Forum ouvrier

15 janvier 2020

Le mouvement ouvrier en 2020

À nous de prendre les choses en main !

Opposition à l'offensive antisociale en Ontario
Les défis auxquels est confronté le mouvement pour le droit à l'éducation en Ontario
Tous en appui à la grève et aux autres actions des travailleurs en éducation!
Révélation des visées derrière les initiatives d'apprentissage en ligne du gouvernement Ford
Contestations judiciaires de la loi antiouvrière

Le gouvernement du Québec intensifie son offensive antisociale
Appuyons fermement la lutte des travailleurs du secteur public pour leurs droits et pour les services publics dont nous avons besoin
Les infirmières prennent la parole et mènent des actions contre leurs conditions intenables
Entrevue avec Nathalie Savard, présidente du Syndicat des intervenantes et des intervenants de la santé du Nord-Est québécois (SIISNEQ)


Le mouvement ouvrier en 2020

À nous de prendre les choses en main !


Unissons-nous pour bâtir les organisations de défense et la voix
indépendante de la classe ouvrière !

Ce numéro de Forum ouvrier est le premier numéro de 2020. Ce sera sans doute une année importante pour la classe ouvrière alors que plusieurs de ses sections sont en action pour défendre ce qui leur revient de droit. La réalisation que « c'est à nous qu'il revient de défendre nos droits ! » a capté l'imagination de bien des gens partout au pays. L'illusion qu'une force institutionnelle dominée par l'élite dirigeante et liée à sa machine d'État va défendre les droits des travailleurs se dissipe. « À nous de prendre les choses en main ! », en bâtissant nos organisations de défense et de revendication et la voix du présent et pour un avenir fait pour l'être humain. Personne d'autre ne le fera.

Notre devoir et notre responsabilité sociale en tant que travailleurs sont dictés par les conditions concrètes, les relations humaines et les problèmes tels qu'ils existent. L'interprétation biaisée des conditions et des relations n'est d'aucune utilité. Aucune distorsion de la réalité concernant les tâches auxquelles nous faisons face n'est acceptable. La classe ouvrière prend en main de jouer son rôle dirigeant en mettant de l'avant des demandes qui fournissent à la société un nouvel objectif prosocial et une nouvelle direction pour l'économie. Elle est la seule force qui a le nombre, la volonté et les ressources nécessaires pour défendre ses droits ici et maintenant.

L'élite dirigeante de l'oligarchie financière est une force usée et déchirée par des rivalités pour le pouvoir et elle est constamment en guerre pour bâtir ses empires mondiaux et s'emparer de la richesse sociale que produisent les travailleurs. Elle voit les travailleurs comme un mal nécessaire, un coût dans l'accumulation de la richesse privée. Elle voit les travailleurs comme des choses à exploiter, à priver de droits humains et à jeter ensuite à la ferraille pour que les riches puissent vivre dans le luxe et le privilège. Les riches oligarques ne peuvent pas résoudre les problèmes politiques, économiques et sociaux auxquels le peuple et le pays sont confrontés parce qu'ils ne veulent pas les résoudre. Des solutions réelles leur feraient perdre leur pouvoir et leur privilège et investiraient le peuple de pouvoir. Les solutions réelles nécessitent la reconnaissance et la défense des droits de tous et une nouvelle direction de l'économie pour qu'elle soit axée sur la satisfaction des besoins et la réalisation du bien-être du peuple et l'humanisation de l'environnement social et naturel.

La destruction et la fermeture des installations de production telles que celles de GM à Oshawa et dans l'industrie forestière, la prise de contrôle de RONA par Lowe's et les fermetures subséquentes de magasins, les crises économiques récurrentes et les guerres d'agression sans fin, l'utilisation de la science et de la technologie comme les logiciels et les véhicules automatisés, du travail à contrat et du trafic d'humains pour pousser les travailleurs dans l'emploi précaire et les priver de leurs droits sont inacceptables et doivent cesser. Les travailleurs sont le facteur humain essentiel de l'économie et les producteurs de toute richesse sociale ; c'est eux qui doivent fixer l'objectif de l'économie pour garantir leur bien-être et leur sécurité. C'est notre économie et les travailleurs doivent avoir une voix, leur mot à dire et un contrôle sur son objectif et sa direction.

Forum ouvrier est plus que la voix de la classe ouvrière pour briser le silence sur les conditions de vie et de travail des travailleurs. Il est un outil d'organisation, un forum par lequel les travailleurs et leurs alliés peuvent informer les autres de leurs actions avec analyse à la défense de leurs droits, se réunir et discuter pour faire le bilan de leurs activités, s'orienter et tirer les conclusions qui s'imposent et planifier et organiser leurs activités.

C'est à nous à bâtir et disséminer Forum ouvrier, à écrire des articles et des rapports sur ce que vit et fait la classe ouvrière, à recueillir des abonnements et des contributions financières et à faire de Forum ouvrier un puissant outil d'organisation de la classe ouvrière.

C'est à nous à faire de 2020 une année de grands changements en faveur d'une classe ouvrière qui prend ses affaires en main !

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Opposition à l'offensive antisociale en Ontario

Les défis auxquels est confronté le mouvement pour le droit à l'éducation en Ontario

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Près de 200 000 enseignants et travailleurs de l'éducation ont entamé une deuxième phase de leur résistance au programme de restructuration de l'éducation du gouvernement de l'Ontario visant à sabrer dans les investissements en éducation primaire et secondaire et à transformer la livraison de l'éducation publique en une entreprise lucrative. Ils sont rejoints par des centaines de milliers d'étudiants qui veulent améliorer la qualité de leur éducation pour pouvoir faire leur contribution à la société. Se joignent aussi à eux les parents des étudiants et la société en général qui considèrent les changements apportés à l'éducation primaire et secondaire par le gouvernement ontarien comme étant arbitraires et une attaque contre les jeunes et les membres les plus vulnérables de la société.

En ce sens, la majorité des Ontariens s'opposent à la direction que prend le gouvernement et cela est confirmé par les sondages internes effectués par certains syndicats. Le défi qui se pose est comment affronter un gouvernement majoritaire qui représente une minorité et qui veut à tout prix imposer son diktat et criminaliser ceux qui refusent de trafiquer leur conscience et leur responsabilité, en tant que professionnels, envers la société et la jeune génération.

La situation est différente de celle qu'on a connue sous le gouvernement précédent, lorsque les libéraux de Dalton McGuinty étaient en situation minoritaire et collaboraient avec les progressistes-conservateurs pour essayer d'imposer le programme néolibéral des riches par une loi, au lieu d'en arriver à une entente négociée avec les enseignants et les autres travailleurs de l'éducation. Le gouvernement actuel a une imposante majorité au parlement et n'a pas à négocier avec d'autres sections de la classe dirigeante, représentée par l'opposition, pour imposer le diktat des riches. Il agit en toute impunité et c'est pourquoi les travailleurs essaient de trouver des façons de l'obliger à rendre des comptes. Les contestations devant les tribunaux sont un front de lutte mais elles ne doivent pas servir à démobiliser la lutte active des travailleurs de l'éducation et laisser les tribunaux décider de ce qui est juste ou injuste. Les gouvernements obtiennent souvent ce qu'ils veulent en faisant tout simplement des ajustements à des décisions juridiques qui ont affirmé des droits. Il est clair que les jugements des tribunaux ne suffiront pas à empêcher les gouvernements de faire ce qu'ils veulent à l'avenir non plus.

L'opposition officielle à l'Assemblée législative prétend être la voix des travailleurs, dans ce cas-ci les travailleurs de l'éducation, mais son objectif n'est pas le même que le mouvement ouvrier qu'elle cherche à détourner en faveur de ses ambitions électorales. Cette opposition craint que si elle prend une position claire à la défense des droits des travailleurs, surtout si les grèves s'accentuent et que le gouvernement impose une loi de retour au travail, elle va perdre l'appui de la classe dirigeante. Autrement dit, cette opposition a montré qu'on ne peut pas compter sur elle pour un appui sérieux à cette lutte pour le droit à l'éducation. Ses ambitions électorales intéressées ne le permettent pas.

C'est un important défi dans la mesure où cela révèle que les institutions démocratiques ne permettent pas que la volonté de la majorité soit exprimée et devienne loi. Les travailleurs se font dire qu'il n'ont qu'à attendre à la prochaine élection et voter pour un parti plus favorable et se contenter pour le moment, s'ils veulent obtenir justice, de faire du lobbying auprès de ceux qui ont démontré que leur souci de justice est éclipsé par leur souci d'être portés au pouvoir.

La vie a démontré que pour affirmer les droits, il faut transcender les limites à la pensée et à l'action imposées au mouvement ouvrier par les gens au pouvoir dont l'objectif est de servir les riches. Les partis qui forment le système de gouvernement de partis cartellisés privent la majorité de pouvoir en divisant les travailleurs en fonction des différentes factions des forces au pouvoir sur toutes les bases possibles. Mais surtout, ils privent les travailleurs de leurs propres points de référence qui reposent sur le droit à des salaires et des conditions de travail appropriés. En mettant de l'avant leurs propres préoccupations et non celles des riches, les travailleurs doivent mener leur lutte devant le tribunal de l'opinion publique. Ils doivent s'opposer à cette absurdité néolibérale selon laquelle l'austérité est nécessaire, qu'ils sont un coût et non une source de valeur pour la société et que les stratagèmes pour payer les riches mènent à la prospérité. En bâtissant leur résistance résolue à l'offensive antisociale, non seulement affirment-ils leurs droits mais ils contribuent à rendre les gouvernements redevables de leurs actions.

Forum ouvrier appelle les Ontariens à appuyer vigoureusement les enseignants et les travailleurs de l'éducation et à exiger que le gouvernement retire sa loi antiouvrière. Ne permettons pas la criminalisation de ceux qui luttent pour les droits !

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Tous en appui à la grève et aux autres actions des travailleurs en éducation!


Piquet devant l'école secondaire Thorold le 8 janvier 2020, lors de la
première journée de grève appelée par la FEESO

Depuis le 13 janvier, les quatre syndicats représentant les enseignants et les travailleurs de l'éducation en Ontario se préparent à mener des grèves pour s'opposer à la restructuration de l'enseignement public par le gouvernement et à la violation de leur droit à la négociation collective. Alors que le gouvernement fait tout en son pouvoir pour saper l'éducation et privatiser l'enseignement, les éducateurs de l'Ontario luttent pour défendre leur droit d'avoir leur mot à dire sur la direction de l'éducation afin qu'elle réponde aux besoins des jeunes plutôt qu'aux exigences des riches.

La Fédération des enseignantes-enseignantes des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO) mène des actions depuis le 4 décembre 2019, à la fois par des grèves du zèle et des grèves tournantes d'un jour une fois par semaine. Tous ses membres qui travaillent de la maternelle à la 12e année et à l'éducation aux adultes ont participé ou sont sur le point de participer à au moins deux jours d'arrêt complet de travail. Les membres de la FEESO ont également contribué à informer leurs communautés sur la nature de leur lutte en distribuant des tracts et en organisant des piquets d'information. Jusqu'à présent, leurs grèves du zèle ont forcé le gouvernement à reporter le Test provincial de compétences linguistiques (TPCL), qui devait avoir lieu en janvier. Leurs grèves tournantes se poursuivent chaque semaine : les membres de cinq districts scolaires ont débrayé le 15 janvier.

La Fédération des enseignants de l'élémentaire de l'Ontario (FEÉO) a intensifié ses actions depuis le début de sa grève du zèle, qui était la première phase. Depuis le 13 janvier, ses membres ont commencé à se retirer de toutes les activités parascolaires telles que les clubs sportifs et scolaires en dehors des heures de classe ainsi que d'autres tâches administratives, y compris celles liées à la mise en oeuvre des tests normalisés (connus sous le nom d'OQRE). Les membres arrivent à l'école et partent selon les exigences de leur contrat, plutôt que d'être à l'école pendant les nombreuses heures avant et après comme ils le font normalement pour préparer leurs cours ou mener des activités bénévoles pour les élèves. La FEÉO a aussi annoncé qu'elle va débuter des grèves tournantes à partir du 20 janvier, à moins qu'il y ait du progrès dans les négociations.

Le 13 janvier, l'Ontario English Catholic Teachers' Association (OECTA) a lancé la première phase de sa grève du zèle. Elle a clairement indiqué que si le gouvernement ne renonçait pas à ses efforts pour miner l'éducation financée par les fonds publics, elle entamerait des grèves complètes, tournantes ou autres. L'OECTA a annoncé que ses membres vont tenir une grève à l'échelle de la province le 21 janvier prochain.

Le 11 janvier, l'Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) a annoncé que ses membres ont donné au syndicat un mandat de grève à raison de 97 % d'approbation et va commencer sur une base tournante le retrait des services à compter du 16 janvier.

Il y a deux autres groupes de syndicats qui représentent les travailleurs de l'éducation qui ne sont pas en grève ou qui ne mènent pas des grèves du zèle pour le moment. Premièrement, l'Alliance des travailleuses et travailleurs en éducation de l'Ontario (ATEO) représente, entre autres, les associations de travailleurs de l'éducation de la région de Dufferin-Peel, Halton et Waterloo et l'Association du personnel professionnel des services à l'élève. L'AETO a actuellement un accord de principe avec le gouvernement et ses membres tiennent des votes de ratification. L'autre groupe, le Conseil des travailleurs de l'éducation de l'Ontario (CTEO), composé de travailleurs représentés par le Syndicat canadien des employées et employés professionnels et de bureau, Unifor, le Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario et l'Union internationale des employés de service, entre autres, est toujours en négociation.

Dans l'ensemble, les actions récentes ont mobilisé 190 000 enseignants et travailleurs de l'éducation de l'Ontario qui ont rejeté la direction que le gouvernement Ford veut imposer au système d'éducation de l'Ontario.


Journée de grève de la FEESO, à Sault-Ste-Marie, le 8 janvier 2020

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Révélation des visées derrière les initiatives d'apprentissage en ligne du gouvernement Ford

Le gouvernement de l'Ontario a déclaré qu'il souhaitait proposer des cours d'apprentissage électronique (en ligne), qui seront obligatoires pour les étudiants diplômés, afin de les préparer au monde moderne et aux études postsecondaires. Cependant, le 13 janvier, le Toronto Star a rapporté qu'il avait obtenu des documents confidentiels qui révèlent clairement que le plan global du gouvernement de l'Ontario est d'utiliser l'apprentissage en ligne pour réduire le financement des conseils scolaires et vendre des cours d'apprentissage en ligne à d'autres juridictions et aux étudiants internationaux. Cela comprend la création d'une nouvelle entité pour maintenir et créer un catalogue de cours en ligne en anglais et en français qui seraient « la référence absolue » afin de « générer le maximum de revenus ».

Le plan, dirigé par le ministère de l'Éducation, vise à « développer [un] modèle d'affaires pour rendre disponible et commercialiser le système d'apprentissage électronique de l'Ontario aux étudiants de l'extérieur de la province et étrangers et examiner les options réalisables pour vendre les droits de licence pour les cours/le contenu à d'autres juridictions. »

Sous la rubrique « réduction des coûts et génération de revenus », le document indique que « le système ne génère aucun revenu pour la province » et avertit que « les coûts de création d'outils et de ressources d'apprentissage en ligne peuvent être dupliqués entre plusieurs partenaires qui offrent de tels services ». C'est en soi de la pure désinformation. Les jeunes instruits génèrent des milliards de revenus pour les compagnies qui les emploient. Il faut que cela soit reconnu et que de nouveaux arrangements soient établis pour réaliser cette richesse créée par l'éducation en tant que revenu public.

Le plan a montré que le gouvernement Ford avait initialement pensé à rendre les cours d'apprentissage en ligne facultatifs tout en réduisant le financement des conseils scolaires publics, les obligeant essentiellement à offrir progressivement un nombre minimum de cours en ligne qui augmenteraient avec le temps.

Le gouvernement n'a pas contesté l'authenticité du document interne, qui n'est pas daté et a vraisemblablement été rédigé entre le 16 mars 2019 et la fin de l'été, selon les références à des dates dans le texte.

« Nous demeurons déterminés à bâtir un système d'apprentissage électronique de calibre mondial pour renforcer les compétences des élèves ontariens dans l'économie moderne », a déclaré le bureau du ministre de l'Éducation, Stephen Lecce.

« Nous procédons à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'un programme conçu en Ontario qui garantira la flexibilité des étudiants, la culture technologique et une vaste sélection de cours, grâce à deux cours obligatoires tout au long de la carrière d'un élève au secondaire », ajoute le communiqué.

Le document confidentiel indiquait que le ministère de l'Éducation prévoyait de « surveiller de près l'utilisation de l'apprentissage électronique au cours des quatre premières années de mise en oeuvre, d'évaluer la faisabilité de rendre l'apprentissage électronique obligatoire pour l'accumulation de crédits » en vue d'un diplôme d'études secondaires de l'Ontario.

« Les conseils scolaires devront atteindre progressivement des objectifs minimaux croissants d'inscription d'élèves aux cours d'apprentissage en ligne ; des inscriptions facultatives au niveau de chaque élève », indique le plan.

Le plan prévoit 34,8 millions de dollars de financement de moins pour les conseils scolaires au cours de l'année scolaire commençant en septembre 2020, 55,8 millions de dollars de moins en 2021, 56,7 millions de dollars de moins en 2022 et 57,4 millions de dollars de moins pendant l'année scolaire 2023-2024.

Après cela, il y aurait « une économie de coûts continue de 57,4 millions de dollars sur une base annuelle avec un catalogue complet de cours en ligne qui seront la ‘référence absolue' », selon les prévisions du plan. 

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Contestations judiciaires de la loi antiouvrière


Les syndicats d'enseignants lancent une contestation judiciaire de la Loi de 2019 visant à préserver la viabilité du secteur public pour les générations futures, le 12 décembre 2019.

Des syndicats ontariens ont lancé des contestations judiciaires de la Loi de 2019 visant à préserver la viabilité du secteur public pour les générations futures que le gouvernement de l'Ontario a adoptée le 7 novembre 2019. La loi viole le droit de presque tous les travailleurs du secteur public de négocier leurs salaires en imposant un plafond de 1 % à toute nouvelle augmentation de salaire et elle comprend de nouvelles clauses qui permettent au gouvernement de bafouer le droit à la vie privée et d'agir en toute impunité.[1] Les travailleurs touchés par cette loi, aussi appelée Loi 124, comprennent ceux qui sont à l'emploi du gouvernement provincial, des sociétés de la Couronne, des conseils scolaires, des universités et des collèges, des hôpitaux, des foyers de soins de longue durée à but non lucratif, des Sociétés d'aide à l'enfance, des agences de services sociaux et des secteurs de l'électricité et de l'énergie.

Le 12 décembre 2019, les quatre fédérations d'enseignants et de travailleurs de l'éducation ont été les premières à lancer ces contestations. Ce sont l'Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO), la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'élémentaire de l'Ontario (FEÉO), l'Association des enseignantes et des enseignants catholiques anglo-ontariens (OECTA) et la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO).

Compte tenu du contenu de la loi et du moment choisi pour son adoption, en pleine négociation pour le renouvellement des conventions collectives dans le secteur de l'éducation, les syndicats soutiennent que la Loi 124 est une attaque directe contre la libre négociation collective dans le secteur de l'éducation et une violation des sections 2(b) et 2(d) de la Charte canadienne des droits et libertés qui garantissent la liberté d'expression et la liberté d'association. De plus, la loi viole aussi le devoir de la Couronne de négocier de bonne foi.

Le 17 décembre 2019, l'Association des infirmières et infirmiers de l'Ontario (ONA) a annoncé qu'elle lançait sa propre contestation de la loi et, plus tard pendant la même journée, dix autres syndicats, qui représentent plus de 250 000 travailleurs de l'Ontario, se sont joints à la contestation. Les 10 syndicats sont : le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) ; l'Union internationale des employés et employées de service (UIES), Division soins de santé ; le Syndicat des Métallos (USW) ; l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) ; la Société des professionnels unis (IFPTE), section locale 160 ; le Syndicat canadien des employées et employés professionnels et de bureau (COPE-Ontario) ; l'Association des employées et employés gestionnaires, administratifs et professionnels de la couronne de l'Ontario (AEEGAPCO) ; la Fraternité internationale des ouvriers en électricité (FIOE) ; l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) et les Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC), section locale 175.

D'autres syndicats et organisations représentant les travailleurs du secteur public en Ontario devraient joindre cette contestation coordonnée ou mener leur propre contestation séparée de la Loi 124 dans les semaines qui viennent.

Qui a dit quoi ?

Fédération du travail de l'Ontario (FTO) : « Les travailleurs de la province, représentés par leurs syndicats, ne permettront pas que la Loi 124, qui sape les droits protégés par la Charte de tout travailleur de l'Ontario, échappe à la contestation, a dit la présidente de la FTO, Patty Coates. La FTO est solidaire des syndicats de l'éducation qui ont lancé récemment leurs contestations de l'application de la loi dans le secteur de l'éducation, alors que nous intensifions notre opposition aux attaques continues de ce gouvernement contre les droits des Ontariens protégés par la Charte. Ensemble, nous inaugurons une campagne agressive pour demander aux conservateurs de Doug Ford d'abroger cette loi inconstitutionnelle. »

L'Association des infirmières et infirmiers de l'Ontario (ONA) : « En tant que le syndicat qui représente les infirmières autorisées et les professionnels de la santé en Ontario, l'ONA croit que la Loi 124 est discriminatoire envers les infirmières et tous les Ontariens, a dit la présidente de l'ONA, Vicki McKenna, infirmière autorisée. Cette loi n'est rien d'autre qu'une attaque continue contre le droit de négociation collective sans ingérence qu'a reconnu la Cour suprême dans sa décision de 2015. Plus alarmant encore est le fait que cette loi pourrait bien aggraver le problème déjà sérieux de pénurie en Ontario et avoir un effet négatif sur les soins de santé et la santé publique. »

« Cette loi est une attaque contre les infirmières et contre les femmes, a dit Vicki McKenna. En forçant les infirmières de première ligne et les professionnels de la santé à accepter des augmentations de salaire qui sont en dessous de l'inflation, cette loi va aggraver le problème déjà sérieux de pénurie d'infirmières en Ontario et aggraver le problème de la médecine de corridors. »

UIES-Division soins de santé : « Les conventions collectives sont essentielles pour les travailleurs des groupes en quête d'équité - travailleurs racialisés, handicapés, autochtones et femmes travailleuses - pour assurer l'équité aux endroits de travail », a dit Sharleen Stewart, présidente de UIES-Division soins de santé.
« En imposant des limites à la négociation, le gouvernement mine les droits des travailleurs qui subissent déjà une discrimination systémique globale. »

Syndicat des Métallos (USW) - District 6 : « Les familles ontariennes s'appuient sur les négociations depuis des décennies pour assurer leurs conditions de travail. C'est ce qui a mené à l'établissement de la classe moyenne. Les familles de la classe moyenne sont l'épine dorsale de notre province et de notre pays, et c'est fondamentalement inacceptable de leur enlever leurs droits de négociation collective, a dit Marty Warren, directeur du District 6 du Syndicat des Métallos. Le Syndicat des Métallos et son membership mobilisé luttent de façon agressive contre cette loi unilatérale. Il faut que justice soit rendue aux familles travailleuses de l'Ontario. »

AEFO : « La raison d'être de la Charte est de protéger les droits des Canadiens, même lorsque ces droits constituent un inconvénient pour les gouvernements, a dit le président de l'AEFO, Rémi Sabourin. C'est l'épine dorsale de notre démocratie. »

FEÉO : « La Loi 124 bafoue les droits démocratiques de tous les travailleurs du secteur public en Ontario, a dit le président de la FEÉO, Sam Hamond. Aucun employeur ne doit être autorisé à miner les droits fondamentaux des employés sans avoir à faire face à la contestation la plus vigoureuse possible. Le gouvernement Ford doit reconnaître ces droits et abroger immédiatement la Loi 124. »

OECTA : « Compte tenu du moment choisi pour adopter la Loi 124, et la hâte avec laquelle l'adoption a été faite, il est évident qu'elle vise les enseignants et les travailleurs de l'éducation, a dit la présidente de l'OECTA, Liz Stuart. Cette loi lie en pratique les mains des représentants des employeurs et des employés qui sont présentement en train de négocier des conventions collectives. C'est inacceptable et, selon nous, inconstitutionnel. »

FEESO : « Les gouvernements ne doivent pas s'engager à la légère dans une atteinte aux droits civils de leurs citoyens, a dit le président de la FEESO, Harvey Bischof. Ils devraient s'appuyer sur un processus de négociation qui a passé l'épreuve du temps et mené les deux parties à faire preuve de créativité dans le processus et a créé de la stabilité. Il n'existe pas présentement de crise économique ou fiscale qui puisse justifier une ingérence aussi extraordinaire dans ce processus. »

SCFP : « Cette contestation vise à défendre les droits des travailleurs protégés en vertu de la Charte des droits et libertés, a dit le président du SCFP-Ontario, Fred Hahn. Lorsque les conservateurs de Doug Ford demandent que nous fassions tous notre part, au lieu de viser les travailleurs, le gouvernement devrait taxer les compagnies rentables et les gens les plus riches de nos communautés. Les droits protégés par la Charte comptent, les droits humains comptent et les droits des travailleurs comptent. »

Note

1. Pour de plus amples informations sur cette loi, lire les numéros du 1er septembre 2019 et du 23 novembre 2019 du Marxiste-Léniniste.

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Le gouvernement du Québec intensifie son offensive antisociale

Appuyons fermement la lutte des travailleurs du secteur public pour leurs droits et pour les services publics dont nous avons besoin

Les syndicats qui représentent les quelque 500 000 travailleurs et travailleuses du secteur public qui essaient de renouveler leurs conventions collectives d'une manière avantageuse pour eux-mêmes et les services indiquent que le gouvernement du Québec et les comités patronaux de négociation ont déposé leurs offres sectorielles, qui concernent les conditions de travail. Les offres centrales, qui concernent les questions monétaires comme les salaires et le régime de retraite, ont été déposées à la fin de 2019 et qualifiées de provocations par les travailleurs. En vertu de l'« offre » salariale, les salaires n'augmenteraient même pas au niveau de l'inflation pendant les cinq prochaines années. Les syndicats ont maintenant déposé leurs demandes sectorielles.

Les syndicats font état de traits qui sont communs aux offres sectorielles du gouvernement et de leurs agents négociateurs. Selon les syndicats, ces offres sont faites de phrases générales sur l'importance des programmes sociaux et des services publics et de proclamations de respect pour les travailleurs du secteur public. Elles ne comprennent pas de propositions concrètes, et certainement pas de propositions concrètes en réponse aux demandes des travailleurs et de leurs syndicats qui réclament des améliorations significatives dans les conditions de travail et les services.

Plusieurs syndicats font également remarquer que lorsque les représentants des comités patronaux de négociation de la santé, de l'éducation et des services sociaux ont rencontré leurs homologues syndicaux au moment du dépôt des offres, ils ont demandé que les syndicats et leurs membres cessent de prendre la parole en public contre les mauvaises conditions dans le secteur. Selon eux, les prises de parole des travailleurs donnent une mauvaise réputation au secteur public. Ils disent que c'est pour cela que les travailleurs quittent le secteur et que peu veulent s'y joindre.

Bien que les offres patronales ne comprennent pas de propositions concrètes, selon les syndicats elles laissent entendre que le gouvernement cherche à accroître ce qu'il appelle la « flexibilité et la mobilité » de la main-d'oeuvre, en particulier en rapport avec l'absentéisme au travail pour raisons de maladie, en déplaçant les travailleurs, peut-être en les forçant à travailler même malades, ou alors en prenant des mesures disciplinaires contre eux, en réduisant les congés de maladie et autres choses du genre. De telles mesures font déjà partie de la vie quotidienne des travailleurs, mais il semble que le gouvernement veuille incorporer ces attaques dans les conventions collectives.

Selon les travailleurs et les syndicats, il est clair que le gouvernement ne reconnaît pas ou ne se soucie pas du fait que les services publics en sont à un point de rupture ou que les travailleurs font face à une crise dans les endroits de travail qui affecte leur vie à l'extérieur du travail et qui affecte sérieusement les services publics.

L'attitude des gouvernements est très différente quand il s'agit des monopoles privés qui disent être en crise. Là, ils ne perdent pas de temps à instituer des stratagèmes pour payer les riches, notamment par l'infusion massive de fonds publics. Ces fonds publics sont accordés sans aucune enquête préalable parce que les gouvernements néolibéraux considèrent que les monopoles privés sont les créateurs de la richesse de la société et que tout doit leur être subordonné. Ils ne reconnaissent pas que ce sont les travailleurs qui créent la richesse de la société.

Les travailleurs du secteur public sont considérés comme un coût qui doit être réduit, et cette considération met les travailleurs et les services en péril. Selon les gouvernements néolibéraux, les services publics et les travailleurs qui les livrent sont une entrave qui doit être écartée par la privatisation. C'est inacceptable et cela ne doit pas passer.

Il n'est pas étonnant alors que les travailleurs soient confrontés à de nouvelles diversions, de nouvelles tactiques que le gouvernement invente pour éviter de négocier avec eux sur la base de leurs demandes et des besoins des services. Une de ces façons nouvelles est la décision du gouvernement de tenir de soi-disant forums de discussion, en dehors des négociations, auxquels ce ne sont même pas tous les syndicats qui sont invités. Le gouvernement a identifié trois thèmes pour les forums de discussion : la réussite en éducation, l'accessibilité aux soins pour les gens en hébergement de longue durée ou recevant des soins à domicile et la santé globale des travailleurs du secteur public. Il a indiqué que des sommes additionnelles pourraient être débloquées par le biais des forums et que la discussion sera centrée sur les conditions de travail des travailleurs les plus vulnérables. Dans ces forums, quel sera le processus de discussion et de prise de décision ? Comment ce qui sortira de ces forums aura-t-il une portée légale ?

À ce moment-ci, la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ), la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) et l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) ont annoncé qu'elles ne participeront pas à ces forums et ont indiqué que ces enjeux doivent être discutés à la table de négociation et sur la base des demandes des travailleurs. La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a déclaré que les forums sont un moyen de détourner l'attention des vrais problèmes auxquels les travailleurs du secteur public et les services publics dans leur ensemble font face.

Dans ce numéro de Forum ouvrier, nous commençons à informer nos lecteurs sur les demandes des syndicats du secteur public.

Il est clair qu'il faut mobiliser l'opinion publique pour qu'elle donne son plein appui aux travailleurs du secteur public et réclame que le gouvernement mette fin à ses manipulations sournoises visant à nier les droits des travailleurs et le besoin critique d'un changement fondamental afin qu'on défende et améliore les programmes sociaux et les services publics conformément aux besoins du Québec moderne.

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Les infirmières prennent la parole et mènent des actions contre leurs conditions intenables


Les professionnelles de la santé débutent les négociations avec le gouvernement
du Québec, le 24 octobre 2019.

Mettant en pratique leur mot d'ordre « Travailler à se rendre malade, c'est terminé », les infirmières membres de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) ont pris la parole et mené des actions au début de janvier contre les conditions intenables dans les salles d'urgence du Québec. Le 5 janvier, les infirmières de la FIQ ont tenu des sit-ins sur deux quarts de travail différents à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont et un sit-in à l'hôpital Santa Cabrini à Montréal pour mettre en lumière la situation dans les urgences pour les travailleurs et les patients. Les actions ont été organisées après que les infirmières aient été forcées de façon répétée de faire du temps supplémentaire obligatoire et parfois même de travailler trois quarts de travail consécutifs afin de remédier à la crise dans les urgences. Au début janvier, le taux d'occupation des urgences était de 139 % à Santa Cabrini, de 160 % en Montérégie et de 129 % à Montréal. À Maisonneuve-Rosemont la crise à l'urgence se poursuit sans relâche depuis un an.

Alors que les infirmières tenaient leurs sit-in, les porte-paroles de la FIQ rencontraient les médias pour dénoncer la situation et demander des solutions immédiates qui soient favorables aux infirmières et aux patients, des solutions que les infirmières mettent de l'avant depuis des années. Ils ont dit clairement que la crise des salles d'urgence au Québec n'a rien à voir avec une augmentation subite du nombre de patients pendant l'hiver qui souffrent de la grippe, bien que ce problème existe et ait été identifié par les infirmières depuis longtemps. Ils ont dit qu'il s'agit plutôt d'un problème systémique de détérioration d'ensemble dans le secteur de la santé, dans laquelle des mesures autrefois exceptionnelles comme le temps supplémentaire obligatoire sont devenues la norme, un véritable « outil de gestion ». Ce sont ces mesures qui sont prises au lieu que les problèmes du secteur de la santé soient traités sérieusement.

Les porte-paroles de la FIQ ont mentionné par exemple que des administrations d'hôpital ont commencé à rappeler au travail des infirmières qui sont en congé pour diverses raisons, de même que des infirmières à la retraite, pour faire face à la crise dans les urgences et que cela est devenu un autre « outil de gestion ». Ils ont souligné que même lorsque des positions à temps plein sont créées, ce qui est une de leurs revendications, cela n'est pas une solution en soi car seul un faible pourcentage d'infirmières prennent ces positions, craignant qu'elles vont subir plus de pression pour faire du temps supplémentaire obligatoire si elles occupent un emploi régulier à temps plein. Pour aborder ces problèmes sérieusement, il faut que les infirmières et les autres travailleurs et travailleuses de la santé jouent un rôle clé dans la détermination de ce qui est requis pour créer des conditions adéquates pour eux et les patients dans les salles d'urgence.

En ce qui a trait aux mesures qui sont susceptibles d'alléger la crise, les infirmières disent que partout où leur demande d'un ratio adéquat patients/infirmières a été appliquée dans un projet-pilote, on a remarqué une amélioration immédiate tant pour les infirmières que pour les patients. Le gouvernement, c'est le moins qu'on puisse dire, se traîne les pieds dans la mise en oeuvre de ces ratios pourtant nécessaires.

Les infirmières tiennent leurs actions au même moment où les syndicats, dont la FIQ, présentent leurs demandes sectorielles au gouvernement et aux comités patronaux de négociation dans la santé. Le document de la FIQ porte lui-même le titre « Travailler à se rendre malade, c'est terminé ».
Le document fait état de deux priorités de négociation :

- De la santé et de la sécurité à tous les niveaux du réseau : une condition incontournable pour les professionnelles en soins. 
- Attraction-rétention : obtenir des conditions gagnantes pour les professionnelles en soins.

Selon le document, les objectifs de négociation de la FIQ sont :

- Organiser le travail pour assurer la santé et la sécurité des professionnelles en soins et des patients.
- Valoriser la pratique et l'expertise des professionnelles en soins.
- Accéder à des postes de qualité.
- Rétablir l'équilibre au travail et dans la vie personnelle afin de préserver la santé psychologique des professionnelles en soins.
- Outiller les syndicats affiliés à la FIQ et à la FIQP (Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec | Secteur privé ) afin de mieux répondre aux besoins des professionnelles en soins.

Parmi les mesures concrètes qui sont proposées, on compte une charge de travail raisonnable et sécuritaire, des ratios sécuritaires professionnelles en soins/patients, la stabilisation des équipes de travail et enrayer le recours aux heures supplémentaires obligatoires comme outil de gestion. Il y a aussi des revendications pour l'accès aux différents congés et l'aménagement du temps de travail sur lequel les infirmières doivent avoir une emprise.

Dans un contexte de travail malsain où de plus en plus de professionnelles en soins deviennent malades physiquement et psychologiquement, la FIQ désire obtenir l'engagement que les droits des professionnelles en soins seront respectés adéquatement en facilitant l'accès à des prestations d'assurance salaire, à un réel soutien à la réadaptation et au retour au travail. La FIQ demande aussi un examen des processus administratifs et judiciaires afin que le traitement des dossiers litigieux (contestations des décisions de l'employeur par exemple) soit simplifié et accéléré.

Voir le texte intégral du projet de négociation sectorielle.

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Entrevue avec Nathalie Savard, présidente du Syndicat des intervenantes et des intervenants de la santé du Nord-Est québécois (SIISNEQ)

Forum ouvrier : Où en est le SIISNEQ dans le processus de renouvellement des conventions collectives de ses membres ?

Nathalie Savard : Le SIISNEQ représente 1200 infirmières, infirmières auxiliaires et inhalothérapeutes sur la Côte-Nord et dans le Nord-du-Québec. Les conventions collectives de nos membres viennent à échéance le 31 mars 2020. Pour nous, la négociation qui vient nous rappelle l'importance de trouver des solutions pour améliorer les soins de santé.

Par le biais de la Fédération de la santé du Québec, dont nous faisons partie, nous avons déposé nos offres à la partie patronale. Au niveau sectoriel, c'est-à-dire au niveau des conditions de travail, il est clair qu'il faut abolir le temps supplémentaire obligatoire, la présence de la main-d'oeuvre indépendante dans le réseau, et que l'employeur respecte les contrats de travail des membres que nous avons. C'est-à-dire que quand tu es infirmière, infirmière auxiliaire ou inhalothérapeute, tu as un poste de 35 heures/semaine, 36 heures ou de 37.5 heures. Les gens s'attendent à donner cette prestation et à la donner dans un climat de travail sain et sécuritaire sans se faire imposer de charges additionnelles. Pourtant, on voit souvent nos membres ne pas prendre leur pause, couper dans leurs heures de repas, et une forte pression est exercée sur eux pour faire du temps supplémentaire à la fin de leur quart de travail. C'est important que la négociation vienne régler ces difficultés-là, pour que les gens soient capables de bien donner leur prestation de travail dans des conditions où elles sont respectées parce qu'elles donnent des soins à des êtres humains qui souffrent et qui ont souvent des familles qui les accompagnent. Il faut retrouver ce côté humain que nous avons perdu au cours des années, au fil de toutes les compressions budgétaires, de toutes les coupures de postes au niveau du réseau de la santé.

Nous avons des solutions à leur soumettre, que ce soit offrir des postes à temps complet, de prendre l'argent qu'on dépense au niveau de la main d'oeuvre indépendante et de le réinvestir dans le réseau de la santé, d'être capables de retenir nos jeunes, dont 10 % quittent la profession avant cinq ans, en les accompagnant par la création de postes de mentorat. Il y a de grandes choses qui peuvent être faites mais il faut avoir une volonté de le faire. Nous faisons face à un gouvernement qui nous a fait des offres un peu ridicules avant Noël au niveau salarial, 7 % sur 5 ans, alors qu'il faut redorer le blason des services publics.

FO : Qu'est-ce qui ressort des offres sectorielles patronales qui ont été présentées ?

NS : Lorsque le gouvernement a fait son dépôt sectoriel à notre fédération, les représentants du comité patronal nous ont dit que les syndicats parlent mal de la profession, que cela rend difficile d'attirer des gens dans la profession. Ce n'est pas sérieux comme argument. Les jeunes sont tout à fait capables de se faire une idée eux-mêmes quand ils viennent faire des stages dans les milieux.

On sent un gouvernement qui veut venir mettre la hache dans certaines conditions, dans les congés de maladie, les congés fériés, les congés conventionnés. L'employeur dit qu'il n'arrive pas à donner des congés, parce qu'il manque du monde, alors ils cherchent à en donner moins. Ils semblent vouloir s'attaquer à nos vacances.

Nous avons des positions très opposées. Il faut trouver le moyen d'attirer des jeunes dans la profession et les jeunes s'intéressent beaucoup à la question de la qualité de vie. On ne peut pas demander aux gens de devenir des esclaves du travail, cela ne fonctionnera pas. Ce n'est pas ainsi qu'on va réduire l'absentéisme de maladie dans le réseau.

On nous parle de mobilité, de flexibilité. Nous on parle de stabilité d'équipe. Les soins sont complexes, les gens développent des spécialités. Il faut développer une bonne qualité, développer un bon suivi auprès des patients.

C'est encore plus difficile de recruter des gens dans les régions éloignées. On a de plus en plus de difficultés à en recruter sur la Côte-Nord et dans le Nord-du-Québec. Nous avons nos spécialités dans nos régions, en oncologie, en hématologie, nos centres mères-enfants, etc. C'est de plus en plus difficile de maintenir ces services-là par manque d'infirmières, d'infirmières auxiliaires et d'inhalothérapeutes. Si on n'est pas capable de valoriser la profession, est-ce qu'on va être encore capables de fournir les services ? Est-ce que le gouvernement nous amène vers un glissement des services au privé ? C'est la vraie question qu'il faut se poser. On a fait un choix comme société de se donner un service public de santé accessible à tous. Il faut que la situation change maintenant.

FO : Veux-tu dire quelque chose en conclusion ?

NS : La Coalition Avenir Québec a promis de faire autrement dans la santé, que le règne Barrette est fini (Gaétan Barrette, le ministre de la Santé du gouvernement libéral précédent, a intensifié la restructuration antisociale du système de santé au Québec —-FO) et pourtant la négociation commence sur le même ton. Nous ne sommes pas opposés à mettre des sous au niveau des préposés, mais, dans un réseau de la santé, il faut prendre soin de tout le monde. Il faut s'occuper du tout, résoudre le problème du réseau dans son ensemble, afin d'être capables de donner les services. Pas seulement une catégorie d'emplois.

Il faut trouver des solutions et que la négociation soit au rendez-vous, sinon c'est la mobilisation qui va l'être. Pour nous, c'est une priorité en 2020. Nous devons mobiliser nos troupes et faire comprendre au premier ministre Legault et à la ministre de la Santé qu'on est là pour garder un réseau public de qualité, que pour nous les soins de santé en région c'est très important. C'est une priorité de donner des services de qualité aux gens qui vivent dans ces régions, sur ce grand territoire, pour qu'on soit capables de bien s'en occuper au niveau de la santé pour qu'ils n'aient pas besoin de s'en aller à Québec et à Montréal.

Je souhaite que l'année 2020 soit très bonne pour nos membres, qu'on règle des choses. Je leur lève mon chapeau, elles ont à coeur leur profession et je leur souhaite le meilleur. Il faut que les négociations fassent en sorte que les parties qui négocient puissent s'entendre et régler les difficultés que ces gens vivent depuis trop longtemps.

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