Numéro 36
3 octobre 2022
Les élections du 3 octobre au Québec
Faire entendre la voix de la classe ouvrière
Les gens s'expriment
sur des sujets de préoccupation
• Les organismes communautaires refusent
le silence sur leurs demandes
• Des demandes et des actions urgentes pour le droit au logement
• Parce que manger
n'est pas un loisir
– Lettre d'un collectif d'organisations sociales
• Affirmer la dignité des aînés
• Accès aux soins de santé mentale
• Reculs massifs pour les personnes en situation de handicap
• Les hauts niveaux d'analphabétisme
• Les défis pour les intervenants du système scolaire
• Autoroutes et gratte-ciels dans la ville de Québec, pour qui ?
Les élections du 3 octobre au Québec
Faire entendre la voix de la classe ouvrière
Dans ces élections, le Parti marxiste-léniniste du Québec est le champion des demandes des travailleurs. Les partis de l'Assemblée nationale et les grands médias sont silencieux sur les luttes que les travailleurs mènent pour leurs droits et les droits de tous et de toutes.
Présentement, le monopole anglo-suisse Glencore déverse son arsenic et ses autres produits polluants dans l'air, en particulier à Rouyn-Noranda, en toute impunité. Où donc est le gouvernement alors qu'il faut soumettre Glencore aux standards environnementaux officiels ? Ceci nous amène à penser que ces standards existent sur papier, tout comme les systèmes de gestion de la sécurité dans l'industrie ferroviaire qui sont une prérogative privée des grandes sociétés ferroviaires. Sous les pressions du lobby de l'industrie, le gouvernement du Québec a haussé en avril la limite quotidienne d'émissions de nickel dans l'air, permettant au même Glencore et à d'autres de déverser cinq fois de plus de poussière de nickel sur le Québec. Les travailleurs en navettage de Glencore au Nunavik viennent tout juste de finir une grève de plusieurs mois contre le même Glencore pour obtenir des conditions de vie et de travail qu'ils jugent acceptables. Ils luttent contre l'utilisation systématique de la sous-traitance qui empêche les jeunes travailleurs de monter les échelons de formation et salariaux et alors il devient de plus en plus difficile de les garder et de les attirer.
Les travailleurs de l'usine du monopole britannique Rolls-Royce à Lachine viennent juste de terminer un lockout de plusieurs mois contre le monopole britannique qui voulait simplement détruire leur régime de retraite à prestations déterminées. Le monopole américain Ash Grove tient les travailleurs de sa cimenterie de Joliette en lockout depuis 16 mois pour imposer aux travailleurs qu'ils seront une main-d'oeuvre jetable sans conditions de travail stables. Le mélange qui est utilisé pour fabriquer le ciment est présentement importé pendant le lockout alors que ce sont les travailleurs de la cimenterie de Joliette qui le produisent en temps normal.
Rien de tout cela n'a même été mentionné par les médias monopolisés ou les partis cartellisés pendant la campagne électorale, sans parler que pas un mot est mentionné des luttes des travailleurs et travailleuses de la santé pour des conditions qui leur permettent de défendre leur santé et de soigner les patients de manière humaine et professionnelle. Pendant ce temps, les travailleurs et travailleuses de la santé et leurs syndicats ont mis de l'avant des solutions, comme une loi à l'échelle du Québec de ratios sécuritaires professionnelles de la santé/patients, qui doivent être discutées au sein de l'opinion publique parce qu'elles proviennent de ceux et celles qui livrent les services, qui nous soignent et qui sauvent des vies souvent au péril de leur propre vie.
Au lieu d'être au centre des élections, les travailleurs se font dire « votez pour moi » et vous verrez bien ce qui vous arrivera » parce que la promesse électorale est proférée en toute impunité et rien n'oblige le gouvernement à rendre des comptes lorsqu'il viole ses promesses. La vieille idée selon laquelle le rôle des travailleurs est de comparer la plateforme des partis de l'Assemblée nationale et de faire leur choix parmi eux sur cette base, ne libère pas l'initiative des travailleurs ou ne leur donne aucun contrôle sur les décisions, ni sur quel genre de Québec est bâti.
On entend dire que cette exclusion des travailleurs serait en fait normale parce que la véritable sphère d'activité des travailleurs c'est la négociation de conventions collectives. C'est là qu'ils se protègent, dit-on, évidemment seulement en autant qu'ils sont syndiqués. On sait que le taux global de syndicalisation au Québec est d'environ 31 %.
Cela aussi est plus que problématique parce que les grands intérêts privés qui gouvernent le Québec et leur gouvernement attaquent de façon brutale la négociation en tant que moyen pour les travailleurs de mettre de l'avant leurs revendications et d'obtenir des conditions qu'ils jugent acceptables. Le diktat remplace la négociation. Les grands monopoles du secteur minier/métallurgique qui ont été évoqués au début de cet article ont tous des façons de déplacer la production dans d'autres parties de leur empire dans le cas de disputes. C'est justement contre cela et d'autres formes de leur diktat que les travailleurs mènent aujourd'hui des campagnes d'appui, y compris financier, pour les travailleurs en grève ou en lockout. Ces campagnes s'adressent aussi aux travailleurs d'autres syndicats que ceux auxquels appartiennent les grévistes ou les travailleurs en lockout. C'est une façon de s'attaquer au problème de la destruction de la négociation.
Des centaines de milliers de travailleurs et de travailleuses de la santé et des services sociaux ont mis près de trois ans à signer leurs conventions collectives, vers la fin de 2021. Celles-ci arrivent à leur renouvellement en 2023, et très peu de ce qu'ils ont signé a changé sérieusement leurs conditions et il semble que la lutte est toujours à refaire. Un exemple frappant ce sont les heures-soins que les professionnelles de la santé ont obtenues dans leur convention collective qui ne sont toujours pas en vigueur alors que la convention collective arrive à terme en mars prochain.
Les travailleurs prennent en main de faire entendre leur voix d'une manière qui est efficace dans le sens de faire connaître leur situation, d'échanger l'information avec d'autres et travailler diligemment pour gagner l'opinion publique aux solutions qu'ils proposent pour les problèmes qu'eux et la société confrontent. Entre autres actions, ils participent à des rencontres zoom ou en personne où les problèmes sont mis sur la table et les travailleurs présentent leurs préoccupations et discutent de solutions.
Cela prépare directement le terrain pour établir un régime qui donne aux travailleurs un véritable contrôle sur le pouvoir politique et économique. C'est ainsi qu'ils vont être en mesure de mobiliser le facteur humain/conscience sociale à la tête d'un projet national qui sert les intérêts du peuple.
Faire entendre la voix indépendante de la classe ouvrière est une préoccupation et un travail constants, qui se mène également en temps d'élection pour développer l'initiative des travailleurs.
Pierre Chénier est le chef du PMLQ et son candidat dans Marie-Victorin.
Les gens s'expriment sur des sujets de préoccupation
Les organismes communautaires refusent le silence sur leurs demandes
Le 29 septembre, à l'appel du Réseau québécois de l'action
communautaire autonome (RQ-ACA), des centaines d'organismes
communautaires et des milliers de personnes de tout le Québec
ont manifesté dans les rues de Montréal dans le cadre d'une
manifestation nationale pour réclamer des actions concrètes pour
protéger le filet social.
Les organisations ont souligné combien leur travail auprès des personnes vulnérables est important dans un contexte de crise du logement et de l'inflation. La question du financement est au coeur de leurs revendications. « Les organismes communautaires sont toujours confrontés à un important sous-financement, et ce malgré les récents investissements, déplore Caroline Toupin, co-porte-parole de la campagne Engagez-vous pour le communautaire et coordonnatrice du RQ-ACA. Omettre de financer adéquatement le communautaire, c'est inévitablement s'assurer de laisser des citoyennes et des citoyens derrière. »
Leurs principales demandes sont :
- le financement à la mission globale aux 4000 organismes communautaires du Québec « pour leur permettre de faire ce pour quoi ils ont été fondés : aider les membres de leurs communautés. De plus, il est impératif que le gouvernement indexe annuellement ces subventions pour l'ensemble des organismes. »
- l'investissement massif dans les services publics et les programmes sociaux, car « ils sont indispensables pour le respect des droits humains et essentiels pour assurer à toutes et tous un niveau de vie décent. »
- une meilleure distribution de
la richesse : « des solutions existent pour renforcer et
financer massivement le filet social et il faut avoir le courage
politique de le faire. Il est intolérable que le gouvernement se
prive des moyens nécessaires pour réinvestir dans le bien
commun. »
Roxanne Milot, porte-parole du Front régional pour l'action communautaire autonome (FRACA) de Montréal ajoute : « Pour nous, justice sociale rime avec justice fiscale. Les mieux nantis doivent redonner leur juste part à la société qui leur a permis d'accumuler une fortune. Il est temps qu'ils contribuent davantage au bien commun, parce que tout le monde devrait pouvoir combler leurs besoins de base dans la dignité. »
Cliquer ici
pour lire le communiqué complet.
(Photos : RIOCM)
Des demandes et des actions
urgentes
pour le droit au logement
Manifestation à Québec, le 16 septembre 2022, pour demander des
solutions à la crise du logement
À l'occasion de l'élection québécoise, les organisations qui se dédient à la défense du droit au logement se font entendre concernant la crise du logement qui frappe particulièrement les personnes et familles à revenus faibles et modestes. Elles présentent des revendications, basées sur le logement social, pour contribuer à résoudre la crise.
Le Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) ont organisé une manifestation le 16 septembre à Québec pour exiger des solutions à la crise du logement, dont le contrôle des loyers et le logement social.
Dans son communiqué du 26 août, le FRAPRU écrit :
« À l'instar des villes et de
plusieurs autres organismes, le FRAPRU s'inquiète de la
détérioration sans précédent de la situation du logement locatif
au Québec : hausse rapide des loyers des logements
disponibles, rareté critique de logements familiaux,
multiplication des stratagèmes frauduleux induites par la
spéculation immobilière. Le regroupement constate
l'appauvrissement tout aussi rapide des ménages locataires, de
plus en plus nombreux à risque de se retrouver à la rue. Selon
l'organisme, des solutions structurantes existent et sont
connues. 'Le logement social est une des réponses
incontournables et pérennes à la crise qui sévit actuellement.
« Parce qu'il est sans but lucratif et subventionné par l'État, il sort le logement de la logique du profit, met les locataires à l'abri des dérives du marché privé, en leur offrant un toit sécuritaire, qu'ils sont capables de payer. Mais surtout, en étant de propriété collective, le logement social, qu'il soit coopératif, sans but lucratif ou public, demeure abordable indéfiniment', rappelle Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU. »
Selon le FRAPRU, les dernières données disponibles de Statistiques Canada sont très claires sur les besoins de logements sociaux.
Il écrit : « Plus de 195 000 ménages locataires québécois consacrent déjà la moitié ou plus de leur revenu pour se loger, c'est-à-dire bien au-delà de la norme de 30 % reconnue par la Société d'habitation du Québec. Selon l'organisme, les longues listes d'attente des offices d'habitation pour un logement à loyer modique (HLM) — qui totalisent plus de 37 000 inscriptions — illustrent l'urgence d'agir, mais sont un indicateur partiellement représentatif des besoins, en ne comptabilisant que les ménages admissibles qui ont fait une demande. Cette liste ne prend pas non plus en compte les milliers de ménages qui espèrent obtenir une place dans un Organisme sans but lucratif (OSBL) ou en coopérative d'habitation. »
Le FRAPRU présente les revendications suivantes aux partis qui sont en lice à l'élection du 3 octobre :
« La réalisation de 50 000 logements sociaux, en 5 ans, autant par des coopératives, des OSBL que des offices d'habitation;
« Le financement de tous les logements sociaux déjà programmés depuis plusieurs années dans AccèsLogis, mais toujours attendus, malgré la promesse du gouvernement sortant (qui n'en a finalement livré que le tiers);
« La mise en place d'une politique globale en habitation basée sur le droit au logement, le développement et la protection des logements sociaux et une meilleure protection des droits des locataires;
« Que les sommes investies dans le développement de l'habitation soient exclusivement réservées au logement social. »
Quelques jours après le déclenchement des élections, LML s'est entretenu avec Véronique Laflamme, qui a précisé l'importance que les organisations de défense du droit au logement accordent au logement social. Elle a dit :
« Comme on le voit, la crise du logement fait partie des préoccupations de la population du Québec, notamment la hausse du coût des loyers. Pour sortir de cette crise du logement et que les locataires à faibles et modestes revenus aient un peu d'espoir de sortir du cul-de-sac où on les accule en ce moment, cela prend des engagements ambitieux et ces engagements doivent concerner le logement social hors marché privé.
« On voit en ce moment un
glissement où on parle de logement abordable plutôt que de
logement social en essayant de dire que logement social est égal
à logement subventionné, ce qui ouvre la porte à faire passer
des aides au privé pour du logement social.
« Le logement social c'est du logement hors marché privé, du logement de propriété collective, sur lequel personne ne fait de profit. Cela peut être du logement public HLM, ou encore du logement coopératif ou sans but lucratif. En instaurant un nouveau programme, le programme Habitation abordable Québec, qui finance aussi les propriétaires privés, cela rend encore plus problématique ce changement de vocabulaire. Il y a une privatisation de l'aide au logement qui vient avec cela, sans qu'on informe combien de ces logements vont réellement être sociaux, c'est-à-dire hors marché privé.
« Pendant ce temps, il y a un abandon du programme AccèsLogis qui était depuis 25 ans le programme qui finançait exclusivement le logement social au Québec et ce système était sous-financé. »
En guise de conclusion, Véronique Laflamme a appelé à une mobilisation de masse pendant la campagne électorale, dont a fait partie la manifestation du 16 septembre pour des solutions à la crise du logement.
« Nous invitons les locataires à se faire entendre pendant la
campagne. Déjà les gens prennent la parole sur divers médias,
ils rappellent que les loyers sont trop élevés, que cela prend
du logement social.
« Je veux dire aussi en conclusion qu'il ne faut pas tomber
dans le piège des baisses d'impôt que des partis ont annoncées
dès les premiers jours de la campagne. Ces baisses ne mettront
pas plus d'argent dans les poches des ménages à faible revenu et
on se prive avec cela de milliards de dollars. Une baisse
d'impôts de 2 milliards c'est 12 000 logements sociaux par année
qu'on pourrait construire. On a les moyens, c'est une question
de choix politique. »
À Québec, le 16 septembre 2022
(Photos : LML, FRAPRU)
Parce que manger n'est pas un loisir – Lettre d'un collectif d'organisations sociales
Qui peut encore manger ?
Lorsque les mieux nantis de notre société s'inquiètent et modifient leurs habitudes alimentaires face à une inflation hallucinante de 8,1 % en juin 20221 et que le prix des aliments explose que se passe-t-il pour monsieur et madame tout le monde ? Qui peut trouver normal de payer la livre de beurre plus de 8 $ ?
Les citoyen-ne-s ne sont pas les seul-e-s à être confronté-e-s à cette aberration, les organismes communautaires qui leur viennent en aide ont rarement été aussi sollicités. De plus en plus de personnes cognent aux portes de nos organismes qui sont eux aussi à bout à souffle, car les moyens pour répondre à ces sollicitations sont limités : manque de ressources humaines (bénévoles ou salarié-e-s), coût de fonctionnement et à cela s'ajoute maintenant le coût démesuré des aliments.
La demande pour l'accès à des aliments s'est transformée au cours des derniers mois, tant par le coût des aliments que par la capacité des personnes de s'approvisionner. Cette aide de dernier recours est désormais obligatoire pour boucler, autant que faire se peut, le budget familial. Avant cette montée inflationniste, les groupes pouvaient faire des miracles avec des budgets serrés, maintenant c'est carrément impossible.
L'insécurité alimentaire augmente et les moyens pour y répondre sont insuffisants.
Pendant que monsieur et madame tout le monde angoissent devant les étals des épiceries, les profits des grandes bannières d'alimentation augmentent et atteignent de hauts sommets. Est-ce la société dont nous voulons ? Ne pourrions-nous pas s'asseoir ensemble pour mettre en place des solutions équitables, car les impacts de ces hausses de prix sont catastrophiques. En plus de miner considérablement le pouvoir d'achat déjà très faible des citoyen-ne-s, l'inflation impose des décisions déchirantes. Que peut-on payer ce mois-ci ? Que reste-t-il pour l'électricité, le loyer, les vêtements, les médicaments ?
Lorsque, insidieusement, le frigo se vide et que le fourneau crie famine, les citoyen-ne-s, même animé-e-s par les meilleures intentions, se retrouvent bien souvent impuissant-e-s quand leur revenu peine à remplir le garde-manger. Pour trop de gens, sans égard à leur statut social, l'éternelle question « qu'est-ce qu'on mange pour souper ? » se transforme en l'affreuse réalité : « est-ce qu'on mange pour souper ? ».
En cette période électorale, les promesses de baisse d'impôts
ou d'envoi sporadique de chèque auront peu d'impact sur les
individus et encore moins sur la collectivité. Le futur
gouvernement devrait plutôt privilégier des mesures sociales
structurantes telles que l'augmentation du salaire minimum, des
prestations d'aide sociale, de solidarité sociale et de
retraite, etc. Contrairement aux chèques-bonbon, ces mesures
pourraient faire une différence chez les personnes les plus
vulnérables de notre société, en leur permettant d'affronter la
hausse du panier de consommation avec un peu plus d'optimisme.
Actuellement, les organismes communautaires semblent être les seuls à prendre cette situation au sérieux en mettant en place des solutions permettant aux citoyen-ne-s de conserver du pouvoir sur leur vie et d'être traitée-es avec dignité. Les signataires de cette lettre invitent les partis politiques à venir s'asseoir avec eux afin de partager ses recettes éprouvées tout en s'assurant que celles-ci aient les moyens de perdurer.
La reconnaissance du droit à l'alimentation est essentielle pour permettre à toutes et à tous de s'alimenter adéquatement en fonction de ces quatre composantes : l'accessibilité, l'adéquation, la durabilité et la disponibilité des aliments.
Au moment de publier cette lettre, nous sommes profondément déçus de constater que le droit à l'alimentation n'est pas une priorité pour aucun parti politique. Si les partis ont à coeur le bien-être de la population comme ils le prétendent, ce besoin fondamental devrait être une priorité et des mesures permettant de le concrétiser devraient être proposées.
Il en va de l'avenir de l'ensemble de la société.
Josée Poirier Defoy
Regroupement
des cuisines collectives du Québec (RCCQ)
Isabelle Lachance
Regroupement
des popotes roulantes (RPR)
André Guérard
Association
québécoise des centres communautaires pour aînés (AQCCA)
Michel Alexandre Cauchon
Fédération
des Centres d'action bénévole du Québec (FCABQ)
Notes
1. Statistiques
Canada, Indice des prix à la consommation, juin 2022
2. Journal
les Affaires, Métro : ventes et profits en hausse
au 3e trimestre
Affirmer la dignité des aînés
À l'occasion de la Journée internationale des aînés, le 1er octobre, le Réseau FADOQ a publié un communiqué dans lequel il indique que « le Québec doit s'assurer que toutes les personnes aînées puissent vivre dans la dignité, peu importe leur revenu et leur lieu de résidence. La pandémie a mis en lumière l'importance d'améliorer leur qualité de vie. »
Le Réseau FADOQ est un regroupement de personnes de 50 ans et plus qui compte près de 525 000 membres, 16 regroupements régionaux au Québec, plus de 700 clubs et quelque 10 000 bénévoles.
Nous reproduisons ci-dessous des extraits d'un article de Stéphane St-Amour, paru dans le Courrier de Laval, qui présente les demandes de l'organisation pour affirmer la dignité des personnes âgées du Québec :
[Ces] demandes précises se déclinent en 4 volets liés à la santé, aux travailleurs d'expérience, à la défense des droits et à la fiscalité des aînés.
Fiscalité
[...]
Au Québec, 6 aînés sur 10 vivent avec des revenus annuels de 30 000 $ ou moins dont plus de la moitié (58 %) touche des revenus inférieurs à 20 000 $, précise-t-on.
Pour le Réseau, les soins dentaires de même que l'achat de lunettes et d'appareils auditifs devraient être couverts par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou être admissibles à une subvention.
[...]
La quatrième et dernière demande de ce volet est à l'effet de doubler la prestation de décès du Régime de rentes du Québec (RRQ), le montant maximal de 2500 $ versé à la succession n'ayant jamais été augmenté ni ajusté ou indexé depuis l'instauration de cette mesure fiscale en 1998.
Selon une étude publiée il y a 5 ans, cette prestation imposable ne couvrait que 37 % du coût moyen des frais funéraires. En 2018, l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS) estimait à 118 M $ le coût additionnel à financer par l'État s'il portait à 5000 $ la prestation de décès maximale.
Travail
Pour contrer la pénurie de main-d'oeuvre qui sévit actuellement, il est proposé de mettre en place ces deux mesures incitatives qui encourageront les travailleurs et travailleuses d'expérience à revenir sur le marché du travail, voire à repousser leur départ à la retraite :
Doubler la période pendant laquelle un prestataire de la Régie des rentes peut choisir de cesser de recevoir sa rente de la RRQ. Actuellement, cette période est de six mois;
[...]
Il est également suggéré de prolonger l'indemnité de remplace ment du revenu des accidentés du travail devenus invalides, et ce, jusqu'à leur décès, comme c'est le cas pour les accidentés de la route.
Défenses des droits
En cette crise du logement, le Réseau FADOQ demande deux changements législatifs afin de protéger les locataires aînés.
Exclure les résidences privées pour aînés (RPA) des dispositions prévues à l'article 1955 du Code civil du Québec (clause F) qui empêchent un locataire de refuser une hausse de loyer sous certaines conditions;
Permettre le dépôt de demandes conjointes en lien avec la fixation de loyer afin que les hausses annuelles puissent être contestées de manière commune auprès du Tribunal administratif du logement (TAL). Actuellement, si l'ensemble des locataires d'une même RPA souhaitent contester une augmentation de loyer applicable à tous, chaque résident doit entreprendre individuellement une démarche auprès du TAL.
[...]
Santé
En matière de santé, le virage vers les soins à domicile devra s'orchestrer dès les premiers mois du mandat du parti qui sera porté au pouvoir, poursuit le Réseau FADOQ qui en fait une priorité nationale.
« Le Québec ne consacre que 1,3 % de son produit intérieur brut (PIB) aux soins de longue du rée à domicile pour les aînés alors que la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est de 1,7 % », soutient-il.
Pour accélérer la transformation du système de santé afin qu'il réponde aux besoins d'une population vieillissante, le Réseau détaille ainsi ses demandes :
Augmenter les investissements en soins à domicile;
Déployer des équipes de soins intensifs à domicile (SIAD) partout au Québec;
Décloisonner les professions du domaine de la santé;
Mettre en oeuvre un plan de dotation ambitieux en matière de main-d'oeuvre et fixer des ratios sécuritaires en soins à moyen terme.
Voir le
document complet des demandes de la FADOQ.
Accès aux soins de santé mentale
Dans une lettre ouverte au Devoir publiée le 30 septembre, la Coalition des psychologues du réseau public québécois (CPRPQ) demande un meilleur accès aux services des psychologues dans le réseau de la santé et de l'éducation pour la population. Elle demande des services uniques, gratuits et intégrés aux milieux, des services qui ont le potentiel d'épargner beaucoup de souffrances au Québec, tout comme de l'argent.
L'organisation a mené en ce sens plusieurs actions : 185 sorties médiatiques, plusieurs échanges avec le cabinet du ministre Lionel Carmant, la rédaction de sept mémoires, la présentation d'un plan d'investissement qui ferait économiser plus de 228 millions annuellement au Québec, un rassemblement de plus de 300 personnes au centre-ville de Montréal et une pétition signée par plus de 7000 Québécois.
Malgré cela, Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, « a fermé la porte à la solution proposée par les psychologues sur le terrain, soit la formation d'un syndicat de psychologues pour attirer et retenir les psychologues dans le réseau public, dit la coalition. Le ministre a plutôt misé sur des guides d'auto-soins que l'on trouve sur Internet ou sur l'embauche d'autres employés, dont certains ont une formation très limitée en santé mentale. Ces initiatives ne répondent malheureusement pas à l'ensemble des besoins de la population, qui sont de plus en plus complexes. »
Un autre problème auquel la coalition s'adresse est qu'il y a toute une relève qui ne sera pas formée à cause de l'état d'épuisement et de surcharge des psychologues à partir de septembre 2023, si la situation ne change pas. Les étudiantes au doctorat en psychologie doivent effectuer 2300 heures de stages obligatoires afin d'obtenir leur diplôme. « En raison des départs répétés de nos collègues, il ne reste plus suffisamment de psychologues pour l'accomplir. »
Les signataires concluent : « Nous nous battrons jusqu'au bout pour cette cause puisqu'elle est bien plus grande que nous. Nous ne pouvons laisser la population sans accès à ce service primordial. »
La coalition fait également circuler une pétition (cliquer ici)
Reculs massifs pour les personnes en situation de handicap
Nous publions cette prise de position d'Amélie Duranleau, directrice générale de la Société québécoise de la déficience intellectuelle, Lili Plourde, directrice générale de la Fédération québécoise de l'autisme, et Sylvie Tremblay, directrice générale du Regroupement provincial des comités des usagers, publiée dans Le Devoir le 1er octobre.
Ces dernières années, l'accès au logement pour les personnes ayant une déficience intellectuelle, une déficience physique ou un diagnostic d'autisme s'est détérioré. Si la pandémie a servi de révélateur, la situation était déjà bien critique. Que ce soit par un manque de fonds, un problème d'organisation ou encore un manque d'intérêt politique, les personnes en situation de handicap qui sont hébergées dans le réseau de la santé et des services sociaux ont vu leurs conditions de vie se dégrader considérablement.
Ces personnes, pour la plupart vulnérables, et leur famille font quant à elles face à une pénurie de places dans les milieux de vie substitut ainsi qu'à un désintérêt politique presque total. À peu près aucun soutien n'est donné par le ministère de la Santé et des Services sociaux ou encore par le ministère des Affaires municipales et de l'Habitation pour la création de milieux de vie gérés par et pour la communauté, ce qui ne fait qu'accentuer la pression sur les milieux de vie existants. Pourtant, le gouvernement fédéral a mobilisé des sommes importantes pour la construction de ressources d'habitation pour les personnes en situation de handicap. Que s'est-il passé avec ces sommes ?
Pire encore, cela fait maintenant plusieurs années que la Société québécoise de la déficience intellectuelle constate la résurgence des institutions dans la province. Bien entendu, elles ne ressemblent plus à celles popularisées dans Vol au-dessus d'un nid de coucou : elles sont plus petites, les privations de liberté y sont moins évidentes, mais les personnes s'y trouvent malgré tout enfermées, leurs droits sont bafoués et elles n'ont aucun contrôle sur leur vie. Les services y sont limités et les conditions de vie y sont souvent inadéquates. Soulignons ici que la privatisation galopante des ressources d'hébergement n'a pas non plus aidé, les conditions de travail y étant souvent déplorables.
De son côté, la Fédération québécoise de l'autisme fait ressortir depuis de nombreuses années les graves dysfonctionnements du réseau de la santé et des services sociaux, en particulier en matière d'hébergement. En 2019, elle avait d'ailleurs brossé un portrait de la situation des milieux de vie des adultes autistes autres que le milieu familial d'origine. Au-delà du constat, une série de recommandations avait été faite pour améliorer ces milieux de vie et garantir impérativement des places adaptées en quantité suffisante et avec des délais d'attente raisonnables.
Le Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU) ajoute qu'en tant qu'usagers du réseau de la santé et des services sociaux, nous avons des droits fondamentaux et reconnus par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS), dont le droit de recevoir les soins que requière son état et le droit à l'hébergement.
Les articles publiés récemment prouvent qu'il y a une réelle urgence à revoir les modèles existants ainsi qu'à se doter de mécanismes de contrôle et de vérification de la qualité de ces milieux de vie. Ces mécanismes existaient il y a encore moins de 15 ans et ont été abandonnés au fil des réformes du réseau. Il importe de les restaurer au plus vite. Pourquoi ne pas généraliser cette possibilité à tous les milieux de vie ?
Ultimement, investir plus d'argent dans un système brisé ne réglera pas les multiples problèmes. Ce qu'il faut ici, c'est une réelle remise en question des façons de faire et des modèles existants. De nouveaux modèles plus inclusifs sont nécessaires, plus de services en soutien et un maintien à domicile doivent être mobilisés, et la communauté doit être mise à contribution. Les personnes en situation de handicap, peu importe leur niveau de besoin, souhaitent être incluses dans la communauté, elles ne rêvent pas de vivre dans des CHSLD ou des « maisons des aînés ».
Le modèle actuel de ségrégation et d'institutionnalisation, notamment par le recours au secteur privé, qui se généralise, est inquiétant et laisse entrevoir encore plus de reculs massifs pour les personnes en situation de handicap. Face à cet état de fait, misons sur les idées et les capacités d'autodétermination des personnes concernées, l'engagement des familles, du secteur communautaire et des chercheurs.
Reste au gouvernement et à ses différents ministères de faire ce pour quoi ils sont élus et nommés : travailler dans le sens du bien commun, sans exclure les personnes les plus vulnérables. L'État peut et doit faire mieux.
Les hauts niveaux d'analphabétisme
La littératie réside dans les capacités de lire, de comprendre et de traiter l'information écrite chez un individu. La littératie est donc primordiale pour prendre des décisions éclairées, atteindre ses objectifs personnels et bien évoluer en société. On y inclut aussi la notion de développement des compétences.
Selon Wikipédia, le terme analphabétisme décrit l'incapacité à utiliser la lecture alors que le terme littératie en évalue la capacité. L'alphabétisation est l'acquisition des connaissances et des compétences de base dont chacun a besoin dans un monde en rapide évolution.
Il existe 6 niveaux de littératie :
(0) Connaître le vocabulaire de base;
(1) Comprendre des textes courts présentant une seule information;
(2) Faire le lien entre le texte et l'information, dans un texte avec deux informations ou plus;
(3) Lire des textes denses ou longs nécessitant d'interpréter et de donner du sens aux informations;
(4) Évaluer des textes longs et complexes exigeant des connaissances préalables;
(5) Savoir intégrer, évaluer, synthétiser plusieurs textes et leurs subtilités. Nécessite des connaissances préalables spécialisées et la compréhension de la logique et des concepts.
Selon l'enquête du Programme pour l'évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA) réalisée en 2012 (les données les plus récentes disponibles) la situation dramatique qui prévaut au Québec est que 53,3 % des Québécois de 16 à 65 ans (soit un peu plus que 1 personne sur 2) n'atteint pas le niveau 3 de littératie, soit être capable de lire des textes denses ou longs nécessitant d'interpréter et de donner du sens aux informations.
Depuis 2012, le système d'éducation a subi une offensive antisociale avec les millions de dollars qui y ont été retirés par les différents gouvernements qui se sont succédé. Manifestement, la situation s'est détériorée depuis.
Selon la Fondation pour l'alphabétisation, les impacts sur les personnes analphabètes sont multiples :
- Capacité limitée à obtenir de l'information essentielle et à la comprendre
- Chômage : le taux de chômage est de deux à quatre fois plus élevé parmi les personnes peu scolarisées que parmi celles qui détiennent un baccalauréat.
- Revenus inférieurs
- Emplois de qualité moindre
- Accessibilité réduite à la formation continue et au perfectionnement professionnel
- Précarité financière
- Peu de valorisation de l'éducation et de la lecture dans la famille entraînant souvent la transmission intergénérationnelle de l'analphabétisme
- Faible estime de soi pouvant entraîner l'isolement
- Conséquences sur la santé : les personnes analphabètes subissent plus d'accidents sur le lieu de travail, prennent plus de temps à se rétablir et sont souvent plus enclines à faire mauvais usage de médicaments par méconnaissance des ressources du milieu de la santé et parce qu'elles ont de la difficulté à lire et à comprendre l'information pertinente (avertissement, posologie, contre-indication, etc.).
Sans les instruments de base nécessaires à la réalisation de ses objectifs, l'individu dont le niveau de littératie est insuffisant ne peut pas participer pleinement et en toute égalité aux discours sociaux et politiques, conclut la Fondation.
La lutte pour arrêter de payer les riches et investir
massivement dans les programmes sociaux, la santé et l'éducation
est un impératif pour que s'épanouissent tous les êtres humains
qui vivent au Québec.
Linda Sullivan est la candidate du PMLQ dans
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
(La Fondation pour l'alphabétisation)
Les défis pour les intervenants du système scolaire
Quelques chiffres avant tout, quand on parle des travailleurs de l'éducation des centres de services scolaires, ça signifie près 99 000 enseignantes et enseignants oeuvrant auprès du 1 370 000 d'élèves du primaire, du secondaire, de la formation générale des adultes et de la formation professionnelle. Nos collègues sont les éducateurs, les orthophonistes, les psychologues, les psychoéducateurs et les autres employés de soutien. Quant aux infirmières et travailleurs sociaux, ils sont présents dans nos écoles à la suite d'ententes avec les CLSC de nos secteurs.
Pour les enseignants, et pratiquement sans surprise, la gouvernance de Legault a été synonyme de concentration des pouvoirs entre les mains de l'exécutif (rappelons-nous la loi 40 qui, entre autres choses, a aboli les commissions scolaires) et une augmentation de l'arbitraire dans l'application des conditions de travail des enseignants d'une école à l'autre, voire d'un enseignant à l'autre. Ça s'intensifie avec ce qu'on appelle l'annualisation de la tâche. Bref rappel, avant, notre tâche était divisée en heure par semaine – tant d'heures pour l'enseignement, tant de minutes pour une activité parascolaire, tant de minutes pour préparer les cours, etc.
Lors de la dernière négociation, il semble que pour obtenir les augmentations de salaire que nous avons eues, il a fallu, en échange, accepter de transformer notre tâche d'heure par semaine à heure par année scolaire. Nous ne maîtrisons pas toutes les conséquences, mais d'ores et déjà – car nous sommes en pleine période de signatures de tâches – on s'aperçoit que l'annualisation augmente le nombre de périodes où nous devons être disponibles pour les différents comités mis sur pied par la direction. On prévoit donc une augmentation de la tâche.
Comment on retourne cela à notre avantage ? Ça veut dire beaucoup d'échanges entre nous pour ne pas être victimes de l'interprétation que chaque membre de la direction a de l'annualisation de la tâche. Pour les enseignants d'expérience, ça signifie aussi porter une attention à nos plus jeunes collègues qui souvent n'osent pas remettre en question les décisions de la direction de crainte d'être sous leur radar.
Autre élément qui crée de l'insécurité : l'intégration — qu'entre nous on dit « brutale » — d'élèves avec des besoins particuliers. Il y a ce qu'on connaît bien : des élèves dyslexiques qui ont besoin de plus de temps et d'accompagnement pour maîtriser une notion, des élèves en désorganisation qui ont eux aussi besoin de temps et d'espace pour ventiler leur colère et leurs frustrations, des élèves avec des handicaps moteurs qui nécessitent du matériel spécialisé pour accomplir une tâche, ou encore des élèves avec un trouble du langage qui peinent à comprendre une tâche et à l'exécuter s'ils n'ont pas un intervenant à leur côté pour prendre le temps qu'il faut (j'ai un élève qui prend, en moyenne, 1 minute avant de répondre à une question simple, parce qu'il ne trouve pas ses mots). Tous ses élèves sont parmi une trentaine d'autres (au secondaire) et il est impossible de répondre à leurs besoins.
La pression exercée sur leurs enseignants est énorme, car on leur dit qu'il faut différencier l'explication de la tâche selon cesdits besoins... Sous le gouvernement Legault, c'est l'enseignant qui est blâmé s'il n'adopte pas les méthodes d'apprentissage « selon des données probantes », c'est lui qui doit changer, et non pas les conditions qui lui permettraient de faire cet accompagnement.
Les enseignants et leurs collègues sont aussi dans une situation où les arrangements précédents – transmission des informations, structure de l'accompagnement des élèves, rôle des conseillers, etc., sont détruits. Le défi qui nous est posé, est de créer de nouveaux arrangements qui servent nos responsabilités sociales, et donc, les besoins de nos élèves.
Par exemple, à quelques jours de la rentrée, nous avons appris qu'un groupe d'élèves appartenant à une école spécialisée allait être transféré à notre école. Il s'agit de jeunes autistes non verbaux ayant une déficience intellectuelle. L'équipe qui les accueille a une expérience avec les jeunes en déficience intellectuelle uniquement, et le Centre de services scolaires a déplacé ce groupe à mon école sans assumer ses responsabilités quant aux conditions et à la formation nécessaires que doivent avoir les intervenants de ces jeunes..
Bref, à la mi-septembre, à la suite de deux épisodes de désorganisation de deux de ces jeunes, nous en étions à trois membres du personnel blessés, dont deux sont en congé prolongé depuis. Nous avons contrecarré la pression du silence exercée sur les intervenants de ne pas parler de peur d'être blâmés en s'informant collectivement sur les besoins de ces élèves, le type de matériel dont ils doivent disposer – ça va jusqu'à des lumières tamisées – pour être en position de demander à la direction qu'elle le fournisse, de même qu'une formation adéquate du personnel qui les entoure.
Pour nous, les baisses de ratio enseignant/élève et l'ajout de services directs à ces derniers sont le point de départ pour humaniser le système d'éducation. Et parce que cela nécessite des investissements massifs, donc la remise en question de l'orientation de l'économie vers les intérêts privés, ces demandes sont plus que niées, elles ne font même pas partie de la discussion publique, le gouvernement ne le permet pas.
Aussi, surtout depuis la pandémie, les travailleurs des écoles remarquent combien leur milieu de travail traite de plus en plus avec les conséquences qu'a l'offensive antisociale dans tous les secteurs de la société. Nos élèves et leur famille vivent l'insécurité généralisée, la précarité financière, le manque de ressources en santé et en services sociaux. Nous vivons avec eux chaque jour et, dans les faits, les écoles deviennent de plus en plus là où les familles font appel pour avoir des vêtements chauds, des repas pour leurs enfants le midi, de l'accompagnement pour l'anxiété de ces derniers ou de l'aide pour eux-mêmes, en tant que parents, pour remplir des formulaires ou bien pour aider à diminuer les tensions entre eux et leurs enfants.
Ce que ça veut dire, c'est que les enseignants et leurs collègues, en mettant en commun leurs expériences et connaissances, sont capables d'apporter des solutions à la vaste majorité des problèmes en éducation et que cela contribue aussi au bien-être de toute la communauté. L'obstacle est que les enseignants ne sont pas dans l'équation de qui contrôle les décisions en éducation et c'est ce qui doit être changé. Les enseignants et leurs collègues des maisons d'éducation n'ont pas le choix que d'échanger ensemble chaque jour pour apporter des solutions aux multiples problèmes qu'ils et elles confrontent. Ils ont besoin que toute la population les appuie pour que ce soit cette discussion qui soit dans l'espace public quand on parle d'éducation.
Geneviève Royer est dirigeante du Parti marxiste-léniniste du Québec et candidate du PMLQ dans Pointe-aux-Trembles. Elle est enseignante orthopédagogue dans ce quartier depuis près de 30 ans et déléguée syndicale de son école.
La formation est très importante pour assurer la santé et la sécurité sur les chantiers de construction
La formation des travailleurs de la construction est importante
afin d'assurer la santé et la sécurité des travailleurs sur les
chantiers et la sécurité du public. Je travaille beaucoup sur le
dossier de la formation. La semaine dernière, le rapport de la
coroner sur l'accident qui est intervenu en juillet 2021 au
chantier du développement de condos Solar uniquartier, à
Brossard a été publié. Un apprenti a été tué par une charge mal
attachée sur une grue[1]. Il n'avait pas
reçu de formation et le grutier lui-même n'avait pas de
formation.
Le manque de formation est un gros problème dans la construction. Plus ça va et plus il y a de monde qui entre par les bassins de main-d'oeuvre. Il y a une pénurie d'apprentis dans la construction, alors la Commission de la construction du Québec(CCQ) permet à toute personne capable d'aller chercher une garantie d'emploi de 150 heures d'entrer dans l'industrie de la construction. Il y a de moins en moins de personnes compétentes sur les chantiers.
En ce qui concerne les grutiers, on ne peut pas devenir grutier par ouverture de bassins. On n'en a pratiquement jamais eu, en fait seulement une fois dans notre histoire. Mais pour plusieurs autres corps de métier, comme les charpentiers-menuisiers, les manoeuvres, les travailleurs de machinerie lourde, il y a plusieurs travailleurs qui entrent par bassin, sans formation initiale.
Malgré la lutte que nous avons menée, nous n'avons pas réussi à maintenir le caractère obligatoire de la formation professionnelle des grutiers[2]. Il y a maintenant une formation obligatoire en entreprise (FPE) de 120 heures qui se donne dans une école à Québec, alors que la formation professionnelle menant à un Diplôme d'études professionnelles (DEP) est de 872 heures. D'après ce qu'on entend, il y a peu d'inscrits à la FPE parce que les coûts pour les étudiants sont assez élevés. Aussi, si l'étudiant échoue à son examen de fin d'études, il n'a pas droit de reprise et il doit suivre un DEP. Nous luttons encore pour la formation en DEP ou la reconnaissance des acquis.
Un métier de grutier sécuritaire est central pour la santé et la sécurité des travailleurs et du public. Une mauvaise manoeuvre, si la grue se renverse, ou encore on échappe des parties de la charge, c'est assez pour blesser ou tuer quelqu'un. C'est le grutier qui doit faire respecter ce que le manufacturier de la machine permet. S'il vente trop, c'est au grutier de dire qu'il ne fait pas le levage. C'est sa responsabilité de prendre la décision parce qu'en faisant le levage dans ces conditions, il peut avoir un accident. Il doit s'assurer que les charges sont bien attachées. Beau temps, mauvais temps, il doit bien installer sa grue pour travailler de façon sécuritaire le mieux possible.
La santé et la sécurité c'est l'aspect principal de mon travail. Je fais beaucoup de visites de chantier pour faire respecter tout ce qui concerne la santé-sécurité.
En ce moment, nous avons de gros problèmes avec des levages qui sont faits côte-à-côte. Pour sauver du temps, souvent on va lever en une seule fois plusieurs charges qui sont suspendues séparément au lieu d'une charge à la fois. On peut blesser des gens en agissant ainsi. Il y a une grosse pression qui est exercée sur le travailleur pour sauver du temps et aller toujours plus vite.
Cela est fait au détriment du travailleur et cela peut avoir un sérieux impact sur le public aussi.
Alain Doyle est le directeur de l'Union des opérateurs grutiers, Section locale 791-G de la FTQ-Construction
Notes
1. Le 8 juillet 2021, un travailleur de 34 ans a été tué sur un chantier de construction à Brossard.
Le travailleur s'affairait ce jour-là au chargement des équipements de coffrage sur un camion semi-remorque à plateau. Pour ce faire, le travailleur a attaché à l'aide de deux élingues (cordages) une charge composée de huit panneaux de coffrage. Cette charge a été soulevée et transportée à l'aide d'une grue à tour jusqu'au point de dépôt, situé sur le camion semi-remorque à plateau. Au moment de descendre la charge, celle-ci a glissé des élingues sur lesquelles elle prenait appui. La charge a percuté le plateau du camion semi-remorque, ce qui a entraîné la projection de deux panneaux de coffrage. Ceux-ci ont happé le travailleur qui se trouvait sur le plateau du camion afin de guider la descente de la charge. Le travailleur a été propulsé dans les airs pour ensuite chuter au sol. Il est mort sur le coup. Dans son rapport, la coroner a dénoncé l'employeur qui a utilisé une méthode d'élingage courante maintenant sur les chantiers qui ne tient pas compte des possibilités de glissement de la charge.
2. Pour plus d'information sur la lutte des grutiers contre l'affaiblissement de la norme de formation qui les concerne, lire le numéro du 26 juin 2018 de Forum ouvrier « Actions inacceptables du gouvernement du Québec - Les grutiers de retour au travail : la lutte continue ».
Autoroutes et gratte-ciels dans la ville de Québec, pour qui ?
Qu'est-ce que le troisième lien dans la ville de Québec ? Le troisième lien est un projet de tunnel autoroutier du gouvernement Legault, entre Québec et Lévis, au-dessous du fleuve Saint-Laurent à l'est des deux ponts existants, soit les ponts Pierre Laporte et de Québec qui sont les « deux premiers liens ». Il vient d'une promesse électorale de la CAQ lors de l'élection de 2018. Depuis, le projet a pris de l'expansion... Legault nous parle maintenant de deux tunnels plus petits en diamètre qui iront du centre-ville de Lévis directement à celui de Québec.
Les secteurs du transport et de l'immobilier et leurs interconnexions sont toujours très complexes à examiner et à comprendre. Mais définitivement, il y a de gros intérêts financiers en jeu, souvent étrangers.
Lorsqu'on arrive à Québec par la côte de la Miche à l'est ou à l'ouest par l'autoroute 40, on voit la pollution sur la ville de Québec. La circonscription de Jean Lesage est enclavée par trois autoroutes, Henri IV, la capitale et Dufferin-Montmorency. Ce nuage de pollution sur la ville est dû en grande partie aux transports. Le diesel provenant des transports par camion, train, et bateau au vieux port est un des facteurs des cas de cancer pulmonaire reliés à la pollution atmosphérique. Cauchemar des automobilistes, les bouchons de circulation s'étendent dans toutes les directions, rive sud, rive nord, jusqu' à Pont Rouge et Ste-Catherine de Portneuf.
Et puis il y a les deux ponts actuels de Québec. Actuellement, le gouvernement fédéral, la compagnie ferroviaire Canadien National et le gouvernement du Québec se chamaillent concernant les réparations nécessaires pour le pont de Québec qui se détériore. Pour ce qui est du pont Pierre Laporte, il doit être réparé en urgence à cause de la détérioration des suspentes, les câbles qui le soutiennent. Cela donne lieu à des comédies, « urgent » et « pas urgent ». Le gouvernement de son côté « rassure la population » en disant que le pont est sécuritaire et utilise ses pouvoirs d'exception pour attribuer des contrats à coût élevé en cas d'urgence... pouvoir qu'il a prolongé pour cinq ans après l'avoir invoqué pendant la COVID.
Force est de constater qu'en transport, la même vision qui a mené à la crise actuelle est mise de l'avant selon ce modèle de développement capitaliste des villes avec autoroutes et gratte-ciels. Alors que sont en péril et mal entretenus les 1er et 2e liens, le gouvernement Legault présente son projet du 3e lien. Avec ce projet se trouve la vision « des développeurs et des décideurs » derrière lesquels sont cachés les « hedge funds » tels Blackstone, Mach et Canderel qui ont participé au rachat de Cominar (entreprise privée spécialisée dans le domaine de l'immobilier commercial). C'est la vente du pays aux étrangers... la vie des élites de mettre toutes les ressources à la disposition des oligarques financiers. Notons également que Brian Mulroney siège au conseil d'administration de Blackstone. Tout cela démontre que le pouvoir de décider manque cruellement au peuple.
Mémoire collective
J'ai assisté dans les années 70 à la destruction des maisons dans le quartier Saint-Roch, alors que je faisais du porte-à-porte. Les pelles mécaniques détruisaient les habitations pour faire place à l'autoroute, dont une des bretelles a abouti dans le cap et a été démolie depuis. À cette époque, selon la vision présentée par des promoteurs, développeurs et décideurs, pas celle des gens ordinaires sans pouvoir de décision, était que le progrès devait passer par les autoroutes et les grands hôtels. Un certain Racine, un Québécois, avait alors servi de « prête nom », puisqu'il s'est avéré finalement que les intérêts derrière « ce développement » proviennent des États-Unis.
Planification et urbanisme pour qui ?
Cominar est une pièce majeure dans l'échiquier de l'urbanisme dit moderne. Cette entreprise possède 190 immeubles au Québec. Dans ses cartons, un gratte-ciel de 65 étages surnommé « le Phare » à Québec. Le nom mis de l'avant autour du projet Le Phase était Dallaire, un Québécois. Il reluquait les dernières terres agricoles à Beauport pour y construire. Il a fait face à une résistance farouche de l'opposition citoyenne qui a gagné la bataille. Le gouvernement Legault a dû racheter ces terres des Soeurs de la charité et promis de conserver le zonage à leur vocation agricole. Les citoyens restent vigilants.
La saga ne se termine pas là. Ce qui m'a mis sur la piste a été la réaction à l'époque du maire Labeaume de financer à même le budget de la ville l'agrandissement de 4 à 6 voies du boulevard Hochelaga entre l'Université Laval et ... le futur emplacement du Phare. Cela était rendu nécessaire pour le maire, car le réseau structurant qui devait passer par là avait été déplacé.
C'est dans ces choses qu'on voit la réponse à la question de « pourquoi » les fusions municipales, une grosse ville, un gros maire, plus de pouvoir ? Pour faciliter la mise à la disposition des « développeurs, décideurs », de toutes les ressources de la région. Qui va payer pour installer l'eau, les égouts, l'électricité ? Et sûrement qu'il y est prévu une station du transport structurant. On s'en doute.
Est-ce qu'on veut un Québec ville d'autoroutes et de gratte-ciels, comme on le voit dans plusieurs villes canadiennes ? Je ne crois pas. Vigneault, notre poète national disait qu'il y a deux sortes de désert, celui dont le sable s'étend devant nous, et celui qui se dresse à la verticale, le béton des gratte-ciels.
Pendant ce temps, Legault se présente comme le défenseur des automobilistes... La désinformation peut être constituée de fausses informations, mais surtout de ce qui n'est pas dit. Je suis persuadé que la situation va s'aggraver pour eux et pour les résidents. Le troisième lien de Legault, les gens demandent : « Où sont les études, hou hou » ? À première vue, tout m'indique que même physiquement ce n'est pas bon.
Il y a définitivement moyen de faire mieux. Selon certains, on pourrait mieux utiliser la capacité des deux ponts existants. Une pétition circule actuellement pour s'opposer au troisième lien. Je vous invite à la lire et à la signer ici.
Claude Moreau est le candidat du PMLQ dans la
circonscription Jean-Lesage.
(Carte: Wikipédia)
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