Parce que manger n'est pas un loisir – Lettre d'un collectif d'organisations sociales
Qui peut encore manger ?
Lorsque les mieux nantis de notre société s'inquiètent et modifient leurs habitudes alimentaires face à une inflation hallucinante de 8,1 % en juin 20221 et que le prix des aliments explose que se passe-t-il pour monsieur et madame tout le monde ? Qui peut trouver normal de payer la livre de beurre plus de 8 $ ?
Les citoyen-ne-s ne sont pas les seul-e-s à être confronté-e-s à cette aberration, les organismes communautaires qui leur viennent en aide ont rarement été aussi sollicités. De plus en plus de personnes cognent aux portes de nos organismes qui sont eux aussi à bout à souffle, car les moyens pour répondre à ces sollicitations sont limités : manque de ressources humaines (bénévoles ou salarié-e-s), coût de fonctionnement et à cela s'ajoute maintenant le coût démesuré des aliments.
La demande pour l'accès à des aliments s'est transformée au cours des derniers mois, tant par le coût des aliments que par la capacité des personnes de s'approvisionner. Cette aide de dernier recours est désormais obligatoire pour boucler, autant que faire se peut, le budget familial. Avant cette montée inflationniste, les groupes pouvaient faire des miracles avec des budgets serrés, maintenant c'est carrément impossible.
L'insécurité alimentaire augmente et les moyens pour y répondre sont insuffisants.
Pendant que monsieur et madame tout le monde angoissent devant les étals des épiceries, les profits des grandes bannières d'alimentation augmentent et atteignent de hauts sommets. Est-ce la société dont nous voulons ? Ne pourrions-nous pas s'asseoir ensemble pour mettre en place des solutions équitables, car les impacts de ces hausses de prix sont catastrophiques. En plus de miner considérablement le pouvoir d'achat déjà très faible des citoyen-ne-s, l'inflation impose des décisions déchirantes. Que peut-on payer ce mois-ci ? Que reste-t-il pour l'électricité, le loyer, les vêtements, les médicaments ?
Lorsque, insidieusement, le frigo se vide et que le fourneau crie famine, les citoyen-ne-s, même animé-e-s par les meilleures intentions, se retrouvent bien souvent impuissant-e-s quand leur revenu peine à remplir le garde-manger. Pour trop de gens, sans égard à leur statut social, l'éternelle question « qu'est-ce qu'on mange pour souper ? » se transforme en l'affreuse réalité : « est-ce qu'on mange pour souper ? ».
En cette période électorale, les promesses de baisse d'impôts
ou d'envoi sporadique de chèque auront peu d'impact sur les
individus et encore moins sur la collectivité. Le futur
gouvernement devrait plutôt privilégier des mesures sociales
structurantes telles que l'augmentation du salaire minimum, des
prestations d'aide sociale, de solidarité sociale et de
retraite, etc. Contrairement aux chèques-bonbon, ces mesures
pourraient faire une différence chez les personnes les plus
vulnérables de notre société, en leur permettant d'affronter la
hausse du panier de consommation avec un peu plus d'optimisme.
Actuellement, les organismes communautaires semblent être les seuls à prendre cette situation au sérieux en mettant en place des solutions permettant aux citoyen-ne-s de conserver du pouvoir sur leur vie et d'être traitée-es avec dignité. Les signataires de cette lettre invitent les partis politiques à venir s'asseoir avec eux afin de partager ses recettes éprouvées tout en s'assurant que celles-ci aient les moyens de perdurer.
La reconnaissance du droit à l'alimentation est essentielle pour permettre à toutes et à tous de s'alimenter adéquatement en fonction de ces quatre composantes : l'accessibilité, l'adéquation, la durabilité et la disponibilité des aliments.
Au moment de publier cette lettre, nous sommes profondément déçus de constater que le droit à l'alimentation n'est pas une priorité pour aucun parti politique. Si les partis ont à coeur le bien-être de la population comme ils le prétendent, ce besoin fondamental devrait être une priorité et des mesures permettant de le concrétiser devraient être proposées.
Il en va de l'avenir de l'ensemble de la société.
Josée Poirier Defoy
Regroupement
des cuisines collectives du Québec (RCCQ)
Isabelle Lachance
Regroupement
des popotes roulantes (RPR)
André Guérard
Association
québécoise des centres communautaires pour aînés (AQCCA)
Michel Alexandre Cauchon
Fédération
des Centres d'action bénévole du Québec (FCABQ)
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 36 - 3 octobre 2022
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