Numéro 85 - 16 décembre 2020

Le travail du PCC(M-L) dans le domaine
de la réforme électorale


32e anniversaire de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis

L'importance du mémoire du PCC(M-L) à la Commission Lortie


30e anniversaire du Forum des citoyens sur l'avenir du Canada

La classe dominante tourne le dos aux conclusions de la Commission Spicer à ses risques et périls

Ce que les Canadiens ont dit à la Commission Spicer


28e anniversaire de la défaite du Rapport du consensus sur la Constitution lors du référendum de 1992

La signification de l'Accord de Charlottetown et de sa défaite

- Anna Di Carlo -


Loi fédérale sur la responsabilité de 2006

Le gouvernement Harper échoue à rétablir la confiance dans les institutions démocratiques

- Mémoire du PMLC -



Le travail du PCC(M-L) dans le domaine de la réforme électorale

Bureau de la dirigeante nationale du Parti
marxiste-léniniste du Canada

Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste), enregistré auprès d'Élections Canada sous le nom de Parti marxiste-léniniste du Canada, accomplit un travail considérable sur le front du renouveau démocratique. Il appelle à la modernisation de la Loi électorale et du processus électoral de manière à donner au peuple le pouvoir de devenir le décideur, plutôt que de pas laisser ce pouvoir aux mains des intérêts privés étroits qui contrôlent actuellement l'État et ses institutions.

Les revendications du PCC(M-L) en matière de renouveau démocratique ont été exprimées publiquement pour la première fois il y a 30 ans, le 20 septembre 1990, dans un mémoire présenté par le dirigeant du Parti, Hardial Bains, à la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis. C'était la première fois que le Parti s'adressait à une commission royale, ce qui constituait un changement de sa politique. En engageant les Canadiens dans un travail de renouvellement du processus politique, l'objectif du Parti était de ne pas laisser la classe dirigeante occuper l'espace du changement à des fins réactionnaires.

Le mémoire présenté par le Parti à la Commission royale, connue sous le nom de Commission Lortie, ainsi nommée d'après le nom de son président, a directement confronté les positions de privilège de l'establishment canadien dans le domaine électoral qui prétend que les élections sont « libres et équitables ». Cela a permis au Parti et à la classe ouvrière de s'attaquer à l'une des questions les plus cruciales auxquelles la société doit faire face : la question de la démocratie et, en particulier, du processus électoral qui touche l'ensemble du corps politique en s'assurant que le peuple n'exerce aucun contrôle sur les décisions qui affectent sa vie.

Le mémoire du Parti soulignait les points suivants :

1. le niveau élevé de mécontentement des Canadiens envers le processus politique;

2. la démocratie est une caractéristique de la société de classe ayant un objectif précis et la Commission ne devrait donc pas éviter de discuter de l'objectif de la démocratie au Canada;

3. la marginalisation du peuple tenu à l'écart du processus décisionnel, en particulier des travailleurs, et la nécessité de changer la situation dans laquelle leur participation à la gouvernance est réduite à l'exercice du droit de vote;

4. l'inévitabilité de la désillusion envers le processus décisionnel et le manque de confiance dans le système de gouvernement tant que le peuple reste en dehors du processus décisionnel;

5. la nécessité d'établir, à tout le moins, l'égalité des chances de tous les citoyens d'élire et d'être élus et de préciser les responsabilités de l'État à assurer une large participation du peuple au processus;

6. l'inégalité inhérente au système, notamment l'utilisation de fonds publics pour financer certains partis et non pas tous, et certains plus que d'autres;

7. la violation du principe d'égalité dans le traitement des partis politiques sur la base d'une division entre ceux qui sont considérés comme les partis « majeurs » et ceux qui sont considérés comme les « petits partis »;

8. Le fait que les partis politiques s'identifient comme des groupes d'intérêts spéciaux qui reçoivent des subventions de l'État, mais sont financés par des individus qui ont des intérêts certains dans la vie politique et économique;

9. la position du Parti selon laquelle les fonds publics ne devraient pas servir à financer les partis politiques, mais à financer la sélection des candidats, l'élection des candidats et la révocation des élus qui n'accomplissent pas leur devoir comme leur mandat le leur commande;

10. l'essentiel du travail requis pour le renouveau démocratique.

Le PCC(M-L) a expliqué que sa préoccupation est partagée par un nombre toujours plus grand de Canadiens, à savoir qu'il faut assurer une large participation de la population de ce pays au débat sur les problèmes de nature économique et politique, militaire, culturelle, sociale et environnementale. Il s'agit surtout d'assurer la participation des Canadiens au processus de prise de décisions. Tant que le peuple est représenté politiquement par des partis politiques et des membres de partis politiques qui, par définition, représentent des intérêts particuliers et prêtent serment à une personne fictive de l'État, et tant que la participation au processus de prise de décisions se limitera à un vote tous les 4 ou 5 ans, les gens resteront marginalisés et insatisfaits. Le système actuel ne permet pas au peuple de participer de quelque manière que ce soit à la définition de la direction de l'économie ou de la politique sur quelque front que ce soit, au débat ou à la prise de décision. Le système appelé démocratie représentative n'est donc pas du tout représentatif du peuple et de ce qu'il veut.

Le mémoire présenté par le Parti a donc souligné la nécessité que la Loi électorale permette réellement la participation du peuple au processus électoral :

« La Loi électorale doit avoir pour principal objet de créer les possibilités qui permettront aux individus dans notre société de développer leur faculté de jouir de tous les droits et libertés garantis par la Constitution. Le système électoral doit donc faire en sorte que la loi n'impose aucune restriction qui entraverait la participation du peuple aux opérations électorales[1]. »

Le Parti a souligné le caractère non représentatif du système de partis qui se manifeste comme une violation du principe de la règle de la majorité :

« Tant que des partis (qui représentent par définition des intérêts particuliers dans les domaines politique et économique) se présenteront aux élections et seront élus pour former les gouvernements, on aura un système suivant lequel la majorité doit en fait se soumettre à la minorité représentée par ces partis. C'est un système inacceptable qui est chaque jour discrédité davantage. »

Le programme pour le renouveau démocratique du processus politique proposé par le Parti présente que la sélection des candidats est un élément clé qui doit se faire par les électeurs eux-mêmes, et que l'ensemble du processus électoral doit être financé par le trésor public, avec des comités de circonscription élus et une commission électorale nationale élue responsable de veiller à ce que le droit d'élire et d'être élu soit concrétisé et qu'un vote éclairé soit garanti.

Par cette intervention, et par le travail mené parallèlement sur les fronts idéologique et théorique à l'époque, le Parti a répondu à la question suivante : comment se fait-il que, dans les conditions du suffrage universel, la classe ouvrière et la grande majorité des citoyens soient tenus à l'écart du pouvoir ? Et il a ouvert la voie à la classe ouvrière pour résoudre ce problème.

Forum public où la décision a été prise de lancer le Comité « Votez non »

Le travail du Parti sur le front du renouveau démocratique s'est développé encore en 1992-1993 avec la création du premier Comité « Votez Non » à l'Accord de Charlottetown en septembre 1992, la publication de trois livres importants concernant l'Accord de Charlottetown et ses conséquences, l'examen de la conception des droits démocratiques du libéralisme du XIXe siècle et la présentation d'arguments en faveur d'un renouveau démocratique du processus politique[2].

Le PCC(M-L) a été le fer de lance de la création du Parti canadien du renouveau à la fin de 1992 pour que les Canadiens disposent d'un instrument non partisan du renouveau démocratique à l'élection générale de 1993. D'importants forums internes et des conférences consultatives ont également été organisés sur la question du renouveau démocratique.


Congrès de fondation du Parti canadien du renouveau à Toronto le 24 avril 1993

Entretemps, en 1992, les recommandations de la Commission royale ont été étudiées par le Comité Hawkes, un comité spécial de huit membres qui a produit des recommandations supplémentaires concernant la Loi électorale du Canada. Les deux rapports ont été examinés par le Parlement, avec les conseils et le soutien du directeur général des élections. Cela a mené entre autres à l'adoption de la loi C-78 en 1992 et de la loi C-114 en 1993 qui, ensemble, ont mené à des changements importants à la Loi électorale sur l'accès au vote, tous contestés par le PCC(M-L) qui les a jugés intéressés par les partis siégeant à la Chambre des communes.

Au moment de la tenue du VIe Congrès du Parti, en plein milieu des élections fédérales de 1993, l'approche du Parti sur la nécessité d'un renouveau démocratique était pleinement élaborée. Le Parti a accompli un travail considérable durant cette période en apportant une définition moderne des droits répondant aux exigences de l'époque[3].

D'importants développements s'étaient produits depuis le Ve Congrès du Parti tenu en 1987 qui avaient confirmé et mis en évidence la nécessité objective d'un renouveau démocratique. Le premier développement a été la défaite de l'establishment au référendum sur l'Accord de Charlottetown en octobre 1992. L'importance de ce fait a été saisie dans les livres cités ci-dessus en termes de progrès dans la conscience des Canadiens.

Les élections fédérales de 1993 ont également créé un déséquilibre politique dont les cercles dirigeants ne se sont pas encore remis. Le Bloc Québécois, un parti régional, a formé l'opposition officielle; les conservateurs ont été réduits à deux sièges; le NPD a perdu des sièges au profit du Parti réformiste. L'élection d'un parti d'opposition qui n'avait pas la possibilité d'être le « gouvernement en attente » comme l'exigeait la théorie politique libérale du XIXe siècle mettait fin à l'équilibre indispensable au système de démocratie représentative qui prétend que ceux qui ne sont pas représentés par le parti au pouvoir sont représentés par l'opposition. Analysant les résultats de l'élection de 1993, Hardial Bains a identifié ce déséquilibre politique provoqué par les résultats des élections et déclaré que la création d'une nouvelle opposition populaire était à l'ordre du jour.

En janvier 1995, le PCC(M-L) a lancé un projet d'édification nationale basé sur son programme de défense des droits et le renouveau démocratique. Il a qualifié ce projet d'Initiative historique. Au centre de ses préoccupations se trouvait la nécessité de mobiliser le facteur humain/conscience sociale basé sur l'organisation politique de la classe ouvrière pour élaborer une politique indépendante qui mette l'initiative entre ses mains à un moment où la classe dirigeante avait pris l'offensive.

Parmi les autres initiatives prises à l'époque, il y a l'identification du travail pour le renouveau démocratique comme tâche principale du Front du peuple /Comité de défense indien lors de sa 18e convention nationale tenue en 1995. Le Parti a également appelé les femmes à se placer aux premiers rangs de la lutte pour les droits de tous et de toutes et reconnu que les travailleurs et les minorités nationales ghettoïsées doivent se placer à l'avant-garde de la lutte pour éliminer la conception que les droits sont des abstractions et des privilèges qui peuvent être accordés et retirés au gré des élites dirigeantes.

Depuis lors, le travail pour créer des formes organisationnelles permettant d'affirmer les droits de tous et de toutes a été une préoccupation constante du Parti. Au cours de la période qui a précédé les élections de 1995 en Ontario, il a été envisagé de faire avancer le travail du renouveau démocratique par la création du Parti du renouveau de l'Ontario. Au lieu de cela, des candidats indépendants ont été présentés et les Ontariens ont été encouragés à devenir eux-mêmes des politiciens ouvriers et des candidats indépendants.


Les bannières du Parti : « Arrêter de payer les riches ! Augmenter les investissements
dans les programmes sociaux ! » lors de la journée d'action contre l'offensive antisociale à St. Catherines le 1er mai 1998

En 1997, dans le cadre de la lutte contre l'offensive antisociale du gouvernement Harris en Ontario, le Parti a adopté son programme politique « Arrêter de payer les riches, augmentez les investissements dans les programmes sociaux ». Il a également pris l'initiative de créer un forum politique multipartite afin d'élever le niveau du discours politique. Des progrès décisifs ont été réalisés dans l'établissement d'une collaboration entre les petits partis.

Les élections fédérales de 1997 ont produit les mêmes éléments de crise parlementaire que les élections précédentes, à la différence que le Parti réformiste a remplacé le Bloc Québécois comme opposition officielle.

À la veille de l'élection de 1997, une autre modification a été apportée à la Loi électorale du Canada avec le projet de loi C-243. Cette modification privait les partis ayant reçu moins de 2 % du vote national, ou 5 % des votes dans les circonscriptions où ils présentaient des candidats, d'un financement public. La modification visait essentiellement à corriger la situation où le Parti national et le Parti de la loi naturelle avaient jusque-là obtenu à eux deux quelque 1,2 million de dollars de subventions publiques. Les modifications apportées ont montré une fois de plus comment les partis siégeant à la Chambre des communes changent la Loi électorale à des fins intéressées. Cela n'a rien fait pour rehausser le prestige de la politique, des politiciens ou de la Chambre des communes.

Le travail du Parti pour le renouveau démocratique s'est encore développé avec son intervention dans la contestation fondée sur la Charte lancée par le Parti communiste du Canada (PCC) visant certaines dispositions de la Loi électorale du Canada après qu'il n'eut pas atteint le seuil de 50 candidats pour maintenir son enregistrement officiel. Le PCC a demandé une injonction de la cour contre l'application de la Loi électorale nouvellement modifiée qui aurait mené à sa radiation. La radiation implique que tous les actifs du parti sont saisis par l'État. Le PCC a également fait valoir son droit à ce que son nom figure sur les bulletins de vote, même avec moins de 50 candidats. Le mémoire du PCC(M-L), présenté en tant qu'« ami de la cour », a soutenu la cause du PCC avec des arguments substantiels qui ont mis en évidence la manière dont différentes dispositions de la Loi électorale violent les droits du peuple – le droit à la liberté de conscience et à la liberté d'association, ainsi que le principe d'égalité devant la loi[4].

Le 10 mai 1999, la juge Anne Molloy de la Cour de l'Ontario (division générale) a rendu sa décision dans laquelle elle a confirmé le bien-fondé de la demande du PCC, estimant que certains articles de la Loi électorale du Canada étaient contraires à la Charte des droits et libertés. La juge Molloy a décrit l'affaire comme « la plus importante contestation de la Loi électorale du Canada en vertu de la Charte à ce jour ». Depuis lors, les partis enregistrés qui présentent au moins un candidat ont le droit que le nom de leur parti sur le bulletin de vote soit inscrit à côté du nom du candidat.

Le gouvernement a fait appel de la décision de la juge Molloy et la contestation fondée sur la Charte a été portée devant la Cour suprême du Canada, où la majorité a statué contre le principal argument du gouvernement selon lequel le seuil de 50 candidats servait à écarter les partis qui ne pouvaient pas former un gouvernement. La Cour suprême a été en désaccord. Elle a estimé qu'une loi dont l'objectif était de donner naissance à une forme particulière de gouvernement responsable était « problématique ». « Une loi adoptée dans le but exprès de diminuer la probabilité qu'une certaine classe de candidats soit élue est non seulement en contradiction avec les principes qui font partie intégrante d'une société libre et démocratique, mais elle est plutôt l'antithèse de ces principes », a déclaré la Cour suprême. La Cour a donné au Parlement un délai d'un an pour corriger la loi.

La décision de la Cour suprême a eu de profondes implications, car la Loi électorale dans son ensemble est fondée précisément sur l'objectif de donner naissance à un gouvernement de parti. De nombreux appels ont été lancés de toutes parts en faveur d'une révision complète de la Loi électorale canadienne à la lumière de cette décision. Cela ne s'est jamais produit. Le seuil de 50 candidats a été modifié et abaissé à un seul candidat et l'exigence de fournir une liste de 100 membres a été portée à 250. Une nouvelle définition des partis politiques à laquelle les partis enregistrés doivent se conformer a été ajoutée à la loi. Ainsi, un parti politique est défini comme une « organisation dont l'un des objectifs essentiels consiste à participer aux affaires publiques en soutenant la candidature et en appuyant l'élection d'un ou de plusieurs de ses membres. »

Cependant, ni le gouvernement ni les partis ayant des sièges à la Chambre des communes n'ont utilisé ce jugement pour renforcer le processus démocratique en consacrant le principe d'égalité. Ils ont fait en sorte que les petits partis soient plus marginalisés que jamais, les qualifiant de marginaux et de non pertinents. Même le radiodiffuseur d'État ne juge plus opportun de leur accorder des entrevues symboliques aux grandes heures d'écoute lors d'une élection ou de les considérer dignes d'être entendus de quelque manière que ce soit dans un débat organisé par l'État à quelque niveau que ce soit.

Le premier ministre Justin Trudeau est allé jusqu'à justifier cet état de choses en disant que ces partis sont extrémistes et indignes de toute reconnaissance. Lors d'une réunion à la mairie de Yellowknife le 10 février 2017, répondant à des questions sur le revirement de son gouvernement en matière de réforme électorale, Trudeau a déclaré dans un reportage de la CBC : « Si nous devions faire un changement ou risquer un changement qui augmenterait les voix individuelles – qui augmenterait les voix extrémistes et les voix des activistes qui ne peuvent pas aller dans un parti qui décide ce qui est le mieux pour l'avenir du pays, comme le font les trois partis existants – je pense que nous entrerions dans une période d'instabilité et d'incertitude. »

Le gouvernement du Canada a dû affronter d'autres contestations judiciaires de sa Loi électorale, notamment la décision de la Cour d'appel de l'Alberta sur le financement des tiers (Somerville, 1996) et l'arrêt de la Cour suprême du Canada sur l'interdiction de diffuser de la publicité électorale et des sondages (Libman, 1997 et Thomson Newspapers, 1998).

Au lendemain de l'élection fédérale du 2 juin 1997, la Chambre des communes a lancé un autre examen du processus électoral, celui-ci par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre présidé par Peter Adams. Cet examen était clairement motivé par les contradictions dans les cercles dirigeants sur le déroulement de cette élection, notamment sur les questions de la publication des sondages d'opinion et les dépenses des tiers. Il important de rappeler que l'examen a eu lieu dans une situation où le débat public s'était intensifié et où des revendications en faveur de la représentation proportionnelle étaient formulées par divers milieux, notamment par le NPD et les conservateurs. Alors que de plus en plus de gens prennent conscience du faible pourcentage du vote populaire nécessaire pour qu'un parti forme le gouvernement et du déséquilibre persistant à la Chambre des communes en l'absence d'une « opposition officielle » qu'on pourrait dire représentative de tous ceux qui ne sont pas représentés par le parti au pouvoir, la représentation proportionnelle a été présentée comme un mécanisme qui permettrait de refléter plus fidèlement le soutien populaire aux partis par l'attribution des sièges à la Chambre des communes.

Dans Un pouvoir à partager, le PCC(M-L) avait déjà souligné que le problème clé de la loi C-114 de 1993 était qu'elle ne corrigeait pas « les aspects de la Loi électorale qui transgressent le principe démocratique d'égalité et le principe que la souveraineté appartient au peuple. Citons notamment la position privilégiée de l'élite politique. » Quel que soit le nombre de contestations judiciaires, de séries de « consultations » et de « révisions », la crise politique a continué à s'aggraver, tout comme l'inquiétude du peuple sur des questions comme la participation du Canada à la guerre d'agression contre la Yougoslavie et le recours croissant à la « gouvernance par décret » dans la poursuite de l'offensive antisociale. Les problèmes liés au processus politique demeuraient.

Le directeur général des élections a alors fait plusieurs recommandations qui ont ensuite ouvert la voie à des réformes majeures de la réglementation du financement électoral, notamment avec la loi C-24 en 2003, mais elles n'étaient toutes que des tentatives de limiter la corruption des partis siégeant à la Chambre des communes par un renforcement des pouvoirs de surveillance, ce qui a accéléré la tendance à faire des partis politiques enregistrés des appendices de l'État – une violation fondamentale du principe démocratique.

Les interventions du Parti lors des réunions de répartition du temps d'émission où a été défendu le principe de l'égalité de traitement de tous les partis enregistrés, ainsi que ses présentations aux différents comités et commissions ont également montré que le PCC(M-L) est un parti politique qui s'attaque sérieusement au problème du renouveau démocratique en cherchant des solutions aux problèmes qui se présentent. Le PCC(M-L) élabore constamment l'approche qui sert les intérêts de la classe ouvrière dans toutes les conditions et circonstances. Il ne se contente pas de proposer une vision, il formule des revendications concrètes qui peuvent réellement résoudre ce problème important auquel fait face le corps politique.

Notes

1. Mémoire du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) à la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, présenté par Hardial Bains au nom du Comité central du PCC(M-L), 20 septembre 1990, Archives du CRHB.

2. Lors du référendum sur l'Accord de Charlottetown, le Comité « Votez Non le 26 octobre » a publié deux livres d'Hardial Bains traitant du problème constitutionnel au Canada : La substance du Rapport du consensus sur la constitution et Pour faire face à l'avenir – les problèmes d'un Canada postréférendaire dans une optique non partisane. Un troisième livre, Un pouvoir à partager – une définition moderne du processus politique et un plaidoyer pour le renouveau démocratique, publié en octobre 1993, porte sur le renouvellement du processus politique et constitue une autre contribution importante à ce travail.

3. Hardial Bains a présenté une communication lors du séminaire sur « les aspects théoriques et politiques de la lutte pour les droits humains en Inde » en mai 1992 sous le titre L'état des droits de l'homme dans l'après-guerre froide – un traitement théorique et politique. En tant que chef national du Parti, Hardial Bains a également présenté une série de mémoires aux commissions parlementaires sur la politique sociale, la politique étrangère, la citoyenneté et l'immigration, l'unité et l'identité canadiennes, l'avenir du Québec et une nouvelle direction pour l'économie, en articulant la demande d'un référendum exécutoire sur la direction de l'économie. Tout au long de l'année 1994, le PCC(M-L) a publié les revues Discussion hebdomadaire et Discussion – Revue trimestrielle de la pensée marxiste-léniniste contemporaine qui ont traité de la nécessité de définir de façon moderne les droits, la démocratie, les partis politiques, la citoyenneté et la société.

4. Mémoire du Parti marxiste-léniniste du Canada dans l'affaire Figueroa c. Le Procureur général du Canada, Cour de l'Ontario n 93-CU-71797, soumis le 30 novembre 1993, Archives du CRHB

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32e anniversaire de la Commission royale sur la réforme
électorale et le financement des partis

L'importance du mémoire du PCC(M-L) à la Commission Lortie

Après les élections fédérales de 1988 et les circonstances qui les ont entourées, la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis (la Commission Lortie) a été créée le 15 novembre 1989. La période durant laquelle la Commission Lortie a effectué son travail a coïncidé avec celle des bouleversements dans l'ancienne Union soviétique et les pays d'Europe de l'Est qui ont par la suite conduit à leur effondrement.

L'introduction du rapport de la Commission Lortie intitulé « Pour une démocratie électorale renouvelée » soulignait ceci :

« Les Canadiens et Canadiennes n'ont pas été insensibles à cette leçon de l'histoire. Ils apprécient davantage leur système démocratique et tous les droits et libertés qui en découlent. Mais bon nombre de citoyens et citoyennes demeurent insatisfaits du fonctionnement de notre démocratie électorale, et plusieurs sont venus en témoigner éloquemment aux audiences publiques de la Commission. Loin de se contenter d'ajustements législatifs superficiels, ils réclament une réforme en profondeur centrée sur les principes mêmes et la finalité de la démocratie électorale[1]. »

La Commission Lortie a également été créée pour répondre aux contestations de la Loi électorale en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. L'introduction du rapport de la Commission Lortie explique :

« Le regain d'intérêt pour la dimension éthique de la politique prend un relief particulier dans le contexte canadien. La Charte canadienne des droits et libertés a en effet suscité de nouvelles attentes quant aux droits légitimes des citoyens et citoyennes. Elle a aussi transformé notre cadre de gouvernement. Depuis son adoption, les citoyens et citoyennes ont un autre recours que celui des parlementaires et des partis. Pour faire valoir leurs droits et revendications d'ordre constitutionnel, ils peuvent désormais s'adresser aux tribunaux.

« Ces changements ne sont pas que des considérations théoriques. Sur plusieurs questions fondamentales, des poursuites fondées sur la Charte ont entraîné des jugements qui ont modifié les assises mêmes de notre législation électorale. À la lumière des principes éthiques qui sous-tendent la Charte, les citoyens et citoyennes ont reconsidéré de nombreuses pratiques reliées aux élections – notamment celles des partis politiques – et les ont trouvées inadéquates. Il est clair, par conséquent, que la réforme des pratiques électorales doit s'inspirer de principes éthiques. L'éthique n'est pas confinée au domaine de la théorie politique : sur le plan pratique, elle a une portée considérable que nous aurions tort de sous-estimer[2]. »

Ce que la Commission n'a pas dit, c'est que toutes les commissions qui ont examiné la Loi électorale et/ou tout autre organe d'examen créés au Canada depuis la tenue des élections ont été motivées par l'une des deux choses suivantes :

1) les scandales et les irrégularités qui ont discrédité le processus électoral, notamment aux yeux du peuple, et/ou

2) le besoin désespéré d'argent des partis politiques à la Chambre des communes, en particulier les conservateurs, les libéraux et les néodémocrates. Ils ont adopté des modifications électorales de manière à pouvoir utiliser le trésor de l'État et ont usé de leur contrôle du parlement pour étendre leurs positions de pouvoir et de privilège qui a fini par créer le système de gouvernement de partis cartellisés que nous avons aujourd'hui.

Jusqu'à aujourd'hui, aucun examen n'a été entrepris sur la nécessité de rendre la Loi électorale conforme aux exigences de la démocratie moderne en tenant compte des développements au sein du corps politique et de ses besoins ainsi que de l'expérience des peuples au Canada et dans le monde. Toutes les modifications ont été faites à des fins intéressées et la plupart n'ont fait qu'aggraver la crise de légitimité et de crédibilité dans laquelle le système de démocratie représentative et les institutions démocratiques libérales sont enlisés.

La Commission Lortie a publié un important volume de travaux comprenant ses recherches sur le haut niveau de mécontentement des Canadiens envers le processus politique. Ses conclusions à cet égard ont été corroborées par les interventions de milliers de Canadiens à la Commission Spicer, officiellement connue sous le nom de Forum des citoyens sur l'avenir du Canada, dont les conclusions ont été publiées en juin 1991 dans son Rapport à la population et au gouvernement du Canada.

Le dirigeant du PCC(M-L) Hardial Bains a répondu au rapport et aux recommandations de la Commission Lortie dans son livre Un pouvoir à partager : Une définition moderne du processus politique et un plaidoyer pour le renouveau démocratique. Ce livre a notamment identifié les principes et concepts clés qui sont à la base de la Loi électorale du Canada, comme les notions d'« élections libres et équitables », de « traitement équitable » et de « partis politiques en tant qu'organisations politiques primaires[3]. »

Les deux années qui ont suivi les audiences de la Commission royale ont été marquées par des changements spectaculaires, notamment la défaite de l'establishment lors du référendum du 26 octobre 1992 sur les modifications de la Constitution, connu sous le nom d'Accord de Charlottetown. Des centaines de milliers de personnes ont exprimé leur mécontentement à l'égard du processus politique et des politiciens. Malgré cela, après la défaite de l'Accord de Charlottetown, aucun changement n'a été apporté à la politique du gouvernement sur aucune des questions importantes qui préoccupent l'électorat. Au contraire, le gouvernement a déclaré « les affaires comme d'habitude » et continué d'agir comme si rien ne s'était passé. Sur le front de la réforme de la législation électorale, cela s'est traduit par davantage de mesures intéressées pour consolider le régime qui maintient au pouvoir les partis avec des positions de pouvoir et des privilèges au moyen d'un cartel qui prive de pouvoir le peuple.

Le 26 novembre 1992, le Comité parlementaire spécial sur la réforme électorale, composé de députés progressistes-conservateurs, libéraux et néodémocrates, s'est réuni à huis clos pour discuter d'un projet de rapport provisoire sur les modifications à apporter au processus électoral. Il est remarquable qu'une fois de plus, les partis politiques représentés au Parlement ont adopté une loi sans tenir compte de l'opinion exprimée par l'électorat.

Plus le temps passe, plus il est clair que quel que soit le gouvernement qui est porté au pouvoir par des élections dans lesquelles le peuple n'exerce aucun contrôle sur quelque aspect que ce soit, plus on voit que ce gouvernement n'a pas le consentement des gouvernés et plus la crise de légitimité dans laquelle sont enlisées les institutions démocratiques libérales s'approfondit. Les partis politiques dits « majeurs » qui siègent à la Chambre des communes ne se mettront pas au service de l'électorat et n'apporteront pas les changements nécessaires qui donneront un pouvoir au peuple. L'électorat n'a pas d'autre choix que de trouver un moyen de garantir la défaite de ces partis et d'élire des députés qui participent à la lutte du peuple pour s'investir du pouvoir

Résumant l'expérience depuis le 20 septembre 1990, lorsqu'Hardial Bains a présenté le mémoire du Parti marxiste-léniniste du Canada à la Commission Lortie, notre Parti a développé ses propositions de renouveau démocratique du processus électoral afin que le peuple puisse se représenter lui-même et ne pas abandonner le pouvoir de parler et d'agir en son nom à de prétendus représentants sur lesquels il n'exerce aucun contrôle. En fait, une fois élus, ces soi-disant représentants jurent allégeance à la personne fictive de l'État qui est censée représenter la nation.

Les changements proposés à l'heure actuelle par le PCC(M-L) visent à habiliter l'électorat. Ils comprennent à la fois la théorie qui les sous-tend et ce qui doit être fait immédiatement pour les mettre en pratique.

Le PCC(M-L) a adopté une approche non partisane de la question de la réforme électorale, ce qui est une condition préalable pour investir le peuple du pouvoir. Le PCC(M-L) lance l'appel à tous et à toutes de s'engager dans le programme de renouveau démocratique pour acquérir la capacité d'affronter le moment de vérité où nous sommes aujourd'hui. Celui-ci se caractérise par l'imposition de la poursuite des « affaires comme d'habitude » en conséquence de l'usurpation du pouvoir de décision par des intérêts privés étroits qui dictent aux gouvernements ce qu'ils doivent faire. L'exemple notoire de Black Rock et de son rôle dans ce que l'on appelle la relance économique montre clairement comment les décisions sont prises, par qui et pour quoi[4]. La concentration du pouvoir entre les mains d'intérêts privés met toujours plus en danger la vie des gens. Il est temps de continuer de faire pression pour des changements pratiques par lesquels le peuple est investi du pouvoir en créant des forces organisées avec des objectifs politiques.

Notes

1. Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, Volume 1 (Ottawa, 1er janvier 1991), p. 1

2. Ibid, p. 2

3. Hardial Bains, Un pouvoir à partager : Une définition moderne du processus politique et un plaidoyer pour le renouveau démocratique, Parti du renouveau du Canada, Ottawa, 1993

4. « BlackRock, le supercartel », Peter Ewart, et « BlackRock et la filière canadienne », LML, 13 juin 2020

(Archives du LML, Archives du Centre de ressources Hardial Bains)

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30e anniversaire du Forum des citoyens sur l'avenir du Canada

La classe dominante tourne le dos aux conclusions de la Commission Spicer à ses risques et périls

Il y a trente ans, le 1er novembre 1990, le gouvernement fédéral annonçait la création de la Commission Spicer, officiellement connue sous le nom de Forum des citoyens sur l'avenir du Canada. Au cours des audiences publiques, la Commission Spicer a entendu les points de vue de plus de 400 000 Canadiens qui ont été présentés dans le Rapport à la population et au gouvernement du Canada.

Les opinions exprimées par les Canadiens à la Commission Spicer étaient très importantes, car c'était pour eux une rare occasion de s'exprimer à un moment où le mécontentement envers le gouvernement, le parlement, les partis politiques, les politiciens et même des syndicats était à son comble. Les gens voulaient des changements dans la façon de faire les choses et ils voulaient que ces changements leur soient favorables plutôt que des changements qui favorisent ceux qui sont en position de pouvoir et de privilège. Ils avaient amplement de choses à dire et l'ont dit sans hésitation à la Commission.

Entre autres choses, les Canadiens ont dit qu'il y avait des lacunes dans le processus politique. Au sujet de la Commission Spicer, le dirigeant du PCC(M-L) Hardial Bains a écrit :

« Les Canadiennes et les Canadiens réclament des changements qui reflètent la maturation d'un peuple et d'un pays. Ils sont profondément conscients de l'absence de respect des normes les plus élémentaires de responsabilité des élus envers le peuple. Cette capacité de concevoir le manque, d'abstraire ce qui n'est pas et de saisir ce qu'il faut faire pour combler un besoin, est sans doute l'indice le plus important de la maturation du Canada. »

Loin de prêter attention à ce que les Canadiens leur disaient, les cercles dirigeants du Canada ont tout fait pour cacher sous le tapis cette conscience collective des Canadiens. Ils se sont lancés dans un vaste programme de destruction de la nation pour anéantir toutes les réalisations de la société et du peuple. Loin de renoncer à leurs positions privilégiées, ils ont utilisé ces positions pour concentrer de plus en plus de pouvoir entre leurs propres mains. Cela a rendu le processus électoral plus en plus antidémocratique au point que dire que ce processus confère au gouvernement le consentement des gouvernés n'a aucun sens.

En même temps, un peuple ne renonce pas à ses réalisations collectives, surtout pas parce que des dirigeants corrompus lui disent de le faire. Il s'appuie sur ces réalisations. Il apprend à défendre ce qui lui appartient de droit. Il persiste à trouver des solutions pour aller de l'avant et lorsqu'il voit comment contribuer à la solution, il le fait sans hésitation.

Les points de vue et les aspirations exprimés à la Commission Spicer n'ont pas conduit à des réformes du processus politique qui répondent aux aspirations des Canadiens et aux exigences d'une société moderne qui reconnaît et garantit la souveraineté du peuple. Cela signifie que le pouvoir de décision doit être entre les mains du peuple et cela demeure l'objectif des luttes que mènent les travailleurs d'un océan à l'autre. C'est ce qu'ils continuent de vouloir.

Aujourd'hui, dans tout le pays, les travailleurs sont en première ligne pour s'assurer que la pandémie de COVID-19, que le gouvernement utilise comme une occasion d'enrichir les riches, ne bouleverse pas leur vie. Dans leur lutte contre l'offensive antisociale, ils sont de plus en plus conscients de la nécessité de nouveaux arrangements – d'institutions et de lois qui garantissent leurs droits. Les travailleurs reconnaissent que les injustices et les inégalités ne sont pas le fait de quelques éléments corrompus ou de mauvaises politiques, mais qu'elles font partie intégrante d'un pouvoir, d'un appareil d'État et d'institutions étatiques qui divisent la société entre ceux qui sont riches et privilégiés qui affirment que leur destin est de gouverner et de s'enrichir et ceux qui sont dirigés de manière à les priver de pouvoir et à la merci des riches.

L'anniversaire de la Commission Spicer intervient à un moment où les libéraux de Trudeau et toutes les forces réactionnaires tentent de diviser le corps politique comme jamais auparavant afin d'imposer leur diktat et de maintenir les Canadiens esclaves des arrangements obsolètes du XIXe siècle appelés démocratie libérale. Le but de leur politique est que l'ensemble de la société se soumette aux riches dans leur quête de richesses. Cela montre que les Canadiens doivent intensifier leurs luttes pour affirmer leur souveraineté et renouveler les institutions démocratiques afin de conjurer les dangers qui les menacent et mettre fin à la destruction nationale.

La classe dominante tourne le dos aux conclusions de la Commission Spicer à ses propres risques et périls. La voie de la destruction qu'elle poursuit montre qu'elle est inapte à gouverner. Les Canadiens ne resteront pas sans rien faire alors que les élites dirigeantes ont choisi une voie dangereuse pour le peuple et son environnement social et naturel.

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Ce que les Canadiens ont dit à la Commission Spicer

Dans la deuxième partie du Rapport de la Commission Spicer, Ce que nous avons entendu, et plus spécifiquement à la section 9 La responsabilité des leaders et la démocratie participative, les membres de la Commission décrivent comme suit la pensée des gens sur ce qui manque au pays :

« Un des messages dominants, c'est que les participants ont perdu confiance à la fois dans le régime et dans leurs dirigeants politiques. Ils ne pensent pas que leurs élus, surtout au fédéral, gouvernent selon la volonté du peuple ni que les citoyens aient actuellement les moyens de remédier à cela. Nombre d'entre eux, surtout à l'extérieur du Québec, souhaitent et sont prêts à appuyer une réforme profonde du système politique, pour autant qu'elle débouche sur un régime politique humain et efficace et des gouvernants réceptifs et responsables.

« Les participants désirent de tels changements parce qu'ils ont perdu confiance dans le système politique actuel et parce qu'ils doutent que les dirigeants prendront des décisions qui reflètent leurs valeurs et leurs aspirations [notre souligné]. Ils exigeraient moins la participation directe aux décisions si des réformes parvenaient à rétablir leur confiance dans le système. Autrement dit, ils voudraient que les grandes décisions qui les touchent soient prises en toute connaissance de cause en tenant compte des opinions et en pensant au bien-être des citoyens en général ». (pages 108-109)

Voici quelques-unes des réactions des citoyens au Forum, telles que citées dans le rapport à titre d'interventions typiques :

« Un couple d'Ontariens âgés d'environ 70 ans : 'Les principes directeurs doivent être l'honnêteté et le dévouement envers le peuple : rien ne se fera sans cela. Pour le moment, le Parlement est un théâtre burlesque où chacun essaye d'avoir la vedette.'

« Un groupe du Manitoba : 'Le groupe veut que les élus se remuent le derrière et se mettent à diriger le pays.'

« Un groupe du Manitoba : 'On n'arrivera pas à nous faire croire qu'il suffit de trouver la bonne formule pour que tout aille bien. Nos dirigeants politiques ont failli; ils n'ont ni vision, ni légitimité.'

« Un élève du premier cycle secondaire de l'Ontario : 'Nous ne pouvons absolument rien faire. On met au pouvoir un gouvernement qui s'engage à améliorer la situation et ce genre de choses... Quand un gouvernement a-t-il jamais tenu ses promesses ? Ce que je pense n'a aucune importance, j'ai 14 ans et personne ne m'écoute...'

« Un groupe d'Ottawa : 'Nos représentants se comportent d'une façon épouvantable au Parlement; on dirait des enfants indisciplinés. Ils se comportent comme de mauvais garnements, n'ont aucune retenue et ne cessent de se quereller entre partis. Pourquoi ne se serrent-ils pas les coudes et n'exploitent-ils pas leurs meilleures idées ?'

« Un groupe du Nouveau-Brunswick : 'Les priorités politiques ne sont pas nécessairement les priorités nationales... Il faut consulter davantage les organisations populaires.' »

Extrait d'une lettre venant du Québec : « II y a un vide politique : les gouvernants n'ont aucune vision précise, aucune suite dans les idées, aucune notion de notre destin national; les pots-de-vin, la corruption et l'incompétence dominent une bureaucratie alourdie par les complications juridiques et fiscales. »

Les commissaires soulignent que le thème sous-jacent des commentaires au Forum est que les gens veulent des dirigeants politiques qui soient réceptifs et responsables sur une série de sujets :

« ...gestion de l'économie, traitement réservé aux peuples autochtones, réforme constitutionnelle et place du Québec dans la fédération, bilinguisme et multiculturalisme. Dans tous ces domaines les citoyens nous ont dit qu'ils n'avaient pas l'impression d'être gouvernés selon leurs désirs ni selon leurs valeurs fondamentales. » (p. 110)

Au sujet des médias :

« Nombre de participants ont dit aux commissaires que les médias portent une lourde responsabilité à l'égard des problèmes et des difficultés auxquels le Canada se trouve confronté du fait qu'ils ne s'efforcent pas suffisamment de fournir des informations de base fiables et ne donnent pas de nous-mêmes une image constructive. C'est le cas de ce citoyen d'Islington, en Ontario, qui a lancé : 'Les médias, source de désinformation et de confusion par excellence.'

« Les participants sont souvent d'avis que les médias ont la fâcheuse tendance à faire dégénérer les problèmes en crises en exagérant les conflits et en déformant les faits : 'Les médias nous ont fait beaucoup de tort en montant en épingle le sentiment séparatiste au Québec et le lac Meech. Les médias ont versé dans l'exagération et dans le sensationnalisme', a déclaré un groupe de discussion du Manitoba. Un participant de Merville, en Colombie-Britannique : '[les] médias doivent cesser de mettre l'accent sur nos différences et s'attacher davantage à faire ressortir ce que nous avons en commun et ce qui nous unit.' »

Les commissaires concluent :

« À nos yeux, il est clair que les participants au Forum investissent non seulement les dirigeants politiques, mais aussi les médias, de la responsabilité d'adhérer aux valeurs canadiennes fondamentales. »

La plupart des participants, selon les commissaires, croient aux valeurs fondamentales que sont « l'égalité, l'équité et la coopération. »

La notion d'égalité s'applique aux personnes, aux provinces et aux régions du Canada. On s'oppose fortement à l'octroi de privilèges particuliers pour toute province. L'absence d'équité a été soulignée par différents groupes, comme les Acadiens, les autochtones, les anglophones au Québec, les francophones hors Québec, des résidents des prairies et des provinces maritimes.

D'autres soulignent le besoin de coopération si nous voulons réaliser le genre de pays que nous désirons. Il existe ce sentiment généralement répandu que le Canada est un pays improbable avec une population éparse vivant sur une grande étendue et concentrée dans des villes perlées le long de la frontière américaine. Les participants préconisent une coopération active entre Canadiens.

La grande majorité des interlocuteurs du Forum ne pensent pas que leurs dirigeants actuels aient gouverné le pays selon des valeurs fondamentales. Si d'aucuns le déplorent et manifestent leur déception, un nombre bien plus grand de citoyens sont furieux, et leur colère est surtout dirigée contre les politiciens fédéraux. Les commissaires citent les passages suivants :

« ...l'absence de vision est la véritable raison pour laquelle le Forum a été créé. Le premier ministre, son Cabinet, son parti et, à vrai dire, tous les partis et toutes les assemblées législatives, manquent de vision. Aucun d'entre eux n'a été ni n'est capable d'envisager un avenir nouveau pour le Canada, et quand nous réclamons des propositions, ils avouent qu'ils n'en ont pas à faire. »

« ...il y a un autre problème, c'est que le premier ministre est incapable de garder le contact avec le public. La plupart des gens étaient contre le libre-échange, contre la TPS, contre les réductions (pour ne citer que quelques exemples), mais cela ne l'a pas empêché de nous les imposer de force, que nous le voulions ou non. »

« Nos trois chefs politiques ne privilégient pas l'intégrité intellectuelle. »

« Les négociations du lac Meech se sont déroulées dans le secret. Cela ne doit plus jamais se reproduire. »

« Le gouvernement est seul responsable du sentiment généralisé de désunion qui règne au Canada. La façon dont il essaie de régler les problèmes qui compromettent l'unité canadienne est déplorable. »

« Ce sont les politiciens, et surtout notre premier ministre, qui n'ont pas compris le message, et ils ne veulent pas l'entendre. Le premier ministre fera des pieds et des mains pour réaliser la décentralisation, même si cela provoque l'éclatement du pays. S'il perd le Québec, il perd son principal allié. Le plus inquiétant, c'est que ce scénario qui prévoit l'octroi de pouvoirs plus étendus aux provinces, ne déplaît pas du tout à bien des premiers ministres provinciaux. »

Les commissaires notent que bon nombre de Canadiennes et de Canadiens ont le sentiment que

« ... le parlement ne signifie pas grand-chose, parce qu'il est sous la coupe du gouvernement et que les autres représentants élus n'ont que peu ou pas du tout d'influence, est très répandu. Des participants nous ont dit que cette situation serait tolérable si seulement le gouvernement actuel respectait son programme électoral; en l'occurrence, il n'existe presque aucun rapport entre celui-ci et les mesures prises par la suite par le gouvernement [notre souligné]. En effet, au cours de son mandat, il élabore et applique des politiques d'envergure jamais évoquées, ou à peine, pendant la campagne. Comme l'a si bien dit un participant,'' ...on a généralement l'impression qu'il existe un manque de communication entre la population en général et le gouvernement, que les politiciens ne se sentent plus obligés de rendre des comptes au peuple une fois qu'ils ont été élus'. »

Les commissaires font remarquer que les gens jugent nécessaire de trouver les moyens d'obliger les députés à consulter leurs électeurs sur les grandes questions ou de leur donner une plus grande marge de manoeuvre ou d'exiger d'eux qu'ils votent conformément aux désirs de leurs électeurs. Un groupe de discussion de l'Ontario a exprimé le consensus à ce sujet dans les termes suivants :

« Il faut changer de gouvernement. Il faut un système permettant à nos représentants élus de représenter vraiment leurs électeurs et de tenir compte de leurs désirs. [...] Dans un pays moderne où le niveau d'instruction de la population est élevé, il est inadmissible d'invoquer l'excuse que l'on a été élu pour prendre des décisions et que l'on n'a pas besoin de connaître l'opinion des électeurs ».

Un autre intervenant ajoute :

« Dans le régime démocratique actuel, les abus sont monnaie courante, à l'échelle tant fédérale que provinciale; c'est le principal problème. Nos politiciens ne nous écoutent pas et leur conduite est dictée par la solidarité de parti. »

Un groupe du Yukon :

« Nous avons le droit de parole deux fois tous les dix ans seulement. On se fait dire ensuite « les Canadiens m'ont élu, donc... », ce qui est humiliant. Nous en sommes arrivés à nous méfier de cette méthode. Les politiciens n'ont pas à modifier la trame du pays... Ils doivent écouter le peuple au lieu de s'en remettre à une armée de conseillers. Ce n'est pas possible avec les sondages d'opinions. Socrate a démontré que les questions appellent les réponses. »

Un intervenant de Colombie-Britannique :

« Les députés qui sont élus devraient rendre des comptes à leurs électeurs et se comporter aux Communes conformément à l'avis de la majorité d'entre eux pour les questions d'importance nationale. »

Les commissaires notent ensuite que bon nombre de participants ont réclamé le droit de révoquer un député :

« Les citoyens devraient avoir le pouvoir de révoquer un député s'il ne sert pas les intérêts du pays, s'il ne propose pas de projets de loi ou s'il ne défend pas les droits des citoyens et n'essaie pas d'améliorer leur situation ni celle du pays. »

« Il faut modifier la Constitution pour trouver un moyen de destituer les politiciens qui ne gouvernent pas selon les voeux de leurs électeurs. S'ils n'accomplissent pas la mission qui leur a été confiée par ceux-ci, il faut les remplacer. »

L'intervention suivante résume bien une opinion très répandue :

« Il faut pouvoir révoquer le gouvernement et l'obliger à rendre directement des comptes aux électeurs. Vous ne nous gouvernez pas, vous travaillez pour nous. Cessez de nous faire des cachotteries et essayez d'être francs et honnêtes. Les gens de ce pays aspirent à avoir un gouvernement honnête. »

Les deux mécanismes les plus populaires comme moyens pour changer la situation sont la tenue de référendums sur des questions importantes et la création d'une assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle constitution :

« II faut créer une assemblée constituante indépendante du gouvernement, dans laquelle les diverses provinces (ou régions) et territoires ainsi que les groupes autochtones seront représentés de façon équitable. »

Un intervenant de la Nouvelle-Écosse écrit : « Mettez fin au fédéralisme exécutif ! »

(Pour un rapport complet sur ce que les Canadiens ont dit à la Commission Spicer, voir : Pour faire face à l'avenir — Les problèmes d'un Canada post-référendaire dans une optique non partisane, Hardial Bains, 1992)

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28e anniversaire de la défaite du Rapport du consensus sur
la Constitution lors du référendum de 1992

La signification de l'Accord de Charlottetown
et de sa défaite


Le dirigeant du PCC(M-L) Hardial Bains s'adresse aux participants à une réunion du Comité « Votez Non le 26 octobre » à Ottawa le 10 septembre 1992.

Le 26 octobre était l'anniversaire du référendum sur l'Accord de Charlottetown et de la défaite des forces de l'establishment ce jour-là en 1992 par le peuple canadien. L'Accord de Charlottetown, dont l'appellation officielle était le Rapport du consensus sur la Constitution, était une entente conclue entre le premier ministre de l'époque, Brian Mulroney, dix premiers ministres provinciaux, deux représentants des Territoires et quatre chefs autochtones[1].

L'Accord de Charlottetown a été la deuxième tentative de réforme constitutionnelle du gouvernement conservateur. La première était l'Accord du lac Meech en 1987 qui n'avait pas réussi à gagner l'approbation nécessaire des assemblées législatives provinciales et territoriale et avait avorté le 23 juin 1990. [2] Durant cette période, la revendication d'une assemblée constituante ou d'une convention constitutionnelle élue au suffrage universel est apparue comme un rejet du contrôle élitiste et une proposition de voie vers l'avant pour les peuples du Canada pour qu'ils décident de leur propre loi fondatrice.

Bien que dans la période menant à l'Accord de Charlottetown il y a eu une série de consultations cherchant prétendument à solliciter les contributions des Canadiens à cette nouvelle tentative, sa rédaction a été faite dans l'esprit élitiste du lac Meech. Dès que 11 premiers ministres eurent conclu une entente de principe sur une ébauche finale, ils ont décidé d'organiser deux ultimes réunions à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, où ils tiendraient une cérémonie de signature symbolique. Ainsi cherchaient-ils à exprimer la confiance de l'élite dirigeante dans leur réalisation, car c'est à Charlottetown que, du 1 au 9 septembre 1864, les dirigeants de cette époque avaient élaboré plusieurs des résolutions pour appliquer les décisions prises par le Parlement impérialiste de Londres, en Angleterre, qui ont ensuite conduit à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867.

Plus important encore, le fait d'évoquer la réunion des « pères fondateurs » du Canada était une forte expression de la conviction des premiers ministres que les normes politiques des XVIIIe et XIXe siècles seraient acceptées par le peuple canadien et que celui-ci abandonnerait la nécessité moderne d'une convention constitutionnelle et de la participation des citoyens à la rédaction de leur propre constitution. Le fait d'avoir choisi Charlottetown comme lieu emblématique de la naissance de la Constitution est en soi contestable puisqu'en réalité c'est à la Conférence d'octobre 1864 à Québec que les 72 Résolutions constitutionnelles des « pères fondateurs » ont vu le jour, tandis que 69 autres résolutions ont été rajoutées à Londres, en Angleterre, en décembre 1866, et c'est cet ensemble de résolutions qui ont constitué l'Acte de l'Amérique du Nord britannique en 1867. On ne peut présumer qu'il n'a pas été jugé approprié de nommer l'Accord en l'honneur de Québec ou de Londres.

Le but de l'Accord de Charlottetown était d'enchâsser le statu quo dans la Constitution et de céder aux premiers ministres du Canada — le premier ministre et les premiers ministres provinciaux — le droit de prendre les décisions au nom du peuple canadien. Ainsi auraient-ils eu carte blanche pour faire ce qu'ils voulaient, tandis que le peuple canadien était mis à l'écart, réduit au seul et unique rôle de masse votante pouvant voter de temps à autre.

Tout comme aujourd'hui, à cette époque un large mécontentement face au processus politique et aux politiciens s'est fait entendre partout au pays, sur la base que le peuple n'exerçait aucun contrôle sur les affaires du corps politique. La question de la souveraineté et de son fondement — la monarchie ou le peuple — a pris l'avant-scène d'assaut. L'Accord de Charlottetown a conservé la clause investissant la Reine de la souveraineté, soutenant, pour se justifier, que le monarque n'était simplement qu'un chef d'État titulaire et que le véritable pouvoir était entre les mains d'un gouvernement de partis élus par le peuple. Non seulement une telle désinformation contribue-t-elle à confondre les rôles du gouvernement et de l'État dans le but de cacher qui contrôle l'État, mais aussi qui la démocratie et les institutions démocratiques représentent.

Quoi qu'il en soit, ces efforts pour détourner le peuple de la nécessité d'investir la souveraineté dans le peuple n'ont pas réussi. Au contraire. Non seulement a-t-il refusé de volontairement céder son droit inhérent de participer aux prises de décisions qui affectent sa vie et de contrôler le pouvoir décisionnel, il a exprimé sa profonde préoccupation face aux questions constitutionnelles du Canada et la nécessité de moderniser les arrangements constitutionnels conclus il y plus de cent ans — il y a 128 ans, plus précisément. Décider de la loi fondamentale du pays est un droit qui appartient au peuple qui forme le corps politique sur la base d'arrangements qui lui sont favorables, et non à des hommes de propriété de race blanche et de nationalité britannique qui ont signé la constitution de 1867 en tant qu'acte du parlement britannique sous l'égide du 4e comte de Carnavron au château de Highclere dans le Hampshire, en Angleterre (rendu populaire par la série Downton Abbey) [3].

La préoccupation du peuple face à l'état de la constitution et des affaires politiques s'est reflétée dans sa participation massive au référendum de Charlottetown. À l'échelle nationale, 73 % des votants admissibles se sont prononcés. Lors des élections de 1993, qui ont réduit à deux les sièges des conservateurs de Mulroney à la Chambre des communes, le taux de participation était de 69,6 %. Depuis lors, le taux de participation électorale n'a cessé de diminuer, avec quelques fluctuations mineures, allant du faible niveau de 58,8 % aux élections de 2008, au niveau dit « élevé » de 68,1 % lors des élections d'octobre 2015, alors que le taux de participation aux élections fédérales de 2019 n'était que de 67 %.

Le nombre de personnes qui ont voté Non était de 7 550 723 (54,2 %) et le nombre de personnes qui ont voté Oui était de 6 185 902 (44,8 %). Seuls Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick et les Territoires du Nord-Ouest ont voté Oui. Toutes les autres provinces et le Yukon ont voté Non. En Ontario, les résultats étaient presqu'égaux, 49,8 % ayant voté Oui et 49,6 % ayant voté Non.

Les « consultations » cruelles et cyniques menant à l'Accord de Charlottetown

Après la défaite de l'Accord du lac Meech, une myriade de consultations publiques et de délibérations de comités parlementaires spéciaux ont eu lieu sous prétexte d'engager le peuple dans le processus constitutionnel et de « préparer le terrain » pour la prochaine ronde constitutionnelle qui ont mené à l'Accord de Charlottetown. Ainsi, on prétendait que, contrairement à l'Accord du lac Meech, les Canadiens, ayant été largement consultés, appuieraient l'accord lors du référendum.

En décembre 1990, un Comité mixte spécial sur la Constitution du Canada a été mis sur pied pour étudier les formules d'amendements de la Constitution et « mener de vastes consultations auprès des Canadiens [...] du rôle de la population canadienne dans le processus ». Une aversion marquée à la reconnaissance de l'existence des citoyens comme entités compétentes du corps politique était frappante. Dans son rapport publié en juin 1991, le comité affirmait que « la solution de rechange au fédéralisme exécutif [4] qu'on a le plus souvent évoquée et de loin, est une forme d'assemblée constituante ou de convention constitutionnelle. Nos audiences, disait-il, nous portent même à croire que l'idée d'une assemblée constituante s'est enracinée dans la pensée politique canadienne depuis l'échec, l'an dernier, de l'Accord du lac Meech. Il y a un an à peine, il n'en était presque jamais question dans les débats publics et même les adversaires les plus féroces du processus de négociation du lac Meech à l'époque n'en évoquaient pas la possibilité. Mais aujourd'hui l'idée d'un forum de ce genre est partout dans les médias, comme elle s'est retrouvée aussi dans les témoignages que nous avons entendus ou reçus. »
En outre, le comité disait que « l'insatisfaction de la population face à la procédure actuelle de modification de la Constitution [est telle] que toute nouvelle proposition, si valable soit-elle, serait rejetée d'emblée si la population avait l'impression qu'elle est l'aboutissement des négociations de onze premiers ministres concluant des ententes à huis clos.  » Il affirmait que la participation du public était cruciale pour le succès de toute réforme constitutionnelle.

Malgré tout, le comité a rejeté la demande des Canadiens d'une Assemblée constituante, ridiculisant l'idée qu'une « participation de la population serait assurée par l'élection directe de membres impartiaux aux assemblées en fonction de leurs vues constitutionnelles et de leurs valeurs ». Il a rejeté l'idée qu'une telle instance pouvait mieux refléter la volonté des Canadiens que des « hommes ou femmes politiques élus en fonction du programme général de leur parti ». Deux autres instances consultatives furent mises sur pied pendant cette période. La « Commission Spicer », anciennement connue comme le Forum des citoyens sur l'avenir du Canada, a débuté ses travaux en janvier 1991. La commission était composée de douze « personnalités canadiennes » et dirigée par l'ancien commissaire aux Langues officielles, Keith Spicer. Le forum a reçu des mémoires de différentes organisations et tenu des audiences publiques partout au pays. Près de 400 000 personnes y ont participé. Le forum a publié son rapport final le 27 juin 1991. Non seulement a-t-il confirmé le vaste mécontentement politique, mais aussi le vif intérêt des Canadiens à participer dans la rédaction de leur propre constitution. On disait des centaines de réunions organisées partout au pays qu'elles étaient des « assemblées constituantes virtuelles ».

Ensuite, un Comité mixte spécial sur le Renouvellement du Canada a été créé, composé de 15 députés et de 10 sénateurs. Lui aussi devait offrir au peuple « l'occasion de participer à l'élaboration du plan d'action du gouvernement du Canada pour le renouvellement du Canada ». Il a reçu plus de 3 000 mémoires, un record historique à cette époque, organisé 78 réunions publiques et entendu 700 individus. Il a télévisé cinq conférences constitutionnelles nationales.

La contribution importante du PCC(M-L) au rejet historique
de l'Accord de Charlottetown

En mars 1992, en réponse au Comité mixte spécial sur le renouvellement du Canada, portant le nom de Rapport Beaudoin-Dobbie, une plénière élargie du Comité central du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) a fait connaître son opinion sur les critères d'une constitution démocratique et a appelé les Canadiens à rejeter le Rapport Beaudoin-Dobbie. La déclaration du Parti a établi les exigences fondamentales d'un renouveau démocratique et rejeté la duplicité des notions d'« inclusion » et de « droits » contenues dans le Rapport Beaudoin-Dobbie.

Le comité a recommandé « une nouvelle disposition constitutionnelle qui permettrait aux gouvernements fédéral et provinciaux de se déléguer des pouvoirs législatifs dans le cadre d'un processus ouvert et public ». Dans sa déclaration, le Parti a rejeté les propositions du Comité mixte pour une plus grande consolidation du fédéralisme exécutif comme moyen d'amender la constitution.« C'est en effet une proposition dangereuse, a-t-il écrit. La méthode traditionnelle consistant à priver les Canadiens du droit de prendre toutes les décisions fondamentales les concernant par suffrage direct et universel recevra une protection constitutionnelle selon les propositions du Comité mixte. Nous croyons fermement que tous les Canadiens doivent prendre une position résolue et catégorique à la défense de leur droit de formuler leur Constitution par suffrage direct et universel. Les Canadiens ont déjà rejeté tout ‘processus ouvert et public' qui les prive de ces droits fondamentaux. »

Dans sa déclaration, le Parti a aussi abordé le problème central de la relation entre la constitution et la forme de gouvernement, ou la nature du système économique ou politique qu'elle embrasse. C'était particulièrement important à la lumière de la conjoncture dans la direction de l'économie canadienne. Alors que le gouvernement avait commencé l'intégration du Canada dans l'Amérique du Nord des monopoles avec l'Accord du libre-échange de 1988, le Comité mixte spécial sur le Renouvellement du Canada portait une attention particulière aux arrangements constitutionnels servant le nouvel ordre mondial. Il parlait de la nécessité d'un fédéralisme « capable de relever le défi mondial et de résoudre les problèmes d'un monde de plus en plus petit » et d'une consolidation de la fédération pour que celle-ci puisse permettre « de gérer notre interdépendance inévitable dans l'intérêt de tous les Canadiens ». Ce plus grand bien, l'intérêt de tous les Canadiens, était défini comme étant la création d'une économie basée non pas sur servir les besoins du peuple à tous les niveaux, mais comme une économie qui devait être « compétitive » dans l'économie mondiale. « À notre avis, la Constitution devrait aussi comporter une déclaration par laquelle les Canadiens et leurs gouvernements s'engageraient à se vouer à l'atteinte des importants objectifs économiques de notre pays. [...] En effet, le nouveau contrat social sera un élément important du renouveau économique, et une économie compétitive est une condition du bien-être de la société. » Le Parti a fermement rejeté de telles notions. Il a dit : « Tout cela ne relève pas du domaine des principes fondamentaux. Le seul principe fondamental à respecter à cet égard est le droit du peuple de décider de ces affaires lui-même, comme bon lui semble. Le peuple doit décider selon ses besoins et ses désirs et doit pouvoir le faire à n'importe quelle étape particulière de son développement historique. C'est ce droit qui doit être incorporé dans la Constitution. Il est on ne peut plus clair que le fait d'enchâsser une forme particulière de gouvernement ou de système économique et politique dans une Constitution est une violation fondamentale de la liberté de conscience et de croyance. »

Dans la déclaration du Parti, celui-ci soulignait  : « L'absence de droits fondamentaux dans la Constitution canadienne actuelle est à l'origine de la crise constitutionnelle. D'autres problèmes que soulève le Comité mixte, comme la nécessité d'un renouvellement économique et de fonctionner dans un ‘monde interdépendant' sont des questions de politique gouvernementale et là-dessus encore les Canadiens doivent être consultés à chaque fois que le problème touche aux orientations fondamentales du Canada, mais ces problèmes n'ont rien à voir avec la constitution d'un pays. Tant que le peuple du Canada n'abordera pas ces questions fondamentales, les gouvernements canadiens costinueront de semer le chaos dans la vie des gens. » Enfin, le Parti déclarait que les « principes fondamentaux d'une constitution démocratique constitution » sont :

« 1. Des droits et des devoirs égaux pour tous les Canadiens,

2. Le droit de la nation du Québec à l'autodétermination,

3. La reconnaissance des droits ancestraux des peuples autochtones.

4. Le droit du peuple du Canada de rédiger sa propre constitution (qui nécessite l'élection d'une Assemblée constituante) et de l'adopter par suffrage universel et direct. »

Ce sont les propositions du Comité mixte permanent sur l'avenir du Canada qui ont plutôt été adoptées comme base pour ce qui allait devenir l'Accord de Charlottetown.

Après 32 années : la tâche de renouveler la constitution et la démocratie est toujours à l'ordre du jour

Suite à leur défaite au référendum, les élites dirigeantes ont dit qu'on allait faire « comme si de rien n'était », c'est-à-dire qu'elles allaient continuer à gouverner au moyen du pouvoir exécutif, se permettant de faire les changements qu'elles voulaient sans amender la constitution puisque rien dans les arrangements en vigueur ne leur interdisait de le faire. Et c'est en fait toujours le cas aujourd'hui.

Depuis ce temps, les élites dirigeantes n'ont cessé de dire non à la réouverture de la constitution parce qu'elles ont très peur que l'effort du peuple pour s'investir du pouvoir ne prenne le dessus. On le voit clairement dans la plateforme électorale libérale de 2015 sur la réforme du Sénat, qui dit que « le gouvernement doit se concentrer sur les priorités de la population, et non pas se lancer dans de nouvelles rondes de négociations constitutionnelles ».

L'opposition profonde et universelle des élites dirigeantes à toute reprise des pourparlers constitutionnels lui vient du référendum de 1992. Avec le référendum sur l'Accord de Charlottetown, les Canadiens ont commencé à établir un lien entre la constitution et les droits politiques inhérents à la citoyenneté et leur absence de contrôle sur les décisions qui affectent leur vie de tous les jours.

Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) a été très actif durant le référendum sur l'Accord de Charlottetown. C'est le Parti qui a été le fer de lance du Comité « Votez Non le 26 octobre », dont son dirigeant Hardial Bains a fait remarquer que, dans sa forme la plus simple, la question est devenue de plus en plus centrée sur le problème suivant : si la constitution doit ou non garantir un certain nombre de droits fondamentaux.

Hardial Bains a souligné que lorsque John A. Macdonald a déclaré qu'au Canada il n'y avait « pas de droits, seulement des privilèges », il n'y avait aucune illusion que le gouvernement défendrait les droits et les libertés du peuple. Il a dit que le rapatriement de la Constitution et l'inclusion de la Charte des droits et libertés en 1982 ont servi à créer des illusions au sujet du degré auquel les droits et libertés allaient maintenant être garantis. Or, lorsqu'on y regarde de plus près, a dit Hardial Bains, « c'est le même diktat : il n'y a pas de droit, que des privilèges. »[5]

Hardial Bains a conclu que le peuple canadien ne peut plus fonctionner dans le cadre du cadre constitutionnel actuel.

« Les Canadiens ont commencé à réaliser que la constitution canadienne ne reconnaissait pas les citoyens qui forment le corps politique canadien, ni les droits et les devoirs qui leur reviennent en vertu de leur appartenance au corps politique. En même temps, cette période a vu l'émergence des Canadiens en tant que peuple et leur opposition à la notion raciste de 'deux peuples fondateurs'. Cela s'est accompagné de leur revendication de la reconnaissance de l'égalité de tous les citoyens sans distinction de langue, d'origine nationale, etc. »[6]

« Les limitations, que lui impose la constitution par la négation de sa souveraineté et de son droit de décider de sa constitution, et par un processus politique et électoral qui ne lui reconnaît aucun rôle dans le gouvernement du pays, l'empêchent d'agir pour résoudre les problèmes auxquels il fait face. »

Hardial Bains a judicieusement analysé que c'est une « loi de la limitation » qui enlève aux Canadiens « la possibilité de s'attaquer aux multiples problèmes qui rongent la société »[7].

Face à cet effort de l'establishment canadien pour mettre fin à la question constitutionnelle, les membres du Comité « Votez Non le 26 octobre » ont canalisé leur colère dans un programme pratique pour investir le peuple du pouvoir afin qu'il puisse exercer un contrôle sur ses affaires.

Hardial Bains s'adresse aux participants à la Conférence constitutionnelle du Parti canadien du Renouveau à Ottawa le 11 septembre 1993.

Le Conseil national pour le renouveau fut fondé le 19 décembre 1992 à Toronto. Pendant une campagne de recueillement de signatures, 25 000 personnes ont donné leur appui officiel à la fondation du Parti canadien du renouveau en avril 1993, une association non partisane qui allait continuer le travail pour le renouveau du processus politique. Une Campagne pancanadienne pour une constitution moderne et le renouveau démocratique fut lancée à l'automne 1994.

Les deux positions diamétralement opposées qui sont apparues pendant la campagne référendaire sur l'Accord de Charlottetown montrent qu'une campagne pancanadienne pour une constitution moderne et le renouveau démocratique n'a rien perdu de son importance et de sa pertinence aujourd'hui. Une position dit que la Loi constitutionnelle de 1982 est quelque chose qui n'a rien de pertinent pour les Canadiens ; selon elle, la démocratie canadienne « telle que nous la connaissons » est très bonne, à condition qu'on ne la mette pas à mal et les problèmes auxquels les Canadiens et la société font face relèvent de domaines non constitutionnels comme l'économie ou les affaires sociales et culturelles, ou peuvent être résolus par des changements aux politiques gouvernementales. Aujourd'hui, l'absence de consentement du peuple à ce que le gouvernement se donne des pouvoirs d'urgence pour pouvoir agir sans aucune limitation se traduit par une sorte d'hystérie pour préserver ce qui est appelée les institutions démocratiques. Les notions néolibérales de gouvernement fondé sur des règles, de société civile, de légitimité et de « valeurs canadiennes » sont continuellement colportées pour justifier la domination des ploutocrates.

L'autre position avancée concernant la Constitution est au coeur du programme du projet d'édification nationale moderne du PCC(M-L). Le PCC(M-L) souligne que la société canadienne est arrivée à un point où son développement est entravé par son fondement constitutionnel qui est enraciné dans les conceptions coloniales, racistes et anti-peuple de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 (lesquelles n'ont pas été écartées avec le soi-disant rapatriement de la Constitution en 1982) et la Loi constitutionnelle (1982) a été adoptée avec sa Charte des droits et libertés. Les conceptions des droits sont fondées sur des « limites raisonnables » décidées par un pouvoir caché et le processus politique qui continue d'être fondé sur toutes les notions en vogue pendant la période de la guerre froide[9].

L'Accord du lac Meech et l'Accord de Charlottetown portaient tous deux l'empreinte de l'offensive antisociale néolibérale et des intérêts privés étroits qu'elle favorisait. Ils sont venus dans la foulée de l'intégration à toute vapeur du Canada dans l'économie dominée par les États-Unis et sa machine de guerre et avaient comme un de leurs objectifs le démantèlement des accords de partage du pouvoir existants pour faciliter l'ouverture du pays aux plus puissantes forces du marché mondial. Cette tendance s'est poursuivie jusqu'à ce jour et le discours du Trône du gouvernement Trudeau en est l'exemple le plus récent.

Depuis sa défaite du 26 octobre 1992, l'élite dirigeante n'a plus jamais osé soumettre la question de la constitution au peuple canadien. Dans cette optique, la demande des Canadiens de renouveler les arrangements électoraux et constitutionnels et leur quête pour s'investir du pouvoir de décider sous toutes ses formes continuent de représenter le plus grand obstacle à la voie régressive et dangereuse de l'élite dirigeante canadienne.

L'incapacité des cercles dirigeants à résoudre la crise de la gouvernance et à moderniser les arrangements politiques au moment du référendum sur l'Accord de Charlottetown a aggravé la dégénérescence de la vie politique, sociale et économique du pays à cause de la prise de contrôle néolibérale directe de l'État et de ses institutions et du gouvernement par les intérêts privés étroits des oligopoles, de leurs cartels et de leurs coalitions. La situation à laquelle font face les Canadiens aujourd'hui montre clairement la nécessité urgente de se joindre au travail du renouveau politique et d'une constitution moderne pour résoudre une fois pour toutes cette crise dans l'intérêt du peuple.

Notes

1. De mars à juillet 1992, des négociations ont eu lieu entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, moins le Québec, avec la participation de l'Assemblée des Premières Nations, du Conseil national des autochtones du Canada (maintenant le Congrès des peuples autochtones), les Inuit Tapirisat du Canada et le Conseil national des Métis. Le Québec s'est joint aux pourparlers en août, menant à l'accord final.

2. Voir « 30e anniversaire de la défaite de l'Accord du lac Meech : Le renouveau politique et constitutionnel, plus que jamais à l'ordre du jour », [LINK to : https ://cpcml.ca/francais/Lmlq2020/Q50042.HTM#9]

3. Henry Herbert, 4e comte de Carnarvon, a été nommé secrétaire d'État aux Colonies au Conseil privé britannique en 1866. Il est connu dans l'histoire comme l'homme qui « a conféré l'autonomie gouvernementale au Canada ». Il a également tenté d'imposer un système de confédération en Afrique australe. Lorsqu'un tel système a été rejeté par les peuples de la région, Carnarvon a déchaîné toute la force des armes pour l'imposer contre la résistance armée du peuple. Le régime de la confédération sud-africaine a été abandonné lorsqu'il a démissionné en 1878, mais sa politique et les conflits locaux qui en ont résulté se sont poursuivis et auraient conduit à la guerre anglo-boer et aux divisions en cours dans la société sud-africaine.

4. Le « fédéralisme exécutif » est décrit à la fois comme une « institution » et une « tradition » dans le développement constitutionnel canadien. Il s'est particulièrement développé dans la période qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale lorsque les 11 premiers ministres ont commencé à se réunir régulièrement. Cela contraste avec le « pouvoir législatif ». Selon le Comité mixte spécial sur le processus de modification de la Constitution, « Le pouvoir législatif, en 1867, était prédominant au Canada mais l'exécutif a fini par prendre le dessus au XXe siècle. Il en a résulté une nouvelle dynamique au sein de la confédération, où le ‘fédralisme exécutif' s'est imposé en matière de négociation d'amendements constitutionnels. »

5. « Thèmes de la campagne nationale pour une constitution moderne et le renouveau démocratique : Pourquoi une campagne pancanadienne ? », LMLQ, 6 octobre 1994, numéro 42

6. Ibid .

7. Ibid .

8. Ibid .

9. L'Acte de l'Amérique du nord britannique, aussi appelée Loi constitutionnelle de 1867, l'acte du Parlement du Royaume-Uni par lequel, en 1867, trois colonies britanniques en Amérique du Nord - Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick et Canada - étaient unies comme « une seule puissance [dominion] sous le nom de Canada » et par laquelle il était prévu que les autres colonies et les territoires de l'Amérique du Nord britannique pourraient être admis. Il a également divisé la province du Canada en provinces du Québec et de l'Ontario et leur a fourni des constitutions. La loi a servi de « constitution » du Canada jusqu'en 1982, date à laquelle elle a été rebaptisée Loi constitutionnelle de 1867 et est devenue la base de la Loi constitutionnelle du Canada de 1982, par laquelle l'autorité du Parlement britannique a été transférée au Parlement canadien indépendant.

L'Acte de l'Amérique du Nord britannique confère au nouveau dominion une constitution « reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni ». Le gouvernement exécutif était conféré/dévolu à la reine Victoria et à ses successeurs. Ces deux dispositions signifiaient que le Canada aurait un gouvernement parlementaire et un gouvernement ministériel. La législature devait se composer d'un Sénat, de ses membres nommés à vie dans les régions du Canada et d'une Chambre des communes élue parmi les provinces sur le principe de la représentation selon la population. La loi prévoyait que le droit pénal devait être fédéral et le droit civil provincial. Le gouvernement fédéral devait nommer tous les juges de haut rang, les provinces administrer les lois et maintenir les tribunaux. La loi autorisait également la création d'une Cour suprême du Canada.

La répartition des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux se faisait par les articles 91 et 92 de la loi. Dans le premier cas, la législature fédérale a reçu le pouvoir de légiférer pour « la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada » et « pour plus de garantie », 29 sujets de compétence fédérale exclusive ont été énumérés. La loi donnait également au gouvernement fédéral le droit de rejeter toute loi provinciale dans les deux ans suivant son adoption. Les provinces ne peuvent percevoir que des impôts directs, tandis que le dominion peut utiliser n'importe quel mode d'imposition fiscale. La loi prévoyait donc une union dans laquelle le gouvernement fédéral avait des pouvoirs généraux et prépondérants, tandis que les provinces en avaient qui étaient particuliers et restreints.

L'interprétation judiciaire au cours du temps par le Comité judiciaire du Conseil privé impérial a néanmoins transformé le caractère de la constitution fédérale en vertu de la loi en réduisant considérablement les pouvoirs du gouvernement fédéral et en augmentant en conséquence ceux des provinces. La loi ne prévoyait aucun processus pour l'amender. Des amendements ont été apportés par le Parlement impérial à Londres à la demande du Parlement du Canada.

Loi constitutionnelle de 1867 - Une loi du Parlement du Royaume-Uni » - Encyclopedia Britannica)

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Loi fédérale sur la responsabilité de 2006

Le gouvernement Harper échoue à rétablir la confiance dans les institutions démocratiques

Soumis au Comité permanent du Sénat sur les Affaires juridiques et constitutionnelles le 7 septembre 2006

L'honorable sénateur Donald H. Oliver, président du Comité permanent du Sénat sur les Affaires juridiques et constitutionnelles

Monsieur le président et membres du Comité,

Le projet de loi C-2, Loi fédérale sur la responsabilité, a pour objectif déclaré d'« améliorer la confiance des Canadiens à l'égard de leur gouvernement et des représentants qu'ils ont élus ». La confiance des citoyens a été ébranlée par les scandales qui ont mené à la Commission Gomery, nous dit-on, et le projet de loi C-2 ferait en sorte que cela ne se répète pas.

Le projet de loi s'intéresse notamment à modifier la Loi électorale du Canada. Le présent mémoire discute de certaines de ces modifications et donne les raisons pour lesquelles elles n'atteindront pas le but professé.

* * *

Le matériel de référence publié par le gouvernement Harper sur la Loi sur la responsabilité cite la réforme du financement des partis politiques comme un des éléments clés, la plaçant dans le contexte suivant : « La Loi électorale du Canada réglemente les contributions aux campagnes électorales et le financement des candidats et des partis politiques au Canada. La Loi assure la transparence et réglemente les activités et relations financières des partis politiques et des candidats. Il faut cependant faire davantage pour ramener la confiance du public dans l'intégrité du processus démocratique et veiller à ce que l'influence ne puisse s'acheter avec des contributions politiques. Les contributions des sociétés, des syndicats et des organisations sont particulièrement préoccupantes, car, à l'heure actuelle, celles-ci peuvent provenir de sources inconnues. »

Le gouvernement explique qu'en ce qui concerne le financement politique, le but de la Loi sur la responsabilité est de « renforcer les lois qui régissent le financement des partis politiques et des candidats pour réduire la possibilité que des gens exercent une influence en versant des contributions importantes ». Le gouvernement Harper présente les modifications à la Loi électorale du Canada comme un moyen « d'accroître la transparence, de réduire la possibilité d'influencer les politiciens en leur versant des contributions et d'aider les Canadiennes et les Canadiens à avoir davantage confiance dans l'intégrité du processus démocratique ». De plus, il affirme que les changements « placeront les donateurs sur un pied d'égalité et inciteront les partis politiques à faire participer plus directement l'électorat. »

Il va de soi, donc, que notre devoir est d'examiner les changements proposés pour voir s'ils permettront d'atteindre l'objectif visé et de tirer les conclusions qui s'imposent.

Après avoir examiné ces changements, nous sommes d'avis qu'ils ne permettront pas d'atteindre l'objectif visé. Entre autres, il y a le fait qu'il n'y a pas eu de délibérations sur ce qui a mené au scandale des commandites. Il n'est pas suffisant de déterminer quels méfaits ont été commis, ni même d'en décrire certains et d'attribuer la faute dans les cas soumis à l'examen. Blâme et responsabilité ne sont pas synonymes. Pensons aux deux pilotes américains qui ont été trouvés en faute et qui ont été blâmés pour la mort de quatre soldats canadiens dans l'incident des « tirs amicaux ». Qui en porte la responsabilité ? Pourquoi des soldats canadiens continuent-ils de se faire tuer par des « tirs amicaux » ?

En ce qui concerne l'enquête sur le Programme des Commandites, si on a révélé comment des fonds publics se sont retrouvés dans les coffres du Parti libéral, on ne s'est pas attaqué à la raison pour laquelle ces choses se produisent. On ne s'est pas penché sur le fait que certains partis politiques ont un besoin désespéré d'argent en général et sur ce qui a mené un parti établi depuis longtemps au Canada à voler des fonds du trésor public. Autrement dit, on n'a pas examiné la crise dans laquelle est plongé le système de démocratie représentative dominé par les partis ou d'un processus électoral conçu pour porter au pouvoir des partis politiques. On n'a pas cru bon d'examiner pourquoi les citoyens se sentent impuissants et à l'écart et comment ils sont réduits au statut de masse votante. L'affaire a été confinée à l'existence de personnes sans scrupules au sein du Parti libéral et dans la fonction publique, à des lacunes du processus administratif et à l'absence d'un mécanisme de supervision adéquat.

La pratique, la norme ou le code de conduite de la responsabilité ministérielle qui avait court il n'y a pas très longtemps en tant que mécanisme de responsabilisation a tout simplement été écarté. Les conséquences pour le corps politique ne sont même pas examinées. Les citoyens, les membres des partis politiques pris individuellement et les partis politiques eux-mêmes, les députés, les fonctionnaires -- tous sont placés dans la position intenable de ne pas savoir ce qui les attend. De nouvelles lois sont adoptées sans délibérations dignes du nom et sont passées à toute vapeur pour avancer des intérêts partisans en usant de sophismes, comme par exemple : Le but est la responsabilisation, la transparence, changer la façon de faire du gouvernement. C'est ce que vont accomplir ces changements. Ce sont de bons changements parce que le but est bon et que les Canadiens le veulent. Alors quiconque s'oppose à ces changements s'opposent à ce que les Canadiens veulent.

À notre avis, les mesures prévues par le projet de loi et la façon dont elles sont discutées montrent que l'objectif n'est pas sérieux. Il n'a qu'une valeur de propagande. Qui décide de l'objectif et que doit être cet objectif n'est pas discuté ni approuvé, mais pris comme une vertu.

On prétend ensuite que la solution à un problème sérieux est d'accroître la réglementation régissant les partis politiques et la surveillance et l'imputabilité des élus et des fonctionnaires.

Le contexte

Durant l'enquête de la Commission Gomery, il est ressorti que le programme des commandites avait été conçu lors d'une retraite fermée du cabinet du Parti libéral le 1er et le 2 février 1996. L'objet principal des délibérations à cette rencontre était un rapport contenant des recommandations sur l'unité nationale préparé par le ministre des Affaires intergouvernementales, Marcel Masse. Le rapport recommandait entre autres « le renforcement de l'organisation du Parti libéral du Canada au Québec », c'est-à-dire « l'embauche d'organisateurs, la recherche de candidats, l'identification des circonscriptions pouvant être gagnées aux prochaines élections fédérales et l'utilisation des techniques politiques les plus modernes pour atteindre l'électorat ciblé ». D'autres recommandations portaient sur « l'accroissement de la présence fédérale au Québec », qui est devenu synonyme d'ingérence et d'interférence dans les affaires politiques du peuple québécois, souvent de façon illégale, comme l'organisation de la « manifestation pour l'unité nationale » à Montréal durant le référendum de 1995.

C'est le fait que, pour le cabinet fédéral, la solution à la crise constitutionnelle du Canada était de faire élire des libéraux au Québec, et qu'il a décidé de le faire à tout prix, de pair avec le refus du gouvernement du Canada de reconnaître le droit du peuple québécois à l'autodétermination, y compris à la sécession s'il le désire, qui a mené à ce qu'on a appelé le scandale des commandites. Il s'en est suivi un régime bien rodé de pots-de-vin par lequel des fonds ont été acheminés dans les coffres du Parti libéral et des campagnes électorales ont été financées en infraction à la loi.

À ce jour, les faits reliés à cette affaire n'ont pas été entièrement enquêtés et personne n'a été tenu responsable d'infractions à la Loi des élections du Canada. Comment croire, dans ces conditions, que les politiciens seront tenus responsables à l'avenir. Le Parti libéral s'est absout en expulsant quelques membres et en remboursant l'État pour l'argent qu'il a reçu par des contrats gouvernementaux qu'on sait être issus de pots-de-vin. Le fait que, pour rembourser les contribuables, le Parti libéral ait utilisé des fonds publics obtenus en conséquence de campagnes électorales menées en contravention à la loi n'est pas considéré comme une préoccupation valable.

L'idée que ce serait l'absence de loi le problème

Pour ce qui est du financement politique, la solution proposée avec la Loi fédérale sur la responsabilité, pour qui il s'agit uniquement d'un problème de « loi et ordre », est d'instituer d'autres lois, de multiplier les restrictions sur les dons aux partis politiques et de prolonger la période durant laquelle des poursuites peuvent être entamées. La clé, selon le premier ministre, est de « renforcer la loi ». Il préconise la même approche pour ce qui est des infractions dans la fonction publique.

Le Parti marxiste-léniniste du Canada (PMLC) trouve absurde l'idée que le problème soit l'absence de loi. Par exemple, dans une des notes explicatives de la loi sur la responsabilité il est question d'« interdire les contributions secrètes aux candidats ». Par définition, une « contribution secrète » est une contribution qui est inconnue, alors l'idée de les interdire est ridicule. Les actes qui sont à l'origine du scandale des commandites n'ont pas été posés grâce à l'absence de loi, ils ont été commis en contravention à la loi, et ce, impunément et pendant de longues années. Les faits démontrent que, par le programme des commandites, les représentants du Parti libéral ont enfreint des lois déjà en place dans leurs tentatives de manipuler les résultats d'élections au Québec en essayant de contourner la loi électorale.

Une des modifications proposées à la Loi électorale du Canada est que les contributions en argent comptant dépassant 20 $ deviennent illégales et qu'un reçu soit émis pour toutes les contributions, en argent comptant ou autres, de 20 $ et plus. L'image qui est restée dans la tête de tout le monde avec le scandale des commandites est celle de sacs d'argent échangés dans des restaurants. Les députés et sénateurs ne vont certainement pas croire qu'une telle interdiction puisse empêcher l'utilisation illicite de l'argent pour influencer les affaires politiques à l'avenir. En fait, il s'agit d'une approche unilatérale qui accroît la discrimination envers les simples citoyens et leur participation à l'établissement de partis politiques. Tant que les élections demeurent essentiellement une affaire d'argent, plutôt qu'un moyen d'habiliter les citoyens à exercer un contrôle sur leur choix, sur les élus et sur les gouvernements, ces modifications ne font que faciliter la concentration du pouvoir entre les mains d'un nombre de plus en plus restreint d'individus, ce qui en soi facilite la corruption, le favoritisme et le copinage.

L'impact du projet de loi C-2 sur les formations politiques : Violation du droit à la liberté d'association

Lorsque les libéraux ont déposé le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu (financement politique), le PMLC avait soutenu que l'imposition de limites sur les contributions faites à des partis politiques enregistrés constitue une atteinte au droit à la liberté d'association. La liberté d'association est généralement comprise comme étant l'interdiction de pénaliser les citoyens dans leur effort pour établir une association de leur choix dans la mesure où ladite association n'a pas pour but de commettre des infractions à la loi. La réalité du projet de loi C-2 est qu'un des éléments de la liberté d'association, soit la capacité de recueillir des fonds pour bâtir une association, devient en soi un acte criminel. L'individu qui contribue plus de 1 000 $ à la caisse d'un parti politique enregistré commettra une infraction à la loi. Celui qui fait une contribution de 21 $ en argent comptant ou qui accepte une contribution de 21 $ en argent comptant commettra une infraction à la loi. Le régime de cotisations politiques mensuelles, une vieille tradition pour les partis ouvriers, sera illégal si la cotisation dépasse 83,33 $ par mois.

La réforme interdira à des personnes de recueillir de l'argent entre elles pour un objectif politique commun, selon leurs conditions, si elles participent aux élections en tant que parti enregistré. Par exemple, si un parti politique veut réaliser un projet qui requiert de grandes sommes d'argent, comme établir une institution éducative, il ne pourra pas faire appel directement à la population pour des contributions importantes. À l'heure où le rôle des partis politiques au Canada est discrédité plus que jamais, entre autres parce qu'ils sont perçus comme de vulgaires machines électorales, le projet de loi C-2 aura pour effet d'enraciner la conception du parti politique en tant qu'organisation qui ne fonctionne que comme une machine servant à briguer des voix et qui, de surcroît, est financé par le trésor public pour chaque vote qu'il reçoit. Les médias font présentement état de plaintes à propos du processus de mise en candidature du Parti conservateur et l'on voit quels problèmes surgissent quand ceux qui contrôlent un parti bafouent les désirs et les attentes des membres.

De plus, les limites sur les contributions qu'impose le projet de loi C-2, comme le faisait le projet de loi C-24, rendent maintenant illégaux les moyens par lesquels les partis politiques représentés à la Chambre des communes se sont établis. Un nouveau parti politique ne pourra pas recueillir des contributions politiques importantes comme celles sollicitées par le Parti conservateur (réformiste) auprès de l'industrie du pétrole en Alberta, ou celles sollicitées par le NPD auprès des syndicats. Il est intéressant de noter à cet égard qu'avant l'entrée en vigueur des limites sur les contributions des syndicats et des sociétés, les libéraux discouraient sur l'« apparence d'influence indue » créée lorsque des contributions politiques importantes sont faites et sur le besoin de transparence, alors que le Parti libéral a accepté un don de 2 974 341,20 $ d'une société à dénomination numérique. Le NPD, lui, a plus que doublé les contributions qu'il recevait des dix principaux contributeurs syndicaux par rapport à l'année précédente. Cela montre bien la nature intéressée de ce type de réformes électorales, puisqu'elles vont à toutes fins pratiques bloquer la formation d'une opposition politique aux partis établis à la Chambre des communes et accroître les querelles à l'intérieur et entre ces partis. Les partis à la Chambre des communes se sont assurés un financement perpétuel de l'État de plusieurs millions de dollars, avec la formule de subventions par votes obtenus. Ce financement de l'État est à son tour utilisé comme garantie contre des prêts bancaires et, étrangement, cette dernière pratique n'est pas considérée comme une forme détournée de financement par des sociétés privées.

La différence entre réglementer les élections et
réglementer les partis politiques

Durant les audiences du Sénat sur le projet de loi C-2, il est ressorti que les conservateurs n'ont pas rapporté les frais d'admission au congrès de mars 2005 du Parti conservateur en tant que contributions politiques. Cet incident signale un développement politique très significatif au Canada, un développement qui est manifeste dans le projet de loi C-2 et dans le projet de loi C-24 avant lui. Plus il y a de nouveaux règlements régissant la conduite des partis politiques enregistrés, plus s'efface la distinction entre le rôle de l'État dans la conduite des élections et le rôle de l'État dans le contrôle des partis politiques. Le premier est justifiable, nécessaire et en mal de renouveau démocratique. Le second est inacceptable et antidémocratique et rend ridicule toute notion de liberté politique.

C'est sur un terrain dangereux qu'on s'avance parce que l'établissement d'un pouvoir aussi étendu de l'État sur le corps politique représente un État policier en devenir. L'incident à propos des frais d'admission au congrès du Parti conservateur a certainement fait ressortir l'ampleur de la subordination des affaires internes des partis politiques à la réglementation de l'État et qu'une affaire politique tout à fait routinière devient tout à coup un acte suspect, un délit potentiel ou réel.

L'État peut en toute légitimité réglementer les élections. Il a le devoir et la responsabilité de garantir que tous les citoyens, quel que soit leur richesse, puissent exercer leur droit d'élire et d'être élu. Il a le devoir de garantir que les élections aient lieu dans des conditions où les citoyens puissent délibérer sans restriction de l'avenir de leur société, de sélectionner et d'élire des candidats issus de leur milieu, d'établir l'ordre du jour et d'élire leur gouvernement. Il faut munir le Canada de telles lois électorales et mettre fin à l'exclusivité présentement accordée aux partis politiques dans les élections et les affaires du gouvernement.

Une distinction entre le financement des partis politiques et des candidats et le financement des élections

Si la distinction entre la réglementation des partis politiques et la réglementation des élections est de plus en plus effacée, celle entre le financement du processus électoral et le financement des partis politiques l'est aussi.

Au Canada, la législation actuelle est censée garantir la tenue d'élections « libres et équitables » par un régime de limites sur les dépenses électorales et, plus récemment, sur les contributions politiques. Ce régime est hors de contrôle et contraire à la liberté politique parce que 1) les campagnes électorales n'ont plus ni début, ni fin; 2) l'argent requis pour concurrencer dans une élection, même avec des « limites de dépenses », est hors de la portée de quiconque n'est pas nanti ou lié à ceux qui travaillent dans les coulisses du pouvoir pour le compte des partis de l'establishment; 3) la concurrence inhérente pousse les partis de l'establishment à constamment tenter de se surpasser, notamment en trouvant des échappatoires dans la loi ou des moyens de la contourner; et 4) la demande de contrôle de l'argent dépensé par les partis politiques durant les élections est devenue un cri de bataille pour le contrôle des partis politiques eux-mêmes et des personnes qui leur versent des contributions. Tout en ne respectant pas la promesse de garantir « des chances égales », le système de démocratie représentative dominé par les partis crée une énigme qui met en péril la notion même de liberté d'association politique et les droits et libertés politiques connexes. C'est ce qu'on voit entre autres avec les restrictions sur les dépenses de « tiers partis » qui ont pour tout effet pratique de décourager la participation organisée aux élections.

Les fonds publics doivent servir à financer la sélection et l'élection des candidats par les électeurs

Une des anomalies de l'évolution de la législation électorale au Canada est que plus on prétend reconnaître le droit de tous les membres du corps politiques d'élire et d'être élus, plus est renforcé le rôle des partis politiques en tant qu'« organisations politiques primaires » plutôt que d'habiliter les citoyens à exercer leurs droits politiques. La Loi électorale est ainsi devenue une loi habilitant des partis politiques privilégiés, plutôt que d'habiliter tous les membres du corps politique à participer à la gouvernance. Le gouvernement par décrets exécutifs est une extension de ce phénomène. Ni la Chambre des communes ni le Sénat ne peut délibérer des projets de loi de façon responsable et avec le temps voulu. Pour leur part, les députés n'ont pas le pouvoir d'établir l'ordre du jour du gouvernement et les membres des partis ont de moins en moins de contrôle sur leur parti.

Le PMLC est d'avis que l'État ne doit financer personne : il doit financer le processus de sélection des candidats. Tous ceux et celles qui désirent être candidat ou candidate à une élection passent d'abord par la sélection et l'État finance tout le processus. Cela veut dire que ce serait la responsabilité de comités de circonscription non partisans, établis sous le contrôle d'une commission électorale, de s'assurer du bon fonctionnement du processus de sélection.

Ces comités assumeraient la responsabilité de fournir l'information nécessaire concernant tous les candidats à l'ensemble de l'électorat. Ils auraient la responsabilité d'organiser des débats et des assemblées auxquels sont invités à participer tous les candidats qui se présentent à la sélection. Si les travailleurs dans une usine ou d'autres endroits de travail désirent sélectionner un des leurs pour les représenter à l'élection, les moyens de le faire doivent être mis à leur disposition. Ceux qui sont choisis par les partis politiques doivent aussi passer par cette étape du processus électoral. Les électeurs d'une circonscription sélectionneraient pas plus de trois personnes comme candidats à l'élection. Les membres d'un parti politique seraient égaux à tous les autres qui se présentent.

La prochaine étape du processus électoral se ferait dans le même ordre de choses : des fonds publics serviraient à fournir aux électeurs toute l'information nécessaire pour faire un choix informé. Qu'un candidat ait de l'argent ou non, qu'il soit d'accord non avec les vues d'un parti politique particulier, il a les mêmes possibilités de se présenter aux élections. Ce n'est que si le processus de sélection est financé par des fonds publics et qu'aucun fonds public n'est mis à la disposition de groupes d'intérêts particuliers, y compris les partis politiques, que cela peut se faire.

Il n'y aurait pas de raison d'avoir des lois qui s'immiscent dans le fonctionnement des partis politiques si les fonds publics servaient à financer le processus électoral. Par exemple, une des justifications données pour réglementer et contrôler les courses à la chefferie des partis politiques est que le chef du parti pourrait devenir le premier ministre à cause de la place actuelle des partis politiques dans le système. Si on habilite les citoyens à exercer leur droit de sélectionner et d'élire, le gouvernement serait formé par des députés à qui on a confié la tâche de gouverner le pays suivant la volonté de la majorité, et le premier ministre et les autres ministres seraient élus par eux.

Conclusion

Il y a un peu plus de deux ans et demi, un régime de financement politique a été institué qui finance les partis en leur donnant des subventions en fonction du nombre de votes et établit des limites sur les contributions politiques. Ce régime en place n'a pas amélioré la perception qu'ont les citoyens de l'intégrité et de l'honnêteté du système parce qu'il n'a substantiellement rien changé au rapport entre les partis politiques, leur rôle dans le corps politique et la marginalisation des électeurs par le système de gouvernement de parti. La clé est-elle le 4 000 $ de différence entre les limites imposées par les libéraux et celles imposées par les conservateurs ? Prétendre que changer les limites des contributions de 4 000 $ et éliminer les contributions des sociétés et des syndicats (quand on sait déjà qu'il y a mille et une façons de contourner cette restriction) feront la différence, c'est pousser à l'absurde le concept de réforme. La véritable réforme démocratique commence avec la proposition du PMLC que le gouvernement finance le processus politique, pas les partis politiques.

Comme l'a indiqué le PMLC lorsque le projet de loi C-24 a été adopté, chaque réforme de la Loi électorale du Canada n'a fait qu'exacerber la crise du système de gouvernement de parti. Il est évident qu'il en sera encore ainsi avec la Loi fédérale sur la responsabilité et les modifications qu'elle apporte à la Loi électorale. Ces modifications sont encore du genre à accroître la concentration du pouvoir entre les mains de quelques-uns. Le résultat sera le contraire de ce que les Canadiens veulent.

Le PMLC croit que les sénateurs doivent s'assurer que les modifications proposées à la loi fassent l'objet de délibérations adéquates auprès de ceux qui ont des choses à dire et aussi longtemps qu'il le faudra. Sans discuter du but visé et sans tirer les conclusions qui s'imposent, comment juger des changements proposés et comment déterminer s'ils atteindront l'objectif visé ? Ce problème ne disparaîtra pas. Il serait préférable de s'y attaquer maintenant, avec tout le temps qu'il faut, que d'espérer en vain qu'il disparaisse en sanctionnant un projet de loi mal conçu.

(LML 8 septembre 2006)

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