15 janvier 2020
Le mouvement ouvrier en 2020
À nous de prendre les choses en
main !
Opposition à l'offensive antisociale en
Ontario
• Les défis auxquels est
confronté le mouvement pour le droit à
l'éducation en Ontario
• Tous en appui à la grève
et aux autres actions des travailleurs en
éducation!
• Révélation des visées
derrière les initiatives d'apprentissage en
ligne du gouvernement Ford
• Contestations
judiciaires de la loi antiouvrière
Le
gouvernement du Québec intensifie son offensive
antisociale
• Appuyons fermement la
lutte des travailleurs du secteur public pour
leurs droits et pour les services publics dont
nous avons besoin
• Les infirmières prennent
la parole et mènent des actions contre leurs
conditions intenables
• Entrevue avec Nathalie
Savard, présidente du Syndicat des intervenantes
et des intervenants de la santé du Nord-Est
québécois (SIISNEQ)
Le mouvement ouvrier en 2020
Unissons-nous pour bâtir les organisations de
défense et la voix
indépendante de la classe ouvrière !
Ce numéro de Forum ouvrier est le
premier numéro de 2020. Ce sera sans doute
une année importante pour la classe ouvrière alors
que plusieurs de ses sections sont en action pour
défendre ce qui leur revient de droit. La
réalisation que « c'est à nous qu'il revient de
défendre nos droits ! » a capté
l'imagination de bien des gens partout au pays.
L'illusion qu'une force institutionnelle dominée
par l'élite dirigeante et liée à sa machine d'État
va défendre les droits des travailleurs se
dissipe. « À nous de prendre les choses en
main ! », en bâtissant nos organisations
de défense et de revendication et la voix du
présent et pour un avenir fait pour l'être humain.
Personne d'autre ne le fera.
Notre devoir et notre responsabilité sociale en
tant que travailleurs sont dictés par les
conditions concrètes, les relations humaines et
les problèmes tels qu'ils existent.
L'interprétation biaisée des conditions et des
relations n'est d'aucune utilité. Aucune
distorsion de la réalité concernant les tâches
auxquelles nous faisons face n'est acceptable. La
classe ouvrière prend en main de jouer son rôle
dirigeant en mettant de l'avant des demandes qui
fournissent à la société un nouvel objectif
prosocial et une nouvelle direction pour
l'économie. Elle est la seule force qui a le
nombre, la volonté et les ressources nécessaires
pour défendre ses droits ici et maintenant.
L'élite dirigeante de l'oligarchie financière est
une force usée et déchirée par des rivalités pour
le pouvoir et elle est constamment en guerre pour
bâtir ses empires mondiaux et s'emparer de la
richesse sociale que produisent les travailleurs.
Elle voit les travailleurs comme un mal
nécessaire, un coût dans l'accumulation de la
richesse privée. Elle voit les travailleurs comme
des choses à exploiter, à priver de droits humains
et à jeter ensuite à la ferraille pour que les
riches puissent vivre dans le luxe et le
privilège. Les riches oligarques ne peuvent pas
résoudre les problèmes politiques, économiques et
sociaux auxquels le peuple et le pays sont
confrontés parce qu'ils ne veulent pas les
résoudre. Des solutions réelles leur feraient
perdre leur pouvoir et leur privilège et
investiraient le peuple de pouvoir. Les solutions
réelles nécessitent la reconnaissance et la
défense des droits de tous et une nouvelle
direction de l'économie pour qu'elle soit axée sur
la satisfaction des besoins et la réalisation du
bien-être du peuple et l'humanisation de
l'environnement social et naturel.
La destruction et la fermeture des installations
de production telles que celles de GM à Oshawa et
dans l'industrie forestière, la prise de contrôle
de RONA par Lowe's et les fermetures subséquentes
de magasins, les crises économiques récurrentes et
les guerres d'agression sans fin, l'utilisation de
la science et de la technologie comme les
logiciels et les véhicules automatisés, du travail
à contrat et du trafic d'humains pour pousser les
travailleurs dans l'emploi précaire et les priver
de leurs droits sont inacceptables et doivent
cesser. Les travailleurs sont le facteur humain
essentiel de l'économie et les producteurs de
toute richesse sociale ; c'est eux qui
doivent fixer l'objectif de l'économie pour
garantir leur bien-être et leur sécurité. C'est
notre économie et les travailleurs doivent avoir
une voix, leur mot à dire et un contrôle sur son
objectif et sa direction.
Forum ouvrier est plus que la voix de la
classe ouvrière pour briser le silence sur les
conditions de vie et de travail des travailleurs.
Il est un outil d'organisation, un forum par
lequel les travailleurs et leurs alliés peuvent
informer les autres de leurs actions avec analyse
à la défense de leurs droits, se réunir et
discuter pour faire le bilan de leurs activités,
s'orienter et tirer les conclusions qui s'imposent
et planifier et organiser leurs activités.
C'est à nous à bâtir et disséminer Forum
ouvrier, à écrire des articles et des
rapports sur ce que vit et fait la classe
ouvrière, à recueillir des abonnements et des
contributions financières et à faire de Forum
ouvrier un puissant outil d'organisation de
la classe ouvrière.
C'est à nous à faire de 2020 une année de
grands changements en faveur d'une classe ouvrière
qui prend ses affaires en main !
Opposition à l'offensive
antisociale en Ontario
Près de 200 000 enseignants et
travailleurs de l'éducation ont entamé une
deuxième phase de leur résistance au programme de
restructuration de l'éducation du gouvernement de
l'Ontario visant à sabrer dans les investissements
en éducation primaire et secondaire et à
transformer la livraison de l'éducation publique
en une entreprise lucrative. Ils sont rejoints par
des centaines de milliers d'étudiants qui veulent
améliorer la qualité de leur éducation pour
pouvoir faire leur contribution à la société. Se
joignent aussi à eux les parents des étudiants et
la société en général qui considèrent les
changements apportés à l'éducation primaire et
secondaire par le gouvernement ontarien comme
étant arbitraires et une attaque contre les jeunes
et les membres les plus vulnérables de la société.
En ce sens, la
majorité des Ontariens s'opposent à la direction
que prend le gouvernement et cela est confirmé par
les sondages internes effectués par certains
syndicats. Le défi qui se pose est comment
affronter un gouvernement majoritaire qui
représente une minorité et qui veut à tout prix
imposer son diktat et criminaliser ceux qui
refusent de trafiquer leur conscience et leur
responsabilité, en tant que professionnels, envers
la société et la jeune génération.
La situation est différente de celle qu'on a
connue sous le gouvernement précédent, lorsque les
libéraux de Dalton McGuinty étaient en situation
minoritaire et collaboraient avec les
progressistes-conservateurs pour essayer d'imposer
le programme néolibéral des riches par une loi, au
lieu d'en arriver à une entente négociée avec les
enseignants et les autres travailleurs de
l'éducation. Le gouvernement actuel a une
imposante majorité au parlement et n'a pas à
négocier avec d'autres sections de la classe
dirigeante, représentée par l'opposition, pour
imposer le diktat des riches. Il agit en toute
impunité et c'est pourquoi les travailleurs
essaient de trouver des façons de l'obliger à
rendre des comptes. Les contestations devant les
tribunaux sont un front de lutte mais elles ne
doivent pas servir à démobiliser la lutte active
des travailleurs de l'éducation et laisser les
tribunaux décider de ce qui est juste ou injuste.
Les gouvernements obtiennent souvent ce qu'ils
veulent en faisant tout simplement des ajustements
à des décisions juridiques qui ont affirmé des
droits. Il est clair que les jugements des
tribunaux ne suffiront pas à empêcher les
gouvernements de faire ce qu'ils veulent à
l'avenir non plus.
L'opposition officielle à l'Assemblée législative
prétend être la voix des travailleurs, dans ce
cas-ci les travailleurs de l'éducation, mais son
objectif n'est pas le même que le mouvement
ouvrier qu'elle cherche à détourner en faveur de
ses ambitions électorales. Cette opposition craint
que si elle prend une position claire à la défense
des droits des travailleurs, surtout si les grèves
s'accentuent et que le gouvernement impose une loi
de retour au travail, elle va perdre l'appui de la
classe dirigeante. Autrement dit, cette opposition
a montré qu'on ne peut pas compter sur elle pour
un appui sérieux à cette lutte pour le droit à
l'éducation. Ses ambitions électorales intéressées
ne le permettent pas.
C'est un important défi dans la mesure où cela
révèle que les institutions démocratiques ne
permettent pas que la volonté de la majorité soit
exprimée et devienne loi. Les travailleurs se font
dire qu'il n'ont qu'à attendre à la prochaine
élection et voter pour un parti plus favorable et
se contenter pour le moment, s'ils veulent obtenir
justice, de faire du lobbying auprès de ceux qui
ont démontré que leur souci de justice est éclipsé
par leur souci d'être portés au pouvoir.
La vie a démontré
que pour affirmer les droits, il faut transcender
les limites à la pensée et à l'action imposées au
mouvement ouvrier par les gens au pouvoir dont
l'objectif est de servir les riches. Les partis
qui forment le système de gouvernement de partis
cartellisés privent la majorité de pouvoir en
divisant les travailleurs en fonction des
différentes factions des forces au pouvoir sur
toutes les bases possibles. Mais surtout, ils
privent les travailleurs de leurs propres points
de référence qui reposent sur le droit à des
salaires et des conditions de travail appropriés.
En mettant de l'avant leurs propres préoccupations
et non celles des riches, les travailleurs doivent
mener leur lutte devant le tribunal de l'opinion
publique. Ils doivent s'opposer à cette absurdité
néolibérale selon laquelle l'austérité est
nécessaire, qu'ils sont un coût et non une source
de valeur pour la société et que les stratagèmes
pour payer les riches mènent à la prospérité. En
bâtissant leur résistance résolue à l'offensive
antisociale, non seulement affirment-ils leurs
droits mais ils contribuent à rendre les
gouvernements redevables de leurs actions.
Forum ouvrier appelle les Ontariens à
appuyer vigoureusement les enseignants et les
travailleurs de l'éducation et à exiger que le
gouvernement retire sa loi antiouvrière. Ne
permettons pas la criminalisation de ceux qui
luttent pour les droits !
Piquet devant l'école secondaire Thorold le 8
janvier 2020, lors de la
première journée de grève appelée par la FEESO
Depuis le 13 janvier, les quatre syndicats
représentant les enseignants et les travailleurs
de l'éducation en Ontario se préparent à mener des
grèves pour s'opposer à la restructuration de
l'enseignement public par le gouvernement et à la
violation de leur droit à la négociation
collective. Alors que le gouvernement fait tout en
son pouvoir pour saper l'éducation et privatiser
l'enseignement, les éducateurs de l'Ontario
luttent pour défendre leur droit d'avoir leur mot
à dire sur la direction de l'éducation afin
qu'elle réponde aux besoins des jeunes plutôt
qu'aux exigences des riches.
La Fédération des enseignantes-enseignantes des
écoles secondaires de l'Ontario (FEESO) mène des
actions depuis le 4 décembre 2019, à la
fois par des grèves du zèle et des grèves
tournantes d'un jour une fois par semaine. Tous
ses membres qui travaillent de la maternelle à
la 12e année et à l'éducation aux adultes ont
participé ou sont sur le point de participer à au
moins deux jours d'arrêt complet de travail. Les
membres de la FEESO ont également contribué à
informer leurs communautés sur la nature de leur
lutte en distribuant des tracts et en organisant
des piquets d'information. Jusqu'à présent, leurs
grèves du zèle ont forcé le gouvernement à
reporter le Test provincial de compétences
linguistiques (TPCL), qui devait avoir lieu en
janvier. Leurs grèves tournantes se poursuivent
chaque semaine : les membres de cinq
districts scolaires ont débrayé le 15
janvier.
La Fédération des enseignants de l'élémentaire de
l'Ontario (FEÉO) a intensifié ses actions depuis
le début de sa grève du zèle, qui était la
première phase. Depuis le 13 janvier, ses
membres ont commencé à se retirer de toutes les
activités parascolaires telles que les clubs
sportifs et scolaires en dehors des heures de
classe ainsi que d'autres tâches administratives,
y compris celles liées à la mise en oeuvre des
tests normalisés (connus sous le nom d'OQRE). Les
membres arrivent à l'école et partent selon les
exigences de leur contrat, plutôt que d'être à
l'école pendant les nombreuses heures avant et
après comme ils le font normalement pour préparer
leurs cours ou mener des activités bénévoles pour
les élèves. La FEÉO a aussi annoncé qu'elle va
débuter des grèves tournantes à partir du 20
janvier, à moins qu'il y ait du progrès dans les
négociations.
Le 13 janvier, l'Ontario English Catholic
Teachers' Association (OECTA) a lancé la première
phase de sa grève du zèle. Elle a clairement
indiqué que si le gouvernement ne renonçait pas à
ses efforts pour miner l'éducation financée par
les fonds publics, elle entamerait des grèves
complètes, tournantes ou autres. L'OECTA a annoncé
que ses membres vont tenir une grève à l'échelle
de la province le 21 janvier prochain.
Le 11 janvier, l'Association des
enseignantes et des enseignants franco-ontariens
(AEFO) a annoncé que ses membres ont donné au
syndicat un mandat de grève à raison
de 97 % d'approbation et va commencer
sur une base tournante le retrait des services à
compter du 16 janvier.
Il y a deux autres groupes de syndicats qui
représentent les travailleurs de l'éducation qui
ne sont pas en grève ou qui ne mènent pas des
grèves du zèle pour le moment. Premièrement,
l'Alliance des travailleuses et travailleurs en
éducation de l'Ontario (ATEO) représente, entre
autres, les associations de travailleurs de
l'éducation de la région de Dufferin-Peel, Halton
et Waterloo et l'Association du personnel
professionnel des services à l'élève. L'AETO a
actuellement un accord de principe avec le
gouvernement et ses membres tiennent des votes de
ratification. L'autre groupe, le Conseil des
travailleurs de l'éducation de l'Ontario (CTEO),
composé de travailleurs représentés par le
Syndicat canadien des employées et employés
professionnels et de bureau, Unifor, le Syndicat
des employés de la fonction publique de l'Ontario
et l'Union internationale des employés de service,
entre autres, est toujours en négociation.
Dans l'ensemble, les actions récentes ont
mobilisé 190 000 enseignants et
travailleurs de l'éducation de l'Ontario qui ont
rejeté la direction que le gouvernement Ford veut
imposer au système d'éducation de l'Ontario.
Journée de grève de la FEESO, à Sault-Ste-Marie,
le 8 janvier 2020
Le gouvernement de l'Ontario a déclaré qu'il
souhaitait proposer des cours d'apprentissage
électronique (en ligne), qui seront obligatoires
pour les étudiants diplômés, afin de les préparer
au monde moderne et aux études postsecondaires.
Cependant, le 13 janvier, le Toronto Star a
rapporté qu'il avait obtenu des documents
confidentiels qui révèlent clairement que le plan
global du gouvernement de l'Ontario est d'utiliser
l'apprentissage en ligne pour réduire le
financement des conseils scolaires et vendre des
cours d'apprentissage en ligne à d'autres
juridictions et aux étudiants internationaux. Cela
comprend la création d'une nouvelle entité pour
maintenir et créer un catalogue de cours en ligne
en anglais et en français qui seraient « la
référence absolue » afin de « générer le maximum
de revenus ».
Le plan, dirigé par le ministère de l'Éducation,
vise à « développer [un] modèle d'affaires pour
rendre disponible et commercialiser le système
d'apprentissage électronique de l'Ontario aux
étudiants de l'extérieur de la province et
étrangers et examiner les options réalisables pour
vendre les droits de licence pour les cours/le
contenu à d'autres juridictions. »
Sous la rubrique « réduction des coûts et
génération de revenus », le document indique que «
le système ne génère aucun revenu pour la province
» et avertit que « les coûts de création d'outils
et de ressources d'apprentissage en ligne peuvent
être dupliqués entre plusieurs partenaires qui
offrent de tels services ». C'est en soi de la
pure désinformation. Les jeunes instruits génèrent
des milliards de revenus pour les compagnies qui
les emploient. Il faut que cela soit reconnu et
que de nouveaux arrangements soient établis pour
réaliser cette richesse créée par l'éducation en
tant que revenu public.
Le plan a montré que le gouvernement Ford avait
initialement pensé à rendre les cours
d'apprentissage en ligne facultatifs tout en
réduisant le financement des conseils scolaires
publics, les obligeant essentiellement à offrir
progressivement un nombre minimum de cours en
ligne qui augmenteraient avec le temps.
Le gouvernement n'a
pas contesté l'authenticité du document interne,
qui n'est pas daté et a vraisemblablement été
rédigé entre le 16 mars 2019 et la fin de l'été,
selon les références à des dates dans le texte.
« Nous demeurons déterminés à bâtir un système
d'apprentissage électronique de calibre mondial
pour renforcer les compétences des élèves
ontariens dans l'économie moderne », a déclaré le
bureau du ministre de l'Éducation, Stephen Lecce.
« Nous procédons à l'élaboration et à la mise en
oeuvre d'un programme conçu en Ontario qui
garantira la flexibilité des étudiants, la culture
technologique et une vaste sélection de cours,
grâce à deux cours obligatoires tout au long de la
carrière d'un élève au secondaire », ajoute le
communiqué.
Le document confidentiel indiquait que le
ministère de l'Éducation prévoyait de « surveiller
de près l'utilisation de l'apprentissage
électronique au cours des quatre premières années
de mise en oeuvre, d'évaluer la faisabilité de
rendre l'apprentissage électronique obligatoire
pour l'accumulation de crédits » en vue d'un
diplôme d'études secondaires de l'Ontario.
« Les conseils scolaires devront atteindre
progressivement des objectifs minimaux croissants
d'inscription d'élèves aux cours d'apprentissage
en ligne ; des inscriptions facultatives au niveau
de chaque élève », indique le plan.
Le plan prévoit 34,8 millions de dollars de
financement de moins pour les conseils scolaires
au cours de l'année scolaire commençant en
septembre 2020, 55,8 millions de dollars de moins
en 2021, 56,7 millions de dollars de moins en 2022
et 57,4 millions de dollars de moins pendant
l'année scolaire 2023-2024.
Après cela, il y aurait « une économie de coûts
continue de 57,4 millions de dollars sur une base
annuelle avec un catalogue complet de cours en
ligne qui seront la ‘référence absolue' », selon
les prévisions du plan.
Les syndicats d'enseignants lancent une
contestation judiciaire de la Loi de 2019
visant à préserver la viabilité du secteur
public pour les générations futures,
le 12 décembre 2019.
Des syndicats ontariens ont lancé des
contestations judiciaires de la Loi
de 2019 visant à préserver la viabilité du
secteur public pour les générations futures
que le gouvernement de l'Ontario a adoptée le 7
novembre 2019. La loi viole le droit de
presque tous les travailleurs du secteur public de
négocier leurs salaires en imposant un plafond
de 1 % à toute nouvelle augmentation de
salaire et elle comprend de nouvelles clauses qui
permettent au gouvernement de bafouer le droit à
la vie privée et d'agir en toute impunité.[1] Les
travailleurs touchés par cette loi, aussi appelée
Loi 124, comprennent ceux qui sont à l'emploi
du gouvernement provincial, des sociétés de la
Couronne, des conseils scolaires, des universités
et des collèges, des hôpitaux, des foyers de soins
de longue durée à but non lucratif, des Sociétés
d'aide à l'enfance, des agences de services
sociaux et des secteurs de l'électricité et de
l'énergie.
Le 12 décembre 2019, les quatre
fédérations d'enseignants et de travailleurs de
l'éducation ont été les premières à lancer ces
contestations. Ce sont l'Association des
enseignantes et des enseignants franco-ontariens
(AEFO), la Fédération des enseignantes et des
enseignants de l'élémentaire de l'Ontario (FEÉO),
l'Association des enseignantes et des enseignants
catholiques anglo-ontariens (OECTA) et la
Fédération des enseignantes-enseignants des écoles
secondaires de l'Ontario (FEESO).
Compte tenu du contenu de la loi et du moment
choisi pour son adoption, en pleine négociation
pour le renouvellement des conventions collectives
dans le secteur de l'éducation, les syndicats
soutiennent que la Loi 124 est une attaque
directe contre la libre négociation collective
dans le secteur de l'éducation et une violation
des sections 2(b) et 2(d) de la Charte
canadienne des droits et libertés qui
garantissent la liberté d'expression et la liberté
d'association. De plus, la loi viole aussi le
devoir de la Couronne de négocier de bonne foi.
Le 17 décembre 2019, l'Association des
infirmières et infirmiers de l'Ontario (ONA) a
annoncé qu'elle lançait sa propre contestation de
la loi et, plus tard pendant la même journée, dix
autres syndicats, qui représentent plus
de 250 000 travailleurs de l'Ontario, se
sont joints à la contestation. Les 10
syndicats sont : le Syndicat canadien de la
fonction publique (SCFP) ; l'Union
internationale des employés et employées de
service (UIES), Division soins de santé ; le
Syndicat des Métallos (USW) ; l'Alliance de
la fonction publique du Canada (AFPC) ; la
Société des professionnels unis (IFPTE), section
locale 160 ; le Syndicat canadien des
employées et employés professionnels et de bureau
(COPE-Ontario) ; l'Association des employées
et employés gestionnaires, administratifs et
professionnels de la couronne de l'Ontario
(AEEGAPCO) ; la Fraternité internationale des
ouvriers en électricité (FIOE) ; l'Institut
professionnel de la fonction publique du Canada
(IPFPC) et les Travailleurs unis de l'alimentation
et du commerce (TUAC), section locale 175.
D'autres syndicats et organisations représentant
les travailleurs du secteur public en Ontario
devraient joindre cette contestation coordonnée ou
mener leur propre contestation séparée de la
Loi 124 dans les semaines qui viennent.
Qui a dit quoi ?
Fédération du travail de l'Ontario
(FTO) : « Les travailleurs de la
province, représentés par leurs syndicats, ne
permettront pas que la Loi 124, qui sape les
droits protégés par la Charte de tout travailleur
de l'Ontario, échappe à la contestation, a dit la
présidente de la FTO, Patty Coates. La FTO est
solidaire des syndicats de l'éducation qui ont
lancé récemment leurs contestations de
l'application de la loi dans le secteur de
l'éducation, alors que nous intensifions notre
opposition aux attaques continues de ce
gouvernement contre les droits des Ontariens
protégés par la Charte. Ensemble, nous inaugurons
une campagne agressive pour demander aux
conservateurs de Doug Ford d'abroger cette loi
inconstitutionnelle. »
L'Association des infirmières et infirmiers
de l'Ontario (ONA) : « En tant que le
syndicat qui représente les infirmières autorisées
et les professionnels de la santé en Ontario,
l'ONA croit que la Loi 124 est
discriminatoire envers les infirmières et tous les
Ontariens, a dit la présidente de l'ONA, Vicki
McKenna, infirmière autorisée. Cette loi n'est
rien d'autre qu'une attaque continue contre le
droit de négociation collective sans ingérence
qu'a reconnu la Cour suprême dans sa décision
de 2015. Plus alarmant encore est le fait que
cette loi pourrait bien aggraver le problème déjà
sérieux de pénurie en Ontario et avoir un effet
négatif sur les soins de santé et la santé
publique. »
« Cette loi est une attaque contre les
infirmières et contre les femmes, a dit Vicki
McKenna. En forçant les infirmières de première
ligne et les professionnels de la santé à accepter
des augmentations de salaire qui sont en dessous
de l'inflation, cette loi va aggraver le problème
déjà sérieux de pénurie d'infirmières en Ontario
et aggraver le problème de la médecine de
corridors. »
UIES-Division soins de santé : « Les
conventions collectives sont essentielles pour les
travailleurs des groupes en quête d'équité -
travailleurs racialisés, handicapés, autochtones
et femmes travailleuses - pour assurer l'équité
aux endroits de travail », a dit Sharleen
Stewart, présidente de UIES-Division soins de
santé.
« En imposant des limites à la négociation, le
gouvernement mine les droits des travailleurs qui
subissent déjà une discrimination systémique
globale. »
Syndicat des Métallos (USW) -
District 6 : « Les familles
ontariennes s'appuient sur les négociations depuis
des décennies pour assurer leurs conditions de
travail. C'est ce qui a mené à l'établissement de
la classe moyenne. Les familles de la classe
moyenne sont l'épine dorsale de notre province et
de notre pays, et c'est fondamentalement
inacceptable de leur enlever leurs droits de
négociation collective, a dit Marty Warren,
directeur du District 6 du Syndicat des
Métallos. Le Syndicat des Métallos et son
membership mobilisé luttent de façon agressive
contre cette loi unilatérale. Il faut que justice
soit rendue aux familles travailleuses de
l'Ontario. »
AEFO : « La raison d'être de la
Charte est de protéger les droits des Canadiens,
même lorsque ces droits constituent un
inconvénient pour les gouvernements, a dit le
président de l'AEFO, Rémi Sabourin. C'est l'épine
dorsale de notre démocratie. »
FEÉO : « La Loi 124 bafoue les
droits démocratiques de tous les travailleurs du
secteur public en Ontario, a dit le président de
la FEÉO, Sam Hamond. Aucun employeur ne doit être
autorisé à miner les droits fondamentaux des
employés sans avoir à faire face à la contestation
la plus vigoureuse possible. Le gouvernement Ford
doit reconnaître ces droits et abroger
immédiatement la Loi 124. »
OECTA : « Compte tenu du moment
choisi pour adopter la Loi 124, et la hâte
avec laquelle l'adoption a été faite, il est
évident qu'elle vise les enseignants et les
travailleurs de l'éducation, a dit la présidente
de l'OECTA, Liz Stuart. Cette loi lie en pratique
les mains des représentants des employeurs et des
employés qui sont présentement en train de
négocier des conventions collectives. C'est
inacceptable et, selon nous,
inconstitutionnel. »
FEESO : « Les gouvernements ne
doivent pas s'engager à la légère dans une
atteinte aux droits civils de leurs citoyens, a
dit le président de la FEESO, Harvey Bischof. Ils
devraient s'appuyer sur un processus de
négociation qui a passé l'épreuve du temps et mené
les deux parties à faire preuve de créativité dans
le processus et a créé de la stabilité. Il
n'existe pas présentement de crise économique ou
fiscale qui puisse justifier une ingérence aussi
extraordinaire dans ce processus. »
SCFP : « Cette contestation vise à
défendre les droits des travailleurs protégés en
vertu de la Charte des droits et libertés,
a dit le président du SCFP-Ontario, Fred Hahn.
Lorsque les conservateurs de Doug Ford demandent
que nous fassions tous notre part, au lieu de
viser les travailleurs, le gouvernement devrait
taxer les compagnies rentables et les gens les
plus riches de nos communautés. Les droits
protégés par la Charte comptent, les droits
humains comptent et les droits des travailleurs
comptent. »
Note
1. Pour de plus amples
informations sur cette loi, lire les numéros
du 1er
septembre 2019 et du 23
novembre 2019 du Marxiste-Léniniste.
Le gouvernement du Québec
intensifie son offensive antisociale
Les syndicats qui représentent les
quelque 500 000 travailleurs et
travailleuses du secteur public qui essaient de
renouveler leurs conventions collectives d'une
manière avantageuse pour eux-mêmes et les services
indiquent que le gouvernement du Québec et les
comités patronaux de négociation ont déposé leurs
offres sectorielles, qui concernent les conditions
de travail. Les offres centrales, qui concernent
les questions monétaires comme les salaires et le
régime de retraite, ont été déposées à la fin
de 2019 et qualifiées de provocations par les
travailleurs. En vertu de l'« offre »
salariale, les salaires n'augmenteraient même pas
au niveau de l'inflation pendant les cinq
prochaines années. Les syndicats ont maintenant
déposé leurs demandes sectorielles.
Les syndicats font état de traits qui sont
communs aux offres sectorielles du gouvernement et
de leurs agents négociateurs. Selon les syndicats,
ces offres sont faites de phrases générales sur
l'importance des programmes sociaux et des
services publics et de proclamations de respect
pour les travailleurs du secteur public. Elles ne
comprennent pas de propositions concrètes, et
certainement pas de propositions concrètes en
réponse aux demandes des travailleurs et de leurs
syndicats qui réclament des améliorations
significatives dans les conditions de travail et
les services.
Plusieurs syndicats font également remarquer que
lorsque les représentants des comités patronaux de
négociation de la santé, de l'éducation et des
services sociaux ont rencontré leurs homologues
syndicaux au moment du dépôt des offres, ils ont
demandé que les syndicats et leurs membres cessent
de prendre la parole en public contre les
mauvaises conditions dans le secteur. Selon eux,
les prises de parole des travailleurs donnent une
mauvaise réputation au secteur public. Ils disent
que c'est pour cela que les travailleurs quittent
le secteur et que peu veulent s'y joindre.
Bien que les offres patronales ne comprennent pas
de propositions concrètes, selon les syndicats
elles laissent entendre que le gouvernement
cherche à accroître ce qu'il appelle la «
flexibilité et la mobilité » de la
main-d'oeuvre, en particulier en rapport avec
l'absentéisme au travail pour raisons de maladie,
en déplaçant les travailleurs, peut-être en les
forçant à travailler même malades, ou alors en
prenant des mesures disciplinaires contre eux, en
réduisant les congés de maladie et autres choses
du genre. De telles mesures font déjà partie de la
vie quotidienne des travailleurs, mais il semble
que le gouvernement veuille incorporer ces
attaques dans les conventions collectives.
Selon les travailleurs et les syndicats, il est
clair que le gouvernement ne reconnaît pas ou ne
se soucie pas du fait que les services publics en
sont à un point de rupture ou que les travailleurs
font face à une crise dans les endroits de travail
qui affecte leur vie à l'extérieur du travail et
qui affecte sérieusement les services publics.
L'attitude des gouvernements est très différente
quand il s'agit des monopoles privés qui disent
être en crise. Là, ils ne perdent pas de temps à
instituer des stratagèmes pour payer les riches,
notamment par l'infusion massive de fonds publics.
Ces fonds publics sont accordés sans aucune
enquête préalable parce que les gouvernements
néolibéraux considèrent que les monopoles privés
sont les créateurs de la richesse de la société et
que tout doit leur être subordonné. Ils ne
reconnaissent pas que ce sont les travailleurs qui
créent la richesse de la société.
Les travailleurs du secteur public sont
considérés comme un coût qui doit être réduit, et
cette considération met les travailleurs et les
services en péril. Selon les gouvernements
néolibéraux, les services publics et les
travailleurs qui les livrent sont une entrave qui
doit être écartée par la privatisation. C'est
inacceptable et cela ne doit pas passer.
Il n'est pas étonnant alors que les travailleurs
soient confrontés à de nouvelles diversions, de
nouvelles tactiques que le gouvernement invente
pour éviter de négocier avec eux sur la base de
leurs demandes et des besoins des services. Une de
ces façons nouvelles est la décision du
gouvernement de tenir de soi-disant forums de
discussion, en dehors des négociations, auxquels
ce ne sont même pas tous les syndicats qui sont
invités. Le gouvernement a identifié trois thèmes
pour les forums de discussion : la réussite
en éducation, l'accessibilité aux soins pour les
gens en hébergement de longue durée ou recevant
des soins à domicile et la santé globale des
travailleurs du secteur public. Il a indiqué que
des sommes additionnelles pourraient être
débloquées par le biais des forums et que la
discussion sera centrée sur les conditions de
travail des travailleurs les plus vulnérables.
Dans ces forums, quel sera le processus de
discussion et de prise de décision ? Comment
ce qui sortira de ces forums aura-t-il une portée
légale ?
À ce moment-ci, la Fédération des travailleurs et
des travailleuses du Québec (FTQ), la Fédération
interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
et l'Alliance du personnel professionnel et
technique de la santé et des services sociaux
(APTS) ont annoncé qu'elles ne participeront pas à
ces forums et ont indiqué que ces enjeux doivent
être discutés à la table de négociation et sur la
base des demandes des travailleurs. La Centrale
des syndicats du Québec (CSQ) a déclaré que les
forums sont un moyen de détourner l'attention des
vrais problèmes auxquels les travailleurs du
secteur public et les services publics dans leur
ensemble font face.
Dans ce numéro de Forum ouvrier, nous
commençons à informer nos lecteurs sur les
demandes des syndicats du secteur public.
Il est clair qu'il faut mobiliser l'opinion
publique pour qu'elle donne son plein appui aux
travailleurs du secteur public et réclame que le
gouvernement mette fin à ses manipulations
sournoises visant à nier les droits des
travailleurs et le besoin critique d'un changement
fondamental afin qu'on défende et améliore les
programmes sociaux et les services publics
conformément aux besoins du Québec moderne.
Les professionnelles de la santé débutent les
négociations avec le gouvernement
du Québec, le 24 octobre 2019.
Mettant en pratique leur mot d'ordre «
Travailler à se rendre malade, c'est
terminé », les infirmières membres de la
Fédération interprofessionnelle de la santé du
Québec (FIQ) ont pris la parole et mené des
actions au début de janvier contre les conditions
intenables dans les salles d'urgence du Québec.
Le 5 janvier, les infirmières de la FIQ ont
tenu des sit-ins sur deux quarts de travail
différents à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont et un
sit-in à l'hôpital Santa Cabrini à Montréal pour
mettre en lumière la situation dans les urgences
pour les travailleurs et les patients. Les actions
ont été organisées après que les infirmières aient
été forcées de façon répétée de faire du temps
supplémentaire obligatoire et parfois même de
travailler trois quarts de travail consécutifs
afin de remédier à la crise dans les urgences. Au
début janvier, le taux d'occupation des urgences
était de 139 % à Santa Cabrini,
de 160 % en Montérégie et de 129 %
à Montréal. À Maisonneuve-Rosemont la crise à
l'urgence se poursuit sans relâche depuis un an.
Alors que les infirmières tenaient leurs sit-in,
les porte-paroles de la FIQ rencontraient les
médias pour dénoncer la situation et demander des
solutions immédiates qui soient favorables aux
infirmières et aux patients, des solutions que les
infirmières mettent de l'avant depuis des années.
Ils ont dit clairement que la crise des salles
d'urgence au Québec n'a rien à voir avec une
augmentation subite du nombre de patients pendant
l'hiver qui souffrent de la grippe, bien que ce
problème existe et ait été identifié par les
infirmières depuis longtemps. Ils ont dit qu'il
s'agit plutôt d'un problème systémique de
détérioration d'ensemble dans le secteur de la
santé, dans laquelle des mesures autrefois
exceptionnelles comme le temps supplémentaire
obligatoire sont devenues la norme, un véritable «
outil de gestion ». Ce sont ces mesures qui
sont prises au lieu que les problèmes du secteur
de la santé soient traités sérieusement.
Les porte-paroles de la FIQ ont mentionné par
exemple que des administrations d'hôpital ont
commencé à rappeler au travail des infirmières qui
sont en congé pour diverses raisons, de même que
des infirmières à la retraite, pour faire face à
la crise dans les urgences et que cela est devenu
un autre « outil de gestion ». Ils ont
souligné que même lorsque des positions à temps
plein sont créées, ce qui est une de leurs
revendications, cela n'est pas une solution en soi
car seul un faible pourcentage d'infirmières
prennent ces positions, craignant qu'elles vont
subir plus de pression pour faire du temps
supplémentaire obligatoire si elles occupent un
emploi régulier à temps plein. Pour aborder ces
problèmes sérieusement, il faut que les
infirmières et les autres travailleurs et
travailleuses de la santé jouent un rôle clé dans
la détermination de ce qui est requis pour créer
des conditions adéquates pour eux et les patients
dans les salles d'urgence.
En ce qui a trait aux mesures qui sont
susceptibles d'alléger la crise, les infirmières
disent que partout où leur demande d'un ratio
adéquat patients/infirmières a été appliquée dans
un projet-pilote, on a remarqué une amélioration
immédiate tant pour les infirmières que pour les
patients. Le gouvernement, c'est le moins qu'on
puisse dire, se traîne les pieds dans la mise en
oeuvre de ces ratios pourtant nécessaires.
Les infirmières tiennent leurs actions au même
moment où les syndicats, dont la FIQ, présentent
leurs demandes sectorielles au gouvernement et aux
comités patronaux de négociation dans la santé. Le
document de la FIQ porte lui-même le titre «
Travailler à se rendre malade, c'est
terminé ».
Le document fait état de deux priorités de
négociation :
- De la santé et de la sécurité à tous les
niveaux du réseau : une condition
incontournable pour les professionnelles en
soins.
- Attraction-rétention : obtenir des
conditions gagnantes pour les professionnelles en
soins.
Selon le document, les objectifs de négociation
de la FIQ sont :
- Organiser le travail pour assurer la santé et
la sécurité des professionnelles en soins et des
patients.
- Valoriser la pratique et l'expertise des
professionnelles en soins.
- Accéder à des postes de qualité.
- Rétablir l'équilibre au travail et dans la vie
personnelle afin de préserver la santé
psychologique des professionnelles en soins.
- Outiller les syndicats affiliés à la FIQ et à la
FIQP (Fédération interprofessionnelle de la santé
du Québec | Secteur privé ) afin de mieux répondre
aux besoins des professionnelles en soins.
Parmi les mesures concrètes qui sont proposées,
on compte une charge de travail raisonnable et
sécuritaire, des ratios sécuritaires
professionnelles en soins/patients, la
stabilisation des équipes de travail et enrayer le
recours aux heures supplémentaires obligatoires
comme outil de gestion. Il y a aussi des
revendications pour l'accès aux différents congés
et l'aménagement du temps de travail sur lequel
les infirmières doivent avoir une emprise.
Dans un contexte de travail malsain où de plus en
plus de professionnelles en soins deviennent
malades physiquement et psychologiquement, la FIQ
désire obtenir l'engagement que les droits des
professionnelles en soins seront respectés
adéquatement en facilitant l'accès à des
prestations d'assurance salaire, à un réel soutien
à la réadaptation et au retour au travail. La FIQ
demande aussi un examen des processus
administratifs et judiciaires afin que le
traitement des dossiers litigieux (contestations
des décisions de l'employeur par exemple) soit
simplifié et accéléré.
Voir le texte
intégral du projet de négociation sectorielle.
Forum ouvrier : Où en est
le SIISNEQ dans le processus de renouvellement des
conventions collectives de ses membres ?
Nathalie Savard : Le SIISNEQ
représente 1200 infirmières, infirmières
auxiliaires et inhalothérapeutes sur la Côte-Nord
et dans le Nord-du-Québec. Les conventions
collectives de nos membres viennent à échéance
le 31 mars 2020. Pour nous, la
négociation qui vient nous rappelle l'importance
de trouver des solutions pour améliorer les soins
de santé.
Par le biais de la Fédération de la santé du
Québec, dont nous faisons partie, nous avons
déposé nos offres à la partie patronale. Au niveau
sectoriel, c'est-à-dire au niveau des conditions
de travail, il est clair qu'il faut abolir le
temps supplémentaire obligatoire, la présence de
la main-d'oeuvre indépendante dans le réseau, et
que l'employeur respecte les contrats de travail
des membres que nous avons. C'est-à-dire que quand
tu es infirmière, infirmière auxiliaire ou
inhalothérapeute, tu as un poste de 35
heures/semaine, 36 heures ou de 37.5
heures. Les gens s'attendent à donner cette
prestation et à la donner dans un climat de
travail sain et sécuritaire sans se faire imposer
de charges additionnelles. Pourtant, on voit
souvent nos membres ne pas prendre leur pause,
couper dans leurs heures de repas, et une forte
pression est exercée sur eux pour faire du temps
supplémentaire à la fin de leur quart de travail.
C'est important que la négociation vienne régler
ces difficultés-là, pour que les gens soient
capables de bien donner leur prestation de travail
dans des conditions où elles sont respectées parce
qu'elles donnent des soins à des êtres humains qui
souffrent et qui ont souvent des familles qui les
accompagnent. Il faut retrouver ce côté humain que
nous avons perdu au cours des années, au fil de
toutes les compressions budgétaires, de toutes les
coupures de postes au niveau du réseau de la
santé.
Nous avons des solutions à leur soumettre, que ce
soit offrir des postes à temps complet, de prendre
l'argent qu'on dépense au niveau de la main
d'oeuvre indépendante et de le réinvestir dans le
réseau de la santé, d'être capables de retenir nos
jeunes, dont 10 % quittent la profession
avant cinq ans, en les accompagnant par la
création de postes de mentorat. Il y a de grandes
choses qui peuvent être faites mais il faut avoir
une volonté de le faire. Nous faisons face à un
gouvernement qui nous a fait des offres un peu
ridicules avant Noël au niveau
salarial, 7 % sur 5 ans, alors
qu'il faut redorer le blason des services publics.
FO : Qu'est-ce qui ressort
des offres sectorielles patronales qui ont été
présentées ?
NS : Lorsque le gouvernement
a fait son dépôt sectoriel à notre fédération, les
représentants du comité patronal nous ont dit que
les syndicats parlent mal de la profession, que
cela rend difficile d'attirer des gens dans la
profession. Ce n'est pas sérieux comme argument.
Les jeunes sont tout à fait capables de se faire
une idée eux-mêmes quand ils viennent faire des
stages dans les milieux.
On sent un gouvernement qui veut venir mettre la
hache dans certaines conditions, dans les congés
de maladie, les congés fériés, les congés
conventionnés. L'employeur dit qu'il n'arrive pas
à donner des congés, parce qu'il manque du monde,
alors ils cherchent à en donner moins. Ils
semblent vouloir s'attaquer à nos vacances.
Nous avons des positions très opposées. Il faut
trouver le moyen d'attirer des jeunes dans la
profession et les jeunes s'intéressent beaucoup à
la question de la qualité de vie. On ne peut pas
demander aux gens de devenir des esclaves du
travail, cela ne fonctionnera pas. Ce n'est pas
ainsi qu'on va réduire l'absentéisme de maladie
dans le réseau.
On nous parle de mobilité, de flexibilité. Nous
on parle de stabilité d'équipe. Les soins sont
complexes, les gens développent des spécialités.
Il faut développer une bonne qualité, développer
un bon suivi auprès des patients.
C'est encore plus difficile de recruter des gens
dans les régions éloignées. On a de plus en plus
de difficultés à en recruter sur la Côte-Nord et
dans le Nord-du-Québec. Nous avons nos spécialités
dans nos régions, en oncologie, en hématologie,
nos centres mères-enfants, etc. C'est de plus en
plus difficile de maintenir ces services-là par
manque d'infirmières, d'infirmières auxiliaires et
d'inhalothérapeutes. Si on n'est pas capable de
valoriser la profession, est-ce qu'on va être
encore capables de fournir les services ?
Est-ce que le gouvernement nous amène vers un
glissement des services au privé ? C'est la
vraie question qu'il faut se poser. On a fait un
choix comme société de se donner un service public
de santé accessible à tous. Il faut que la
situation change maintenant.
FO : Veux-tu dire quelque
chose en conclusion ?
NS : La Coalition Avenir
Québec a promis de faire autrement dans la santé,
que le règne Barrette est fini (Gaétan
Barrette, le ministre de la Santé du
gouvernement libéral précédent, a intensifié la
restructuration antisociale du système de santé
au Québec —-FO) et pourtant la négociation
commence sur le même ton. Nous ne sommes pas
opposés à mettre des sous au niveau des préposés,
mais, dans un réseau de la santé, il faut prendre
soin de tout le monde. Il faut s'occuper du tout,
résoudre le problème du réseau dans son ensemble,
afin d'être capables de donner les services. Pas
seulement une catégorie d'emplois.
Il faut trouver des solutions et que la
négociation soit au rendez-vous, sinon c'est la
mobilisation qui va l'être. Pour nous, c'est une
priorité en 2020. Nous devons mobiliser nos
troupes et faire comprendre au premier ministre
Legault et à la ministre de la Santé qu'on est là
pour garder un réseau public de qualité, que pour
nous les soins de santé en région c'est très
important. C'est une priorité de donner des
services de qualité aux gens qui vivent dans ces
régions, sur ce grand territoire, pour qu'on soit
capables de bien s'en occuper au niveau de la
santé pour qu'ils n'aient pas besoin de s'en aller
à Québec et à Montréal.
Je souhaite que l'année 2020 soit très bonne
pour nos membres, qu'on règle des choses. Je leur
lève mon chapeau, elles ont à coeur leur
profession et je leur souhaite le meilleur. Il
faut que les négociations fassent en sorte que les
parties qui négocient puissent s'entendre et
régler les difficultés que ces gens vivent depuis
trop longtemps.
(Pour voir les articles
individuellement, cliquer sur le titre de
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