Les migrants et leurs alliés dénoncent et condamnent la hausse des expulsions
Le 7 décembre, lors d'une conférence de presse virtuelle, le Réseau des droits des migrants (RDM), un réseau national de 40 organisations qui se consacrent à la défense des droits des migrants et de la justice, a tiré la sonnette d'alarme sur la forte augmentation des expulsions qui ont lieu au Canada et qui « déchirent les familles ». Les données obtenues par l'accès à l'information montrent que 7 032 personnes ont été expulsées au cours du seul premier semestre 2023, soit près du double des expulsions en 2021 ou 2022.
Au cours de la conférence de presse, des sans-papiers expulsés et des personnes menacées d'expulsion, ainsi que des membres de leurs familles, ont parlé des terribles conséquences des expulsions. Selon eux, 39 personnes en moyenne ont été expulsées chaque jour au cours du premier semestre 2023, contre 23 en 2022 et 21 en 2021 (le Canada a imposé un moratoire sur les expulsions en mars 2020, au début de la pandémie, qui a été levé en novembre 2021).
« Beaucoup de ces personnes auraient pu éviter l'expérience horrible de l'expulsion si le gouvernement avait tenu sa promesse de 2021 de régulariser les sans-papiers », a souligné Mary Gellatly, assistante juridique communautaire aux Services juridiques communautaires de Parkdale.
« Le premier ministre supervise désormais 39 expulsions par jour au coût de près de 50 millions de dollars par an. C'est injuste et absurde de déchirer des familles », a déclaré Syed Hussan, du RDM. « Nous devons mettre fin aux expulsions et obtenir un statut d'immigration complet et permanent pour toutes et tous. »
Le même jour, sans lien avec la conférence, le ministre de l'immigration, Marc Miller, a répondu aux médias au sujet d'un programme de régularisation élargi et s'est engagé à aborder la question [d'un programme de régularisation] dans les mois à venir. « La promesse demeure », a-t-il déclaré. « Je pense que le Canada doit avancer sur la voie de la migration régulière et c'est une question que je me suis engagé à soumettre au conseil des ministres au printemps. Mais ce n'est pas gagné d'avance et cela ne se fait pas sans coûts ni sans tenir compte d'autres facteurs. »
Selon le RDM, l'Agence des services frontaliers du Canada reçoit au moins 46 millions de dollars par an pour les expulsions, « ce qui revient en moyenne à 4 750 dollars pour expulser une personne ». En revanche, les services d'établissement et d'intégration d'un résident permanent coûtent beaucoup moins cher, environ 3 900 dollars ».
Le RDM ajoute : « Les migrants respectent toutes les règles, mais ne peuvent tout simplement pas faire valoir leurs droits. La plupart des travailleurs migrants faiblement rémunérés et des étudiants n'ont pas accès à la résidence permanente; plus de 40 % des demandeurs d'asile sont déboutés. Par conséquent, la plupart des migrants doivent choisir entre laisser derrière eux leurs amis, leur travail et leur communauté au Canada et être potentiellement forcés de partir dans un pays où ils peuvent courir des risques, ou vivre au Canada sans papiers, exploités et dans la crainte quotidienne d'être expulsés. »
Rajan Gupta a été expulsé du pays et renvoyé en Inde le 11 novembre 2023. « Je ne peux pas retourner chez moi en raison des menaces de mort qui pèsent sur moi. Je vis dans un endroit tenu secret, loin de ma ville, pour sauver ma vie et celle de ma soeur. J'ai passé quatre ans de ma vie à travailler au Canada. Aujourd'hui, en Inde, je n'ai ni argent ni source de revenus et je ne peux pas non plus travailler à l'extérieur à cause des menaces qui pèsent sur ma vie », a-t-il déclaré.
Tareq Abuznaid, 19 ans, qui est au Canada depuis huit ans et qui, au 7 décembre, risquait toujours d'être expulsé vers la Cisjordanie, en Palestine, a déclaré : « C'est horrible et c'est franchement déchirant que le Canada veuille m'expulser vers un pays qui est victime d'un génocide actif. Israël ne me reconnaît pas en tant que citoyen et ne veut même pas que je vienne sur 'sa terre'. C'est tellement dégoûtant et honteux qu'après tout ce que nous avons vécu et tout ce que nous avons donné, le Canada soit prêt à nous jeter, à nous condamner à mort, moi et ma famille. Et je sais que nous ne sommes pas les seules victimes de cette situation. »
Le premier ministre et sa clique choisissent toujours leurs mots avec beaucoup de soin. Le 24 octobre, alors que l'agression et les crimes israéliens se poursuivaient en Palestine occupée, le ministre de l'Immigration Marc Miller a déclaré que les Palestiniens ne seraient pas renvoyés à Gaza si leur visa expirait. Alors que plus de 20 000 personnes ont déjà été tuées, comment se fait-il qu'au 7 décembre, Tareq risquait encore d'être expulsé vers la Cisjordanie, où Israël mène des raids meurtriers ? Les conseils aux voyageurs du Canada pour Gaza et la Cisjordanie, mis à jour le 11 décembre, indiquent seulement que pour Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza, il faut « ÉVITER LES VOYAGES NON ESSENTIELS ».
Le RDM souligne également que le Canada expulse des personnes « qui obtiendraient probablement le statut de résident permanent une fois qu'un programme de régularisation aura été mis en place », lequel « s'accompagnerait d'un moratoire sur les expulsions ». Il dit également que le réseau, « comme presque toutes les organisations de la société civile, du travail et de l'environnement, a demandé la mise en oeuvre immédiate d'un programme de régularisation complet, par lequel la plupart des sans-papiers obtiendraient le statut de résident permanent ».
Dénonçant le fait qu'il n'y a aucune raison crédible pour que le Canada ne mette pas en oeuvre un programme de régularisation, le réseau a donné des exemples de tels programmes dans d'autres pays. « Entre 1996 et 2008, 24 des 27 États membres de l'Union européenne ont mis en oeuvre des programmes de régularisation, et certains à plusieurs reprises. On estime que 5,5 à 6 millions de personnes ont été régularisées au cours de cette période. Les programmes les plus importants ont été le programme italien de 2002, qui a régularisé 634 000 personnes, et le programme espagnol de 2005, qui a régularisé 578 375 personnes. En 2021, l'Irlande a régularisé la plupart des personnes sans papiers dans le pays qui répondaient à une exigence de résidence de base. »
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 31 - Décembre 2023
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