Numéro 85 - 16 décembre 2020
Le travail du PCC(M-L) dans le domaine
de la réforme électorale
- Bureau de la dirigeante
nationale du Parti marxiste-léniniste du Canada -
32e anniversaire de la
Commission royale sur la réforme électorale et le
financement des partis
• L'importance
du mémoire du PCC(M-L) à la Commission Lortie
30e anniversaire du Forum des citoyens sur
l'avenir du Canada
• La
classe dominante tourne le dos aux conclusions
de la Commission Spicer à ses risques et périls
• Ce
que les Canadiens ont dit à la Commission Spicer
28e anniversaire de la défaite du Rapport du
consensus sur la Constitution lors du référendum
de 1992
• La
signification de l'Accord de Charlottetown et de
sa défaite
- Anna Di Carlo -
Loi fédérale sur la responsabilité de 2006
• Le
gouvernement Harper échoue à rétablir la
confiance dans les institutions démocratiques
- Mémoire du PMLC -
Le travail du PCC(M-L) dans le
domaine de la réforme électorale
Le Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste), enregistré auprès
d'Élections Canada sous le nom de Parti
marxiste-léniniste du Canada, accomplit un travail
considérable sur le front du renouveau
démocratique. Il appelle à la modernisation de la
Loi électorale et du processus électoral de
manière à donner au peuple le pouvoir de devenir
le décideur, plutôt que de pas laisser ce pouvoir
aux mains des intérêts privés étroits qui
contrôlent actuellement l'État et ses
institutions.
Les revendications du PCC(M-L) en matière de
renouveau démocratique ont été exprimées
publiquement pour la première fois il y a 30
ans, le 20 septembre 1990, dans un
mémoire présenté par le dirigeant du Parti,
Hardial Bains, à la Commission royale sur la
réforme électorale et le financement des partis.
C'était la première fois que le Parti s'adressait
à une commission royale, ce qui constituait un
changement de sa politique. En engageant les
Canadiens dans un travail de renouvellement du
processus politique, l'objectif du Parti était de
ne pas laisser la classe dirigeante occuper
l'espace du changement à des fins réactionnaires.
Le mémoire présenté par le Parti à la Commission
royale, connue sous le nom de Commission Lortie,
ainsi nommée d'après le nom de son président, a
directement confronté les positions de privilège
de l'establishment canadien dans le domaine
électoral qui prétend que les élections sont «
libres et équitables ». Cela a permis au
Parti et à la classe ouvrière de s'attaquer à
l'une des questions les plus cruciales auxquelles
la société doit faire face : la question de
la démocratie et, en particulier, du processus
électoral qui touche l'ensemble du corps politique
en s'assurant que le peuple n'exerce aucun
contrôle sur les décisions qui affectent sa vie.
Le mémoire du Parti soulignait les points
suivants :
1. le niveau élevé de mécontentement des
Canadiens envers le processus politique;
2. la démocratie est
une caractéristique de la société de classe ayant
un objectif précis et la Commission ne devrait
donc pas éviter de discuter de l'objectif de la
démocratie au Canada;
3. la marginalisation du peuple tenu à l'écart du
processus décisionnel, en particulier des
travailleurs, et la nécessité de changer la
situation dans laquelle leur participation à la
gouvernance est réduite à l'exercice du droit de
vote;
4. l'inévitabilité de la désillusion envers le
processus décisionnel et le manque de confiance
dans le système de gouvernement tant que le peuple
reste en dehors du processus décisionnel;
5. la nécessité d'établir, à tout le moins,
l'égalité des chances de tous les citoyens d'élire
et d'être élus et de préciser les responsabilités
de l'État à assurer une large participation du
peuple au processus;
6. l'inégalité inhérente au système, notamment
l'utilisation de fonds publics pour financer
certains partis et non pas tous, et certains plus
que d'autres;
7. la violation du principe d'égalité dans le
traitement des partis politiques sur la base d'une
division entre ceux qui sont considérés comme les
partis « majeurs » et ceux qui sont
considérés comme les « petits partis »;
8. Le fait que les partis politiques
s'identifient comme des groupes d'intérêts
spéciaux qui reçoivent des subventions de l'État,
mais sont financés par des individus qui ont des
intérêts certains dans la vie politique et
économique;
9. la position du Parti selon laquelle les fonds
publics ne devraient pas servir à financer les
partis politiques, mais à financer la sélection
des candidats, l'élection des candidats et la
révocation des élus qui n'accomplissent pas leur
devoir comme leur mandat le leur commande;
10. l'essentiel du travail requis pour le
renouveau démocratique.
Le
PCC(M-L) a expliqué que sa préoccupation est
partagée par un nombre toujours plus grand de
Canadiens, à savoir qu'il faut assurer une large
participation de la population de ce pays au débat
sur les problèmes de nature économique et
politique, militaire, culturelle, sociale et
environnementale. Il s'agit surtout d'assurer la
participation des Canadiens au processus de prise
de décisions. Tant que le peuple est représenté
politiquement par des partis politiques et des
membres de partis politiques qui, par définition,
représentent des intérêts particuliers et prêtent
serment à une personne fictive de l'État, et tant
que la participation au processus de prise de
décisions se limitera à un vote tous les 4
ou 5 ans, les gens resteront marginalisés et
insatisfaits. Le système actuel ne permet pas au
peuple de participer de quelque manière que ce
soit à la définition de la direction de l'économie
ou de la politique sur quelque front que ce soit,
au débat ou à la prise de décision. Le système
appelé démocratie représentative n'est donc pas du
tout représentatif du peuple et de ce qu'il veut.
Le mémoire présenté par le Parti a donc souligné
la nécessité que la Loi électorale permette
réellement la participation du peuple au processus
électoral :
« La Loi électorale doit avoir pour principal
objet de créer les possibilités qui permettront
aux individus dans notre société de développer
leur faculté de jouir de tous les droits et
libertés garantis par la Constitution. Le système
électoral doit donc faire en sorte que la loi
n'impose aucune restriction qui entraverait la
participation du peuple aux opérations électorales[1]. »
Le Parti a souligné le caractère non
représentatif du système de partis qui se
manifeste comme une violation du principe de la
règle de la majorité :
« Tant que des partis (qui représentent par
définition des intérêts particuliers dans les
domaines politique et économique) se présenteront
aux élections et seront élus pour former les
gouvernements, on aura un système suivant lequel
la majorité doit en fait se soumettre à la
minorité représentée par ces partis. C'est un
système inacceptable qui est chaque jour
discrédité davantage. »
Le programme pour le renouveau démocratique du
processus politique proposé par le Parti présente
que la sélection des candidats est un élément clé
qui doit se faire par les électeurs eux-mêmes, et
que l'ensemble du processus électoral doit être
financé par le trésor public, avec des comités de
circonscription élus et une commission électorale
nationale élue responsable de veiller à ce que le
droit d'élire et d'être élu soit concrétisé et
qu'un vote éclairé soit garanti.
Par cette intervention, et par le travail mené
parallèlement sur les fronts idéologique et
théorique à l'époque, le Parti a répondu à la
question suivante : comment se fait-il que,
dans les conditions du suffrage universel, la
classe ouvrière et la grande majorité des citoyens
soient tenus à l'écart du pouvoir ? Et il a
ouvert la voie à la classe ouvrière pour résoudre
ce problème.
Forum public où la décision a été prise
de lancer le Comité « Votez non »
|
Le travail du Parti sur le front du renouveau
démocratique s'est développé encore en 1992-1993
avec la création du premier Comité « Votez
Non » à l'Accord de Charlottetown en
septembre 1992, la publication de trois
livres importants concernant l'Accord de
Charlottetown et ses conséquences, l'examen de la
conception des droits démocratiques du libéralisme
du XIXe siècle et la présentation d'arguments en
faveur d'un renouveau démocratique du processus
politique[2].
Le PCC(M-L) a été le fer de lance de la création
du Parti canadien du renouveau à la fin de 1992
pour que les Canadiens disposent d'un instrument
non partisan du renouveau démocratique à
l'élection générale de 1993. D'importants
forums internes et des conférences consultatives
ont également été organisés sur la question du
renouveau démocratique.
Congrès de fondation du Parti canadien du
renouveau à Toronto le 24 avril 1993
Entretemps, en 1992, les recommandations de
la Commission royale ont été étudiées par le
Comité Hawkes, un comité spécial de huit membres
qui a produit des recommandations supplémentaires
concernant la Loi électorale du Canada. Les
deux rapports ont été examinés par le Parlement,
avec les conseils et le soutien du directeur
général des élections. Cela a mené entre autres à
l'adoption de la loi C-78 en 1992 et de la
loi C-114 en 1993 qui, ensemble, ont mené à
des changements importants à la Loi électorale sur
l'accès au vote, tous contestés par le PCC(M-L)
qui les a jugés intéressés par les partis siégeant
à la Chambre des communes.
Au moment de la tenue du VIe Congrès du Parti, en
plein milieu des élections fédérales de 1993,
l'approche du Parti sur la nécessité d'un
renouveau démocratique était pleinement élaborée.
Le Parti a accompli un travail considérable durant
cette période en apportant une définition moderne
des droits répondant aux exigences de l'époque[3].
D'importants développements s'étaient produits
depuis le Ve Congrès du Parti tenu en 1987
qui avaient confirmé et mis en évidence la
nécessité objective d'un renouveau démocratique.
Le premier développement a été la défaite de
l'establishment au référendum sur l'Accord de
Charlottetown en octobre 1992. L'importance
de ce fait a été saisie dans les livres cités
ci-dessus en termes de progrès dans la conscience
des Canadiens.
Les élections fédérales de 1993 ont
également créé un déséquilibre politique dont les
cercles dirigeants ne se sont pas encore remis. Le
Bloc Québécois, un parti régional, a formé
l'opposition officielle; les conservateurs ont été
réduits à deux sièges; le NPD a perdu des sièges
au profit du Parti réformiste. L'élection d'un
parti d'opposition qui n'avait pas la possibilité
d'être le « gouvernement en attente » comme
l'exigeait la théorie politique libérale du XIXe
siècle mettait fin à l'équilibre indispensable au
système de démocratie représentative qui prétend
que ceux qui ne sont pas représentés par le parti
au pouvoir sont représentés par l'opposition.
Analysant les résultats de l'élection
de 1993, Hardial Bains a identifié ce
déséquilibre politique provoqué par les résultats
des élections et déclaré que la création d'une
nouvelle opposition populaire était à l'ordre du
jour.
En
janvier 1995, le PCC(M-L) a lancé un projet
d'édification nationale basé sur son programme de
défense des droits et le renouveau démocratique.
Il a qualifié ce projet d'Initiative historique.
Au centre de ses préoccupations se trouvait la
nécessité de mobiliser le facteur
humain/conscience sociale basé sur l'organisation
politique de la classe ouvrière pour élaborer une
politique indépendante qui mette l'initiative
entre ses mains à un moment où la classe
dirigeante avait pris l'offensive.
Parmi les autres initiatives prises à l'époque,
il y a l'identification du travail pour le
renouveau démocratique comme tâche principale du
Front du peuple /Comité de défense indien lors de
sa 18e convention nationale tenue en 1995. Le
Parti a également appelé les femmes à se placer
aux premiers rangs de la lutte pour les droits de
tous et de toutes et reconnu que les travailleurs
et les minorités nationales ghettoïsées doivent se
placer à l'avant-garde de la lutte pour éliminer
la conception que les droits sont des abstractions
et des privilèges qui peuvent être accordés et
retirés au gré des élites dirigeantes.
Depuis lors, le travail pour créer des formes
organisationnelles permettant d'affirmer les
droits de tous et de toutes a été une
préoccupation constante du Parti. Au cours de la
période qui a précédé les élections de 1995
en Ontario, il a été envisagé de faire avancer le
travail du renouveau démocratique par la création
du Parti du renouveau de l'Ontario. Au lieu de
cela, des candidats indépendants ont été présentés
et les Ontariens ont été encouragés à devenir
eux-mêmes des politiciens ouvriers et des
candidats indépendants.
Les bannières du Parti : « Arrêter de payer
les riches ! Augmenter les investissements
dans les programmes sociaux ! » lors de
la journée d'action contre l'offensive antisociale
à St. Catherines le 1er mai 1998
En 1997, dans le cadre de la lutte contre
l'offensive antisociale du gouvernement Harris en
Ontario, le Parti a adopté son programme politique
« Arrêter de payer les riches, augmentez les
investissements dans les programmes
sociaux ». Il a également pris l'initiative
de créer un forum politique multipartite afin
d'élever le niveau du discours politique. Des
progrès décisifs ont été réalisés dans
l'établissement d'une collaboration entre les
petits partis.
Les élections fédérales de 1997 ont produit
les mêmes éléments de crise parlementaire que les
élections précédentes, à la différence que le
Parti réformiste a remplacé le Bloc Québécois
comme opposition officielle.
À la veille de l'élection de 1997, une autre
modification a été apportée à la Loi
électorale du Canada avec le projet de loi
C-243. Cette modification privait les partis ayant
reçu moins de 2 % du vote national,
ou 5 % des votes dans les
circonscriptions où ils présentaient des
candidats, d'un financement public. La
modification visait essentiellement à corriger la
situation où le Parti national et le Parti de la
loi naturelle avaient jusque-là obtenu à eux deux
quelque 1,2 million de dollars de subventions
publiques. Les modifications apportées ont montré
une fois de plus comment les partis siégeant à la
Chambre des communes changent la Loi électorale à
des fins intéressées. Cela n'a rien fait pour
rehausser le prestige de la politique, des
politiciens ou de la Chambre des communes.
Le travail du Parti pour le renouveau
démocratique s'est encore développé avec son
intervention dans la contestation fondée sur la
Charte lancée par le Parti communiste du Canada
(PCC) visant certaines dispositions de la Loi
électorale du Canada après qu'il n'eut pas
atteint le seuil de 50 candidats pour
maintenir son enregistrement officiel. Le PCC a
demandé une injonction de la cour contre
l'application de la Loi électorale nouvellement
modifiée qui aurait mené à sa radiation. La
radiation implique que tous les actifs du parti
sont saisis par l'État. Le PCC a également fait
valoir son droit à ce que son nom figure sur les
bulletins de vote, même avec moins de 50
candidats. Le mémoire du PCC(M-L), présenté en
tant qu'« ami de la cour », a soutenu la
cause du PCC avec des arguments substantiels qui
ont mis en évidence la manière dont différentes
dispositions de la Loi électorale violent les
droits du peuple – le droit à la liberté de
conscience et à la liberté d'association, ainsi
que le principe d'égalité devant la loi[4].
Le 10 mai 1999, la juge Anne Molloy de
la Cour de l'Ontario (division générale) a rendu
sa décision dans laquelle elle a confirmé le
bien-fondé de la demande du PCC, estimant que
certains articles de la Loi électorale du
Canada étaient contraires à la Charte des
droits et libertés. La juge Molloy a décrit
l'affaire comme « la plus importante contestation
de la Loi électorale du Canada en vertu de
la Charte à ce jour ». Depuis lors,
les partis enregistrés qui présentent au moins un
candidat ont le droit que le nom de leur parti sur
le bulletin de vote soit inscrit à côté du nom du
candidat.
Le gouvernement a fait appel de la décision de la
juge Molloy et la contestation fondée sur la
Charte a été portée devant la Cour suprême
du Canada, où la majorité a statué contre le
principal argument du gouvernement selon lequel le
seuil de 50 candidats servait à écarter les
partis qui ne pouvaient pas former un
gouvernement. La Cour suprême a été en désaccord.
Elle a estimé qu'une loi dont l'objectif était de
donner naissance à une forme particulière de
gouvernement responsable était «
problématique ». « Une loi adoptée dans le
but exprès de diminuer la probabilité qu'une
certaine classe de candidats soit élue est non
seulement en contradiction avec les principes qui
font partie intégrante d'une société libre et
démocratique, mais elle est plutôt l'antithèse de
ces principes », a déclaré la Cour suprême.
La Cour a donné au Parlement un délai d'un an pour
corriger la loi.
La décision de la Cour suprême a eu de profondes
implications, car la Loi électorale dans son
ensemble est fondée précisément sur l'objectif de
donner naissance à un gouvernement de parti. De
nombreux appels ont été lancés de toutes parts en
faveur d'une révision complète de la Loi
électorale canadienne à la lumière de cette
décision. Cela ne s'est jamais produit. Le seuil
de 50 candidats a été modifié et abaissé à un
seul candidat et l'exigence de fournir une liste
de 100 membres a été portée à 250. Une
nouvelle définition des partis politiques à
laquelle les partis enregistrés doivent se
conformer a été ajoutée à la loi. Ainsi, un parti
politique est défini comme une « organisation dont
l'un des objectifs essentiels consiste à
participer aux affaires publiques en soutenant la
candidature et en appuyant l'élection d'un ou de
plusieurs de ses membres. »
Cependant, ni le gouvernement ni les partis ayant
des sièges à la Chambre des communes n'ont utilisé
ce jugement pour renforcer le processus
démocratique en consacrant le principe d'égalité.
Ils ont fait en sorte que les petits partis soient
plus marginalisés que jamais, les qualifiant de
marginaux et de non pertinents. Même le
radiodiffuseur d'État ne juge plus opportun de
leur accorder des entrevues symboliques aux
grandes heures d'écoute lors d'une élection ou de
les considérer dignes d'être entendus de quelque
manière que ce soit dans un débat organisé par
l'État à quelque niveau que ce soit.
Le premier ministre Justin Trudeau est allé
jusqu'à justifier cet état de choses en disant que
ces partis sont extrémistes et indignes de toute
reconnaissance. Lors d'une réunion à la mairie de
Yellowknife le 10 février 2017,
répondant à des questions sur le revirement de son
gouvernement en matière de réforme électorale,
Trudeau a déclaré dans un reportage de la
CBC : « Si nous devions faire un changement
ou risquer un changement qui augmenterait les voix
individuelles – qui augmenterait les voix
extrémistes et les voix des activistes qui ne
peuvent pas aller dans un parti qui décide ce qui
est le mieux pour l'avenir du pays, comme le font
les trois partis existants – je pense que nous
entrerions dans une période d'instabilité et
d'incertitude. »
Le gouvernement du Canada a dû affronter d'autres
contestations judiciaires de sa Loi électorale,
notamment la décision de la Cour d'appel de
l'Alberta sur le financement des tiers (Somerville, 1996)
et l'arrêt de la Cour suprême du Canada sur
l'interdiction de diffuser de la publicité
électorale et des sondages (Libman, 1997 et
Thomson Newspapers, 1998).
Au lendemain de l'élection fédérale du 2
juin 1997, la Chambre des communes a lancé un
autre examen du processus électoral, celui-ci par
le Comité permanent de la procédure et des
affaires de la Chambre présidé par Peter Adams.
Cet examen était clairement motivé par les
contradictions dans les cercles dirigeants sur le
déroulement de cette élection, notamment sur les
questions de la publication des sondages d'opinion
et les dépenses des tiers. Il important de
rappeler que l'examen a eu lieu dans une situation
où le débat public s'était intensifié et où des
revendications en faveur de la représentation
proportionnelle étaient formulées par divers
milieux, notamment par le NPD et les
conservateurs. Alors que de plus en plus de gens
prennent conscience du faible pourcentage du vote
populaire nécessaire pour qu'un parti forme le
gouvernement et du déséquilibre persistant à la
Chambre des communes en l'absence d'une «
opposition officielle » qu'on pourrait dire
représentative de tous ceux qui ne sont pas
représentés par le parti au pouvoir, la
représentation proportionnelle a été présentée
comme un mécanisme qui permettrait de refléter
plus fidèlement le soutien populaire aux partis
par l'attribution des sièges à la Chambre des
communes.
Dans Un pouvoir à partager, le PCC(M-L)
avait déjà souligné que le problème clé de la loi
C-114 de 1993 était qu'elle ne corrigeait pas
« les aspects de la Loi électorale qui
transgressent le principe démocratique d'égalité
et le principe que la souveraineté appartient au
peuple. Citons notamment la position privilégiée
de l'élite politique. » Quel que soit le
nombre de contestations judiciaires, de séries de
« consultations » et de « révisions », la crise
politique a continué à s'aggraver, tout comme
l'inquiétude du peuple sur des questions comme la
participation du Canada à la guerre d'agression
contre la Yougoslavie et le recours croissant à la
« gouvernance par décret » dans la poursuite
de l'offensive antisociale. Les problèmes liés au
processus politique demeuraient.
Le directeur général des élections a alors fait
plusieurs recommandations qui ont ensuite ouvert
la voie à des réformes majeures de la
réglementation du financement électoral, notamment
avec la loi C-24 en 2003, mais elles
n'étaient toutes que des tentatives de limiter la
corruption des partis siégeant à la Chambre des
communes par un renforcement des pouvoirs de
surveillance, ce qui a accéléré la tendance à
faire des partis politiques enregistrés des
appendices de l'État – une violation fondamentale
du principe démocratique.
Les interventions du Parti lors des réunions de
répartition du temps d'émission où a été défendu
le principe de l'égalité de traitement de tous les
partis enregistrés, ainsi que ses présentations
aux différents comités et commissions ont
également montré que le PCC(M-L) est un parti
politique qui s'attaque sérieusement au problème
du renouveau démocratique en cherchant des
solutions aux problèmes qui se présentent. Le
PCC(M-L) élabore constamment l'approche qui sert
les intérêts de la classe ouvrière dans toutes les
conditions et circonstances. Il ne se contente pas
de proposer une vision, il formule des
revendications concrètes qui peuvent réellement
résoudre ce problème important auquel fait face le
corps politique.
Notes
1. Mémoire
du Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste) à la Commission royale sur
la réforme électorale et le financement des
partis, présenté par Hardial Bains au nom du
Comité central du PCC(M-L), 20
septembre 1990, Archives du CRHB.
2. Lors du
référendum sur l'Accord de Charlottetown, le
Comité « Votez Non le 26 octobre » a
publié deux livres d'Hardial Bains traitant du
problème constitutionnel au Canada : La
substance du Rapport du consensus sur la
constitution et Pour faire face à
l'avenir – les problèmes d'un Canada
postréférendaire dans une optique non
partisane. Un troisième livre, Un
pouvoir à partager – une définition moderne du
processus politique et un plaidoyer pour le
renouveau démocratique, publié en
octobre 1993, porte sur le renouvellement
du processus politique et constitue une autre
contribution importante à ce travail.
3. Hardial
Bains a présenté une communication lors du
séminaire sur « les aspects théoriques et
politiques de la lutte pour les droits humains
en Inde » en mai 1992 sous le titre L'état
des droits de l'homme dans l'après-guerre
froide – un traitement théorique et politique.
En tant que chef national du Parti, Hardial
Bains a également présenté une série de mémoires
aux commissions parlementaires sur la politique
sociale, la politique étrangère, la citoyenneté
et l'immigration, l'unité et l'identité
canadiennes, l'avenir du Québec et une nouvelle
direction pour l'économie, en articulant la
demande d'un référendum exécutoire sur la
direction de l'économie. Tout au long de
l'année 1994, le PCC(M-L) a publié les
revues Discussion hebdomadaire et Discussion
– Revue trimestrielle de la pensée
marxiste-léniniste contemporaine qui ont
traité de la nécessité de définir de façon
moderne les droits, la démocratie, les partis
politiques, la citoyenneté et la société.
4. Mémoire
du Parti marxiste-léniniste du Canada dans
l'affaire Figueroa c. Le Procureur général du
Canada, Cour de l'Ontario
n 93-CU-71797, soumis le 30 novembre
1993, Archives du CRHB
32e anniversaire de la Commission
royale sur la réforme
électorale et le financement des partis
Après les élections fédérales de 1988 et
les circonstances qui les ont entourées, la
Commission royale sur la réforme électorale et le
financement des partis (la Commission Lortie) a
été créée le 15 novembre 1989. La
période durant laquelle la Commission Lortie a
effectué son travail a coïncidé avec celle des
bouleversements dans l'ancienne Union soviétique
et les pays d'Europe de l'Est qui ont par la suite
conduit à leur effondrement.
L'introduction du rapport de la Commission Lortie
intitulé « Pour une démocratie électorale
renouvelée » soulignait ceci :
« Les Canadiens et
Canadiennes n'ont pas été insensibles à cette
leçon de l'histoire. Ils apprécient davantage leur
système démocratique et tous les droits et
libertés qui en découlent. Mais bon nombre de
citoyens et citoyennes demeurent insatisfaits du
fonctionnement de notre démocratie électorale, et
plusieurs sont venus en témoigner éloquemment aux
audiences publiques de la Commission. Loin de se
contenter d'ajustements législatifs superficiels,
ils réclament une réforme en profondeur centrée
sur les principes mêmes et la finalité de la
démocratie électorale[1]. »
La Commission Lortie a également été créée pour
répondre aux contestations de la Loi électorale en
vertu de la Charte canadienne des droits et
libertés. L'introduction du rapport de la
Commission Lortie explique :
« Le regain d'intérêt pour la dimension éthique
de la politique prend un relief particulier dans
le contexte canadien. La Charte canadienne des droits et
libertés a en effet suscité de nouvelles
attentes quant aux droits légitimes des citoyens
et citoyennes. Elle a aussi transformé notre cadre
de gouvernement. Depuis son adoption, les citoyens
et citoyennes ont un autre recours que celui des
parlementaires et des partis. Pour faire valoir
leurs droits et revendications d'ordre
constitutionnel, ils peuvent désormais s'adresser
aux tribunaux.
« Ces changements ne sont pas que des
considérations théoriques. Sur plusieurs questions
fondamentales, des poursuites fondées sur la
Charte ont entraîné des jugements qui ont modifié
les assises mêmes de notre législation électorale.
À la lumière des principes éthiques qui
sous-tendent la Charte, les citoyens et citoyennes
ont reconsidéré de nombreuses pratiques reliées
aux élections – notamment celles des partis
politiques – et les ont trouvées inadéquates. Il
est clair, par conséquent, que la réforme des
pratiques électorales doit s'inspirer de principes
éthiques. L'éthique n'est pas confinée au domaine
de la théorie politique : sur le plan
pratique, elle a une portée considérable que nous
aurions tort de sous-estimer[2]. »
Ce que la Commission n'a pas dit, c'est que
toutes les commissions qui ont examiné la Loi
électorale et/ou tout autre organe d'examen créés
au Canada depuis la tenue des élections ont été
motivées par l'une des deux choses
suivantes :
1) les scandales et les irrégularités qui ont
discrédité le processus électoral, notamment aux
yeux du peuple, et/ou
2) le besoin désespéré d'argent des partis
politiques à la Chambre des communes, en
particulier les conservateurs, les libéraux et les
néodémocrates. Ils ont adopté des modifications
électorales de manière à pouvoir utiliser le
trésor de l'État et ont usé de leur contrôle du
parlement pour étendre leurs positions de pouvoir
et de privilège qui a fini par créer le système de
gouvernement de partis cartellisés que nous avons
aujourd'hui.
Jusqu'à aujourd'hui, aucun examen n'a été
entrepris sur la nécessité de rendre la Loi
électorale conforme aux exigences de la démocratie
moderne en tenant compte des développements au
sein du corps politique et de ses besoins ainsi
que de l'expérience des peuples au Canada et dans
le monde. Toutes les modifications ont été faites
à des fins intéressées et la plupart n'ont fait
qu'aggraver la crise de légitimité et de
crédibilité dans laquelle le système de démocratie
représentative et les institutions démocratiques
libérales sont enlisés.
La Commission Lortie a publié un
important volume de travaux comprenant ses
recherches sur le haut niveau de mécontentement
des Canadiens envers le processus politique. Ses
conclusions à cet égard ont été corroborées par
les interventions de milliers de Canadiens à la
Commission Spicer, officiellement connue sous le
nom de Forum
des citoyens sur l'avenir du Canada, dont
les conclusions ont été publiées en juin 1991
dans son Rapport
à la population et au gouvernement du Canada.
Le dirigeant du PCC(M-L) Hardial Bains a répondu
au rapport et aux recommandations de la Commission
Lortie dans son livre Un pouvoir à partager : Une
définition moderne du processus politique et un
plaidoyer pour le renouveau démocratique.
Ce livre a notamment identifié les principes et
concepts clés qui sont à la base de la Loi électorale du
Canada, comme les notions d'« élections
libres et équitables », de « traitement
équitable » et de « partis politiques en tant
qu'organisations politiques primaires[3]. »
Les deux années qui ont suivi les audiences de la
Commission royale ont été marquées par des
changements spectaculaires, notamment la défaite
de l'establishment lors du référendum du 26
octobre 1992 sur les modifications de la
Constitution, connu sous le nom d'Accord de
Charlottetown. Des centaines de milliers de
personnes ont exprimé leur mécontentement à
l'égard du processus politique et des politiciens.
Malgré cela, après la défaite de l'Accord de
Charlottetown, aucun changement n'a été apporté à
la politique du gouvernement sur aucune des
questions importantes qui préoccupent l'électorat.
Au contraire, le gouvernement a déclaré « les
affaires comme d'habitude » et continué
d'agir comme si rien ne s'était passé. Sur le
front de la réforme de la législation électorale,
cela s'est traduit par davantage de mesures
intéressées pour consolider le régime qui
maintient au pouvoir les partis avec des positions
de pouvoir et des privilèges au moyen d'un cartel
qui prive de pouvoir le peuple.
Le 26 novembre 1992, le Comité
parlementaire spécial sur la réforme électorale,
composé de députés progressistes-conservateurs,
libéraux et néodémocrates, s'est réuni à huis clos
pour discuter d'un projet de rapport provisoire
sur les modifications à apporter au processus
électoral. Il est remarquable qu'une fois de plus,
les partis politiques représentés au Parlement ont
adopté une loi sans tenir compte de l'opinion
exprimée par l'électorat.
Plus le temps passe, plus il est clair que quel
que soit le gouvernement qui est porté au pouvoir
par des élections dans lesquelles le peuple
n'exerce aucun contrôle sur quelque aspect que ce
soit, plus on voit que ce gouvernement n'a pas le
consentement des gouvernés et plus la crise de
légitimité dans laquelle sont enlisées les
institutions démocratiques libérales
s'approfondit. Les partis politiques dits «
majeurs » qui siègent à la Chambre des
communes ne se mettront pas au service de
l'électorat et n'apporteront pas les changements
nécessaires qui donneront un pouvoir au peuple.
L'électorat n'a pas d'autre choix que de trouver
un moyen de garantir la défaite de ces partis et
d'élire des députés qui participent à la lutte du
peuple pour s'investir du pouvoir
Résumant l'expérience depuis le 20
septembre 1990, lorsqu'Hardial Bains a
présenté le mémoire du Parti marxiste-léniniste du
Canada à la Commission Lortie, notre Parti a
développé ses propositions de renouveau
démocratique du processus électoral afin que le
peuple puisse se représenter lui-même et ne pas
abandonner le pouvoir de parler et d'agir en son
nom à de prétendus représentants sur lesquels il
n'exerce aucun contrôle. En fait, une fois élus,
ces soi-disant représentants jurent allégeance à
la personne fictive de l'État qui est censée
représenter la nation.
Les changements
proposés à l'heure actuelle par le PCC(M-L) visent
à habiliter l'électorat. Ils comprennent à la fois
la théorie qui les sous-tend et ce qui doit être
fait immédiatement pour les mettre en pratique.
Le PCC(M-L) a adopté une approche non partisane
de la question de la réforme électorale, ce qui
est une condition préalable pour investir le
peuple du pouvoir. Le PCC(M-L) lance l'appel à
tous et à toutes de s'engager dans le programme de
renouveau démocratique pour acquérir la capacité
d'affronter le moment de vérité où nous sommes
aujourd'hui. Celui-ci se caractérise par
l'imposition de la poursuite des « affaires comme
d'habitude » en conséquence de l'usurpation
du pouvoir de décision par des intérêts privés
étroits qui dictent aux gouvernements ce qu'ils
doivent faire. L'exemple notoire de Black Rock et
de son rôle dans ce que l'on appelle la relance
économique montre clairement comment les décisions
sont prises, par qui et pour quoi[4]. La
concentration du pouvoir entre les mains
d'intérêts privés met toujours plus en danger la
vie des gens. Il est temps de continuer de faire
pression pour des changements pratiques par
lesquels le peuple est investi du pouvoir en
créant des forces organisées avec des objectifs
politiques.
Notes
1. Commission royale sur la
réforme électorale et le financement des partis,
Volume 1 (Ottawa, 1er
janvier 1991), p. 1
2. Ibid, p. 2
3. Hardial Bains, Un
pouvoir à partager : Une définition moderne
du processus politique et un plaidoyer pour le
renouveau démocratique, Parti du renouveau
du Canada, Ottawa, 1993
4. « BlackRock,
le supercartel », Peter Ewart, et « BlackRock et la
filière canadienne », LML, 13
juin 2020
30e anniversaire du Forum des
citoyens sur l'avenir du Canada
Il y a trente ans, le 1er
novembre 1990, le gouvernement fédéral
annonçait la création de la Commission Spicer,
officiellement connue sous le nom de Forum des
citoyens sur l'avenir du Canada. Au cours
des audiences publiques, la Commission Spicer a
entendu les points de vue de plus de 400 000
Canadiens qui ont été présentés dans le Rapport
à la population et au gouvernement du Canada.
Les opinions exprimées par les Canadiens à
la Commission Spicer étaient très importantes, car
c'était pour eux une rare occasion de s'exprimer à
un moment où le mécontentement envers le
gouvernement, le parlement, les partis politiques,
les politiciens et même des syndicats était à son
comble. Les gens voulaient des changements dans la
façon de faire les choses et ils voulaient que ces
changements leur soient favorables plutôt que des
changements qui favorisent ceux qui sont en
position de pouvoir et de privilège. Ils avaient
amplement de choses à dire et l'ont dit sans
hésitation à la Commission.
Entre autres choses, les Canadiens ont dit qu'il
y avait des lacunes dans le processus politique.
Au sujet de la Commission Spicer, le dirigeant du
PCC(M-L) Hardial Bains a écrit :
« Les Canadiennes et les Canadiens réclament des
changements qui reflètent la maturation d'un
peuple et d'un pays. Ils sont profondément
conscients de l'absence de respect des normes les
plus élémentaires de responsabilité des élus
envers le peuple. Cette capacité de concevoir le
manque, d'abstraire ce qui n'est pas et de saisir
ce qu'il faut faire pour combler un besoin, est
sans doute l'indice le plus important de la
maturation du Canada. »
Loin de prêter attention à ce que les Canadiens
leur disaient, les cercles dirigeants du Canada
ont tout fait pour cacher sous le tapis cette
conscience collective des Canadiens. Ils se sont
lancés dans un vaste programme de destruction de
la nation pour anéantir toutes les réalisations de
la société et du peuple. Loin de renoncer à leurs
positions privilégiées, ils ont utilisé ces
positions pour concentrer de plus en plus de
pouvoir entre leurs propres mains. Cela a rendu le
processus électoral plus en plus antidémocratique
au point que dire que ce processus confère au
gouvernement le consentement des gouvernés n'a
aucun sens.
En même temps, un peuple ne renonce pas à ses
réalisations collectives, surtout pas parce que
des dirigeants corrompus lui disent de le faire.
Il s'appuie sur ces réalisations. Il apprend à
défendre ce qui lui appartient de droit. Il
persiste à trouver des solutions pour aller de
l'avant et lorsqu'il voit comment contribuer à la
solution, il le fait sans hésitation.
Les points de vue et les aspirations exprimés à
la Commission Spicer n'ont pas conduit à des
réformes du processus politique qui répondent aux
aspirations des Canadiens et aux exigences d'une
société moderne qui reconnaît et garantit la
souveraineté du peuple. Cela signifie que le
pouvoir de décision doit être entre les mains du
peuple et cela demeure l'objectif des luttes que
mènent les travailleurs d'un océan à l'autre.
C'est ce qu'ils continuent de vouloir.
Aujourd'hui, dans tout le pays, les travailleurs
sont en première ligne pour s'assurer que la
pandémie de COVID-19, que le gouvernement utilise
comme une occasion d'enrichir les riches, ne
bouleverse pas leur vie. Dans leur lutte contre
l'offensive antisociale, ils sont de plus en plus
conscients de la nécessité de nouveaux
arrangements – d'institutions et de lois qui
garantissent leurs droits. Les travailleurs
reconnaissent que les injustices et les inégalités
ne sont pas le fait de quelques éléments corrompus
ou de mauvaises politiques, mais qu'elles font
partie intégrante d'un pouvoir, d'un appareil
d'État et d'institutions étatiques qui divisent la
société entre ceux qui sont riches et privilégiés
qui affirment que leur destin est de gouverner et
de s'enrichir et ceux qui sont dirigés de manière
à les priver de pouvoir et à la merci des riches.
L'anniversaire de la Commission Spicer intervient
à un moment où les libéraux de Trudeau et toutes
les forces réactionnaires tentent de diviser le
corps politique comme jamais auparavant afin
d'imposer leur diktat et de maintenir les
Canadiens esclaves des arrangements obsolètes du
XIXe siècle appelés démocratie libérale. Le but de
leur politique est que l'ensemble de la société se
soumette aux riches dans leur quête de richesses.
Cela montre que les Canadiens doivent intensifier
leurs luttes pour affirmer leur souveraineté et
renouveler les institutions démocratiques afin de
conjurer les dangers qui les menacent et mettre
fin à la destruction nationale.
La classe dominante tourne le dos aux conclusions
de la Commission Spicer à ses propres risques et
périls. La voie de la destruction qu'elle poursuit
montre qu'elle est inapte à gouverner. Les
Canadiens ne resteront pas sans rien faire alors
que les élites dirigeantes ont choisi une voie
dangereuse pour le peuple et son environnement
social et naturel.
Dans la deuxième partie du Rapport de la
Commission Spicer, Ce que nous avons entendu, et
plus spécifiquement à la section 9 La responsabilité
des leaders et la démocratie participative,
les membres de la Commission décrivent comme suit
la pensée des gens sur ce qui manque au
pays :
« Un des messages dominants, c'est que les
participants ont perdu confiance à la fois dans le
régime et dans leurs dirigeants politiques. Ils ne
pensent pas que leurs élus, surtout au fédéral,
gouvernent selon la volonté du peuple ni que les
citoyens aient actuellement les moyens de remédier
à cela. Nombre d'entre eux, surtout à l'extérieur
du Québec, souhaitent et sont prêts à appuyer une
réforme profonde du système politique, pour autant
qu'elle débouche sur un régime politique humain et
efficace et des gouvernants réceptifs et
responsables.
« Les participants désirent de tels changements
parce qu'ils ont perdu confiance dans le système
politique actuel et parce qu'ils doutent que les
dirigeants prendront des décisions qui reflètent leurs
valeurs et leurs aspirations [notre souligné].
Ils exigeraient moins la participation directe aux
décisions si des réformes parvenaient à rétablir
leur confiance dans le système. Autrement dit, ils
voudraient que les grandes décisions qui les
touchent soient prises en toute connaissance de
cause en tenant compte des opinions et en pensant
au bien-être des citoyens en général ».
(pages 108-109)
Voici quelques-unes des réactions des citoyens au
Forum, telles que citées dans le rapport à titre
d'interventions typiques :
« Un couple d'Ontariens âgés d'environ 70
ans : 'Les principes directeurs doivent être
l'honnêteté et le dévouement envers le
peuple : rien ne se fera sans cela. Pour le
moment, le Parlement est un théâtre burlesque où
chacun essaye d'avoir la vedette.'
« Un groupe du Manitoba : 'Le groupe veut
que les élus se remuent le derrière et se mettent
à diriger le pays.'
« Un groupe du Manitoba : 'On n'arrivera pas
à nous faire croire qu'il suffit de trouver la
bonne formule pour que tout aille bien. Nos
dirigeants politiques ont failli; ils n'ont ni
vision, ni légitimité.'
« Un élève du premier cycle secondaire de
l'Ontario : 'Nous ne pouvons absolument rien
faire. On met au pouvoir un gouvernement qui
s'engage à améliorer la situation et ce genre de
choses... Quand un gouvernement a-t-il jamais tenu
ses promesses ? Ce que je pense n'a aucune
importance, j'ai 14 ans et personne ne
m'écoute...'
« Un groupe d'Ottawa : 'Nos représentants se
comportent d'une façon épouvantable au Parlement;
on dirait des enfants indisciplinés. Ils se
comportent comme de mauvais garnements, n'ont
aucune retenue et ne cessent de se quereller entre
partis. Pourquoi ne se serrent-ils pas les coudes
et n'exploitent-ils pas leurs meilleures
idées ?'
« Un groupe du Nouveau-Brunswick : 'Les
priorités politiques ne sont pas nécessairement
les priorités nationales... Il faut consulter
davantage les organisations populaires.' »
Extrait d'une lettre venant du Québec : « II
y a un vide politique : les gouvernants n'ont
aucune vision précise, aucune suite dans les
idées, aucune notion de notre destin national; les
pots-de-vin, la corruption et l'incompétence
dominent une bureaucratie alourdie par les
complications juridiques et fiscales. »
Les commissaires soulignent que le thème
sous-jacent des commentaires au Forum est que les
gens veulent des dirigeants politiques qui soient
réceptifs et responsables sur une série de
sujets :
« ...gestion de l'économie, traitement réservé
aux peuples autochtones, réforme constitutionnelle
et place du Québec dans la fédération, bilinguisme
et multiculturalisme. Dans tous ces domaines les
citoyens nous ont dit qu'ils n'avaient pas
l'impression d'être gouvernés selon leurs désirs
ni selon leurs valeurs fondamentales. »
(p. 110)
Au sujet des médias :
« Nombre de participants ont dit aux commissaires
que les médias portent une lourde responsabilité à
l'égard des problèmes et des difficultés auxquels
le Canada se trouve confronté du fait qu'ils ne
s'efforcent pas suffisamment de fournir des
informations de base fiables et ne donnent pas de
nous-mêmes une image constructive. C'est le cas de
ce citoyen d'Islington, en Ontario, qui a
lancé : 'Les médias, source de désinformation
et de confusion par excellence.'
« Les participants sont souvent d'avis que les
médias ont la fâcheuse tendance à faire dégénérer
les problèmes en crises en exagérant les conflits
et en déformant les faits : 'Les médias nous
ont fait beaucoup de tort en montant en épingle le
sentiment séparatiste au Québec et le lac Meech.
Les médias ont versé dans l'exagération et dans le
sensationnalisme', a déclaré un groupe de
discussion du Manitoba. Un participant de
Merville, en Colombie-Britannique : '[les]
médias doivent cesser de mettre l'accent sur nos
différences et s'attacher davantage à faire
ressortir ce que nous avons en commun et ce qui
nous unit.' »
Les commissaires concluent :
« À nos yeux, il est clair que les participants
au Forum investissent non seulement les dirigeants
politiques, mais aussi les médias, de la
responsabilité d'adhérer aux valeurs canadiennes
fondamentales. »
La plupart des participants, selon les
commissaires, croient aux valeurs fondamentales
que sont « l'égalité, l'équité et la
coopération. »
La notion d'égalité s'applique aux personnes, aux
provinces et aux régions du Canada. On s'oppose
fortement à l'octroi de privilèges particuliers
pour toute province. L'absence d'équité a été
soulignée par différents groupes, comme les
Acadiens, les autochtones, les anglophones au
Québec, les francophones hors Québec, des
résidents des prairies et des provinces maritimes.
D'autres soulignent le besoin de coopération si
nous voulons réaliser le genre de pays que nous
désirons. Il existe ce sentiment généralement
répandu que le Canada est un pays improbable avec
une population éparse vivant sur une grande
étendue et concentrée dans des villes perlées le
long de la frontière américaine. Les participants
préconisent une coopération active entre
Canadiens.
La grande majorité des interlocuteurs du Forum ne
pensent pas que leurs dirigeants actuels aient
gouverné le pays selon des valeurs fondamentales.
Si d'aucuns le déplorent et manifestent leur
déception, un nombre bien plus grand de citoyens
sont furieux, et leur colère est surtout dirigée
contre les politiciens fédéraux. Les commissaires
citent les passages suivants :
« ...l'absence de vision est la véritable raison
pour laquelle le Forum a été créé. Le premier
ministre, son Cabinet, son parti et, à vrai dire,
tous les partis et toutes les assemblées
législatives, manquent de vision. Aucun d'entre
eux n'a été ni n'est capable d'envisager un avenir
nouveau pour le Canada, et quand nous réclamons
des propositions, ils avouent qu'ils n'en ont pas
à faire. »
« ...il y a un autre problème, c'est que le
premier ministre est incapable de garder le
contact avec le public. La plupart des gens
étaient contre le libre-échange, contre la TPS,
contre les réductions (pour ne citer que quelques
exemples), mais cela ne l'a pas empêché de nous
les imposer de force, que nous le voulions ou
non. »
« Nos trois chefs politiques ne privilégient pas
l'intégrité intellectuelle. »
« Les négociations du lac Meech se sont déroulées
dans le secret. Cela ne doit plus jamais se
reproduire. »
« Le gouvernement est seul responsable du
sentiment généralisé de désunion qui règne au
Canada. La façon dont il essaie de régler les
problèmes qui compromettent l'unité canadienne est
déplorable. »
« Ce sont les politiciens, et surtout notre
premier ministre, qui n'ont pas compris le
message, et ils ne veulent pas l'entendre. Le
premier ministre fera des pieds et des mains pour
réaliser la décentralisation, même si cela
provoque l'éclatement du pays. S'il perd le
Québec, il perd son principal allié. Le plus
inquiétant, c'est que ce scénario qui prévoit
l'octroi de pouvoirs plus étendus aux provinces,
ne déplaît pas du tout à bien des premiers
ministres provinciaux. »
Les commissaires notent que bon nombre de
Canadiennes et de Canadiens ont le sentiment que
« ... le parlement ne signifie pas grand-chose,
parce qu'il est sous la coupe du gouvernement et
que les autres représentants élus n'ont que peu ou
pas du tout d'influence, est très répandu. Des
participants nous ont dit que cette situation
serait tolérable si seulement le gouvernement
actuel respectait son programme électoral; en
l'occurrence, il
n'existe presque aucun rapport entre celui-ci et
les mesures prises par la suite par le
gouvernement [notre souligné]. En effet,
au cours de son mandat, il élabore et applique des
politiques d'envergure jamais évoquées, ou à
peine, pendant la campagne. Comme l'a si bien dit
un participant,'' ...on a généralement
l'impression qu'il existe un manque de
communication entre la population en général et le
gouvernement, que les politiciens ne se sentent
plus obligés de rendre des comptes au peuple une
fois qu'ils ont été élus'. »
Les commissaires font remarquer que les gens
jugent nécessaire de trouver les moyens d'obliger
les députés à consulter leurs électeurs sur les
grandes questions ou de leur donner une plus
grande marge de manoeuvre ou d'exiger d'eux qu'ils
votent conformément aux désirs de leurs électeurs.
Un groupe de discussion de l'Ontario a exprimé le
consensus à ce sujet dans les termes
suivants :
« Il faut changer de gouvernement. Il faut un
système permettant à nos représentants élus de
représenter vraiment leurs électeurs et de tenir
compte de leurs désirs. [...] Dans un pays moderne
où le niveau d'instruction de la population est
élevé, il est inadmissible d'invoquer l'excuse que
l'on a été élu pour prendre des décisions et que
l'on n'a pas besoin de connaître l'opinion des
électeurs ».
Un autre intervenant ajoute :
« Dans le régime démocratique actuel, les abus
sont monnaie courante, à l'échelle tant fédérale
que provinciale; c'est le principal problème. Nos
politiciens ne nous écoutent pas et leur conduite
est dictée par la solidarité de parti. »
Un groupe du Yukon :
« Nous avons le droit de parole deux fois tous
les dix ans seulement. On se fait dire ensuite «
les Canadiens m'ont élu, donc... », ce qui
est humiliant. Nous en sommes arrivés à nous
méfier de cette méthode. Les politiciens n'ont pas
à modifier la trame du pays... Ils doivent écouter
le peuple au lieu de s'en remettre à une armée de
conseillers. Ce n'est pas possible avec les
sondages d'opinions. Socrate a démontré que les
questions appellent les réponses. »
Un intervenant de Colombie-Britannique :
« Les députés qui sont élus devraient rendre des
comptes à leurs électeurs et se comporter aux
Communes conformément à l'avis de la majorité
d'entre eux pour les questions d'importance
nationale. »
Les commissaires notent ensuite que bon nombre de
participants ont réclamé le droit de révoquer un
député :
« Les citoyens devraient avoir le pouvoir de
révoquer un député s'il ne sert pas les intérêts
du pays, s'il ne propose pas de projets de loi ou
s'il ne défend pas les droits des citoyens et
n'essaie pas d'améliorer leur situation ni celle
du pays. »
« Il faut modifier la Constitution pour trouver
un moyen de destituer les politiciens qui ne
gouvernent pas selon les voeux de leurs électeurs.
S'ils n'accomplissent pas la mission qui leur a
été confiée par ceux-ci, il faut les
remplacer. »
L'intervention suivante résume bien une opinion
très répandue :
« Il faut pouvoir révoquer le gouvernement et
l'obliger à rendre directement des comptes aux
électeurs. Vous ne nous gouvernez pas, vous
travaillez pour nous. Cessez de nous faire des
cachotteries et essayez d'être francs et honnêtes.
Les gens de ce pays aspirent à avoir un
gouvernement honnête. »
Les deux mécanismes les plus populaires comme
moyens pour changer la situation sont la tenue de
référendums sur des questions importantes et la
création d'une assemblée constituante chargée de
rédiger une nouvelle constitution :
« II faut créer une assemblée constituante
indépendante du gouvernement, dans laquelle les
diverses provinces (ou régions) et territoires
ainsi que les groupes autochtones seront
représentés de façon équitable. »
Un intervenant de la Nouvelle-Écosse écrit :
« Mettez fin au fédéralisme exécutif ! »
(Pour un rapport complet sur ce que les Canadiens
ont dit à la Commission Spicer, voir :
Pour faire face à l'avenir — Les problèmes d'un
Canada post-référendaire dans une optique non
partisane, Hardial Bains, 1992)
28e anniversaire de la défaite du
Rapport du consensus sur
la Constitution lors du référendum de 1992
- Anna Di Carlo -
Le dirigeant du PCC(M-L) Hardial Bains s'adresse
aux participants à une réunion du Comité « Votez
Non le 26 octobre » à Ottawa le 10
septembre 1992.
Le 26 octobre était l'anniversaire du
référendum sur l'Accord de Charlottetown et de la
défaite des forces de l'establishment ce jour-là
en 1992 par le peuple canadien. L'Accord de
Charlottetown, dont l'appellation officielle était
le Rapport du consensus sur la Constitution,
était une entente conclue entre le premier
ministre de l'époque, Brian Mulroney, dix premiers
ministres provinciaux, deux représentants des
Territoires et quatre chefs autochtones[1].
L'Accord de Charlottetown a été la deuxième
tentative de réforme constitutionnelle du
gouvernement conservateur. La première était
l'Accord du lac Meech en 1987 qui n'avait pas
réussi à gagner l'approbation nécessaire des
assemblées législatives provinciales et
territoriale et avait avorté le 23
juin 1990. [2]
Durant cette période, la revendication d'une
assemblée constituante ou d'une convention
constitutionnelle élue au suffrage universel est
apparue comme un rejet du contrôle élitiste et une
proposition de voie vers l'avant pour les peuples
du Canada pour qu'ils décident de leur propre loi
fondatrice.
Bien que dans la période menant à l'Accord de
Charlottetown il y a eu une série de consultations
cherchant prétendument à solliciter les
contributions des Canadiens à cette nouvelle
tentative, sa rédaction a été faite dans l'esprit
élitiste du lac Meech. Dès que 11 premiers
ministres eurent conclu une entente de principe
sur une ébauche finale, ils ont décidé d'organiser
deux ultimes réunions à Charlottetown, à
l'Île-du-Prince-Édouard, où ils tiendraient une
cérémonie de signature symbolique. Ainsi
cherchaient-ils à exprimer la confiance de l'élite
dirigeante dans leur réalisation, car c'est à
Charlottetown que, du 1 au 9
septembre 1864, les dirigeants de cette
époque avaient élaboré plusieurs des résolutions
pour appliquer les décisions prises par le
Parlement impérialiste de Londres, en Angleterre,
qui ont ensuite conduit à l'Acte de l'Amérique
du Nord britannique de 1867.
Plus important encore, le fait d'évoquer la
réunion des « pères fondateurs » du Canada
était une forte expression de la conviction des
premiers ministres que les normes politiques des
XVIIIe et XIXe siècles seraient acceptées par le
peuple canadien et que celui-ci abandonnerait la
nécessité moderne d'une convention
constitutionnelle et de la participation des
citoyens à la rédaction de leur propre
constitution. Le fait d'avoir choisi Charlottetown
comme lieu emblématique de la naissance de la
Constitution est en soi contestable puisqu'en
réalité c'est à la Conférence d'octobre 1864
à Québec que les 72 Résolutions
constitutionnelles des « pères fondateurs »
ont vu le jour, tandis que 69 autres
résolutions ont été rajoutées à Londres, en
Angleterre, en décembre 1866, et c'est cet
ensemble de résolutions qui ont constitué l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique en 1867.
On ne peut présumer qu'il n'a pas été jugé
approprié de nommer l'Accord en l'honneur de
Québec ou de Londres.
Le
but de l'Accord de Charlottetown était d'enchâsser
le statu quo dans la Constitution et de céder aux
premiers ministres du Canada — le premier ministre
et les premiers ministres provinciaux — le droit
de prendre les décisions au nom du peuple
canadien. Ainsi auraient-ils eu carte blanche pour
faire ce qu'ils voulaient, tandis que le peuple
canadien était mis à l'écart, réduit au seul et
unique rôle de masse votante pouvant voter de
temps à autre.
Tout comme aujourd'hui, à cette époque un large
mécontentement face au processus politique et aux
politiciens s'est fait entendre partout au pays,
sur la base que le peuple n'exerçait aucun
contrôle sur les affaires du corps politique. La
question de la souveraineté et de son fondement —
la monarchie ou le peuple — a pris l'avant-scène
d'assaut. L'Accord de Charlottetown a conservé la
clause investissant la Reine de la souveraineté,
soutenant, pour se justifier, que le monarque
n'était simplement qu'un chef d'État titulaire et
que le véritable pouvoir était entre les mains
d'un gouvernement de partis élus par le peuple.
Non seulement une telle désinformation
contribue-t-elle à confondre les rôles du
gouvernement et de l'État dans le but de cacher
qui contrôle l'État, mais aussi qui la démocratie
et les institutions démocratiques représentent.
Quoi qu'il en soit, ces efforts pour détourner le
peuple de la nécessité d'investir la souveraineté
dans le peuple n'ont pas réussi. Au contraire. Non
seulement a-t-il refusé de volontairement céder
son droit inhérent de participer aux prises de
décisions qui affectent sa vie et de contrôler le
pouvoir décisionnel, il a exprimé sa profonde
préoccupation face aux questions
constitutionnelles du Canada et la nécessité de
moderniser les arrangements constitutionnels
conclus il y plus de cent ans — il y a 128
ans, plus précisément. Décider de la loi
fondamentale du pays est un droit qui appartient
au peuple qui forme le corps politique sur la base
d'arrangements qui lui sont favorables, et non à
des hommes de propriété de race blanche et de
nationalité britannique qui ont signé la
constitution de 1867 en tant qu'acte du
parlement britannique sous l'égide du 4e
comte de Carnavron au château de Highclere dans le
Hampshire, en Angleterre (rendu populaire par la
série Downton Abbey) [3].
La préoccupation du peuple face à l'état de la
constitution et des affaires politiques s'est
reflétée dans sa participation massive au
référendum de Charlottetown. À l'échelle
nationale, 73 % des votants admissibles se
sont prononcés. Lors des élections de 1993,
qui ont réduit à deux les sièges des conservateurs
de Mulroney à la Chambre des communes, le taux de
participation était de 69,6 %. Depuis
lors, le taux de participation électorale n'a
cessé de diminuer, avec quelques fluctuations
mineures, allant du faible niveau
de 58,8 % aux élections de 2008, au
niveau dit « élevé » de 68,1 % lors
des élections d'octobre 2015, alors que le
taux de participation aux élections fédérales
de 2019 n'était que de 67 %.
Le nombre de personnes qui ont voté Non était
de 7 550 723 (54,2 %) et le
nombre de personnes qui ont voté Oui était
de 6 185 902 (44,8 %). Seuls
Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick et les
Territoires du Nord-Ouest ont voté Oui. Toutes les
autres provinces et le Yukon ont voté Non. En
Ontario, les résultats étaient
presqu'égaux, 49,8 % ayant voté Oui
et 49,6 % ayant voté Non.
Les « consultations » cruelles et cyniques
menant à l'Accord de Charlottetown
Après la défaite de l'Accord du lac Meech, une
myriade de consultations publiques et de
délibérations de comités parlementaires spéciaux
ont eu lieu sous prétexte d'engager le peuple dans
le processus constitutionnel et de « préparer le
terrain » pour la prochaine ronde
constitutionnelle qui ont mené à l'Accord de
Charlottetown. Ainsi, on prétendait que,
contrairement à l'Accord du lac Meech, les
Canadiens, ayant été largement consultés,
appuieraient l'accord lors du référendum.
En décembre 1990, un Comité mixte spécial
sur la Constitution du Canada a été mis sur pied
pour étudier les formules d'amendements de la
Constitution et « mener de vastes consultations
auprès des Canadiens [...] du rôle de la
population canadienne dans le processus ».
Une aversion marquée à la reconnaissance de
l'existence des citoyens comme entités compétentes
du corps politique était frappante. Dans son
rapport publié en juin 1991, le comité
affirmait que « la solution de rechange au
fédéralisme exécutif [4] qu'on
a le plus souvent évoquée et de loin, est une
forme d'assemblée constituante ou de convention
constitutionnelle. Nos audiences, disait-il, nous
portent même à croire que l'idée d'une assemblée
constituante s'est enracinée dans la pensée
politique canadienne depuis l'échec, l'an dernier,
de l'Accord du lac Meech. Il y a un an à peine, il
n'en était presque jamais question dans les débats
publics et même les adversaires les plus féroces
du processus de négociation du lac Meech à
l'époque n'en évoquaient pas la possibilité. Mais
aujourd'hui l'idée d'un forum de ce genre est
partout dans les médias, comme elle s'est
retrouvée aussi dans les témoignages que nous
avons entendus ou reçus. »
En outre, le comité disait que « l'insatisfaction
de la population face à la procédure actuelle de
modification de la Constitution [est telle] que
toute nouvelle proposition, si valable soit-elle,
serait rejetée d'emblée si la population avait
l'impression qu'elle est l'aboutissement des
négociations de onze premiers ministres concluant
des ententes à huis clos. » Il
affirmait que la participation du public était
cruciale pour le succès de toute réforme
constitutionnelle.
Malgré tout, le comité a rejeté la demande des
Canadiens d'une Assemblée constituante,
ridiculisant l'idée qu'une « participation de la
population serait assurée par l'élection directe
de membres impartiaux aux assemblées en fonction
de leurs vues constitutionnelles et de leurs
valeurs ». Il a rejeté l'idée qu'une telle
instance pouvait mieux refléter la volonté des
Canadiens que des « hommes ou femmes politiques
élus en fonction du programme général de leur
parti ». Deux autres instances consultatives
furent mises sur pied pendant cette période. La «
Commission Spicer », anciennement connue
comme le Forum des citoyens sur l'avenir du
Canada, a débuté ses travaux en janvier 1991.
La commission était composée de douze «
personnalités canadiennes » et dirigée par
l'ancien commissaire aux Langues officielles,
Keith Spicer. Le forum a reçu des mémoires de
différentes organisations et tenu des audiences
publiques partout au pays. Près
de 400 000 personnes y ont participé. Le
forum a publié son rapport final le 27
juin 1991. Non seulement a-t-il confirmé le
vaste mécontentement politique, mais aussi le vif
intérêt des Canadiens à participer dans la
rédaction de leur propre constitution. On disait
des centaines de réunions organisées partout au
pays qu'elles étaient des « assemblées
constituantes virtuelles ».
Ensuite, un Comité mixte spécial sur le
Renouvellement du Canada a été créé, composé
de 15 députés et de 10 sénateurs. Lui
aussi devait offrir au peuple « l'occasion de
participer à l'élaboration du plan d'action du
gouvernement du Canada pour le renouvellement du
Canada ». Il a reçu plus
de 3 000 mémoires, un record historique
à cette époque, organisé 78 réunions
publiques et entendu 700 individus. Il a
télévisé cinq conférences constitutionnelles
nationales.
La contribution importante du PCC(M-L) au rejet
historique
de l'Accord de Charlottetown
En
mars 1992, en réponse au Comité mixte spécial
sur le renouvellement du Canada, portant le nom de
Rapport Beaudoin-Dobbie, une plénière élargie du
Comité central du Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste) a fait connaître son opinion
sur les critères d'une constitution démocratique
et a appelé les Canadiens à rejeter le Rapport
Beaudoin-Dobbie. La déclaration du Parti a établi
les exigences fondamentales d'un renouveau
démocratique et rejeté la duplicité des notions
d'« inclusion » et de « droits »
contenues dans le Rapport Beaudoin-Dobbie.
Le comité a recommandé « une nouvelle disposition
constitutionnelle qui permettrait aux
gouvernements fédéral et provinciaux de se
déléguer des pouvoirs législatifs dans le cadre
d'un processus ouvert et public ». Dans sa
déclaration, le Parti a rejeté les propositions du
Comité mixte pour une plus grande consolidation du
fédéralisme exécutif comme moyen d'amender la
constitution.« C'est en effet une proposition
dangereuse, a-t-il écrit. La méthode
traditionnelle consistant à priver les Canadiens
du droit de prendre toutes les décisions
fondamentales les concernant par suffrage direct
et universel recevra une protection
constitutionnelle selon les propositions du Comité
mixte. Nous croyons fermement que tous les
Canadiens doivent prendre une position résolue et
catégorique à la défense de leur droit de formuler
leur Constitution par suffrage direct et
universel. Les Canadiens ont déjà rejeté tout
‘processus ouvert et public' qui les prive de ces
droits fondamentaux. »
Dans sa déclaration, le Parti a aussi abordé le
problème central de la relation entre la
constitution et la forme de gouvernement, ou la
nature du système économique ou politique qu'elle
embrasse. C'était particulièrement important à la
lumière de la conjoncture dans la direction de
l'économie canadienne. Alors que le gouvernement
avait commencé l'intégration du Canada dans
l'Amérique du Nord des monopoles avec l'Accord du
libre-échange de 1988, le Comité mixte
spécial sur le Renouvellement du Canada portait
une attention particulière aux arrangements
constitutionnels servant le nouvel ordre mondial.
Il parlait de la nécessité d'un fédéralisme «
capable de relever le défi mondial et de résoudre
les problèmes d'un monde de plus en plus
petit » et d'une consolidation de la
fédération pour que celle-ci puisse permettre « de
gérer notre interdépendance inévitable dans
l'intérêt de tous les Canadiens ». Ce plus
grand bien, l'intérêt de tous les Canadiens, était
défini comme étant la création d'une économie
basée non pas sur servir les besoins du peuple à
tous les niveaux, mais comme une économie qui
devait être « compétitive » dans l'économie
mondiale. « À notre avis, la Constitution devrait
aussi comporter une déclaration par laquelle les
Canadiens et leurs gouvernements s'engageraient à
se vouer à l'atteinte des importants objectifs
économiques de notre pays. [...] En effet, le
nouveau contrat social sera un élément important
du renouveau économique, et une économie
compétitive est une condition du bien-être de la
société. » Le Parti a fermement rejeté de
telles notions. Il a dit : « Tout cela ne
relève pas du domaine des principes fondamentaux.
Le seul principe fondamental à respecter à cet
égard est le droit du peuple de décider de ces
affaires lui-même, comme bon lui semble. Le peuple
doit décider selon ses besoins et ses désirs et
doit pouvoir le faire à n'importe quelle étape
particulière de son développement historique.
C'est ce droit qui doit être incorporé dans la
Constitution. Il est on ne peut plus clair que le
fait d'enchâsser une forme particulière de
gouvernement ou de système économique et politique
dans une Constitution est une violation
fondamentale de la liberté de conscience et de
croyance. »
Dans la déclaration du Parti, celui-ci soulignait
: « L'absence de droits fondamentaux
dans la Constitution canadienne actuelle est à
l'origine de la crise constitutionnelle. D'autres
problèmes que soulève le Comité mixte, comme la
nécessité d'un renouvellement économique et de
fonctionner dans un ‘monde interdépendant' sont
des questions de politique gouvernementale et
là-dessus encore les Canadiens doivent être
consultés à chaque fois que le problème touche aux
orientations fondamentales du Canada, mais ces
problèmes n'ont rien à voir avec la constitution
d'un pays. Tant que le peuple du Canada n'abordera
pas ces questions fondamentales, les gouvernements
canadiens costinueront de semer le chaos dans la
vie des gens. » Enfin, le Parti déclarait que
les « principes fondamentaux d'une constitution
démocratique constitution » sont :
« 1. Des droits et des devoirs égaux pour
tous les Canadiens,
2. Le droit de la nation du Québec à
l'autodétermination,
3. La reconnaissance des droits ancestraux des
peuples autochtones.
4. Le droit du peuple du Canada de rédiger sa
propre constitution (qui nécessite l'élection
d'une Assemblée constituante) et de l'adopter par
suffrage universel et direct. »
Ce sont les propositions du Comité mixte
permanent sur l'avenir du Canada qui ont plutôt
été adoptées comme base pour ce qui allait devenir
l'Accord de Charlottetown.
Après 32 années : la tâche de
renouveler la constitution et la démocratie est
toujours à l'ordre du jour
Suite à leur défaite au référendum, les élites
dirigeantes ont dit qu'on allait faire « comme si
de rien n'était », c'est-à-dire qu'elles
allaient continuer à gouverner au moyen du pouvoir
exécutif, se permettant de faire les changements
qu'elles voulaient sans amender la constitution
puisque rien dans les arrangements en vigueur ne
leur interdisait de le faire. Et c'est en fait
toujours le cas aujourd'hui.
Depuis ce temps, les élites dirigeantes n'ont
cessé de dire non à la réouverture de la
constitution parce qu'elles ont très peur que
l'effort du peuple pour s'investir du pouvoir ne
prenne le dessus. On le voit clairement dans la
plateforme électorale libérale de 2015 sur la
réforme du Sénat, qui dit que « le gouvernement
doit se concentrer sur les priorités de la
population, et non pas se lancer dans de nouvelles
rondes de négociations constitutionnelles ».
L'opposition profonde et universelle des élites
dirigeantes à toute reprise des pourparlers
constitutionnels lui vient du référendum
de 1992. Avec le référendum sur l'Accord de
Charlottetown, les Canadiens ont commencé à
établir un lien entre la constitution et les
droits politiques inhérents à la citoyenneté et
leur absence de contrôle sur les décisions qui
affectent leur vie de tous les jours.
Le Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste) a été très actif durant le
référendum sur l'Accord de Charlottetown. C'est le
Parti qui a été le fer de lance du Comité « Votez
Non le 26 octobre », dont son dirigeant
Hardial Bains a fait remarquer que, dans sa forme
la plus simple, la question est devenue de plus en
plus centrée sur le problème suivant : si la
constitution doit ou non garantir un certain
nombre de droits fondamentaux.
Hardial Bains a souligné que lorsque John A.
Macdonald a déclaré qu'au Canada il n'y avait «
pas de droits, seulement des privilèges », il
n'y avait aucune illusion que le gouvernement
défendrait les droits et les libertés du peuple.
Il a dit que le rapatriement de la Constitution et
l'inclusion de la Charte des droits et
libertés en 1982 ont servi à créer des
illusions au sujet du degré auquel les droits et
libertés allaient maintenant être garantis. Or,
lorsqu'on y regarde de plus près, a dit Hardial
Bains, « c'est le même diktat : il n'y a pas
de droit, que des privilèges. »[5]
Hardial Bains a conclu que le peuple canadien ne
peut plus fonctionner dans le cadre du cadre
constitutionnel actuel.
« Les Canadiens ont commencé à réaliser que la
constitution canadienne ne reconnaissait pas les
citoyens qui forment le corps politique canadien,
ni les droits et les devoirs qui leur reviennent
en vertu de leur appartenance au corps politique.
En même temps, cette période a vu l'émergence des
Canadiens en tant que peuple et leur opposition à
la notion raciste de 'deux peuples fondateurs'.
Cela s'est accompagné de leur revendication de la
reconnaissance de l'égalité de tous les citoyens
sans distinction de langue, d'origine nationale,
etc. »[6]
« Les limitations, que lui impose la constitution
par la négation de sa souveraineté et de son droit
de décider de sa constitution, et par un processus
politique et électoral qui ne lui reconnaît aucun
rôle dans le gouvernement du pays, l'empêchent
d'agir pour résoudre les problèmes auxquels il
fait face. »
Hardial Bains a judicieusement analysé que c'est
une « loi de la limitation » qui enlève aux
Canadiens « la possibilité de s'attaquer aux
multiples problèmes qui rongent la société »[7].
Face à cet effort de l'establishment canadien
pour mettre fin à la question constitutionnelle,
les membres du Comité « Votez Non le 26
octobre » ont canalisé leur colère dans un
programme pratique pour investir le peuple du
pouvoir afin qu'il puisse exercer un contrôle sur
ses affaires.
Hardial Bains s'adresse aux participants
à la Conférence constitutionnelle du Parti
canadien du Renouveau à Ottawa le 11
septembre 1993.
|
Le Conseil national pour le renouveau fut fondé
le 19 décembre 1992 à Toronto. Pendant
une campagne de recueillement de
signatures, 25 000 personnes ont donné
leur appui officiel à la fondation du Parti
canadien du renouveau en avril 1993, une
association non partisane qui allait continuer le
travail pour le renouveau du processus politique.
Une Campagne pancanadienne pour une constitution
moderne et le renouveau démocratique fut lancée à
l'automne 1994.
Les deux positions diamétralement opposées qui
sont apparues pendant la campagne référendaire sur
l'Accord de Charlottetown montrent qu'une campagne
pancanadienne pour une constitution moderne et le
renouveau démocratique n'a rien perdu de son
importance et de sa pertinence aujourd'hui. Une
position dit que la Loi constitutionnelle
de 1982 est quelque chose qui n'a rien
de pertinent pour les Canadiens ; selon elle,
la démocratie canadienne « telle que nous la
connaissons » est très bonne, à condition
qu'on ne la mette pas à mal et les problèmes
auxquels les Canadiens et la société font face
relèvent de domaines non constitutionnels comme
l'économie ou les affaires sociales et
culturelles, ou peuvent être résolus par des
changements aux politiques gouvernementales.
Aujourd'hui, l'absence de consentement du peuple à
ce que le gouvernement se donne des pouvoirs
d'urgence pour pouvoir agir sans aucune limitation
se traduit par une sorte d'hystérie pour préserver
ce qui est appelée les institutions démocratiques.
Les notions néolibérales de gouvernement fondé sur
des règles, de société civile, de légitimité et de
« valeurs canadiennes » sont continuellement
colportées pour justifier la domination des
ploutocrates.
L'autre position avancée concernant la
Constitution est au coeur du programme du projet
d'édification nationale moderne du PCC(M-L). Le
PCC(M-L) souligne que la société canadienne est
arrivée à un point où son développement est
entravé par son fondement constitutionnel qui est
enraciné dans les conceptions coloniales, racistes
et anti-peuple de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique de 1867 (lesquelles n'ont
pas été écartées avec le soi-disant rapatriement
de la Constitution en 1982) et la Loi
constitutionnelle (1982) a été adoptée avec
sa Charte des droits et libertés. Les
conceptions des droits sont fondées sur des «
limites raisonnables » décidées par un
pouvoir caché et le processus politique qui
continue d'être fondé sur toutes les notions en
vogue pendant la période de la guerre froide[9].
L'Accord du lac Meech et l'Accord de
Charlottetown portaient tous deux l'empreinte de
l'offensive antisociale néolibérale et des
intérêts privés étroits qu'elle favorisait. Ils
sont venus dans la foulée de l'intégration à toute
vapeur du Canada dans l'économie dominée par les
États-Unis et sa machine de guerre et avaient
comme un de leurs objectifs le démantèlement des
accords de partage du pouvoir existants pour
faciliter l'ouverture du pays aux plus puissantes
forces du marché mondial. Cette tendance s'est
poursuivie jusqu'à ce jour et le discours du Trône
du gouvernement Trudeau en est l'exemple le plus
récent.
Depuis sa défaite du 26 octobre 1992,
l'élite dirigeante n'a plus jamais osé soumettre
la question de la constitution au peuple canadien.
Dans cette optique, la demande des Canadiens de
renouveler les arrangements électoraux et
constitutionnels et leur quête pour s'investir du
pouvoir de décider sous toutes ses formes
continuent de représenter le plus grand obstacle à
la voie régressive et dangereuse de l'élite
dirigeante canadienne.
L'incapacité des cercles dirigeants à résoudre la
crise de la gouvernance et à moderniser les
arrangements politiques au moment du référendum
sur l'Accord de Charlottetown a aggravé la
dégénérescence de la vie politique, sociale et
économique du pays à cause de la prise de contrôle
néolibérale directe de l'État et de ses
institutions et du gouvernement par les intérêts
privés étroits des oligopoles, de leurs cartels et
de leurs coalitions. La situation à laquelle font
face les Canadiens aujourd'hui montre clairement
la nécessité urgente de se joindre au travail du
renouveau politique et d'une constitution moderne
pour résoudre une fois pour toutes cette crise
dans l'intérêt du peuple.
Notes
1. De mars
à juillet 1992, des négociations ont eu
lieu entre les gouvernements fédéral,
provinciaux et territoriaux, moins le Québec,
avec la participation de l'Assemblée des
Premières Nations, du Conseil national des
autochtones du Canada (maintenant le Congrès des
peuples autochtones), les Inuit Tapirisat du
Canada et le Conseil national des Métis. Le
Québec s'est joint aux pourparlers en août,
menant à l'accord final.
2. Voir
« 30e anniversaire de la défaite de
l'Accord du lac Meech : Le renouveau
politique et constitutionnel, plus que jamais à
l'ordre du jour », [LINK to :
https ://cpcml.ca/francais/Lmlq2020/Q50042.HTM#9]
3. Henry
Herbert, 4e comte de Carnarvon, a été nommé
secrétaire d'État aux Colonies au Conseil privé
britannique en 1866. Il est connu dans
l'histoire comme l'homme qui « a conféré
l'autonomie gouvernementale au Canada ». Il
a également tenté d'imposer un système de
confédération en Afrique australe. Lorsqu'un tel
système a été rejeté par les peuples de la
région, Carnarvon a déchaîné toute la force des
armes pour l'imposer contre la résistance armée
du peuple. Le régime de la confédération
sud-africaine a été abandonné lorsqu'il a
démissionné en 1878, mais sa politique et
les conflits locaux qui en ont résulté se sont
poursuivis et auraient conduit à la guerre
anglo-boer et aux divisions en cours dans la
société sud-africaine.
4. Le «
fédéralisme exécutif » est décrit à la fois
comme une « institution » et une «
tradition » dans le développement
constitutionnel canadien. Il s'est
particulièrement développé dans la période qui a
suivi la Deuxième Guerre mondiale lorsque
les 11 premiers ministres ont commencé à se
réunir régulièrement. Cela contraste avec le «
pouvoir législatif ». Selon le Comité mixte
spécial sur le processus de modification de la
Constitution, « Le pouvoir législatif,
en 1867, était prédominant au Canada mais
l'exécutif a fini par prendre le dessus au XXe
siècle. Il en a résulté une nouvelle dynamique
au sein de la confédération, où le ‘fédralisme
exécutif' s'est imposé en matière de négociation
d'amendements constitutionnels. »
5. « Thèmes
de la campagne nationale pour une constitution
moderne et le renouveau démocratique :
Pourquoi une campagne
pancanadienne ? », LMLQ, 6
octobre 1994, numéro 42
6. Ibid
.
7. Ibid
.
8. Ibid .
9. L'Acte de
l'Amérique du nord britannique, aussi
appelée Loi constitutionnelle de 1867,
l'acte du Parlement du Royaume-Uni par lequel,
en 1867, trois colonies britanniques en
Amérique du Nord - Nouvelle-Écosse,
Nouveau-Brunswick et Canada - étaient unies
comme « une seule puissance [dominion] sous le
nom de Canada » et par laquelle il était
prévu que les autres colonies et les territoires
de l'Amérique du Nord britannique pourraient
être admis. Il a également divisé la province du
Canada en provinces du Québec et de l'Ontario et
leur a fourni des constitutions. La loi a servi
de « constitution » du Canada
jusqu'en 1982, date à laquelle elle a été
rebaptisée Loi constitutionnelle de 1867 et
est devenue la base de la Loi
constitutionnelle du Canada de 1982,
par laquelle l'autorité du Parlement britannique
a été transférée au Parlement canadien
indépendant.
L'Acte de l'Amérique
du Nord britannique confère au nouveau
dominion une constitution « reposant sur les
mêmes principes que celle du Royaume-Uni ».
Le gouvernement exécutif était conféré/dévolu à
la reine Victoria et à ses successeurs. Ces deux
dispositions signifiaient que le Canada aurait
un gouvernement parlementaire et un gouvernement
ministériel. La législature devait se composer
d'un Sénat, de ses membres nommés à vie dans les
régions du Canada et d'une Chambre des communes
élue parmi les provinces sur le principe de la
représentation selon la population. La loi
prévoyait que le droit pénal devait être fédéral
et le droit civil provincial. Le gouvernement
fédéral devait nommer tous les juges de haut
rang, les provinces administrer les lois et
maintenir les tribunaux. La loi autorisait
également la création d'une Cour suprême du
Canada.
La répartition des pouvoirs entre
les gouvernements fédéral et provinciaux se
faisait par les articles 91 et 92 de
la loi. Dans le premier cas, la législature
fédérale a reçu le pouvoir de légiférer pour «
la paix, l'ordre et le bon gouvernement du
Canada » et « pour plus de
garantie », 29 sujets de compétence
fédérale exclusive ont été énumérés. La loi
donnait également au gouvernement fédéral le
droit de rejeter toute loi provinciale dans les
deux ans suivant son adoption. Les provinces ne
peuvent percevoir que des impôts directs, tandis
que le dominion peut utiliser n'importe quel
mode d'imposition fiscale. La loi prévoyait donc
une union dans laquelle le gouvernement fédéral
avait des pouvoirs généraux et prépondérants,
tandis que les provinces en avaient qui étaient
particuliers et restreints.
L'interprétation judiciaire au
cours du temps par le Comité judiciaire du
Conseil privé impérial a néanmoins transformé le
caractère de la constitution fédérale en vertu
de la loi en réduisant considérablement les
pouvoirs du gouvernement fédéral et en
augmentant en conséquence ceux des provinces. La
loi ne prévoyait aucun processus pour l'amender.
Des amendements ont été apportés par le
Parlement impérial à Londres à la demande du
Parlement du Canada.
(« Loi constitutionnelle
de 1867 - Une loi du Parlement du
Royaume-Uni » - Encyclopedia Britannica)
Loi fédérale sur la
responsabilité de 2006
- Mémoire du PMLC -
Soumis au Comité permanent du Sénat sur les
Affaires juridiques et constitutionnelles le 7
septembre 2006
L'honorable sénateur Donald H. Oliver,
président du Comité permanent du Sénat sur les
Affaires juridiques et constitutionnelles
Monsieur le président et membres du Comité,
Le projet de loi C-2, Loi fédérale sur la
responsabilité, a pour objectif déclaré d'«
améliorer la confiance des Canadiens à l'égard de
leur gouvernement et des représentants qu'ils ont
élus ». La confiance des citoyens a été
ébranlée par les scandales qui ont mené à la
Commission Gomery, nous dit-on, et le projet de
loi C-2 ferait en sorte que cela ne se répète pas.
Le projet de loi s'intéresse notamment à modifier
la Loi électorale du Canada. Le présent
mémoire discute de certaines de ces modifications
et donne les raisons pour lesquelles elles
n'atteindront pas le but professé.
* * *
Le matériel de référence publié par le
gouvernement Harper sur la Loi sur la
responsabilité cite la réforme du
financement des partis politiques comme un des
éléments clés, la plaçant dans le contexte
suivant : « La Loi électorale du Canada
réglemente les contributions aux campagnes
électorales et le financement des candidats et des
partis politiques au Canada. La Loi assure la
transparence et réglemente les activités et
relations financières des partis politiques et des
candidats. Il faut cependant faire davantage pour
ramener la confiance du public dans l'intégrité du
processus démocratique et veiller à ce que
l'influence ne puisse s'acheter avec des
contributions politiques. Les contributions des
sociétés, des syndicats et des organisations sont
particulièrement préoccupantes, car, à l'heure
actuelle, celles-ci peuvent provenir de sources
inconnues. »
Le gouvernement explique qu'en ce qui concerne le
financement politique, le but de la Loi sur la
responsabilité est de « renforcer les lois
qui régissent le financement des partis politiques
et des candidats pour réduire la possibilité que
des gens exercent une influence en versant des
contributions importantes ». Le gouvernement
Harper présente les modifications à la Loi
électorale du Canada comme un moyen «
d'accroître la transparence, de réduire la
possibilité d'influencer les politiciens en leur
versant des contributions et d'aider les
Canadiennes et les Canadiens à avoir davantage
confiance dans l'intégrité du processus
démocratique ». De plus, il affirme que les
changements « placeront les donateurs sur un pied
d'égalité et inciteront les partis politiques à
faire participer plus directement
l'électorat. »
Il va de soi, donc, que notre devoir est
d'examiner les changements proposés pour voir
s'ils permettront d'atteindre l'objectif visé et
de tirer les conclusions qui s'imposent.
Après avoir examiné ces changements, nous sommes
d'avis qu'ils ne permettront pas d'atteindre
l'objectif visé. Entre autres, il y a le fait
qu'il n'y a pas eu de délibérations sur ce qui a
mené au scandale des commandites. Il n'est pas
suffisant de déterminer quels méfaits ont été
commis, ni même d'en décrire certains et
d'attribuer la faute dans les cas soumis à
l'examen. Blâme et responsabilité ne sont pas
synonymes. Pensons aux deux pilotes américains qui
ont été trouvés en faute et qui ont été blâmés
pour la mort de quatre soldats canadiens dans
l'incident des « tirs amicaux ». Qui en porte
la responsabilité ? Pourquoi des soldats
canadiens continuent-ils de se faire tuer par des
« tirs amicaux » ?
En ce qui concerne l'enquête sur le Programme des
Commandites, si on a révélé comment des fonds
publics se sont retrouvés dans les coffres du
Parti libéral, on ne s'est pas attaqué à la raison
pour laquelle ces choses se produisent. On ne
s'est pas penché sur le fait que certains partis
politiques ont un besoin désespéré d'argent en
général et sur ce qui a mené un parti établi
depuis longtemps au Canada à voler des fonds du
trésor public. Autrement dit, on n'a pas examiné
la crise dans laquelle est plongé le système de
démocratie représentative dominé par les partis ou
d'un processus électoral conçu pour porter au
pouvoir des partis politiques. On n'a pas cru bon
d'examiner pourquoi les citoyens se sentent
impuissants et à l'écart et comment ils sont
réduits au statut de masse votante. L'affaire a
été confinée à l'existence de personnes sans
scrupules au sein du Parti libéral et dans la
fonction publique, à des lacunes du processus
administratif et à l'absence d'un mécanisme de
supervision adéquat.
La pratique, la norme ou le code de conduite de
la responsabilité ministérielle qui avait court il
n'y a pas très longtemps en tant que mécanisme de
responsabilisation a tout simplement été écarté.
Les conséquences pour le corps politique ne sont
même pas examinées. Les citoyens, les membres des
partis politiques pris individuellement et les
partis politiques eux-mêmes, les députés, les
fonctionnaires -- tous sont placés dans la
position intenable de ne pas savoir ce qui les
attend. De nouvelles lois sont adoptées sans
délibérations dignes du nom et sont passées à
toute vapeur pour avancer des intérêts partisans
en usant de sophismes, comme par exemple : Le
but est la responsabilisation, la transparence,
changer la façon de faire du gouvernement. C'est
ce que vont accomplir ces changements. Ce sont de
bons changements parce que le but est bon et que
les Canadiens le veulent. Alors quiconque s'oppose
à ces changements s'opposent à ce que les
Canadiens veulent.
À notre avis, les mesures prévues par le projet
de loi et la façon dont elles sont discutées
montrent que l'objectif n'est pas sérieux. Il n'a
qu'une valeur de propagande. Qui décide de
l'objectif et que doit être cet objectif n'est pas
discuté ni approuvé, mais pris comme une vertu.
On prétend ensuite que la solution à un problème
sérieux est d'accroître la réglementation
régissant les partis politiques et la surveillance
et l'imputabilité des élus et des fonctionnaires.
Le contexte
Durant l'enquête de la Commission
Gomery, il est ressorti que le programme des
commandites avait été conçu lors d'une retraite
fermée du cabinet du Parti libéral le 1er et
le 2 février 1996. L'objet principal des
délibérations à cette rencontre était un rapport
contenant des recommandations sur l'unité
nationale préparé par le ministre des Affaires
intergouvernementales, Marcel Masse. Le rapport
recommandait entre autres « le renforcement de
l'organisation du Parti libéral du Canada au
Québec », c'est-à-dire « l'embauche
d'organisateurs, la recherche de candidats,
l'identification des circonscriptions pouvant être
gagnées aux prochaines élections fédérales et
l'utilisation des techniques politiques les plus
modernes pour atteindre l'électorat ciblé ».
D'autres recommandations portaient sur «
l'accroissement de la présence fédérale au
Québec », qui est devenu synonyme d'ingérence
et d'interférence dans les affaires politiques du
peuple québécois, souvent de façon illégale, comme
l'organisation de la « manifestation pour l'unité
nationale » à Montréal durant le référendum
de 1995.
C'est le fait que, pour le cabinet fédéral, la
solution à la crise constitutionnelle du Canada
était de faire élire des libéraux au Québec, et
qu'il a décidé de le faire à tout prix, de pair
avec le refus du gouvernement du Canada de
reconnaître le droit du peuple québécois à
l'autodétermination, y compris à la sécession s'il
le désire, qui a mené à ce qu'on a appelé le
scandale des commandites. Il s'en est suivi un
régime bien rodé de pots-de-vin par lequel des
fonds ont été acheminés dans les coffres du Parti
libéral et des campagnes électorales ont été
financées en infraction à la loi.
À ce jour, les faits reliés à cette affaire n'ont
pas été entièrement enquêtés et personne n'a été
tenu responsable d'infractions à la Loi des
élections du Canada. Comment croire, dans
ces conditions, que les politiciens seront tenus
responsables à l'avenir. Le Parti libéral s'est
absout en expulsant quelques membres et en
remboursant l'État pour l'argent qu'il a reçu par
des contrats gouvernementaux qu'on sait être issus
de pots-de-vin. Le fait que, pour rembourser les
contribuables, le Parti libéral ait utilisé des
fonds publics obtenus en conséquence de campagnes
électorales menées en contravention à la loi n'est
pas considéré comme une préoccupation valable.
L'idée que ce serait l'absence de loi le
problème
Pour ce qui est du financement
politique, la solution proposée avec la Loi
fédérale sur la responsabilité, pour qui il
s'agit uniquement d'un problème de « loi et
ordre », est d'instituer d'autres lois, de
multiplier les restrictions sur les dons aux
partis politiques et de prolonger la période
durant laquelle des poursuites peuvent être
entamées. La clé, selon le premier ministre, est
de « renforcer la loi ». Il préconise la même
approche pour ce qui est des infractions dans la
fonction publique.
Le Parti marxiste-léniniste du Canada (PMLC)
trouve absurde l'idée que le problème soit
l'absence de loi. Par exemple, dans une des notes
explicatives de la loi sur la responsabilité il
est question d'« interdire les contributions
secrètes aux candidats ». Par définition, une
« contribution secrète » est une contribution
qui est inconnue, alors l'idée de les interdire
est ridicule. Les actes qui sont à l'origine du
scandale des commandites n'ont pas été posés grâce
à l'absence de loi, ils ont été commis en
contravention à la loi, et ce, impunément et
pendant de longues années. Les faits démontrent
que, par le programme des commandites, les
représentants du Parti libéral ont enfreint des
lois déjà en place dans leurs tentatives de
manipuler les résultats d'élections au Québec en
essayant de contourner la loi électorale.
Une des modifications proposées à la Loi
électorale du Canada est que les
contributions en argent comptant
dépassant 20 $ deviennent illégales et
qu'un reçu soit émis pour toutes les
contributions, en argent comptant ou autres,
de 20 $ et plus. L'image qui est restée
dans la tête de tout le monde avec le scandale des
commandites est celle de sacs d'argent échangés
dans des restaurants. Les députés et sénateurs ne
vont certainement pas croire qu'une telle
interdiction puisse empêcher l'utilisation
illicite de l'argent pour influencer les affaires
politiques à l'avenir. En fait, il s'agit d'une
approche unilatérale qui accroît la discrimination
envers les simples citoyens et leur participation
à l'établissement de partis politiques. Tant que
les élections demeurent essentiellement une
affaire d'argent, plutôt qu'un moyen d'habiliter
les citoyens à exercer un contrôle sur leur choix,
sur les élus et sur les gouvernements, ces
modifications ne font que faciliter la
concentration du pouvoir entre les mains d'un
nombre de plus en plus restreint d'individus, ce
qui en soi facilite la corruption, le favoritisme
et le copinage.
L'impact du projet de loi C-2 sur les
formations politiques : Violation du droit à
la liberté d'association
Lorsque les libéraux ont déposé le
projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi
électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le
revenu (financement politique), le PMLC
avait soutenu que l'imposition de limites sur les
contributions faites à des partis politiques
enregistrés constitue une atteinte au droit à la
liberté d'association. La liberté d'association
est généralement comprise comme étant
l'interdiction de pénaliser les citoyens dans leur
effort pour établir une association de leur choix
dans la mesure où ladite association n'a pas pour
but de commettre des infractions à la loi. La
réalité du projet de loi C-2 est qu'un des
éléments de la liberté d'association, soit la
capacité de recueillir des fonds pour bâtir une
association, devient en soi un acte criminel.
L'individu qui contribue plus
de 1 000 $ à la caisse d'un parti
politique enregistré commettra une infraction à la
loi. Celui qui fait une contribution
de 21 $ en argent comptant ou qui
accepte une contribution de 21 $ en
argent comptant commettra une infraction à la loi.
Le régime de cotisations politiques mensuelles,
une vieille tradition pour les partis ouvriers,
sera illégal si la cotisation
dépasse 83,33 $ par mois.
La réforme interdira à des personnes de
recueillir de l'argent entre elles pour un
objectif politique commun, selon leurs conditions,
si elles participent aux élections en tant que
parti enregistré. Par exemple, si un parti
politique veut réaliser un projet qui requiert de
grandes sommes d'argent, comme établir une
institution éducative, il ne pourra pas faire
appel directement à la population pour des
contributions importantes. À l'heure où le rôle
des partis politiques au Canada est discrédité
plus que jamais, entre autres parce qu'ils sont
perçus comme de vulgaires machines électorales, le
projet de loi C-2 aura pour effet d'enraciner la
conception du parti politique en tant
qu'organisation qui ne fonctionne que comme une
machine servant à briguer des voix et qui, de
surcroît, est financé par le trésor public pour
chaque vote qu'il reçoit. Les médias font
présentement état de plaintes à propos du
processus de mise en candidature du Parti
conservateur et l'on voit quels problèmes
surgissent quand ceux qui contrôlent un parti
bafouent les désirs et les attentes des membres.
De plus, les limites sur les contributions
qu'impose le projet de loi C-2, comme le faisait
le projet de loi C-24, rendent maintenant illégaux
les moyens par lesquels les partis politiques
représentés à la Chambre des communes se sont
établis. Un nouveau parti politique ne pourra pas
recueillir des contributions politiques
importantes comme celles sollicitées par le Parti
conservateur (réformiste) auprès de l'industrie du
pétrole en Alberta, ou celles sollicitées par le
NPD auprès des syndicats. Il est intéressant de
noter à cet égard qu'avant l'entrée en vigueur des
limites sur les contributions des syndicats et des
sociétés, les libéraux discouraient sur l'«
apparence d'influence indue » créée lorsque
des contributions politiques importantes sont
faites et sur le besoin de transparence, alors que
le Parti libéral a accepté un don de 2
974 341,20 $ d'une société à
dénomination numérique. Le NPD, lui, a plus que
doublé les contributions qu'il recevait des dix
principaux contributeurs syndicaux par rapport à
l'année précédente. Cela montre bien la nature
intéressée de ce type de réformes électorales,
puisqu'elles vont à toutes fins pratiques bloquer
la formation d'une opposition politique aux partis
établis à la Chambre des communes et accroître les
querelles à l'intérieur et entre ces partis. Les
partis à la Chambre des communes se sont assurés
un financement perpétuel de l'État de plusieurs
millions de dollars, avec la formule de
subventions par votes obtenus. Ce financement de
l'État est à son tour utilisé comme garantie
contre des prêts bancaires et, étrangement, cette
dernière pratique n'est pas considérée comme une
forme détournée de financement par des sociétés
privées.
La différence entre réglementer les élections
et
réglementer les partis politiques
Durant les audiences du Sénat sur le
projet de loi C-2, il est ressorti que les
conservateurs n'ont pas rapporté les frais
d'admission au congrès de mars 2005 du Parti
conservateur en tant que contributions politiques.
Cet incident signale un développement politique
très significatif au Canada, un développement qui
est manifeste dans le projet de loi C-2 et dans le
projet de loi C-24 avant lui. Plus il y a de
nouveaux règlements régissant la conduite des
partis politiques enregistrés, plus s'efface la
distinction entre le rôle de l'État dans la
conduite des élections et le rôle de l'État dans
le contrôle des partis politiques. Le premier est
justifiable, nécessaire et en mal de renouveau
démocratique. Le second est inacceptable et
antidémocratique et rend ridicule toute notion de
liberté politique.
C'est sur un terrain dangereux qu'on s'avance
parce que l'établissement d'un pouvoir aussi
étendu de l'État sur le corps politique représente
un État policier en devenir. L'incident à propos
des frais d'admission au congrès du Parti
conservateur a certainement fait ressortir
l'ampleur de la subordination des affaires
internes des partis politiques à la réglementation
de l'État et qu'une affaire politique tout à fait
routinière devient tout à coup un acte suspect, un
délit potentiel ou réel.
L'État peut en toute légitimité réglementer les
élections. Il a le devoir et la responsabilité de
garantir que tous les citoyens, quel que soit leur
richesse, puissent exercer leur droit d'élire et
d'être élu. Il a le devoir de garantir que les
élections aient lieu dans des conditions où les
citoyens puissent délibérer sans restriction de
l'avenir de leur société, de sélectionner et
d'élire des candidats issus de leur milieu,
d'établir l'ordre du jour et d'élire leur
gouvernement. Il faut munir le Canada de telles
lois électorales et mettre fin à l'exclusivité
présentement accordée aux partis politiques dans
les élections et les affaires du gouvernement.
Une distinction entre le financement des partis
politiques et des candidats et le financement des
élections
Si la distinction entre la
réglementation des partis politiques et la
réglementation des élections est de plus en plus
effacée, celle entre le financement du processus
électoral et le financement des partis politiques
l'est aussi.
Au Canada, la législation actuelle est censée
garantir la tenue d'élections « libres et
équitables » par un régime de limites sur les
dépenses électorales et, plus récemment, sur les
contributions politiques. Ce régime est hors de
contrôle et contraire à la liberté politique parce
que 1) les campagnes électorales n'ont plus
ni début, ni fin; 2) l'argent requis pour
concurrencer dans une élection, même avec des «
limites de dépenses », est hors de la portée
de quiconque n'est pas nanti ou lié à ceux qui
travaillent dans les coulisses du pouvoir pour le
compte des partis de l'establishment; 3) la
concurrence inhérente pousse les partis de
l'establishment à constamment tenter de se
surpasser, notamment en trouvant des échappatoires
dans la loi ou des moyens de la contourner;
et 4) la demande de contrôle de l'argent
dépensé par les partis politiques durant les
élections est devenue un cri de bataille pour le
contrôle des partis politiques eux-mêmes et des
personnes qui leur versent des contributions. Tout
en ne respectant pas la promesse de garantir « des
chances égales », le système de démocratie
représentative dominé par les partis crée une
énigme qui met en péril la notion même de liberté
d'association politique et les droits et libertés
politiques connexes. C'est ce qu'on voit entre
autres avec les restrictions sur les dépenses de «
tiers partis » qui ont pour tout effet
pratique de décourager la participation organisée
aux élections.
Les fonds publics doivent servir à financer la
sélection et l'élection des candidats par les
électeurs
Une des anomalies de l'évolution de la
législation électorale au Canada est que plus on
prétend reconnaître le droit de tous les membres
du corps politiques d'élire et d'être élus, plus
est renforcé le rôle des partis politiques en tant
qu'« organisations politiques primaires »
plutôt que d'habiliter les citoyens à exercer
leurs droits politiques. La Loi électorale est
ainsi devenue une loi habilitant des partis
politiques privilégiés, plutôt que d'habiliter
tous les membres du corps politique à participer à
la gouvernance. Le gouvernement par décrets
exécutifs est une extension de ce phénomène. Ni la
Chambre des communes ni le Sénat ne peut délibérer
des projets de loi de façon responsable et avec le
temps voulu. Pour leur part, les députés n'ont pas
le pouvoir d'établir l'ordre du jour du
gouvernement et les membres des partis ont de
moins en moins de contrôle sur leur parti.
Le PMLC est d'avis que l'État ne doit financer
personne : il doit financer le processus de
sélection des candidats. Tous ceux et celles qui
désirent être candidat ou candidate à une élection
passent d'abord par la sélection et l'État finance
tout le processus. Cela veut dire que ce serait la
responsabilité de comités de circonscription non
partisans, établis sous le contrôle d'une
commission électorale, de s'assurer du bon
fonctionnement du processus de sélection.
Ces comités assumeraient la responsabilité de
fournir l'information nécessaire concernant tous
les candidats à l'ensemble de l'électorat. Ils
auraient la responsabilité d'organiser des débats
et des assemblées auxquels sont invités à
participer tous les candidats qui se présentent à
la sélection. Si les travailleurs dans une usine
ou d'autres endroits de travail désirent
sélectionner un des leurs pour les représenter à
l'élection, les moyens de le faire doivent être
mis à leur disposition. Ceux qui sont choisis par
les partis politiques doivent aussi passer par
cette étape du processus électoral. Les électeurs
d'une circonscription sélectionneraient pas plus
de trois personnes comme candidats à l'élection.
Les membres d'un parti politique seraient égaux à
tous les autres qui se présentent.
La prochaine étape du processus électoral se
ferait dans le même ordre de choses : des
fonds publics serviraient à fournir aux électeurs
toute l'information nécessaire pour faire un choix
informé. Qu'un candidat ait de l'argent ou non,
qu'il soit d'accord non avec les vues d'un parti
politique particulier, il a les mêmes possibilités
de se présenter aux élections. Ce n'est que si le
processus de sélection est financé par des fonds
publics et qu'aucun fonds public n'est mis à la
disposition de groupes d'intérêts particuliers, y
compris les partis politiques, que cela peut se
faire.
Il n'y aurait pas de raison d'avoir des lois qui
s'immiscent dans le fonctionnement des partis
politiques si les fonds publics servaient à
financer le processus électoral. Par exemple, une
des justifications données pour réglementer et
contrôler les courses à la chefferie des partis
politiques est que le chef du parti pourrait
devenir le premier ministre à cause de la place
actuelle des partis politiques dans le système. Si
on habilite les citoyens à exercer leur droit de
sélectionner et d'élire, le gouvernement serait
formé par des députés à qui on a confié la tâche
de gouverner le pays suivant la volonté de la
majorité, et le premier ministre et les autres
ministres seraient élus par eux.
Conclusion
Il y a un peu plus de deux ans et demi,
un régime de financement politique a été institué
qui finance les partis en leur donnant des
subventions en fonction du nombre de votes et
établit des limites sur les contributions
politiques. Ce régime en place n'a pas amélioré la
perception qu'ont les citoyens de l'intégrité et
de l'honnêteté du système parce qu'il n'a
substantiellement rien changé au rapport entre les
partis politiques, leur rôle dans le corps
politique et la marginalisation des électeurs par
le système de gouvernement de parti. La clé
est-elle le 4 000 $ de différence
entre les limites imposées par les libéraux et
celles imposées par les conservateurs ?
Prétendre que changer les limites des
contributions de 4 000 $ et
éliminer les contributions des sociétés et des
syndicats (quand on sait déjà qu'il y a mille et
une façons de contourner cette restriction) feront
la différence, c'est pousser à l'absurde le
concept de réforme. La véritable réforme
démocratique commence avec la proposition du PMLC
que le gouvernement finance le processus
politique, pas les partis politiques.
Comme l'a indiqué le PMLC lorsque le projet de
loi C-24 a été adopté, chaque réforme de la Loi
électorale du Canada n'a fait qu'exacerber
la crise du système de gouvernement de parti. Il
est évident qu'il en sera encore ainsi avec la Loi
fédérale sur la responsabilité et les
modifications qu'elle apporte à la Loi électorale.
Ces modifications sont encore du genre à accroître
la concentration du pouvoir entre les mains de
quelques-uns. Le résultat sera le contraire de ce
que les Canadiens veulent.
Le PMLC croit que les sénateurs doivent s'assurer
que les modifications proposées à la loi fassent
l'objet de délibérations adéquates auprès de ceux
qui ont des choses à dire et aussi longtemps qu'il
le faudra. Sans discuter du but visé et sans tirer
les conclusions qui s'imposent, comment juger des
changements proposés et comment déterminer s'ils
atteindront l'objectif visé ? Ce problème ne
disparaîtra pas. Il serait préférable de s'y
attaquer maintenant, avec tout le temps qu'il
faut, que d'espérer en vain qu'il disparaisse en
sanctionnant un projet de loi mal conçu.
(LML 8 septembre 2006)
(Pour voir les articles
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