour que la Bolivie reprenne le chemin de la stabilité le plus tôt possible.

Aujourd'hui, nous relevons l'énorme défi d'écrire ensemble les mots qui définiront les cinq prochaines années de notre histoire, en espérant qu'on se souvienne de nous comme d'un gouvernement sous lequel le peuple bolivien s'est dressé pour retrouver la démocratie, la dignité, la paix, la croissance et la justice sociale.

Nous travaillerons inlassablement pour servir le peuple bolivarien. Nous vaincrons la pandémie, nous vaincrons la crise comme nous l'avons fait dans le passé, parce que nous sommes un peuple combatif, persévérant et courageux qui regarde de l'avant sans crainte, avec optimisme et avec la conviction d'être capable d'accomplir ces choses.

Lors de mes voyages partout en Bolivie, avec mon frère jilata David, j'ai ressenti la souffrance, mais aussi l'espoir de millions de Boliviens.

Je n'oublierai jamais les larmes, les étreintes, les sourires, les paroles de force qu'ils m'ont données en tout temps, ni les histoires personnelles qu'ils ont partagées avec moi à chaque endroit que j'ai visité.

Nous n'oublierons jamais les espoirs de ceux qui ont été tellement affectés dans cette année marquée par ce coup porté à la démocratie et par cette cruelle pandémie.

Leurs visages, leurs voix, leur amour et leur espoir seront toujours avec moi aujourd'hui et m'accompagneront en tout temps au cours des cinq prochaines années.

En vertu de votre mandat, chers soeurs et frères, j'assume avec grande humilité et responsabilité la présidence de l'État plurinational.

Je regarde le passé, tout ce que nous avons vécu et tout ce que nous avons surmonté. Je lève les yeux et je vois qu'une Bolivie meilleure est possible, grâce à la participation et au travail de tous les Boliviens.

Marchons en paix, ensemble, pour réaliser nos objectifs. Allons de l'avant !

Vive l'État plurinational de Bolivie !

Honneur et gloire au peuple bolivien !

Merci beaucoup.

Discours d'investiture du vice-président de l'État plurinational de Bolivie David Choquehuanca

Avec la permission de nos dieux, de nos frères aînés et de notre Pachamama, de nos ancêtres, de nos achachilas, avec la permission de notre Patuju, de notre arc-en-ciel, notre feuille de coca sacrée.

Avec la permission de nos peuples, avec la permission de tous ceux qui sont présents et absents dans cet hémicycle.

Aujourd'hui, permettez-moi de prendre quelques minutes afin de partager notre vision avec vous.

La communication, le dialogue est une obligation, c'est un principe du vivre bien.

Les peuples des cultures millénaires, ceux de la culture de la vie, avons conservé nos origines depuis la nuit des temps.

Nous, les enfants, avons hérité d'une ancienne culture qui comprend que tout est lié, sans division ni exclusion.

C'est la raison pour laquelle on nous a dit de nous unir, d'aller ensemble, sans laisser tomber personne, pour que tout le monde ait tout et que personne ne manque de rien.

Le bien-être collectif est le bien-être individuel, aider nous aide à grandir et à être heureux, renoncer à quelque chose au profit de son prochain nous renforce. S'unir et se reconnaître dans le 'tout' est la voie du passé, du présent, de demain et de toujours, cette voie de laquelle nous ne nous sommes jamais éloignés.

L'ayni, la minka, la tumpa, notre colka et autres codes des cultures millénaires sont l'essence de nos vies, de notre ayllu.

Ayllu n'est pas uniquement l'organisation sociétale des êtres humains, ayllu est un système d'organisation de la vie, de tous les êtres vivants, de tout ce qui existe, de tout ce qui s'écoule, en équilibre avec notre planète ou notre mère, la terre.

Des siècles durant, les modèles de civilisation de Abya Yala ont été déstructurés et beaucoup d'entre eux exterminés, la pensée originelle a systématiquement été soumise à celle des colons.

Malgré tout cela, ils n'ont pas réussi à nous faire disparaître, nous sommes en vie, nous venons de Tiwanacu, nous sommes forts comme la pierre, nous sommes kalawawa , nous sommes cholke, sinchi, Rumy, nous sommes Jenecheru, le feu qui ne s'éteint jamais, nous venons de Samaipata, nous sommes le jaguar, nous sommes Katari, nous sommes les peuples Aïnous, Maoris, Comanches, Mayas, nous sommes Guaranis, Mapuches, Mojos, nous sommes Aymaras, Quechuas, Jokis et nous sommes tous les peuples faisant partie de la culture de la vie, qui avons réveillé notre larama, le même larama qu'autrefois, un rebelle empli de sagesse.

Une transition à tous les 2 000 ans

Aujourd'hui, la Bolivie et le monde vivent une transition qui se répète chaque 2 000 ans, le cycle des temps, nous passons de l'intemporel au temporel, amorçant une ère nouvelle, un autre Pachakuti dans notre histoire.

Un soleil nouveau et une nouvelle expression dans le langage de la vie, où l'empathie pour l'autre ou le bien collectif remplace l'individualisme égoïste, avec des Boliviens qui se considèrent tous égaux et conscients qu'ensemble nous sommes plus forts. Le temps est venu de retourner au Jiwasa, il ne s'agit pas du 'soi' mais du 'nous'.

Jiwasa représente la fin de l'égocentrisme, Jiwasa est la mort de l'anthropocentrisme et la fin de l'eurocentrisme.

Il est temps de redevenir Jisambae, ce code qui a protégé nos frères et soeurs Guaranis et également Jambae, un être qui n'a pas de maître, personne dans ce monde doit se sentir maître ou propriétaire de quiconque ou quoi que ce soit.

Depuis l'année 2006, nous avons entamé en Bolivie un travail exigeant dans le but de connecter nos racines individuelles et collectives pour redevenir nous-mêmes, nous recentrer, revenir à notre taypi, à la pacha, à l'équilibre qui laisse émerger la sagesse des civilisations les plus importantes de notre monde.

Nous sommes en plein processus de récupération de nos connaissances, des codes de la culture de la vie, des schémas de civilisation d'une société qui vivait en intime connexion avec le cosmos, la terre, la nature, la vie individuelle et collective, de construction de notre sumak kamaña, de notre sumajakalle, garantissant ainsi le bien-être individuel et commun.

Chachawarmi

Nous sommes en période de récupération de notre identité, notre racine culturelle, notre sapi, nous avons cela, nous avons une philosophie, une histoire, nous avons de tout, nous sommes des êtres humains et nous avons des droits.

Une des références inébranlables de notre civilisation est la sagesse héritée des connaissances liées à la terre, garantir l'équilibre en tout temps et espace. C'est savoir comment gérer toutes les énergies complémentaires, celle cosmique venant du ciel avec celle qui émerge du centre de la terre.

Ces deux forces telluriques interagissent en créant ce qu'on appelle la vie, un 'tout' composé de ce qui est visible, Pachamama et spirituel, Pachakama.

En appréhendant la vie du point de vue des énergies, nous avons la possibilité de modifier notre histoire, la matière et la vie, telle la convergence de la force chachawarmi, lorsque l'on se réfère à la complémentarité des opposés.

Les temps nouveaux que nous commençons seront soutenus par l'énergie de l'ayllu, la communauté, les consensus, l'horizontalité, les équilibres complémentaires et le bien commun.

Historiquement, on entend la révolution comme un acte politique pour changer la structure sociale pour ainsi transformer la vie de l'individu. Aucune des révolutions a réussi à modifier la conservation du pouvoir pour maintenir le contrôle sur les personnes.

« Notre révolution est une révolution des idées »

Il n'a pas été possible de changer la nature du pouvoir, cependant le pouvoir lui a réussi à déformer l'esprit des politiciens, il a pu les corrompre. Il est très difficile de modifier l'influence du pouvoir et de ses institutions, mais c'est un défi que nous relèverons avec la sagesse de nos peuples. Notre révolution est une révolution des idées, elle est une révolution des équilibres, car nous sommes convaincus que pour transformer la société, le gouvernement, la bureaucratie, les lois et le système politique, nous devons nous transformer en tant qu'individus.

Nous allons promouvoir les conjonctions avec l'opposition afin de chercher des solutions entre la gauche et la droite, la jeunesse rebelle et la sagesse des anciens, entre les limites de la science et la nature sans faille, les minorités créatives et les majorités traditionnelles, entre les malades et ceux qui ne le sont pas, les gouvernants et les gouvernés, entre leadership et don de soi pour servir les autres.

Notre vérité est très simple, le condor prend son envol à la seule condition que son aile droite soit en parfait équilibre avec son aile gauche. La tâche de nous former pour devenir des êtres équilibrés a été brutalement interrompue il y a des siècles de cela, nous n'avons pu la mener à bien, mais à présent l'heure de l'ère de l'ayllu, la communauté, est arrivée et est avec nous.

Cela implique que nous soyons des individus libres et équilibrés pour construire des relations harmonieuses avec les autres et notre entourage. Il est urgent que nous soyons des êtres aptes à maintenir les équilibres pour soi et la communauté.

Nous sommes à l'époque des frères de la apanaka pachakuti, nous ne luttions pas seulement pour nous, mais aussi pour eux et surtout pas contre eux, nous luttions pour obtenir un mandat, nous ne cherchions pas l'affrontement, au contraire, nous cherchions la paix. Nous n'appartenons pas à la culture de la guerre, ni de la domination, notre lutte vise toute tentative de soumission et combat la pensée unique coloniale, patriarcale, qu'elle vienne d'où elle vienne.

L'idée de la rencontre entre l'esprit et la matière, le ciel et la terre, Pachamama et Pachakama, nous permet de penser qu'une femme et un homme nouveau puissent guérir l'humanité, la planète et la sublime vie qui la compose, pour rendre la beauté à notre Terre Mère.

Nous défendrons les trésors sacrés de notre culture face à toute ingérence, nous défendrons nos peuples, nos ressources naturelles, nos libertés et nos droits.

« Nous retournerons à notre Kapak Ñan »

Nous retournerons à notre Kapak Ñan, le noble chemin vers l'unité, la voie du respect envers nos autorités, pour nos soeurs, le chemin du respect pour le feu, la pluie, le respect de nos montagnes, nos rivières, notre mère la terre, le chemin vers le respect de la souveraineté de nos peuples.

Frères et soeurs, pour conclure, les Boliviens doivent surmonter la division, la haine, le racisme, la discrimination entre compatriotes, finissons-en avec la persécution de la liberté d'expression et la judiciarisation de la politique.

Finissons-en avec l'abus de pouvoir, celui-ci doit être employé pour aider, le pouvoir doit circuler, comme l'économie, il doit être redistribué, il doit circuler, s'écouler, comme le sang s'écoule dans notre organisme. Plus d'impunité mais justice, frères et soeurs.

Mais la justice doit véritablement être indépendante, mettons un terme à l'intolérance, à l'humiliation et la violation des droits humains et de la Terre-Mère.

Le temps nouveau signifie être à l'écoute du message de nos peuples qui a été émis du fond de leurs coeurs, cela signifie guérir des blessures, nous regarder avec respect, récupérer la patrie, rêver ensemble, construire la fraternité, l'harmonie, l'intégration et l'espoir afin de garantir la paix et le bonheur des générations à venir.

C'est uniquement de cette manière que nous atteindrons le vivre bien et la gouvernance par nous-mêmes.

Vive la Bolivie ! Jallalla !

Pour la vidéo complète en espagnol du discours inaugural du président Luis Arce cliquer ici et celui du vice-président et président de l'Assemblée législative plurinationale, David Choquehuanca cliquer ici.

(Ministère de la Présidence, État plurinational de Bolivie (discours du président) et Gouvernement de l'État plurinational de Bolivie, 8 novembre 2020. Traduction du discours du vice-président de l'original en espagnol réalisée par Cristian Saavedra Salomon; source : Bolivar Infos)

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