Numéro 13 - 6 avril 2019
Un sommet de
l'OTAN sans éclat
à l'occasion du 70e anniversaire
de sa création
Réunions
sur
les
70
ans
de
l'OTAN
|
|
• 70 ans plus
tard, la question allemande reste
entière
et les divisions s'accentuent
• Unis dans
l'action contre la guerre à Washington
• Des différends au sein
de l'Alliance de l'OTAN
dirigée par les États-Unis
À titre d'information
• Projet de loi sur la
Chambre des représentants
des États-Unis en appui à l'OTAN
Collusion et rivalité dans l'Arctique
• Le
gouvernement Trudeau entreprend de militariser l'Arctique
- Peter Ewart -
• La dispute
au sujet du passage du Nord-Ouest
• La lutte
des Inuits pour faire de l'Arctique une Zone de paix
À titre d'information
• L'Arctique –
un survol
•
Le
conseil
de l'Arctique et la question militaire
Supplément
Les origines de l'OTAN
• Les
événements entourant la création de l'OTAN
Un sommet de l'OTAN sans éclat
à
l'occasion du 70e anniversaire de sa création
Manifestation à Washington le 30 mars 2019, début d'une
semaine d'actions
Les 3 et 4 avril 2019, les ministres des
Affaires étrangères des pays de l'Organisation du
Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) se sont réunis
à Washington pour célébrer le 70e
anniversaire de la fondation de l'OTAN, le 4 avril 1949. Le
sommet a été organisé par le département
d'État des États-Unis, en
présence du secrétaire d'État américain,
Mike Pompeo. Le président américain, Donald Trump,
n'était pas présent, mais il a rencontré le
secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg,
à la Maison-Blanche le 2 avril.
Le sommet est qualifié de « sans
histoire », en partie parce que les divisions graves qui
existent continuent de s'approfondir et n'ont pas été
résolues bien que l'OTAN soit présentée comme
l'alliance la plus couronnée de succès de l'histoire.
Malgré les divisions, ce sommet a présenté une
unité dirigée en partie contre la Russie et la
Chine, afin de montrer que l'OTAN est toujours en mesure d'agir.
« Aucune alliance militaire au monde ne peut de près ou de
loin faire ce que nous faisons. Aucune alliance ne peut de près
ou de loin rivaliser avec le pouvoir des nations
représentées ici aujourd'hui », a
déclaré Mike Pompeo.
Les remarques de Pompeo visaient également
à rassurer les membres de l'OTAN sur l'engagement
américain envers la défense collective. Il devait le
faire parce que Trump a dit plus d'une fois que les États-Unis
pourraient ne pas respecter l'article 5 qui appelle les pays membres
à défendre l'un des leurs en cas d'attaque. L'OTAN est
renforcée « par notre engagement de défense
collective tel qu'il est énoncé à l'article 5,
auquel nous nous engageons tous de nouveau aujourd'hui », a-t-il
dit. Le représentant des États-Unis auprès de
l'OTAN l'a également répété : « Les
États-Unis ont toujours affirmé leur soutien à
l'OTAN, notamment au principe de défense collective
énoncé à l'article 5 [...] le président, le
vice-président, les secrétaires d'État et de la
Défense, et d'autres hauts responsables américains ont
tous souligné ce fait. »
Malgré ces déclarations, Trump et Pompeo
se sont quand même fait un devoir de cibler l'Allemagne, en
particulier pour qu'elle augmente ses dépenses pour la guerre.
Ainsi, on peut constater que la « question
allemande », comme on l'a appelée en 1949, n'est
pas réglée.
La question allemande n'est pas
réglée
Quand l'OTAN a été fondée
en 1949, c'était une période de soulèvement
des peuples, qui avaient vaincu le fascisme. Les peuples exigeaient la
dénazification de l'Allemagne, le démantèlement de
son industrie de guerre et la restauration des libertés
démocratiques, et luttaient pour constituer des
démocraties populaires. L'OTAN a été
mise sur pied en partie pour bloquer cette avancée
démocratique et ramener les nazis à des postes de
pouvoir, le rôle principal étant joué par les
États-Unis. Alors que les peuples luttaient pour consolider
leurs victoires sur le fascisme et éliminer toute trace du
nazisme et du pouvoir nazi, les États-Unis agissaient dans le
sens contraire. Cela
comprend la division et l'occupation de l'Allemagne et la
création de l'OTAN. Lord Ismay, premier secrétaire
général de l'OTAN, a déclaré que l'objectif
de l'OTAN était de « garder les Américains à
l'intérieur, les Soviétiques dehors et les Allemands
à terre ».
Aujourd'hui, les États-Unis ont 32 000
soldats et des dizaines de bases en Allemagne. Ils poussent l'Allemagne
à augmenter considérablement le financement de la guerre,
armes et forces comprises. Le Pentagone, par exemple, demande aux
membres de l'OTAN de respecter l'initiative des «
quatre 30 », de 30
bataillons, 30 escadrons aériens. 30 navires de combat
prêts à l'emploi dans un délai de 30 jours.
Dans son discours, Mike Pompeo a fait allusion à
l'Allemagne sans la nommer. « Ce n'est pas le moment de
répéter des excuses éculées selon
lesquelles nos citoyens ne sont pas favorables à une
augmentation des dépenses de défense ou de
sécurité. Chaque pays a le devoir de défendre son
peuple. En tant que dirigeants, il est de notre devoir
de montrer aux citoyens pourquoi ce travail, ces ressources, sont
importants pour faire en sorte que non seulement notre propre pays,
mais également notre alliance, restent forts. »
Le président Trump a été plus
direct dans ses commentaires et a déclaré le 2
avril : « L'Allemagne, honnêtement, ne paie pas sa
juste part. [...] Elle paye près de 1 % et est
censée payer 2 %. Et les États-Unis, au cours
des dernières années, nous avons
payé 4,3 %, ce qui est très injuste... car cela
représente 4,3 % d'un PIB beaucoup plus important.
Nous payons une grande part des dépenses de l'OTAN qui
protège l'Europe. »
Le 3 avril, le vice-président des
États-Unis, Mike Pence, a réitéré cette
demande : « L'Allemagne doit faire plus. »
Parlant du gazoduc Nord Stream qui relie Vyborg
(Fédération de Russie) à Greifswald (Allemagne),
Pence a déclaré : « Nous ne pouvons pas
assurer la défense de l'Occident si nos alliés deviennent
de
plus en plus dépendants de la Russie » et « il
est tout simplement inacceptable que la première économie
européenne continue d'ignorer la menace d'agression russe et
néglige sa propre défense et notre défense
commune ».
Il est clair que les
États-Unis veulent empêcher l'Allemagne de s'allier
à la Russie, tout en lui demandant de faire davantage pour agir
militairement afin de protéger l'Europe. En attendant, Trump a
indiqué à plusieurs reprises que les États-Unis se
réservaient une alliance potentielle avec la Russie. Il
répète qu'il veut des rapports amicaux avec la Russie,
alors lors qu'il menace de retirer les États-Unis de l'OTAN,
cela veut dire que cette alliance possible est un facteur. C'est une
des raisons qu'invoque Trump
lorsqu'il menace de retirer les États-Unis de l'OTAN, ce qu'il
a fait à plusieurs reprises. Également avec
ses 32 000 soldats et ses dizaines de bases sur le sol
allemand, les États-Unis ne semblent pas craindre que
l'Allemagne devienne une puissance militaire plus forte. Cependant, les
autres pays européens sont inquiets. Pour eux, le
problème de « garder les Allemands à
terre » est toujours là. Comme aux États-Unis,
la population, non seulement en Allemagne, mais dans toute l'Europe,
est également opposée à l'intensification de la
militarisation, à l'augmentation du financement de la guerre et
aux guerres d'agression menées par l'OTAN et dirigées par
les
États-Unis.
Non seulement le sommet n'a rien fait pour
résoudre « la question allemande », mais Donald
Trump, Mike Pence et Mike Pompeo ont répété qu'il
était « inacceptable » que l'Allemagne
n'augmente pas ses dépenses de guerre et que les
États-Unis pourraient cesser de protéger l'Europe. Cela
ne fait rien pour dissiper les inquiétudes
européennes concernant la montée militaire de l'Allemagne
et le possible refus des États-Unis de se conformer à
l'article 5 et même son retrait possible de l'OTAN.
Quelle que soit la forme que prendra l'OTAN à
l'avenir, le diktat des États-Unis et les conflits au sein de
l'OTAN, entre les pays de l'OTAN, y compris les États-Unis, et
entre les États-Unis et l'Europe resteront. L'expansion de
l'OTAN depuis la fin de la guerre froide n'a rien fait pour garder
l'Allemagne « à terre » ou résoudre les
conflits. La lutte interimpérialiste pour la domination n'a
fait qu'exacerber les contradictions et accroître le danger de
guerre en Europe, suscitant une inquiétude croissante des
peuples.
Une force pour les guerres de destruction
Au sommet, Mike Pompeo a
présenté l'OTAN comme une force importante pour la paix.
L'OTAN a fourni un « bouclier contre l'agression et a un effet de
dissuasion », a-t-il déclaré, ajoutant que la
création de l'OTAN a porté ses fruits et apporté
« des dizaines d'années de paix et de
prospérité pour l'Occident à une échelle
sans égale
dans l'histoire mondiale ».
Tout le monde est censé oublier la guerre
massive
menée par les États-Unis avec l'OTAN pour détruire
la Yougoslavie et démembrer complètement le pays.
Manifestement, nous devons oublier l'agression de l'OTAN dirigée
par les États-Unis contre l'Afghanistan, la Libye, la Syrie et
l'ingérence en Afrique et maintenant en Amérique latine,
alors
que la Colombie est devenue un « partenaire global » de
l'OTAN et que le Brésil pourrait lui emboîter le pas. La
« dissuasion » a pour
but de décourager les efforts des peuples contre la guerre et
leurs luttes pour leurs droits. Les efforts des peuples après la
Deuxième Guerre mondiale pour sécuriser les
démocraties qui favorisent le peuple sont inachevés.
L'OTAN a
précisément un effet dissuasif sur la réalisation
de ces révolutions démocratiques en Europe, ainsi qu'aux
États-Unis et au Canada.
Pompeo évoque le spectre du communisme
Pompeo a profité du sommet de l'OTAN pour
ressusciter la rhétorique de la guerre froide sur la menace du
communisme. Il a utilisé l'Allemagne pour le faire :
« Mais nous célébrons cette année
également un deuxième anniversaire d'importance pour
l'Occident : celui de l'effondrement du rideau de fer. [...] Cet
anniversaire est
intimement lié à l'OTAN. Pendant 40 ans, l'Alliance
de l'OTAN a constitué un rempart contre l'expansion communiste
en Europe. Nous étions prêts à invoquer
l'article 5 à tout moment si les Soviétiques
traversaient la trouée de Fulda, comme nous l'avons fait
après le 11 septembre. Notre supériorité
militaire les a dissuadés de
mettre en oeuvre leurs projets de domination de l'Europe et,
entre-temps, la course aux armements du président Reagan a
conduit l'empire du mal à la faillite. »
La guerre froide est terminée depuis longtemps. Les «
fruits de la paix » promis, proclamés par Pompeo, ne
se sont jamais matérialisés. La destruction de la
Yougoslavie, les guerres de l'OTAN en cours menées par les
États-Unis, les énormes budgets du Pentagone et les
exigences d'augmentation du financement militaire de l'OTAN
révèlent la vérité. Quel est alors le but
de ramener le spectre du communisme aujourd'hui ? C'est de
s'attaquer aux luttes des peuples pour leurs droits, pour des
sociétés qui défendent leurs intérêts
et leur volonté de mettre fin à la guerre et pour des
relations de respect et d'avantages mutuels entre les peuples, comme ce
fut le cas il y
a 70 ans lorsque l'OTAN a été créée.
C'est dire encore une fois qu'il n'y a pas d'alternative à
l'impérialisme, à la domination américaine, aux
blocs militaires et politiques contre les peuples tels que l'OTAN.
C'est prétendre que l'histoire ne peut aller plus loin. Les
peuples doivent accepter de se soumettre aux États-Unis et
à leur démocratie
dysfonctionnelle et archaïque. Mais les peuples disent Non !,
comme le montrent les actions contre l'OTAN à
Washington et ailleurs dans le monde au moment du Sommet et de cet
anniversaire de l'OTAN. Les peuples se battent pour des
démocraties modernes qui les investissent du pouvoir et barrent
la voie aux fauteurs de guerre.
Pompeo a également
appelé l'OTAN à étendre sa portée. «
Nous devons adapter notre alliance pour faire face également aux
menaces émergentes, a-t-il dit, qu'il s'agisse de l'agression
russe, des migrations incontrôlées, des cyberattaques,
des menaces à la sécurité
énergétique, de la concurrence stratégique
chinoise — en particulier en matière
de technologie 5G — et de nombreux autres problèmes qui
mettent en péril les idéaux de nos peuples et notre
sécurité collective. »
Faire des « migrations
incontrôlées » une menace alors que Trump
menace de fermer la frontière avec le Mexique et a placé
des milliers de soldats à la frontière et alors que la
crise
provoquée par les guerres menées par les
États-Unis en Asie occidentale fait ses ravages dans le monde
entier est un affront délibéré. Il mentionne la
Chine et la
technologie 5G à un moment où le Canada et les
États-Unis criminalisent déjà la
société chinoise Huawei en prétendant que son
réseau 5G constitue une menace pour la
sécurité nationale. De même, les États-Unis
reprochent à la Turquie, qui est membre de l'OTAN, d'avoir
acheté un système de défense antimissile russe.
« La Turquie
doit choisir, a prévenu le vice-président Mike Pence.
Veut-elle rester un partenaire essentiel de l'alliance militaire la
plus réussie de l'histoire ou veut-elle risquer la
sécurité de ce partenariat en prenant des
décisions aussi téméraires qui minent notre
alliance ? » Les États-Unis n'exigent pas
seulement que les pays de l'OTAN
augmentent leur financement, ils réclament aussi la
normalisation des armes et des équipements produits par
l'industrie de guerre américaine. La rivalité n'est pas
seulement avec la Chine et la Russie, elle est aussi avec l'Union
européenne.
Les États-Unis sont convaincus que la
représentation de l'OTAN centrée sur eux-mêmes
l'emportera. « Notre structure est conçue pour
responsabiliser chaque allié et non pour le subjuguer, a
déclaré Pompeo. Nous conservons un remarquable
degré d'unité. » La réalité est
que, tout comme l'OTAN a été créée comme
instrument des
États-Unis pour contrôler l'Europe de manière
à dominer l'Asie, elle pourrait tout aussi bien
disparaître alors que d'autres s'efforcent de contrôler
l'Europe et de dominer l'Asie, y compris les Asiatiques
eux-mêmes. Qui plus est, les peuples du monde continuent de
hisser le drapeau de la paix, de la liberté et de la
démocratie d'une manière qui
correspond aux conditions actuelles, ce qui défie les tentatives
des puissances impérialistes, les États-Unis en
tête, de contrôler la situation. Le sommet anniversaire
sans éclat de l'OTAN n'a résolu aucun des conflits au
sein de l'OTAN et, en particulier, pour « garder les
Américains à l'intérieur, les Russes à
l'extérieur et les Allemands à
terre ».
La cause de la paix et de la sécurité est
mieux servie en quittant l'OTAN et en démantelant l'OTAN. C'est
ce que révèlent les 70 ans de l'OTAN.
Washington, 30 mars 2019
Non à l'OTAN ! Fermez toutes les bases
américaines à l'étranger ! Ne touchez pas au
Venezuela ! C'étaient les slogans populaires qui
résonnaient haut et fort à l'occasion du 70e
anniversaire de la fondation de l'OTAN. Le sommet de l'OTAN à
Washington a été marqué par des manifestations et
d'autres actions
pour dire Non à l'OTAN et exiger la fermeture de toutes les
bases américaines et de l'OTAN dans le monde. Un grand
rassemblement et une marche ont eu lieu le 30 mars, suivis de
conférences, de concerts et d'une autre action le 4 avril
près de l'édifice du département d'État.
C'était une position résolue en opposition à
l'OTAN en
tant que bloc politique et militaire dangereux et agressif qui est
contraire aux intérêts des peuples. Sous la direction des
États-Unis, l'OTAN a joué un rôle majeur dans les
guerres contre l'Afghanistan, la Libye et la Syrie et a
été en grande partie responsable de la destruction et du
démembrement de la Yougoslavie il y a vingt ans. Politiquement,
l'OTAN agit pour imposer ce qu'on appelle des institutions
démocratiques libérales et organise des «
séances de formation » en vue des élections et
la « construction d'instituts ». C'est en dépit
du fait que les systèmes démocratiques des
États-Unis, du Canada, de la Grande-Bretagne et d'autres pays
sont en en crise, dysfonctionnels et
corrompus et reviennent à des méthodes de plus en plus
totalitaires.
Les actions et les conférences visaient les
États-Unis en tant que principale force de promotion de la
guerre et de la militarisation dans le monde entier, qui exige
notamment que tous les pays de l'OTAN utilisent des armes
américaines. Elles ont également dénoncé
les efforts des États-Unis visant à imposer un changement
de régime au
Venezuela et se sont vigoureusement opposées à toute
intervention militaire contre ce pays qui se bat pour poursuivre sa
propre voie et qui rejette le diktat américain. Les slogans
« Ne touchez pas au Venezuela ! Pas de sanctions, pas
d'intervention militaire ! » ont été
scandés tout au long des actions.
L'importance de se rassembler pour prendre position, de
s'opposer à toute agression américaine, à toutes
les guerres d'agression et à la participation de l'OTAN à
celles-ci, était bien en évidence lors des
différentes activités. Il en a été de
même de la demande de fermer toutes les bases américaines
à l'étranger, notamment de mettre fin à
AFRICOM, le commandement américain en Afrique, où se
déroulent des opérations menées par des forces
spéciales et d'autres opérations militaires menées
par les États-Unis.
Des délégations de Vancouver et de Belgique parmi les
participants à la marche
de Washington le 30 mars 2019
Des délégations de Belgique, du Canada,
d'Allemagne et de Russie se sont jointes aux manifestations dans de
nombreuses villes des États-Unis. Tandis que les leaders
réunis proclamaient que l'OTAN était la source de la paix
et de la sécurité, les manifestants ont dit haut et fort
que c'est la position unie des peuples pour leurs droits qui
assure la sécurité. Personne n'allait se laisser
entraîner dans des querelles à savoir si les
États-Unis doivent se retirer de l'OTAN ou s'il fallait
augmenter le financement. Au contraire, ils ont
déclaré : Non à l'OTAN, non à la
guerre américaine et non au changement de régime,
arrêtez la militarisation, non au financement de la guerre et oui
au financement des droits du peuple. L'importance d'actions unies des
forces opposées à la guerre aux États-Unis et dans
le monde a été soulignée à plusieurs
reprises.
Une réunion convoquée pour
célébrer le deuxième anniversaire de l'Alliance
noire pour la paix a conclu les événements avec une prise
de position ferme à la défense des droits au pays, pour
le démantèlement de l'AFRICOM, pour la fermeture de
toutes les bases américaines et pas de compromis avec les
fauteurs de guerre, qu'ils soient blancs
ou noirs. Les Afro-Américains dans leur majorité se sont
longtemps opposés à la guerre et l'Alliance s'emploie
à renforcer et à organiser cette résistance. Les
participants ont décidé d'intensifier la lutte pour les
droits chez eux et à l'étranger et d'organiser d'autres
actions unies.
Washington, 30 mars 2019
Washington, 4 avril 2019
New York, 30 mars 2019
Minneapolis, 30 mars 2019
(Voice of Revolution)
D'autres actions à l'occasion de l'anniversaire
de l'OTAN
Canada
Halifax
Montréal
Ottawa
Toronto
Régina
Calgary
Vancouver
Europe
Belfast, Irlande
Londres, Angleterre
Édimbourg, Écosse
Copenhague, Danemark
En dépit de la démonstration d'appui pour
l'OTAN de la part de son exécutif lors du sommet du 70e
anniversaire qui s'est tenu à Washington, DC, les 3
et 4 avril, Trump a clairement déclaré que la
possibilité du retrait des États-Unis demeure. Ces
conflits qui existent aux États-Unis au sein de et entre
l'exécutif, le
Congrès et les membres de l'OTAN reflètent les conflits
sérieux qui existent au sein des cercles dirigeants des
États-Unis sur la question de comment contrôler l'Europe
et dominer l'Asie et comment dans ce contexte garder en échec la
Russie et la Chine.
Les conflits et les contradictions dans les rangs de
l'OTAN et au sein des États-Unis continuent de s'exprimer et
étaient présents au Sommet du 70e anniversaire
malgré les déclarations d'unité et de force.
Le 3 avril, le secrétaire
général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a été
invité à s'adresser à une session commune du
Congrès par Nancy Pelosi, leader démocrate de la Chambre
des représentants, et Mitch McConnell, leader républicain
du Sénat.
C'est un honneur qui est habituellement réservé à
des chefs d'État triés sur le volet. L'invitation
était dans le cadre des efforts de la majorité au
Congrès,
républicains comme démocrates, pour contrer les menaces
répétées de Trump de se retirer de l'OTAN.
L'invitation a elle-même suivi plusieurs autres actions du
Congrès, dont le passage d'un projet de loi à la Chambre
en janvier, par un vote de 357 à 22, pour appuyer
l'OTAN et
bloquer tout financement du retrait (28 républicains et 26
démocrates n'ont pas voté). Ce projet de loi a maintenant
été envoyé au Sénat.
Trump continue de faire des menaces
Une fois qu'il a été
révélé que le Congrès avait invité
Stoltenberg à prendre la parole, Trump l'a invité
à
la Maison-Blanche le 2 avril. Alors qu'ils ont tous deux
utilisé l'occasion pour dire que les membres de l'OTAN ont
répondu aux demandes américaines aux pays membres
d'accroître leur financement de guerre, Trump a dit qu'il faudra
faire encore plus, lors d'une
conférence de presse commune juste avant leur rencontre. «
Sept des 28 pays sont maintenant à jour alors
que les autres essaient de combler leur retard et ils vont le combler.
Certains d'entre eux vont y réussir facilement parce qu'ils
n'ont rien payé jusqu'à maintenant et ils sont
très riches. Nous visons en ce moment 2 % du niveau du
PIB. À un moment donné, je crois que nous
devrons viser un pourcentage plus élevé. »
Cela lui donne un prétexte continu pour se retirer de l'OTAN.
Lorsqu'un journaliste lui a demandé directement si les
États-Unis allaient se retirer, il n'a pas dit non, mais a
répété la même chose. « Les pays
paient, et je suis bien content qu'ils paient », a dit Trump.
L'idée que les États-Unis pourraient se
retirer de l'OTAN est renforcée par le fait qu'il existe des
forces au sein des forces armées et de l'administration Trump
pour qui les États-Unis pourraient mieux réaliser leur
objectif de domination mondiale sans l'engagement qui lie l'OTAN
à la défense de l'Europe. Les vastes bases que
possèdent les
États-Unis en Europe, y compris en Allemagne où ils ont
stationné 32 000 soldats, montrent qu'ils
possèdent des capacités militaires plus grandes que
celles de tous les autres pays de l'OTAN réunis en ce qui
concerne les armes nucléaires, les bombardiers, les navires de
combat, les drones et les Forces spéciales (qui comprennent
maintenant 80 000 soldats). Autrement dit, les
États-Unis ne s'appuient pas sur les capacités militaires
de l'OTAN. Sans l'OTAN, les États-Unis seraient libres d'agir
de manière unilatérale, car ils n'auraient pas à
tenir compte de ce que pensent des membres européens comme
l'Allemagne et la France.
Bases militaires américaines en Europe
Cela comprend la contrainte imposée par
l'article 5 du traité de défendre n'importe quel
membre s'il est attaqué. On a demandé à Trump ce
qu'il pense d'avoir à défendre des pays plus petits qui
font maintenant partie de l'OTAN comme le Montenegro, ce qui pourrait
déclencher une troisième guerre mondiale. En plus, un
retrait des
États-Unis de l'OTAN permettrait à l'administration Trump
de conclure toutes les alliances de son choix, comme une alliance avec
la
Russie afin de contrer la Chine tout en continuant de contrôler
l'Europe. Il pourrait aussi conclure des accords
bilatéraux plus solides avec des pays comme la Pologne et ceux
parmi les pays d'Europe de l'Est qui ont
intégré leurs forces à celles des
États-Unis.
Les relations avec la Russie sont aussi une question
contestée. Lors de la conférence de presse, Trump a dit
que « je pense que nous allons bien nous entendre avec la Russie.
Je le pense vraiment ». En même temps, le Pentagone a
déclaré que la Russie et la Chine constituaient
désormais la plus grande menace pour les États-Unis.
Comment gardler le contrôle alors que la collusion et la
rivalité demeurent une source de conflit, comme l'a
indiqué Trump.
Les membres de l'OTAN, qui en majorité sont
européens, disent régulièrement que la Russie est
la menace principale, mais que la question de l'approvisionnement en
énergie requiert qu'ils aient des relations avec elle.
Stoltenberg a dit ceci devant le Congrès : « Nous ne
voulons pas d'une nouvelle course aux armements. Mais il ne faut pas
être naïf. » Il a dit que l'OTAN « n'a pas
l'intention de déployer des missiles nucléaires à
lanceur terrestre en Europe » mais va toujours prendre «
les mesures nécessaires pour assurer une dissuasion
crédible et efficace». « Nous
devons maintenir une défense crédible et une
défense pour tous les pays de l'OTAN »
a-t-il ajouté, ce qui bien sûr s'appuie principalement sur
les États-Unis. En ce qui concerne la Russie, cependant,
l'affirmation que des armes nucléaires basées à
terre ne seront pas déployées sonne creux. Les
États-Unis avaient promis auparavant que l'OTAN ne
s'étendrait pas plus à l'est pour encercler la Russie, ce
qu'elle a pourtant fait. Et les
États-Unis peuvent déployer des armes nucléaires
sur leurs bases, que les pays membres de l'OTAN soient d'accord ou non.
Le fait que ceux qui veulent un retrait de l'OTAN
dominent présentement au sein de l'administration est
illustré par la démission du secrétaire à
la Défense le général James Mattis. Lui qui est un
supporter de longue date de Trump et qui demeure respecté par
les militaires a écrit dans sa lettre de démission :
« J'ai toujours eu cette
croyance fondamentale que notre force comme nation est liée
inextricablement à la force de notre système unique et
global d'alliances et de partenariats. S'il est vrai que les
États-Unis demeurent la nation indispensable du monde libre,
nous ne pouvons pas protéger nos intérêts et jouer
ce rôle de manière effective sans maintenir des alliances
fortes
et sans montrer du respect à nos alliés. »
Ce que ces gens au pouvoir gardent en commun
malgré leurs différences, c'est l'opinion que les
États-Unis sont « indispensables » et doivent
dominer. Le conflit interne est sur la question de comment maintenir
cette domination. Le refus de Trump d'exclure le retrait de l'OTAN et
la démission de Mattis indiquent que le retrait de
l'OTAN demeure une considération sérieuse.
Les actions du Congrès américain
Une partie du débat sur le retrait des
États-Unis de l'OTAN se mène sur la question si le
président peut agir sans l'autorisation du
Congrès. La Constitution des États-Unis requiert que le
Sénat approuve les traités à une majorité
des deux tiers, mais elle ne mentionne pas directement la question d'un
retrait. D'autres présidents ont
retiré les États-Unis de traités, comme Carter qui
a retiré les États-Unis du Traité de
défense mutuel avec Taiwan lorsque les États-Unis ont
reconnu la République populaire de Chine. Bush a retiré
les États-Unis du traité sur les missiles antimissiles
balistiques avec la Russie. Le cas Carter, le cas Goldwater c. Carter,
s'est rendu en Cour suprême
qui a émis un jugement en faveur de Carter. Bush a retiré
les États-Unis du traité avec la Russie.
La majorité actuelle au Congrès appuie
l'OTAN. Le projet de loi récent à la Chambre est un
effort pour empêcher Trump de se retirer de l'OTAN. On y lit que
l'OTAN « a servi de pilier de la paix et de la stabilité
internationales, d'élément crucial à la
sécurité des États-Unis et de dissuasion contre
les adversaires et les menaces
externes ». Qualifiant l'OTAN d'« une des alliances
les plus réussies de l'histoire », et de «
fondation de la politique étrangère des
États-Unis », le projet de loi déclare aussi
que les États-Unis « sont engagés solennellement
envers le principe de l'Organisation du Traité Atlantique Nord
de défense collective tel qu'inscrit à
l'article 5 ». Tout ceci vise directement les menaces
de Trump. Le projet de loi mentionne aussi que le jugement dans le cas
Goldwater c. Carter ne constitue pas « un précédent
juridique contrôlant » et que le Congrès est
d'avis que « le président ne retirera pas les
États-Unis de l'OTAN ». On y lit en conclusion :
«
Aucune autorisation n'est donnée d'approprier, d'engager ou de
dépenser des fonds afin de retirer les États-Unis du
Traité de l'Atlantique Nord. » Le projet de loi est
présentement au Sénat et on s'attend à ce qu'il
soit adopté, possiblement avec un appui assez fort pour
éviter un veto de Trump. En 2017, la Chambre et le
Sénat qui
étaient alors contrôlés par les républicains
avaient adopté des résolutions pour réaffirmer
l'engagement des États-Unis envers l'article 5 du
traité.
L'invitation faite à Stoltenberg à
s'adresser
au Congrès a été une autre action du
Congrès pour contrer Trump et rassurer les alliés
européens que les États-Unis vont demeurer dans l'OTAN et
défendre l'Europe. Stoltenberg a été applaudi
quand il a dit que l'OTAN a été fondée pour
contrer
l'agression soviétique et qu'elle demeure un instrument
pour contrer une « Russie agressive et
imprévisible ». Il a dit que la Russie a «
essayé d'interférer dans la démocratie
elle-même ». La présidente de la Chambre Nancy
Pelosi qui, elle aussi, répand l'opinion d'une ingérence
de la Russie dans les élections américaines, a
émis le tweet suivant après le discours de
Stoltenberg : «
Cela fait 70 ans que les relations des États-Unis avec nos
alliés de l'OTAN forment la fondation de nos efforts pour faire
du monde un endroit plus sécuritaire et plus pacifique. Alors
que nous marquons cet anniversaire historique, nous affirmons
l'engagement inébranlable des États-Unis envers l'OTAN et
la réalisation d'une paix
permanente. »
L'amiral de la marine américaine James G.
Stavridis, ancien commandant suprême de l'OTAN, a
commenté : « Compte tenu du scepticisme
évident et fréquemment exprimé par le
président à l'égard de l'alliance, il est clair
que le Congrès - sur une base bipartite - veut mettre tout son
poids du pouvoir législatif derrière l'OTAN ».
« Nous ne trouverons jamais un meilleur bassin d'alliés
dans le monde que les Européens, et ce discours souligne
l'importance du pont transatlantique, qui s'effrite un peu depuis
quelque temps », a-t-il ajouté.
Stavridis est
également l'un des nombreux militaires à la retraite de
l'armée, des services de renseignement, des départements
d'État et de la Défense qui ont publiquement
condamné « l'urgence nationale » de Trump
à la frontière mexicaine, qui pave la voie à faire
appel à l'armée à l'intérieur des
États-Unis et contre le Mexique. Ces
actions révèlent que les conflits au sujet de l'OTAN et
sur la meilleure façon de garantir le contrôle
américain à l'étranger sont liés à
la guerre civile à l'intérieur du pays, qui menace de
devenir ouvertement violente.
La guerre impérialiste à
l'étranger et la guerre civile dans le pays sont
intégralement liées. Le dysfonctionnement actuel du
Congrès, les luttes budgétaires qui se terminent par des
fermetures du gouvernement, des élections qui ne
résolvent aucune de ces batailles, contribuent tous à
l'intensification des conflits entre les factions au pouvoir qui
n'ont pas de solution aux problèmes dans le pays ou à
l'étranger. Le Congrès, avec ses actions en faveur de
l'OTAN, tente en partie de réaffirmer son autorité. Mais
il est peu probable qu'il puisse bloquer l'exécutif de continuer
de s'emparer du pouvoir. L'état de droit à
l'étranger et au pays n'est plus reconnu par le bureau du
président, ce qui a
commencé bien avant Trump et qu'il est en train de consolider
sous forme d'un gouvernement de pouvoirs de police. Ce sont les actions
du président qui détermineront si les États-Unis
se retireront ou non de l'OTAN, mais un tel retrait pourrait bien
déclencher la guerre civile que les dirigeants tentent
d'éviter.
L'OTAN comme racket de protection des États-Unis
Durant sa campagne présidentielle et
jusqu'en 2017, Donald Trump a qualifié à plusieurs
reprises l'OTAN d'« obsolète » et a
critiqué le manque de dépenses militaires des pays
membres, à l'exception des États-Unis. Lors du Sommet des
dirigeants de l'OTAN tenu en juillet à Bruxelles, en
juillet 2008, il a vivement
critiqué les autres pays qui ne consacrent pas au
moins 2 % de leur PIB aux dépenses militaires,
tweetant que les États-Unis supportent le fardeau des
dépenses militaires au sein de l'OTAN et que les autres pays
devraient consacrer 4 % de leur PIB à la
défense, à l'instar des États-Unis. Il a
également accusé l'Allemagne
d'être retenue captive par la Russie, qualifiant d'«
inacceptable » l'investissement allemand dans un gazoduc
de 11 milliards de dollars en mer Baltique destiné à
importer du gaz russe. En janvier de cette année, le New
York Times a rapporté que « plusieurs fois au cours
de 2018, M. Trump a déclaré en privé qu'il
souhaitait se retirer de l'Organisation du traité de
l'Atlantique Nord. [...] À l'époque du sommet tumultueux
de l'OTAN, lors de la réunion de l'été dernier,
[l'actuel et l'ancien responsable de son administration] a
dit que M. Trump avait déclaré à
ses hauts responsables de la sécurité nationale qu'il ne
voyait pas l'intérêt de l'alliance militaire,
qu'il présentait comme une ponction sur les
États-Unis. »
Au cours des derniers mois, l'administration Trump est
allée encore plus loin. Elle envisage d'imposer des exigences
financières accrues aux pays qui hébergent des troupes et
des bases américaines, tels que le Japon, la Corée du
sud, l'Allemagne et d'autres, sur la base de ce que l'on appelle
« le coût plus 50 » - que les pays
hôtes devraient payer pour les frais d'hébergement des
troupes et des bases américaines, plus un 50 %
supplémentaire.
« Tous les pays riches que nous protégeons
doivent prendre bonne note que nous ne pouvons pas laisser les autres
rire de nous », a déclaré Trump dans un
discours prononcé devant le Pentagone le 17 janvier.[1] Il existe des divergences d'opinion au
sein des cercles dirigeants américains au
sujet de ce plan, certains considèrent qu'il sera inacceptable
pour les partenaires américains, en particulier ceux dont la
population résiste depuis longtemps à la présence
américaine. « Dans certains cas, les pays qui accueillent
des forces américaines pourraient être appelés
à payer cinq à six fois le montant qu'ils paient
présentement selon la formule
'coût plus 50' », a rapporté le 8
mars le Time Magazine. L'équipe du président voit
dans cette démarche un moyen d'inciter les partenaires de l'OTAN
à accélérer l'augmentation des dépenses de
défense - un problème que Trump a imposé aux
alliés depuis qu'il occupe ses fonctions », a
ajouté Time Magazine.
Récemment
cette
demande
aurait
presque
fait
dérailler
les
négociations
sur le statut des 28 000 soldats
américains en Corée du sud. Les rapports indiquent que
les États-Unis pourraient « offrir un rabais »
aux pays qui alignent de près leurs politiques avec celles des
États-Unis.[2]
Entre-temps, les États-Unis ont conclu de
nombreux accords militaires bilatéraux, notamment des accords de
statut des forces à l'étranger (SOFA) qui permettent
à leurs troupes d'opérer en toute impunité dans
ces pays et permettent également de faire pression pour que les
dépenses militaires augmentent. Un rapport du 16
janvier 2015 du Conseil consultatif de la sécurité
internationale sur les accords de statut des forces à
l'étranger du gouvernement des États-Unis donne un
aperçu des SOFA à cette époque. Le
résumé du rapport indique que « les
États-Unis ont conclu des accords SOFA avec plus de 100
pays dont environ la moitié dans le cadre des
SOFA de l'OTAN ou du Partenariat pour la paix, qui s'appliquent
respectivement à tous les alliés de l'OTAN et à la
plupart des partenaires du Partenariat pour la paix.[3] En outre, il existe des accords
mondiaux avec d'autres pays. Il existe cependant encore des pays avec
lesquels les États-Unis
entretiennent d'importantes relations militaires, mais pas de SOFA. Le
gouvernement des États-Unis devrait avoir pour priorité
de combler ces lacunes. »
Demande américaine en matière de
normalisation des armements
Le lien entre le développement de l'OTAN et la
croissance de l'économie de guerre aux États-Unis et dans
le monde, notamment en ce qui concerne le commerce mondial des armes,
est l'une des questions où il existe une rivalité et une
concurrence entre les impérialistes américains et les
autres grandes puissances. Outre un certain niveau de
dépenses militaires, l'adhésion à l'OTAN exige
également l'uniformisation des armes. Cela nécessite dans
la pratique la consolidation du développement des armes aux
États-Unis. Seules certaines armes approuvées seraient
autorisées dans le cadre de la normalisation et elles ont
toujours été fabriquées aux États-Unis.
L'avion canadien Avro Arrow
a été l'une des victimes de cette exigence vers la fin
des années 1950.
En Europe, les grandes puissances ont
résisté en ce qui concerne les avions de combat, ce qui a
entraîné une concurrence féroce avec les
États-Unis, laquelle s'est ensuite étendue aux avions
commerciaux avec le développement d'Airbus (anciennement EADS).
Désormais, Boeing, après avoir détruit l'avion de
transport régional C-séries de
Bombardier, est lui-même en difficulté alors qu'Airbus est
en plein essor.
Avec les monopoles vient la stagnation, et la loi du
développement inégal des forces productives prend le
dessus. Aujourd'hui, de nombreux pays ont dépassé les
États-Unis en matière de technologie de missiles et
d'avions de combat.
La dernière génération d'avions de
combat russes serait supérieure au chasseur furtif
américain F-35. L'Inde a annoncé récemment avoir
détruit l'un de ses propres satellites spatiaux avec un missile
lancé du sol. Le Japon a également dépassé
les États-Unis dans le domaine de la technologie des missiles,
tandis que la Chine gagne également
rapidement dans le domaine de la technologie des missiles et de
l'utilisation de l'intelligence artificielle, entre autres choses.
Notes
1. « Trump Seeks Huge
Premium From Allies Hosting U.S. Troops », Nick Wadhams and
Jennifer Jacobs, Bloomberg, le 8 mars 2019.
2. TheHill.com rapporte que
« les pays qui hébergent des installations militaires
permanentes des États-Unis paient généralement une
partie des frais d'hébergement et d'équipement des
troupes. Le paiement varie d'un pays à l'autre et de la
manière dont il est donné. Certains alliés, comme
le Japon et la Corée du sud, versent des contributions
en espèces alors que d'autres notamment l'Allemagne où
les États-Unis comptent plus de 30 000 troupes paient
la note en assumant les frais pour les terrains, l'infrastructure et la
construction des installations militaires, ainsi qu'en les exemptant
des taxes et des droits de douane ».
3. L'OTAN dit que son Partenariat
pour la paix « est un programme de coopération
bilatérale pratique entre différents pays partenaires
euro-atlantiques et l'OTAN. Il permet aux partenaires d'établir
des rapports individuels avec l'OTAN, en choisissant leurs propres
priorités de coopération. [...] Dans le cadre du
programme PPP, des activités
sont offertes qui concernent pratiquement tous les domaines
d'activité de l'OTAN. [...] Actuellement, le programme du
Partenariat pour la paix est mis en place dans 21
pays ».
L'OTAN a également conclu des accords
individuels avec un certain nombre de pays qui ne font pas partie de
ses cadres régionaux, qu'elle qualifie de « partenaires
mondiaux ». Ces pays incluent actuellement l'Afghanistan,
l'Australie, la Colombie, l'Iraq, le Japon, la République de
Corée, la Mongolie, la Nouvelle-Zélande et le
Pakistan.
À
titre d'information
La Chambre des Représentants des
États-Unis a adopté un projet de loi en janvier. Il a
été présenté le 17 janvier et
adopté le 22 janvier. Le vote a été à
majorité écrasante en faveur du projet de loi, 357 pour
contre 22 contre, avec l'abstention de 54
représentants. Le projet de loi est maintenant devant le
Sénat. Si
adopté de façon aussi définitive, cela suffira
à annuler un veto qui vraisemblablement sera
déposé par le président Trump, qui devra avoir
l'appui des deux-tiers des deux chambres.
* * *
Résolution de la Chambre H.R.676 - 116e
Congrès (2019-2020)
UNE LOI VISANT À
Réitérer le soutien du Congrès des
États-Unis à l'Organisation du Traité de
l'Atlantique Nord et à d'autres fins.
Que ce soit adopté par le Sénat et la
Chambre des représentants des États-Unis
d'Amérique réunis au Congrès,
ARTICLE 1. TITRE ABRÉGÉ
Loi sur l'appui à l'OTAN (« NATO Support
Act »)
ARTICLE 2. CONSTATATIONS
Le Congrès constate que :
(1) L'Organisation du Traité de l'Atlantique
Nord (OTAN), créée par le Traité de l'Atlantique
Nord, entré en vigueur le 4 avril 1949, entre les
États-Unis d'Amérique et les autres membres fondateurs de
l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, a
été un pilier de la paix et de la stabilité
internationales, un élément essentiel de
la sécurité des États-Unis et un moyen de
dissuasion contre les adversaires et les menaces extérieures.
(2) La Chambre des représentants a
affirmé dans H. Rés. 397, le 27 juin 2017,
que :
(A) l'OTAN est l'une des alliances militaires les plus
réussies de l'histoire, elle dissuade le déclenchement
d'une nouvelle guerre mondiale, protège
l'intégrité territoriale de ses membres et a mené
la guerre froide à une issue pacifique ;
(B) l'OTAN demeure le fondement de la politique
étrangère des États-Unis visant à
promouvoir une Europe entière, libre et en paix ;
(C) les États-Unis sont solennellement
attachés au principe de défense collective de
l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord,
énoncé à l'article 5 du Traité de
l'Atlantique Nord ; et
(D) la Chambre des représentants :
i) soutient fermement la décision prise lors du
sommet de l'OTAN au pays de Galles en 2014 selon laquelle chaque
membre de l'alliance viserait à consacrer au moins 2 %
du produit intérieur brut de son pays à la défense
d'ici 2024 ;
(ii) condamne toute menace à la
souveraineté, à l'intégrité territoriale,
à la liberté et à la démocratie de tout
allié de l'OTAN ; et
(iii) accueille la République du
Monténégro en tant que 29e membre de l'Alliance.
ARTICLE 3. COMPRÉHENSION DU CONGRÈS
La compréhension du Congrès est que :
(1) le président ne doit pas retirer les
États-Unis de l'OTAN ; et
(2) l'affaire Goldwater v. Carter n'est pas la
jurisprudence en ce qui concerne le retrait des États-Unis d'un
traité.
ARTICLE 4. ÉNONCÉ DE POLITIQUE
C'est la politique des États-Unis :
(1) de rester membre en règle de l'OTAN ;
(2) de rejeter toute tentative de retirer les
États-Unis de l'OTAN ou indirectement en condamnant ou en
réduisant les contributions aux structures, activités ou
opérations de l'OTAN, de manière à créer un
retrait de facto ;
(3) de continuer à collaborer avec les membres
de l'OTAN pour respecter les engagements pris en 2014 dans le Pays
de Galles en matière d'investissement dans la
défense ; et
(4) de soutenir le financement substantiel des
États-Unis pour l'Initiative européenne de dissuasion,
qui augmente la capacité des États-Unis et de leurs
alliés de dissuader et de se défendre contre l'agression
russe.
ARTICLE 5. INTERDICTION D'UTILISER DES FONDS POUR
LE RETRAIT DE L'OTAN
Nonobstant toute autre disposition de la loi, aucun
fonds ne peut être affecté ou dépensé pour
prendre des mesures en vue de retirer les États-Unis du
Traité de l'Atlantique Nord, conclu à Washington
le 4 avril 1949 entre les États-Unis d'Amérique
et les autres membres fondateurs de l'Organisation du Traité de
l'Atlantique
Nord.
Adopté à la Chambre des
représentants le 22 janvier 2019
Supplément
Les origines de l'OTAN
|
|
Collusion et rivalité dans
l'Arctique
- Peter Ewart -
Depuis la création de l'OTAN il y a 70
ans, les gouvernements canadiens successifs ont pour politique
d'interdire les activités de l'OTAN dans l'Arctique canadien.
Malgré cela, ils ont régulièrement invité
certains pays de l'OTAN à prendre part à des exercices
militaires dirigés par le Canada, tels que l'opération
annuelle Nanook ou
les exercices controversés de vol à basse altitude
au-dessus du Labrador et du nord du Québec dans les
années 1980 et 1990. Et, bien sûr, étant
sous les structures militaires du NORAD et du NORTHCOM, dominées
par les États-Unis, le Canada a participé à de
nombreuses activités conjointes de nature bilatérale avec
les États-Unis
dans l'Arctique. De plus, au fil des ans, le Canada a participé
à des activités collectives de l'OTAN en Norvège,
les plus récentes étant les exercices à grande
échelle « Trident Juncture 18 » tenus
à l'automne dernier auxquels le Canada a
contribué 2 000 militaires.
Néanmoins,
même si le Canada a de loin le plus vaste territoire polaire
des 29 pays de l'OTAN, aucun exercice à grande
échelle de l'OTAN n'a eu lieu dans l'Arctique canadien.[1] Wikileaks a donné un
aperçu des raisons des gouvernements canadiens
précédents en publiant un certain
nombre de câblogrammes américains confidentiels
en 2011. Dans un de ses câblogrammes, des responsables
américains racontent que Stephen Harper avait dit au
secrétaire général de l'OTAN, Fogh Rasmussen, que
le Canada s'opposait à « un rôle de l'OTAN dans
l'Arctique », que le Canada entretenait « de bonnes
relations de travail
avec la Russie en ce qui concerne l'Arctique et qu'une présence
de l'OTAN pourrait avoir l'effet inverse en élevant les
tensions ».[2]
Harper a en outre déclaré que «
certains membres non arctiques étaient favorables à un
rôle de l'OTAN dans l'Arctique, car cela leur donnerait une
influence dans une région à laquelle ils n'appartiennent
pas ». Il faisait sans doute référence aux
pays « non arctiques » de l'Union européenne
(UE) tels que l'Allemagne, la France et
le Royaume-Uni qui ont exprimé un grand intérêt
pour l'utilisation du passage du Nord-Ouest du Canada, ainsi que pour
l'accès aux ressources naturelles abondantes qui s'ouvriront
dans l'Arctique avec la hausse des températures et le recul des
glaces.
Le passage du Nord-Ouest serpente dans l'archipel nord
du Canada. Cependant, les pays de l'UE ne reconnaissent pas la
prétention du Canada que la voie de circulation se trouve dans
les eaux intérieures du Canada. Des activités de l'OTAN
dirigées par les États-Unis dans l'Arctique canadien
renforceraient la position de l'UE selon laquelle le
passage du Nord-Ouest est situé dans les eaux internationales.
En conséquence, la revendication du Canada sur les eaux pourrait
devenir nulle et non avenue.
Pour leur part, les
États-Unis ne reconnaissent pas non plus la revendication du
Canada sur le passage Nord-Ouest. Des activités de l'OTAN dans
l'Arctique canadien pourraient également renforcer leur
position. Mais il y a aussi un inconvénient pour les
États-Unis. Actuellement, les États-Unis ont le Canada
sous leur coupe, militairement, par
le biais du NORAD et du NORTHCOM. Inviter d'autres pays
européens dans l'Arctique nord-américain par le biais
d'opérations menées par l'OTAN, notamment des concurrents
comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France, pourrait être
contreproductif à long terme pour les intérêts des
États-Unis.
En fait, l'accord bilatéral actuel entre les
États-Unis et le Canada est très avantageux pour les
États-Unis et convient à l'administration Trump qui
préfère conclure des accords bilatéraux
plutôt que multilatéraux avec d'autres pays. Il s'inscrit
également dans l'objectif de consolidation de la «
forteresse Amérique du Nord » des monopoles
et des oligopoles.
Cependant, s'il est clair que les gouvernements
canadiens précédents, tant libéraux que
conservateurs, se sont opposés ou ont découragé la
participation de l'OTAN dans l'Arctique canadien, le gouvernement
Trudeau semble prêt à renverser cette position longtemps
défendue par le Canada.
Par exemple, en 2017 le gouvernement a
présenté ce qu'il a appelé une nouvelle politique
de la Défense nationale sous le titre Protection,
Sécurité, Engagement. Cette politique stipule :
« Conscient de l'intérêt accru de la
communauté internationale pour l'Arctique, le Canada doit
améliorer sa capacité de mener des activités
dans le Nord et travailler en étroite collaboration avec ses
alliés et partenaires. » Il propose en outre une
« nouvelle initiative » visant à « mener
des exercices conjoints avec nos alliés et nos partenaires dans
l'Arctique, et contribuer au renforcement de la connaissance de la
situation et des moyens d'échange d'information dans la
région, notamment avec l'OTAN. »[3]
Pour donner suite à cette politique, le
Comité permanent de la défense nationale de la Chambre
des communes, présidé par le député
libéral Stephen Fuhr, a publié un rapport en
juin 2018 intitulé Le Canada et l'OTAN : une
alliance cimentée par la force et la fiabilité.[4] Le ton du
rapport et de nombreuses observations de témoins laissent
entendre qu'une participation beaucoup plus étroite de l'OTAN
dans l'Arctique est à l'ordre du jour.
Dans ses recommandations finales, le comité de
la Chambre des communes déclare « que le gouvernement du
Canada joue un rôle de premier plan au sein de l'OTAN pour se
spécialiser dans la défense, la doctrine de
sécurité et les capacités pour l'Arctique, et
qu'il renforce la connaissance de la situation de l'OTAN en Arctique,
notamment
au moyen d'exercices militaires et d'entraînement
interarmées dans l'Arctique canadien pour les membres de
l'OTAN ».
Comme le suggère le libellé, la nouvelle
politique pourrait entraîner une augmentation de
l'activité militaire de l'OTAN dans l'Arctique canadien, voire
sous la direction des États-Unis. Si tel est le cas, le
gouvernement Trudeau risque de perdre la souveraineté canadienne
sur le passage du Nord-Ouest, d'aliéner les peuples autochtones
et non
autochtones opposés à la militarisation de la
région et d'accroître les tensions avec la Russie qui se
voit encerclée sur plusieurs fronts par l'OTAN.
Notes
1. List of
NATO exercises, Wikipedia, accédé le 18
mars 2019
2. « Canada PM
and NATO S-G discuss Afghanistan, the Strategic Concept, and the Arctic »,
Wikileaks, 20
janvier 2010
3. Protection,
Sécurité,
Engagement,
la
politique
de
défense
du
Canada, Ministère de
la
Défense nationale, 2017
4. Le
Canada
et
l'OTAN :
une
alliance
cimentée
par
la
force
et
la
fiabilité, Rapport du Comité permanent de la
Défense nationale, Chambre des Communes, Canada, juin 2018
Le passage du Nord-Ouest, la voie de navigation qui
passe par les nombreuses îles de l'archipel de l'Arctique
canadien, est revendiqué depuis longtemps par le Canada en tant
qu'eaux intérieures sous sa compétence territoriale.
Cependant, cette prise de position est contestée par les
États-Unis (et divers pays européens) qui
prétendent que le
passage est un détroit international qui unit « une
région des hautes mers à une autre » - le
détroit de Davis à l'est et le détroit de Beaufort
à l'ouest.[1] Ainsi, du
point de vue de l'administration américaine, il ne relève
pas de la compétence juridique du Canada et elle n'a donc pas
besoin de
l'autorisation du gouvernement canadien pour y naviguer. À
mesure que l'Arctique fond et ouvre davantage la voie au transport
transocéanique - commercial et militaire - la question risque
de s'envenimer.
La position canadienne sur le passage du Nord-Ouest a
été présentée en 1985 à la
Chambre des communes par le secrétaire d'État aux
Affaires extérieures de l'époque, Joe Clark, qui a
dit : « La souveraineté du Canada dans l'Arctique est
indivisible. Elle s'étend aussi bien à la terre
qu'à la mer et à la glace. Cette souveraineté
s'étend sans interruption aux côtes des îles
arctiques tournées vers l'océan. Ces îles sont
rattachées, et non divisées, par l'eau qui se trouve
entre elles. Elles sont reliées la plus grande partie de
l'année par de la glace. Depuis des temps immémoriaux,
les Inuits du Canada utilisent et occupent la glace comme ils utilisent
et occupent la terre. La
politique du gouvernement consiste à maintenir l'unité
naturelle de l'archipel arctique canadien et à préserver
intégralement la souveraineté canadienne sur la terre,
sur la mer et sur la glace. »[2]
Clark a livré son discours au lendemain du voyage du navire de
la Garde côtière américaine Polar Sea par le
passage du Nord-Ouest en 1985, sans l'autorisation officielle du
gouvernement canadien. Cet acte de provocation du gouvernement
américain en avait enragé plus d'un au Canada et avait
été perçu comme une violation de la
souveraineté canadienne. Il y avait eu des actions de
protestation partout au pays, y compris un incident où des
étudiants canadiens et des activistes inuits avaient
largué, à partir d'un avion, un drapeau canadien et des
tracts sur le pont du Polar Sea pour exhorter l'équipage
à sortir du passage du Nord-Ouest et à retourner dans les
eaux
internationales.[3] De son
côté, l'Union soviétique avait appuyé la
déclaration de souveraineté du Canada sur le passage,
comme elle le faisait elle-même sur le passage du Nord-Est qui
passe le long de ses côtes de l'autre côté de la
calotte glacière polaire (une prise de position que la Russie a
maintenue
jusqu'à ce jour).
Une controverse de même nature s'est produite
en 1969 lorsqu'un pétrolier américain, le SS
Manhattan, a passé par le passage du Nord-Ouest sans en demander
l'autorisation du gouvernement canadien. Cette fois encore, ce geste
avait suscité des actions de protestation. Par exemple, au cours
du voyage le long de la voie maritime glacée,
« des chasseurs inuits ont arrêté le vaisseau et ont
exigé que son maître demande l'autorisation de passer par
le territoire canadien, ce qu'il a fait, et les chasseurs lui ont alors
accordé leur autorisation ».[4]
Lorsque le SS Manhattan, le premier pétrolier à traverser
le passage du Nord-Ouest,
est passé devant le hameau de Pond Inlet en 1969, Joseph
Komangapik s'est placé en
face de lui et a commencé à construire un
igloo. Ce geste symbolique a fait la une de plusieurs grands
médias au
Canada.
Même à l'époque tendue de la guerre
froide et de la stratégie nucléaire du bord de
l'abîme, les États-Unis ont toujours perçu leur
droit incontesté de passage comme primordial, non seulement dans
l'Arctique, mais mondialement. En effet, ces intérêts
maritimes mondiaux « empêchent le gouvernement
américain de concéder au Canada le
passage du Nord-Ouest ». Comme l'a dit un commentateur, les
États-Unis « vont continuer de faire étalage de
leur puissance dans les détroits et les canaux et de
protéger ces routes commerciales vitales partout dans le
monde. »[5]
En 1987, plus d'un an après l'incident du
Polar Sea, le premier ministre Brian Mulroney a rencontré le
président des États-Unis de l'époque, Ronald
Reagan, et a discuté du passage du Nord-Ouest. Essentiellement,
plutôt que de poursuivre la question sur le plan juridique ou
diplomatique, les deux pays ont accepté de ne pas être
d'accord.
Ils ont décidé « que les États-Unis
demanderaient toujours l'autorisation avant d'expédier des
brise-glaces dans le passage du Nord-Ouest. Et, à chaque fois,
les Canadiens leur accorderaient cette autorisation ».[6]
À ce moment-là, selon certains analystes,
« les Américains ne voulaient pas créer un
précédent qui ferait en sorte que le fait d'accepter la
souveraineté canadienne sur le passage du Nord-Ouest se
répercuterait ailleurs comme dans le détroit de Hormuz
(entre le golfe Persique et le golfe d'Oman) ». Mais un
autre facteur est venu
compliquer la donne. Les Américains ne voulaient pas remporter
une contestation juridique contre le Canada devant un tribunal
international « puisque le message d'une telle victoire serait
que les pays comme la Russie auraient ensuite le droit international
incontestable de transiter par le passage du Nord-Ouest »
près du continent
nord-américain.[7]
La question s'est estompée pendant quelques
années. Cependant, dans les derniers jours de son administration
en 2009, le président George W. Bush a émis la
« directive présidentielle de sécurité
nationale —66 ». Selon cette directive : « Les
États-Unis ont des intérêts de
sécurité nationale vastes et fondamentaux dans la
région de l'Arctique et sont disposés à agir soit
indépendamment ou en conjonction avec d'autres États pour
sauvegarder ces intérêts... »[8]
Cette directive conteste à la fois le Canada et
la Russie. On y lit : « La liberté de navigation est
une priorité nationale. Le passage du Nord-Ouest,
(revendiqué par le Canada) est un détroit qui sert
à la navigation internationale, et la route maritime arctique
(revendiquée par la Russie) comprend des détroits servant
à la navigation
internationale. Le régime de passage en transit s'applique au
passage par ces détroits. La préservation des droits et
responsabilités liés à la navigation et au survol
dans la région de l'Arctique appuie notre capacité
d'exercer ces droits partout dans le monde, y compris dans des
détroits stratégiques. »
Lorsque le gouvernement Harper a adopté un
système obligatoire de surveillance de la navigation,
l'administration américaine a émis une note diplomatique
de protestation le 19 mars 2010 et a réitéré
sa position selon laquelle « le passage du Nord-Ouest est un
détroit qui sert à la navigation internationale et le
Canada n'a pas le droit
d'imposer de façon unilatérale de telles
obligations ». [9]
Depuis que l'administration Trump est arrivée au
pouvoir, selon certains observateurs, il y a des indications que les
États-Unis pourraient intensifier leur contestation face au
Canada sur le passage du Nord-Ouest. Ceci est conforme à son
mépris des lois et des ententes internationales et à son
attitude belliqueuse envers amis et ennemis, envers les
conséquences imprévues qu'il faut balayer de la main.
Récemment, le secrétaire américain
de la Marine, Richard Spencer, a dit que « les États-Unis
devront être plus engagés dans la
région » en menant des manoeuvres de liberté
de navigation « dans le nord-ouest, dans le passage du
nord ». [10]. Il
n'est pas clair si ce « passage du
nord » est le passage du Nord-Ouest du Canada ou le passage
du Nord-Est de la Russie ou les deux. L'une ou l'autre de ces
manoeuvres serait une véritable provocation et, pour ce qui est
de la Russie, dangereuse sur le plan militaire.
Notes
1. Charron, Andrea. « The
Northwest Passage in context », Canadian Military Journal,
Hiver 2005-2006
2. Killas, Mark. « The
legality of Canada's claims to the waters of its Arctic
archipelago ». Ontario Law Review, Vol. 19 :1
3. « 1985 Polar Sea
controversy », Wikipedia, consulté le 26
mars 2019
4. « SS Manhattan
(1962) », Wikipedia, consulté le 26
mars 2019
5. Charron, Andrea. Ibid
6. Beeler, Carolyn. »
Who controls the Northwest Passage ? It's up for
debate », PRI's The World, 4 septembre 2017
7. Huebert, Rob. «
Protecting Canadian Arctic Sovereignty from Donald Trump, »
Institut canadien des affaires mondiales, novembre 2018
8. « Directive
présidentielle de sécurité nationale
-- 66, » Maison-Blanche, Bureau de l'attaché de
presse, 9 janvier 2009
9. Huebert, Rob. Ibid
10. Lajeunesse, Adam. « Is
the next big fight over the North-West passage
coming ? » Policy Options, 14
février 2019
La délégation canadienne à l'assemblée
générale de 2018 de la Conférence
circumpolaire inuite
organisée à Utqiagvik en Alaska
Les peuples autochtones de l'Arctique ainsi que les
résidents non autochtones ont une longue et fière
tradition de lutter pour une région arctique pacifique. Entre
autres choses, ils se sont opposés massivement aux essais de
bombes atomiques américaines sur l'île d'Amchitka en
Alaska dans les années 1960 et 1970, mené des
campagnes pour la paix dans les pays nordiques et une longue lutte
dirigée par les peuples innus et inuits contre les
vols militaires supersoniques à basse altitude que le
gouvernement canadien et divers pays de l'OTAN effectuaient dans tout
le Labrador et le nord du Québec dans les
années 1980 et 1990.
En 1989, dans une
puissante déclaration qui a des répercussions encore
aujourd'hui, Mary Simon, la présidente de cette époque de
la Conférence circumpolaire inuite (CCI), écrivait avec
éloquence sur la nécessité d'établir une
Zone arctique de paix. Elle fait valoir dans son article que le point
de départ décisif est de « reconnaître que de
vastes régions dans le nord du Canada, en Alaska, au Groenland
et en Sibérie de l'Est constituent avant tout la patrie
inuite » et que le peuple inuit ne veut pas que ses
territoires traditionnels soient utilisés comme « zone
militaire et de combat stratégique entre les alliances de l'Est
et de l'Ouest. »[1]
Elle souligne que le peuple inuit, qui vit dans les
régions circumpolaires depuis des millénaires, est le
porte-parole légitime de l'Arctique. Puisque leurs terres et
communautés « transcendent les frontières de quatre
pays » (i.e. les États-Unis, le Canada, le Groenland
et la Russie), les Inuits sont dans « un contexte unique
où ils peuvent
promouvoir les objectifs de paix, de sécurité et de
contrôle d'armes au sein des États de
l'Arctique ».
« Tout développement militaire excessif
dans le Nord », affirme-t-elle, « que ce soit par
l'Union soviétique (qui existait toujours à
l'époque) ou les États-Unis, ne peut que diviser
l'Arctique, perpétuer les tensions Est-Ouest et la course aux
armements, et faire en sorte que notre peuple se trouve divisé
en deux camps
opposés ».
D'un point de vue inuit, une Zone de paix arctique ne
permettrait pas les essais d'armes nucléaires ou d'armes de
destruction massive, ni d'activités militaires qui «
perturbent ou minent les communautés, les territoires, les
droits et la sécurité des peuples autochtones et des
autres peuples nordiques ». En ce sens, la protection de
l'environnement arctique « doit l'emporter sur les exercices et
autres activités militaires ».
Comme premier pas, la CCI propose que les nations
arctiques déclarent qu'une Zone de paix arctique est un objectif
essentiel pour elles, et qu'elle pourrait voir le jour progressivement.
Aussi, ces pays doivent « fermement s'engager à ce que
leurs futures politiques de contrôle militaire et d'armes soient
conformes aux objectifs d'une Zone de
paix » et que le territoire étatique canadien et
nordique « ne doit pas servir à quelque pays que ce soit
à des fins militaires offensives et
déstabilisantes ».
Pendant les années 1980, les Inuits
affirment leur souveraineté sur
leurs terres, le Ntesinan, et s'opposent aux vols à basse
altitude.
|
En plus, toute arme nucléaire et tout missile de
croisière lancé par voie aérienne ou maritime
doivent être interdits et l'utilisation navale de l'Arctique doit
être révisée pour tenir compte du fait que «
le principe de 'liberté de navigation' sans limite sur les
hautes mers est caduc et ouvre la porte aux abus commis par les
puissances
militaires ».
Un pas important pour renverser la militarisation
accrue serait de développer un « cadre juridique
international qui codifie les infractions contre la paix et la
sécurité de l'humanité » et que ces
standards comprendraient des droits humains tels « le droit
à la paix, le droit au développement et le droit à
un environnement sain et
sécuritaire ».
Enfin, elle exhorte « tous les gouvernements
arctiques, peu importe leurs affiliations militaires ou leur statut
nucléaire, d'embrasser l'idée d'une Zone de paix
arctique », car pour ceux dont l'Arctique a toujours
été la demeure ancestrale, « l'avenir du Nord le
requiert ! »
Note
1. Simon, Mary. « Toward an
Arctic Zone of Peace : an Inuit perspective ». Peace
Research. Vol. 21, Numéro 4 (novembre 1989),
l'Université mennonite canadienne.
À
titre d'information
Iqaluit, Nunavut
L'Arctique est un des trésors de la
planète Terre, une région d'une immense beauté,
où la nature est sauvage et le climat souvent sans merci. Si on
établit la ligne de démarcation de sa frontière
sud au 60e parallèle (ce qui comprendrait l'Arctique et des
régions subarctiques), on trouve des millions de
kilomètres de glace, de neige, de
toundra, de glaciers, d'océans, de montagnes, de forêts,
de muskeg, de désert polaire et de pergélisol.
Près de 40 % du territoire canadien est compris dans
la région arctique et il en va de même pour la plupart des
pays arctiques. Malgré un climat rigoureux, on y trouve une
grande variété de faune, y compris le caribou, le renne,
le
morse, la baleine, l'ours polaire, le loup, de nombreuses
espèces d'oiseaux et d'autres espèces.
Bien qu'on puisse s'imaginer que l'Arctique est une
région ancienne et primitive, l'environnement actuel de
l'Arctique est en réalité le plus récent du monde
en termes géologiques. Il y a soixante-dix millions
d'années, cette région était à toutes fins
pratiques libre de toute glace et était tapissée de
fougères, de cyprès et d'autres végétaux et
peuplée d'animaux qu'on trouve normalement dans des climats
subtropicaux.
La population de l'Arctique aujourd'hui est d'environ
quatre millions de personnes dont approximativement 10 % sont
autochtones (les chiffres peuvent beaucoup varier en fonction des
frontières arctiques fixées). Au Canada, cependant, la
population autochtone représente près de la moitié
de la population arctique, et au
Groenland, elle représente la majorité de la population.
Ces peuples autochtones et non autochtones vivent dans huit pays
différents, les États-Unis (l'Alaska), le Canada (le
Yukon, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut, le Nord
québécois et le Labrador), le Groenland (le Danemark),
l'Islande, la Norvège, la Suède, la Finlande et la
Russie. Plus
de la moitié des quatre millions d'autochtones vivent en Russie
où se trouve la plus grande ville au nord du Cercle polaire
(Mourmansk).
On a raison de croire que les peuples autochtones ont
habité la Sibérie en Russie il y a aussi longtemps
que 30 000 ou 40 000 ans. Au Canada, on
évalue que le peuplement de la région du Cercle polaire
s'est fait entre 12 000 et 14 000 ans avant notre
ère, et le peuplement par les peuples
inuits à environ 2 500 ans avant notre ère, ou
même aussi tôt que 6 500 ans avant notre
ère. Par leur ingéniosité, leur travail
acharné et leur intelligence, ces peuples ont réussi
à bâtir et soutenir leurs nations et leurs riches cultures
dans les pénibles conditions de l'Arctique, et souvent avec des
ressources très limitées.
Une liste partielle de regroupements autochtones de
l'Arctique aujourd'hui comprend les Inuits (au Canada, en Alaska, au
Groenland et en Russie), les Gwich'in (au Yukon, dans les Territoires
du Nord-Ouest et en Alaska), les Athapaskans (au Canada, en Alaska),
les Samis (en Norvège, en Suède, en Finlande et en
Russie), et les Aléoutes (en
Alaska, en Russie). Seulement en Russie, il y a plus de 40 peuples
autochtones. Dans toutes ces régions, les populations
autochtones ont été décimées par
l'exploitation coloniale, l'agression culturelle, la propagation de
maladies et d'autres fléaux. Mais en dépit de tout ce
qu'ils ont eu à confronter, par leur grande
détermination, ils ont
défendu leurs droits, leurs terres et leurs moyens de
subsistance, et se sont opposés à la militarisation de la
région.
Il y a beaucoup de différences dans la vaste
région de l'Arctique en termes de population, de gouvernance, de
cultures, de langues et de climat, et même en termes de
degré d'urbanisation, d'industrialisation et de militarisation.
Par exemple, le Nord du Canada et le Groenland sont peu peuplés,
alors que l'Alaska et la Russie ont une population
considérablement plus grande. La température la plus
froide jamais enregistrée sur terre (moins 70 degrés
Celsius) a été en Sibérie. Et pourtant, la
température à Reykjavik, en Islande, sous l'influence des
courants océaniques, est relativement modérée avec
des températures oscillant autour de zéro à
l'année longue. Malgré les différences et
les longues distances, les peuples de l'Arctique ont des liens
millénaires et ils se voient comme ayant non seulement un
territoire commun, mais souvent une cause commune.
La région arctique est riche en ressources
naturelles avec approximativement 22 % des réserves
mondiales de gaz et de pétrole, des dépôts
d'uranium, de bauxite, de minerai de fer, de cuivre, de nickel, de
cobalt, de phosphates et de divers autres métaux et
minéraux, d'eau potable (10 % de l'eau potable mondiale se
trouve
dans l'Inlandsis - couche de glace - au Groenland), d'énergie
hydroélectrique. Elle foisonne aussi de poissons et d'animaux
marins. Parmi les industries, on compte l'extraction minière, le
forage de gaz et de pétrole, la chasse et la cueillette, la
pêche, la trappe, l'élevage (de rennes), le tourisme et
l'art et la sculpture autochtones.
Malgré la nature sauvage, l'Arctique subit les
répercussions dramatiques de la pollution et du
réchauffement climatique. Le développement industriel,
ainsi que les activités militaires accrues,
accélèrent le processus de pollution de la terre et de
l'eau. Aussi, les polluants transportés des autres
régions de la terre par le vent s'accumulent.
À mesure que les températures augmentent
(beaucoup plus rapidement qu'ailleurs sur la Terre), la fonte de la
glace de mer et des glaciers a d'immenses répercussions sur le
territoire, la faune et les peuples de la région, ainsi que sur
les niveaux des mers à l'échelle mondiale. Ces nombreux
problèmes sont exacerbés par la fonte de
pergélisol,
duquel émane d'immenses quantités de méthane, un
gaz à effet de serre.
Dans les prochaines années, on s'attend à
ce que le passage du Nord-Ouest canadien et le passage du Nord-Est
russe seront moins faits de glace et deviendront plus navigables,
ouvrant ces routes maritimes au transport transocéanique, ainsi
qu'au forage de gaz et de pétrole et à la pêche.
Par conséquent, la concurrence entre les grandes
puissances et les sociétés cartels est aussi
exacerbée alors qu'elles cherchent à y avoir
l'accès et le contrôle, que ce soit militairement ou
commercialement.
S'il est vrai que de nouveaux problèmes
complexes ont été engendrés, il est aussi vrai que
les peuples de l'Arctique, à la fois les autochtones et les non
autochtones, y compris ceux du Canada, sont résilients et vont
continuer de se battre à la défense de leurs droits, de
leurs terres et de leur mode de vie.
Dans les chansons qui suivent (traduites de l'Inuktitut
il y a une centaine d'années), la grande poète de la
tradition orale et chanteuse inuit Uvavnuk a bien capté la
résilience de l'esprit et de la vision de son peuple dans le
contexte grandiose des forces de la nature :
La Grande mer
La Grande mer
A rompu mes amarres
Elle m'emporte
Comme la semence dans la
grande rivière
La terre et les tempêtes
Me transportent
M'ont
entraînée au loin
M'animant d'une joie
profonde.
La seule grande chose
Et je repense
À mes petites aventures
Lorsque, mue par un vent des rives,
J'ai quitté la terre dans mon kayak
Et j'ai cru que j'étais en danger.
Mes craintes,
Ces petites craintes
Me semblaient si grandes
Lorsque je devais partir à la recherche
De toutes ces choses essentielles.
Et pourtant, il n'y a qu'une seule
Grande chose
La seule chose.
C'est de vivre et de voir
Par les huttes et les voyages
Le grand jour qui perce à l'aube
Et la lumière qui baigne le monde.
Le Conseil de l'Arctique, créé
en 1996, est le principal organe multilatéral de la
région arctique.[1] Ses
huit États membres votants sont le Canada, les
États-Unis, le Danemark (Groenland), l'Islande, la
Norvège, la Suède et la Finlande, qui ont tous un
territoire dans le cercle polaire arctique.
En outre, il existe six organisations de « participants
autochtones », dont le Conseil circumpolaire inuit,
l'Association internationale des Aléoutes, le Conseil des
Athabaskans de l'Arctique, le Conseil international des Gwich'in,
l'Association russe des populations autochtones du Nord et le Conseil
Saami nordique. En outre, treize États
asiatiques et européens, dont l'Allemagne, le Royaume-Uni, le
Japon et la Chine, ont le statut « d'observateur ».
Dans le cadre de ses travaux, le Conseil est
défini comme le principal forum intergouvernemental dans
l'Arctique qui :
a) favorise la coopération, la coordination et
l'interaction entre les États de l'Arctique, avec la
participation des communautés indigènes de l'Arctique et
de ses autres habitants au regard des problèmes communs de
l'Arctique, plus précisément aux problèmes de
développement durable et de protection de l'environnement dans
l'Arctique.
b) supervise et coordonne les programmes établis
dans le cadre de l'évaluation stratégique des incidences
environnementales.
Le Conseil a été créé
à la suite d'une suggestion faite par le premier ministre
canadien Brian Mulroney dans un discours prononcé à
Leningrad le 24 novembre 1989. Dans son discours, Mulroney a
posé la question suivante : « Et pourquoi pas un
conseil des pays arctiques pour coordonner et promouvoir la
coopération entre
eux ? » [2]
Cela faisait écho à la déclaration
du premier ministre Louis St-Laurent et du secrétaire
d'État Lester B. Pearson en 1946, selon laquelle le Canada
« souhaitait travailler ‘non seulement avec les
États-Unis, mais également avec les autres pays
arctiques, le Danemark, la Norvège et l'Union soviétique'
afin d'encourager les mesures de
coopération pour le développement économique et
des communications de l'Arctique ' ». Selon certains
analystes, cette déclaration était motivée par les
« craintes du Canada face aux pressions
américaines ».[3]
En 1987 à Mourmansk, deux ans avant la
déclaration de Mulroney, le président soviétique
Mikhaïl Gorbatchev prononça un discours de politique
étrangère appelant l'Arctique à devenir une
« zone de paix »[4].
Dans
ses
commentaires,
il
préconisa
les
six
mesures
suivantes :
1. la création d'une zone
dénucléarisée en Europe du Nord;
2. les consultations entre le Pacte de Varsovie et l'OTAN qui visaient
à limiter et à réduire les activités des
forces navales et aériennes dans les eaux de l'Europe du Nord et
du Groenland;
3. la coopération en matière de développement des
ressources et d'échange technique;
4. la coordination et échange de recherches entre les pays
nordiques et subarctiques sur des questions scientifiques, avec une
attention particulière pour les populations autochtones et les
groupes ethniques;
5. la coopération entre les pays du nord en matière de
protection et de gestion de l'environnement;
6. l'ouverture de la route maritime du Nord aux navires
étrangers,
la Russie fournissant les brise-glaces.
Le discours de Gorbatchev est considéré
par plusieurs comme ayant celui qui a semé les bases du
Conseil de l'Arctique et des
autres initiatives de coopération qui ont suivi parmi les pays
et les peuples de l'Arctique, y compris la Stratégie de
protection de l'environnement arctique menée par la Finlande
(qui sera ultérieurement transformée en Conseil de
l'Arctique).
Pour faire suite à la suggestion du premier
ministre Mulroney, un groupe de gens du nord du Canada et d'experts du
nord ont lancé ce qu'on a appelé « le projet du
Conseil de l'Arctique », qui a reçu un soutien
financier de l'organisme philanthropique Walter and Duncan Gordon
Foundation. Walter Gordon était un ministre libéral
fédéral connu pour ses politiques nationalistes
économiques.
Un autre facteur dans le développement du projet
a été « la voix croissante des peuples autochtones
du Nord canadien » qui s'est reflétée dans la
composition du groupe d'experts. Les membres comprenaient les
coprésidents Franklyn Griffiths, professeur de sciences
politiques et Rosemarie Kuptana, ancienne présidente de la Inuit
Broadcasting Corporation, ainsi que des membres de diverses
organisations autochtones du Nord, dont Inuit Tapirisat of Canada, la
nation dénée, Indigenous Survival International et le
Conseil circumpolaire inuit. Les autres membres provenaient du
Comité canadien des ressources arctiques et du Centre canadien
de contrôle des armements et du
désarmement.
Après avoir consulté les habitants du
nord partout dans l'Arctique, le groupe d'experts a publié un
« Rapport-cadre » en 1990 afin de créer un
Conseil international de l'Arctique.[5]
Dans son rapport, le groupe d'experts a noté que « le
destin du Canada et celui de l'Arctique sont
indissociables » et que le Canada, en tant que peuple qui
habite des terres nordiques, était dans une position
privilégiée pour prendre l'initiative de créer le
Conseil. Il a déclaré qu'« à mesure que les
alignements et les priorités de la guerre froide cèdent
la place à une nouvelle architecture de coopération
régionale et mondiale, les États
nordiques se voient offrir une opportunité vraiment
extraordinaire pour la mise en place d'institutions dans
l'Arctique ».
La vision de l'Arctique par le groupe d'experts
n'était pas une frontière « mais un
élément du foyer commun des nations
circumpolaires ». Cette vision reconnaît « que
les ressources exceptionnelles de l'Arctique sont sa population, et non
ses ressources pétrolières et gazières, ses
minéraux ou son espace à des fins d'opérations
militaires ». En outre, le groupe d'experts a estimé
que le nouveau Conseil romprait avec le passé « en donnant
une nouvelle voix aux résidents du Nord » et en
offrant de nouvelles possibilités de collaboration et de
coopération.
Selon le rapport, « de considérer
l'Arctique principalement sous l'angle de la souveraineté et de
sa défense contre l'intrusion étrangère revient
à ne pas suivre la marche du temps », en particulier
à la lumière « d'innombrables passages frontaliers
silencieux [qui] se produisent quotidiennement dans une région
où l'environnement forme
un tout ». Plus loin on y déclare que l'Arctique est
un domaine distinct, qu'une nouvelle coopération entre
États est nécessaire et que, pour concevoir l'objectif du
Conseil en matière d'Arctique, « essentiellement en termes
de ce qui pourrait être accompli derrière les juridictions
nationales, ne serait plus adéquat ».
Parlant du soutien du Canada à la collaboration
civile, le rapport indique que le Canada a appliqué « des
mesures bilatérales dans l'Arctique avec l'Union
soviétique depuis les années 1970 » et a
favorisé des « accords multilatéraux qui, dans
certains cas, ont plus en commun avec la pensée de l'Union
soviétique que celle des États
Unis ». Toutefois, il a également souligné que
« pour le moment, le Canada adhère néanmoins
à l'opinion de l'OTAN selon laquelle les questions militaires
dans l'Arctique doivent être négociées
exclusivement sur une base Est-Ouest plutôt que sur une base
circumpolaire ».
Le rapport note que la militarisation accrue de
l'Arctique jusqu'à cette date, c'est-à-dire 1990,
n'est probablement pas contrôlée par les moyens actuels de
maîtrise des armements et que la région est «
sujette à une militarisation continue alors même que la
démilitarisation devient la règle en Europe et dans les
relations
américano-soviétiques. » Cela revenait
à être traité « de manière
préjudiciable par les décideurs en matière de
sécurité nationale ».
De l'avis des membres du groupe d'experts, les huit
États membres du Conseil de l'Arctique proposé auraient
« l'obligation de discuter des problèmes militaires de
l'Arctique et de poursuivre tout consensus lors des négociations
extrarégionales pertinentes », et que « plus
importante est la rivalité militaire dans l'Arctique entre les
forces
en présence et leur approche qui l'accompagne, plus difficile
est la collaboration civile qui est essentielle à la gestion
rationnelle d'une région interdépendante ». La
conclusion était que l'Arctique « ne peut pas rester le
foyer de la concurrence militaire de plus en plus vue comme
intolérable ailleurs » et qu'il était
nécessaire de disposer
d'un instrument international tel que le Conseil de l'Arctique qui
« permette à toutes les parties concernées de
générer et de mettre en oeuvre une vision commune de
l'avenir de la région ».
En ce qui a trait aux inévitables critiques
formulées par certains milieux au sujet d'inclure des questions
militaires dans l'ordre du jour du Conseil, le rapport affirmait qu'il
n'y avait pas de « rideau de fer » entre les affaires
civiles et militaires et que « seule une institution arctique
à vocation générale peut se mesurer aux
responsabilités
partagées des États de l'Arctique et à
l'opportunité d'un nouveau départ à une
époque de transition fondamentale dans les affaires
internationales ». En outre, « contraindre [le Conseil
de l'Arctique] à un ordre du jour non militaire reviendrait en
fait à affirmer que la mentalité d'un utilisateur du Sud
jouit d'un soutien officiel non réduit parmi
les huit de l'Arctique ».
Au début, « ni les Américains ni
les Soviétiques n'ont accepté les efforts initiaux visant
à créer ce conseil ».[6]
Au fil du temps, le Groupe d'experts a
vu ses recommandations diluées ou éliminées.
Différents États ont « exprimé une
opposition tacite unanime aux négociations entre États de
l'Arctique sur des questions militaires » et ont
indiqué que ces questions « étaient mieux
traitées dans des enceintes telles que l'OTAN ou le processus
d'Helsinki (CSCE) ». En revanche, les peuples autochtones et
les gouvernements territoriaux étaient plus susceptibles de
vouloir que ces questions soient à l'ordre du jour.[7]
Outre le problème des questions militaires, les
États-Unis s'opposaient également « à
l'accent mis par le Canada sur les questions autochtones »
au détriment de l'environnement, ainsi que sur l'insistance du
Canada sur « la souveraineté sur les eaux couvertes de
glace où les Inuits du Canada chassaient et où les
États-Unis souhaitaient
établir des routes de navigation ».
Les Américains ont finalement rejoint le
Conseil, mais à contrecoeur. Le prix à payer pour
persuader les Américains d'adhérer était «
leur détermination à maintenir le Conseil aussi faible
que possible ». En conséquence, les responsables
canadiens ont été incapables de donner au Conseil de
l'Arctique les pouvoirs dont ils estimaient
avoir besoin pour servir de forum efficace pour le monde
circumpolaire. »[8]
Depuis 1996, le Conseil de l'Arctique se
réunit régulièrement et a pris un certain nombre
d'initiatives environnementales, écologiques et sociales. En
outre, bien que le Conseil n'ait pas de pouvoir d'exécution, il
a également fourni une tribune pour la négociation
"d'importants accords juridiquement contraignants entre les huit
États de
l'Arctique", notamment en matière de recherche et de sauvetage
dans l'Arctique, de préparation et de lutte contre la pollution
marine par les hydrocarbures, et de coopération scientifique
dans
l'Arctique.
Cependant, le mandat du Conseil continue d'exclure
explicitement les questions de « sécurité
militaire » ou de militarisation de l'Arctique. Mais ces
dernières années, cette position de longue date a
été remise en question. L'ironie est que
l'inquiétude provient maintenant de sources américaines.
Par exemple, en 2016, sous
l'administration Obama, le groupe de réflexion « Centre
d'études stratégiques et internationales
(CSIS) » de Washington, a appelé à la
refonte du Conseil de l'Arctique afin d'inclure une « dimension
de sécurité ». Et il existe d'autres voix
américaines qui souhaitent également élargir le
mandat du Conseil. La raison de cette
expansion semble provenir de ce que certains perçoivent comme
une menace militaire croissante de la part de l'armée russe dans
la région et ailleurs.[9]
D'autres encore considèrent l'inclusion des
questions militaires à l'ordre du jour du Conseil comme une
« politisation » de l'organisation qui « risque
de nuire à la coopération et à la coordination
actuelles entre les États de l'Arctique et les
communautés autochtones ». À cet égard,
le boycott d'une réunion du Conseil de
l'Arctique en Russie en 2014 par le Canada et les
États-Unis au sujet de la crise Ukraine/Crimée est
considéré par certains comme un exemple de cette
politisation. Une telle politisation pourrait «
paralyser » l'organisation, affirment-ils. Au lieu de cela,
on dit que la structure de gouvernance du Conseil « fonctionne
très bien, en grande
partie non affectée par les crises majeures de
sécurité ».[10]
Cependant, en 2019, compte tenu des
préoccupations de l'administration Trump à propos de sa
participation à des structures multilatérales, il reste
à savoir quelle sera sa position à l'égard de tout
élargissement proposé du mandat du Conseil de l'Arctique
afin d'inclure les questions militaires ou, en l'occurrence, sa
participation au
Conseil pourrait prendre quelle forme à l'avenir.
Notes
1. « The Arctic Council »
2. « To establish an
international Arctic Council : A framework report ».
Interim Report of the Arctic Council Panel. Canadian Arctic Resources
Committee, novembre1990
3. Keskitalo, Eva. «
Negotiating the Arctic : The construction of an international
regime », New York : Rutledge, 2004
4. Gorbachev, Mikhail. « Speech
in Murmansk at the ceremonial meeting on the occasion of
the presentation of the order of Lenin and the gold star to the
city of Murmansk », octobre 1987
5. « To establish an
international Arctic Council : A framework report. »
Interim Report of the Arctic Council Panel. Canadian Arctic Resources
Committee. novembre 1990
6. Huebert, Rob, «
Canadian Arctic sovereignty and security in a transforming circumpolar
world », Canada and the changing Arctic : Sovereignty,
security and stewardship. Wilfred Laurier University Press. 2011
7. Scrivener (1996) in
Keskitalo, Eva. « Negotiating the Arctic : The construction
of an international regime », New York :
Rutledge, 2004
8. Huebert, Rob, «
Canadian Arctic sovereignty and security in a transforming circumpolar
world. » Canada and the changing Arctic : Sovereignty,
security and stewardship. Wilfred Laurier University Press. 2011
9. Groenning, Ragnhild. « Why
military
security
should
be
kept
out
of
the
Arctic
Council », The Arctic Institute. Le 2 juin 2016
10. Stephen, Kathrin. « An
Arctic
security
forum?
Please,
no! », The Arctic Institute. Le 26 mai 2016
(Pour voir les articles
individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)
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