Points de vue

Des organisations caribéennes condamnent l'approbation par le Conseil de sécurité d'une mission dirigée par le Kenya en Haïti

Nous, soussignés, condamnons fermement la décision des États-Unis et de leurs alliés de déployer une force militaire étrangère en Haïti. Nous sommes catégoriques sur le fait qu'une intervention étrangère armée dirigée par les États-Unis et l'ONU en Haïti est non seulement illégitime, mais illégale. Et nous soutenons le peuple haïtien et les organisations de la société civile qui ont toujours été opposés à l'intervention militaire armée étrangère – et qui ont soutenu que les problèmes d'Haïti sont le résultat direct de l'ingérence persistante et à long terme des États-Unis, des Nations unies et du Core Group.

Lundi 2 octobre 2023, le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) a voté une résolution en faveur d'une mission multinationale de soutien à la sécurité autorisant le déploiement d'une intervention militaire et policière étrangère en République d'Haïti. Bien que le vote n'ait pas reçu l'approbation unanime en raison de l'abstention de deux membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, 13 autres membres permanents et non permanents ont voté en faveur, dont 3 pays africains (Gabon, Ghana et Mozambique). Il s'agit d'une trahison particulièrement flagrante envers Haïti, qui a été pour les Africains et les Noirs du monde entier un phare dans la lutte contre l'esclavage, le colonialisme et l'impérialisme. Pourtant, l'administration américaine, les grands médias, aux côtés de personnalités telles que Linda Thomas-Greenfield, ont salué le vote comme une victoire. Nous notons également que les États-Unis ont fait appel au Kenya, un autre pays africain, pour diriger une force multinationale de nations « volontaires » pour occuper Haïti, laissant leurs propres troupes chez elles tout en offrant au moins 100 millions de dollars de soutien.

Il y a une longue histoire ici. Depuis plus de deux ans maintenant, les États-Unis ont fait pression en faveur du renforcement de la présence militaire en Haïti afin de protéger le gouvernement fantoche d'Ariel Henry, non élu et impopulaire. Pourtant, les États-Unis ne sont pas disposés à mettre leurs propres troupes sur le terrain, se tournant plutôt vers le Canada, puis le Brésil, puis les pays de la CÉLAC et de la CARICOM – qui étaient tous réticents à diriger la mission, même s'ils soutenaient l'appel à une intervention militaire. Le gouvernement kenyan a sauté sur l'occasion pour prendre la tête de l'intervention, acceptant le sac d'argent et une tape d'approbation sur la tête de ses dirigeants néolibéraux. Haïti va désormais être envahi par les États-Unis, mais avec le visage noir du Kenya comme couverture. Le Kenya prétend à tort qu'il s'agit du « panafricanisme »; c'est en fait du néocolonialisme.

On nous dit que l'intérêt des États-Unis en Haïti est humanitaire, que les États-Unis veulent protéger le peuple haïtien des « gangs criminels ». Pourtant, les armes américaines ont inondé Haïti et les États-Unis ont toujours rejeté les appels à la mise en application pratique de la résolution du Conseil de sécurité demandant un embargo sur les armes contre les Haïtiens et sur l'élite américaine qui importe des armes dans ce pays. De plus, lorsque nous parlons de « gangs », nous devons reconnaître que les gangs les plus puissants du pays sont des filiales des États-Unis eux-mêmes : le Bureau intégré des Nations unies (BINUH) et le Core Group, les deux entités coloniales qui dirigent à toutes fins pratiques le pays depuis le coup d'État soutenu par les États-Unis, la France et le Canada en 2004. Haïti n'a aucune souveraineté et a longtemps été sous occupation étrangère. L'actuel « premier ministre » de facto a été installé par le Core Group et tous les appels à une intervention militaire sont lancés par ceux qui occupent déjà Haïti.

Nous méprisons les gouvernements néocoloniaux qui participent à cette mission visant à opprimer davantage le peuple haïtien et à lui refuser la souveraineté. Nous dénonçons les gouvernements du Kenya et des pays de la CARICOM, tels que les Bahamas, la Jamaïque et Antigua-et-Barbuda, qui ont laissé tomber Haïti et ont violé la notion des Caraïbes comme zone de paix.

Par ailleurs, nous exigeons :

- Que les États-Unis et l'ONU mettent fin à leur ingérence en Haïti et le Core Group soit dissous.

- Que les États-Unis cessent leurs actions criminelles de gangsters contre Haïti et cessent de soutenir le gouvernement illégitime qu'ils ont installé.

- Que le Kenya cesse de soutenir une intervention raciste et impérialiste en Haïti.

- Que les gouvernements des États-Unis et la République dominicaine cessent de déverser des armes et des munitions dans le pays et que le premier ministre de facto cesse d'armer les paramilitaires dans le pays.

- Que les Nations unies compensent l'épidémie dévastatrice de choléra de 2010 en reconstruisant les infrastructures d'eau, d'assainissement, de santé et d'éducation en Haïti.

- Que les subventions aux carburants pour Haïti soient rétablies et que le salaire minimum soit augmenté.

- Que les pays de la CARICOM, aux côtés d'autres pays de la région, normalisent les démarches pour l'obtention de visas de travail et de citoyenneté pour les ressortissants haïtiens.

Nous promettons d'être aux côtés du peuple haïtien contre l'impérialisme !

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Volume 53 Numéro 12 - Octobre 2023

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