Réponse de Siegfried Peters à Paul St-Pierre Plamondon
Bureau du secrétaire général
Le 13 octobre 2022
Monsieur Paul St-Pierre Plamondon
Député de Camille-Laurin
paul.st-pierreplamondon@assnat.qc.ca
Monsieur le Député,
La présente vise à donner suite à votre correspondance du 11
octobre 2022, par laquelle vous demandez à l'Assemblée nationale
de reconnaître que le serment prévu à la Loi sur l'Assemblée
nationale est suffisant pour sièger. Vous me demandez par
conséquent de vous autoriser à exercer vos fonctions
parlementaires sans prêter le serment visé à l'article 18 de la
Loi constitutionnelle de 1867 puisque, selon vous, seul le
serment envers le peuple québécois serait requis par le
Règlement de l'Assemblée nationale.
Tout d'abord, je vous rappelle que le droit parlementaire en
vigueur au Québec est régi par des dispositions qui se trouvent
à plusieurs niveaux dans la hiérarchie des sources juridiques.
Alors, bien que le règlement de l'Assemblée nationale renforce
l'essentiel des règles de procédure parlementaire, certaines
règles tirent leur origine d'autres sources de droit et la
Constitution arrive au premier rang parmi celles-ci.
L'article 128 de la Loi constitutionnelle de 1867
prévoit en termes fort explicites, dans sa version anglaise, que
les députés doivent prêter et souscrire le serment d'allégeance
avant de prendre part aux travaux parlementaires :
128. Every Member of the Senate or House of Commons of Canada shall before taking his Seat therein take and subscribe before the Governor General or some Person authorized by him, and every Member of a Legislative Council or Legislative Assembly of any Province shall before taking his Seat therein take and subscribe before the Lieutenant Governor of the Province or some Person authorize by him, the Oath of Allegiance contained in the Fifth Schedule to this Act; and every Member of the Senate of Canada and every Member of the Legislative Council of Quebec shall also, before taking his Seat therein, take and subscribe before the Governor General, or some Person authorized by him, the Declaration of Qualification contained in the same Schedule; (soulignements ajoutés).
Cette obligation est distincte de celle qui est prévue à
l'article 15 de la Loi sur l'Assemblée nationale, qui a
ajouté l'obligation de prêter un serment de loyauté envers le
peuple du Québec afin de pouvoir siéger à l'Assemblée nationale.
La Loi sur l'Assemblée nationale n'a donc pas pour effet
de dispenser un élu de l'obligation de prêter le serment prévu à
la Loi constitutionnelle de 1867.
Il faut plutôt voir la prestation des deux serments comme des
conditions préalables à l'exercice des fonctions parlementaires.
Ainsi, au Québec, le défaut de prêter à l'un ou l'autre de ces
serments prive un député du droit de siéger à l'Assemblée
nationale et de prendre part aux délibérations parlementaires.
Il est d'ailleurs de pratique constante, depuis l'entrée en
vigueur de la Loi sur l'Assemblée nationale que les
parlementaires prêtent ces deux serments avant de siéger.
Le rôle du scrétaire général, à titre de personne autorisée par
le lieutenant-gouverneur, consiste à constater la prestation des
serments et la signature du registre qui en fait foi. En outre,
j'exerce mon rôle dans la plus grande neutralité politique afin
d'accompagner à la fois collectivement et individuellement les
députés dans l'exercice de leurs importantes fonctions, sans
m'immiscer dans les débats sur des enjeux d'actualité. Vous
comprendrez donc que, bien que je respecte vos réserves quant au
serment d'allégeance, en tant que secrétaire général, je n'ai
pas le pouvoir de dispenser un élu d'une obligation législative
ou constitutionnelle. Je ne peux pas plus, de ma seule autorité,
modifier un texte prévu dans la constitution.
La possibilité de modifier ou d'abolir le serment d'allégeance a
déjà été évoquée à l'Assemblée nationale. Jusqu'à ce jour
toutefois, l'Assemblée nationale n'a accompli aucun acte en ce
sens et il ne m'appartient pas de prendre une décision à ce
sujet. Par conséquent, d'ici à ce que le droit évolue, le cas
échéant, je me dois de faire appliquer celui qui est en vigueur.
J'espère que ces précisions vous permettront de bien évaluer la
portée d'un refus de prêter l'un des deux serments en ce début
de 43e législatuve.
Veuillez agréer, Monsieur le Député, mes salutations
distinguées.
Siegfried Peters
Secrétaire général
Cet article est paru dans
Volume 52 Numéro 43 - 18 octobre 2022
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