L'histoire de la police kenyane
La police kenyane lors de la manifestation de juin 2023 contre
les hausses d'impôts au Kenya
La force constabulaire du Kenya a été établie en tant que force policière coloniale britannique en 1907. Avant cela, de 1887 à 1902, le maintien de l'ordre était la responsabilité de la East Africa Trading Company. Après 1902, le chemin de fer Kenya-Ouganda a eu recours à ses propres unités policières.
En 1906, une nouvelle force policière, la Police à cheval de Nairobi, a été créée au sein de la juridiction du Protectorat de l'Afrique de l'Est. Elle a changé de nom en 1920 avec la création de la Colonie britannique du Kenya. À cet égard, ses débuts et sa mission ressemblent à ceux de la Gendarmerie Royale du Canada en 1920, qui était aussi une création des Britanniques, qui avaient créé antérieurement sous le nom de Police à cheval du Nord-Ouest et Police du Dominion.
La force policière coloniale du Kenya était formée principalement de recrues britanniques et indiennes pour les postes d'officiers seniors et d'Africains pour les postes de rang inférieur. Après l'indépendance du Kenya en 1963, les officiers britanniques ont été remplacés par des Kenyans. C'était au lendemain de la rébellion des Kikuyus et d'autres tribus kenyanes contre le pouvoir britannique brutal. Le mécontentement généralisé au cours des années 1950 a donné lieu à des rébellions constantes contre le pouvoir colonial. Les Britanniques ont prétendu que les rebelles faisaient partie d'une société secrète et sauvage qu'on appelait « Mau Mau », dont les membres avaient prétendument juré de massacrer les Européens et de les expulser d'Afrique.
La guerre britannique contre les Kikuyus, qui formaient le groupe le plus important de la rébellion, a été sans merci et justifiée par des accusations que les rebelles étaient des terroristes. Les Britanniques ont créé des camps de détention pour les gens qu'on soupçonnait d'être associés aux Mau Mau, y compris les personnes aînées et les enfants, ayant recours à des méthodes de torture extrême pour obtenir de l'information et pour limiter les insurrections. Plus d'un million de Kenyans ont été violemment arrachés de leurs maisons et détenus dans des camps.
Un des camps de détention pour ceux que les Britanniques
soupçonnaient d'appartenir aux « Mau Mau »
Des documents du gouvernement britannique ont été divulgués presqu'un demi-siècle après qu'ils eurent été discrètement sortis du pays à la veille des rébellions. Le Guardian écrit :
« Les documents exposent la brutalité des autorités britanniques pendant la rébellion des années 1950 et montrent clairement que les ministres de Londres étaient très bien informés des traitements infligés aux prisonniers détenus dans les camps partout dans la colonie.
« Dans une affaire qui fait jurisprudence devant les tribunaux du Royaume-Uni, un groupe d'anciens détenus Mau Mau intente des poursuites contre le gouvernement britannique. Parmi eux se trouvent deux hommes qui ont été castrés et torturés. Ces hommes avaient participé à un soulèvement particulièrement violent contre le pouvoir britannique déclenché en raison de la distribution de terres agricoles à des colons européens.
« Bien que le bureau des Affaires étrangères ne nie pas les allégations, il a recours à une variété de précédents constitutionnels pour rejeter ces réclamations, soutenant que la responsabilité juridique a été remise entre les mains de la république du Kenya le jour de son indépendance en 1963.
« La Haute Court de justice à Londres a appris que la plus récente cache de documents avait été sortie du Kenya dans le cadre d'une politique consistant à sortir tout dossier délicat ou contenant des preuves à conviction concernant les anciennes colonies, et a éventuellement été déposée dans un entrepôt du bureau des Affaires étrangères à Buckinghamshire. Les documents ont fini par être divulgués plus tôt cette année.
« Ils montrent qu'en juin 1957, Alan Lennox-Boyd, secrétaire d'État des colonies, a reçu une note de service secrète rédigée par Eric Griffith-Jones, le procureur général du Kenya, qui apportait des changements aux rapports des traitements infligés aux détenus Mau Mau, qui ont été soumis à une violence extrême dès leur détention dans les camps.
« Des coups étaient assénés au haut du corps, écrit Griffith-Jones, ajoutant que 'les parties corporelles vulnérables, en particulier la rate, le foie ou les reins, ne devaient pas recevoir de coups'. Pour ce qui est des détenus qui s'objectaient aux tortures, on leur mettait le pied à la gorge et on bourrait leur bouche de boue... et, en dernier recours, on les frappait jusqu'à ce qu'ils perdent connaissance.'
« Griffith-Jones avait apporté des amendements aux lois de la colonie pour autoriser de tels abus. Si, d'une part, il se préoccupait peu des droits juridiques ou humains des détenus, dans sa note de service il faisait part de ses préoccupations pour ce qui est des tortionnaires : 'Les répercussions psychologiques sur les personnes administrant la violence sont potentiellement dangereuses; il est primordial qu'elles soient en tout temps calmes, équilibrées, et ne laisse transparaître aucune émotion.'
« La note de service sur Griffith-Jones a été rédigée par le gouverneur du Kenya, Sir Evelyn Baring, qui l'a fait parvenir à Lennox-Boyd avec une lettre d'introduction où il affirme qu'infliger 'un choc violent' était la seule façon d'agir avec les insurgés Mau Mau. En dépit de cela, l'argumentaire du bureau des Affaires étrangères est qu'il n'est pas légalement responsable puisque Lennox-Boyd agissait à titre de secrétaire d'État du Kenya à l'époque.
« Les documents révèlent aussi que le colonel Arthur Young, un officier vétéran des forces policières et un socialiste chrétien qui a démissionné avant d'avoir terminé sa première année en tant que commissionnaire de la police kenyane, a dit à Baring en décembre 1954 que les camps 'avaient des conditions des plus déplorables et qu'ils devraient faire l'objet immédiat d'une enquête afin que les allégations grandissantes de déshumanité et de mépris envers les droits du citoyen africain soit prises en main'.
« Le mois suivant, Barin informait Lennox-Boyd que huit officiers européens avaient été accusés d'une série de meurtres, de violence physique et de fusillades. Parmi ces accusations, il y avait 'un officier de district, accusé de meurtre par coups et blessures et d'avoir brûlé vif un Africain'.
« En dépit de ces informations, Lennox-Boyd a nié de façon répétée l'existence de ces abus et a publiquement dénoncé ces responsables coloniaux qui ont porté plainte.
« Dans les documents, il y a aussi des descriptions de torture que les administrateurs coloniaux ont eux-mêmes communiquées à leurs supérieurs. Un employé africain de la Branche spéciale 'a transpercé d'épingles leurs côtes, leurs fesses, leurs doigts et, en au moins une instance, leur tête, et ...tenaillé leur corps, leur pénis et leur scrotum avec des pinces. Il a écrasé les doigts d'un détenu.'
Jane Muthoni Mara, Paulo Nzili, Ndiku Mutua et Wambugu wa Nyingi
(de gauche à droite), demandeurs d'asile dans le cadre d'un
procès contre le gouvernement britannique, devant la Haute Cour
au centre de Londres, le 7 avril 2011
« Quatre des demandeurs de la cause faisant jurisprudence, Ndiku Mutua, Paulo Nzili, Wanbugu wa Nyingi et Jane Muthoni Mara, qui sont aujourd'hui âgés entre 70 et 80 ans, ont pris l'avion pour voyager 4 000 milles à partir de leurs domiciles ruraux pour participer au procès.
« La semaine dernière (avril 2011), le juge McCombe a entendu les témoignages de Mutua et de Nzili qui ont été castrés, celui de Nyingi qui a eu les mains et les pieds enchaînés avant d'être battu jusqu'à en perdre connaissance au cours d'un incident dans un centre de détention britannique, alors que 11 autres hommes ont été tués à coups de matraque, et celui de Mara, qui a subi une grave violence sexuelle. »
Ceci n'est qu'un cours résumé de l'histoire de la police
kenyane, créée par les Britanniques qui sont allés au Kenya pour
usurper ses ressources au XIXe siècle en rivalité avec d'autres
puissances coloniales en Afrique. Les Britanniques ont
relocalisé les fermiers et les éleveurs locaux sur des terres
infertiles ou les ont forcés à travailler sur des fermes ou des
plantations possédées par des Européens. Ils ont fomenté des
conflits ethniques sans précédent entre divers groupes suivant
la pratique de diviser pour régner et ont ensuite mis sur pied
des forces constabulaires pour protéger leurs intérêts.
Le pouvoir britannique au Kenya se caractérisait par la
brutalité des conditions de travail, le racisme organisé par
l'État, les relations de travail brutales, la relocalisation
forcée et la criminalisation et les traitements brutaux, visant
tous à protéger les intérêts britanniques et l'autorité du
pouvoir britannique.
L'armée du Kenya
Le gouvernement canadien continuant à jouer un rôle néfaste dans les intrigues internationales contre le peuple haïtien et les peuples des Caraïbes, la tenue du Sommet Canada-CARICOM à Ottawa sera certainement utilisée pour poursuivre l'objectif de l'administration américaine de saper les luttes des peuples des Caraïbes. Le discours impérialiste sur la « démocratie », « l'ordre international fondé sur des règles », la sécurité et les droits de l'homme continuera d'être utilisé pour masquer le contraire, à savoir le renforcement du diktat politique, économique et, dans le cas d'Haïti, militaire et policier étranger.
Compte tenu de cette situation et du rôle que la police kenyane est maintenant amenée à jouer, il est également édifiant d'examiner les forces de défense kenyanes (KDF) et le rôle que l'armée kenyane joue pour le compte des grandes puissances. Le site web de la KDF indique que sa participation à ce qu'elle appelle les opérations de paix « expose également la KDF à des partenariats stratégiques avec des armées de pays développés qui l'aident à renforcer ses capacités structurelles dans la guerre moderne en constante évolution (y compris la guerre asymétrique actuellement employée par les groupes terroristes) et lui ouvrent des voies d'accès à des installations de formation et au matériel le plus récent par le biais de subventions ».
La KDF note en particulier que le Centre international de formation au soutien de la paix de Nairobi, au Kenya, financé par le Canada, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, est un exemple de partenariat stratégique avec les pays développés. Elle ajoute : « Les accords bilatéraux entre le Kenya et les États-Unis ont, par le passé, couvert entre autres le soutien aux opérations de maintien de la paix autorisées par les Nations unies, ainsi que le financement de nouvelles livraisons d'armes importantes et d'une formation militaire accrue. »
(Wikipedia : « Des notes de service communiquaient des directives sur comment gérer les mauvais traitements faits aux Mau Mau dans les années 1950 », The Guardian, 11 avril 2011)
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 12 - Octobre 2023
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