Le serment de la Chambre des communes ou l'affirmation solennelle d'allégeance
La page Web de la Chambre des communes, noscommunes.ca, donne l'explication suivante du serment ou de l'affirmation solennelle d'allégeance que les membres du Parlement fédéral doivent prêter pour être autorisés à occuper leur siège et à voter.
Avant de pouvoir prendre son siège à la Chambre des communes et de voter, le député dûment élu doit prêter serment ou faire une affirmation solennelle d'allégeance ou de loyauté au souverain et signer le registre d'assermentation (un livre dont les pages portent en en-tête le texte du serment ou de l'affirmation). Quand un député prête allégeance au souverain, il prête aussi allégeance aux institutions représentées par le souverain et notamment au principe de la démocratie. Le député s'engage ainsi à servir les meilleurs intérêts du pays. Le serment qu'il prête, ou l'affirmation solennelle qu'il fait, sert à lui rappeler tout le poids des obligations et des responsabilités qu'il assume.
La Loi constitutionnelle de 1867 fait obligation à tous les députés de prêter et souscrire le serment d'allégeance : « Les membres [...] de la Chambre des communes du Canada devront, avant d'entrer dans l'exercice de leurs fonctions, prêter et souscrire, devant le gouverneur général ou quelque personne à ce par lui autorisée [...] le serment d'allégeance énoncé dans la cinquième annexe de la présente loi ».
Voici le texte actuel du serment : « Je, (nom du député), jure que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté le roi Charles III ». Plutôt que de prêter serment, le député qui le souhaite peut faire une affirmation solennelle en déclarant simplement : « Je, (nom du député), déclare et affirme solennellement, sincèrement et véritablement que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté le roi Charles III ».
Historique
Royaume-Uni
Au Moyen Âge, la prestation du serment d'allégeance n'était pas obligatoire au Parlement anglais. Au XVIe siècle, l'Angleterre vécut des conflits politiques et religieux, particulièrement la scission de l'Église d'Angleterre et la lutte de pouvoir entre les protestants et les catholiques, qui furent à l'origine de la prestation de serment des députés en tant que préalable légal. C'est l'Act of Supremacy adopté en 1563 sous le règne de la reine Elizabeth I qui imposa le premier serment aux députés. Cette loi désignait la souveraine chef de l'Église : avant d'occuper leur siège dans la Chambre des communes, les députés étaient tenus d'affirmer que la souveraine détenait le pouvoir suprême dans tout le royaume pour toutes les affaires d'ordre ecclésiastique et temporel. En fait, le serment de suprématie avait pour but premier d'empêcher les catholiques romains d'occuper une charge publique. En 1678, on y adjoint une déclaration contre la transsubstantiation dans le but d'empêcher les catholiques romains de siéger au Parlement.
En 1701, les jacobites, partisans de Jacques II, tentèrent de rétablir le catholicisme en Angleterre. Pour renforcer le protestantisme, les autorités anglaises ripostèrent en instaurant trois serments d'État dans le but d'empêcher les catholiques et les jacobites d'accéder à des charges publiques. En plus de prononcer la déclaration à l'encontre de la transsubstantiation, les députés devaient prêter serment d'allégeance au roi d'Angleterre ; prêter serment de suprématie, lequel dénonçait le catholicisme et l'autorité papale ; et prêter serment d'abjuration, par lequel étaient répudiés tous les droits de Jacques II et de ses descendants au trône d'Angleterre. Le serment d'abjuration renfermait par ailleurs les mots « au nom de la foi chrétienne », ce qui empêchait les juifs de prêter serment.
Plus de cent ans plus tard, le Parlement britannique adopta le Roman Catholic Relief Act of 1829, loi abolissant la déclaration contre la transsubstantiation et prescrivant un libellé de serment acceptable aux yeux des membres de l'Église catholique romaine. En 1858, les serments de suprématie, d'allégeance et d'abjuration furent remplacés par un serment unique pour les protestants et, plus tard au cours de la même année, le Parlement britannique adopta une autre loi qui permettait aux juifs de siéger comme députés. En 1866, le Parlement britannique permit aux députés de faire une affirmation solennelle, dans certaines circonstances. Enfin, en 1888, il autorisa ceux qui s'objectaient à la prestation du serment pour toute raison à faire une affirmation solennelle.
Canada
Le serment d'allégeance que doivent prêter les députés avant de prendre leur place à la Chambre des communes est d'inspiration britannique ; cependant, le serment que l'on prêtait dans les colonies canadiennes était fort différent du serment antipapauté que prononçaient les députés de la Chambre des communes britannique.
C'est en 1758 que fut élue la première assemblée populaire en Nouvelle-Écosse. Il fut décidé que les lois pénales et électorales alors en vigueur en Grande-Bretagne s'appliqueraient. Ainsi, les catholiques et les juifs n'avaient pas le droit de voter et ne pouvaient briguer les suffrages, et les députés étaient tenus de prêter les trois serments d'État : le serment d'allégeance au roi d'Angleterre, le serment de suprématie dénonçant le catholicisme et l'autorité papale, et le serment d'abjuration, qui répudiait tous les droits de Jacques II et de ses descendants au trône d'Angleterre. En 1789, l'Assemblée législative révisa les critères donnant qualité d'électeur et interdit toute discrimination pour des motifs d'ordre religieux, accordant ainsi le droit de vote aux catholiques et aux juifs. Néanmoins, les catholiques n'étaient pas autorisés à siéger à l'Assemblée sans d'abord prononcer la déclaration contre la transsubstantiation ; quant aux juifs, c'est le serment d'abjuration qui les en empêchait. En 1823, l'Assemblée de la Nouvelle-Écosse adopta une résolution qui accordait aux catholiques le droit de siéger à l'Assemblée sans avoir à prononcer la déclaration contre la transsubstantiation. Cependant, les serments d'État s'appliquaient toujours aux non-catholiques. En 1846, la Nouvelle-Écosse abolit le serment d'État.
En 1780, l'Assemblée de l'Île-du-Prince-Édouard, la seule autre colonie dotée d'un gouvernement représentatif à l'époque, restreignit le droit de vote aux protestants. Ce n'est qu'en 1830 que les catholiques obtinrent le droit de voter et de briguer les suffrages. En 1846, les serments d'État étant remplacés par un seul serment d'allégeance, les juifs obtinrent à leur tour le droit de se présenter comme candidats à une élection.
Le Nouveau-Brunswick fut fondé à titre de colonie en 1784 et tint sa première élection en 1785. Tous les hommes blancs âgés d'au moins 21 ans qui acceptaient de prêter serment d'allégeance étaient autorisés à voter à cette première élection. Toutefois, le vote des catholiques fut frappé de nullité dès l'année suivante, car l'Assemblée avait résolu que leur vote était illégal et contraire aux lois britanniques. Lorsque la colonie adopta ses premières lois électorales, en 1791, catholiques et juifs se sont vus privés du droit de voter, et donc de se faire élire à l'Assemblée, du fait que les électeurs devaient consentir à prêter les serments d'État. En 1810, catholiques et juifs obtinrent le droit de vote lorsque la colonie remplaça les serments requis pour voter par un simple serment d'allégeance. Toutefois, ce n'est qu'en 1846 que les juifs obtinrent le droit de se présenter comme candidats, une fois abolie l'obligation de prêter les serments d'État pour siéger à l'Assemblée.
En 1763, lors de la fondation de la province de Québec, le gouverneur reçut l'ordre de convoquer une assemblée dès que les conditions le permettraient. Les élus étaient tenus de prêter les serments d'allégeance, de suprématie et de déclaration contre la transsubstantiation. La province demeura toutefois sans assemblée représentative. L'Acte de Québec de 1774, adopté par le Parlement britannique, énonçait, entre autres, que les catholiques romains seraient dorénavant dispensés du serment de suprématie et qu'ils pourraient, s'ils désiraient occuper une charge publique, prêter serment d'allégeance. Le serment d'abjuration empêchait toujours les juifs d'occuper une charge publique. La Loi constitutionnelle de 1791 scinda la province originale de Québec en deux provinces, soit le Bas-Canada et le Haut-Canada. Chacune avait son propre conseil législatif et une assemblée élective ; les députés devaient affirmer leur allégeance au roi avant de siéger au Conseil législatif ou à l'Assemblée. Les juifs ne pouvaient toujours pas briguer les suffrages, vu l'obligation de prêter serment d'allégeance sur le Nouveau Testament. En 1832, le Bas-Canada adopta une loi accordant aux juifs les mêmes droits et privilèges que les autres citoyens, une première dans l'Empire britannique. Quand la Province du Canada fut créée, les dispositions de la Loi constitutionnelle de 1791 touchant au serment d'allégeance furent reprises dans l'Acte d'Union, 1840. La Loi constitutionnelle de 1867, adoptée au début de la Confédération, exigeait des sénateurs, des députés et des députés des assemblées législatives provinciales la prestation d'un serment d'allégeance.
Dans la Province du Canada, l'Acte d'Union, 1840 autorisait l'affirmation solennelle, comme plus tard l'article 5 de l'Acte concernant les Commissions et les Serments d'allégeance et d'office, adopté en 1867. Toutefois, ces dispositions ne s'appliquaient pas aux membres du Sénat et de la Chambre des communes. C'est seulement en 1905 que les députés purent faire une affirmation solennelle, quand le gouverneur général s'est vu conférer « le pouvoir de recevoir le serment d'allégeance ou la déclaration de personnes qui doivent occuper des postes de confiance au Canada, sous la forme prescrite par une loi adoptée au cours des trente et unième et trente-deuxième années du règne de la reine Victoria, et qui a pour titre : "loi tendant à modifier la Loi sur les serments promissoires" ».
Si un député ne peut prêter serment ou faire l'affirmation solennelle d'allégeance, ou refuse de le faire, il ne peut prendre son siège à la Chambre et pourrait être privé de ses indemnités de session. Ainsi, ce sont le serment d'allégeance et l'affirmation solennelle d'allégeance qui permettent à un député d'occuper son siège à la Chambre des communes et de voter.
Violation du serment d'allégeance
La violation du serment d'allégeance constitue un manquement grave, et si la Chambre jugeait qu'un député avait violé son serment, elle sévirait contre lui. Même si aucun député n'a jamais été jugé coupable de violation de son serment d'allégeance, le Président a dû, en 1990, se prononcer sur la sincérité de l'affirmation solennelle d'un député. Le Président Fraser a établi que le Président « n'est pas autorisé à porter un jugement sur les circonstances dans lesquelles, ou la sincérité avec laquelle, un député dûment élu prête le serment d'allégeance. L'importance que revêt ce serment pour chaque député est affaire de conscience et il doit en être ainsi ». Comme le député avait dit très clairement à la Chambre qu'il ne s'était « jamais moqué du Parlement canadien ni de la Reine », le Président a conclu qu'il n'y avait pas eu de violation de privilège puisque la convention veut que la Chambre accepte la parole d'un député. Il a toutefois ajouté que « seule la Chambre peut examiner la conduite de ses membres et elle peut prendre des mesures, si elle décide que des mesures s'imposent ». L'affaire en est restée là.
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 43 - 18 octobre 2022
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