Le nouveau président et le nouveau vice-président s'adressent au peuple bolivien
Discours d'investiture du président Luis Arce, le
8 novembre 2020
LML publie à titre d'information pour ses
lecteurs des
traductions non officielles du discours inaugural
du président
Luis Arce et du discours du vice-président David
Choquehuanca
livrés à l'Assemblée législative
plurinationale le 8 novembre 2020. Des
liens vers la
vidéo des discours en espagnol sont aussi
disponibles à
la fin du
texte.
Discours d'investiture
du président de l'État plurinational de
Bolivie
Luis Arce
Honneur
et gloire à nos ancêtres qui nous ont toujours
accompagnés !
Honneur et gloire à tous nos martyrs de la
libération !
Honneur et gloire à ceux qui ont donné leur vie à
Senkata, Sacaba, El Pedregal !
Honneur et gloire aux héros du peuple qui ont
rétabli la démocratie !
Salutations au peuple bolivien, au frère
vice-président de l'État plurinational de Bolivie
et au
président de l'Assemblée législative
plurinationale, frère, jilata David
Choquehuanca.
Aux frères, le roi Felipe VI d'Espagne, Felipe de
Borbon et
Grecia; le président de la République
d'Argentine,
Alberto Fernández; le président de la
République du Paraguay, Mario Abdo Benítez;
le
président de la République de Colombie, Ivan Duque
Marquez; le président du Conseil des
ministres du
Pérou,
Walter Roger Martos Ruiz; le deuxième
vice-président de l'Espagne, M. Pablo Iglesias.
Aux ministres des Affaires étrangères de la
République islamique d'Iran, de la République
orientale
de l'Uruguay, de la République bolivarienne du
Venezuela et de
la République du Chili, Almuhamed Al Jasmi,
délégué de Son Altesse, le cheikh Khalifa bin
Zayed bin Sultan Al Nahayan, le président des
Émirats
arabes unis.
Aux parlementaires des pays frères, aux
délégués officiels d'autres pays qui sont parmi
nous aujourd'hui, aux secrétaires généraux de la
CAN, Parlasur; au secrétaire général
ibéro-américain; ALBA, à la Banque
interaméricaine de développement; aux
représentants d'organisations internationales, au
corps
diplomatique
accrédité en Bolivie; aux observateurs
électoraux; au président du Sénat; au
président de la Chambre des députés;
à tous les sénateurs et députés.
Autorités nationales et infranationales de l'État
plurinational de Bolivie; autorités des
organes de
l'État; haut commandement militaire et
policier; anciens présidents démocratiques; autorités
religieuses et spirituelles.
Dirigeants d'organisations sociales, paysannes,
autochtones et
ouvrières; représentants des partis
politiques, des
dirigeants et des membres du Mouvement vers le
socialisme – Instrument
politique pour la souveraineté des peuples.
Salutations à la famille de notre frère, jilata
David Choquehuanca, et salutations très spéciales
à ma famille – à ma mère Olga, mon épouse,
Lourdes, mes enfants : Marcelo, Rafael,
Camila.
Mes petits-enfants et toute ma famille, que je
remercie aujourd'hui de cette tribune pour toute
leur patience et leur soutien.
Pendant les années où j'ai été ministre
de l'Économie et des Finances publiques, j'ai
sacrifié de
nombreuses années avec vous, pour me consacrer au
service de
notre pays et, aujourd'hui, je vous demande encore
cinq ans de patience
et de tolérance.
Le gouvernement de facto
Je salue avec beaucoup d'affection toutes les
femmes et tous les
hommes boliviens qui nous accompagnent en ce jour
historique pour le
peuple bolivien.
Au 10 novembre 2019, après 21
jours où
la volonté populaire exprimée dans les urnes a
été cachée et où ils ont trouvé un
gagnant, la Bolivie était le théâtre d'une guerre
interne et systématique contre le peuple, en
particulier contre
les plus humbles.
Les deux tâches que s'est donné le gouvernement
de
facto : la pacification du pays et le
déclenchement
immédiat des élections n'ont pas été
accomplies, bien au contraire. La mort, la peur et
la discrimination
ont été semées, le racisme s'est intensifié
et la pandémie a été utilisée pour
étendre un gouvernement illégal et illégitime.
La persécution et la criminalisation
déclenchées par le régime contre les dirigeants du
MAS-IPSP et des mouvements sociaux, contre les
humbles femmes et hommes
du peuple, ont entraîné des morts, des sévices,
des
emprisonnements, des persécutions, l'asile et
l'exil.
Sacaba, Senkata et El Pedregal sont une preuve
irréfutable de
la brutalité du régime, mais ils sont aussi un
symbole de
dignité et de résistance aux côtés d'hommes
comme Carlos Orlando Gutierrez Luna, un grand
dirigeant minier qui a
bravement combattu pour le rétablissement de la
démocratie et qui vivra toujours dans le coeur du
peuple.
Mais, comme dirait Marcelo Quiroga Santa Cruz, ce
dirigeant
socialiste assassiné lors d'un autre coup d'État
en 1980, ce n'est pas la haine qui anime nos
actions, mais une
passion pour la justice.
Une nouvelle étape
Ce 8 novembre 2020, nous entamons une
nouvelle
étape de notre histoire, et nous voulons le faire
avec un
gouvernement qui est de tous et pour tous, sans
discrimination d'aucune
sorte.
Notre gouvernement cherchera à tout moment à
reconstruire notre patrie dans l'unité pour vivre
en paix.
Sur cette voie, la démocratie est une valeur
fondamentale des
peuples et c'est celle qui exprime sans équivoque
la
volonté de la population et est aussi un axe
organisateur de
notre institutionnalité et de notre société.
La démocratie n'est pas seulement le vote pour
élire
les autorités à tous les niveaux, mais aussi des
élections ouvertes et équitables. C'est la
participation
de tous et de toutes, sans l'exclusion de personne, encore plus
des majorités
culturelles sociales et nationales. C'est la
protection des droits
civils et politiques tels que la liberté
d'expression et la
liberté
d'organisation. C'est le pluralisme politique.
Toutes ces exigences pour qualifier un système de
démocratique ont été mutilées en un an de
gouvernement de facto. Pendant des mois, leurs
bouches ont
été remplies de démocratie pour certains, tout en
essayant d'illégaliser non seulement le MAS, mais
le peuple dans
son ensemble.
Depuis le rétablissement de la démocratie en
Bolivie
en 1982, qui était le produit de la lutte du
peuple
bolivien, jamais jusqu'à présent il n'y a eu la
preuve
d'une démocratie mutilée de son contenu central.
Une
immense majorité multinationale fait face au
danger de la
proscription, de la criminalisation et de la
persécution.
Les mouvements sociaux, les paysans, les peuples
autochtones et les
travailleurs ont été stigmatisés. Nous
étions appelés sauvages, séditieux, terroristes.
Les femmes de polleras ont été humiliées,
notre wiphala brûlé, ce qui est comme se brûler,
comme brûler nos racines. De secteurs minoritaires
de la
population, comme cela a été
évident lors des élections d'octobre dernier, ils
ne
voulaient une démocratie que pour quelques-uns.
En fait, ces secteurs minoritaires ne lèvent le
drapeau de la
démocratie que lorsque cela leur convient, et
quand ce n'est pas
le cas, ils recourent à la déstabilisation, à la
violence et aux coups d'État pour s'emparer du
pouvoir.
Malheureusement, certains groupes veulent revenir
à une
démocratie d'exclusion, qui mutile notre
plurinationalité, à laquelle ne participent pas
les
majorités qui, avec l'effort de leur travail,
rendent possible la
Bolivie de tous les jours.
Cependant, malgré ces conditions défavorables,
malgré le fait que la participation du peuple ait
été menacée par la violence du gouvernement de
facto et des groupes paramilitaires lors des
élections
du 18 octobre, nous avons obtenu une victoire
historique aux urnes
avec plus de 55 %.
« Nous sommes la majorité »
Nous sommes la majorité. Cela signifie que la
population
bolivienne a voté pour la paix et la stabilité,
pour
l'espoir et la dignité, pour la réunion de toutes
les
femmes et de tous les hommes boliviens.
Ce vote de 55,10 % n'appartient ni à
Luis Arce ni
à David Choquehuanca. Ce vote est le produit de la
conscience et
de l'organisation d'un peuple qui ne veut pas de
liberté pour
quelques-uns, mais pour tous.
C'est le vote d'un peuple qui ne veut pas du
bien-être pour
quelques-uns, mais pour tous; qui ne veut
pas du bonheur pour
quelques-uns, mais pour tous.
Nous assumons ce mandat que la population nous
donne – le peuple –
de travailler sans relâche et humblement pour la
reconstruction
de notre patrie, et nous nous engageons à
rectifier ce qui
n'allait pas et à renforcer ce qui était juste.
En octobre 2020, la démocratie
interculturelle a
triomphé, la démocratie qui permet la
délibération et l'organisation d'en bas a
triomphé, et la démocratie qui traduit cette
volonté, cette force créatrice par le vote, a
triomphé. Mais la démocratie est aussi la
matérialisation des droits contenus dans notre
Constitution
politique de l'État.
Il est inutile d'élire les autorités en votant
si, en
même temps, les personnes à qui la démocratie est
due sont privées de droits fondamentaux, tels que
l'accès
à la santé, à l'éducation, au travail, aux
revenus et au logement.
La démocratie, c'est avoir le droit de jouir de
la richesse
qui est pour tout le monde et non pour
quelques-uns, comme nous l'avons
soutenu pendant 14 ans et que nous allons
approfondir dans notre
gouvernement : la redistribution des revenus.
Les obligations
iront toujours de pair avec notre politique
économique.
Nous allons travailler ensemble pour retrouver
les niveaux de
croissance que le gouvernement de facto a brisés,
et nous le
ferons en réduisant la pauvreté, ainsi que les
inégalités économiques et sociales. Ce sont les
principes qui guident notre modèle
socio-économique de
communauté productive sur lequel nous reviendrons.
La « triple crise »
Aujourd'hui, notre pays fait face à une triple
crise qui a
débuté en novembre 2019 avec le coup d'État et
s'est aggravée avec la pandémie.
La crise politique engendrée par un gouvernement
qui n'est
pas sorti des urnes ou qui n'a pas respecté les
règlements de l'Assemblée législative
plurinationale, encore moins son adhésion à la
Constitution politique de l'État.
La crise sanitaire résultant de l'émergence de la
pandémie mondiale de la COVID-19 en Bolivie et à
laquelle
le gouvernement de facto n'a pas été en mesure
d'apporter
une réponse globale adéquate.
La crise économique découle de l'incapacité du
gouvernement à générer la stabilité et la
croissance avec la justice sociale. En un an, tous
les gains du peuple
bolivien ont reculé.
Il y a ceux qui ont fait valoir que la situation
actuelle est
uniquement et exclusivement le produit de l'action
de cet ennemi
silencieux appelé COVID-19, mais vouloir blâmer la
pandémie pour cette situation n'est pas juste. La
crise se
profile à l'horizon depuis le coup d'État, après
le brusque changement de politique économique, et
est
exacerbée par les effets de la crise sanitaire.
Aujourd'hui notre économie nationale est plongée
dans
une profonde récession. Le PIB a récemment chuté
de 11,1 %.
Selon les données publiées par l'Institut
national de
statistique, au deuxième trimestre de cette année,
notre
pays, qui a été au premier rang de la croissance
économique en Amérique du Sud pendant six ans dans
la
période entre 2006 et novembre 2019, est
passé
au dernier rang sur le plan économique, son pire
rendement
depuis 40 ans. De la même façon, le déficit
fiscal prévu en 2020 atteint 12,1 %
et devient le
déficit le plus élevé depuis la période de
l'UDP [Union populaire démocratique]. Le déficit
du
secteur public financier en date de septembre
atteint
déjà 5,6 %.
Quant à la Trésorerie générale, son
budget prévoit un déficit de 8,7 %, qui
s'explique en partie par l'augmentation des
dépenses courantes
depuis le déficit courant du Trésor de
l'administration
actuelle qui est à 8,1 %. Ces chiffres
montrent que
seulement en un an de gestion économique par le
gouvernement de
facto,
nous sommes passés d'une économie qui encourageait
l'investissement public et la redistribution de
revenu à la
nécessité de contracter une dette publique pour
payer les
salaires du secteur public. Il y a eu une
augmentation dramatique de la
dette publique.
Entre novembre 2019 et octobre 2020, le
gouvernement de
transition a endetté le pays de plus de 4,2
milliards de
dollars, compte tenu de la dette interne et
externe. Notamment, il a
contracté une dette envers la Banque centrale de
la Bolivie d'un
montant de près de 1,9 milliard et de 800
millions par des
enchères
publiques d'obligations du Trésor général. Pour ce
qui est de la dette étrangère, les crédits
étrangers encourus ont été de l'ordre de plus
de 1,5 milliard. À la fin de l'année, ils ont
prévu une dette additionnelle de 4,4
milliards de bolivars
sur le marché domestique.
Les réserves internationales nettes ont chuté
de 881 millions entre novembre 2019 et
octobre 2020, une
chute de près 13 % en date de
novembre 2019.
Les réserves internationales
totalisaient 6,459
milliards, et en date d'octobre de cette année,
elles sont
seulement de 5,578 milliards. Seulement pour
le mois d'octobre,
les réserves ont baissé de 777 millions.
Le gouvernement de facto laisse l'économie avec
des chiffres
qu'on ne voyait pas même pendant une des pires
crises que la
Bolivie a connues, sous le gouvernement UDP durant
la décennie
des années 1980 au siècle dernier. Le
chômage,
la pauvreté et les inégalités ont augmenté.
Nous devons relever l'important défi de rebâtir
notre
économie, d'engendrer la stabilité et la
croissance par
la redistribution du revenu, de réduire les
inégalités économiques et sociales, et nous sommes
convaincus qu'en travaillant ensemble, avec le
peuple, nous
réussirons une fois de plus à surmonter
l'adversité.
Un message d'espoir
Aujourd'hui, nous sommes ici pour livrer un
message d'espoir
à toutes les nations qui composent la Bolivie, à
toutes
ces femmes et hommes braves qui sortent tous les
jours pour surmonter
cette situation difficile. Ils sont un exemple
pour la classe politique
qui doit tourner cette triste page de son
histoire, examiner le
présent avec responsabilité
et engagement et envisager l'avenir avec
optimisme, tout en se
concentrant sur un seul objectif : le
bien-être de chaque
Bolivien.
C'est pourquoi nous allons continuer de bâtir une
économie plurielle et diversifiée qui reprend,
consolide
et encourage tout le potentiel que nous avons, les
initiatives et les
capacités de la Bolivie provenant de la communauté
des
peuples autochtones et des paysans, de l'État, du
secteur
privé, des coopératives et de la grande diversité
culturelle.
Depuis des mois, nous préparons une série
d'actions
pour activer notre économie et stimuler l'économie
interne. Nous avons de grands projets que nous
allons lancer
progressivement dans les mois qui viennent,
respectant ainsi notre
engagement électoral envers le peuple, parce que
chaque jour qui
passe sans que nous ne passions à l'action fait
en sorte que la situation en Bolivie devient plus
complexe.
Plus que jamais, notre pays aujourd'hui a besoin
d'un effort et
d'une mobilisation coordonnée entre la société
civile et tous les organes de l'État, entre le
secteur public et
le secteur privé ainsi qu'entre les divers groupes
politiques.
En dépit des différends, nous avons l'obligation
d'être là pour le peuple, qui exige l'unité, la
paix et la stabilité.
Il faut l'unité et la complémentarité entre
l'est et l'ouest, entre la ville et la campagne.
Nous sommes tous la
Bolivie, nous devons mettre fin à la peur en
Bolivie.
Je crois en la justice, et non dans l'entretien
d'un environnement
de hargne et de vengeance, qui ne respecte pas la
diversité des
opinions, où l'appartenance à un autre parti ou à
une autre couleur politique fait de vous un objet
de haine.
Cela doit cesser. Je crois en la consolidation et
j'appuie la
consolidation du cadre institutionnel de l'État,
la
création d'un environnement sécuritaire et stable,
où les seuls qui devraient avoir peur sont les
contrevenants,
les criminels, les gens violents et ceux qui
commettent des actes de
corruption.
Notre gouvernement travaillera en étant axé sur
le
présent et l'avenir, au service du peuple
bolivien, des
intérêts collectifs et non des intérêts
privés mesquins.
« Nous sommes une nation souveraine »
De cette tribune où la volonté démocratique de
notre peuple est concentrée, je tiens aussi à
m'adresser
à la communauté internationale, aux soeurs et aux
frères d'autres pays qui nous visitent
aujourd'hui. Nous sommes
une nation souveraine, avec un gouvernement né
dans la
boîte de scrutin et nous voulons oeuvrer à un
monde
multipolaire,
dans lequel il n'y a pas la suprématie d'une
puissance quelle
qu'elle soit et dans lequel tous les États et tous
les
êtres humains vivent sans peur, sans guerres, sans
haine, sans
pillage de nos ressources naturelles, sans
exploitation, sans racisme
ni discrimination, sans menaces et sans aucune
sorte de pression.
Aujourd'hui, nous embrassons plus que jamais les
principes
d'autodétermination des peuples, de non-ingérence,
de
non-alignement et d'entière égalité juridique et
politique de tous les États sans aucune forme de
subordination.
Nous nous engageons à oeuvrer à une intégration
émancipatoire et sans subordination qui comprend
toutes les
sphères de la vie, que ce soit la santé,
l'éducation ou les entreprises commerciales.
Nous exigeons l'intégration sud-sud dans un monde
globalisé qui ne se laisse pas imposer des
ambitions venant du
nord.
Nous défendons l'unité politique de la
diversité de l'Amérique latine et des Caraïbes. La
CÉLAC est la meilleure façon d'atteindre une cause
aussi
noble et historique.
Nous adhérons une fois de plus à la résolution
de 2014 de la CÉLAC, où nous avons
déclaré l'Amérique latine et les Caraïbes une
zone de paix.
Nous hissons la bannière de la diplomatie du
peuple pour une
vie et un monde sans murs. Nous devons mettre fin
à tout ce qui
nous empêche de nous reconnaître en tant qu'égaux,
en tant que soeurs et frères.
Dans notre sous-région, nous proposons le
rétablissement d'Unasur en tant qu'espace pour
l'intégration et mécanisme de dialogue politique
où nous participons tous, peu importe
l'orientation politique de
nos gouvernements.
« J'assume la présidence avec humilité »
Cher peuple bolivien, je suis devant vous tous
aujourd'hui, rempli
d'une grande émotion et d'un énorme sens des
responsabilités qui vient de l'amour que j'ai pour
mon pays,
pour nos racines et pour le peuple, mais qui vient
aussi des
engagements pris avant cette campagne politique.
C'est pourquoi je veux
réaffirmer du haut de cette tribune
mon engagement à honorer chacun de ces
engagements.
J'assume la présidence de l'État plurinational de
l'État de Bolivie avec grande humilité, avec un
grand
honneur et une profonde gratitude pour la
confiance que vous nous avez
accordée.
Nous gouvernerons avec responsabilité et
inclusion, vous
représentant tous, apportant les changements
nécessaires
pour que la Bolivie reprenne le chemin de la
stabilité le plus
tôt possible.
Aujourd'hui, nous relevons l'énorme défi
d'écrire ensemble les mots qui définiront les cinq
prochaines années de notre histoire, en espérant
qu'on se
souvienne de nous comme d'un gouvernement sous
lequel le peuple
bolivien s'est dressé pour retrouver la
démocratie, la
dignité, la paix, la croissance et la justice
sociale.
Nous travaillerons inlassablement pour servir le
peuple bolivarien.
Nous vaincrons la pandémie, nous vaincrons la
crise comme nous
l'avons fait dans le passé, parce que nous sommes
un peuple
combatif, persévérant et courageux qui regarde de
l'avant
sans crainte, avec optimisme et avec la conviction
d'être capable
d'accomplir ces
choses.
Lors de mes voyages partout en Bolivie, avec mon
frère jilata David, j'ai ressenti la
souffrance, mais aussi l'espoir de millions de
Boliviens.
Je n'oublierai jamais les larmes, les étreintes,
les
sourires, les paroles de force qu'ils m'ont
données en tout
temps, ni les histoires personnelles qu'ils ont
partagées avec
moi à chaque endroit que j'ai visité.
Nous n'oublierons jamais les espoirs de ceux qui
ont
été tellement affectés dans cette année
marquée par ce coup porté à la démocratie
et par cette cruelle pandémie.
Leurs visages, leurs voix, leur amour et leur
espoir seront toujours
avec moi aujourd'hui et m'accompagneront en tout
temps au cours des
cinq prochaines années.
En vertu de votre mandat, chers soeurs et frères,
j'assume
avec grande humilité et responsabilité la
présidence de l'État plurinational.
Je regarde le passé, tout ce que nous avons vécu
et
tout ce que nous avons surmonté. Je lève les yeux
et je
vois qu'une Bolivie meilleure est possible, grâce
à la
participation et au travail de tous les Boliviens.
Marchons en paix, ensemble, pour réaliser nos
objectifs. Allons de l'avant !
Vive l'État plurinational de Bolivie !
Honneur et gloire au peuple bolivien !
Merci beaucoup.
Discours d'investiture du
vice-président de l'État plurinational de
Bolivie David Choquehuanca
Avec la
permission de nos dieux, de nos frères aînés et de
notre Pachamama, de nos ancêtres, de nos achachilas,
avec la permission de notre Patuju, de
notre arc-en-ciel, notre feuille de coca sacrée.
Avec la permission de nos peuples, avec la
permission de tous ceux
qui sont présents et absents dans cet hémicycle.
Aujourd'hui, permettez-moi de prendre quelques
minutes afin de partager notre vision avec vous.
La communication, le dialogue est une obligation,
c'est un principe du vivre bien.
Les peuples des cultures millénaires, ceux de la
culture de
la vie, avons conservé nos origines depuis la nuit
des temps.
Nous, les enfants, avons hérité d'une ancienne
culture
qui comprend que tout est lié, sans division ni
exclusion.
C'est la raison pour laquelle on nous a dit de
nous unir, d'aller
ensemble, sans laisser tomber personne, pour que
tout le monde ait tout
et que personne ne manque de rien.
Le bien-être collectif est le bien-être
individuel,
aider nous aide à grandir et à être heureux,
renoncer à quelque chose au profit de son prochain
nous
renforce. S'unir et se reconnaître dans le 'tout'
est la voie du
passé, du présent, de demain et de toujours, cette
voie
de laquelle nous ne nous sommes jamais éloignés.
L'ayni, la minka, la tumpa,
notre colka et autres codes des cultures
millénaires sont l'essence de nos vies, de notre
ayllu.
Ayllu n'est pas uniquement l'organisation
sociétale
des êtres humains, ayllu est un système
d'organisation de
la vie, de tous les êtres vivants, de tout ce qui
existe, de tout
ce qui s'écoule, en équilibre avec notre planète
ou notre mère, la terre.
Des siècles durant, les modèles de civilisation
de Abya Yala ont été déstructurés et beaucoup
d'entre eux exterminés, la pensée originelle a
systématiquement été soumise à celle des
colons.
Malgré tout cela, ils n'ont pas réussi à nous
faire disparaître, nous sommes en vie, nous venons
de Tiwanacu,
nous sommes forts comme la pierre, nous sommes kalawawa
, nous sommes cholke, sinchi,
Rumy, nous sommes Jenecheru, le feu qui ne
s'éteint jamais, nous
venons de Samaipata, nous sommes le jaguar, nous
sommes Katari, nous sommes les peuples Aïnous,
Maoris, Comanches,
Mayas, nous sommes Guaranis, Mapuches, Mojos, nous
sommes Aymaras,
Quechuas, Jokis et nous sommes tous les peuples
faisant partie de la
culture de la vie, qui avons réveillé notre larama,
le même larama qu'autrefois, un rebelle
empli de sagesse.
Une transition à tous les 2 000 ans
Aujourd'hui, la Bolivie et le monde vivent une
transition qui se
répète chaque 2 000 ans, le cycle des
temps,
nous passons de l'intemporel au temporel, amorçant
une
ère nouvelle, un autre Pachakuti dans
notre histoire.
Un soleil nouveau et une nouvelle expression dans
le langage de la
vie, où l'empathie pour l'autre ou le bien
collectif remplace
l'individualisme égoïste, avec des Boliviens qui
se
considèrent tous égaux et conscients qu'ensemble
nous
sommes plus forts. Le temps est venu de retourner
au Jiwasa, il ne s'agit pas du 'soi' mais
du 'nous'.
Jiwasa représente la fin de
l'égocentrisme, Jiwasa est la mort de
l'anthropocentrisme et la fin de l'eurocentrisme.
Il est temps de redevenir Jisambae, ce
code qui a protégé nos frères et soeurs Guaranis
et également Jambae,
un être qui n'a pas de maître, personne dans ce
monde doit
se sentir maître ou propriétaire de quiconque ou
quoi que
ce soit.
Depuis l'année 2006, nous avons entamé en
Bolivie
un travail exigeant dans le but de connecter nos
racines individuelles
et collectives pour redevenir nous-mêmes, nous
recentrer, revenir
à notre taypi, à la pacha, à
l'équilibre qui laisse émerger la sagesse des
civilisations les plus importantes de notre monde.
Nous sommes en plein processus de récupération de
nos
connaissances, des codes de la culture de la vie,
des schémas de
civilisation d'une société qui vivait en intime
connexion avec le cosmos, la terre, la nature, la
vie individuelle et
collective, de construction de notre sumak
kamaña, de notre sumajakalle,
garantissant ainsi le
bien-être individuel et commun.
Chachawarmi
Nous sommes en période de récupération de notre
identité, notre racine culturelle, notre sapi,
nous avons cela, nous avons une philosophie, une
histoire, nous avons
de tout, nous sommes des êtres humains et nous
avons des droits.
Une des références inébranlables de notre
civilisation est la sagesse héritée des
connaissances
liées à la terre, garantir l'équilibre en tout
temps et espace. C'est savoir comment gérer toutes
les
énergies complémentaires, celle cosmique venant du
ciel
avec celle qui émerge du centre de la terre.
Ces deux forces telluriques interagissent en
créant ce qu'on
appelle la vie, un 'tout' composé de ce qui est
visible, Pachamama et spirituel, Pachakama.
En appréhendant la vie du point de vue des
énergies,
nous avons la possibilité de modifier notre
histoire, la
matière et la vie, telle la convergence de la
force chachawarmi, lorsque l'on se réfère
à la complémentarité des opposés.
Les temps nouveaux que nous commençons seront
soutenus par
l'énergie de l'ayllu, la communauté, les
consensus,
l'horizontalité, les équilibres complémentaires et
le bien commun.
Historiquement, on entend la révolution comme un
acte
politique pour changer la structure sociale pour
ainsi transformer la
vie de l'individu. Aucune des révolutions a réussi
à modifier la conservation du pouvoir pour
maintenir le
contrôle sur les personnes.
« Notre révolution est une révolution des
idées »
Il n'a pas été possible de changer la nature du
pouvoir, cependant le pouvoir lui a réussi à
déformer l'esprit des politiciens, il a pu les
corrompre. Il est
très difficile de modifier l'influence du pouvoir
et de ses
institutions, mais c'est un défi que nous
relèverons avec
la sagesse de nos peuples. Notre révolution est
une
révolution des idées, elle est
une révolution des équilibres, car nous sommes
convaincus
que pour transformer la société, le gouvernement,
la
bureaucratie, les lois et le système politique,
nous devons nous
transformer en tant qu'individus.
Nous allons promouvoir les conjonctions avec
l'opposition afin de
chercher des solutions entre la gauche et la
droite, la jeunesse
rebelle et la sagesse des anciens, entre les
limites de la science et
la nature sans faille, les minorités créatives et
les
majorités traditionnelles, entre les malades et
ceux qui ne le
sont pas, les gouvernants et les
gouvernés, entre leadership et don de soi pour
servir les autres.
Notre vérité est très simple, le condor prend
son envol à la seule condition que son aile droite
soit en
parfait équilibre avec son aile gauche. La tâche
de nous
former pour devenir des êtres équilibrés a
été brutalement interrompue il y a des siècles de
cela, nous n'avons pu la mener à bien, mais à
présent l'heure de l'ère de l'ayllu, la
communauté, est arrivée et est avec nous.
Cela implique que nous soyons des individus
libres et
équilibrés pour construire des relations
harmonieuses
avec les autres et notre entourage. Il est urgent
que nous soyons des
êtres aptes à maintenir les équilibres pour soi et
la communauté.
Nous sommes à l'époque des frères de la apanaka
pachakuti, nous ne luttions pas seulement pour nous, mais
aussi pour eux et
surtout pas contre eux, nous luttions pour obtenir
un mandat, nous ne
cherchions pas l'affrontement, au contraire, nous
cherchions la paix.
Nous n'appartenons pas à la culture de la guerre,
ni de la
domination,
notre lutte vise toute tentative de soumission et
combat la
pensée unique coloniale, patriarcale, qu'elle
vienne d'où
elle vienne.
L'idée de la rencontre entre l'esprit et la
matière, le ciel et la terre, Pachamama et
Pachakama,
nous permet de penser qu'une femme et un homme
nouveau puissent
guérir l'humanité, la planète et la sublime vie
qui la compose, pour rendre la beauté à notre Terre Mère.
Nous défendrons les trésors sacrés de notre
culture face à toute ingérence, nous défendrons
nos peuples, nos ressources naturelles, nos
libertés et nos
droits.
« Nous retournerons à notre Kapak Ñan »
Nous retournerons à notre Kapak Ñan, le
noble
chemin vers l'unité, la voie du respect envers nos
autorités, pour nos soeurs, le chemin du respect
pour le feu, la
pluie, le respect de nos montagnes, nos rivières,
notre
mère la terre, le chemin vers le respect de la
souveraineté de nos peuples.
Frères et soeurs, pour conclure, les Boliviens
doivent
surmonter la division, la haine, le racisme, la
discrimination entre
compatriotes, finissons-en avec la persécution de
la liberté
d'expression et la judiciarisation de la
politique.
Finissons-en avec l'abus de pouvoir, celui-ci
doit être
employé pour aider, le pouvoir doit circuler,
comme
l'économie, il doit être redistribué, il doit
circuler, s'écouler, comme le sang s'écoule dans
notre
organisme. Plus d'impunité mais justice, frères et
soeurs.
Mais la justice doit véritablement être
indépendante, mettons un terme à l'intolérance,
à l'humiliation et la violation des droits humains
et de la
Terre-Mère.
Le temps nouveau signifie être à l'écoute du
message de nos peuples qui a été émis du fond de
leurs coeurs, cela signifie guérir des blessures,
nous regarder
avec respect, récupérer la patrie, rêver ensemble,
construire la fraternité, l'harmonie,
l'intégration et
l'espoir afin de garantir la paix et le bonheur
des
générations à venir.
C'est uniquement de cette manière que nous
atteindrons le vivre bien et la gouvernance par
nous-mêmes.
Vive la Bolivie ! Jallalla !
Pour la vidéo complète en espagnol du discours
inaugural du président Luis Arce cliquer
ici et
celui du vice-président et président de
l'Assemblée législative plurinationale, David
Choquehuanca cliquer ici.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 73 - 16 novembre 2020
Lien de l'article:
Le nouveau président et le nouveau vice-président s'adressent au peuple bolivien
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Courriel: redaction@cpcml.ca
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