La lutte des Inuits pour faire de l'Arctique une Zone de paix


La délégation canadienne à l'assemblée générale de 2018 de la Conférence circumpolaire inuite
organisée à Utqiagvik en Alaska

Les peuples autochtones de l'Arctique ainsi que les résidents non autochtones ont une longue et fière tradition de lutter pour une région arctique pacifique. Entre autres choses, ils se sont opposés massivement aux essais de bombes atomiques américaines sur l'île d'Amchitka en Alaska dans les années 1960 et 1970, mené des campagnes pour la paix dans les pays nordiques et une longue lutte dirigée par les peuples innus et inuits contre les vols militaires supersoniques à basse altitude que le gouvernement canadien et divers pays de l'OTAN effectuaient dans tout le Labrador et le nord du Québec dans les années 1980 et 1990.

En 1989, dans une puissante déclaration qui a des répercussions encore aujourd'hui, Mary Simon, la présidente de cette époque de la Conférence circumpolaire inuite (CCI), écrivait avec éloquence sur la nécessité d'établir une Zone arctique de paix. Elle fait valoir dans son article que le point de départ décisif est de « reconnaître que de vastes régions dans le nord du Canada, en Alaska, au Groenland et en Sibérie de l'Est constituent avant tout la patrie inuite » et que le peuple inuit ne veut pas que ses territoires traditionnels soient utilisés comme « zone militaire et de combat stratégique entre les alliances de l'Est et de l'Ouest. »[1]

Elle souligne que le peuple inuit, qui vit dans les régions circumpolaires depuis des millénaires, est le porte-parole légitime de l'Arctique. Puisque leurs terres et communautés « transcendent les frontières de quatre pays » (i.e. les États-Unis, le Canada, le Groenland et la Russie), les Inuits sont dans « un contexte unique où ils peuvent promouvoir les objectifs de paix, de sécurité et de contrôle d'armes au sein des États de l'Arctique ».

« Tout développement militaire excessif dans le Nord », affirme-t-elle, « que ce soit par l'Union soviétique (qui existait toujours à l'époque) ou les États-Unis, ne peut que diviser l'Arctique, perpétuer les tensions Est-Ouest et la course aux armements, et faire en sorte que notre peuple se trouve divisé en deux camps opposés ».

D'un point de vue inuit, une Zone de paix arctique ne permettrait pas les essais d'armes nucléaires ou d'armes de destruction massive, ni d'activités militaires qui « perturbent ou minent les communautés, les territoires, les droits et la sécurité des peuples autochtones et des autres peuples nordiques ». En ce sens, la protection de l'environnement arctique « doit l'emporter sur les exercices et autres activités militaires ».

Comme premier pas, la CCI propose que les nations arctiques déclarent qu'une Zone de paix arctique est un objectif essentiel pour elles, et qu'elle pourrait voir le jour progressivement. Aussi, ces pays doivent « fermement s'engager à ce que leurs futures politiques de contrôle militaire et d'armes soient conformes aux objectifs d'une Zone de paix » et que le territoire étatique canadien et nordique « ne doit pas servir à quelque pays que ce soit à des fins militaires offensives et déstabilisantes ».

Pendant les années 1980, les Inuits affirment leur souveraineté sur leurs terres, le Ntesinan, et s'opposent aux vols à basse altitude.

En plus, toute arme nucléaire et tout missile de croisière lancé par voie aérienne ou maritime doivent être interdits et l'utilisation navale de l'Arctique doit être révisée pour tenir compte du fait que « le principe de 'liberté de navigation' sans limite sur les hautes mers est caduc et ouvre la porte aux abus commis par les puissances militaires ».

Un pas important pour renverser la militarisation accrue serait de développer un « cadre juridique international qui codifie les infractions contre la paix et la sécurité de l'humanité » et que ces standards comprendraient des droits humains tels « le droit à la paix, le droit au développement et le droit à un environnement sain et sécuritaire ».

Enfin, elle exhorte « tous les gouvernements arctiques, peu importe leurs affiliations militaires ou leur statut nucléaire, d'embrasser l'idée d'une Zone de paix arctique », car pour ceux dont l'Arctique a toujours été la demeure ancestrale, « l'avenir du Nord le requiert ! »

Note

1. Simon, Mary. « Toward an Arctic Zone of Peace : an Inuit perspective ». Peace Research. Vol. 21, Numéro 4 (novembre 1989), l'Université mennonite canadienne.


Cet article est paru dans

Volume 49 Numéro 13 - 6 avril 2019

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