28e anniversaire de la défaite du
Rapport du consensus sur
la Constitution lors du référendum de 1992
La signification de l'Accord de Charlottetown et de sa défaite
- Anna Di Carlo -
Le dirigeant du PCC(M-L) Hardial Bains s'adresse
aux participants à une réunion du Comité « Votez
Non le 26 octobre » à Ottawa le 10
septembre 1992.
Le 26 octobre était l'anniversaire du
référendum sur l'Accord de Charlottetown et de la
défaite des forces de l'establishment ce jour-là
en 1992 par le peuple canadien. L'Accord de
Charlottetown, dont l'appellation officielle était
le Rapport du consensus sur la Constitution,
était une entente conclue entre le premier
ministre de l'époque, Brian Mulroney, dix premiers
ministres provinciaux, deux représentants des
Territoires et quatre chefs autochtones[1].
L'Accord de Charlottetown a été la deuxième
tentative de réforme constitutionnelle du
gouvernement conservateur. La première était
l'Accord du lac Meech en 1987 qui n'avait pas
réussi à gagner l'approbation nécessaire des
assemblées législatives provinciales et
territoriale et avait avorté le 23
juin 1990. [2]
Durant cette période, la revendication d'une
assemblée constituante ou d'une convention
constitutionnelle élue au suffrage universel est
apparue comme un rejet du contrôle élitiste et une
proposition de voie vers l'avant pour les peuples
du Canada pour qu'ils décident de leur propre loi
fondatrice.
Bien que dans la période menant à l'Accord de
Charlottetown il y a eu une série de consultations
cherchant prétendument à solliciter les
contributions des Canadiens à cette nouvelle
tentative, sa rédaction a été faite dans l'esprit
élitiste du lac Meech. Dès que 11 premiers
ministres eurent conclu une entente de principe
sur une ébauche finale, ils ont décidé d'organiser
deux ultimes réunions à Charlottetown, à
l'Île-du-Prince-Édouard, où ils tiendraient une
cérémonie de signature symbolique. Ainsi
cherchaient-ils à exprimer la confiance de l'élite
dirigeante dans leur réalisation, car c'est à
Charlottetown que, du 1 au 9
septembre 1864, les dirigeants de cette
époque avaient élaboré plusieurs des résolutions
pour appliquer les décisions prises par le
Parlement impérialiste de Londres, en Angleterre,
qui ont ensuite conduit à l'Acte de l'Amérique
du Nord britannique de 1867.
Plus important encore, le fait d'évoquer la
réunion des « pères fondateurs » du Canada
était une forte expression de la conviction des
premiers ministres que les normes politiques des
XVIIIe et XIXe siècles seraient acceptées par le
peuple canadien et que celui-ci abandonnerait la
nécessité moderne d'une convention
constitutionnelle et de la participation des
citoyens à la rédaction de leur propre
constitution. Le fait d'avoir choisi Charlottetown
comme lieu emblématique de la naissance de la
Constitution est en soi contestable puisqu'en
réalité c'est à la Conférence d'octobre 1864
à Québec que les 72 Résolutions
constitutionnelles des « pères fondateurs »
ont vu le jour, tandis que 69 autres
résolutions ont été rajoutées à Londres, en
Angleterre, en décembre 1866, et c'est cet
ensemble de résolutions qui ont constitué l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique en 1867.
On ne peut présumer qu'il n'a pas été jugé
approprié de nommer l'Accord en l'honneur de
Québec ou de Londres.
Le
but de l'Accord de Charlottetown était d'enchâsser
le statu quo dans la Constitution et de céder aux
premiers ministres du Canada — le premier ministre
et les premiers ministres provinciaux — le droit
de prendre les décisions au nom du peuple
canadien. Ainsi auraient-ils eu carte blanche pour
faire ce qu'ils voulaient, tandis que le peuple
canadien était mis à l'écart, réduit au seul et
unique rôle de masse votante pouvant voter de
temps à autre.
Tout comme aujourd'hui, à cette époque un large
mécontentement face au processus politique et aux
politiciens s'est fait entendre partout au pays,
sur la base que le peuple n'exerçait aucun
contrôle sur les affaires du corps politique. La
question de la souveraineté et de son fondement —
la monarchie ou le peuple — a pris l'avant-scène
d'assaut. L'Accord de Charlottetown a conservé la
clause investissant la Reine de la souveraineté,
soutenant, pour se justifier, que le monarque
n'était simplement qu'un chef d'État titulaire et
que le véritable pouvoir était entre les mains
d'un gouvernement de partis élus par le peuple.
Non seulement une telle désinformation
contribue-t-elle à confondre les rôles du
gouvernement et de l'État dans le but de cacher
qui contrôle l'État, mais aussi qui la démocratie
et les institutions démocratiques représentent.
Quoi qu'il en soit, ces efforts pour détourner le
peuple de la nécessité d'investir la souveraineté
dans le peuple n'ont pas réussi. Au contraire. Non
seulement a-t-il refusé de volontairement céder
son droit inhérent de participer aux prises de
décisions qui affectent sa vie et de contrôler le
pouvoir décisionnel, il a exprimé sa profonde
préoccupation face aux questions
constitutionnelles du Canada et la nécessité de
moderniser les arrangements constitutionnels
conclus il y plus de cent ans — il y a 128
ans, plus précisément. Décider de la loi
fondamentale du pays est un droit qui appartient
au peuple qui forme le corps politique sur la base
d'arrangements qui lui sont favorables, et non à
des hommes de propriété de race blanche et de
nationalité britannique qui ont signé la
constitution de 1867 en tant qu'acte du
parlement britannique sous l'égide du 4e
comte de Carnavron au château de Highclere dans le
Hampshire, en Angleterre (rendu populaire par la
série Downton Abbey) [3].
La préoccupation du peuple face à l'état de la
constitution et des affaires politiques s'est
reflétée dans sa participation massive au
référendum de Charlottetown. À l'échelle
nationale, 73 % des votants admissibles se
sont prononcés. Lors des élections de 1993,
qui ont réduit à deux les sièges des conservateurs
de Mulroney à la Chambre des communes, le taux de
participation était de 69,6 %. Depuis
lors, le taux de participation électorale n'a
cessé de diminuer, avec quelques fluctuations
mineures, allant du faible niveau
de 58,8 % aux élections de 2008, au
niveau dit « élevé » de 68,1 % lors
des élections d'octobre 2015, alors que le
taux de participation aux élections fédérales
de 2019 n'était que de 67 %.
Le nombre de personnes qui ont voté Non était
de 7 550 723 (54,2 %) et le
nombre de personnes qui ont voté Oui était
de 6 185 902 (44,8 %). Seuls
Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick et les
Territoires du Nord-Ouest ont voté Oui. Toutes les
autres provinces et le Yukon ont voté Non. En
Ontario, les résultats étaient
presqu'égaux, 49,8 % ayant voté Oui
et 49,6 % ayant voté Non.
Les « consultations » cruelles et cyniques
menant à l'Accord de Charlottetown
Après la défaite de l'Accord du lac Meech, une
myriade de consultations publiques et de
délibérations de comités parlementaires spéciaux
ont eu lieu sous prétexte d'engager le peuple dans
le processus constitutionnel et de « préparer le
terrain » pour la prochaine ronde
constitutionnelle qui ont mené à l'Accord de
Charlottetown. Ainsi, on prétendait que,
contrairement à l'Accord du lac Meech, les
Canadiens, ayant été largement consultés,
appuieraient l'accord lors du référendum.
En décembre 1990, un Comité mixte spécial
sur la Constitution du Canada a été mis sur pied
pour étudier les formules d'amendements de la
Constitution et « mener de vastes consultations
auprès des Canadiens [...] du rôle de la
population canadienne dans le processus ».
Une aversion marquée à la reconnaissance de
l'existence des citoyens comme entités compétentes
du corps politique était frappante. Dans son
rapport publié en juin 1991, le comité
affirmait que « la solution de rechange au
fédéralisme exécutif [4] qu'on
a le plus souvent évoquée et de loin, est une
forme d'assemblée constituante ou de convention
constitutionnelle. Nos audiences, disait-il, nous
portent même à croire que l'idée d'une assemblée
constituante s'est enracinée dans la pensée
politique canadienne depuis l'échec, l'an dernier,
de l'Accord du lac Meech. Il y a un an à peine, il
n'en était presque jamais question dans les débats
publics et même les adversaires les plus féroces
du processus de négociation du lac Meech à
l'époque n'en évoquaient pas la possibilité. Mais
aujourd'hui l'idée d'un forum de ce genre est
partout dans les médias, comme elle s'est
retrouvée aussi dans les témoignages que nous
avons entendus ou reçus. »
En outre, le comité disait que « l'insatisfaction
de la population face à la procédure actuelle de
modification de la Constitution [est telle] que
toute nouvelle proposition, si valable soit-elle,
serait rejetée d'emblée si la population avait
l'impression qu'elle est l'aboutissement des
négociations de onze premiers ministres concluant
des ententes à huis clos. » Il
affirmait que la participation du public était
cruciale pour le succès de toute réforme
constitutionnelle.
Malgré tout, le comité a rejeté la demande des
Canadiens d'une Assemblée constituante,
ridiculisant l'idée qu'une « participation de la
population serait assurée par l'élection directe
de membres impartiaux aux assemblées en fonction
de leurs vues constitutionnelles et de leurs
valeurs ». Il a rejeté l'idée qu'une telle
instance pouvait mieux refléter la volonté des
Canadiens que des « hommes ou femmes politiques
élus en fonction du programme général de leur
parti ». Deux autres instances consultatives
furent mises sur pied pendant cette période. La «
Commission Spicer », anciennement connue
comme le Forum des citoyens sur l'avenir du
Canada, a débuté ses travaux en janvier 1991.
La commission était composée de douze «
personnalités canadiennes » et dirigée par
l'ancien commissaire aux Langues officielles,
Keith Spicer. Le forum a reçu des mémoires de
différentes organisations et tenu des audiences
publiques partout au pays. Près
de 400 000 personnes y ont participé. Le
forum a publié son rapport final le 27
juin 1991. Non seulement a-t-il confirmé le
vaste mécontentement politique, mais aussi le vif
intérêt des Canadiens à participer dans la
rédaction de leur propre constitution. On disait
des centaines de réunions organisées partout au
pays qu'elles étaient des « assemblées
constituantes virtuelles ».
Ensuite, un Comité mixte spécial sur le
Renouvellement du Canada a été créé, composé
de 15 députés et de 10 sénateurs. Lui
aussi devait offrir au peuple « l'occasion de
participer à l'élaboration du plan d'action du
gouvernement du Canada pour le renouvellement du
Canada ». Il a reçu plus
de 3 000 mémoires, un record historique
à cette époque, organisé 78 réunions
publiques et entendu 700 individus. Il a
télévisé cinq conférences constitutionnelles
nationales.
La contribution importante du PCC(M-L) au rejet
historique
de l'Accord de Charlottetown
En
mars 1992, en réponse au Comité mixte spécial
sur le renouvellement du Canada, portant le nom de
Rapport Beaudoin-Dobbie, une plénière élargie du
Comité central du Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste) a fait connaître son opinion
sur les critères d'une constitution démocratique
et a appelé les Canadiens à rejeter le Rapport
Beaudoin-Dobbie. La déclaration du Parti a établi
les exigences fondamentales d'un renouveau
démocratique et rejeté la duplicité des notions
d'« inclusion » et de « droits »
contenues dans le Rapport Beaudoin-Dobbie.
Le comité a recommandé « une nouvelle disposition
constitutionnelle qui permettrait aux
gouvernements fédéral et provinciaux de se
déléguer des pouvoirs législatifs dans le cadre
d'un processus ouvert et public ». Dans sa
déclaration, le Parti a rejeté les propositions du
Comité mixte pour une plus grande consolidation du
fédéralisme exécutif comme moyen d'amender la
constitution.« C'est en effet une proposition
dangereuse, a-t-il écrit. La méthode
traditionnelle consistant à priver les Canadiens
du droit de prendre toutes les décisions
fondamentales les concernant par suffrage direct
et universel recevra une protection
constitutionnelle selon les propositions du Comité
mixte. Nous croyons fermement que tous les
Canadiens doivent prendre une position résolue et
catégorique à la défense de leur droit de formuler
leur Constitution par suffrage direct et
universel. Les Canadiens ont déjà rejeté tout
‘processus ouvert et public' qui les prive de ces
droits fondamentaux. »
Dans sa déclaration, le Parti a aussi abordé le
problème central de la relation entre la
constitution et la forme de gouvernement, ou la
nature du système économique ou politique qu'elle
embrasse. C'était particulièrement important à la
lumière de la conjoncture dans la direction de
l'économie canadienne. Alors que le gouvernement
avait commencé l'intégration du Canada dans
l'Amérique du Nord des monopoles avec l'Accord du
libre-échange de 1988, le Comité mixte
spécial sur le Renouvellement du Canada portait
une attention particulière aux arrangements
constitutionnels servant le nouvel ordre mondial.
Il parlait de la nécessité d'un fédéralisme «
capable de relever le défi mondial et de résoudre
les problèmes d'un monde de plus en plus
petit » et d'une consolidation de la
fédération pour que celle-ci puisse permettre « de
gérer notre interdépendance inévitable dans
l'intérêt de tous les Canadiens ». Ce plus
grand bien, l'intérêt de tous les Canadiens, était
défini comme étant la création d'une économie
basée non pas sur servir les besoins du peuple à
tous les niveaux, mais comme une économie qui
devait être « compétitive » dans l'économie
mondiale. « À notre avis, la Constitution devrait
aussi comporter une déclaration par laquelle les
Canadiens et leurs gouvernements s'engageraient à
se vouer à l'atteinte des importants objectifs
économiques de notre pays. [...] En effet, le
nouveau contrat social sera un élément important
du renouveau économique, et une économie
compétitive est une condition du bien-être de la
société. » Le Parti a fermement rejeté de
telles notions. Il a dit : « Tout cela ne
relève pas du domaine des principes fondamentaux.
Le seul principe fondamental à respecter à cet
égard est le droit du peuple de décider de ces
affaires lui-même, comme bon lui semble. Le peuple
doit décider selon ses besoins et ses désirs et
doit pouvoir le faire à n'importe quelle étape
particulière de son développement historique.
C'est ce droit qui doit être incorporé dans la
Constitution. Il est on ne peut plus clair que le
fait d'enchâsser une forme particulière de
gouvernement ou de système économique et politique
dans une Constitution est une violation
fondamentale de la liberté de conscience et de
croyance. »
Dans la déclaration du Parti, celui-ci soulignait
: « L'absence de droits fondamentaux
dans la Constitution canadienne actuelle est à
l'origine de la crise constitutionnelle. D'autres
problèmes que soulève le Comité mixte, comme la
nécessité d'un renouvellement économique et de
fonctionner dans un ‘monde interdépendant' sont
des questions de politique gouvernementale et
là-dessus encore les Canadiens doivent être
consultés à chaque fois que le problème touche aux
orientations fondamentales du Canada, mais ces
problèmes n'ont rien à voir avec la constitution
d'un pays. Tant que le peuple du Canada n'abordera
pas ces questions fondamentales, les gouvernements
canadiens costinueront de semer le chaos dans la
vie des gens. » Enfin, le Parti déclarait que
les « principes fondamentaux d'une constitution
démocratique constitution » sont :
« 1. Des droits et des devoirs égaux pour
tous les Canadiens,
2. Le droit de la nation du Québec à
l'autodétermination,
3. La reconnaissance des droits ancestraux des
peuples autochtones.
4. Le droit du peuple du Canada de rédiger sa
propre constitution (qui nécessite l'élection
d'une Assemblée constituante) et de l'adopter par
suffrage universel et direct. »
Ce sont les propositions du Comité mixte
permanent sur l'avenir du Canada qui ont plutôt
été adoptées comme base pour ce qui allait devenir
l'Accord de Charlottetown.
Après 32 années : la tâche de
renouveler la constitution et la démocratie est
toujours à l'ordre du jour
Suite à leur défaite au référendum, les élites
dirigeantes ont dit qu'on allait faire « comme si
de rien n'était », c'est-à-dire qu'elles
allaient continuer à gouverner au moyen du pouvoir
exécutif, se permettant de faire les changements
qu'elles voulaient sans amender la constitution
puisque rien dans les arrangements en vigueur ne
leur interdisait de le faire. Et c'est en fait
toujours le cas aujourd'hui.
Depuis ce temps, les élites dirigeantes n'ont
cessé de dire non à la réouverture de la
constitution parce qu'elles ont très peur que
l'effort du peuple pour s'investir du pouvoir ne
prenne le dessus. On le voit clairement dans la
plateforme électorale libérale de 2015 sur la
réforme du Sénat, qui dit que « le gouvernement
doit se concentrer sur les priorités de la
population, et non pas se lancer dans de nouvelles
rondes de négociations constitutionnelles ».
L'opposition profonde et universelle des élites
dirigeantes à toute reprise des pourparlers
constitutionnels lui vient du référendum
de 1992. Avec le référendum sur l'Accord de
Charlottetown, les Canadiens ont commencé à
établir un lien entre la constitution et les
droits politiques inhérents à la citoyenneté et
leur absence de contrôle sur les décisions qui
affectent leur vie de tous les jours.
Le Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste) a été très actif durant le
référendum sur l'Accord de Charlottetown. C'est le
Parti qui a été le fer de lance du Comité « Votez
Non le 26 octobre », dont son dirigeant
Hardial Bains a fait remarquer que, dans sa forme
la plus simple, la question est devenue de plus en
plus centrée sur le problème suivant : si la
constitution doit ou non garantir un certain
nombre de droits fondamentaux.
Hardial Bains a souligné que lorsque John A.
Macdonald a déclaré qu'au Canada il n'y avait «
pas de droits, seulement des privilèges », il
n'y avait aucune illusion que le gouvernement
défendrait les droits et les libertés du peuple.
Il a dit que le rapatriement de la Constitution et
l'inclusion de la Charte des droits et
libertés en 1982 ont servi à créer des
illusions au sujet du degré auquel les droits et
libertés allaient maintenant être garantis. Or,
lorsqu'on y regarde de plus près, a dit Hardial
Bains, « c'est le même diktat : il n'y a pas
de droit, que des privilèges. »[5]
Hardial Bains a conclu que le peuple canadien ne
peut plus fonctionner dans le cadre du cadre
constitutionnel actuel.
« Les Canadiens ont commencé à réaliser que la
constitution canadienne ne reconnaissait pas les
citoyens qui forment le corps politique canadien,
ni les droits et les devoirs qui leur reviennent
en vertu de leur appartenance au corps politique.
En même temps, cette période a vu l'émergence des
Canadiens en tant que peuple et leur opposition à
la notion raciste de 'deux peuples fondateurs'.
Cela s'est accompagné de leur revendication de la
reconnaissance de l'égalité de tous les citoyens
sans distinction de langue, d'origine nationale,
etc. »[6]
« Les limitations, que lui impose la constitution
par la négation de sa souveraineté et de son droit
de décider de sa constitution, et par un processus
politique et électoral qui ne lui reconnaît aucun
rôle dans le gouvernement du pays, l'empêchent
d'agir pour résoudre les problèmes auxquels il
fait face. »
Hardial Bains a judicieusement analysé que c'est
une « loi de la limitation » qui enlève aux
Canadiens « la possibilité de s'attaquer aux
multiples problèmes qui rongent la société »[7].
Face à cet effort de l'establishment canadien
pour mettre fin à la question constitutionnelle,
les membres du Comité « Votez Non le 26
octobre » ont canalisé leur colère dans un
programme pratique pour investir le peuple du
pouvoir afin qu'il puisse exercer un contrôle sur
ses affaires.
Hardial Bains s'adresse aux participants
à la Conférence constitutionnelle du Parti
canadien du Renouveau à Ottawa le 11
septembre 1993.
|
Le Conseil national pour le renouveau fut fondé
le 19 décembre 1992 à Toronto. Pendant
une campagne de recueillement de
signatures, 25 000 personnes ont donné
leur appui officiel à la fondation du Parti
canadien du renouveau en avril 1993, une
association non partisane qui allait continuer le
travail pour le renouveau du processus politique.
Une Campagne pancanadienne pour une constitution
moderne et le renouveau démocratique fut lancée à
l'automne 1994.
Les deux positions diamétralement opposées qui
sont apparues pendant la campagne référendaire sur
l'Accord de Charlottetown montrent qu'une campagne
pancanadienne pour une constitution moderne et le
renouveau démocratique n'a rien perdu de son
importance et de sa pertinence aujourd'hui. Une
position dit que la Loi constitutionnelle
de 1982 est quelque chose qui n'a rien
de pertinent pour les Canadiens ; selon elle,
la démocratie canadienne « telle que nous la
connaissons » est très bonne, à condition
qu'on ne la mette pas à mal et les problèmes
auxquels les Canadiens et la société font face
relèvent de domaines non constitutionnels comme
l'économie ou les affaires sociales et
culturelles, ou peuvent être résolus par des
changements aux politiques gouvernementales.
Aujourd'hui, l'absence de consentement du peuple à
ce que le gouvernement se donne des pouvoirs
d'urgence pour pouvoir agir sans aucune limitation
se traduit par une sorte d'hystérie pour préserver
ce qui est appelée les institutions démocratiques.
Les notions néolibérales de gouvernement fondé sur
des règles, de société civile, de légitimité et de
« valeurs canadiennes » sont continuellement
colportées pour justifier la domination des
ploutocrates.
L'autre position avancée concernant la
Constitution est au coeur du programme du projet
d'édification nationale moderne du PCC(M-L). Le
PCC(M-L) souligne que la société canadienne est
arrivée à un point où son développement est
entravé par son fondement constitutionnel qui est
enraciné dans les conceptions coloniales, racistes
et anti-peuple de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique de 1867 (lesquelles n'ont
pas été écartées avec le soi-disant rapatriement
de la Constitution en 1982) et la Loi
constitutionnelle (1982) a été adoptée avec
sa Charte des droits et libertés. Les
conceptions des droits sont fondées sur des «
limites raisonnables » décidées par un
pouvoir caché et le processus politique qui
continue d'être fondé sur toutes les notions en
vogue pendant la période de la guerre froide[9].
L'Accord du lac Meech et l'Accord de
Charlottetown portaient tous deux l'empreinte de
l'offensive antisociale néolibérale et des
intérêts privés étroits qu'elle favorisait. Ils
sont venus dans la foulée de l'intégration à toute
vapeur du Canada dans l'économie dominée par les
États-Unis et sa machine de guerre et avaient
comme un de leurs objectifs le démantèlement des
accords de partage du pouvoir existants pour
faciliter l'ouverture du pays aux plus puissantes
forces du marché mondial. Cette tendance s'est
poursuivie jusqu'à ce jour et le discours du Trône
du gouvernement Trudeau en est l'exemple le plus
récent.
Depuis sa défaite du 26 octobre 1992,
l'élite dirigeante n'a plus jamais osé soumettre
la question de la constitution au peuple canadien.
Dans cette optique, la demande des Canadiens de
renouveler les arrangements électoraux et
constitutionnels et leur quête pour s'investir du
pouvoir de décider sous toutes ses formes
continuent de représenter le plus grand obstacle à
la voie régressive et dangereuse de l'élite
dirigeante canadienne.
L'incapacité des cercles dirigeants à résoudre la
crise de la gouvernance et à moderniser les
arrangements politiques au moment du référendum
sur l'Accord de Charlottetown a aggravé la
dégénérescence de la vie politique, sociale et
économique du pays à cause de la prise de contrôle
néolibérale directe de l'État et de ses
institutions et du gouvernement par les intérêts
privés étroits des oligopoles, de leurs cartels et
de leurs coalitions. La situation à laquelle font
face les Canadiens aujourd'hui montre clairement
la nécessité urgente de se joindre au travail du
renouveau politique et d'une constitution moderne
pour résoudre une fois pour toutes cette crise
dans l'intérêt du peuple.
Notes
1. De mars
à juillet 1992, des négociations ont eu
lieu entre les gouvernements fédéral,
provinciaux et territoriaux, moins le Québec,
avec la participation de l'Assemblée des
Premières Nations, du Conseil national des
autochtones du Canada (maintenant le Congrès des
peuples autochtones), les Inuit Tapirisat du
Canada et le Conseil national des Métis. Le
Québec s'est joint aux pourparlers en août,
menant à l'accord final.
2. Voir
« 30e anniversaire de la défaite de
l'Accord du lac Meech : Le renouveau
politique et constitutionnel, plus que jamais à
l'ordre du jour », [LINK to :
https ://cpcml.ca/francais/Lmlq2020/Q50042.HTM#9]
3. Henry
Herbert, 4e comte de Carnarvon, a été nommé
secrétaire d'État aux Colonies au Conseil privé
britannique en 1866. Il est connu dans
l'histoire comme l'homme qui « a conféré
l'autonomie gouvernementale au Canada ». Il
a également tenté d'imposer un système de
confédération en Afrique australe. Lorsqu'un tel
système a été rejeté par les peuples de la
région, Carnarvon a déchaîné toute la force des
armes pour l'imposer contre la résistance armée
du peuple. Le régime de la confédération
sud-africaine a été abandonné lorsqu'il a
démissionné en 1878, mais sa politique et
les conflits locaux qui en ont résulté se sont
poursuivis et auraient conduit à la guerre
anglo-boer et aux divisions en cours dans la
société sud-africaine.
4. Le «
fédéralisme exécutif » est décrit à la fois
comme une « institution » et une «
tradition » dans le développement
constitutionnel canadien. Il s'est
particulièrement développé dans la période qui a
suivi la Deuxième Guerre mondiale lorsque
les 11 premiers ministres ont commencé à se
réunir régulièrement. Cela contraste avec le «
pouvoir législatif ». Selon le Comité mixte
spécial sur le processus de modification de la
Constitution, « Le pouvoir législatif,
en 1867, était prédominant au Canada mais
l'exécutif a fini par prendre le dessus au XXe
siècle. Il en a résulté une nouvelle dynamique
au sein de la confédération, où le ‘fédralisme
exécutif' s'est imposé en matière de négociation
d'amendements constitutionnels. »
5. « Thèmes
de la campagne nationale pour une constitution
moderne et le renouveau démocratique :
Pourquoi une campagne
pancanadienne ? », LMLQ, 6
octobre 1994, numéro 42
6. Ibid
.
7. Ibid
.
8. Ibid .
9. L'Acte de
l'Amérique du nord britannique, aussi
appelée Loi constitutionnelle de 1867,
l'acte du Parlement du Royaume-Uni par lequel,
en 1867, trois colonies britanniques en
Amérique du Nord - Nouvelle-Écosse,
Nouveau-Brunswick et Canada - étaient unies
comme « une seule puissance [dominion] sous le
nom de Canada » et par laquelle il était
prévu que les autres colonies et les territoires
de l'Amérique du Nord britannique pourraient
être admis. Il a également divisé la province du
Canada en provinces du Québec et de l'Ontario et
leur a fourni des constitutions. La loi a servi
de « constitution » du Canada
jusqu'en 1982, date à laquelle elle a été
rebaptisée Loi constitutionnelle de 1867 et
est devenue la base de la Loi
constitutionnelle du Canada de 1982,
par laquelle l'autorité du Parlement britannique
a été transférée au Parlement canadien
indépendant.
L'Acte de l'Amérique
du Nord britannique confère au nouveau
dominion une constitution « reposant sur les
mêmes principes que celle du Royaume-Uni ».
Le gouvernement exécutif était conféré/dévolu à
la reine Victoria et à ses successeurs. Ces deux
dispositions signifiaient que le Canada aurait
un gouvernement parlementaire et un gouvernement
ministériel. La législature devait se composer
d'un Sénat, de ses membres nommés à vie dans les
régions du Canada et d'une Chambre des communes
élue parmi les provinces sur le principe de la
représentation selon la population. La loi
prévoyait que le droit pénal devait être fédéral
et le droit civil provincial. Le gouvernement
fédéral devait nommer tous les juges de haut
rang, les provinces administrer les lois et
maintenir les tribunaux. La loi autorisait
également la création d'une Cour suprême du
Canada.
La répartition des pouvoirs entre
les gouvernements fédéral et provinciaux se
faisait par les articles 91 et 92 de
la loi. Dans le premier cas, la législature
fédérale a reçu le pouvoir de légiférer pour «
la paix, l'ordre et le bon gouvernement du
Canada » et « pour plus de
garantie », 29 sujets de compétence
fédérale exclusive ont été énumérés. La loi
donnait également au gouvernement fédéral le
droit de rejeter toute loi provinciale dans les
deux ans suivant son adoption. Les provinces ne
peuvent percevoir que des impôts directs, tandis
que le dominion peut utiliser n'importe quel
mode d'imposition fiscale. La loi prévoyait donc
une union dans laquelle le gouvernement fédéral
avait des pouvoirs généraux et prépondérants,
tandis que les provinces en avaient qui étaient
particuliers et restreints.
L'interprétation judiciaire au
cours du temps par le Comité judiciaire du
Conseil privé impérial a néanmoins transformé le
caractère de la constitution fédérale en vertu
de la loi en réduisant considérablement les
pouvoirs du gouvernement fédéral et en
augmentant en conséquence ceux des provinces. La
loi ne prévoyait aucun processus pour l'amender.
Des amendements ont été apportés par le
Parlement impérial à Londres à la demande du
Parlement du Canada.
(« Loi constitutionnelle
de 1867 - Une loi du Parlement du
Royaume-Uni » - Encyclopedia Britannica)
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 85 - 16 décembre 2020
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28e anniversaire de la défaite du
Rapport du consensus sur : La signification de l'Accord de Charlottetown et de sa défaite - Anna Di Carlo
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