Les députés à l'Assemblée nationale du Québec prêteront serment d'allégeance cette semaine

– Pauline Easton –

L'Assemblée nationale du Québec débutera ses travaux le 15 novembre prochain. D'ici là, les députés de la Coalition avenir Québec (CAQ) et du Parti libéral du Québec (PLQ) devront prêter serment d'allégeance au roi le mardi 18 octobre et ceux de Québec solidaire le 19 octobre. Le vendredi 21 octobre, les élus du Parti québécois refuseront de prêter serment d'allégeance au roi Charles III. Un rassemblement est prévu vendredi à 10 h 30 devant l'Assemblée nationale lorsqu'ils prêteront le serment au peuple québécois.

Le Parti marxiste-léniniste du Québec (PMLQ) réitère son appel à tous les députés élus aux élections générales du 3 octobre de ne pas prêter serment d'allégeance au roi Charles III. Si la CAQ, qui se dit nationaliste, ne fait rien elle ne pourra pas se cacher derrière le prétexte que « ce n'est pas le moment opportun ».

François Legault, qui se proclame un nationaliste québécois, a déclaré le 9 septembre que de ne pas prêter serment « n'est pas dans nos priorités pour le prochain mandat ». En même temps, au nom de la défense de ce prétendu nationalisme, il dit avoir comme priorité d'établir des règles spéciales pour les immigrants qui ne relèvent pas du gouvernement fédéral. Suivant sa définition du nationalisme, il est « opportun » de faire des déclarations inacceptables et racistes contre les immigrants mais pas de se soucier de ce qu'implique le serment de loyauté envers le roi et sa démocratie.

La cheffe du Parti libéral a une position semblable. Dominique Anglade a dit au sujet du serment qu'elle était prête à remettre en question la monarchie « au moment opportun ».

Quel moment pourrait être plus opportun ? La reine est morte et l'appel de l'histoire est de rompre avec cette institution archaïque et extrêmement coûteuse et avec la démocratie et l'ordre constitutionnel qu'elle impose. Et d'ailleurs de quoi ont-ils peur ? En 1982, quand la Constitution du Canada a été « rapatriée », le Québec a-t-il dit que ce n'était « pas le moment opportun » de la signer ? A-t-il dit : on va signer maintenant parce que « ce n'est pas le moment opportun » de la contester puis on retirera notre signature plus tard, « quand ce sera opportun » ?

Non, le Québec n'a pas signé la Constitution rapatriée de 1982 malgré les intrigues du gouvernement libéral de Pierre Trudeau pour lui forcer la main. Malgré cette absence de signature d'une des soi-disant « deux nations fondatrices » et la contestation judiciaire du Québec, le gouvernement fédéral n'a même pas attendu le verdict de la cour. Il a « rapatrié » la Constitution et a continué de fonctionner comme si de rien n'était malgré l'absence de la signature de la nation québécoise.

Depuis, le gouvernement fédéral a fait de son mieux avec comme modus operandi de faire comme si de rien n'était en ce qui concerne la crise constitutionnelle. Il n'y a aucune raison de penser que le gouvernement du Canada ne choisira pas de faire la même chose maintenant si plusieurs ou tous les députés de l'Assemblée nationale du Québec refusent de prêter serment d'allégeance à Charles III. De toute façon, c'est son problème, pas le problème des députés de l'Assemblée nationale du Québec.

Il est honteux que le gouvernement fédéral, qui a toujours prétendu que le Québec était une « nation fondatrice », ait fait comme si de rien n'était après le refus du Québec de signer la soi-disant constitution de 1982. Il n'en demeure pas moins que l'ordre constitutionnel contenu dans la Constitution « rapatriée » de 1982 continue d'imposer la « démocratie du roi » en obligeant ses représentants au Parlement du Canada, aux assemblées législatives des provinces et à l'Assemblée nationale du Québec de jurer de la défendre.

Si les députés québécois refusent de prêter serment d'allégeance au roi Charles III, l'élite fédérale décidera-t-elle que c'est « pas de souci » puisque la « démocratie du roi » reste intacte grâce au processus législatif et à l'ordre constitutionnel ? Ou criera-t-elle au meurtre et cherchera-t-elle à attiser le brasier de la crise constitutionnelle au nom de la lutte contre l'extrémisme québécois et d'autres stéréotypes qui visent à désinformer et à diviser le corps politique canadien pour qu'il ne prête pas attention à ce que fait le Canada au pays et à l'étranger ?

Pour comprendre ce qui se cache derrière ces différentes manoeuvres, il est édifiant de lire les informations concernant le serment d'allégeance sur la page Web de la Chambre des communes :

« Quand un député prête allégeance au souverain, il prête aussi allégeance aux institutions représentées par le souverain et notamment au principe de la démocratie. Le député s'engage ainsi à servir les meilleurs intérêts du pays. »

Il s'agit, entre autres, d'une atteinte flagrante au droit de conscience quand non seulement les députés des assemblées législatives des provinces et de l'Assemblée nationale du Québec, les membres du Conseil privé et autres, mais aussi de centaines de milliers de Canadiens et de Québécois employés dans diverses institutions fédérales, en plus des résidents permanents à qui on accorde la citoyenneté, sont forcés de faire ce serment.

Avec la mort de la reine et l'occasion que cela présente de renoncer à la monarchie, le peuple québécois peut affirmer qu'au Québec la souveraineté appartient au peuple et non à la monarchie britannique. Son droit d'être et de se représenter lui-même est la référence et le principe à défendre pour ouvrir la voie de la société sur la base d'une démocratie moderne. Il s'agit de rejeter l'anachronisme et le blocage que constituent l'ordre constitutionnel et la démocratie « du roi ».

Prendre comme point de référence la constitution et le système de démocratie imposés par l'empire britannique, son ordre constitutionnel, ses valeurs et la démocratie « du roi », c'est accepter les limites imposées par ceux qui ont des positions de privilège et de pouvoir et qui pensent pouvoir continuer à régner sur la majorité pour toujours. Ils appellent cela « la stabilité offerte par l'ordre constitutionnel ».

On nous dit depuis longtemps que la Couronne britannique n'était qu'un symbole, mais la domination de ceux qui ont des privilèges et un pouvoir sur le peuple n'est pas symbolique. Ce n'est pas une question de choix que de rejeter cette domination du privilège, c'est une question de répondre à l'appel de l'histoire à aller de l'avant. L'essence de la démocratie du roi et de son ordre constitutionnel est la préservation de la domination de ceux qui ont le pouvoir et les privilèges au-dessus du peuple. La Couronne britannique représente l'empire, la conquête, la soumission des sujets au diktat d'un souverain qui a le dernier mot sur le pouvoir ecclésiastique et temporel parce qu'il est le représentant de Dieu. Ce que le peuple québécois, en tant que peuple, refuse d'accepter.

La constitution canadienne, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, a été imposée aux Canadiens et aux Québécois en 1867 à la suite de la répression de la lutte des Patriotes dans le Haut et le Bas-Canada. Cet ordre constitutionnel a toujours été corrompu et a toujours favorisé une couche de privilégiés et lui a permis de régner sur le peuple. Cette couche privilégiée a des liens directs avec la couronne par l'entremise d'une myriade d'institutions étatiques et accorde des honneurs à ceux dont la conduite préserve les valeurs de l'empire. Pour faire partie du club, beaucoup violent carrément leur conscience et sont obligés d'invoquer des idéaux élevés pour faire belle figure.

L'histoire appelle à renoncer à la monarchie, à s'engager dans un projet d'édification nationale moderne et investir le peuple du pouvoir soverain.


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Volume 52 Numéro 43 - 18 octobre 2022

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