Numéro 43

18 octobre 2022

L'appel de l'histoire est de renoncer à la monarchie

Développement sur la question de l'opposition au serment d'allégeance à Charles III


Les députés à l'Assemblée nationale du Québec prêteront
serment d'allégeance cette semaine

– Pauline Easton –

La souveraineté et le serment d'allégeance à la monarchie

– Louis Davignon –

À titre d'information

La vidéo - Mon serment

Réponse de Siegfried Peters à Paul St-Pierre Plamondon

Lettre de Paul St-Pierre Plamondon à François Legault

Lettre de Paul St-Pierre Plamondon à Dominique Anglade

Lettre de Paul St-Pierre Plamondon à Gabriel Nadeau-Dubois

Le serment de la Chambre des communes ou
l'affirmation solennelle d'allégeance



L'appel de l'histoire est de renoncer à la monarchie

Développement sur la question de l'opposition
au serment d'allégeance à Charles III

Le 13 octobre dernier, le secrétaire général de l'Assemblée nationale du Québec, M. Siegfried Peters, a rendu son avis juridique du cas qui lui a été soumis par le chef du Parti québécois (PQ) concernant le serment d'allégeance au roi Charles III. M. Peters a déclaré que l'Assemblée pourrait bloquer l'entrée des députés péquistes qui refuseront de prêter le serment à Charles III.

Dans sa lettre, M. Peters dit qu'il n'a pas le pouvoir de dispenser un député de l'obligation de prêter serment au monarque britannique, une obligation stipulée par L'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, toujours en vigueur aujourd'hui. Il cite la clause entière qui a été imposée par la Couronne britannique en 1867, en anglais car, 155 ans plus tard, la Constitution n'existe officiellement qu'en anglais. M. Peter a également suggéré que si l'Assemblée nationale adoptait une loi stipulant que le serment n'est pas nécessaire, le verdict pourrait être différent. (La lettre est reproduite ci-dessous à titre de référence.)

En réponse, le chef du PQ a écrit aux chefs de chaque parti qui a des élus à l'Assemblée nationale pour leur proposer l'adoption d'une motion à l'Assemblée nationale qui déclare que le refus de prêter serment au roi ne devrait pas empêcher un député démocratiquement élu de siéger. (On peut aussi trouver ces lettres ci-dessous.)

Le Devoir a rapporté que Paul St-Pierre Plamondon a dit avoir eu une conversation téléphonique avec François Legault où le premier ministre s'est dit ouvert à la présentation d'un projet de loi mais pas à la présentation d'une motion pour l'instant. Selon Le Devoir, Québec solidaire n'a pas encore fait connaître ses intentions par rapport au serment au roi d'Angleterre. L'article cite le leader parlementaire de Québec solidaire, Alexandre Leduc, qui a dit que « Nous continuons de discuter avec l'Assemblée nationale pour tenter de trouver une solution. »

En plus, plusieurs campagnes ont été lancées où des Québécoises et des Québécois soutiennent le besoin d'abjurer l'assermentation au roi Charles III. Un des projets est la campagne #monserment !, dans laquelle quinze personnalités du monde culturel ont réalisé une vidéo qui renonce au serment au roi en énonçant un serment qui défend la dignité du peuple québécois. Ils font appel à toutes et à tous à se joindre à eux en enregistrant leur propre serment pour remplacer celui qu'ils rejettent. La vidéo de la campagne peut être visionnée ci-dessous.

Une lettre ouverte signée par des constitutionnalistes connus et des souverainistes éminents a également été publiée dans des journaux et diffusée à la télévision.

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Les députés à l'Assemblée nationale du Québec prêteront serment d'allégeance cette semaine

– Pauline Easton –

L'Assemblée nationale du Québec débutera ses travaux le 15 novembre prochain. D'ici là, les députés de la Coalition avenir Québec (CAQ) et du Parti libéral du Québec (PLQ) devront prêter serment d'allégeance au roi le mardi 18 octobre et ceux de Québec solidaire le 19 octobre. Le vendredi 21 octobre, les élus du Parti québécois refuseront de prêter serment d'allégeance au roi Charles III. Un rassemblement est prévu vendredi à 10 h 30 devant l'Assemblée nationale lorsqu'ils prêteront le serment au peuple québécois.

Le Parti marxiste-léniniste du Québec (PMLQ) réitère son appel à tous les députés élus aux élections générales du 3 octobre de ne pas prêter serment d'allégeance au roi Charles III. Si la CAQ, qui se dit nationaliste, ne fait rien elle ne pourra pas se cacher derrière le prétexte que « ce n'est pas le moment opportun ».

François Legault, qui se proclame un nationaliste québécois, a déclaré le 9 septembre que de ne pas prêter serment « n'est pas dans nos priorités pour le prochain mandat ». En même temps, au nom de la défense de ce prétendu nationalisme, il dit avoir comme priorité d'établir des règles spéciales pour les immigrants qui ne relèvent pas du gouvernement fédéral. Suivant sa définition du nationalisme, il est « opportun » de faire des déclarations inacceptables et racistes contre les immigrants mais pas de se soucier de ce qu'implique le serment de loyauté envers le roi et sa démocratie.

La cheffe du Parti libéral a une position semblable. Dominique Anglade a dit au sujet du serment qu'elle était prête à remettre en question la monarchie « au moment opportun ».

Quel moment pourrait être plus opportun ? La reine est morte et l'appel de l'histoire est de rompre avec cette institution archaïque et extrêmement coûteuse et avec la démocratie et l'ordre constitutionnel qu'elle impose. Et d'ailleurs de quoi ont-ils peur ? En 1982, quand la Constitution du Canada a été « rapatriée », le Québec a-t-il dit que ce n'était « pas le moment opportun » de la signer ? A-t-il dit : on va signer maintenant parce que « ce n'est pas le moment opportun » de la contester puis on retirera notre signature plus tard, « quand ce sera opportun » ?

Non, le Québec n'a pas signé la Constitution rapatriée de 1982 malgré les intrigues du gouvernement libéral de Pierre Trudeau pour lui forcer la main. Malgré cette absence de signature d'une des soi-disant « deux nations fondatrices » et la contestation judiciaire du Québec, le gouvernement fédéral n'a même pas attendu le verdict de la cour. Il a « rapatrié » la Constitution et a continué de fonctionner comme si de rien n'était malgré l'absence de la signature de la nation québécoise.

Depuis, le gouvernement fédéral a fait de son mieux avec comme modus operandi de faire comme si de rien n'était en ce qui concerne la crise constitutionnelle. Il n'y a aucune raison de penser que le gouvernement du Canada ne choisira pas de faire la même chose maintenant si plusieurs ou tous les députés de l'Assemblée nationale du Québec refusent de prêter serment d'allégeance à Charles III. De toute façon, c'est son problème, pas le problème des députés de l'Assemblée nationale du Québec.

Il est honteux que le gouvernement fédéral, qui a toujours prétendu que le Québec était une « nation fondatrice », ait fait comme si de rien n'était après le refus du Québec de signer la soi-disant constitution de 1982. Il n'en demeure pas moins que l'ordre constitutionnel contenu dans la Constitution « rapatriée » de 1982 continue d'imposer la « démocratie du roi » en obligeant ses représentants au Parlement du Canada, aux assemblées législatives des provinces et à l'Assemblée nationale du Québec de jurer de la défendre.

Si les députés québécois refusent de prêter serment d'allégeance au roi Charles III, l'élite fédérale décidera-t-elle que c'est « pas de souci » puisque la « démocratie du roi » reste intacte grâce au processus législatif et à l'ordre constitutionnel ? Ou criera-t-elle au meurtre et cherchera-t-elle à attiser le brasier de la crise constitutionnelle au nom de la lutte contre l'extrémisme québécois et d'autres stéréotypes qui visent à désinformer et à diviser le corps politique canadien pour qu'il ne prête pas attention à ce que fait le Canada au pays et à l'étranger ?

Pour comprendre ce qui se cache derrière ces différentes manoeuvres, il est édifiant de lire les informations concernant le serment d'allégeance sur la page Web de la Chambre des communes :

« Quand un député prête allégeance au souverain, il prête aussi allégeance aux institutions représentées par le souverain et notamment au principe de la démocratie. Le député s'engage ainsi à servir les meilleurs intérêts du pays. »

Il s'agit, entre autres, d'une atteinte flagrante au droit de conscience quand non seulement les députés des assemblées législatives des provinces et de l'Assemblée nationale du Québec, les membres du Conseil privé et autres, mais aussi de centaines de milliers de Canadiens et de Québécois employés dans diverses institutions fédérales, en plus des résidents permanents à qui on accorde la citoyenneté, sont forcés de faire ce serment.

Avec la mort de la reine et l'occasion que cela présente de renoncer à la monarchie, le peuple québécois peut affirmer qu'au Québec la souveraineté appartient au peuple et non à la monarchie britannique. Son droit d'être et de se représenter lui-même est la référence et le principe à défendre pour ouvrir la voie de la société sur la base d'une démocratie moderne. Il s'agit de rejeter l'anachronisme et le blocage que constituent l'ordre constitutionnel et la démocratie « du roi ».

Prendre comme point de référence la constitution et le système de démocratie imposés par l'empire britannique, son ordre constitutionnel, ses valeurs et la démocratie « du roi », c'est accepter les limites imposées par ceux qui ont des positions de privilège et de pouvoir et qui pensent pouvoir continuer à régner sur la majorité pour toujours. Ils appellent cela « la stabilité offerte par l'ordre constitutionnel ».

On nous dit depuis longtemps que la Couronne britannique n'était qu'un symbole, mais la domination de ceux qui ont des privilèges et un pouvoir sur le peuple n'est pas symbolique. Ce n'est pas une question de choix que de rejeter cette domination du privilège, c'est une question de répondre à l'appel de l'histoire à aller de l'avant. L'essence de la démocratie du roi et de son ordre constitutionnel est la préservation de la domination de ceux qui ont le pouvoir et les privilèges au-dessus du peuple. La Couronne britannique représente l'empire, la conquête, la soumission des sujets au diktat d'un souverain qui a le dernier mot sur le pouvoir ecclésiastique et temporel parce qu'il est le représentant de Dieu. Ce que le peuple québécois, en tant que peuple, refuse d'accepter.

La constitution canadienne, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, a été imposée aux Canadiens et aux Québécois en 1867 à la suite de la répression de la lutte des Patriotes dans le Haut et le Bas-Canada. Cet ordre constitutionnel a toujours été corrompu et a toujours favorisé une couche de privilégiés et lui a permis de régner sur le peuple. Cette couche privilégiée a des liens directs avec la couronne par l'entremise d'une myriade d'institutions étatiques et accorde des honneurs à ceux dont la conduite préserve les valeurs de l'empire. Pour faire partie du club, beaucoup violent carrément leur conscience et sont obligés d'invoquer des idéaux élevés pour faire belle figure.

L'histoire appelle à renoncer à la monarchie, à s'engager dans un projet d'édification nationale moderne et investir le peuple du pouvoir soverain.

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La souveraineté et le serment d'allégeance
à la monarchie

– Louis Davignon –

Ce texte est l'intervention que Louis Davignon a faite sur le sujet de la souveraineté et le serment d'allégeance à la monarchie, lors de la rencontre organisée par le PMLQ le 16 octobre pour discuter du résultat des élections.

Dans sa lettre au secrétaire général de l'Assemblée nationale du Québec, Paul St-Pierre Plamondon affirme son « intention de prêter serment uniquement envers le peuple québécois et non envers le roi d'Angleterre ». Cette intention du chef du Parti québécois mérite d'être encouragée et appuyée car le serment d'allégeance à la monarchie britannique est non seulement une relique archaïque, désuète et rétrograde d'une autre époque, mais elle est aussi l'expression concrète du fait que la souveraineté de la nation québécoise, des Premières Nations et du peuple canadien est niée par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique (AANB). Cet Acte affirme en fait que la souveraineté est détenue par la Couronne, c'est-à-dire Charles III d'Angleterre.

Suite au rapatriement de l'AANB en 1982, en pratique, le pouvoir souverain, ici compris comme le pouvoir exécutif, a été transféré au premier ministre du Canada et aux premiers ministres des provinces, aux dires de ceux-ci. Mais est-ce bien le cas ? Ne sommes-nous pas plutôt soumis à une souveraineté partagée entre la Couronne britannique et les premiers ministres qui eux, prétendent en plus recevoir un mandat du peuple et pas juste de la Couronne via la gouverneure générale ou les lieutenants gouverneurs dans les provinces ?

À titre d'exemple, je rappellerai ici une éloquente démonstration du partage de la souveraineté : lorsque le gouvernement conservateur de Brian Mulroney a dû aller en Angleterre dans les années 1980 pour faire nommer rapidement par la reine de nouveaux sénateurs conservateurs dans le but d'obtenir une majorité conservatrice au Sénat canadien.

Dans l'histoire coloniale du Québec et du Canada, il fut un temps où le ou la monarque (c'est-à-dire le souverain) désignait ce qu'il ou elle appelait ses représentants en Conseil. Ces derniers n'étaient pas élus, mais nommés, comme le sont encore aujourd'hui les sénateurs de la Chambre haute à Ottawa. Avec le temps et suite à divers développements qu'il serait trop long de rappeler ici, la Couronne a décidé que ces représentants en Conseil à la Chambre basse seraient élus par la population dans le cadre d'un processus électoral non démocratique qui, hormis l'élargissement du droit de vote, n'a guère évolué à travers les années. Aujourd'hui, ces représentants dans les assemblées législatives fédérales et provinciales continuent d'être des sujets de la Couronne britannique et de lui prêter serment.

Mais alors des questions se posent. Les élus sont-ils « ses représentants en Conseil, élus », ou sont-ils les représentants des citoyens qui les ont élus ? Le mandat de représentation que leur accordent les citoyens ne doit-il pas être le seul mandat reconnu ? Si l'Assemblée nationale du Québec ne reconnaît pas ce mandat de représentation sous prétexte qu'un élu refuse de prêter serment à la Couronne, alors elle reconnaît que la Couronne a préséance sur l'Assemblée nationale et les citoyens. Dans ce cas, le premier ministre Legault devra expliquer quelle est la valeur du mandat de gouverner le Québec qu'il prétend avoir reçu du peuple québécois. Se dira-t-il redevable à la Couronne ou au peuple québécois ?

Dans un système politique où le peuple serait souverain, celui-ci aurait minimalement le dernier mot sur le choix et la nomination de ses représentants et du mandat qui leur est accordé. En conséquence, la loyauté des élus irait envers le peuple et, simultanément, envers les électeurs de leur circonscription. Ces élus seraient redevables au peuple et envers leurs électeurs et à aucune autre autorité.

Des moyens supplémentaires peuvent être envisagés et discutés pour que le peuple puisse affirmer sa souveraineté et la réaliser en pratique ou l'appliquer. Mais, refuser de prêter allégeance à un monarque, étranger de surcroît, et accepter de prêter uniquement serment envers le peuple québécois est déjà un acte d'affirmation à l'effet que la souveraineté ne peut résider ailleurs que dans le peuple.

Paul St-Pierre Plamondon mérite notre plein appui afin qu'il passe concrètement de son « intention de prêter serment uniquement envers le peuple québécois et non envers le roi d'Angleterre », à l'acte « de prêter serment uniquement envers le peuple québécois et non envers le roi d'Angleterre » ; afin qu'il passe de la parole à l'acte.

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À titre d'information

La vidéo - Mon serment

La campagne #monserment ! et la vidéo peuvent être visionnées ici :

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Réponse de Siegfried Peters à
Paul St-Pierre Plamondon

Bureau du secrétaire général

Le 13 octobre 2022

Monsieur Paul St-Pierre Plamondon
Député de Camille-Laurin
paul.st-pierreplamondon@assnat.qc.ca

Monsieur le Député,

La présente vise à donner suite à votre correspondance du 11 octobre 2022, par laquelle vous demandez à l'Assemblée nationale de reconnaître que le serment prévu à la Loi sur l'Assemblée nationale est suffisant pour sièger. Vous me demandez par conséquent de vous autoriser à exercer vos fonctions parlementaires sans prêter le serment visé à l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 puisque, selon vous, seul le serment envers le peuple québécois serait requis par le Règlement de l'Assemblée nationale.

Tout d'abord, je vous rappelle que le droit parlementaire en vigueur au Québec est régi par des dispositions qui se trouvent à plusieurs niveaux dans la hiérarchie des sources juridiques. Alors, bien que le règlement de l'Assemblée nationale renforce l'essentiel des règles de procédure parlementaire, certaines règles tirent leur origine d'autres sources de droit et la Constitution arrive au premier rang parmi celles-ci.

L'article 128 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit en termes fort explicites, dans sa version anglaise, que les députés doivent prêter et souscrire le serment d'allégeance avant de prendre part aux travaux parlementaires :

128. Every Member of the Senate or House of Commons of Canada shall before taking his Seat therein take and subscribe before the Governor General or some Person authorized by him, and every Member of a Legislative Council or Legislative Assembly of any Province shall before taking his Seat therein take and subscribe before the Lieutenant Governor of the Province or some Person authorize by him, the Oath of Allegiance contained in the Fifth Schedule to this Act; and every Member of the Senate of Canada and every Member of the Legislative Council of Quebec shall also, before taking his Seat therein, take and subscribe before the Governor General, or some Person authorized by him, the Declaration of Qualification contained in the same Schedule; (soulignements ajoutés).

Cette obligation est distincte de celle qui est prévue à l'article 15 de la Loi sur l'Assemblée nationale, qui a ajouté l'obligation de prêter un serment de loyauté envers le peuple du Québec afin de pouvoir siéger à l'Assemblée nationale. La Loi sur l'Assemblée nationale n'a donc pas pour effet de dispenser un élu de l'obligation de prêter le serment prévu à la Loi constitutionnelle de 1867.

Il faut plutôt voir la prestation des deux serments comme des conditions préalables à l'exercice des fonctions parlementaires. Ainsi, au Québec, le défaut de prêter à l'un ou l'autre de ces serments prive un député du droit de siéger à l'Assemblée nationale et de prendre part aux délibérations parlementaires. Il est d'ailleurs de pratique constante, depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur l'Assemblée nationale que les parlementaires prêtent ces deux serments avant de siéger.

Le rôle du scrétaire général, à titre de personne autorisée par le lieutenant-gouverneur, consiste à constater la prestation des serments et la signature du registre qui en fait foi. En outre, j'exerce mon rôle dans la plus grande neutralité politique afin d'accompagner à la fois collectivement et individuellement les députés dans l'exercice de leurs importantes fonctions, sans m'immiscer dans les débats sur des enjeux d'actualité. Vous comprendrez donc que, bien que je respecte vos réserves quant au serment d'allégeance, en tant que secrétaire général, je n'ai pas le pouvoir de dispenser un élu d'une obligation législative ou constitutionnelle. Je ne peux pas plus, de ma seule autorité, modifier un texte prévu dans la constitution.

La possibilité de modifier ou d'abolir le serment d'allégeance a déjà été évoquée à l'Assemblée nationale. Jusqu'à ce jour toutefois, l'Assemblée nationale n'a accompli aucun acte en ce sens et il ne m'appartient pas de prendre une décision à ce sujet. Par conséquent, d'ici à ce que le droit évolue, le cas échéant, je me dois de faire appliquer celui qui est en vigueur.

J'espère que ces précisions vous permettront de bien évaluer la portée d'un refus de prêter l'un des deux serments en ce début de 43e législatuve.

Veuillez agréer, Monsieur le Député, mes salutations distinguées.

Siegfried Peters
Secrétaire général

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Lettre de Paul St-Pierre Plamondon
à François Legault

Montréal, le 17 octobre 2022

Monsieur François Legault
Premier ministre du Québec
premierministre@quebec.ca

Monsieur le Premier Ministre,

Je sollicite votre collaboration dans le dossier du serment au roi prévu dans la Constitution canadienne de 1867.

Comme vous le savez, j'ai signifié à l'Assemblé ;e nationale mon intention de ne pas prêter serment d'allégeance au roi d'Angleterre et de m'en tenir uniquement au serment d'allégeance envers le peuple québécois prévu à l'article 15 de la Loi sur l'Assemblée nationale.

Depuis que j'ai fait connaître publiquement cette intention, de nombreuses voix se sont fait entendre dans la société civile pour que tous les élus emboitent le pas et mettent fin à cette mascarade humiliante, en refusant eux aussi de prêter serment au roi. Un grand nombre de juristes et de constitutionnalistes ont également pris la parole pour signifier qu'à leurs yeux, l'Assemblée nationale n'a pas l'obligation de sanctionner un élu qui refuserait de prêter serment au roi d'Angleterre, en l'empêchant de siéger. Malheureusement, j'ai reçu jeudi dernier une réponse préliminaire du secrétaire général de l'Assemblée que vous trouverez ci-joint. On comprend de cette réponse que le secrétaire général ne considère pas avoir le pouvoir de changer la pratique des deux serments en vigueur, ni l'interprétation de ses prédécesseurs indiquant que le cumul des deux serments est une condition pour siéger au salon bleu.

Le secrétaire général indique toutefois que les choses pourraient en être autrement si « un acte » ; de l'Assemblée nationale venait clarifier les choses et préciser la volonté des élus sur ce sujet. On peut sans doute y avoir une reconnaissance de la souveraineté ; de l'Assemblée nationale en la matière, de même que la possibilité pour l'Assemblée de confirmer formellement l'interprétation adoptée par plusieurs juristes voulant que, dans l'hypothèse où les élus exprimaient clairement leur volonté en ce sens, le refus du serment au roi d'Angleterre ne devrait pas empêcher un élu de siéger.

C'est pourquoi je sollicite formellement votre collaboration pour qu'à titre de Premier ministre, vous initiez à la reprise des travaux parlementaires une motion à  l'effet que le défaut de prêter serment au roi ne devrait pas empêcher un député démocratiquement élu de siéger. Je demande également de laisser le libre-choix à chacun des députés nouvellement élus de la Coalition Avenir Québec de donner l'exemple et d'entendre la voix de plusieurs analystes politiques en refusant eux aussi de prêter serment au roi, de sorte que notre volonté politique et notre solidarité en la matière ne fassent aucun doute.

Je sais que dans votre programme, et ce depuis 2015, la CAQ s'é ait engagée à abolir la monarchie britannique au Québec. Nous sommes donc entièrement d'accord sur cette orientation. Si l'abolition complète de la monarchie au Québec implique plusieurs démarches complexes, nous sommes ici devant une occasion de poser un geste simple et concret pour nous libérer de ces institutions archaïques et respecter la liberté de conscience de chaque député. Qui plus est le geste requis de votre part implique un simple vote en faveur d'une motion qui prendra une quinzaine de minutes tout au plus.

N'ayant aucun doute sur votre volonté de collaborer sur cet enjeu et vous remerciant d'emblée pour la suite que vous donnerez à la présente, je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, à ; l'expression de ma haute collaboration.

Paul St-Pierre Plamondon
Député  de Camille-Laurin à l'Assemblée nationale

Chef du Parti Québécois

p.j. : Lettre du secrétaire général datée du 13 octobre 2022

c.c. : M. Martin Koskinen
Chef de cabinet
mkoskinen_mce@mce.gouv.qc.ca

M. Sébastien Lauzon
Conseiller politique et adjoint exécutif
sebastien.lauzon@mce.gouv.qc.ca

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Lettre de Paul St-Pierre Plamondon
à Dominique Anglade

Montréal, le 17 octobre 2022

Madame Dominique Anglade
Cheffe de l'opposition officielle
dominique.anglade@assnat.qc.ca

Madame la Cheffe de l'opposition officielle,

Je sollicite votre collaboration dans le dossier du serment au roi prévu dans la Constitution canadienne de 1867.

Comme vous le savez, j'ai signifié à l'Assemblée nationale mon intention de ne pas prêter serment d'allégeance au roi d'Angleterre et de m'en tenir uniquement au serment d'allégeance envers le peuple québécois prévu à l'article 15 de la Loi sur l'Assemblée nationale.

Depuis que j'ai fait connaître publiquement cette intention, de nombreuses voix se sont fait entendre dans la société civile pour que tous les élus emboitent le pas et mettent fin à cette mascarade humiliante, en refusant eux aussi de prêter serment au roi. Un grand nombre de juristes et de constitutionnalistes ont également pris la parole pour signifier qu'à leurs yeux, l'Assemblée nationale n'a pas l'obligation de sanctionner un élu qui refuserait de prêter serment au roi d'Angleterre, en l'empêchant de siéger. Malheureusement, j'ai reçu jeudi dernier une réponse préliminaire du secrétaire général de l'Assemblée que vous trouverez ci-joint. On comprend de cette réponse que le secrétaire général ne considère pas avoir le pouvoir de changer la pratique des deux serments en vigueur, ni l'interprétation de ses prédécesseurs à indiquant que le cumul des deux serments est une condition pour siéger au salon bleu.

Le secrétaire général indique toutefois que les choses pourraient en être autrement si « un acte » de l'Assemblée nationale venait clarifier les choses et préciser la volonté des élus sur ce sujet. On peut sans doute y avoir une reconnaissance de la souveraineté de l'Assemblée nationale en la matière, de même que la possibilité pour l'Assemblée de confirmer formellement l'interprétation adoptée par plusieurs juristes voulant que, dans l'hypothèse où les élus exprimaient clairement leur volonté en ce sens, le refus du serment au roi d'Angleterre ne devrait pas empêcher un élu de siéger.

C'est pourquoi je sollicite formellement votre collaboration pour qu'à titre de cheffe de l'opposition officielle, vous consentiez à la reprise des travaux parlementaires à une motion à l'effet que le défaut de prêter serment au roi ne devrait pas empêcher un député démocratiquement élu de sièger. Je demande également de laisser le libre-choix à chacun des députés nouvellement élus du Parti libéral du Québec de donner l'exemple et d'entendre la voix de plusieurs analystes politiques en refusant eux aussi de prêter serment au roi, de sorte que notre volonté politique et notre solidarité en la manière ne fassent aucun doute.

Je sais que votre programme ne contient rien de spécifique sur cet enjeu, mais je connais votre intérêt sincère pour la démocratie québécoise et la santé de nos institutions. Nul doute que plusieurs de vos élus ne sont pas tout à fait à l'aise avec cet exercice de génuflexion. Si l'abolition complète de la monarchie au Québec implique plusieurs démarches complexes, nous sommes ici devant une occasion de poser un geste simple et concret pour nous libérer de ces institutions archaïques et respecter la liberté de conscience de chaque député. Qui plus est le geste requis de votre part implique un simple vote en faveur d'une motion qui prendra une quinzaine de minutes tout au plus.

N'ayant aucun doute sur votre volonté de collaborer sur cet enjeu et vous remerciant d'emblée pour la suite que vous donnerez à la présente, je vous prie de croire, Madame la Cheffe de l'opposition officielle, à l'expression de ma haute collaboration.

Paul St-Pierre Plamondon
Député de Camille-Laurin à l'Assemblée nationale
Chef du Parti Québécois

p.j. : Lettre du secrétaire général datée du 13 octobre 2022

c.c. : Madame Valérie Rodrigue
         Directrice de cabinet
         valerie.rodrigue@assnat.qc.ca

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Lettre de Paul St-Pierre Plamondon
à Gabriel Nadeau-Dubois

Montréal, le 17 octobre 2022

Monsieur Gabriel Nadeau-Dubois
Co-porte-parole de Québec solidaire
gabriel.nadeau-dubois@assnat.qc.ca
Monsieur le co-porte-parole de Québec solidaire,

Je sollicite votre collaboration dans le dossier du serment au roi prévu dans la Constitution canadienne de 1867.

Comme vous le savez, j'ai signifié à l'Assemblée nationale mon intention de ne pas prêter serment d'allégeance au roi d'Angleterre et de m'en tenir uniquement au serment d'allégeance envers le peuple québécois prévu à l'article 15 de la Loi sur l'Assemblée nationale.

Depuis que j'ai fait connaître publiquement cette intention, de nombreuses voix se sont fait entendre dans la société civile pour que tous les élus emboitent le pas et mettent fin à cette mascarade humiliante, en refusant eux aussi de prêter serment au roi. Un grand nombre de juristes et de constitutionnalistes ont également pris la parole pour signifier qu'à leurs yeux, l'Assemblée nationale n'a pas l'obligation de sanctionner un élu qui refuserait de prêter serment au roi d'Angleterre, en l'empêchant de siéger. Malheureusement, j'ai reçu jeudi dernier une réponse préliminaire du secrétaire général de l'Assemblée que vous trouverez ci-joint. On comprend de cette réponse que le secrétaire général ne considère pas avoir le pouvoir de changer la pratique des deux serments en vigueur, ni l'interprétation de ses prédécesseurs à indiquant que le cumul des deux serments est une condition pour siéger au salon bleu.

Le secrétaire général indique toutefois que les choses pourraient en être autrement si « un acte » de l'Assemblée nationale venait clarifier les choses et préciser la volonté des élus sur ce sujet. On peut sans doute y avoir une reconnaissance de la souveraineté de l'Assemblée nationale en la matière, de même que la possibilité pour l'Assemblée de confirmer formellement l'interprétation adoptée par plusieurs juristes voulant que, dans l'hypothèse où les élus exprimaient clairement leur volonté en ce sens, le refus du serment au roi d'Angleterre ne devrait pas empêcher un élu de siéger.

C'est pourquoi je sollicite formellement votre collaboration pour qu'à titre de co-porte-parole de Québec solidaire, vous consentiez à la reprise des travaux parlementaires à une motion à l'effet que le défaut de prêter serment au roi ne devrait pas empêcher un député démocratiquement élu de sièger. Je demande également de laisser le libre-choix à chacun des députés nouvellement élus de Québec soldaire de donner l'exemple et d'entendre la voix de plusieurs analystes politiques en refusant eux aussi de prêter serment au roi, de sorte que notre volonté politique et notre solidarité en la manière ne fassent aucun doute.

Je connais votre engagement envers l'abolition de ce serment au roi d'Angleterre notamment à travers le projet de loi que vous avez déposé en 2019 et les nombreuses sorties de Sol Zanetti sur ce sujet. Nous logeons définitivement à la même enseigne sur cet enjeu et nul doute que plusieurs de vos élus ne sont pas du tout à l'aise avec cet exercice de génuflexion. Si l'abolition complète de la monarchie au Québec implique plusieurs démarches complexes, nous sommes ici devant une occasion de poser un geste simple et concret pour nous libérer de ces institutions archaïques et respecter la liberté de conscience de chaque député. Qui plus est le geste requis de votre part implique un simple vote en faveur d'une motion qui prendra une quinzaine de minutes tout au plus.

N'ayant aucun doute sur votre volonté de collaborer sur cet enjeu et vous remerciant d'emblée pour la suite que vous donnerez à la présente, je vous prie de croire, Monsieur le co-porte-parole de Québec solidaire, à l'expression de ma haute collaboration.

Paul St-Pierre Plamondon
Député de Camille-Laurin à l'Assemblée nationale
Chef du Parti Québécois

p.j. : Lettre du secrétaire général datée du 13 octobre 2022

c.c. : M. Renaud Poirier St-Pierre
        Directeur de cabinet
        renaud.poiriersaintpierre@assnat.qc.ca

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Le serment de la Chambre des communes ou l'affirmation solennelle d'allégeance

La page Web de la Chambre des communes, noscommunes.ca, donne l'explication suivante du serment ou de l'affirmation solennelle d'allégeance que les membres du Parlement fédéral doivent prêter pour être autorisés à occuper leur siège et à voter.

Avant de pouvoir prendre son siège à la Chambre des communes et de voter, le député dûment élu doit prêter serment ou faire une affirmation solennelle d'allégeance ou de loyauté au souverain et signer le registre d'assermentation (un livre dont les pages portent en en-tête le texte du serment ou de l'affirmation). Quand un député prête allégeance au souverain, il prête aussi allégeance aux institutions représentées par le souverain et notamment au principe de la démocratie. Le député s'engage ainsi à servir les meilleurs intérêts du pays. Le serment qu'il prête, ou l'affirmation solennelle qu'il fait, sert à lui rappeler tout le poids des obligations et des responsabilités qu'il assume.

La Loi constitutionnelle de 1867 fait obligation à tous les députés de prêter et souscrire le serment d'allégeance : « Les membres [...] de la Chambre des communes du Canada devront, avant d'entrer dans l'exercice de leurs fonctions, prêter et souscrire, devant le gouverneur général ou quelque personne à ce par lui autorisée [...] le serment d'allégeance énoncé dans la cinquième annexe de la présente loi ».

Voici le texte actuel du serment : « Je, (nom du député), jure que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté le roi Charles III ». Plutôt que de prêter serment, le député qui le souhaite peut faire une affirmation solennelle en déclarant simplement : « Je, (nom du député), déclare et affirme solennellement, sincèrement et véritablement que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté le roi Charles III ».

Historique

Royaume-Uni

Au Moyen Âge, la prestation du serment d'allégeance n'était pas obligatoire au Parlement anglais. Au XVIe siècle, l'Angleterre vécut des conflits politiques et religieux, particulièrement la scission de l'Église d'Angleterre et la lutte de pouvoir entre les protestants et les catholiques, qui furent à l'origine de la prestation de serment des députés en tant que préalable légal. C'est l'Act of Supremacy adopté en 1563 sous le règne de la reine Elizabeth I qui imposa le premier serment aux députés. Cette loi désignait la souveraine chef de l'Église : avant d'occuper leur siège dans la Chambre des communes, les députés étaient tenus d'affirmer que la souveraine détenait le pouvoir suprême dans tout le royaume pour toutes les affaires d'ordre ecclésiastique et temporel. En fait, le serment de suprématie avait pour but premier d'empêcher les catholiques romains d'occuper une charge publique. En 1678, on y adjoint une déclaration contre la transsubstantiation dans le but d'empêcher les catholiques romains de siéger au Parlement.

En 1701, les jacobites, partisans de Jacques II, tentèrent de rétablir le catholicisme en Angleterre. Pour renforcer le protestantisme, les autorités anglaises ripostèrent en instaurant trois serments d'État dans le but d'empêcher les catholiques et les jacobites d'accéder à des charges publiques. En plus de prononcer la déclaration à l'encontre de la transsubstantiation, les députés devaient prêter serment d'allégeance au roi d'Angleterre ; prêter serment de suprématie, lequel dénonçait le catholicisme et l'autorité papale ; et prêter serment d'abjuration, par lequel étaient répudiés tous les droits de Jacques II et de ses descendants au trône d'Angleterre. Le serment d'abjuration renfermait par ailleurs les mots « au nom de la foi chrétienne », ce qui empêchait les juifs de prêter serment.

Plus de cent ans plus tard, le Parlement britannique adopta le Roman Catholic Relief Act of 1829, loi abolissant la déclaration contre la transsubstantiation et prescrivant un libellé de serment acceptable aux yeux des membres de l'Église catholique romaine. En 1858, les serments de suprématie, d'allégeance et d'abjuration furent remplacés par un serment unique pour les protestants et, plus tard au cours de la même année, le Parlement britannique adopta une autre loi qui permettait aux juifs de siéger comme députés. En 1866, le Parlement britannique permit aux députés de faire une affirmation solennelle, dans certaines circonstances. Enfin, en 1888, il autorisa ceux qui s'objectaient à la prestation du serment pour toute raison à faire une affirmation solennelle.

Canada

Le serment d'allégeance que doivent prêter les députés avant de prendre leur place à la Chambre des communes est d'inspiration britannique ; cependant, le serment que l'on prêtait dans les colonies canadiennes était fort différent du serment antipapauté que prononçaient les députés de la Chambre des communes britannique.

C'est en 1758 que fut élue la première assemblée populaire en Nouvelle-Écosse. Il fut décidé que les lois pénales et électorales alors en vigueur en Grande-Bretagne s'appliqueraient. Ainsi, les catholiques et les juifs n'avaient pas le droit de voter et ne pouvaient briguer les suffrages, et les députés étaient tenus de prêter les trois serments d'État : le serment d'allégeance au roi d'Angleterre, le serment de suprématie dénonçant le catholicisme et l'autorité papale, et le serment d'abjuration, qui répudiait tous les droits de Jacques II et de ses descendants au trône d'Angleterre. En 1789, l'Assemblée législative révisa les critères donnant qualité d'électeur et interdit toute discrimination pour des motifs d'ordre religieux, accordant ainsi le droit de vote aux catholiques et aux juifs. Néanmoins, les catholiques n'étaient pas autorisés à siéger à l'Assemblée sans d'abord prononcer la déclaration contre la transsubstantiation ; quant aux juifs, c'est le serment d'abjuration qui les en empêchait. En 1823, l'Assemblée de la Nouvelle-Écosse adopta une résolution qui accordait aux catholiques le droit de siéger à l'Assemblée sans avoir à prononcer la déclaration contre la transsubstantiation. Cependant, les serments d'État s'appliquaient toujours aux non-catholiques. En 1846, la Nouvelle-Écosse abolit le serment d'État.

En 1780, l'Assemblée de l'Île-du-Prince-Édouard, la seule autre colonie dotée d'un gouvernement représentatif à l'époque, restreignit le droit de vote aux protestants. Ce n'est qu'en 1830 que les catholiques obtinrent le droit de voter et de briguer les suffrages. En 1846, les serments d'État étant remplacés par un seul serment d'allégeance, les juifs obtinrent à leur tour le droit de se présenter comme candidats à une élection.

Le Nouveau-Brunswick fut fondé à titre de colonie en 1784 et tint sa première élection en 1785. Tous les hommes blancs âgés d'au moins 21 ans qui acceptaient de prêter serment d'allégeance étaient autorisés à voter à cette première élection. Toutefois, le vote des catholiques fut frappé de nullité dès l'année suivante, car l'Assemblée avait résolu que leur vote était illégal et contraire aux lois britanniques. Lorsque la colonie adopta ses premières lois électorales, en 1791, catholiques et juifs se sont vus privés du droit de voter, et donc de se faire élire à l'Assemblée, du fait que les électeurs devaient consentir à prêter les serments d'État. En 1810, catholiques et juifs obtinrent le droit de vote lorsque la colonie remplaça les serments requis pour voter par un simple serment d'allégeance. Toutefois, ce n'est qu'en 1846 que les juifs obtinrent le droit de se présenter comme candidats, une fois abolie l'obligation de prêter les serments d'État pour siéger à l'Assemblée.

En 1763, lors de la fondation de la province de Québec, le gouverneur reçut l'ordre de convoquer une assemblée dès que les conditions le permettraient. Les élus étaient tenus de prêter les serments d'allégeance, de suprématie et de déclaration contre la transsubstantiation. La province demeura toutefois sans assemblée représentative. L'Acte de Québec de 1774, adopté par le Parlement britannique, énonçait, entre autres, que les catholiques romains seraient dorénavant dispensés du serment de suprématie et qu'ils pourraient, s'ils désiraient occuper une charge publique, prêter serment d'allégeance. Le serment d'abjuration empêchait toujours les juifs d'occuper une charge publique. La Loi constitutionnelle de 1791 scinda la province originale de Québec en deux provinces, soit le Bas-Canada et le Haut-Canada. Chacune avait son propre conseil législatif et une assemblée élective ; les députés devaient affirmer leur allégeance au roi avant de siéger au Conseil législatif ou à l'Assemblée. Les juifs ne pouvaient toujours pas briguer les suffrages, vu l'obligation de prêter serment d'allégeance sur le Nouveau Testament. En 1832, le Bas-Canada adopta une loi accordant aux juifs les mêmes droits et privilèges que les autres citoyens, une première dans l'Empire britannique. Quand la Province du Canada fut créée, les dispositions de la Loi constitutionnelle de 1791 touchant au serment d'allégeance furent reprises dans l'Acte d'Union, 1840. La Loi constitutionnelle de 1867, adoptée au début de la Confédération, exigeait des sénateurs, des députés et des députés des assemblées législatives provinciales la prestation d'un serment d'allégeance.

Dans la Province du Canada, l'Acte d'Union, 1840 autorisait l'affirmation solennelle, comme plus tard l'article 5 de l'Acte concernant les Commissions et les Serments d'allégeance et d'office, adopté en 1867. Toutefois, ces dispositions ne s'appliquaient pas aux membres du Sénat et de la Chambre des communes. C'est seulement en 1905 que les députés purent faire une affirmation solennelle, quand le gouverneur général s'est vu conférer « le pouvoir de recevoir le serment d'allégeance ou la déclaration de personnes qui doivent occuper des postes de confiance au Canada, sous la forme prescrite par une loi adoptée au cours des trente et unième et trente-deuxième années du règne de la reine Victoria, et qui a pour titre : "loi tendant à modifier la Loi sur les serments promissoires" ».

Si un député ne peut prêter serment ou faire l'affirmation solennelle d'allégeance, ou refuse de le faire, il ne peut prendre son siège à la Chambre et pourrait être privé de ses indemnités de session. Ainsi, ce sont le serment d'allégeance et l'affirmation solennelle d'allégeance qui permettent à un député d'occuper son siège à la Chambre des communes et de voter.

Violation du serment d'allégeance

La violation du serment d'allégeance constitue un manquement grave, et si la Chambre jugeait qu'un député avait violé son serment, elle sévirait contre lui. Même si aucun député n'a jamais été jugé coupable de violation de son serment d'allégeance, le Président a dû, en 1990, se prononcer sur la sincérité de l'affirmation solennelle d'un député. Le Président Fraser a établi que le Président « n'est pas autorisé à porter un jugement sur les circonstances dans lesquelles, ou la sincérité avec laquelle, un député dûment élu prête le serment d'allégeance. L'importance que revêt ce serment pour chaque député est affaire de conscience et il doit en être ainsi ». Comme le député avait dit très clairement à la Chambre qu'il ne s'était « jamais moqué du Parlement canadien ni de la Reine », le Président a conclu qu'il n'y avait pas eu de violation de privilège puisque la convention veut que la Chambre accepte la parole d'un député. Il a toutefois ajouté que « seule la Chambre peut examiner la conduite de ses membres et elle peut prendre des mesures, si elle décide que des mesures s'imposent ». L'affaire en est restée là.

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