Numéro 12

Octobre 2023

Ne touchez pas à Haïti!

Joignez-vous à la manifestation à Ottawa pour dire Non! au soutien du Canada et de la CARICOM à l'intervention étrangère en Haïti

Sommet Canada-CARICOM: Non à l'ingérence
du Canada dans les Caraïbes!

Le Canada annonce une mission de la GRC en Haïti

Le Conseil de sécurité de l'ONU autorise une
intervention étrangère en Haïti

Points de vue

Des organisations caribéennes condamnent l'approbation par le Conseil de sécurité d'une mission dirigée par le Kenya en Haïti

Troupes hors d'Haïti

– Les Mouvements ALBA –

La trahison de la CARICOM s'approfondit

– A.T. Freeman –

Haïti, laboratoire de l'Empire

– Jemima Pierre –

À titre d'information

217e anniversaire de l'assassinat de Jean-Jacques Dessalines, fondateur de la nation haïtienne

L'histoire de la police kenyane



Ne touchez pas à Haïti!

Joignez-vous à la manifestation à Ottawa pour dire Non! au soutien du Canada et de la CARICOM à l'intervention étrangère en Haïti

Ottawa
Mardi 17 octobre - 16 h à 18 h
Bureau du premier ministre Trudeau
(Coin Wellington et Elgin)
Facebook

Le 17 octobre est le 217e anniversaire de l'assassinat en 1806 de Jean-Jacques Dessalines qui avait proclamé l'indépendance d'Haïti le 1er janvier 1804. Loin d'honorer la mémoire de ce défenseur de la liberté, c'est le jour choisi pour ouvrir le premier sommet Canada-CARICOM qui se tient à Ottawa du 17 au 19 octobre. L'objectif de ce sommet est de renforcer le soutien à l'intervention étrangère en Haïti. Solidarité Québec-Haïti et d'autres organisations appellent à une manifestation pour s'opposer à la décision du Conseil de sécurité de l'ONU d'envoyer des policiers kenyans en Haïti.

Depuis qu'Haïti a déclaré son indépendance, les colonialistes français et les impérialistes américains n'ont pas cessé de lui causer des misères et le peuple haïtien n'a cessé de se battre pour la paix, la liberté et la démocratie.

Non à toute intervention militaire en Haïti !
Ne touchez pas à Haïti !

Organisée par Solidarité Québec-Haïti et d'autres organisations.

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Sommet Canada-CARICOM: Non à l'ingérence du Canada dans les Caraïbes!

Le Canada accueillera les dirigeants de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) pour le premier Sommet Canada-CARICOM à Ottawa du 17 au 19 octobre. Justin Trudeau coprésidera le Sommet avec le premier ministre de la Dominique, Roosevelt Skerrit, président actuel de la CARICOM. « Des partenariats stratégiques pour un avenir résilient » est le thème de ce sommet.

Quel est le contexte ? Le Canada tient ce sommet dans le cadre des efforts, visites et voyages du Canada et des États-Unis dans les Caraïbes pour amadouer les pays du CARICOM, maintenir leur influence et garder Haïti sous contrôle au service du Core Group. Pour le comble de l'insulte, et véritable affront au peuple haïtien, le sommet se tient le jour de l'anniversaire du décès de Jean-Jacques Dessalines, héros de l'indépendance d'Haïti, en 1804. C'est en fait un double affront, car le Canada recevra au Sommet le premier ministre illégitime et non élu d'Haïti Ariel Henry qui a été imposé au peuple haïtien par décision de la mission de l'ONU en Haïti et du Core Group dominé par les États-Unis.

Le 2 octobre, le Conseil de sécurité de l'ONU a adoté la résolution des États-Unis permettant au Kenya d'envoyer des troupes en Haïti pour un an à partir de janvier. La Barbade a également annoncé qu'elle participera à l'ingérence des États-Unis contre Haïti. Onze autres pays ont déjà fait part de leur intention de participer, selon les informations disponibles : Bahamas, Jamaïque, Antigua-et-Barbuda, Suriname, Belize, Guatemala, Pérou, Italie, Espagne, Sénégal et Mongolie.

Le sommet aura pour thème de « faire des partenariats pour un avenir résilient ». Le mot résilience est définie comme étant « la capacité d'une personne ou d'un groupe à se développer bien, à continuer à se projeter dans l'avenir, en présence d'événements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes parfois sévères ». Ce terme est bien choisi pour rendre très clair et sans équivoque que les activités de déstabilisation du Canada et du Core Group en Haïti se poursuivront, malgré l'opposition massive du peuple haïtien à l'ingérence étrangère et de sa volonté souveraine.

Le communiqué annonçant le sommet indique plus loin : « Au cours du Sommet, le premier ministre Trudeau soulignera l'importance de renforcer les valeurs démocratiques, de promouvoir les droits de la personne et l'ordre international fondé sur des règles, et d'améliorer la coordination en matière de sécurité régionale, notamment en répondant à la crise politique, humanitaire et de la sécurité qui sévit actuellement en Haïti. » C'est précisément sous couvert de discours sur la défense de la démocratie, des droits humains et d'un ordre international fondé sur des règles que le Canada a pris part à l'orchestration du coup d'État des États-Unis et de la France en Haïti en 2004 et qu'il intervient sans cesse contre Haïti en tant que membre du Core Group. Ses actions n'ont rien à voir avec des idéaux élevés.

« Enfin, les dirigeants s'entretiendront avec des chefs d'entreprise et des investisseurs canadiens afin de créer davantage de possibilités commerciales dans la région », dit le communiqué. Cette partie concerne entre autres directement les intérêts et investissements massifs des minières canadiennes et les intérêts américains dans la région dans le cadre du pillage des ressources, y compris les gisements de terres rares et d'iridium, en Haïti et dans les Caraïbes.

La CARICOM est une organisation régionale qui a été créée par le Traité de Chaguaramas le 4 juillet 1973. Elle se compose de 15 membres à part entière et de cinq membres associés. Les membres à part entière sont Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Barbade, Bélize, Dominique, Grenade, Guyana, Haïti, Jamaïque, Montserrat, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Suriname et Trinité-et-Tobago. Les membres associés sont les territoires d'outre-mer suivants : Anguilla, Bermudes, îles Vierges britanniques, îles Caïmans, îles Turques-et-Caïques et Martinique.

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Le Canada annonce une mission de la GRC en Haïti

Le 5 octobre, deux jours après que le Conseil de sécurité de l'ONU ait autorisé l'entrée d'une force d'intervention en Haïti, Affaires mondiales Canada a annoncé son intention de déployer des agents de la GRC en Haïti « pour servir de formateurs dans le cadre d'une intervention militaire multinationale, les responsables promettant de mettre l'accent sur la prévention de la violence sexuelle », rapporte la Presse canadienne.

« La GRC envisage de s'attarder à la formation technique », a déclaré Lisa Vandehei, chef du groupe de travail interministériel sur Haïti à Affaires mondiales Canada. « La mission de formation du Canada, sa planification est toujours en cours de planification », a-t-elle déclaré devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international le 5 octobre.

« Mme Vandehei a déclaré que le Canada était toujours en train d'évaluer sa contribution à la mission, ajoutant que le Kenya était prêt à lancer un déploiement dans les 90 jours suivant la ratification de la mission par son Parlement. Le déploiement devrait donc avoir lieu en janvier, toutes choses égales par ailleurs. Étant donné que les langues parlées au Kenya sont le swahili et l'anglais, les membres de la police kenyane seraient en train d'apprendre le français pour se préparer à leur mission. »

La Presse canadienne rapporte que Lisa Vandehei « a affirmé que la GRC formerait probablement les agents de la Police nationale d'Haïti (PNH) dans des 'domaines techniques très chirurgicaux' grâce à un modèle selon lequel chaque agent formé au Canada enseignerait ensuite à d'autres pairs haïtiens ».

« La GRC est la meilleure au monde dans plusieurs domaines du maintien de l'ordre dont la PNH a besoin », a-t-elle fait valoir.

Affaires mondiales Canada a déclaré dans un communiqué qu'Ottawa « se concentre également sur la prévention de la violence sexuelle et basées sur le genre » en Haïti. La Presse canadienne rapporte que la déclaration note que « les bandes armées utilisent la violence sexuelle comme moyen de contrôler la population ». « Lors de précédentes interventions militaires en Haïti, les habitants ont signalé une exploitation sexuelle généralisée de la part de leurs concitoyens et des armées étrangères, ce que Mme Vandehei a noté dans son témoignage. » Au vu de ces rapports, il semblerait que l'accent soit mis sur la dissimulation des violences sexuelles commises par les forces étrangères envoyées en Haïti.

« Nous sommes très conscients de cela, et particulièrement en ce qui concerne les violences sexuelles et basées sur le genre qui ont déjà lieu en Haïti, a-t-elle déclaré. Nous envisageons de travailler avec les Kenyans et les États-Unis sur la manière de mettre également à profit les leçons apprises de notre travail (historique) en Haïti. »

« Mme Vandehei a déclaré que l'objectif du Canada avec la mission multinationale est de garantir que la police dispose de la formation et de l'équipement dont elle a besoin pour maintenir l'ordre en Haïti après le départ des forces étrangères, et que la société dispose des institutions nécessaires à une démocratie viable », écrit la Presse canadienne. « Nous abordons cet enjeu avec les yeux ouverts, et c'est pourquoi nous créons une solution à multiples facettes », affirme Mme Vandehei.

Selon le rapport de la Presse canadienne, Lisa Vandehei a fait la lumière sur les récents efforts du Canada pour soutenir la Police nationale d'Haïti, notamment sur une annonce faite en juin par le Groupe international de coordination de l'aide internationale en matière de sécurité, au sein duquel le Canada gère la manière dont les différents pays soutiennent la PNH.

Elle a précisé « que le Canada coordonne les contributions de « plus de 26 pays », par exemple pour déterminer où l'équipement offert par les pays étrangers pourrait être le mieux utilisé en Haïti, s'il répond aux besoins locaux et s'il est interopérable avec les éléments existants.

De même, « le Canada aide à élaborer un calendrier de formation afin que les policiers étrangers puissent combler les lacunes identifiées par les responsables haïtiens et canadiens ». Elle a déclaré qu'une partie de l'idée consiste à retirer des cohortes pour les former en nombre qui ne perturberont pas une force de police déjà sous pression. « Mme Vandehei a noté qu'il y a environ 9000 policiers pour un pays de plus de 11 millions d'habitants. »

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Le Conseil de sécurité de l'ONU autorise une intervention étrangère en Haïti

Le 2 octobre, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2699 (2023), rédigée par les États-Unis et l'Équateur, autorisant une force d'intervention étrangère en Haïti. La résolution a été adoptée par un vote par appel nominal de 13 voix pour et deux abstentions – la Chine et la Fédération de Russie. L'agence de presse de l'ONU indique que le Conseil de sécurité, « agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations unies, a autorisé la Mission, étant entendu que l'exécution de cette opération temporaire sera financée au moyen des contributions volontaires des États Membres et des organisations régionales et avec leur appui dans le strict respect du droit international ».

Il est clair que l'approbation s'est faite sans qu'une mission de contrôle ne soit précisée. Elle laisse la mise en place d'un tel mécanisme à la mission elle-même, ce qui est une recette d'impunité s'il en est. « Le Conseil a demandé à la mission de mettre en place un mécanisme de contrôle visant à prévenir les violations des droits humains et à veiller à ce que la planification et la conduite des opérations pendant le déploiement soient conformes au droit international applicable », indique l'agence de presse de l'ONU.

Les États-Unis se réjouissent d'avoir enfin réussi à donner un vernis légal à cette force d'intervention. La mission est conçue pour protéger les intérêts privés étroits que les États-Unis servent et qui sont considérables en Haïti. Elle accroît également la militarisation des Caraïbes, un intérêt stratégique de l'OTAN, dans lequel l'Équateur joue un rôle considérable en autorisant l'utilisation de ses côtes pour des exercices de guerre.

Le représentant des États-Unis au Conseil de sécurité, Jeffrey Delaurentis, a déclaré que le Conseil de sécurité « est entré dans l'histoire en autorisant la Mission multinationale de soutien à la sécurité en Haïti ». Ce qu'il a voulu dire en qualifiant la résolution d'« historique » reste à préciser. L'ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, a également parlé d'une « résolution historique ».

Vassily Nebenzia, représentant permanent de la Fédération de Russie auprès des Nations unies, a expliqué l'abstention de son pays comme suit : « Nous sommes pleinement conscients de l'ampleur et de l'urgence des problèmes de sécurité en suspens en Haïti. [...] nous devons comprendre que le déploiement des forces armées d'un pays sur le territoire d'un autre pays (même si c'est à la demande de ce dernier) est une mesure extrême qui nécessite une élaboration approfondie. Cependant, lors de la configuration de la mission et de la préparation d'un projet de résolution correspondant du Conseil de sécurité des Nations unies, nous nous sommes retrouvés dans une situation où nos demandes justifiées de détails sur le concept de cette opération, les modalités du recours à la force, et les stratégies de retrait éventuel sont restées sans réponse. De plus, nous avons eu l'impression que cette mission non onusienne allait obtenir la légitimité d'une mission de l'ONU au moyen d'une décision mal préparée et insuffisamment réfléchie du Conseil.

« Nous comprenons tous que l'autorisation d'une opération de police en vertu du Chapitre VII est une étape sérieuse qui nécessite une connaissance complète des responsabilités et des conséquences possibles. Malheureusement, lors de l'élaboration du document, nous n'étions pas certains que c'était le cas. [..] La Russie ne peut accepter d'invoquer le Chapitre VII presque aveuglément.

« L'histoire d'Haïti a suffisamment d'expériences d'ingérences étrangères irresponsables, qui sont exactement ce qui a déclenché une spirale de dégradation que le peuple haïtien n'arrive pas à surmonter depuis des années. Autoriser un nouveau recours à la force en Haïti sans être pleinement conscient des paramètres de la mission est une chose peu judicieuse. De plus, le concept de l'opération devrait être soumis au Conseil pour approbation plutôt que d'être étudié comme un fait accompli. »

Compte tenu de tout cela, il semble légitime de se demander pourquoi la Russie n'a pas exercé son droit de veto.

Brian Wallace, ambassadeur et représentant permanent de la Jamaïque auprès des Nations unies, a approuvé la résolution au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) en déclarant que « l'urgence de ce moment ne peut être surestimée ». Il a cité l'insécurité et le besoin désespéré d'aide humanitaire pour justifier son soutien en déclarant : « C'est dans ce contexte que nous sommes appelés à agir pour aider à restaurer la sécurité et contribuer à un environnement politique, social et économique stable capable de favoriser le développement durable en Haïti. »

Sans prendre position sur les raisons pour lesquelles, après des années et des années d'aide de l'ONU et d'aide étrangère, un environnement politique, social et économique stable a échappé à Haïti, sa position ne peut pas être respectée. Suggérer, comme l'a fait Wallace, que cette intervention étrangère est la première étape pour apporter des solutions « dirigées par les Haïtiens et appartenant aux Haïtiens » est une rhétorique inacceptable compte tenu de la situation critique dans laquelle le peuple haïtien a été plongé depuis le coup d'État organisé par les États-Unis, le Canada et la France en 2004. En conclusion, Brian Wallace a déclaré : « La CARICOM accueille donc favorablement et réitère son soutien à une mission multinationale de soutien à la sécurité autorisée par une résolution du Chapitre VII du Conseil de sécurité des Nations unies, afin de fournir une assistance urgente en matière de sécurité à la police nationale haïtienne. »

En ce qui concerne la position du Canada, la Presse Canadienne a indiqué que le 3 octobre, la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a informé la presse que « le Canada est en train de déterminer comment il peut le mieux aider à une intervention militaire internationale en Haïti, sans qu'il soit clair si cela impliquera un rôle militaire pour le Canada ». La Presse Canadienne ajoute :

« La ministre a mentionné s'être entretenue avec son vis-à-vis kenyan ainsi qu'avec l'ambassadeur du Canada aux Nations unies, Bob Rae, de la façon dont le Canada pourrait apporter son aide.

« Mme Joly note qu'Ottawa a toujours été impliqué sur les questions liées à Haïti, et dit qu'elle s'attend à ce que le Canada fasse plus, mais ne précise pas quel type d'aide canadienne a été offert »

« Le Canada a toujours été impliqué dans les questions liées à Haïti. Nous allons continuer de l'être. Mais nous voulons en faire plus. Alors, par conséquent, nous allons continuer (nos) conversations diplomatiques et je vous dirais que nous allons continuer aussi à soutenir des solutions qui sont par et pour les Haïtiens », a-t-elle poursuivi.

La Presse canadienne indique qu'en réponse à la demande des États-Unis de voir le Canada diriger la force d'intervention en Haïti, « le chef d'état-major de la Défense du Canada a dit aux médias en mars que les Forces armées canadiennes n'avaient pas les ressources pour être à la tête d'une telle mission ».

Le 3 octobre, l'Alliance noire pour la paix a publié une déclaration [voir ci-dessous] dénonçant l'approbation par le Conseil de sécurité des Nations unies de l'envoi d'une mission dirigée par le Kenya en Haïti. Cette déclaration a été signée par plus de 70 organisations internationales.

La force kenyane qui dirigera cette mission est internationalement connue pour ses exécutions extrajudiciaires et ses disparitions forcées commises en toute impunité. Le département d'État des États-Unis a lui-même écrit en février 2023 dans son rapport Kenya 2022 Human Rights qu'« entre juillet 2021 et le 30 juin, l'Autorité indépendante de surveillance de la police (IPOA) a reçu 180 plaintes concernant des décès résultant d'actions de la police. [La police et les responsables de l'administration pénitentiaire auraient eu recours à la torture et à la violence pendant les interrogatoires ainsi que pour punir les détenus en attente de jugement et les prisonniers condamnés. Selon les ONG de défense des droits de l'homme, les coups et blessures, l'enchaînement dans des positions douloureuses et les chocs électriques sont les méthodes les plus couramment utilisées par la police. »

Le département d'État américain a indiqué que « le site web Missing Voices, fondé par un groupe d'organisations non gouvernementales (ONG) pour suivre les meurtres et les disparitions commis par la police, a documenté 90 cas de meurtres commis par la police et trois disparitions forcées présumées au cours de l'année. L'Unité médico-légale indépendante (IMLU) a recensé 37 cas d'exécutions extrajudiciaires entre janvier et juin. [...] En avril, la coalition Missing Voices a publié son rapport annuel sur les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées dans le pays. Ce rapport fait état de 30 meurtres commis par la police et liés au poste de police de Pangani à Nairobi en 2021. [...] L'IMLU a signalé 109 cas de torture entre janvier et septembre, contre 78 cas au cours de la même période en 2021. »

Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) réitère son soutien à la demande du peuple haïtien que le déploiement de cette force d'intervention étrangère n'ait pas lieu. C'est l'intervention étrangère dans les affaires d'Haïti qui soutient les régimes les plus corrompus et les plus brutaux, en utilisant les méthodes les plus corrompues et les plus brutales pour y parvenir.

Le processus de rédaction de la résolution sur Haïti

Le 22 septembre, les États-Unis ont été l'hôte d'un événement ministériel en marge de l'Assemblée générale des Nations unies pour discuter du projet de force multinationale. Lors de la réunion, le secrétaire d'État américain Antony Blinken s'est engagé à verser 100 millions de dollars pour soutenir le déploiement, sous réserve de l'approbation du Congrès, ainsi qu'un soutien logistique sous forme de renseignement, de transport aérien, de communications et de capacités médicales. Plusieurs autres pays présents auraient également annoncé des promesses de soutien.

Le site web Security Council Report indique que les négociations du Conseil de sécurité des Nations unies sur le projet de résolution ont duré un mois. Les corédacteurs ont distribué un premier projet de résolution aux membres du Conseil le 1er septembre et ont convoqué le premier cycle de négociations le 5 septembre. Les corédacteurs ont ensuite fait circuler un projet révisé le 6 septembre et ont convoqué un autre cycle de négociations le 7 septembre. Un deuxième projet révisé a été diffusé le 8 septembre, suivi d'un troisième cycle de négociations le 9 septembre. Le 14 septembre, les corédacteurs ont fait circuler un troisième projet révisé, après quoi les négociations ont été interrompues en raison de la session d'ouverture de l'Assemblée générale des Nations unies. Les membres du Conseil se sont à nouveau réunis pour un quatrième cycle de négociations le 25 septembre. Le 26 septembre, les corédacteurs ont fait circuler un quatrième projet révisé qu'ils ont placé sous procédure de silence, une période de délibération d'au moins 72 heures au cours de laquelle la résolution est affichée sur le système de documents officiels de l'ONU et une date limite est donnée pour une réponse. Le silence est rompu lorsqu'un pays soulève une objection. Dans ce cas, le silence a été rompu par la Chine. Le 27 septembre, les corédacteurs ont fait circuler un cinquième projet révisé, le soumettant à une autre procédure de silence, que la Chine a de nouveau rompue. Le 29 septembre, les corédacteurs ont fait circuler un sixième projet révisé qu'ils ont mis en bleu – il s'agit de la dernière étape de la négociation d'un projet de résolution, lorsque le texte est imprimé en bleu. La Chine a ensuite proposé des modifications supplémentaires au projet, qui a ensuite été révisé à nouveau et finalisé pour un vote le 2 octobre.

Security Council Report écrit : « Il s'avère que dans le projet de résolution final en bleu, le Conseil, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations unies, autorise les États membres à former et à déployer une mission multinationale d'appui à la sécurité pour soutenir les efforts de la PNH pour rétablir la sécurité en Haïti et à instaurer des conditions de sécurité propices à la tenue d'élections libres et équitables. Le projet de résolution autorise la mission pour une période initiale de 12 mois, qui sera réexaminée neuf mois après l'adoption de la résolution, et demande aux pays participants de notifier leur intention au secrétaire général. Il précise que le coût de la mise en oeuvre de l'opération sera supporté par des contributions volontaires et le soutien de pays individuels et d'organisations régionales.

« Le projet de résolution donne apparemment à la mission multinationale d'appui à la sécurité un double mandat. La première fonction est de fournir un soutien opérationnel à la PNH pour lutter contre les gangs, notamment en renforçant ses capacités par la planification et la conduite d'opérations conjointes de soutien à la sécurité. La seconde est de soutenir la PNH dans la protection des sites d'infrastructures critiques, comme les aéroports, les ports, les écoles, les hôpitaux et les carrefours clés.

« Le projet demande à la direction de la mission multinationale d'appui à la sécurité, en coordination avec Haïti et les autres pays participants, de fournir au Conseil un concept d'opérations avant le déploiement, comprenant des informations comme l'ordre de déploiement, les objectifs de la mission, les règles d'engagement, la stratégie de sortie, le nombre de personnel et les besoins financiers.

« Il s'avère que le projet de résolution autorise la mission à prendre toutes les mesures nécessaires pour s'acquitter de son mandat, mais souligne que toutes les mesures doivent être conformes au droit international, notamment au droit international des droits de l'homme. Il demande à la mission d'établir un mécanisme de contrôle pour prévenir les violations des droits de l'homme, en particulier l'exploitation et les violences sexuelles, et lui enjoint de prendre les mesures nécessaires pour prévenir et enquêter sur de tels incidents, en spécifiant un certain nombre de mesures qu'elle doit prendre à cet égard, notamment le contrôle et la formation du personnel et la mise en place des mécanismes de plainte sécurisés et accessibles. Le projet de résolution souligne également que tout soutien logistique fourni par les Nations unies à la mission doit être conforme la politique de diligence voulue en matière de droits de l'homme.

« De plus, il s'avère que le projet de résolution en bleu étende l'embargo sur les armes imposé par la résolution 2653 du 21 octobre 2022, qui a établi un régime de sanctions contre Haïti. Alors que la résolution 2653 appelait les pays à prendre les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture d'armes aux personnes et entités désignées par le régime de sanctions, le projet de résolution en bleu étend apparemment l'embargo sur les armes à Haïti dans son ensemble, avec des exceptions pour la mission autorisée par l'ONU et les unités de sécurité haïtiennes qui travaillent à la promotion de la paix et de la stabilité dans le pays. Le Comité des sanctions 2653 peut également accorder des exceptions au cas par cas. (Actuellement, le régime de sanctions ne désigne qu'un seul individu, Jimmy Cherizier, également connu sous le nom de « Barbecue », qui dirige une alliance de gangs haïtiens appelée « Famille G9 et alliés ».)

« Il semble que les négociations du Conseil sur le projet de résolution aient été difficiles. L'un des principaux problèmes était le moment et le type d'autorisation que le Conseil devait fournir. La position initiale de la Chine était apparemment que les négociations sur cette question étaient prématurées, car le Conseil ne devait pas autoriser la mission avant d'avoir reçu des informations supplémentaires d'Haïti et du Kenya sur leur accord bilatéral régissant le déploiement, notamment des détails comme les règles d'engagement, les zones de déploiement, les ressources et la stratégie de sortie. La Chine a également fait valoir que le Conseil devrait faire preuve de prudence avant d'invoquer son autorité au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations unies, qui concerne les mesures d'exécution, et que le Conseil n'a pas nécessairement besoin d'autoriser un déploiement convenu bilatéralement. Au lieu de cela, il peut envisager d'autres options comme l'accueillir favorablement ou l'approuver.

« Pour répondre aux préoccupations de la Chine, il semble que les membres du Conseil aient demandé au Kenya et à Haïti de soumettre au Conseil des informations sur leur accord bilatéral et sur les détails opérationnels du déploiement. Ces détails n'ont cependant pas été fournis, car les pays n'avaient pas encore atteint ce stade du processus de planification. Le Kenya a apparemment maintenu que les détails opérationnels du déploiement devaient être convenus par tous les pays participants, et pas seulement bilatéralement entre Haïti et le Kenya, et qu'il ne pouvait pas achever son propre processus national d'évaluation et d'approbation requis pour finaliser ces détails tant que le Conseil n'avait pas autorisé le déploiement. Pour cette raison, le Kenya et certains membres du Conseil ont estimé qu'une autorisation en vertu du Chapitre VII était nécessaire et qu'un produit accueillant ou approuvant rétrospectivement la force multinationale ne serait pas suffisant.

« Dans un amendement de compromis, le projet de résolution en bleu autorise la mission multinationale d'appui à la sécurité en vertu du Chapitre VII, mais exige que la mission soumette un concept d'opérations avant le déploiement. Il exige également que les pays participants informent le secrétaire général de leur intention. En outre, le projet demande à la mission d'inclure des informations sur sa stratégie de sortie dans son rapport régulier au Conseil.

« Il semble qu'une autre question difficile concerne le flux illicite d'armes vers Haïti. La Chine a apparemment proposé une formulation supplémentaire renforçant l'embargo sur les armes dans le cadre du régime de sanctions 2653 contre Haïti, ainsi que le mandat de la mission pour soutenir les efforts de la PNH pour lutter contre le trafic illicite d'armes et renforcer la sécurité des frontières. L'élargissement de l'embargo sur les armes s'est avéré litigieux et ne figurait apparemment pas dans le projet de résolution initialement mis en bleu. Toutefois, suite à l'engagement de la Chine, le projet a été révisé pour refléter cette proposition. »

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Points de vue

Des organisations caribéennes condamnent l'approbation par le Conseil de sécurité d'une mission dirigée par le Kenya en Haïti

Nous, soussignés, condamnons fermement la décision des États-Unis et de leurs alliés de déployer une force militaire étrangère en Haïti. Nous sommes catégoriques sur le fait qu'une intervention étrangère armée dirigée par les États-Unis et l'ONU en Haïti est non seulement illégitime, mais illégale. Et nous soutenons le peuple haïtien et les organisations de la société civile qui ont toujours été opposés à l'intervention militaire armée étrangère – et qui ont soutenu que les problèmes d'Haïti sont le résultat direct de l'ingérence persistante et à long terme des États-Unis, des Nations unies et du Core Group.

Lundi 2 octobre 2023, le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) a voté une résolution en faveur d'une mission multinationale de soutien à la sécurité autorisant le déploiement d'une intervention militaire et policière étrangère en République d'Haïti. Bien que le vote n'ait pas reçu l'approbation unanime en raison de l'abstention de deux membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, 13 autres membres permanents et non permanents ont voté en faveur, dont 3 pays africains (Gabon, Ghana et Mozambique). Il s'agit d'une trahison particulièrement flagrante envers Haïti, qui a été pour les Africains et les Noirs du monde entier un phare dans la lutte contre l'esclavage, le colonialisme et l'impérialisme. Pourtant, l'administration américaine, les grands médias, aux côtés de personnalités telles que Linda Thomas-Greenfield, ont salué le vote comme une victoire. Nous notons également que les États-Unis ont fait appel au Kenya, un autre pays africain, pour diriger une force multinationale de nations « volontaires » pour occuper Haïti, laissant leurs propres troupes chez elles tout en offrant au moins 100 millions de dollars de soutien.

Il y a une longue histoire ici. Depuis plus de deux ans maintenant, les États-Unis ont fait pression en faveur du renforcement de la présence militaire en Haïti afin de protéger le gouvernement fantoche d'Ariel Henry, non élu et impopulaire. Pourtant, les États-Unis ne sont pas disposés à mettre leurs propres troupes sur le terrain, se tournant plutôt vers le Canada, puis le Brésil, puis les pays de la CÉLAC et de la CARICOM – qui étaient tous réticents à diriger la mission, même s'ils soutenaient l'appel à une intervention militaire. Le gouvernement kenyan a sauté sur l'occasion pour prendre la tête de l'intervention, acceptant le sac d'argent et une tape d'approbation sur la tête de ses dirigeants néolibéraux. Haïti va désormais être envahi par les États-Unis, mais avec le visage noir du Kenya comme couverture. Le Kenya prétend à tort qu'il s'agit du « panafricanisme »; c'est en fait du néocolonialisme.

On nous dit que l'intérêt des États-Unis en Haïti est humanitaire, que les États-Unis veulent protéger le peuple haïtien des « gangs criminels ». Pourtant, les armes américaines ont inondé Haïti et les États-Unis ont toujours rejeté les appels à la mise en application pratique de la résolution du Conseil de sécurité demandant un embargo sur les armes contre les Haïtiens et sur l'élite américaine qui importe des armes dans ce pays. De plus, lorsque nous parlons de « gangs », nous devons reconnaître que les gangs les plus puissants du pays sont des filiales des États-Unis eux-mêmes : le Bureau intégré des Nations unies (BINUH) et le Core Group, les deux entités coloniales qui dirigent à toutes fins pratiques le pays depuis le coup d'État soutenu par les États-Unis, la France et le Canada en 2004. Haïti n'a aucune souveraineté et a longtemps été sous occupation étrangère. L'actuel « premier ministre » de facto a été installé par le Core Group et tous les appels à une intervention militaire sont lancés par ceux qui occupent déjà Haïti.

Nous méprisons les gouvernements néocoloniaux qui participent à cette mission visant à opprimer davantage le peuple haïtien et à lui refuser la souveraineté. Nous dénonçons les gouvernements du Kenya et des pays de la CARICOM, tels que les Bahamas, la Jamaïque et Antigua-et-Barbuda, qui ont laissé tomber Haïti et ont violé la notion des Caraïbes comme zone de paix.

Par ailleurs, nous exigeons :

- Que les États-Unis et l'ONU mettent fin à leur ingérence en Haïti et le Core Group soit dissous.

- Que les États-Unis cessent leurs actions criminelles de gangsters contre Haïti et cessent de soutenir le gouvernement illégitime qu'ils ont installé.

- Que le Kenya cesse de soutenir une intervention raciste et impérialiste en Haïti.

- Que les gouvernements des États-Unis et la République dominicaine cessent de déverser des armes et des munitions dans le pays et que le premier ministre de facto cesse d'armer les paramilitaires dans le pays.

- Que les Nations unies compensent l'épidémie dévastatrice de choléra de 2010 en reconstruisant les infrastructures d'eau, d'assainissement, de santé et d'éducation en Haïti.

- Que les subventions aux carburants pour Haïti soient rétablies et que le salaire minimum soit augmenté.

- Que les pays de la CARICOM, aux côtés d'autres pays de la région, normalisent les démarches pour l'obtention de visas de travail et de citoyenneté pour les ressortissants haïtiens.

Nous promettons d'être aux côtés du peuple haïtien contre l'impérialisme !

Pour la liste des signataires cliquer ici.

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Troupes hors d'Haïti

– Les Mouvements ALBA –

Il y a quelques heures [le 2 octobre], le Conseil de sécurité des Nations unies a «autorisé » le déploiement d'une « force armée multinationale » en Haïti, des euphémismes qui visent clairement et simplement à cacher l'occupation illégale et la violation du droit à l'autodétermination du peuple haïtien, et à présenter l'interventionnisme étranger comme une « aide diplomatique ».

Comme si la souveraineté était une question de vote, l'ONU ignore une fois de plus les droits du peuple haïtien. Depuis les Mouvements de l'ALBA, nous rejetons fermement cette nouvelle tentative d'ingérence commandée par les États-Unis, le Kenya et d'autres pays qui s'arrogent sans vergogne le droit de décider d'un peuple qui réclame depuis des décennies le respect de son territoire et de ses décisions souveraines.

Pour une Haïti digne, souveraine et libre de toute occupation !

(Resumen Latinoamericano, 2 octobre 2023. Traduit de l'original espanol par LML)

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La trahison de la CARICOM s'approfondit

– A.T. Freeman –

Le 2 octobre, les États-Unis ont présenté au Conseil de sécurité de l'ONU une résolution appelant à l'autorisation d'une attaque militaire qu'ils planifient depuis longtemps contre Haïti. La résolution a été adoptée par 13 votes contre 0, avec l'abstention de la Russie et de la Chine. Les pays qui ont voté en faveur de la résolution sont l'Albanie, le Brésil, les Émirats arabes unis, l'Équateur, les États-Unis, la France, le Gabon, le Ghana, le Japon, Malte, la Mozambique, le Royaume-Uni et la Suisse.

La résolution 2699 a été adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations unies qui permet le recours à la violence contre un État individuel. Plusieurs commentateurs ont souligné qu'en fait cette résolution est illégale et qu'elle est en violation de la charte de l'ONU puisque le Chapitre VII met l'accent sur la défense de la paix internationale en prenant en compte les menaces à la paix et les actes d'agression. Clairement, les activités de gangs criminels dans un État individuel ne constituent pas une menace à la paix internationale, ne relèvent donc pas du Conseil de sécurité de l'ONU et ne sont définitivement pas une affaire qui peut être résolue en ayant recours au Chapitre VII. Il n'est donc pas surprenant que les auteurs de la résolution n'expliquent pas comment la situation en Haïti constitue une menace à la paix internationale. Il est ironique que cette résolution serve à faciliter un acte d'agression non provoquée contre un pays membre, ce que le Chapitre VII vise, en principe, à décourager.

À la lumière de la récente démarche de Biden à l'Assemblée générale de l'ONU, demandant que le Conseil de sécurité adopte immédiatement la résolution autorisant l'agression contre Haïti, il n'était pas surprenant que Jeffery Delaurentis, le représentant des États-Unis, salue la décision comme étant historique tout en avouant que les États-Unis ont dû déployer d'importants efforts pour manigancer cette nouvelle invasion d'Haïti, quand il dit que c'est « le résultat d'un an d'efforts pour en arriver là ». La décision de la Chine et de la Fédération de la Russie de s'abstenir plutôt que d'opposer leur veto rappelle l'adoption de la résolution 1973 le 17 mars 2011. Cette résolution, proposée par la France, le Liban et le Royaume-Uni, autorisait une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye et à cette occasion aussi le Chine et la Fédération de la Russie s'étaient abstenues plutôt que d'opposer leur veto. C'était le feu vert que les États-Unis et leurs alliés espéraient. L'OTAN avait immédiatement déclenché ce que Fidel Castro avait décrit comme une « attaque fasciste » contre la Libye. La destruction barbare de la Libye aux mains de l'OTAN a eu des conséquences catastrophiques pour la vie du peuple libyen. Du pays le plus développé en Afrique, l'agression de l'OTAN l'a transformé en un enfer d'insécurité et de violence, où les personnes noires sont vendues en esclavage et où les récentes inondations désastreuses ont coûté la vie à des milliers de personnes à cause de la destruction des infrastructures du pays. Rappelons que la zone d'exclusion aérienne approuvée par la résolution 1973 devait avoir comme objectif de « protéger les civils », tandis que Susan Rice, la représentante des États-Unis à l'ONU, avait salué l'adoption de la résolution 1973 en ces mots : « Le Conseil a répondu aux appels d'aide du peuple libyen. L'objectif du Conseil était clair : protéger les civils libyens. »

Un représentant de la CARICOM, dont Haïti est membre, s'est aussi intervenu à cette réunion du Conseil de sécurité de l'ONU. L'ambassadeur et représentant permanent de la Jamaïque aux Nations unies, Brian Wallace, a été la personne appelée à intervenir. Soulignant qu'il parlait au nom de tous les 14 pays membres de la CARICOM, il a livré un discours méprisable dans lequel il salue l'invasion planifiée d'Haïti par les États-Unis. Son discours laissait clairement entendre que la trahison d'Haïti et de son peuple était intégrale et sans limite. Est disparu le discours de la CARICOM contre l'invasion militaire et à la défense de la souveraineté d'Haïti pour que le peuple haïtien puisse décider lui-même du destin de son pays. Wallace a plutôt repris tous les points de la propagande américaine, disant même que « le premier pas pour en arriver à des solutions décidées par les Haïtiens aux crises multidimensionnelles du pays » était l'invasion étrangère.

Brian Wallace représente le gouvernement du Parti du travail dont le chef est Andrew Holness, élu avec l'appui de 21 % des électeurs inscrits, et qui s'est avéré un des gouvernements le plus soumis aux intérêts de sa sainteté américaine. Holness est l'un de ces chefs caribéens qui est allé rencontrer le président Donald Trump à Mar-a-Largo, en Floride, alors qu'il cherchait à déstabiliser le Venezuela. En tant que tel, il fallait s'attendre à cette déclaration de l'ambassadeur Wallace. Néanmoins, il est irrationnel de la part du gouvernement d'Andrew Holness, qui a failli dans sa tâche de régler le problème des gangs criminalisés en Jamaïque, de penser que son gouvernement peut résoudre un tel problème en Haïti. Il en va de même pour tous les gouvernements de la région, qui sont aux prises avec des problèmes de criminalité et de gangs criminels et dont le niveau de meurtres est encore beaucoup plus élevé qu'en Haïti.

Contrairement à Andrew Holness, certains membres de la CARICOM, comme le gouvernement de Mia Mottley à la Barbade et celui de Ralph Gonsalves à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, se présentent différemment. Ils se présentent comme des progressistes, des panafricanistes, des anti-impérialistes, etc. La trahison sans réserve d'Haïti et de son peuple par la CARICOM et leur collusion avec elle révèlent que leurs affirmations sont totalement frauduleuses. Ils sont de mèche avec Holness et les États-Unis dans cette attaque contre Haïti. Beaucoup se demandent si le récent article de CNN sur la candidature de Mia Mottley au poste de secrétaire générale de l'ONU en 2026 n'est pas sa récompense pour avoir jeté Haïti en pâture aux loups.

Le peuple haïtien est un peuple héroïque et combatif. Il s'est libéré de l'esclavage et a contribué de manière significative à mettre fin à l'esclavage dans les Caraïbes et les Amériques. Dans cette lutte, il a vaincu les invasions de l'Angleterre et de la France de Napoléon. Il saura certainement faire face à cette nouvelle invasion orchestrée par les États-Unis, qui s'inscrit dans la continuité des précédentes.

Tous ensemble pour soutenir Haïti et son peuple !
Non à l'invasion organisée par les États-Unis !
Ne touchez pas à Haïti !

(Caribbean Organization for People's Empowerment, 6 octobre 2023. Traduction : LML)

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Haïti, laboratoire de l'Empire

– Jemima Pierre –

Alors que les États-Unis et leurs alliés s'efforcent de relancer les interventions à l'étranger, le cas de la première république noire en tant que terrain d'essai de l'impérialisme est un rappel brutal. Haïti lutte toujours pour sa liberté.

En décembre 2019, le président Donald Trump a promulgué la loi H.R.2116, également connue sous le nom de Global Fragility Act (GFA). Bien que cette loi ait été rédigée par le conservateur United States Institute of Peace, elle a été présentée au Congrès par le représentant démocrate Eliot L. Engel, alors président de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, et coparrainée par un groupe bipartisan incluant, notons-le, la démocrate Karen Bass. La GFA présente de nouvelles stratégies pour le déploiement de la « puissance dure »et la « puissance douce » des États-Unis dans un monde en mutation. Elle axe la politique étrangère des États-Unis sur l'idée qu'il existe des « États fragiles », des pays sujets à l'instabilité, à l'extrémisme, aux conflits et à l'extrême pauvreté, qui constituent vraisemblablement une menace pour la sécurité des États-Unis.

Bien que cela ne soit pas explicitement mentionné, les analystes affirment que la GFA vise à éviter les interventions militaires américaines inutiles et de plus en plus inefficaces à l'étranger. L'objectif déclaré est que les États-Unis investissent dans « leur capacité à prévenir et à atténuer les conflits violents » en finançant des projets qui requièrent « une approche interagences entre les acteurs clés, y compris l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et les départements d'État, de la Défense et du Trésor », en collaboration avec « les alliés et partenaires internationaux ».

En avril 2022, l'administration Biden-Harris a affirmé son engagement en faveur de la GFA en définissant une stratégie pour sa mise en oeuvre. Comme l'indique le prologue du plan stratégique, la nouvelle approche du gouvernement américain en matière de politique étrangère dépend de « partenaires volontaires pour relever des défis communs [et] partager les coûts ». « En fin de compte, poursuit le document, aucune intervention américaine ou internationale ne sera couronnée de succès sans l'adhésion et l'appropriation mutuelle de partenaires de confiance au niveau régional, national et local. L'administration Biden a également souligné que la GFA ferait appel aux Nations unies et à « d'autres organisations multilatérales » pour mener à bien ses missions. Le prologue présente un plan décennal qui, selon l'Institut américain de la paix, « permettra d'intégrer et de séquencer les efforts diplomatiques, de développement et militaires des États-Unis ». Haïti est le premier des cinq pays testés pour la mise en oeuvre de la GFA.

Saluée par les experts en développement comme une législation « historique » et, comme l'a rapporté Foreign Policy, comme un « changement potentiel dans le monde de l'aide étrangère américaine », la loi semble offrir une réinitialisation de la politique étrangère américaine d'une manière qui change les tactiques tout en maintenant les objectifs et les stratégies de la domination mondiale des États-Unis. La loi et son prologue indiquent clairement que les principaux objectifs sont de promouvoir « la sécurité et les intérêts nationaux des États-Unis » et de « gérer les puissances rivales », vraisemblablement la Russie et la Chine. En ce sens, en particulier pour les gouvernements et les sociétés de l'hémisphère occidental, la GFA peut être considérée comme une refonte de la doctrine Monroe, le plan de politique étrangère des États-Unis de 1823 qui a fait de l'ensemble de la région leur sphère d'influence reconnue, façonnant ainsi l'impérialisme américain. La GFA utilise un langage astucieux : s'attaquer aux « moteurs » de la violence, promouvoir la stabilité dans les « régions sujettes aux conflits », soutenir les « solutions politiques locales » – qui dissimule la véritable intention de la loi, qui est de redorer le blason de l'impérialisme américain.

Lors de leurs délibérations sur le Global Fragility Act, les fonctionnaires américains ont qualifié Haïti d'« un des États les plus fragiles du monde ». Or, cette fragilité supposée a été causée par plus d'un siècle d'ingérence américaine et par une pression constante visant à nier la souveraineté haïtienne. Au cours d'une longue histoire et d'un impérialisme complexe – bien que flagrant – Haïti a été et continue d'être le principal laboratoire des machinations impériales américaines dans la région et dans le monde entier. Il n'est donc pas surprenant qu'Haïti soit le premier objet de la dernière réarticulation par les États-Unis d'une politique visant à maintenir l'hégémonie mondiale.

En fait, un examen des actions des États-Unis et de la soi-disant « communauté internationale » en Haïti de 2004 à aujourd'hui démontre comment Haïti a servi de banc d'essai – de laboratoire – pour une grande partie de ce qui est encapsulé dans la loi sur les fragilités mondiales. En d'autres termes, la GFA n'est pas tant une nouvelle politique qu'une expression formelle de la politique de facto des deux dernières décennies des États-Unis à l'égard d'Haïti et du peuple haïtien. Si nous ne reconnaissons pas ce traitement fait à Haïti, le site de l'expérience néocoloniale la plus longue et la plus brutale du monde moderne, nous ne pouvons pas comprendre pleinement les rouages de l'hégémonie américaine (et occidentale). Et si nous ne pouvons pas comprendre l'hégémonie américaine, alors nous ne pouvons pas la vaincre. Et Haïti ne sera jamais libre.

La souveraineté à nouveau bafouée

Depuis 2004, Haïti est de nouveau sous occupation étrangère et dépouillée de sa souveraineté. Ce n'est pas une hyperbole. Prenons, par exemple, la série d'événements et de gestes qui ont suivi l'assassinat, le 7 juillet 2021, de Jovenel Moïse, président d'Haïti, sans doute illégitime mais toujours en exercice. Le lendemain de l'assassinat, Helen La Lime, chef du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH), a déclaré que le premier ministre intérimaire Claude Joseph dirigerait le gouvernement haïtien jusqu'à ce qu'une date soit établie pour la tenue d'élections. Or, le mandat de Joseph étant intérimaire, la ligne de succession n'était pas claire. Quelques jours avant son assassinat, Moïse avait nommé le neurochirurgien et allié politique Ariel Henry au poste de premier ministre pour remplacer Joseph, mais il n'avait pas encore prêté serment.

Quelques jours après l'assassinat de Moïse, l'administration Biden a envoyé une délégation en Haïti pour rencontrer Joseph et Henry, ainsi que Joseph Lambert, qui avait été choisi par les 10 sénateurs haïtiens restants – les seuls élus du pays à l'époque – pour assurer la présidence dans l'attente de nouvelles élections. Malgré ces revendications concurrentes, Washington a choisi son camp. La délégation américaine a mis Lambert sur la touche, a convaincu Joseph et Henry de parvenir à un accord sur la gouvernance d'Haïti et a exhorté Joseph à se retirer.

Une semaine plus tard, le 17 juillet, le BINUH et le Core Group – une organisation composée principalement de puissances étrangères occidentales qui dictent la politique en Haïti – publiaient une déclaration. Ils appelaient à la formation d'un « gouvernement consensuel et inclusif », demandant à Henry, en tant que premier ministre désigné par Moïse, « de poursuivre la mission qui lui a été confiée ». Deux jours plus tard, le 19 juillet, Joseph a annoncé qu'il se retirait, ce qui a permis à Henry d'assumer le rôle de premier ministre le 20 juillet. Le « nouveau » gouvernement et le cabinet, qui n'ont pas été élus, étaient composés principalement de membres du Parti Haïtien Tèt Kale (PHTK), le parti politique néo-duvaliériste de Moïse et de son prédécesseur Michel Martelly. À la suite du tremblement de terre dévastateur de 2010, le PHTK, avec Martelly à sa tête, a été mis en place par les États-Unis et d'autres puissances occidentales sans le soutien des masses haïtiennes.

Après que l'ambassade des États-Unis, le Core Group et l'Organisation des États américains (OEA) ont publié des déclarations similaires applaudissant la formation d'un nouveau gouvernement de « consensus », le secrétaire d'État américain Antony Blinken a déclaré son soutien aux dirigeants non élus. « Les États-Unis saluent les efforts déployés par les dirigeants politiques haïtiens pour choisir ensemble un premier ministre intérimaire et un cabinet d'unité », a-t-il dit par voie de communiqué. En effet, les véritables courtiers du pouvoir haïtien – ou ce que j'ai appelé les « dirigeants blancs d'Haïti » – ont décidé du remplacement du gouvernement haïtien par un communiqué de presse.

Pendant ce temps, le processus de prise de décision de la communauté internationale a complètement laissé de côté les organisations de la société civile haïtienne, qui se réunissaient depuis le début de l'année 2021 pour trouver un moyen de résoudre la crise politique du pays alors que Moïse, qui gouvernait déjà par décret, était sur le point d'outrepasser son mandat constitutionnel. Ces groupes ont rejeté catégoriquement le gouvernement intérimaire imposé par l'étranger et ont critiqué les actions de la communauté internationale, les qualifiant de manifestement coloniales.

Qui et quelles sont les entités qui prennent des décisions pour Haïti et le peuple haïtien, et comment ont-elles revendiqué des rôles aussi importants dans le contrôle de la politique haïtienne ? Les Haïtiens ne sont pas membres du BINUH, de l'OÉA ou du Core Group. Mais la question de la souveraineté du pays – ou de son absence de souveraineté – est également centrale. Haïti est sous contrôle militaire et politique étranger depuis près de vingt ans. Mais ce n'est pas la première fois, bien sûr, qu'Haïti est sous occupation.

L'héritage du contrôle et de l'occupation étrangers

Au cours de l'été 1915, les marines américains ont débarqué à Port-au-Prince et ont entamé une période de 19 ans de régime militaire ayant pour mission d'étouffer la souveraineté de la première république noire du monde moderne. Au cours de cette première occupation, comme je l'ai écrit ailleurs avec Peter James Hudson, « les États-Unis ont réécrit la constitution haïtienne et installé un président fantoche [qui a signé des traités transférant le contrôle des finances de l'État haïtien au gouvernement américain], imposé la censure de la presse et la loi martiale, et introduit les politiques Jim Crow et le travail forcé sur l'île ». Fidèle à sa vision raciste selon laquelle les Noirs n'ont pas la capacité de se civiliser ou de se gouverner, Washington a estimé qu'il était nécessaire d'enseigner aux Haïtiens l'art du gouvernement autonome – une vision qui perdure aujourd'hui.

Mais le travail le plus prononcé des Marines américains était la contre-insurrection. Ils ont mené une campagne de « pacification » dans toute la campagne pour réprimer un soulèvement paysan contre l'occupation, en utilisant pour la première fois des techniques de bombardement aérien. Larguant des bombes depuis des avions sur les villages haïtiens, les campagnes de pacification ont fait plus de 15 000 morts et d'innombrables mutilés. Ceux qui ont survécu et continué à résister ont été torturés et forcés d'aller dans des camps de travail.

Les États-Unis ont finalement quitté le pays en 1934 à la suite de protestations populaires massives du peuple haïtien. Mais l'un des résultats les plus importants a été la création et la formation, pendant l'occupation, d'une force de police locale, la Gendarmerie d'Haïti. Pendant des années, cette force de police et ses successeurs ont été utilisés pour terroriser le peuple haïtien, un héritage qui perdure aujourd'hui.

Dans les années qui ont suivi l'occupation de 1915 à 1934, les États-Unis ont continué à intervenir politiquement et économiquement dans les affaires haïtiennes. Le plus célèbre de ces engagements a été le soutien des États-Unis à la dictature brutale de François « Papa Doc » Duvalier et de Jean-Claude « Baby Doc » Duvalier. Lors des premières élections démocratiques qui ont suivi la chute du régime Duvalier, les États-Unis ont tenté en vain d'empêcher l'ascension du candidat populaire, Jean-Bertrand Aristide. Cependant, neuf mois après son élection en janvier 1991, Aristide a été renversé par un coup d'État financé par la CIA. Le coup d'État n'a cependant pas été consolidé en raison de la résistance continue du peuple haïtien. En 1994, l'administration du président américain Bill Clinton a été contrainte de ramener Aristide en Haïti après trois ans d'exil, avec plus de 20 000 soldats américains. Aristide était désormais l'otage de la politique néolibérale américaine. Les troupes sont restées jusqu'en 2000.

Haïti a officiellement perdu sa souveraineté nominale à la fin du mois de février 2004. Les gouvernements occidentaux, ainsi que la puissante élite haïtienne, n'ont jamais soutenu le gouvernement d'Aristide, probablement en raison de ses positions « populistes et contre l'économie de marché », comme l'a laissé entendre plus tard l'ancienne ambassadrice américaine Janet Sanderson dans un câble diplomatique divulgué en 2008, appelant à la poursuite de l'intervention étrangère. Ainsi, lorsqu'Aristide a remporté un second mandat à l'élection de 2000, quelques mois seulement après que son parti Fanmi Lavalas ait pris le contrôle de la majorité des sièges au Parlement, les États-Unis et leurs partenaires occidentaux se sont efforcés de discréditer l'administration. L'ambassadeur de la France en Haïti à l'époque, Thierry Burkhard, a admis plus tard que la France était préoccupée par le fait qu'Aristide exigeait une restitution financière pour l'indemnité immorale – ou ce que le New York Times a appelé « la rançon » – qu'Haïti a été forcé de payer pour son indépendance.

Les plans de l'intervention et de l'occupation de 2004 ont été élaborés l'année précédente lors d'une réunion au Canada baptisée « Initiative d'Ottawa sur Haïti ». Aristide était revenu au pouvoir depuis deux ans. Le premier ministre canadien Jean Chrétien et son gouvernement libéral ont organisé une conférence de deux jours, du 31 janvier au 1er février 2003, au lac Meech, un centre de villégiature gouvernemental près d'Ottawa, qui a réuni des hauts fonctionnaires des États-Unis, de l'Union européenne et de l'OÉA pour décider de l'avenir de la gouvernance d'Haïti. Aucun représentant d'Haïti n'était présent. Le journaliste canadien Michel Vastel, qui a eu vent de cette réunion secrète, a rapporté que les discussions à Ottawa incluaient la possible destitution d'Aristide et une éventuelle mise sous tutelle d'Haïti par l'Occident.

Le 29 février 2004, le président Aristide a été destitué, embarqué dans un avion par des marines américains et envoyé en République centrafricaine. Presque immédiatement, le président américain George W. Bush a envoyé 200 soldats américains à Port-au-Prince pour « aider à stabiliser le pays ». Le soir de l'expulsion d'Aristide, 2 000 soldats américains, français et canadiens étaient sur le terrain.

Entre-temps, à la demande des États-Unis et de la France, membres permanents, le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) a adopté à l'unanimité une résolution autorisant « le déploiement immédiat d'une Force multinationale intérimaire pour une période de trois mois pour aider à sécuriser et à stabiliser la capitale, Port-au-Prince, et d'autres régions du pays ». En d'autres termes, l'ONU a voté l'envoi d'une mission de « maintien de la paix » en Haïti. Il est important de noter que la résolution 1529 a été adoptée en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies qui, contrairement à une résolution relevant du chapitre VI, autorise les forces de l'ONU à mener des actions militaires terrestres, aériennes et maritimes sans avoir à obtenir le consentement des parties en conflit. En d'autres termes, la résolution autorise la force multinationale à « prendre toutes les mesures nécessaires à l'accomplissement de son mandat ».

La mission de l'ONU en Haïti soulève quatre points importants. Premièrement, Haïti a été le seul pays non plongé dans une guerre civile à recevoir un déploiement militaire de l'ONU en vertu du chapitre VII. Il y a certes eu des protestations locales lors de l'adoption de la résolution, mais il s'agissait d'Haïtiens qui manifestaient contre la destitution de leur président démocratiquement élu. En d'autres termes, la situation en Haïti ne pouvait pas être considérée comme une guerre civile, au sens normal du terme, qui méritait un déploiement au titre du chapitre VII (si tant est qu'un tel déploiement puisse jamais être mérité). Au contraire, par ce déploiement, les mêmes personnages qui ont initié et consolidé le coup d'État ont réprimé une protestation populaire.

Deuxièmement, les principaux acteurs qui ont soutenu et aidé à la destitution d'Aristide étaient également des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, le seul organe ayant le pouvoir de déployer une mission multinationale de « maintien de la paix ». Depuis l'initiative d'Ottawa, il était clair que les États-Unis, la France et le Canada avaient conspiré pour destituer Aristide et détruire l'État haïtien. Troisièmement, pour justifier l'intervention étrangère et l'occupation qui s'en est suivie, les États-Unis et la France ont concocté un récit dans lequel Aristide avait abdiqué la présidence. En effet, les documents de sécurité et les résolutions de l'ONU concernant Haïti à cette époque, ainsi que les rapports des médias occidentaux, indiquaient que la « démission » présumée d'Aristide était la raison du déploiement des forces militaires de l'ONU.

Le 1er mars 2004, le matin suivant l'éviction d'Aristide, Democracy Now ! a diffusé une remarquable émission en direct au cours de laquelle Maxine Waters, membre du Congrès américain et présidente du Congressional Black Caucus, a appelé pour dire qu'elle avait parlé au président Aristide. « Il a dit qu'il avait été kidnappé, a déclaré Mme Waters. Il a dit qu'il avait été forcé de quitter Haïti, que l'ambassade américaine avait envoyé des diplomates et qu'ils lui avaient ordonné de partir. Dans les semaines qui ont suivi, Aristide a parlé de l'enlèvement à Democracy Now ! « Lorsque des militaires venus de l'étranger encerclent votre maison, prennent le contrôle de l'aéroport, encerclent le palais national, sont dans les rues, et vous enlèvent de votre maison pour vous mettre dans l'avion, a-t-il raconté, c'est l'utilisation de la force pour faire sortir un président élu de son pays. »

Quatrième point, et sans doute le plus grave : le CSNU a prétendu que le soi-disant gouvernement intérimaire mis en place à la suite de l'éviction d'Aristide avait demandé la mise en place de la force de stabilisation. Or, ce gouvernement était illégitime. Dans son livre Paramilitarism and the Assault on Democracy in Haiti (2012), Jeb Sprague raconte qu'au petit matin, après que les Aristide aient été escortés à l'aéroport, l'ambassadeur américain en Haïti, James Foley, est allé chercher le juge de la Cour suprême haïtienne Boniface Alexandre et l'a emmené au « bureau du premier ministre pour des consultations en vue de préparer son ascension au pouvoir ». Le premier ministre haïtien, Yvon Neptune, a déclaré plus tard qu'il n'avait pas eu son mot à dire – et qu'il n'avait pas non plus participé, comme le veut la loi haïtienne – à la prestation de serment du président intérimaire installé par les États-Unis. Le premier acte d'Alexandre en tant que président intérimaire a été, sur ordre de l'ambassadeur américain, de soumettre une demande officielle au Conseil de sécurité de l'ONU pour que des forces militaires multinationales rétablissent la loi et l'ordre. Le Conseil de sécurité a immédiatement autorisé le déploiement.

Prises ensemble, ces réalités démontrent que le déploiement et l'occupation de l'ONU – basés sur un coup d'État parrainé par deux membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, des affirmations selon lesquelles le président avait démissionné et la prestation de serment illégale d'un chef d'État illégitime – étaient frauduleux. Dans le même temps, les gouvernements et les médias occidentaux ont rejeté les protestations du peuple haïtien en les qualifiant de « violence de gang » et d'action de « bandits ». De telles caractérisations n'ont pas seulement puisé dans les stéréotypes racistes séculaires des Haïtiens comme étant toujours déjà violents, mais ont également fourni un prétexte supplémentaire pour le déploiement du chapitre VII. Pour le comble, la plupart des résolutions de l'ONU faisaient référence à la garantie de la « souveraineté » d'Haïti, comme si cette souveraineté pouvait coexister avec un contrôle politique étranger et une occupation militaire.

Le coup d'État illégal de 2004 a été perpétré et nettoyé avec la sanction de l'ONU. Le 1er juin 2004, l'ONU a officiellement pris le relais des forces américaines et mis en place la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) sous couvert d'instaurer la paix et la sécurité. Opération de plusieurs milliards de dollars, la MINUSTAH comptait, à tout moment, entre 6 000 et 13 000 soldats et policiers en Haïti, ainsi que des milliers de bureaucrates, de techniciens et de civils. Dans un horrible parallèle avec la première occupation américaine d'Haïti, les soldats de la MINUSTAH ont commis de nombreux actes de violence contre le peuple, y compris des fusillades et des viols. Les soldats de la MINUSTAH ont également été responsables de l'introduction du choléra en Haïti, une maladie qui a officiellement tué 30 000 personnes et en a infecté près d'un million.

Mais ce qui a le plus consolidé cette occupation, c'est la création et l'opérationnalisation du Core Group. Coalition internationale d'« amis » autoproclamés et non noirs d'Haïti, le Core Group a été créé dans le cadre de la résolution de l'ONU de 2004 qui a permis le déploiement de soldats et de technocrates étrangers en Haïti. Bien que la composition du groupe ait fluctué depuis sa formation initiale, il compte actuellement neuf membres : Allemagne, Brésil, Canada, Espagne, États-Unis, France, Union européenne, OÉA et Organisation des Nations unies. Il est significatif que le groupe n'ait jamais eu de représentant haïtien. L'objectif déclaré du Core Group est de superviser la gouvernance d'Haïti par la coordination des différentes branches et éléments de la mission des Nations unies en Haïti. Mais dans la pratique, le Core Group représente un exemple insidieux de (néo) colonialisme motivé par la suprématie blanche.

Punition impériale

Bien qu'il y ait eu un retrait officiel de la MINUSTAH en 2017, l'ONU est restée en Haïti par la présence de plusieurs nouveaux bureaux, culminant avec l'établissement du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) en 2019. Malgré les protestations des Haïtiens contre la présence continue de l'ONU, le CSNU continue de renouveler le mandat du BINUH chaque année. Le dernier renouvellement a eu lieu le 14 juillet 2023. Le BINUH a joué un rôle public de premier plan dans les affaires politiques internes d'Haïti et est souvent le porte-parole du Core Group.

Le pouvoir écrasant du Core Group est ouvertement public. Lors d'une session spéciale sur Haïti au Conseil de sécurité de l'ONU le 26 avril 2023, la nouvelle directrice du BINUH, Maria Isabel Salvador d'Équateur, a pris l'initiative de présenter Haïti en termes typiquement racistes – comme panier de crabes où des gangs violents se font la guerre. Non élu et n'ayant pas de comptes à rendre au peuple haïtien, le Core Group est l'arbitre de la domination coloniale directe d'Haïti.

L'impérialisme occidental en Haïti est une structure hiérarchique établie par le pouvoir des États-Unis, qui sous-traitent ensuite le contrôle colonial à d'autres intervenants. Dans un câble diplomatique confidentiel de 2008 publié par Wikileaks, l'ambassadrice américaine de l'époque, Janet Sanderson, a qualifié la MINUSTAH de « produit remarquable et de symbole de la coopération hémisphérique dans un pays qui n'a pas grand-chose à offrir ». Elle poursuit : « Il n'y a pas de substitut possible à cette présence de l'ONU. Il s'agit d'une aubaine financière et de sécurité régionale pour le [gouvernement américain]. Nous devons nous efforcer de préserver la MINUSTAH en continuant à travailler en partenariat avec elle à tous les niveaux. Ce partenariat contribuera également à contrer les perceptions des pays contributeurs latins selon lesquelles les Haïtiens considèrent leur présence en Haïti comme indésirable. »

Le Brésil, par exemple, où vit la plus grande population noire à l'extérieur de l'Afrique, a supervisé le volet militaire de l'occupation depuis le début. L'administration de gauche du président Luiz Inacio Lula da Silva a dépensé plus de 750 millions de dollars pour financer cette opération. Comme je l'ai écrit ailleurs, Haïti a été le « point zéro impérial » du Brésil. Mais d'autres gouvernements marginalisés des Caraïbes et d'Amérique latine se sont également ralliés à l'opération. À un moment donné, la direction de la MINUSTAH comprenait un représentant de Trinité-et-Tobago et un avocat et diplomate afro-américain. Cette direction était accompagnée d'une force militaire multinationale composée de troupes provenant de plusieurs pays d'Amérique du Sud, des Caraïbes et d'Afrique, dont l'Argentine, la Colombie, la Grenade, la Bolivie, le Bénin, le Burkina Faso, l'Égypte, la Côte d'Ivoire, le Nigeria, le Rwanda, le Sénégal, le Cameroun, le Niger et le Mali.

Outre le Brésil, les gouvernements néocoloniaux d'autres pays voisins ont ainsi été recrutés par les États-Unis pour les aider à saper la souveraineté haïtienne. La République dominicaine, par exemple, a financé et hébergé les troupes paramilitaires hétéroclites qui ont terrorisé Haïti de 2000 à 2004. Plus récemment, à l'automne 2022, le Mexique s'est joint aux États-Unis pour plaider devant le Conseil de sécurité des Nations unies en faveur d'une nouvelle intervention militaire étrangère en Haïti. Washington a exhorté le Canada à prendre les devants et, en juin 2023, Ottawa a annoncé son intention de coordonner l'aide internationale à la sécurité en Haïti, y compris la formation de la police, à partir de la République dominicaine.

Depuis l'assassinat de Moïse en 2021, les Haïtiens ont protesté contre le soutien étranger au gouvernement de facto illégitime et corrompu, contre la hausse de l'inflation et des prix du carburant, contre le déversement illégal d'armes et contre la montée vertigineuse de la violence. En réponse, les États-Unis et leurs alliés ont continué à faire pression en faveur d'une intervention militaire étrangère. En janvier 2023, la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes (CÉLAC) a soutenu l'appel à l'intervention d'une force étrangère. En juillet, le secrétaire d'État américain Blinken, la vice-présidente Kamala Harris et le représentant américain Hakeem Jeffries ont convaincu la Communauté des Caraïbes (CARICOM) de revenir sur sa décision initiale d'affirmer la souveraineté haïtienne et de demander une intervention. À l'heure où nous écrivons ces lignes, les États-Unis s'apprêtent à présenter une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies après que le Kenya a exprimé sa volonté de diriger une mission armée multinationale. Rappelons que c'est le premier ministre haïtien Henry, nommé par le Core Group, qui, avec le bureau de l'ONU en Haïti, insiste sur cette solution violente à la crise du pays – une crise qu'ils ont eux-mêmes contribué à créer.

Les protestations continues de la communauté haïtienne contre les troupes étrangères et l'ingérence occidentale témoignent de son courage inébranlable.

Le déni de la souveraineté haïtienne semble être, comme l'a décrit Jeff Sprague, « un effort synchronisé d'États et d'institutions coopérants, soutenu par le consensus d'une élite mondiale contre la démocratie populaire ». Le Global Fragility Act ne se contente donc pas de présenter un plan qui a déjà été mis en oeuvre en Haïti au cours des vingt dernières années, mais il est directement issu des expériences américaines dans le laboratoire (néo)colonial haïtien. Nous devons reconnaître la place critique d'Haïti en tant que terrain d'essai pour l'impérialisme américain et occidental.

Mais Haïti est aussi le lieu de l'une des plus longues luttes pour la libération des Noirs et l'indépendance anticoloniale. Cela explique l'assaut réactionnaire constant de l'empire américain contre le peuple haïtien, punissant ses tentatives répétées de souveraineté par des décennies d'instabilité destinées à garantir et à étendre l'hégémonie américaine. Depuis deux siècles, la contre-insurrection impériale contre Haïti vise à mettre fin à l'expérience révolutionnaire la plus ambitieuse du monde moderne. Les tactiques déployées pour attaquer la souveraineté haïtienne ont été cohérentes et persistantes. C'est à vos risques et périls que vous ne voyez pas que ces tactiques peuvent être utilisées dans le reste de la région.

Jemima Pierre est professeure d'études afro-américaines et d'anthropologie à l'Université de la Californie à Los Angeles et associée de recherche au Centre d'étude de la race, du genre et de la classe à l'Université de Johannesburg. Elle est l'auteure de The Predicament of Blackness : Postcolonial Ghana and the Politics of Race et de nombreux articles académiques et publics sur Haïti.

(Repris de Internationalist 360•, 7 octobre 2023. Traduction : LML)

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À titre d'information

217e anniversaire de l'assassinat de Jean-Jacques Dessalines, fondateur de la nation haïtienne

Le 17 octobre 2023 est le 217e anniversaire de l'assassinat de Jean-Jacques Dessalines, le fondateur de la nation haïtienne.

Dessalines a activement participé à la révolte des esclaves de 1791 et a consacré sa vie à la cause de la liberté. Grand stratège, il s'est illustré à maintes reprises dans la lutte contre les colonialistes français. Les paroles prononcées par Dessalines au rempart français à Crête-à-Pierrot sont souvent citées : « Je ne veux garder avec moi que des braves. Que ceux qui veulent redevenir des esclaves français sortent du fort. Que ceux, au contraire, qui veulent mourir en hommes libres se rangent autour de moi », la garnison répondant d'une seule voix : « Nous mourrons tous pour la liberté ! »

Grand humaniste, Dessalines avait un grand amour de la solidarité et de la liberté humaines et sur cette base il a aussi contribué à la libération des opprimés ailleurs qu'en Haïti. Il a été le premier chef d'État d'Haïti et il a été un administrateur doué dont les actes étaient guidés par un profond désir de justice sociale. Une des mesures qu'il a prises dès le 2 janvier 1804, le jour où Haïti a déclaré son indépendance, a été de décréter l'élimination de toutes formes cachées de propriété coloniale. La constitution de 1805 confirme la cession de terres coloniales au patrimoine national. Les réformes agraires de Dessalines visaient avant tout à faire en sorte que la richesse nationale soit contrôlée par l'administration de l'État pour le bien du nouvel État. Soucieux d'une distribution équitable de la propriété coloniale parmi les anciens esclaves, il a déclaré : « Prenez garde à vous, nègres et mulâtres, vous avez tous combattu contre les blancs; les biens que nous avons tous acquis en versant notre sang appartiennent à nous; j'entends qu'ils soient partagés avec équité. »

Selon certains économistes, les réformes agraires qu'il cherchait à réaliser étaient, pour l'époque, la forme d'intervention la plus avancée de l'État dans l'économie.

Dessalines a aussi été responsable de la création du drapeau haïtien, acte qui, en soi, exprimait la lutte pour l'émancipation et la liberté du règne colonial français. Le 18 mai 1803, les principaux dirigeants du peuple de Saint-Domingue en rébellion contre les Français ont été convoqués aux quartiers généraux à Arcahaie. À titre de général et commandant, Dessalines a voulu créer un symbole de solidarité qui exprimerait la rupture définitive avec la France et le rejet absolu de tout ce qui pouvait rappeler l'esclavage. Il a demandé qu'on lui apporte le drapeau français auquel il a arraché la couleur blanche, laissant les couleurs bleu et rouge. Dans l'esprit de tous rassemblés, cela représentait l'unité des Noirs et des Mulâtres. Le drapeau haïtien bleu et rouge venait de voir le jour.

Selon une source, ses actions, « bien que parfois interprétées comme étant racistes, doivent être examinées dans leur contexte. Les conséquences de la colonisation française avaient été dévastatrices. L'histoire d'Haïti a été assombrie non seulement par l'extermination de millions d'hommes et de femmes autochtones qui vivaient sur l'île bien avant la venue de Christophe Colomb, mais aussi par le carnage de milliers d'Africains enlevés qui ont été condamnés à l'humiliation du fouet et au viol de leurs familles. »

Le nom de Jean-Jacques Dessalines est passé à l'histoire pour avoir créé pour la première fois une nation qui a défini le citoyen en fonction du fait qu'il était un être humain et non une personne de propriété ou de couleur blanche. Ses réformes pour développer la nouvelle nation et assister son peuple étaient parmi les plus créatrices de son époque. Mais aux yeux des privilégiés, le projet d'édification nationale de Dessalines représentait une menace et un danger pour leurs intérêts. Une des principales raisons du complot contre lui était l'opposition de l'ancienne classe intermédiaire à la création d'un patrimoine national.

Dessalines a été assassiné le 17 octobre 1806 au Pont-Rouge à l'entrée de Port-au-Prince. Depuis ce jour, le peuple d'Haïti continue de brandir le drapeau de la liberté tel que conçu grâce au leadership de Jean-Jacques Dessalines.

(Source : « 2004, Une année marquante : À la mémoire du bicentenaire de l'indépendance d'Haïti, la première république noire », Comité du mois de l'histoire des Noirs (Gatineau) et Head Together International »)

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L'histoire de la police kenyane


La police kenyane lors de la manifestation de juin 2023 contre les hausses d'impôts au Kenya

La force constabulaire du Kenya a été établie en tant que force policière coloniale britannique en 1907. Avant cela, de 1887 à 1902, le maintien de l'ordre était la responsabilité de la East Africa Trading Company. Après 1902, le chemin de fer Kenya-Ouganda a eu recours à ses propres unités policières.

En 1906, une nouvelle force policière, la Police à cheval de Nairobi, a été créée au sein de la juridiction du Protectorat de l'Afrique de l'Est. Elle a changé de nom en 1920 avec la création de la Colonie britannique du Kenya. À cet égard, ses débuts et sa mission ressemblent à ceux de la Gendarmerie Royale du Canada en 1920, qui était aussi une création des Britanniques, qui avaient créé antérieurement sous le nom de Police à cheval du Nord-Ouest et Police du Dominion.

La force policière coloniale du Kenya était formée principalement de recrues britanniques et indiennes pour les postes d'officiers seniors et d'Africains pour les postes de rang inférieur. Après l'indépendance du Kenya en 1963, les officiers britanniques ont été remplacés par des Kenyans. C'était au lendemain de la rébellion des Kikuyus et d'autres tribus kenyanes contre le pouvoir britannique brutal. Le mécontentement généralisé au cours des années 1950 a donné lieu à des rébellions constantes contre le pouvoir colonial. Les Britanniques ont prétendu que les rebelles faisaient partie d'une société secrète et sauvage qu'on appelait « Mau Mau », dont les membres avaient prétendument juré de massacrer les Européens et de les expulser d'Afrique.

La guerre britannique contre les Kikuyus, qui formaient le groupe le plus important de la rébellion, a été sans merci et justifiée par des accusations que les rebelles étaient des terroristes. Les Britanniques ont créé des camps de détention pour les gens qu'on soupçonnait d'être associés aux Mau Mau, y compris les personnes aînées et les enfants, ayant recours à des méthodes de torture extrême pour obtenir de l'information et pour limiter les insurrections. Plus d'un million de Kenyans ont été violemment arrachés de leurs maisons et détenus dans des camps.


Un des camps de détention pour ceux que les Britanniques soupçonnaient d'appartenir aux « Mau Mau »

Des documents du gouvernement britannique ont été divulgués presqu'un demi-siècle après qu'ils eurent été discrètement sortis du pays à la veille des rébellions. Le Guardian écrit :

« Les documents exposent la brutalité des autorités britanniques pendant la rébellion des années 1950 et montrent clairement que les ministres de Londres étaient très bien informés des traitements infligés aux prisonniers détenus dans les camps partout dans la colonie.

« Dans une affaire qui fait jurisprudence devant les tribunaux du Royaume-Uni, un groupe d'anciens détenus Mau Mau intente des poursuites contre le gouvernement britannique. Parmi eux se trouvent deux hommes qui ont été castrés et torturés. Ces hommes avaient participé à un soulèvement particulièrement violent contre le pouvoir britannique déclenché en raison de la distribution de terres agricoles à des colons européens.

« Bien que le bureau des Affaires étrangères ne nie pas les allégations, il a recours à une variété de précédents constitutionnels pour rejeter ces réclamations, soutenant que la responsabilité juridique a été remise entre les mains de la république du Kenya le jour de son indépendance en 1963.

« La Haute Court de justice à Londres a appris que la plus récente cache de documents avait été sortie du Kenya dans le cadre d'une politique consistant à sortir tout dossier délicat ou contenant des preuves à conviction concernant les anciennes colonies, et a éventuellement été déposée dans un entrepôt du bureau des Affaires étrangères à Buckinghamshire. Les documents ont fini par être divulgués plus tôt cette année.

« Ils montrent qu'en juin 1957, Alan Lennox-Boyd, secrétaire d'État des colonies, a reçu une note de service secrète rédigée par Eric Griffith-Jones, le procureur général du Kenya, qui apportait des changements aux rapports des traitements infligés aux détenus Mau Mau, qui ont été soumis à une violence extrême dès leur détention dans les camps.

« Des coups étaient assénés au haut du corps, écrit Griffith-Jones, ajoutant que 'les parties corporelles vulnérables, en particulier la rate, le foie ou les reins, ne devaient pas recevoir de coups'. Pour ce qui est des détenus qui s'objectaient aux tortures, on leur mettait le pied à la gorge et on bourrait leur bouche de boue... et, en dernier recours, on les frappait jusqu'à ce qu'ils perdent connaissance.'

« Griffith-Jones avait apporté des amendements aux lois de la colonie pour autoriser de tels abus. Si, d'une part, il se préoccupait peu des droits juridiques ou humains des détenus, dans sa note de service il faisait part de ses préoccupations pour ce qui est des tortionnaires : 'Les répercussions psychologiques sur les personnes administrant la violence sont potentiellement dangereuses; il est primordial qu'elles soient en tout temps calmes, équilibrées, et ne laisse transparaître aucune émotion.'

« La note de service sur Griffith-Jones a été rédigée par le gouverneur du Kenya, Sir Evelyn Baring, qui l'a fait parvenir à Lennox-Boyd avec une lettre d'introduction où il affirme qu'infliger 'un choc violent' était la seule façon d'agir avec les insurgés Mau Mau. En dépit de cela, l'argumentaire du bureau des Affaires étrangères est qu'il n'est pas légalement responsable puisque Lennox-Boyd agissait à titre de secrétaire d'État du Kenya à l'époque.

« Les documents révèlent aussi que le colonel Arthur Young, un officier vétéran des forces policières et un socialiste chrétien qui a démissionné avant d'avoir terminé sa première année en tant que commissionnaire de la police kenyane, a dit à Baring en décembre 1954 que les camps 'avaient des conditions des plus déplorables et qu'ils devraient faire l'objet immédiat d'une enquête afin que les allégations grandissantes de déshumanité et de mépris envers les droits du citoyen africain soit prises en main'.

« Le mois suivant, Barin informait Lennox-Boyd que huit officiers européens avaient été accusés d'une série de meurtres, de violence physique et de fusillades. Parmi ces accusations, il y avait 'un officier de district, accusé de meurtre par coups et blessures et d'avoir brûlé vif un Africain'.

« En dépit de ces informations, Lennox-Boyd a nié de façon répétée l'existence de ces abus et a publiquement dénoncé ces responsables coloniaux qui ont porté plainte.

« Dans les documents, il y a aussi des descriptions de torture que les administrateurs coloniaux ont eux-mêmes communiquées à leurs supérieurs. Un employé africain de la Branche spéciale 'a transpercé d'épingles leurs côtes, leurs fesses, leurs doigts et, en au moins une instance, leur tête, et ...tenaillé leur corps, leur pénis et leur scrotum avec des pinces. Il a écrasé les doigts d'un détenu.'


Jane Muthoni Mara, Paulo Nzili, Ndiku Mutua et Wambugu wa Nyingi (de gauche à droite), demandeurs d'asile dans le cadre d'un procès contre le gouvernement britannique, devant la Haute Cour au centre de Londres, le 7 avril 2011

« Quatre des demandeurs de la cause faisant jurisprudence, Ndiku Mutua, Paulo Nzili, Wanbugu wa Nyingi et Jane Muthoni Mara, qui sont aujourd'hui âgés entre 70 et 80 ans, ont pris l'avion pour voyager 4 000 milles à partir de leurs domiciles ruraux pour participer au procès.

« La semaine dernière (avril 2011), le juge McCombe a entendu les témoignages de Mutua et de Nzili qui ont été castrés, celui de Nyingi qui a eu les mains et les pieds enchaînés avant d'être battu jusqu'à en perdre connaissance au cours d'un incident dans un centre de détention britannique, alors que 11 autres hommes ont été tués à coups de matraque, et celui de Mara, qui a subi une grave violence sexuelle. »

Ceci n'est qu'un cours résumé de l'histoire de la police kenyane, créée par les Britanniques qui sont allés au Kenya pour usurper ses ressources au XIXe siècle en rivalité avec d'autres puissances coloniales en Afrique. Les Britanniques ont relocalisé les fermiers et les éleveurs locaux sur des terres infertiles ou les ont forcés à travailler sur des fermes ou des plantations possédées par des Européens. Ils ont fomenté des conflits ethniques sans précédent entre divers groupes suivant la pratique de diviser pour régner et ont ensuite mis sur pied des forces constabulaires pour protéger leurs intérêts.

Le pouvoir britannique au Kenya se caractérisait par la brutalité des conditions de travail, le racisme organisé par l'État, les relations de travail brutales, la relocalisation forcée et la criminalisation et les traitements brutaux, visant tous à protéger les intérêts britanniques et l'autorité du pouvoir britannique.

L'armée du Kenya

Le gouvernement canadien continuant à jouer un rôle néfaste dans les intrigues internationales contre le peuple haïtien et les peuples des Caraïbes, la tenue du Sommet Canada-CARICOM à Ottawa sera certainement utilisée pour poursuivre l'objectif de l'administration américaine de saper les luttes des peuples des Caraïbes. Le discours impérialiste sur la « démocratie », « l'ordre international fondé sur des règles », la sécurité et les droits de l'homme continuera d'être utilisé pour masquer le contraire, à savoir le renforcement du diktat politique, économique et, dans le cas d'Haïti, militaire et policier étranger.

Compte tenu de cette situation et du rôle que la police kenyane est maintenant amenée à jouer, il est également édifiant d'examiner les forces de défense kenyanes (KDF) et le rôle que l'armée kenyane joue pour le compte des grandes puissances. Le site web de la KDF indique que sa participation à ce qu'elle appelle les opérations de paix « expose également la KDF à des partenariats stratégiques avec des armées de pays développés qui l'aident à renforcer ses capacités structurelles dans la guerre moderne en constante évolution (y compris la guerre asymétrique actuellement employée par les groupes terroristes) et lui ouvrent des voies d'accès à des installations de formation et au matériel le plus récent par le biais de subventions ».

La KDF note en particulier que le Centre international de formation au soutien de la paix de Nairobi, au Kenya, financé par le Canada, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, est un exemple de partenariat stratégique avec les pays développés. Elle ajoute : « Les accords bilatéraux entre le Kenya et les États-Unis ont, par le passé, couvert entre autres le soutien aux opérations de maintien de la paix autorisées par les Nations unies, ainsi que le financement de nouvelles livraisons d'armes importantes et d'une formation militaire accrue. »

(Wikipedia : « Des notes de service communiquaient des directives sur comment gérer les mauvais traitements faits aux Mau Mau dans les années 1950 », The Guardian, 11 avril 2011)

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