Entrevue avec Nathalie Savard, présidente du Syndicat des intervenantes et des intervenants de la santé du Nord-Est québécois (SIISNEQ)
Forum ouvrier : Où en est
le SIISNEQ dans le processus de renouvellement des
conventions collectives de ses membres ?
Nathalie Savard : Le SIISNEQ
représente 1200 infirmières, infirmières
auxiliaires et inhalothérapeutes sur la Côte-Nord
et dans le Nord-du-Québec. Les conventions
collectives de nos membres viennent à échéance
le 31 mars 2020. Pour nous, la
négociation qui vient nous rappelle l'importance
de trouver des solutions pour améliorer les soins
de santé.
Par le biais de la Fédération de la santé du
Québec, dont nous faisons partie, nous avons
déposé nos offres à la partie patronale. Au niveau
sectoriel, c'est-à-dire au niveau des conditions
de travail, il est clair qu'il faut abolir le
temps supplémentaire obligatoire, la présence de
la main-d'oeuvre indépendante dans le réseau, et
que l'employeur respecte les contrats de travail
des membres que nous avons. C'est-à-dire que quand
tu es infirmière, infirmière auxiliaire ou
inhalothérapeute, tu as un poste de 35
heures/semaine, 36 heures ou de 37.5
heures. Les gens s'attendent à donner cette
prestation et à la donner dans un climat de
travail sain et sécuritaire sans se faire imposer
de charges additionnelles. Pourtant, on voit
souvent nos membres ne pas prendre leur pause,
couper dans leurs heures de repas, et une forte
pression est exercée sur eux pour faire du temps
supplémentaire à la fin de leur quart de travail.
C'est important que la négociation vienne régler
ces difficultés-là, pour que les gens soient
capables de bien donner leur prestation de travail
dans des conditions où elles sont respectées parce
qu'elles donnent des soins à des êtres humains qui
souffrent et qui ont souvent des familles qui les
accompagnent. Il faut retrouver ce côté humain que
nous avons perdu au cours des années, au fil de
toutes les compressions budgétaires, de toutes les
coupures de postes au niveau du réseau de la
santé.
Nous avons des solutions à leur soumettre, que ce
soit offrir des postes à temps complet, de prendre
l'argent qu'on dépense au niveau de la main
d'oeuvre indépendante et de le réinvestir dans le
réseau de la santé, d'être capables de retenir nos
jeunes, dont 10 % quittent la profession
avant cinq ans, en les accompagnant par la
création de postes de mentorat. Il y a de grandes
choses qui peuvent être faites mais il faut avoir
une volonté de le faire. Nous faisons face à un
gouvernement qui nous a fait des offres un peu
ridicules avant Noël au niveau
salarial, 7 % sur 5 ans, alors
qu'il faut redorer le blason des services publics.
FO : Qu'est-ce qui ressort
des offres sectorielles patronales qui ont été
présentées ?
NS : Lorsque le gouvernement
a fait son dépôt sectoriel à notre fédération, les
représentants du comité patronal nous ont dit que
les syndicats parlent mal de la profession, que
cela rend difficile d'attirer des gens dans la
profession. Ce n'est pas sérieux comme argument.
Les jeunes sont tout à fait capables de se faire
une idée eux-mêmes quand ils viennent faire des
stages dans les milieux.
On sent un gouvernement qui veut venir mettre la
hache dans certaines conditions, dans les congés
de maladie, les congés fériés, les congés
conventionnés. L'employeur dit qu'il n'arrive pas
à donner des congés, parce qu'il manque du monde,
alors ils cherchent à en donner moins. Ils
semblent vouloir s'attaquer à nos vacances.
Nous avons des positions très opposées. Il faut
trouver le moyen d'attirer des jeunes dans la
profession et les jeunes s'intéressent beaucoup à
la question de la qualité de vie. On ne peut pas
demander aux gens de devenir des esclaves du
travail, cela ne fonctionnera pas. Ce n'est pas
ainsi qu'on va réduire l'absentéisme de maladie
dans le réseau.
On nous parle de mobilité, de flexibilité. Nous
on parle de stabilité d'équipe. Les soins sont
complexes, les gens développent des spécialités.
Il faut développer une bonne qualité, développer
un bon suivi auprès des patients.
C'est encore plus difficile de recruter des gens
dans les régions éloignées. On a de plus en plus
de difficultés à en recruter sur la Côte-Nord et
dans le Nord-du-Québec. Nous avons nos spécialités
dans nos régions, en oncologie, en hématologie,
nos centres mères-enfants, etc. C'est de plus en
plus difficile de maintenir ces services-là par
manque d'infirmières, d'infirmières auxiliaires et
d'inhalothérapeutes. Si on n'est pas capable de
valoriser la profession, est-ce qu'on va être
encore capables de fournir les services ?
Est-ce que le gouvernement nous amène vers un
glissement des services au privé ? C'est la
vraie question qu'il faut se poser. On a fait un
choix comme société de se donner un service public
de santé accessible à tous. Il faut que la
situation change maintenant.
FO : Veux-tu dire quelque
chose en conclusion ?
NS : La Coalition Avenir
Québec a promis de faire autrement dans la santé,
que le règne Barrette est fini (Gaétan
Barrette, le ministre de la Santé du
gouvernement libéral précédent, a intensifié la
restructuration antisociale du système de santé
au Québec —-FO) et pourtant la négociation
commence sur le même ton. Nous ne sommes pas
opposés à mettre des sous au niveau des préposés,
mais, dans un réseau de la santé, il faut prendre
soin de tout le monde. Il faut s'occuper du tout,
résoudre le problème du réseau dans son ensemble,
afin d'être capables de donner les services. Pas
seulement une catégorie d'emplois.
Il faut trouver des solutions et que la
négociation soit au rendez-vous, sinon c'est la
mobilisation qui va l'être. Pour nous, c'est une
priorité en 2020. Nous devons mobiliser nos
troupes et faire comprendre au premier ministre
Legault et à la ministre de la Santé qu'on est là
pour garder un réseau public de qualité, que pour
nous les soins de santé en région c'est très
important. C'est une priorité de donner des
services de qualité aux gens qui vivent dans ces
régions, sur ce grand territoire, pour qu'on soit
capables de bien s'en occuper au niveau de la
santé pour qu'ils n'aient pas besoin de s'en aller
à Québec et à Montréal.
Je souhaite que l'année 2020 soit très bonne
pour nos membres, qu'on règle des choses. Je leur
lève mon chapeau, elles ont à coeur leur
profession et je leur souhaite le meilleur. Il
faut que les négociations fassent en sorte que les
parties qui négocient puissent s'entendre et
régler les difficultés que ces gens vivent depuis
trop longtemps.
Cet article est paru dans
Numéro 1 - 15 janvier 2020
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Entrevue avec Nathalie Savard, présidente du Syndicat des intervenantes et des intervenants de La santé du Nord-Est québécois (SIISNEQ)
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