Numéro 31
Décembre 2023
Un statut pour toutes et tous
« Respectez vos engagements! », disent les migrants et leurs alliés au premier ministre
|
• Des recommandations pour
une régularisation humanitaire
• Les migrants et
leurs alliés dénoncent et
condamnent la hausse des expulsions
À titre d'information
• 18 décembre, Journée internationale des migrants de l'ONU
• Informations actuelles sur la situation des migrants dans le monde
Surexploitation des étudiants internationaux
• Solidarité et soutien aux étudiants internationaux
Un statut pour toutes et tous
« Respectez vos engagements! », disent les migrants et leurs alliés au premier ministre
Action au bureau du ministre de l'Immigration, Marc Miller, à
Montréal exigeant un statut pour tous et toutes, 17 septembre
2023
Du 16 au 18 décembre, le Réseau des droits des migrants organise des actions partout au Canada pour exiger un programme de régularisation pour les personnes sans papiers et un statut de résident permanent pour les étudiants et les travailleurs migrants.
« Le 16 décembre 2021 », dit le réseau, « le premier ministre Trudeau, dans une lettre de mandat, a pris un engagement que les ministres de l'Immigration ont réitéré plusieurs fois depuis : un programme de régularisation pour les personnes sans papiers et un statut de résident permanent pour les étudiants et les travailleurs migrants. Mais nous attendons toujours[1] ! »
Le deuxième anniversaire de cet engagement arrive à grands pas,
sans que rien ne se soit concrétisé. Dans sa lettre de mandat au
ministre de l'Immigration de l'époque, Sean Fraser, le premier
ministre avait écrit : « En tant que ministre de
l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, vous traiterez
de façon prioritaire les travaux en cours visant à renforcer le
système d'immigration et de réfugiés du Canada, notamment en
accueillant un plus grand nombre de nouveaux arrivants dans
toutes les régions du pays, lesquels contribueront à la relance
économique du pays après la pandémie de COVID-19[2]. »
Pour atteindre ces objectifs, le premier ministre a demandé au ministre de l'Immigration d'obtenir des résultats pour les Canadiens en s'acquittant d'un nombre d'engagements, dont « prendre appui sur les programmes pilotes existants pour poursuivre l'exploration de moyens de régulariser le statut des travailleurs sans papiers qui contribuent aux communautés canadiennes ».
Le premier ministre a aussi demandé au ministre de l'Immigration de diriger le travail en matière de migration irrégulière et d'élargir les voies d'accès à la résidence permanente pour les étudiants internationaux et les travailleurs étrangers temporaires. En ce qui concerne la question de migration irrégulière, les Canadiens ont vu la fermeture de la frontière irrégulière du chemin Roxham au Québec, par lequel les migrants pouvaient entrer au pays de façon sécuritaire.
Tôt en novembre, les gouvernements du Canada et du Québec ont annoncé leurs plans d'immigration pour les années à venir. Le Canada a annoncé que sa cible est de 500 000 nouveaux résidents permanents pour 2025-2026. Le Québec a choisi le statu quo, soit 50 000 par année, ainsi que les personnes admises en vertu du volet des étudiants internationaux diplômés du Programme de l'expérience québécoise (2024-2025).
Le Centre des travailleurs et travailleuses immigrants de Montréal (CTI), l'un des principaux organisateurs et défenseurs des migrants au Québec, a souligné qu'« aucun plan n'est prévu pour améliorer la protection des droits des nouveaux-arrivants ou des gens déjà ici, ayant un statut d'immigration temporaire ou sans statut, même si leur nombre est à la hausse. Ni a-t-on annoncé l'abolition du permis de travail fermé, une revendication mise de l'avant par de nombreuses organisations syndicales et communautaires. Et rien sur la régularisation des immigrants sans papiers, en dépit de la promesse de Justin Trudeau de le faire, il y a 23 mois de cela. Ces gens sont les forces vives de toute une section de l'économie, et pourtant ils ne sont pas reconnus comme ayant les mêmes droits fondamentaux que tout autre citoyen[3]. »
Le Réseau des droits des migrants lance l'appel à tout le monde de mener des actions du 16 au 18 décembre 2023 pour souligner cet « engagement, les Fêtes, la Journée internationale des migrants [le 18 décembre] et son cinquième anniversaire ».
« Ensemble, nous allons exiger des droits du travail égaux, un accès universel aux services et l'unité des famille qui ne sont possibles qu'avec le statut de résident permanent. » L'organisation appelle tout le monde à « faire de ces actions un succès » en y participant massivement.
Son invitation chaleureuse et convaincante s'adresse à tous : « Soyez des nôtres, pendant ces Fêtes. Unissons-nous. Exigeons un statut pour toutes et tous qui est notre droit ».
Toronto, 17 septembre 2023
Notes
1. Le Réseau des droits des migrants est une coalition pancanadienne qui combat le racisme et lutte pour la justice migrante. C'est un réseau d'organisations de migrants comprenant des travailleurs agricoles, aides-soignants, étudiants internationaux, personnes sans papiers et alliés.
2. Bureau du premier ministre, Lettre de mandat au ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, 16 décembre 2023
3. Les migrants, boucs-émissaires des politiques québécoises et canadiennes, Réseau des droits des migrants, 3 novembre 2023
Des recommandations pour une
régularisation humanitaire
Montréal, 17 juillet 2022
Dans ses nouvelles du 22 octobre, le Réseau des droits des migrants (RDM) explique comment les gens deviennent sans papiers « à cause des échecs de la politique d'immigration ». Il poursuit : « La plupart des migrants à faible revenu ne peuvent accéder à la résidence permanente au Canada, et seulement 60 % des réfugiés demandeurs d'asile sont acceptés. Presque tous les immigrants sans papiers au Canada ont antérieurement eu une autorisation temporaire (de travail, d'études, de permis de demandeur d'asile). Après un certain temps, ils n'ont pas pu obtenir une résidence permanente et le gouvernement fédéral a refusé de renouveler leur permis. Ils se sont donc retrouvés devant un choix impossible : retourner dans un pays où il y a la guerre, la discrimination, la catastrophe climatique sans aucune opportunité économique, et quitter des communautés, des familles et des amis au Canada, OU rester sans avoir accès à aucun droit ou aux services et vivre au jour le jour dans la crainte d'être expulsés. Les personnes qui restent deviennent des immigrants sans papiers.
« Sans un statut de résident permanent, les personnes sans papiers ne peuvent affirmer leur droit au travail et aux soins de santé les plus élémentaires. Elles risquent de vivre la discrimination et l'exploitation en raison de leur crainte d'être expulsées. Les personnes sans statut font partie des communautés. Elles sont nos voisins, nos camarades de classe, nos parents, nos conjoints, nos enfants, nos collègues de travail et nos aides-soignants. Parce qu'elles n'ont pas de statut de résident permanent, les personnes sans papiers vivent la précarité en termes de logement, d'abus au travail, de pauvreté et de peur. L'incertitude face à l'avenir, l'anxiété constante de pouvoir joindre les deux bouts et les risques de détention et d'expulsion ont des répercussions néfastes sur notre santé. Pour vivre sans statut, il faut toute une résilience. »
En 2007, informe le RDM, « selon la GRC, il y avait entre 200 000 et 500 000 personnes sans papiers au Canada » et depuis ce temps, aucune nouvelle analyse n'a été faite. Pourtant, « le nombre de permis temporaires de travail et d'étude accordé au Canada a quadruplé, accompagné vraisemblablement d'une augmentation de personnes sans papiers. Nous croyons qu'il y a au moins 500 000 immigrants sans statut. »
Ce que propose le RDM est que « la régularisation soit un droit minimal », parce que « lorsqu'un groupe quelconque est exclu, c'est l'économie dans son ensemble qui en souffre. Si la pandémie nous a appris quelque chose, c'est que tout le monde est interconnecté et que l'exclusion de toute personne ou groupe de personnes de l'accès aux droits égaux aux services est nuisible à l'ensemble.
« Pour la formation d'un programme vraiment efficace », dit-il, « il faut constituer une table permanente de coordination en collaboration avec le Réseau des droits des migrants et il faut que les personnes sans papiers et les réfugiés eux-mêmes y participent, de sa conception, à sa mise en oeuvre et à son évaluation. »
Le RDM propose « un programme global mais simple » qui fait en sorte que « toute personne sans papiers résidant au Canada puisse demander et obtenir un statut de résident permanent ». La résidence, dit-il, « doit comprendre toutes les périodes passées au Canada, y compris celles avant de devenir sans papiers, et ne devrait pas dépasser deux ans au Canada. »
« On doit être flexible dans la définition des dépendants pour qu'ils incluent de facto tous les membres de la famille et on doit accepter tous les documents pertinents permettant d'établir les liens de parenté. »
« Il doit y avoir une première étape de traitement des permis de travail et les permis doivent être renouvelés automatiquement en attendant le traitement de la demande.
« Le programme doit être permanent et accessible de façon continue puisque les facteurs faisant des gens des sans-papiers seront les mêmes à moyen terme.
« Il faut aussi modifier les politiques concernant l'immigration et les réfugiés afin que les migrants, y compris les travailleurs, les réfugiés et les étudiants internationaux et d'autres soient assurés d'un statut de résident permanent pour qu'ils ne deviennent pas sans papiers. »
Pour de plus amples informations au sujet des recommandations
pour un programme de régularisation, cliquez
ici.
Les migrants et leurs alliés dénoncent et condamnent la hausse des expulsions
Le 7 décembre, lors d'une conférence de presse virtuelle, le Réseau des droits des migrants (RDM), un réseau national de 40 organisations qui se consacrent à la défense des droits des migrants et de la justice, a tiré la sonnette d'alarme sur la forte augmentation des expulsions qui ont lieu au Canada et qui « déchirent les familles ». Les données obtenues par l'accès à l'information montrent que 7 032 personnes ont été expulsées au cours du seul premier semestre 2023, soit près du double des expulsions en 2021 ou 2022.
Au cours de la conférence de presse, des sans-papiers expulsés et des personnes menacées d'expulsion, ainsi que des membres de leurs familles, ont parlé des terribles conséquences des expulsions. Selon eux, 39 personnes en moyenne ont été expulsées chaque jour au cours du premier semestre 2023, contre 23 en 2022 et 21 en 2021 (le Canada a imposé un moratoire sur les expulsions en mars 2020, au début de la pandémie, qui a été levé en novembre 2021).
« Beaucoup de ces personnes auraient pu éviter l'expérience horrible de l'expulsion si le gouvernement avait tenu sa promesse de 2021 de régulariser les sans-papiers », a souligné Mary Gellatly, assistante juridique communautaire aux Services juridiques communautaires de Parkdale.
« Le premier ministre supervise désormais 39 expulsions par jour au coût de près de 50 millions de dollars par an. C'est injuste et absurde de déchirer des familles », a déclaré Syed Hussan, du RDM. « Nous devons mettre fin aux expulsions et obtenir un statut d'immigration complet et permanent pour toutes et tous. »
Le même jour, sans lien avec la conférence, le ministre de l'immigration, Marc Miller, a répondu aux médias au sujet d'un programme de régularisation élargi et s'est engagé à aborder la question [d'un programme de régularisation] dans les mois à venir. « La promesse demeure », a-t-il déclaré. « Je pense que le Canada doit avancer sur la voie de la migration régulière et c'est une question que je me suis engagé à soumettre au conseil des ministres au printemps. Mais ce n'est pas gagné d'avance et cela ne se fait pas sans coûts ni sans tenir compte d'autres facteurs. »
Selon le RDM, l'Agence des services frontaliers du Canada reçoit au moins 46 millions de dollars par an pour les expulsions, « ce qui revient en moyenne à 4 750 dollars pour expulser une personne ». En revanche, les services d'établissement et d'intégration d'un résident permanent coûtent beaucoup moins cher, environ 3 900 dollars ».
Le RDM ajoute : « Les migrants respectent toutes les règles, mais ne peuvent tout simplement pas faire valoir leurs droits. La plupart des travailleurs migrants faiblement rémunérés et des étudiants n'ont pas accès à la résidence permanente; plus de 40 % des demandeurs d'asile sont déboutés. Par conséquent, la plupart des migrants doivent choisir entre laisser derrière eux leurs amis, leur travail et leur communauté au Canada et être potentiellement forcés de partir dans un pays où ils peuvent courir des risques, ou vivre au Canada sans papiers, exploités et dans la crainte quotidienne d'être expulsés. »
Rajan Gupta a été expulsé du pays et renvoyé en Inde le 11 novembre 2023. « Je ne peux pas retourner chez moi en raison des menaces de mort qui pèsent sur moi. Je vis dans un endroit tenu secret, loin de ma ville, pour sauver ma vie et celle de ma soeur. J'ai passé quatre ans de ma vie à travailler au Canada. Aujourd'hui, en Inde, je n'ai ni argent ni source de revenus et je ne peux pas non plus travailler à l'extérieur à cause des menaces qui pèsent sur ma vie », a-t-il déclaré.
Tareq Abuznaid, 19 ans, qui est au Canada depuis huit ans et qui, au 7 décembre, risquait toujours d'être expulsé vers la Cisjordanie, en Palestine, a déclaré : « C'est horrible et c'est franchement déchirant que le Canada veuille m'expulser vers un pays qui est victime d'un génocide actif. Israël ne me reconnaît pas en tant que citoyen et ne veut même pas que je vienne sur 'sa terre'. C'est tellement dégoûtant et honteux qu'après tout ce que nous avons vécu et tout ce que nous avons donné, le Canada soit prêt à nous jeter, à nous condamner à mort, moi et ma famille. Et je sais que nous ne sommes pas les seules victimes de cette situation. »
Le premier ministre et sa clique choisissent toujours leurs mots avec beaucoup de soin. Le 24 octobre, alors que l'agression et les crimes israéliens se poursuivaient en Palestine occupée, le ministre de l'Immigration Marc Miller a déclaré que les Palestiniens ne seraient pas renvoyés à Gaza si leur visa expirait. Alors que plus de 20 000 personnes ont déjà été tuées, comment se fait-il qu'au 7 décembre, Tareq risquait encore d'être expulsé vers la Cisjordanie, où Israël mène des raids meurtriers ? Les conseils aux voyageurs du Canada pour Gaza et la Cisjordanie, mis à jour le 11 décembre, indiquent seulement que pour Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza, il faut « ÉVITER LES VOYAGES NON ESSENTIELS ».
Le RDM souligne également que le Canada expulse des personnes « qui obtiendraient probablement le statut de résident permanent une fois qu'un programme de régularisation aura été mis en place », lequel « s'accompagnerait d'un moratoire sur les expulsions ». Il dit également que le réseau, « comme presque toutes les organisations de la société civile, du travail et de l'environnement, a demandé la mise en oeuvre immédiate d'un programme de régularisation complet, par lequel la plupart des sans-papiers obtiendraient le statut de résident permanent ».
Dénonçant le fait qu'il n'y a aucune raison crédible pour que le Canada ne mette pas en oeuvre un programme de régularisation, le réseau a donné des exemples de tels programmes dans d'autres pays. « Entre 1996 et 2008, 24 des 27 États membres de l'Union européenne ont mis en oeuvre des programmes de régularisation, et certains à plusieurs reprises. On estime que 5,5 à 6 millions de personnes ont été régularisées au cours de cette période. Les programmes les plus importants ont été le programme italien de 2002, qui a régularisé 634 000 personnes, et le programme espagnol de 2005, qui a régularisé 578 375 personnes. En 2021, l'Irlande a régularisé la plupart des personnes sans papiers dans le pays qui répondaient à une exigence de résidence de base. »
(Avec des informations du Migrant Rights Network, CTV News et The Globe and Mail)
À titre d'information
18 décembre, Journée
internationale
des migrants de l'ONU
Le 4 décembre 2000, l'Assemblée générale des Nations unies, prenant en compte le nombre important et croissant de migrants dans le monde et reconnaissant l'énorme contribution des migrants à l'économie mondiale, aux sociétés dans lesquelles ils émigrent et les énormes contributions financières qu'ils apportent aux pays dont ils sont originaires par le biais de transferts de fonds et d'autres moyens, a proclamé le 18 décembre Journée internationale des migrants. Dix ans plus tôt, le 18 décembre 1990, l'Assemblée adoptait la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Notons que le Canada n'a jamais signé ni adhéré à cette Convention.
En 2006, 132 pays membres des Nations unies ont participé au Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement, au cours duquel ils ont reconnu que les migrations internationales étaient un phénomène croissant et qu'elles pouvaient être bénéfiques si elles étaient soutenues par des politiques sociales et politiques adéquates. Le dialogue a également souligné la nécessité de respecter et de protéger les droits des migrants, condition essentielle à leur épanouissement et à leur contribution à la société. Enfin, le dialogue a reconnu l'importance de renforcer la coopération internationale aux niveaux local, régional et mondial pour protéger les droits et le bien-être des migrants à l'échelle mondiale.
En juin 2023, le Canada a proclamé, sous le titre « Approche du
Canada visant à promouvoir les droits de la personne »,
qu'il « défend fièrement ses engagements, respecte ses
obligations et fait la promotion, à l'échelle nationale et
internationale, des droits des personnes déplacées, persécutées
et ayant besoin de protection ». Mais le Canada ne fait
rien de tout cela. Au contraire, il est fier de pouvoir parler
de grands idéaux alors que dans la réalité quotidienne il viole
les droits humains des personnes déplacées, persécutées et ayant
besoin de protection. Cela a été confirmé par les Nations unies
elles-mêmes.
En septembre 2023, à la suite d'une visite au Canada pour enquêter sur les conditions des travailleurs migrants, Tomoya Obokata, rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d'esclavage, leurs causes et leurs conséquences, s'est déclaré « profondément troublé par les récits d'exploitation et d'abus dont m'ont fait part des travailleurs migrants en référence aux risques des formes contemporaines d'esclavage posés par les programmes de travailleurs étrangers temporaires du Canada », ainsi que par les politiques d'immigration et de réfugiés discriminatoires qui ciblent les personnes d'origine africaine et d'autres personnes vulnérables. Le professeur Obokata a appelé le Canada à signer la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et à prévenir et combattre activement les formes contemporaines d'esclavage.
Informations actuelles sur la
situation
des migrants dans le monde
Le rapport sur les migrations dans le monde produit par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), une agence des Nations unies, mis à jour en novembre 2023, indique qu'en 2022, il y avait 281 millions de migrants dans le monde et que ce nombre est en hausse. Elle précise que le nombre de migrants internationaux représentait 2,3 % de la population mondiale en 1980 et, 40 ans plus tard, en 2020, 3,5 % de la population mondiale.
Les Nations unies définissent un migrant comme « toute personne
qui se déplace ou s'est déplacée à l'intérieur de son État ou en
franchissant une frontière internationale, loin de son lieu de
résidence habituel, quel que soit son statut juridique ».
Les principales raisons de la migration sont « la recherche d'un
travail ou d'une opportunité économique, pour rejoindre sa
famille ou pour étudier. D'autres se déplacent pour échapper à
un conflit, à des persécutions ou à des violations massives des
droits humains. »
Le rapport indique qu'à la fin de 2022, « un total estimé de 71,1 millions de personnes restaient déplacées à l'intérieur des frontières de leur propre pays – 62,5 millions à la suite de conflits et de violences et 8,7 millions à la suite de catastrophes ».
L'OIM indique qu'en 2022, 48 % des migrants étaient des femmes et des filles, et 13 % des enfants de moins de 18 ans. Les jeunes âgés de 18 à 24 ans représentaient 11 % des migrants dans le monde.
Le rapport indique qu'en 2019, 167 millions de migrants étaient des travailleurs, soit 5 % du nombre total de travailleurs dans le monde, et qu'ils représentaient 62 % de l'ensemble des migrants cette année-là. Il est également noté qu'en 2022, les travailleurs migrants internationaux ont envoyé dans leur pays d'origine, en majorité des pays à revenu faible ou intermédiaire, un total de 647 milliards de dollars américains, soit une augmentation de 8 % par rapport à 2021, et plus que les investissements directs étrangers (IDE) ou l'aide publique au développement (APD) dans ces pays.
En ce qui concerne les réfugiés et les demandeurs d'asile, l'OIM note qu'au milieu de l'année 2023, on estimait à 36,4 millions le nombre total de réfugiés et à 6,1 millions le nombre de demandeurs d'asile dans le monde et qu'au cours du premier semestre 2023, seuls 3 % des réfugiés, soit 59 500, ont été réinstallés par les pays d'accueil.
L'OIM indique qu'une part importante de la migration internationale est « irrégulière », car les personnes cherchent à échapper à des circonstances et des conditions désespérées, et qu'entre 2014 et 2023, près de 60 000 personnes ont perdu la vie en transit. En outre, le Projet Migrants disparus de l'OIM note que des dizaines de milliers de migrants sont tués au travail chaque année en raison de « travaux dangereux dans des secteurs tels que la construction, la fabrication, l'exploitation minière et l'agriculture », ainsi que dans l'économie informelle où les risques sont encore plus grands. L'OIM note qu'il est très difficile de quantifier les décès de migrants au travail et qu'il est très probable que beaucoup plus de travailleurs migrants soient tués à l'étranger que ce qui est rapporté.
Le 26 juin 2023, Felipe Gonzalez Morales, Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, a informé le Conseil des droits de l'homme que « de nombreux migrants sans papiers continuent de lutter contre l'absence de statut migratoire régulier : ils vivent et travaillent dans des circonstances critiques et peuvent être soumis de manière disproportionnée à la discrimination, aux abus, à l'exploitation et à la marginalisation. L'absence de statut régulier les empêche souvent de signaler les violations par crainte d'être expulsés ». Il a exhorté les membres des Nations unies à régulariser le statut des migrants afin d'« améliorer l'accès des migrants à la protection sociale, aux soins de santé, à un travail décent, à l'éducation, à des conditions de vie adéquates et au regroupement familial – en leur donnant les moyens de mener une vie plus sûre et plus digne ». « J'exhorte les gouvernements à mettre fin à la criminalisation des migrants en situation irrégulière, à promouvoir la solidarité, afin de changer le discours sur la migration et de lutter contre la xénophobie, le racisme et la discrimination », a souligné Felipe Gonzalez.
(Source : ONU, Organisation internationale pour les migrations)
Surexploitation des étudiants internationaux
Le gouvernement Trudeau révise
les exigences financières et d'autres exigences pour les
étudiants internationaux
Manifestation d'étudiants étrangers devant le bureau de
l'Immigration à Toronto, le 23 avril 2022
Le ministre fédéral de l'Immigration, Marc Miller, a annoncé le 7 décembre que dès le 1er janvier 2024, les exigences financières relatives au coût de la vie seront augmentées et que ce seuil sera désormais ajusté annuellement lorsque Statistique Canada mettra à jour le seuil de faible revenu (SFR). Ce seuil représente « le revenu minimum nécessaire pour garantir qu'une personne n'a pas à consacrer une partie supérieure à la moyenne de son revenu aux nécessités de la vie ». Les exigences relatives au coût de la vie pour les demandeurs de permis d'études n'ont pas changé depuis le début des années 2000, établies à l'époque à 10 000 $ par demandeur.
Cela signifie qu'un demandeur
seul devra prouver qu'il dispose de 20 635 $, ce qui
représente 75 % du seuil de faible revenu, en plus d'un
montant équivalant à sa première année de droits de scolarité et
à ses frais de voyage. Ce changement s'appliquera aux nouvelles
demandes de permis d'études reçues à compter du 1er janvier
2024.
Comme l'indique Statistique Canada, les frais de scolarité
annuels moyens des étudiants canadiens de premier cycle et les
frais obligatoires supplémentaires s'élevaient à 7 076 $ pour
l'année scolaire 2023-2024. À l'échelle nationale, en 2022-2023,
les étudiants internationaux de premier cycle ont payé 36 123 $
en moyenne.
Cette annonce fait suite à d'autres réformes du Programme des étudiants étrangers annoncées par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada le 27 octobre 2023, « concernant l'élaboration d'un nouveau cadre pour reconnaître les établissements d'enseignement qui fournissent des services et un soutien de qualité supérieure, y compris le logement, aux étudiants étrangers. Nous attendons des établissements d'enseignement qu'ils n'acceptent que le nombre d'étudiants pour lesquels ils peuvent fournir un soutien adéquat, y compris des options de logement[1]. »
Le ministre a aussi fait le point sur trois politiques d'intérêt public temporaires à l'intention des étudiants étrangers, qui doivent toutes arriver à échéance à la fin de 2023 :
« - La levée de la limite de 20 heures par semaine imposée aux étudiants étrangers autorisés à travailler hors campus pendant une session d'études sera prolongée jusqu'au 30 avril 2024. En conséquence, les étudiants étrangers qui se trouvent déjà au Canada, ainsi que les demandeurs ayant déjà soumis une demande de permis d'études en date du 7 décembre 2023, pourront travailler hors campus plus de 20 heures par semaine jusqu'à cette date.
« - La mesure autorisant les étudiants étrangers à inclure le temps passé à étudier en ligne dans la durée d'un futur permis de travail postdiplôme, à condition que ce temps représente moins de 50 % de la durée du programme d'études, continuera de s'appliquer aux étudiants qui entament un programme d'études avant le 1er septembre 2024. Cette mesure ne s'appliquera plus aux étudiants qui entament un programme d'études à compter de cette date.
« - En réponse aux perturbations du marché du travail pendant la pandémie et à la reprise après cette dernière, une politique d'intérêt public temporaire avait été mise en oeuvre à 3 reprises pour accorder un permis de travail supplémentaire de 18 mois aux titulaires d'un permis de travail postdiplôme au moment où leur permis de travail initial arrivait à expiration. Les ressortissants étrangers titulaires d'un permis de travail postdiplôme expirant d'ici le 31 décembre 2023 sont admissibles à présenter une demande. Toutefois, cette politique temporaire ne sera plus prolongée[2]. »
Le communiqué note également :
« L'éducation internationale représente plus de 22 milliards de dollars en activités économiques chaque année, soit plus que les exportations canadiennes de pièces automobiles, de bois d'oeuvre ou d'avions, et soutient plus de 200 000 emplois au Canada.
« Le Québec établit son propre seuil relatif au coût de la vie pour les étudiants étrangers inscrits aux établissements d'enseignement de la province et continue d'augmenter ce seuil périodiquement.
« Les nouvelles lignes directrices financières sont également appliquées au Volet direct pour les études, un processus de demande de permis d'études spécial proposé aux résidents de 14 pays. Ce volet, qui nécessite initialement des renseignements supplémentaires de la part du demandeur, offre un traitement prioritaire[3][4]. »
Notes
1. Modifications
apportées au Programme des étudiants étrangers afin de
protéger ces derniers, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté
Canada, 27 octobre 2023
2. Révision
des exigences pour mieux protéger les étudiants étrangers,
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, 7 décembre
2023
3. Volet direct pour les études : Qui peut présenter une demande
4. Les 14 pays sont : Antigua-et-Barbuda, Brésil, Chine, Colombie, Costa Rica, Inde, Maroc, Pakistan, Pérou, Philippines, Sénégal, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Trinité-et-Tobago et Vietnam.
Le ministre de l'Immigration tient une conférence de presse sur les changements touchant les étudiants internationaux
Les étudiants internationaux ont tenu des manifestations à
Mississauga contre
les expulsions injustes en juin 2023.
Lors d'une conférence de presse tenue le 7 décembre, le ministre de l'Immigration, Marc Miller, a déclaré : « Ce serait une erreur de blâmer les étudiants étrangers pour la crise du logement. Mais ce serait aussi une erreur de les inviter à venir au Canada sans aucune aide, y compris sans savoir comment leur mettre un toit au-dessus de la tête. » C'est la justification qu'il donne pour augmenter de 10 000 $ à 20 635 $ les exigences relatives au coût de la vie pour les nouveaux demandeurs de permis d'études.
« C'est pourquoi, a-t-il dit, nous attendons des établissements
d'enseignement qu'ils n'acceptent qu'un certain nombre
d'étudiants (étrangers) qu'ils seront ensuite en mesure d'aider
à subvenir à leurs besoins – capables de les loger ou de les
aider à trouver un logement hors campus. » Il n'est pas
question de s'en prendre aux propriétaires qui escroquent les
étudiants en imposant des loyers exorbitants, voire en exigeant
un semestre entier de loyer à l'avance.
Le ministère de l'Immigration a annoncé qu'« à l'approche de la
session de septembre 2024, nous sommes prêts à prendre les
mesures nécessaires, notamment en limitant les visas, pour
garantir que les établissements d'enseignement désignés
fournissent un soutien adéquat et suffisant aux étudiants dans
le cadre de leur expérience universitaire ».
Le ministre de l'Immigration a également déclaré qu'il faudra
poursuivre les discussions avec les provinces avant d'introduire
des plafonds pour les visas d'études.
« Assez, c'est assez. Si les provinces et les territoires ne peuvent pas le faire, nous le ferons pour eux, et ils n'apprécieront pas le caractère brutal des instruments que nous utiliserons », a-t-il déclaré.
« Les provinces disposent d'un certain nombre d'outils,
notamment la réglementation sur les établissements
d'enseignement désignés, qui, dans certains cas, devraient
simplement être fermés », a ajouté le ministre.
Le ministre Miller a dit que son gouvernement était en train
d'examiner le nombre d'heures que les étudiants devraient être
autorisés à travailler au Canada. Il a dit qu'un plafond de 20
heures par semaine serait « du côté draconien du spectre »,
mais qu'autoriser 40 heures de travail par semaine donnerait aux
gens une raison de venir au Canada sans vouloir vraiment se
concentrer sur leurs études. Le ministre ne fait de cadeau à
personne puisqu'il est établi depuis longtemps qu'un étudiant à
temps plein ne doit pas travailler plus de dix heures par
semaine s'il espère pouvoir suivre ses études.
Le ministre Miller a noté : « Nos données montrent que 80 % des étudiants étrangers travaillent plus de 20 heures par semaine. »
Avec le même air d'innocence, le ministre nie que les étudiants
étrangers sont déjà réduits à la pauvreté, raison pour laquelle
ils travaillent plus de vingt heures par semaine pour conserver
les emplois les moins bien rémunérés dans de nombreux cas. Leur
permettre de travailler désormais plus de vingt heures par
semaine n'est pas un cadeau qu'on leur fait.
Il est clair que le ministre ne veut que des étudiants
internationaux issus de milieux relativement aisés pour étudier
au Canada, car ceux qui ont des moyens modestes doivent
emprunter ou vendre leurs terres et leurs biens simplement pour
payer les frais de visa actuels. Une fois ces frais doublés, la
situation des étudiants étrangers et de leurs parents
s'aggravera considérablement.
Les efforts déployés par le Canada pour justifier la
surexploitation des étudiants étrangers sont méprisables.
(Avec des informations de Radio-Canada, La Presse canadienne et CTV News)
Solidarité et soutien aux étudiants internationaux
« Qu'ils soient tenus pour responsables de la crise du logement ou interdits d'accès aux banques alimentaires locales, les étudiants étrangers ont récemment fait la une des journaux », écrit Elizabeth Berman, de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université (ACPPU) dans le bulletin de l'organisation. « Autrefois une petite minorité, les étudiants étrangers – et les frais de scolarité élevés qu'ils paient – sont aujourd'hui une force motrice sur certains campus de collèges et d'universités du Canada.
« Ce n'est pas la valeur éducative des étudiants étrangers qui motive les gouvernements et les établissements d'enseignement postsecondaire à en recruter de plus en plus », note-t-elle, ajoutant que le gouvernement Legault au Québec a annoncé en octobre qu'il « récupérerait environ 17 000 $ de frais de scolarité pour chaque étudiant étranger ».
L'auteure informe que « sauf pour les étudiants de France et de Belgique, pays qui ont des accords de réciprocité avec le Québec, les frais de scolarité internationaux augmenteraient considérablement dans la province, ce qui entraverait le recrutement ».
« Face à des défis tels que le financement public et le logement abordable, les associations de personnel académique des collèges et des universités peuvent se sentir impuissantes à apporter des changements. Cependant, la collaboration avec d'autres syndicats et organisations peut créer un pouvoir collectif. »
Au Québec, « les syndicats travaillent ensemble par le biais de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université (FQPPU), qui s'oppose fermement à la politique de frais de scolarité proposée par le gouvernement Legault », écrit Elizabeth Berman, et « les associations de personnel académique et leurs membres dans la province sont encouragés à signer une pétition officielle demandant au gouvernement d'annuler les changements apportés aux frais de scolarité. »
Sarom Rho, une organisatrice de l'Alliance des travailleurs migrants pour le changement, qui comprend les Étudiants migrants unis, écrit : « Lorsqu'une partie de notre société a moins de droits et se voit refuser les mêmes protections, cela fait baisser le niveau pour tout le monde" et que dans les collèges et les universités, lorsque les étudiants internationaux se voient refuser des droits, cela nuit aux étudiants nationaux, aux professeurs, aux autres travailleurs sur le campus, car je ne pense pas qu'aucun d'entre nous ne veuille d'un modèle d'éducation financiarisé. »
Sarom informe également que « l'Alliance des travailleurs migrants pour le changement, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants et l'ACPPU ont collaboré plus tôt cette année pour aider à empêcher l'expulsion d'étudiants indiens qui avaient reçu des lettres d'acceptation frauduleuses de la part d'un recruteur d'éducation non réglementé. Pour éviter que d'autres étudiants ne se fassent piéger par des recruteurs sans scrupules, l'Alliance des travailleurs migrants pour le changement a proposé un régime de réglementation des recruteurs d'étudiants internationaux, qu'elle a présenté au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. En octobre, le gouvernement fédéral a apporté des modifications au programme des étudiants étrangers afin de mieux protéger les étudiants authentiques contre la fraude.
Sarom Rho conclut : « Notre solution consiste à réclamer
un système dans lequel tout le monde bénéficie des mêmes droits
et protections, non seulement parce que c'est juste et que nous
voulons vivre dans une société juste, mais aussi parce que cela
renforcerait notre pouvoir de négociation collective pour
construire le type de système d'éducation publique et de société
que nous voulons. »
Des étudiants internationaux manifestent devant le bureau de l'Agence des services frontaliers du Canada à Mississauga contre des expulsions injustes en juin 2023.
(Source: Renforcer la solidarité et le soutien envers les étudiants internationaux, Elizabeth Berman, ACPPU)
(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)
www.pccml.ca • redaction@pccml.ca