La souveraineté et le serment d'allégeance à la monarchie

– Louis Davignon –

Ce texte est l'intervention que Louis Davignon a faite sur le sujet de la souveraineté et le serment d'allégeance à la monarchie, lors de la rencontre organisée par le PMLQ le 16 octobre pour discuter du résultat des élections.

Dans sa lettre au secrétaire général de l'Assemblée nationale du Québec, Paul St-Pierre Plamondon affirme son « intention de prêter serment uniquement envers le peuple québécois et non envers le roi d'Angleterre ». Cette intention du chef du Parti québécois mérite d'être encouragée et appuyée car le serment d'allégeance à la monarchie britannique est non seulement une relique archaïque, désuète et rétrograde d'une autre époque, mais elle est aussi l'expression concrète du fait que la souveraineté de la nation québécoise, des Premières Nations et du peuple canadien est niée par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique (AANB). Cet Acte affirme en fait que la souveraineté est détenue par la Couronne, c'est-à-dire Charles III d'Angleterre.

Suite au rapatriement de l'AANB en 1982, en pratique, le pouvoir souverain, ici compris comme le pouvoir exécutif, a été transféré au premier ministre du Canada et aux premiers ministres des provinces, aux dires de ceux-ci. Mais est-ce bien le cas ? Ne sommes-nous pas plutôt soumis à une souveraineté partagée entre la Couronne britannique et les premiers ministres qui eux, prétendent en plus recevoir un mandat du peuple et pas juste de la Couronne via la gouverneure générale ou les lieutenants gouverneurs dans les provinces ?

À titre d'exemple, je rappellerai ici une éloquente démonstration du partage de la souveraineté : lorsque le gouvernement conservateur de Brian Mulroney a dû aller en Angleterre dans les années 1980 pour faire nommer rapidement par la reine de nouveaux sénateurs conservateurs dans le but d'obtenir une majorité conservatrice au Sénat canadien.

Dans l'histoire coloniale du Québec et du Canada, il fut un temps où le ou la monarque (c'est-à-dire le souverain) désignait ce qu'il ou elle appelait ses représentants en Conseil. Ces derniers n'étaient pas élus, mais nommés, comme le sont encore aujourd'hui les sénateurs de la Chambre haute à Ottawa. Avec le temps et suite à divers développements qu'il serait trop long de rappeler ici, la Couronne a décidé que ces représentants en Conseil à la Chambre basse seraient élus par la population dans le cadre d'un processus électoral non démocratique qui, hormis l'élargissement du droit de vote, n'a guère évolué à travers les années. Aujourd'hui, ces représentants dans les assemblées législatives fédérales et provinciales continuent d'être des sujets de la Couronne britannique et de lui prêter serment.

Mais alors des questions se posent. Les élus sont-ils « ses représentants en Conseil, élus », ou sont-ils les représentants des citoyens qui les ont élus ? Le mandat de représentation que leur accordent les citoyens ne doit-il pas être le seul mandat reconnu ? Si l'Assemblée nationale du Québec ne reconnaît pas ce mandat de représentation sous prétexte qu'un élu refuse de prêter serment à la Couronne, alors elle reconnaît que la Couronne a préséance sur l'Assemblée nationale et les citoyens. Dans ce cas, le premier ministre Legault devra expliquer quelle est la valeur du mandat de gouverner le Québec qu'il prétend avoir reçu du peuple québécois. Se dira-t-il redevable à la Couronne ou au peuple québécois ?

Dans un système politique où le peuple serait souverain, celui-ci aurait minimalement le dernier mot sur le choix et la nomination de ses représentants et du mandat qui leur est accordé. En conséquence, la loyauté des élus irait envers le peuple et, simultanément, envers les électeurs de leur circonscription. Ces élus seraient redevables au peuple et envers leurs électeurs et à aucune autre autorité.

Des moyens supplémentaires peuvent être envisagés et discutés pour que le peuple puisse affirmer sa souveraineté et la réaliser en pratique ou l'appliquer. Mais, refuser de prêter allégeance à un monarque, étranger de surcroît, et accepter de prêter uniquement serment envers le peuple québécois est déjà un acte d'affirmation à l'effet que la souveraineté ne peut résider ailleurs que dans le peuple.

Paul St-Pierre Plamondon mérite notre plein appui afin qu'il passe concrètement de son « intention de prêter serment uniquement envers le peuple québécois et non envers le roi d'Angleterre », à l'acte « de prêter serment uniquement envers le peuple québécois et non envers le roi d'Angleterre » ; afin qu'il passe de la parole à l'acte.


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Volume 52 Numéro 43 - 18 octobre 2022

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