Le nouveau président et le nouveau vice-président s'adressent au peuple bolivien


Discours d'investiture du président Luis Arce, le 8 novembre 2020

LML publie à titre d'information pour ses lecteurs des traductions non officielles du discours inaugural du président Luis Arce et du discours du vice-président David Choquehuanca livrés à l'Assemblée législative plurinationale le 8 novembre 2020. Des liens vers la vidéo des discours en espagnol sont aussi disponibles à la fin du texte.

Discours d'investiture du président de l'État plurinational de Bolivie
Luis Arce

Honneur et gloire à nos ancêtres qui nous ont toujours accompagnés !

Honneur et gloire à tous nos martyrs de la libération !

Honneur et gloire à ceux qui ont donné leur vie à Senkata, Sacaba, El Pedregal !

Honneur et gloire aux héros du peuple qui ont rétabli la démocratie !

Salutations au peuple bolivien, au frère vice-président de l'État plurinational de Bolivie et au président de l'Assemblée législative plurinationale, frère, jilata David Choquehuanca.

Aux frères, le roi Felipe VI d'Espagne, Felipe de Borbon et Grecia; le président de la République d'Argentine, Alberto Fernández; le président de la République du Paraguay, Mario Abdo Benítez; le président de la République de Colombie, Ivan Duque Marquez; le président du Conseil des ministres du Pérou, Walter Roger Martos Ruiz; le deuxième vice-président de l'Espagne, M. Pablo Iglesias.

Aux ministres des Affaires étrangères de la République islamique d'Iran, de la République orientale de l'Uruguay, de la République bolivarienne du Venezuela et de la République du Chili, Almuhamed Al Jasmi, délégué de Son Altesse, le cheikh Khalifa bin Zayed bin Sultan Al Nahayan, le président des Émirats arabes unis.

Aux parlementaires des pays frères, aux délégués officiels d'autres pays qui sont parmi nous aujourd'hui, aux secrétaires généraux de la CAN, Parlasur; au secrétaire général ibéro-américain; ALBA, à la Banque interaméricaine de développement; aux représentants d'organisations internationales, au corps diplomatique accrédité en Bolivie; aux observateurs électoraux; au président du Sénat; au président de la Chambre des députés; à tous les sénateurs et députés.

Autorités nationales et infranationales de l'État plurinational de Bolivie; autorités des organes de l'État; haut commandement militaire et policier; anciens présidents démocratiques; autorités religieuses et spirituelles.

Dirigeants d'organisations sociales, paysannes, autochtones et ouvrières; représentants des partis politiques, des dirigeants et des membres du Mouvement vers le socialisme  Instrument politique pour la souveraineté des peuples.

Salutations à la famille de notre frère, jilata David Choquehuanca, et salutations très spéciales à ma famille  à ma mère Olga, mon épouse, Lourdes, mes enfants : Marcelo, Rafael, Camila.

Mes petits-enfants et toute ma famille, que je remercie aujourd'hui de cette tribune pour toute leur patience et leur soutien.

Pendant les années où j'ai été ministre de l'Économie et des Finances publiques, j'ai sacrifié de nombreuses années avec vous, pour me consacrer au service de notre pays et, aujourd'hui, je vous demande encore cinq ans de patience et de tolérance.

Le gouvernement de facto

Je salue avec beaucoup d'affection toutes les femmes et tous les hommes boliviens qui nous accompagnent en ce jour historique pour le peuple bolivien.

Au 10 novembre 2019, après 21 jours où la volonté populaire exprimée dans les urnes a été cachée et où ils ont trouvé un gagnant, la Bolivie était le théâtre d'une guerre interne et systématique contre le peuple, en particulier contre les plus humbles.

Les deux tâches que s'est donné le gouvernement de facto : la pacification du pays et le déclenchement immédiat des élections n'ont pas été accomplies, bien au contraire. La mort, la peur et la discrimination ont été semées, le racisme s'est intensifié et la pandémie a été utilisée pour étendre un gouvernement illégal et illégitime.

La persécution et la criminalisation déclenchées par le régime contre les dirigeants du MAS-IPSP et des mouvements sociaux, contre les humbles femmes et hommes du peuple, ont entraîné des morts, des sévices, des emprisonnements, des persécutions, l'asile et l'exil.

Sacaba, Senkata et El Pedregal sont une preuve irréfutable de la brutalité du régime, mais ils sont aussi un symbole de dignité et de résistance aux côtés d'hommes comme Carlos Orlando Gutierrez Luna, un grand dirigeant minier qui a bravement combattu pour le rétablissement de la démocratie et qui vivra toujours dans le coeur du peuple.

Mais, comme dirait Marcelo Quiroga Santa Cruz, ce dirigeant socialiste assassiné lors d'un autre coup d'État en 1980, ce n'est pas la haine qui anime nos actions, mais une passion pour la justice.

Une nouvelle étape

Ce 8 novembre 2020, nous entamons une nouvelle étape de notre histoire, et nous voulons le faire avec un gouvernement qui est de tous et pour tous, sans discrimination d'aucune sorte.

Notre gouvernement cherchera à tout moment à reconstruire notre patrie dans l'unité pour vivre en paix.

Sur cette voie, la démocratie est une valeur fondamentale des peuples et c'est celle qui exprime sans équivoque la volonté de la population et est aussi un axe organisateur de notre institutionnalité et de notre société.

La démocratie n'est pas seulement le vote pour élire les autorités à tous les niveaux, mais aussi des élections ouvertes et équitables. C'est la participation de tous et de toutes, sans l'exclusion de personne, encore plus des majorités culturelles sociales et nationales. C'est la protection des droits civils et politiques tels que la liberté d'expression et la liberté d'organisation. C'est le pluralisme politique.

Toutes ces exigences pour qualifier un système de démocratique ont été mutilées en un an de gouvernement de facto. Pendant des mois, leurs bouches ont été remplies de démocratie pour certains, tout en essayant d'illégaliser non seulement le MAS, mais le peuple dans son ensemble.

Depuis le rétablissement de la démocratie en Bolivie en 1982, qui était le produit de la lutte du peuple bolivien, jamais jusqu'à présent il n'y a eu la preuve d'une démocratie mutilée de son contenu central. Une immense majorité multinationale fait face au danger de la proscription, de la criminalisation et de la persécution.

Les mouvements sociaux, les paysans, les peuples autochtones et les travailleurs ont été stigmatisés. Nous étions appelés sauvages, séditieux, terroristes. Les femmes de polleras ont été humiliées, notre wiphala brûlé, ce qui est comme se brûler, comme brûler nos racines. De secteurs minoritaires de la population, comme cela a été évident lors des élections d'octobre dernier, ils ne voulaient une démocratie que pour quelques-uns.

En fait, ces secteurs minoritaires ne lèvent le drapeau de la démocratie que lorsque cela leur convient, et quand ce n'est pas le cas, ils recourent à la déstabilisation, à la violence et aux coups d'État pour s'emparer du pouvoir.

Malheureusement, certains groupes veulent revenir à une démocratie d'exclusion, qui mutile notre plurinationalité, à laquelle ne participent pas les majorités qui, avec l'effort de leur travail, rendent possible la Bolivie de tous les jours.

Cependant, malgré ces conditions défavorables, malgré le fait que la participation du peuple ait été menacée par la violence du gouvernement de facto et des groupes paramilitaires lors des élections du 18 octobre, nous avons obtenu une victoire historique aux urnes avec plus de 55 %.

« Nous sommes la majorité »

Nous sommes la majorité. Cela signifie que la population bolivienne a voté pour la paix et la stabilité, pour l'espoir et la dignité, pour la réunion de toutes les femmes et de tous les hommes boliviens.

Ce vote de 55,10 % n'appartient ni à Luis Arce ni à David Choquehuanca. Ce vote est le produit de la conscience et de l'organisation d'un peuple qui ne veut pas de liberté pour quelques-uns, mais pour tous.

C'est le vote d'un peuple qui ne veut pas du bien-être pour quelques-uns, mais pour tous; qui ne veut pas du bonheur pour quelques-uns, mais pour tous.

Nous assumons ce mandat que la population nous donne – le peuple – de travailler sans relâche et humblement pour la reconstruction de notre patrie, et nous nous engageons à rectifier ce qui n'allait pas et à renforcer ce qui était juste.

En octobre 2020, la démocratie interculturelle a triomphé, la démocratie qui permet la délibération et l'organisation d'en bas a triomphé, et la démocratie qui traduit cette volonté, cette force créatrice par le vote, a triomphé. Mais la démocratie est aussi la matérialisation des droits contenus dans notre Constitution politique de l'État.

Il est inutile d'élire les autorités en votant si, en même temps, les personnes à qui la démocratie est due sont privées de droits fondamentaux, tels que l'accès à la santé, à l'éducation, au travail, aux revenus et au logement.

La démocratie, c'est avoir le droit de jouir de la richesse qui est pour tout le monde et non pour quelques-uns, comme nous l'avons soutenu pendant 14 ans et que nous allons approfondir dans notre gouvernement : la redistribution des revenus. Les obligations iront toujours de pair avec notre politique économique.

Nous allons travailler ensemble pour retrouver les niveaux de croissance que le gouvernement de facto a brisés, et nous le ferons en réduisant la pauvreté, ainsi que les inégalités économiques et sociales. Ce sont les principes qui guident notre modèle socio-économique de communauté productive sur lequel nous reviendrons.

La « triple crise »

Aujourd'hui, notre pays fait face à une triple crise qui a débuté en novembre 2019 avec le coup d'État et s'est aggravée avec la pandémie.

La crise politique engendrée par un gouvernement qui n'est pas sorti des urnes ou qui n'a pas respecté les règlements de l'Assemblée législative plurinationale, encore moins son adhésion à la Constitution politique de l'État.

La crise sanitaire résultant de l'émergence de la pandémie mondiale de la COVID-19 en Bolivie et à laquelle le gouvernement de facto n'a pas été en mesure d'apporter une réponse globale adéquate.

La crise économique découle de l'incapacité du gouvernement à générer la stabilité et la croissance avec la justice sociale. En un an, tous les gains du peuple bolivien ont reculé.

Il y a ceux qui ont fait valoir que la situation actuelle est uniquement et exclusivement le produit de l'action de cet ennemi silencieux appelé COVID-19, mais vouloir blâmer la pandémie pour cette situation n'est pas juste. La crise se profile à l'horizon depuis le coup d'État, après le brusque changement de politique économique, et est exacerbée par les effets de la crise sanitaire.

Aujourd'hui notre économie nationale est plongée dans une profonde récession. Le PIB a récemment chuté de 11,1 %.

Selon les données publiées par l'Institut national de statistique, au deuxième trimestre de cette année, notre pays, qui a été au premier rang de la croissance économique en Amérique du Sud pendant six ans dans la période entre 2006 et novembre 2019, est passé au dernier rang sur le plan économique, son pire rendement depuis 40 ans. De la même façon, le déficit fiscal prévu en 2020 atteint 12,1 % et devient le déficit le plus élevé depuis la période de l'UDP [Union populaire démocratique]. Le déficit du secteur public financier en date de septembre atteint déjà 5,6 %.

Quant à la Trésorerie générale, son budget prévoit un déficit de 8,7 %, qui s'explique en partie par l'augmentation des dépenses courantes depuis le déficit courant du Trésor de l'administration actuelle qui est à 8,1 %. Ces chiffres montrent que seulement en un an de gestion économique par le gouvernement de facto, nous sommes passés d'une économie qui encourageait l'investissement public et la redistribution de revenu à la nécessité de contracter une dette publique pour payer les salaires du secteur public. Il y a eu une augmentation dramatique de la dette publique.

Entre novembre 2019 et octobre 2020, le gouvernement de transition a endetté le pays de plus de 4,2 milliards de dollars, compte tenu de la dette interne et externe. Notamment, il a contracté une dette envers la Banque centrale de la Bolivie d'un montant de près de 1,9 milliard et de 800 millions par des enchères publiques d'obligations du Trésor général. Pour ce qui est de la dette étrangère, les crédits étrangers encourus ont été de l'ordre de plus de 1,5 milliard. À la fin de l'année, ils ont prévu une dette additionnelle de 4,4 milliards de bolivars sur le marché domestique.

Les réserves internationales nettes ont chuté de 881 millions entre novembre 2019 et octobre 2020, une chute de près 13 % en date de novembre 2019.

Les réserves internationales totalisaient 6,459 milliards, et en date d'octobre de cette année, elles sont seulement de 5,578 milliards. Seulement pour le mois d'octobre, les réserves ont baissé de 777 millions.

Le gouvernement de facto laisse l'économie avec des chiffres qu'on ne voyait pas même pendant une des pires crises que la Bolivie a connues, sous le gouvernement UDP durant la décennie des années 1980 au siècle dernier. Le chômage, la pauvreté et les inégalités ont augmenté. Nous devons relever l'important défi de rebâtir notre économie, d'engendrer la stabilité et la croissance par la redistribution du revenu, de réduire les inégalités économiques et sociales, et nous sommes convaincus qu'en travaillant ensemble, avec le peuple, nous réussirons une fois de plus à surmonter l'adversité.

Un message d'espoir

Aujourd'hui, nous sommes ici pour livrer un message d'espoir à toutes les nations qui composent la Bolivie, à toutes ces femmes et hommes braves qui sortent tous les jours pour surmonter cette situation difficile. Ils sont un exemple pour la classe politique qui doit tourner cette triste page de son histoire, examiner le présent avec responsabilité et engagement et envisager l'avenir avec optimisme, tout en se concentrant sur un seul objectif : le bien-être de chaque Bolivien.

C'est pourquoi nous allons continuer de bâtir une économie plurielle et diversifiée qui reprend, consolide et encourage tout le potentiel que nous avons, les initiatives et les capacités de la Bolivie provenant de la communauté des peuples autochtones et des paysans, de l'État, du secteur privé, des coopératives et de la grande diversité culturelle.

Depuis des mois, nous préparons une série d'actions pour activer notre économie et stimuler l'économie interne. Nous avons de grands projets que nous allons lancer progressivement dans les mois qui viennent, respectant ainsi notre engagement électoral envers le peuple, parce que chaque jour qui passe sans que nous ne passions à l'action fait en sorte que la situation en Bolivie devient plus complexe.

Plus que jamais, notre pays aujourd'hui a besoin d'un effort et d'une mobilisation coordonnée entre la société civile et tous les organes de l'État, entre le secteur public et le secteur privé ainsi qu'entre les divers groupes politiques.

En dépit des différends, nous avons l'obligation d'être là pour le peuple, qui exige l'unité, la paix et la stabilité.

Il faut l'unité et la complémentarité entre l'est et l'ouest, entre la ville et la campagne. Nous sommes tous la Bolivie, nous devons mettre fin à la peur en Bolivie.

Je crois en la justice, et non dans l'entretien d'un environnement de hargne et de vengeance, qui ne respecte pas la diversité des opinions, où l'appartenance à un autre parti ou à une autre couleur politique fait de vous un objet de haine.

Cela doit cesser. Je crois en la consolidation et j'appuie la consolidation du cadre institutionnel de l'État, la création d'un environnement sécuritaire et stable, où les seuls qui devraient avoir peur sont les contrevenants, les criminels, les gens violents et ceux qui commettent des actes de corruption.

Notre gouvernement travaillera en étant axé sur le présent et l'avenir, au service du peuple bolivien, des intérêts collectifs et non des intérêts privés mesquins.

« Nous sommes une nation souveraine »

De cette tribune où la volonté démocratique de notre peuple est concentrée, je tiens aussi à m'adresser à la communauté internationale, aux soeurs et aux frères d'autres pays qui nous visitent aujourd'hui. Nous sommes une nation souveraine, avec un gouvernement né dans la boîte de scrutin et nous voulons oeuvrer à un monde multipolaire, dans lequel il n'y a pas la suprématie d'une puissance quelle qu'elle soit et dans lequel tous les États et tous les êtres humains vivent sans peur, sans guerres, sans haine, sans pillage de nos ressources naturelles, sans exploitation, sans racisme ni discrimination, sans menaces et sans aucune sorte de pression.

Aujourd'hui, nous embrassons plus que jamais les principes d'autodétermination des peuples, de non-ingérence, de non-alignement et d'entière égalité juridique et politique de tous les États sans aucune forme de subordination.

Nous nous engageons à oeuvrer à une intégration émancipatoire et sans subordination qui comprend toutes les sphères de la vie, que ce soit la santé, l'éducation ou les entreprises commerciales.

Nous exigeons l'intégration sud-sud dans un monde globalisé qui ne se laisse pas imposer des ambitions venant du nord.

Nous défendons l'unité politique de la diversité de l'Amérique latine et des Caraïbes. La CÉLAC est la meilleure façon d'atteindre une cause aussi noble et historique.

Nous adhérons une fois de plus à la résolution de 2014 de la CÉLAC, où nous avons déclaré l'Amérique latine et les Caraïbes une zone de paix.

Nous hissons la bannière de la diplomatie du peuple pour une vie et un monde sans murs. Nous devons mettre fin à tout ce qui nous empêche de nous reconnaître en tant qu'égaux, en tant que soeurs et frères.

Dans notre sous-région, nous proposons le rétablissement d'Unasur en tant qu'espace pour l'intégration et mécanisme de dialogue politique où nous participons tous, peu importe l'orientation politique de nos gouvernements.

« J'assume la présidence avec humilité »

Cher peuple bolivien, je suis devant vous tous aujourd'hui, rempli d'une grande émotion et d'un énorme sens des responsabilités qui vient de l'amour que j'ai pour mon pays, pour nos racines et pour le peuple, mais qui vient aussi des engagements pris avant cette campagne politique. C'est pourquoi je veux réaffirmer du haut de cette tribune mon engagement à honorer chacun de ces engagements.

J'assume la présidence de l'État plurinational de l'État de Bolivie avec grande humilité, avec un grand honneur et une profonde gratitude pour la confiance que vous nous avez accordée.

Nous gouvernerons avec responsabilité et inclusion, vous représentant tous, apportant les changements nécessaires pour que la Bolivie reprenne le chemin de la stabilité le plus tôt possible.

Aujourd'hui, nous relevons l'énorme défi d'écrire ensemble les mots qui définiront les cinq prochaines années de notre histoire, en espérant qu'on se souvienne de nous comme d'un gouvernement sous lequel le peuple bolivien s'est dressé pour retrouver la démocratie, la dignité, la paix, la croissance et la justice sociale.

Nous travaillerons inlassablement pour servir le peuple bolivarien. Nous vaincrons la pandémie, nous vaincrons la crise comme nous l'avons fait dans le passé, parce que nous sommes un peuple combatif, persévérant et courageux qui regarde de l'avant sans crainte, avec optimisme et avec la conviction d'être capable d'accomplir ces choses.

Lors de mes voyages partout en Bolivie, avec mon frère jilata David, j'ai ressenti la souffrance, mais aussi l'espoir de millions de Boliviens.

Je n'oublierai jamais les larmes, les étreintes, les sourires, les paroles de force qu'ils m'ont données en tout temps, ni les histoires personnelles qu'ils ont partagées avec moi à chaque endroit que j'ai visité.

Nous n'oublierons jamais les espoirs de ceux qui ont été tellement affectés dans cette année marquée par ce coup porté à la démocratie et par cette cruelle pandémie.

Leurs visages, leurs voix, leur amour et leur espoir seront toujours avec moi aujourd'hui et m'accompagneront en tout temps au cours des cinq prochaines années.

En vertu de votre mandat, chers soeurs et frères, j'assume avec grande humilité et responsabilité la présidence de l'État plurinational.

Je regarde le passé, tout ce que nous avons vécu et tout ce que nous avons surmonté. Je lève les yeux et je vois qu'une Bolivie meilleure est possible, grâce à la participation et au travail de tous les Boliviens.

Marchons en paix, ensemble, pour réaliser nos objectifs. Allons de l'avant !

Vive l'État plurinational de Bolivie !

Honneur et gloire au peuple bolivien !

Merci beaucoup.

Discours d'investiture du vice-président de l'État plurinational de Bolivie David Choquehuanca

Avec la permission de nos dieux, de nos frères aînés et de notre Pachamama, de nos ancêtres, de nos achachilas, avec la permission de notre Patuju, de notre arc-en-ciel, notre feuille de coca sacrée.

Avec la permission de nos peuples, avec la permission de tous ceux qui sont présents et absents dans cet hémicycle.

Aujourd'hui, permettez-moi de prendre quelques minutes afin de partager notre vision avec vous.

La communication, le dialogue est une obligation, c'est un principe du vivre bien.

Les peuples des cultures millénaires, ceux de la culture de la vie, avons conservé nos origines depuis la nuit des temps.

Nous, les enfants, avons hérité d'une ancienne culture qui comprend que tout est lié, sans division ni exclusion.

C'est la raison pour laquelle on nous a dit de nous unir, d'aller ensemble, sans laisser tomber personne, pour que tout le monde ait tout et que personne ne manque de rien.

Le bien-être collectif est le bien-être individuel, aider nous aide à grandir et à être heureux, renoncer à quelque chose au profit de son prochain nous renforce. S'unir et se reconnaître dans le 'tout' est la voie du passé, du présent, de demain et de toujours, cette voie de laquelle nous ne nous sommes jamais éloignés.

L'ayni, la minka, la tumpa, notre colka et autres codes des cultures millénaires sont l'essence de nos vies, de notre ayllu.

Ayllu n'est pas uniquement l'organisation sociétale des êtres humains, ayllu est un système d'organisation de la vie, de tous les êtres vivants, de tout ce qui existe, de tout ce qui s'écoule, en équilibre avec notre planète ou notre mère, la terre.

Des siècles durant, les modèles de civilisation de Abya Yala ont été déstructurés et beaucoup d'entre eux exterminés, la pensée originelle a systématiquement été soumise à celle des colons.

Malgré tout cela, ils n'ont pas réussi à nous faire disparaître, nous sommes en vie, nous venons de Tiwanacu, nous sommes forts comme la pierre, nous sommes kalawawa , nous sommes cholke, sinchi, Rumy, nous sommes Jenecheru, le feu qui ne s'éteint jamais, nous venons de Samaipata, nous sommes le jaguar, nous sommes Katari, nous sommes les peuples Aïnous, Maoris, Comanches, Mayas, nous sommes Guaranis, Mapuches, Mojos, nous sommes Aymaras, Quechuas, Jokis et nous sommes tous les peuples faisant partie de la culture de la vie, qui avons réveillé notre larama, le même larama qu'autrefois, un rebelle empli de sagesse.

Une transition à tous les 2 000 ans

Aujourd'hui, la Bolivie et le monde vivent une transition qui se répète chaque 2 000 ans, le cycle des temps, nous passons de l'intemporel au temporel, amorçant une ère nouvelle, un autre Pachakuti dans notre histoire.

Un soleil nouveau et une nouvelle expression dans le langage de la vie, où l'empathie pour l'autre ou le bien collectif remplace l'individualisme égoïste, avec des Boliviens qui se considèrent tous égaux et conscients qu'ensemble nous sommes plus forts. Le temps est venu de retourner au Jiwasa, il ne s'agit pas du 'soi' mais du 'nous'.

Jiwasa représente la fin de l'égocentrisme, Jiwasa est la mort de l'anthropocentrisme et la fin de l'eurocentrisme.

Il est temps de redevenir Jisambae, ce code qui a protégé nos frères et soeurs Guaranis et également Jambae, un être qui n'a pas de maître, personne dans ce monde doit se sentir maître ou propriétaire de quiconque ou quoi que ce soit.

Depuis l'année 2006, nous avons entamé en Bolivie un travail exigeant dans le but de connecter nos racines individuelles et collectives pour redevenir nous-mêmes, nous recentrer, revenir à notre taypi, à la pacha, à l'équilibre qui laisse émerger la sagesse des civilisations les plus importantes de notre monde.

Nous sommes en plein processus de récupération de nos connaissances, des codes de la culture de la vie, des schémas de civilisation d'une société qui vivait en intime connexion avec le cosmos, la terre, la nature, la vie individuelle et collective, de construction de notre sumak kamaña, de notre sumajakalle, garantissant ainsi le bien-être individuel et commun.

Chachawarmi

Nous sommes en période de récupération de notre identité, notre racine culturelle, notre sapi, nous avons cela, nous avons une philosophie, une histoire, nous avons de tout, nous sommes des êtres humains et nous avons des droits.

Une des références inébranlables de notre civilisation est la sagesse héritée des connaissances liées à la terre, garantir l'équilibre en tout temps et espace. C'est savoir comment gérer toutes les énergies complémentaires, celle cosmique venant du ciel avec celle qui émerge du centre de la terre.

Ces deux forces telluriques interagissent en créant ce qu'on appelle la vie, un 'tout' composé de ce qui est visible, Pachamama et spirituel, Pachakama.

En appréhendant la vie du point de vue des énergies, nous avons la possibilité de modifier notre histoire, la matière et la vie, telle la convergence de la force chachawarmi, lorsque l'on se réfère à la complémentarité des opposés.

Les temps nouveaux que nous commençons seront soutenus par l'énergie de l'ayllu, la communauté, les consensus, l'horizontalité, les équilibres complémentaires et le bien commun.

Historiquement, on entend la révolution comme un acte politique pour changer la structure sociale pour ainsi transformer la vie de l'individu. Aucune des révolutions a réussi à modifier la conservation du pouvoir pour maintenir le contrôle sur les personnes.

« Notre révolution est une révolution des idées »

Il n'a pas été possible de changer la nature du pouvoir, cependant le pouvoir lui a réussi à déformer l'esprit des politiciens, il a pu les corrompre. Il est très difficile de modifier l'influence du pouvoir et de ses institutions, mais c'est un défi que nous relèverons avec la sagesse de nos peuples. Notre révolution est une révolution des idées, elle est une révolution des équilibres, car nous sommes convaincus que pour transformer la société, le gouvernement, la bureaucratie, les lois et le système politique, nous devons nous transformer en tant qu'individus.

Nous allons promouvoir les conjonctions avec l'opposition afin de chercher des solutions entre la gauche et la droite, la jeunesse rebelle et la sagesse des anciens, entre les limites de la science et la nature sans faille, les minorités créatives et les majorités traditionnelles, entre les malades et ceux qui ne le sont pas, les gouvernants et les gouvernés, entre leadership et don de soi pour servir les autres.

Notre vérité est très simple, le condor prend son envol à la seule condition que son aile droite soit en parfait équilibre avec son aile gauche. La tâche de nous former pour devenir des êtres équilibrés a été brutalement interrompue il y a des siècles de cela, nous n'avons pu la mener à bien, mais à présent l'heure de l'ère de l'ayllu, la communauté, est arrivée et est avec nous.

Cela implique que nous soyons des individus libres et équilibrés pour construire des relations harmonieuses avec les autres et notre entourage. Il est urgent que nous soyons des êtres aptes à maintenir les équilibres pour soi et la communauté.

Nous sommes à l'époque des frères de la apanaka pachakuti, nous ne luttions pas seulement pour nous, mais aussi pour eux et surtout pas contre eux, nous luttions pour obtenir un mandat, nous ne cherchions pas l'affrontement, au contraire, nous cherchions la paix. Nous n'appartenons pas à la culture de la guerre, ni de la domination, notre lutte vise toute tentative de soumission et combat la pensée unique coloniale, patriarcale, qu'elle vienne d'où elle vienne.

L'idée de la rencontre entre l'esprit et la matière, le ciel et la terre, Pachamama et Pachakama, nous permet de penser qu'une femme et un homme nouveau puissent guérir l'humanité, la planète et la sublime vie qui la compose, pour rendre la beauté à notre Terre Mère.

Nous défendrons les trésors sacrés de notre culture face à toute ingérence, nous défendrons nos peuples, nos ressources naturelles, nos libertés et nos droits.

« Nous retournerons à notre Kapak Ñan »

Nous retournerons à notre Kapak Ñan, le noble chemin vers l'unité, la voie du respect envers nos autorités, pour nos soeurs, le chemin du respect pour le feu, la pluie, le respect de nos montagnes, nos rivières, notre mère la terre, le chemin vers le respect de la souveraineté de nos peuples.

Frères et soeurs, pour conclure, les Boliviens doivent surmonter la division, la haine, le racisme, la discrimination entre compatriotes, finissons-en avec la persécution de la liberté d'expression et la judiciarisation de la politique.

Finissons-en avec l'abus de pouvoir, celui-ci doit être employé pour aider, le pouvoir doit circuler, comme l'économie, il doit être redistribué, il doit circuler, s'écouler, comme le sang s'écoule dans notre organisme. Plus d'impunité mais justice, frères et soeurs.

Mais la justice doit véritablement être indépendante, mettons un terme à l'intolérance, à l'humiliation et la violation des droits humains et de la Terre-Mère.

Le temps nouveau signifie être à l'écoute du message de nos peuples qui a été émis du fond de leurs coeurs, cela signifie guérir des blessures, nous regarder avec respect, récupérer la patrie, rêver ensemble, construire la fraternité, l'harmonie, l'intégration et l'espoir afin de garantir la paix et le bonheur des générations à venir.

C'est uniquement de cette manière que nous atteindrons le vivre bien et la gouvernance par nous-mêmes.

Vive la Bolivie ! Jallalla !

Pour la vidéo complète en espagnol du discours inaugural du président Luis Arce cliquer ici et celui du vice-président et président de l'Assemblée législative plurinationale, David Choquehuanca cliquer ici.

(Ministère de la Présidence, État plurinational de Bolivie (discours du président) et Gouvernement de l'État plurinational de Bolivie, 8 novembre 2020. Traduction du discours du vice-président de l'original en espagnol réalisée par Cristian Saavedra Salomon; source : Bolivar Infos)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 73 - 16 novembre 2020

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