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Reculs massifs pour les personnes en situation de handicap

Nous publions cette prise de position d'Amélie Duranleau, directrice générale de la Société québécoise de la déficience intellectuelle, Lili Plourde, directrice générale de la Fédération québécoise de l'autisme, et Sylvie Tremblay, directrice générale du Regroupement provincial des comités des usagers, publiée dans Le Devoir le 1er octobre.

Ces dernières années, l'accès au logement pour les personnes ayant une déficience intellectuelle, une déficience physique ou un diagnostic d'autisme s'est détérioré. Si la pandémie a servi de révélateur, la situation était déjà bien critique. Que ce soit par un manque de fonds, un problème d'organisation ou encore un manque d'intérêt politique, les personnes en situation de handicap qui sont hébergées dans le réseau de la santé et des services sociaux ont vu leurs conditions de vie se dégrader considérablement.

Ces personnes, pour la plupart vulnérables, et leur famille font quant à elles face à une pénurie de places dans les milieux de vie substitut ainsi qu'à un désintérêt politique presque total. À peu près aucun soutien n'est donné par le ministère de la Santé et des Services sociaux ou encore par le ministère des Affaires municipales et de l'Habitation pour la création de milieux de vie gérés par et pour la communauté, ce qui ne fait qu'accentuer la pression sur les milieux de vie existants. Pourtant, le gouvernement fédéral a mobilisé des sommes importantes pour la construction de ressources d'habitation pour les personnes en situation de handicap. Que s'est-il passé avec ces sommes ?

Pire encore, cela fait maintenant plusieurs années que la Société québécoise de la déficience intellectuelle constate la résurgence des institutions dans la province. Bien entendu, elles ne ressemblent plus à celles popularisées dans Vol au-dessus d'un nid de coucou : elles sont plus petites, les privations de liberté y sont moins évidentes, mais les personnes s'y trouvent malgré tout enfermées, leurs droits sont bafoués et elles n'ont aucun contrôle sur leur vie. Les services y sont limités et les conditions de vie y sont souvent inadéquates. Soulignons ici que la privatisation galopante des ressources d'hébergement n'a pas non plus aidé, les conditions de travail y étant souvent déplorables.

De son côté, la Fédération québécoise de l'autisme fait ressortir depuis de nombreuses années les graves dysfonctionnements du réseau de la santé et des services sociaux, en particulier en matière d'hébergement. En 2019, elle avait d'ailleurs brossé un portrait de la situation des milieux de vie des adultes autistes autres que le milieu familial d'origine. Au-delà du constat, une série de recommandations avait été faite pour améliorer ces milieux de vie et garantir impérativement des places adaptées en quantité suffisante et avec des délais d'attente raisonnables.

Le Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU) ajoute qu'en tant qu'usagers du réseau de la santé et des services sociaux, nous avons des droits fondamentaux et reconnus par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS), dont le droit de recevoir les soins que requière son état et le droit à l'hébergement.

Les articles publiés récemment prouvent qu'il y a une réelle urgence à revoir les modèles existants ainsi qu'à se doter de mécanismes de contrôle et de vérification de la qualité de ces milieux de vie. Ces mécanismes existaient il y a encore moins de 15 ans et ont été abandonnés au fil des réformes du réseau. Il importe de les restaurer au plus vite. Pourquoi ne pas généraliser cette possibilité à tous les milieux de vie ?

Ultimement, investir plus d'argent dans un système brisé ne réglera pas les multiples problèmes. Ce qu'il faut ici, c'est une réelle remise en question des façons de faire et des modèles existants. De nouveaux modèles plus inclusifs sont nécessaires, plus de services en soutien et un maintien à domicile doivent être mobilisés, et la communauté doit être mise à contribution. Les personnes en situation de handicap, peu importe leur niveau de besoin, souhaitent être incluses dans la communauté, elles ne rêvent pas de vivre dans des CHSLD ou des « maisons des aînés ».

Le modèle actuel de ségrégation et d'institutionnalisation, notamment par le recours au secteur privé, qui se généralise, est inquiétant et laisse entrevoir encore plus de reculs massifs pour les personnes en situation de handicap. Face à cet état de fait, misons sur les idées et les capacités d'autodétermination des personnes concernées, l'engagement des familles, du secteur communautaire et des chercheurs.

Reste au gouvernement et à ses différents ministères de faire ce pour quoi ils sont élus et nommés : travailler dans le sens du bien commun, sans exclure les personnes les plus vulnérables. L'État peut et doit faire mieux.


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Volume 52 Numéro 36 - 3 octobre 2022

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