Numéro 5

22 mai 2022

Des sujets de préoccupation pour le corps politique

Le problème avec les excuses du pape au Vatican et
sa visite prochaine au Canada

Le pape doit dire la vérité

– Philip Fernandez –

Les réactions aux excuses du pape

La visite du «jubilé» de la famille royale

Il est grand temps que les Canadiens renoncent à la monarchie et
à tout ce qu'elle représente

Le message donné à la reine lors de sa visite à Terre-Neuve en 1997

Les peuples des Caraïbes donnent aux représentants de la monarchie la réception qu'ils méritent

– Margaret Villamizar –

La fortune amassée par la famille royale par la traite des esclaves



Le problème avec les excuses du pape au Vatican et
sa visite prochaine au Canada

Le pape doit dire la vérité

– Philip Fernandez –

Une délégation de Métis s'adresse aux médias durant leur visite à Rome pour rencontrer le pape
le 28 mars 2022.

Le Vatican a annoncé que le pape François se rendra au Canada du 24 au 29 juillet. L'annonce fait suite à la promesse faite par le pape à une délégation d'Autochtones du Canada plus tôt cette année de venir au Canada pour répondre à l'appel 58 des 94 appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation de 2015. L'appel no 58 exige que le pape présente « des excuses aux survivants, à leurs familles ainsi qu'aux communautés concernées » pour le rôle de l'Église « pour les mauvais traitements sur les plans spirituel, culturel, émotionnel, physique et sexuel que les enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont subis dans les pensionnats dirigés par l'Église catholique ». Le coordonnateur de la visite pontificale au Canada a dit que les arrêts seront limités à trois villes – Edmonton, Québec et Iqaluit – en raison des problèmes de mobilité du pape.

Le 1er avril, à l'issue de quatre jours de rencontres au Vatican entre la délégation des peuples autochtones et le pape François, ce dernier a présenté des « excuses » pour les crimes commis contre les enfants autochtones pendant les 150 ans du système des pensionnats. Ces excuses n'ont pas été jugées satisfaisantes, car il n'a pas tenu l'Église responsable, affirmant que ces crimes avaient été commis par certains membres de l'Église catholique. Néanmoins, la délégation les a gracieusement acceptées comme un geste de « bonne foi », comme un nouveau départ qui sera suivi de « nouvelles actions » de la part du pape.

Les excuses présentées par le pape au Vatican ont été formulées avec soin, afin, comme l'a souligné la militante et auteure autochtone Tanya Talaga, « d'éviter les problèmes de responsabilité, d'éviter ce qui va se passer ensuite ».

Le point essentiel des excuses a été abordé lorsque le Pape a déclaré : « Et j'éprouve aussi de la honte, je vous l'ai dit et je le répète : je ressens de la honte, de la douleur et de la honte pour le rôle que différents catholiques, notamment avec des responsabilités éducatives, ont joué dans tout ce qui vous a blessé, dans les abus et dans le manque de respect de votre identité, de votre culture et même de vos valeurs spirituelles. Tout cela est contraire à l'Évangile de Jésus. Pour la conduite déplorable de ces membres de l'Église catholique, je demande pardon à Dieu et je voudrais vous dire, de tout mon coeur : je suis très affligé. » Il a également déclaré lors de son dernier entretien qu'il attendait avec impatience son voyage au Canada pour montrer ses « liens étroits » avec les peuples autochtones, évitant à nouveau le mot « excuses ».

Autrement dit, l'Église catholique dans son ensemble, dont toute l'histoire est raciste et coloniale, dont les mains sont couvertes du sang qui l'a enrichie par la colonisation européenne du « Nouveau Monde » en assassinant, en réduisant en esclavage et en exploitant des dizaines de millions d'Autochtones des Amériques, et qui a participé au projet colonial au Canada pour chasser les peuples autochtones de leurs terres et les exterminer en tant que peuples, n'est pas à blâmer, juste quelques pommes pourries qui n'étaient pas de bons catholiques.

La bulle pontificale appelée Inter Caetera (Démarcation) qui a décrété la « doctrine de la découverte » n'a pas été rédigée par « quelques mauvais éléments ». Elle a été proclamée par le pape Alexandre VI le 4 mai 1493[1]. Selon le Gilder Lerhman Institute of American History, « la bulle stipulait que toute terre non habitée par des chrétiens pouvait être 'découverte', revendiquée et exploitée par des dirigeants chrétiens et déclarait que 'la foi catholique et la religion chrétienne devaient être exaltées et être partout accrues et répandues, que la santé des âmes devait être prise en charge et que les nations barbares devaient être renversées et amenées à la foi elle-même'. Cette « doctrine de la découverte » est devenue la base de toutes les revendications européennes dans les Amériques ainsi que le fondement de l'expansion occidentale des États-Unis. Dans l'affaire Johnson c. McIntosh jugée par la Cour suprême des États-Unis en 1823, l'opinion du juge en chef John Marshall, dans une décision unanime, affirmait 'que le principe de la découverte donnait aux nations européennes un droit absolu sur les terres du Nouveau Monde'. En substance, les Indiens d'Amérique n'avaient qu'un droit d'occupation, qui pouvait être aboli. »

De plus, il est bien connu que bon nombre de ces « pommes pourries » ont en fait été protégées de poursuites par l'Église catholique qui s'est efforcée de dissimuler ces crimes.

En outre, il est bien connu que nombre des « mauvais éléments » mentionnés par le pape ont en fait été protégés des poursuites par l'Église catholique, qui s'est efforcée de dissimuler ces crimes.

Le fait que le pape ait refusé d'assumer la responsabilité directe des crimes commis à l'encontre des enfants autochtones dans les pensionnats et qu'il ait rejeté la faute sur les mauvais éléments du personnel est un problème, car les politiques étaient celles de l'Église, et non celles de quelques mauvais éléments. Il n'y a pas de remords, pas de regret ou de culpabilité pour les torts commis d'une manière qui a des conséquences.

En fin de compte, les affaires continuent comme si de rien n'était et les crimes de l'État canadien contre les peuples autochtones se poursuivent. L'Église catholique devrait être obligée de payer les réparations qu'exigent les peuples autochtones. Ils ont tellement souffert que les mots ne peuvent exprimer leurs pertes.

Le 15 avril, les médias ont annoncé que le Vatican et la Conférence des évêques catholiques du Canada étaient en train d'organiser la visite du pape à la fin juillet. Le 25 avril, Gerald Antoine, le chef régional de l'Assemblée des Premières Nations (APN) aux Territoires du Nord-Ouest et chef national des Dénés, qui a dirigé la délégation de l'APN au Vatican, a déclaré que l'APN n'avait pas été consultée au sujet de ces plans et a exprimé sa déception.

De la même façon, Rosanne Casimir, Kukpi7 (cheffe) de la Première Nation Tk'emlúps te Secwépemc, a dit qu'elle n'avait pas eu de nouvelles de la Conférence des évêques catholiques du Canada depuis qu'elle avait remis une lettre personnelle au pape François après l'avoir rencontré, l'invitant sur son territoire. Rosanne Casimir a déclaré :« J'espère qu'il se rendra dans une des communautés touchées par les tombes anonymes. Ce serait une vraie mascarade s'il ne le faisait pas. »

Ce que tout cela indique, c'est qu'un scénario est en train d'être élaboré entre le Vatican, l'Église catholique et le gouvernement du Canada, ces deux derniers étant les financeurs de la visite, afin de s'assurer que le pape s'en tire sans avoir à répondre de la responsabilité de l'Église quant à son rôle dans le génocide des pensionnats. Le refus du pape de reconnaître pleinement l'ampleur des torts causés par son Église lors de la visite de la délégation autochtone de survivants et de leurs familles au Vatican n'augure rien de bon.

De la façon dont ce voyage est planifié, pourquoi les Canadiens devraient-ils payer pour lui et pour tout le faste, la cérémonie et la sécurité qui accompagnent une telle visite ? Toute cette affaire ressemble à une nouvelle provocation de l'Église catholique et du gouvernement Trudeau pour continuer à nier toute responsabilité, ce qui ne fera que tourner le fer dans les plaies causées par le système des pensionnats. Cela donnerait le feu vert aux crimes que l'État canadien commet contre les peuples autochtones de l'île de la Tortue.

Tout cela souligne la nécessité pour les peuples autochtones et le peuple canadien de demander au pape et à l'Église catholique de rendre des comptes lors de la visite pontificale pour les crimes passés et en cours et pour ne pas avoir présenté des excuses et indemnisé les victimes à la hauteur de l'horreur du système des pensionnats. Cela signifie renforcer l'unité et l'organisation politique des peuples autochtones et non autochtones du Canada afin de renouveler la constitution qui relègue les peuples autochtones au statut de tiers au Canada pour nier leur droit souverain de défendre leurs droits ancestraux et d'être ce qu'ils disent être, et non ce que l'État leur dit qu'ils sont.

Cela mettra fin à l'héritage colonial que les institutions démocratiques dites libérales du Canada ont fait passer dans le présent et permettra de réparer les crimes historiques commis contre les peuples autochtones. Loin d'être des reliques du passé, ces crimes se poursuivent encore aujourd'hui.

Note

1. La bulle Dum Diversas du pape Nicolas V, en 1452, est à l'origine d'une lignée de bulles pontificales – des décrets – utilisées par les puissances coloniales européennes pour justifier divers aspects de la colonisation. La doctrine est même apparue en 2005 dans l'arrêt Sherrill c. Oneida de la Cour suprême des États-Unis, dans lequel les juges ont déclaré que le rachat de terres tribales traditionnelles ne fait pas « revivre unilatéralement l'ancienne souveraineté (de la tribu) » sur ces terres, souligne le magazine jésuite americamagazine.org. « Lorsque l'Église dit aujourd'hui que 'ces bulles papales ont été légalement abrogées, elles ont été officiellement annulées', elle ne peut pas annuler l'impact créé par ces bulles », explique le magazine. « La légitimité qu'elles ont donnée aux monarques occidentaux d'utiliser un pouvoir militaire coercitif et, en fait, d'expulser les peuples indigènes de leurs terres pour s'en emparer » exige une réprimande à grande échelle et une reconnaissance judiciaire de la responsabilité du Vatican. Cela ne s'est pas encore produit.

(Avec des informations de Radio-Canada, Réseau de télévision des peuples autochtones)

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Les réactions aux excuses du pape

Voici quelques réactions aux excuses du pape aux peuples autochtones présentées au Vatican le 1er avril.

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« Des excuses ne veulent rien dire. Ce dont nous avons besoin, c'est de la responsabilité. Il y a beaucoup de prêtres et de religieuses qui ont abusé des enfants qui étaient dans les pensionnats, et ils sont toujours en vie. Est-ce que l'un d'entre eux va être poursuivi en justice ? Est-ce que l'un d'entre eux va aller en prison ? Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir quelque chose comme les procès de Nuremberg, une sorte d'enquête pour quiconque a été impliqué dans les charniers ? Le gouvernement était au courant. L'Église le savait. Mais ils n'étaient pas très ouverts à ce sujet. Alors pourquoi ne pouvons-nous pas savoir exactement ce qui s'est passé ? »
- Nakuset est directrice générale du Foyer pour femmes autochtones de Montréal, Crie de Lac la Ronge, Saskatchewan, dont la mère était une survivante du pensionnat de Prince Albert

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« Vous pouvez dire des mots gentils et fantaisistes parce que tout le monde se concentre sur des excuses, mais ce ne sont que des mots vides. Ce qu'il faut, c'est plus que des excuses. Nous sommes toujours régis par la Loi sur les Indiens. Nous sommes toujours pupilles de la Couronne. Nous avons toujours affaire à des femmes autochtones assassinées et portées disparues. Nous sommes toujours aux prises avec le système de protection de l'enfance, avec un manque d'eau potable. Tenez les églises et le gouvernement responsables de ces tombes anonymes. Et tenez pour responsables tous les prêtres et les religieuses, ces frères et les membres du personnel qui dirigeaient ces institutions – je déteste utiliser le mot écoles, car ce n'étaient pas des écoles. Vous devez tenir ces agresseurs sexuels responsables. Arrêtez de les protéger. L'église doit abandonner ces agresseurs et ils doivent être inculpés pénalement. »
- Claudette Commanda, membre de la Première Nation algonquine survivante des externats indiens

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« Les excuses peuvent être creuses si elles ne sont que des mots. Les actions parlent plus fort que les mots, alors c'est ce que j'espère... Cela ne peut pas se limiter à 'Je suis désolé, c'est dommage que certains d'entre nous aient fait ça'. Il faut que ce soit : 'Vous savez quoi ? Nous avons fait de l'argent en prenant vos terres, en prenant vos ressources. Et à cause de cela, nous avons laissé trop d'entre vous sans leur véritable identité. Nous allons faire en sorte que vous puissiez la retrouver.' »
- Chef Jason Henry, Première Nation de Kettle et Stoney Point

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« Je pense qu'il est très important pour les survivants d'entendre les excuses du pape. Une partie de moi était triste pour les survivants qui ont témoigné devant la Commission et qui attendaient ces excuses, et triste que de nombreux survivants n'aient pas pu entendre ces mots car le temps était écoulé pour eux... Il serait important que le pape vienne au Canada pour que les survivants puissent partager leurs expériences et leurs sentiments après avoir entendu ces mots... Tout comme il était important qu'il se rende en Amérique du Sud et qu'il présente des excuses aux peuples autochtones d'Amérique du Sud. »
- Juge Murray Sinclair, ancien président de la Commission de vérité et réconciliation7

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« Les excuses du pape François nous laissent espérer qu'il y aura d'autres mesures de réconciliation à venir. Nous espérons que ces excuses indiqueront d'autres mesures à l'avenir, notamment des excuses en sol canadien et la publication des dossiers des pensionnats. »
- L'Association des femmes autochtones du Canada

« Je ne sais pas si cela permet nécessairement de tourner la page parce qu'il y a encore beaucoup de gens qui n'ont pas été tenus responsables des actions qui ont eu lieu dans ces institutions... Il doit y avoir plus de responsabilité de leur part et la divulgation des dossiers de ces établissements, afin que nous puissions nous assurer que nous avons tous les documents nécessaires pour reconnaître correctement tous les enfants qui ont été dans ces établissements... parce qu'à l'heure actuelle, c'est encore un obstacle énorme. »
- Janice Monture, directrice générale du Woodlands Cultural Centre, installé dans l'ancien Mohawk Institute, un pensionnat administré par les anglicans de 1828 à 1971

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« Aucun mot ne peut effacer l'impact des sévices endurés par les familles inuites ... Par contre, ces excuses constituent un pas en avant important sur le long chemin de la réconciliation. »
- P.J. Akeeagok, premier ministre du Nunavut

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« Le récit de la 'guérison' renvoie le fardeau sur les victimes. Nous devons parler du récit de la 'justice ' avec plus de force, parce que c'est là que les excuses trouvent un sens.

« J'aimerais que le Vatican et le parlement érigent des espaces d'éducation publique bien en évidence sur leur terrain et en reconnaissent ce qu'ils ont fait et comment nous pouvons tous éviter que cela ne se reproduise.

« Les victimes ont dû demander des excuses à l'Église et se sont rendues chez le perpétrateur pour les obtenir. C'était la même chose avec le gouvernement canadien. Je rends hommage à ceux qui y sont allés. Je suis simplement triste qu'ils aient dû y aller. Les meilleures excuses sont un changement de comportement. »
- Cindy Blackstock, directrice générale de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations du Canada

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« C'est un moment historique, rempli à la fois de tristesse et d'espoir. Plus de 150 000 enfants ont été arrachés à leur foyer et forcés d'aller dans les pensionnats entre les années 1880 et 1996 : un nombre encore brut à entendre au milieu de ces excuses et des milliers de tombes non marquées qui sont découvertes. »
- Grand chef intérimaire Eric Redhead de l'Assemblée des chefs du Manitoba

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« Ce moment, je pense, reflète la détermination et le courage de nombreuses personnes qui ont maintenu le combat au fil des ans. »
- Phil Fontaine, ancien grand chef de l'Assemblée des Premières Nations et membre de la délégation de l'APN au Vatican

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« Les excuses présentées aujourd'hui constituent un pas en avant dans la reconnaissance de la vérité de notre passé. Nous ne pouvons pas séparer l'héritage du système des pensionnats des institutions qui l'ont créé, maintenu et exploité, y compris le gouvernement du Canada et l'Église catholique. Les excuses d'aujourd'hui vont faire resurgir de fortes émotions de douleur et de traumatisme pour bien des gens. Le gouvernement continuera de soutenir les communautés autochtones de tout le pays en leur fournissant le financement et les ressources dont elles ont besoin pour continuer à rechercher les lieux de sépulture anonymes, découvrir la vérité sur ce qui s'est passé dans les pensionnats et poursuivre leur processus de guérison. »
- Le premier ministre Justin Trudeau

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« Des excuses ne sont pas seulement symboliques, elles ont des répercussions réelles et concrètes sur la façon dont nous allons de l'avant en tant que pays. C'est une étape importante vers la responsabilisation, la réconciliation et la guérison des familles, des survivants et des communautés qui vivent encore aujourd'hui les répercussions de politiques discriminatoires. »
- Marc Miller, ministre des Relations Couronne-Autochtones

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La visite du «jubilé» de la famille royale

Il est grand temps que les Canadiens renoncent à la monarchie et à tout ce qu'elle représente

La statue de la reine Victoria, symbole de la domination coloniale, a été renversée devant l'assemblée législative du Manitoba lors de l'action d'annulation de la fête du Canada, le 1er juillet 2021. Une statue de la reine Élizabeth a également été renversée.

Le Jubilé de platine et la brève tournée du Canada par les deux représentants officiels de la famille royale que sont Charles, que les élites dirigeantes présentent comme le futur roi du Canada, et son épouse Camilla, ont montré qu'il est grand temps que les Canadiens renoncent à la monarchie et à tout ce qu'elle signifie.

Cela commence par le rejet de la Constitution de 1867, également appelée Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Cet acte du parlement britannique appliqué au Canada il y a 155 ans a été rédigé au château de Highclere dans le Hamphire, en Angleterre. C'est le château qui a été utilisé pour le tournage de l'émission Downton Abbey et les deux films du même nom. Les archives du château de Highclere contiennent une correspondance presque quotidienne entre le quatrième comte de Carnarvon et Sir John A. Macdonald sur les éléments devant servir de base à la Constitution du Canada.

« Le château de Highclere fut une figure centrale des discussions entourant le projet de loi sur l'Amérique du Nord britannique et sa rédaction, écrit l'actuelle Lady Carnavron sur son blogue. En effet, c'est le quatrième comte lui-même qui a présenté l'Acte de l'Amérique du Nord britannique au Parlement (britannique) en 1867, ce qui a conduit à la création du Dominion du Canada le 1er juillet de la même année. »

Les principes et les structures contenus dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 sont demeurés essentiellement intacts jusqu'à ce jour, malgré l'ajout d'une formule d'amendement et de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982. Avec l'adoption du document appelé Constitution du Canada, dans laquelle les peuples du Canada n'ont pas eu voix au chapitre, le Canada demeure un « dominion » moyennant quelques modifications, comme le fait que les Canadiens devaient dorénavant payer pour la défense du Canada et pour leur propre déploiement comme chair à canon dans les guerres de l'empire. L'élément fondateur important est que ce document est basé sur la théorie du contrat social formulée par Thomas Hobbes après la guerre civile de 1660 en Angleterre. Il impose au Canada une structure qui érige une personne fictive comme chef d'État, un monarque étranger dans le cas du Canada. Les institutions créées pour perpétuer le pouvoir des élites établissent des relations entre gouvernés et gouvernants fondées sur une hiérarchie qui maintient le peuple sans pouvoir et sans recours.

Aujourd'hui encore, le système repose sur la notion médiévale que les droits sont des privilèges pouvant être accordés ou retirés en fonction de ce que les dirigeants déclarent être légal ou illégal, valable dans certaines conditions et sujet à des limites dites « raisonnables », le tout défini en fonction de ce qui sert les intérêts privés dominants. À ce jour, toutes les assemblées législatives, tous les députés et toutes les institutions officielles doivent faire le serment d'allégeance au monarque étranger qui détient également des pouvoirs de prérogative et des privilèges, dont le droit de décider sur les questions relatives à la guerre et à la paix, y compris la conception de la justice, l'état de droit et qui et quelles opinions sont légitimes et lesquelles ne le sont pas.

Les immigrants qui demandent la citoyenneté doivent également faire le serment d'allégeance au monarque étranger et les peuples autochtones sont considérés comme des pupilles de l'État. La couronne britannique extorque des millions de livres sterling aux citoyens de Grande-Bretagne et impose un énorme tribut aux citoyens de pays comme le Canada où perdurent les institutions anachroniques liées à la monarchie. Tout cet argent devrait être donné aux peuples autochtones, ne serait-ce qu'à titre de réparation partielle du génocide commis à leur endroit par les crimes passés et présents.

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Le message donné à la reine lors de sa visite à Terre-Neuve en 1997

Comme on le sait, à Terre-Neuve, le génocide des Indiens Béothuks s'est produit à cause de la traite des esclaves et des traitements brutaux infligés par les puissances coloniales, dont les Anglais ont établi le modèle, et les peuples autochtones ont soulevé cette question à de nombreuses reprises. La reine Élizabeth II s'est rendue au Labrador en 1997 pour marquer le 500e anniversaire de la « découverte » de Terre-Neuve par le Vénitien John Cabot (Giovanni Caboto), qui agissait sous les ordres d'Henri VII d'Angleterre. À Sheshatshiu, le 26 juin 1997, les dirigeants de la communauté innue lui ont remis une lettre dont voici un extrait :

« L'histoire de la colonisation ici a été lamentable et a gravement démoralisé notre peuple. Il se tourne maintenant vers l'alcool et l'autodestruction. Nous avons le taux de suicide le plus élevé d'Amérique du Nord. Des enfants d'à peine 12 ans se sont suicidés récemment. Nous nous sentons impuissants à empêcher les projets miniers massifs qui sont planifiés en ce moment et beaucoup d'entre nous sommes poussés à discuter d'une simple compensation financière alors que nous savons que les mines et les barrages hydroélectriques détruiront notre terre et notre culture et que l'argent ne nous sauvera pas.

« La partie du Nitassinan située au Labrador a été revendiquée comme terre britannique jusqu'à très récemment (1949), lorsque sans nous consulter, votre gouvernement l'a cédée au Canada. Nous n'avons cependant jamais signé de traité, que ce soit avec la Grande-Bretagne ou le Canada. Nous n'avons jamais non plus renoncé à notre droit à l'autodétermination.

« Le fait que nous soyons devenus financièrement dépendants de l'État qui viole nos droits est un reflet de nos circonstances désespérées. Cela ne signifie pas que nous acquiesçons à ces violations.

« Nous avons été traités comme un peuple inexistant, n'ayant pas plus de droits que les caribous dont nous dépendons et qui sont maintenant eux-mêmes menacés par les exercices de guerre de l'OTAN et le soi-disant développement. Malgré cela, nous demeurons un peuple dans le sens le plus complet du terme. Nous n'avons pas abandonné, et nous cherchons maintenant à reconstruire notre fierté et notre estime de soi. »

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Les peuples des Caraïbes donnent aux représentants de la monarchie la réception qu'ils méritent

– Margaret Villamizar –


Manifestation en Jamaïque contre la visite royale, 23 mars 2022

La visite en mars et en avril des soi-disant membres rémunérés de la famille royale britannique aux « royaumes » du Commonwealth a été un exemple frappant de condescendance raciste, d'étalage de style de vie extravagant et de gaspillage de fonds publics consacrés à leur accueil et à leur sécurité. Organisées pour souligner les 70 années de la reine Élizabeth II sur le trône d'Angleterre, ces tournées « du jubilé de platine » des 14 anciennes colonies britanniques, qui ont toujours le monarque britannique comme chef d'État officiel, ont vu différents membres de la « Maison de Windsor » se trimbaler dans les pays des Caraïbes, en Australie et en Papouasie-Nouvelle-Guinée. La dernière de ces tournées a amené l'« héritier du trône » Charles et son épouse Camilla Parker Bowles au Canada du 17 au 19 mai.

Les peuples des Caraïbes n'ont pas été impressionnés par les tentatives de dépeindre la monarchie comme étant jeune, vibrante et pertinente. La visite du prince William et de Kate Middleton à Bélize, en Jamaïque et aux Bahamas en mars devait être une offensive de charme par deux supposés « jeunes membres populaires de la famille royale », pour gagner les coeurs et les esprits. William et Kate portent aussi le titre de duc et duchesse de Cambridge parce que, selon eux, ils sont les propriétaires de ce duché en Angleterre, autre vestige de l'époque médiévale. Leur visite a eu lieu au moment où les peuples des Caraïbes persistent à réclamer des réparations de la Grande-Bretagne pour l'exploitation esclavagiste et le trafic des Africains et le génocide des peuples autochtones. La visite a aussi eu lieu au moment où le sentiment républicain est plus fort que jamais dans ces anciennes colonies qui continuent de se faire imposer la monarchie et ses institutions archaïques. Le mouvement républicain a connu un grand élan l'an dernier lorsque la Barbade s'est débarrassée de la monarchie et a quitté le « royaume » britannique.

En fait, la tournée de William et de Kate a été un étalage honteux de paternalisme colonial et d'un grave manque de respect. Même les courtisans de la royauté en Grande-Bretagne, craignant les conséquences de ces tournées, ont critiqué ce que certains ont appelé le « tour de farce » royal ainsi que le duc et la duchesse de Cambridge parce qu'ils « sont complètement sourds » et détachés de la réalité.

Des photos ont fait le tour du monde de William et Kate en Jamaïque serrant la main d'enfants noirs qui parvenaient à peine à passer la main à travers une clôture en mailles de chaîne. Le président de la Commission d'appui aux réparations d'Antigua et de la Barbade a décrit avec justesse leur tournée comme étant « une exhibition horrible, horrible de comportement colonial archaïque ». Les images où ils sont conduits pour inspecter les troupes, debout dans la boîte d'un ancien Land Rover, les deux vêtus de blanc et William en uniforme militaire – un rappel de comment ses grands-parents faisaient les choses dans les années 1960 – n'ont fait que confirmer la description.

Les Cambridge ont dû annuler une de leurs premières visites – à une ferme de cacao en Bélize – après que des villageois eurent appelé à manifester contre le colonialisme et l'oeuvre de charité dont William est le commanditaire, pour avoir manqué de respect envers les droits de la population locale.

En Jamaïque, leur destination suivante, ils ont aussi été accueillis par des manifestations. À l'extérieur du Haut-Commissariat britannique à Kingston, sur une des pancartes, on pouvait lire : « Les rois, les reines et les princesses sont pour les contes de fées et pas pour la Jamaïque ! » Une des organisatrices de la manifestation a expliqué la demande d'excuses et de réparations en disant que le mode de vie somptueux qui permet à la royauté britannique de se balader sans frais de par le monde a été rendu possible par le sang, la sueur et les larmes de ses arrières, arrières grands-parents. Le premier ministre de la Jamaïque, Andrew Holness, a dit ouvertement au couple que la Jamaïque avait l'intention d'« aller de l'avant » et devenir un pays indépendant, suivant la voie tracée par la Barbade.

Aux Bahamas, l'ultime arrêt de la tournée de « célébration », le Comité national de réparations du pays a publié une lettre appelant la monarchie à s'excuser totalement et officiellement pour ses crimes contre l'humanité et à verser des réparations pour son rôle dans l'esclavage. Une autre question soulevée dans la lettre est que les citoyens des Bahamas se font refiler presque toute la facture pour ce « voyage extravagant ». « Pourquoi payons-nous les dépenses d'un régime dont la 'grandeur' a été réalisée par l'extinction, l'asservissement, la colonisation et la dégradation du peuple de ce pays ?, lit-on dans la lettre. Pourquoi nous force-t-on à payer à nouveau ? »

Bien entendu, aucune excuse n'a été présentée.

La situation a été à peu près la même lors de la visite en avril dans trois autres pays des Caraïbes par le fils d'Élizabeth II, Édouard, et son épouse Sophie, le comte et la comtesse de Wessex. Les choses ont mal démarré lorsque le court arrêt à l'horaire prévu à Grenada a été annulé la veille. Aucune explication n'a été donnée publiquement.

Ce que l'on sait, par contre, c'est que le président du Comité national des réparations de la Grenade, qui est aussi l'ambassadeur du pays auprès de la Communauté caribéenne (CARICOM), a écrit une lettre demandant une audience auprès du couple royal pendant sa visite. Le but de la rencontre était de discuter avec eux en quoi la Grande-Bretagne devait être tenue responsable de ses crimes contre l'humanité commis contre les peuples autochtones et africains des Caraïbes et de son « exploitation barbare des îles des Caraïbes pendant la colonisation ». Le Comité de réparations a dit qu'il n'avait pas reçu de réponse à sa demande.

Dans une déclaration du 21 avril, le Comité de réparations a révélé que la Banque d'Angleterre avait été le propriétaire de deux plantations en Grenade dans les années 1770 où 600 Africains étaient soumis à l'esclavage. Il a dit que ce fait à lui seul devrait inciter tous les Grenadiens à se joindre à la lutte pour obtenir des réparations et une justice réparatoire.

Les comités et commissions nationaux de réparations officiels à Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, et Antigua et la Barbade, ont également pris des moyens pour s'assurer que le même message soit transmis aux royaux lors de leur visite dans ces pays.

Ayant rayé la Grenade de leur liste, Édouard et Sophie ont d'abord visité Sainte-Lucie. Dans une déclaration exigeant des excuses entières de la Couronne, la Commission nationale des réparations de Sainte-Lucie écrit : « La Grande-Bretagne, la famille royale et les nations européennes qui ont bâti des empires sur le dos des Africains asservis évitent de s'excuser pleinement et officiellement parce qu'ils ne veulent pas reconnaître leur culpabilité, même si les Nations unies ont déclaré l'esclavage un crime contre l'humanité en 2001, et parce qu'ils ne veulent tout simplement pas s'engager au pardon et aux réparations. »

Pendant la visite des souverains, l'animateur d'une émission de radio populaire a critiqué leur « tournée du Jubilé ». Il a demandé à quoi elle servait, comment elle profiterait aux habitants de Sainte-Lucie et qui payait pour les dépenses encourues.

Lors d'une réunion à la Government House, le premier ministre de Sainte-Lucie, Philip Pierre, a offert aux Wessex une magnifique toile représentant une tortue de mer peinte par un artiste local. En échange, ils lui ont donné une photo d'eux, signée et encadrée, et une « boîte du jubilé » commémorant les 70 ans de règne du chef d'État étranger du pays. Le journal britannique The Independent a publié le lendemain un article sur les réactions des commentateurs en ligne, où fusent les termes tels que « narcissique », « insultant » et « borné » pour décrire ce que les membres de la famille royale ont appelé une marque de reconnaissance. Une personne aurait déclaré : « Ces gens sont délirants. Pourquoi donner cette absurdité à quelqu'un qui n'est pas de votre famille ? Qu'est-ce qu'il est censé faire avec ça ? J'espère que le cadre a au moins une valeur. Il peut se débarrasser de la photo et le vendre. »

Lors de la visite d'une journée d'Edward et Sophie à Saint-Vincent-et-les-Grenadines le 23 avril, le cortège qui les conduisait à la Government House a été accueilli par des manifestants longeant le parcours avec une grande bannière qui disait « Réparations maintenant ». Sur les pancartes se lisaient des messages tels que : « Indemnisation pour l'esclavage », « Fin du colonialisme », « Le génocide britannique des peuples autochtones, plus jamais ».

Une femme a déclaré qu'elle manifestait pour montrer son dégoût et sa déception face au fait que, pendant plus de 400 ans, certains ont dû « subir le fouet du maître d'esclaves » et que ce tort fait à une partie de la race humaine par une autre doit être compensé. Un autre a déclaré : « Ils nous ont chassés, ils nous ont kidnappés, ils nous ont volés, ils nous ont fait travailler. Ils ont une dette envers nous et ils doivent maintenant la payer. »

Le premier ministre du pays, Ralph Gonsalves, s'était quant à lui envolé pour le Venezuela pour se faire soigner quelques jours avant la visite prévue de la famille royale. Il est resté hors du pays pendant leur séjour. Peu après le départ de la famille royale, la télévision vénézuélienne a montré le premier ministre en train d'avoir un échange amical avec le président Nicolas Maduro après une réunion avec les membres de son gouvernement.

Antigua-et-Barbuda était la dernière étape de l'itinéraire. Le ton de la visite de la famille royale avait été donné plusieurs jours à l'avance par une lettre ouverte largement diffusée de la Commission de soutien aux réparations du pays, adressée aux jeunes représentants de la Maison de Windsor. La Commission ne mâche pas ses mots :

« Il est devenu courant pour les membres de la famille royale et les représentants du gouvernement britannique de venir dans cette région et de déplorer que l'esclavage était une 'atrocité épouvantable', qu'il était 'odieux', que 'cela n'aurait pas dû arriver'. Nous avons entendu cela de votre ancien premier ministre David Cameron et plus récemment de votre frère, le prince de Galles, et de votre neveu, le prince William, mais de tels sentiments ne nous ont rien appris. Les Africains et leurs descendants – comme la plupart d'entre nous – le savent depuis le milieu du XVIe siècle. Nous avons été les victimes de la barbarie. Nous entendons les faux discours moralisateurs de ceux qui vous ont précédés selon lesquels ces crimes sont une 'tache sur votre histoire'. Pour nous, ils sont à l'origine d'un génocide et d'un préjudice international profond et continu, de l'injustice et du racisme. Nous espérons que vous nous respecterez en ne répétant pas ces banalités. Nous ne sommes pas des simplets.

« Les documents historiques indiquent clairement que la Couronne britannique, à la fois en tant que famille royale et en tant qu'institution, a été un participant actif aux plus grands crimes contre l'humanité de tous les temps », écrivent-ils. Voir ici le texte intégral de la lettre.

Le premier ministre Gaston Browne a dit aux Wessex que le souhait d'Antigua-et-Barbuda était de retirer un jour la reine comme chef de l'État et de devenir une république, tout comme le premier ministre jamaïcain l'a dit à William et Kate. En attendant, il leur a demandé d'user de leur « influence diplomatique » pour aider son pays à obtenir une justice réparatrice, affirmant que celui-ci est dépourvu d'institutions modernes telles que des universités et des institutions médicales.

Exprimés avec la plus grande civilité et la plus grande politesse qui caractérisent les peuples des Caraïbes, réputés pour leur hospitalité envers tous les invités, même ceux qui sont aussi grossiers que les membres de la famille royale britannique, tels sont les principaux messages délivrés aux représentants de la Maison de Windsor, qui avaient prévu que leurs « tournées » seraient une « célébration » de la monarchie par ses « sujets ».

Un « biographe » a tenté de détourner l'attention de ce que les deux tournées dans les Caraïbes ont révélé sur l'institution coloniale séculaire qu'est la monarchie britannique, sur ses crimes passés et actuels, et sur la demande des descendants des peuples indigènes et africains soumis au génocide et à l'esclavage, voulant que la Grande-Bretagne paie pour ces crimes. Il a reproché aux agents responsables de la royauté de ne pas les avoir « protégés » des humiliations qui ont toujours terni leurs visites dans les Caraïbes. Il a reproché aux diplomates britanniques d'être non seulement incompétents, mais aussi « dangereusement ignorants et insensibles aux pays où ils sont déployés ». Il a également reproché aux fonctionnaires du palais de ne pas avoir vérifié si les diplomates avaient fait leur travail correctement.

Félicitations aux gouvernements et aux peuples des Caraïbes pour les positions anticoloniales fermes qu'ils ont adoptées, plaçant au premier plan leurs demandes d'excuses complètes et officielles et de réparations de la part de la monarchie britannique pour ses 400 ans de « génocide et de préjudice international profond et continu, d'injustice et de racisme ». Félicitations également pour avoir fait savoir aux représentants de la Couronne britannique qu'ils avaient l'intention de quitter le « royaume » pour devenir des républiques souveraines et indépendantes. Et ils l'ont fait au moment où la famille royale est arrivée pour célébrer et renforcer l'empreinte coloniale de l'empire sur leurs terres et leurs institutions.

C'est une source d'inspiration pour tous ceux qui s'efforcent de se débarrasser des relations coloniales étouffantes définies par la séparation entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés, afin d'établir de nouvelles relations adaptées à un monde moderne fondé sur l'égalité et le respect des droits de toutes et tous. Dans un tel monde, il n'y a pas de place pour les reliques d'une époque révolue qui s'accrochent à leurs richesses et privilèges obscènes mal acquis.

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La fortune amassée par la famille royale
par la traite des esclaves

De la réduction à l'esclavage et de la déportation des Irlandais vers les colonies britanniques d'Océanie et des Antilles à l'enlèvement d'Africains, la Couronne britannique a tiré une grande partie de son immense fortune personnelle de la traite des esclaves humains. Tous les monarques et leur famille, depuis Élizabeth Tudor, étaient des financiers et des bénéficiaires de ce commerce de chair humaine.

Dans The Open Veins of Latin America (Les veines ouvertes de l'Amérique latine), Eduardo Galerno décrit comment Élisabeth I est devenue un partenaire commercial du capitaine John Hawkins en 1560. Décrit comme « le père anglais du commerce d'esclaves », John Hawkins a effectué sa première expédition d'esclaves en 1562 avec une flotte de trois navires et 100 hommes. Il a fait sortir clandestinement 300 esclaves de la Guinée portugaise « en partie par l'épée et en partie par d'autres moyens ». Selon James Walvin, dans son ouvrage Black Ivory, (Ivoire noir), Hawkins a vendu les esclaves à Hispaniola et a rempli ses navires « de peaux, de gingembre, de sucres et de quelques quantités de perles ». Un an après avoir quitté l'Angleterre, Hawkins est revenu « avec un succès approprié et beaucoup de gains pour lui-même et les aventuriers précédents ». Lorsque Hawkins a dit à Élisabeth I qu'en échange des esclaves, il avait une cargaison de sucre, de gingembre, de peaux et de perles, « elle pardonna au pirate et devint son partenaire commercial ». Elle l'appuya en lui prêtant pour une seconde expédition, le Jesus of Lubeck, un navire de 700 tonneaux acheté pour Henri VIII pour la Royal Navy.

Le 11 juillet 1596, Élisabeth I publia une proclamation stipulant que « tous les nègres et les blackamores » doivent être arrêtés et expulsés du royaume. Bien qu'elle-même ait eu un amuseur africain à la cour et qu'elle était déjà un des principaux investisseurs dans les expéditions d'esclaves hors d'Angleterre, elle proclama :

« Il y a depuis peu de nombreux esclaves noirs introduits dans ce royaume, et il y a déjà beaucoup de ces gens ici. Le plaisir de Sa Majesté est donc que ces gens soient expulsés du pays. »

Par conséquent, un groupe d'esclaves fut rassemblé et remis à un marchand d'esclaves allemand, Caspar van Senden, en « paiement » pour les tâches qu'il avait accomplies.

En 1632, le roi Charles Ier a accordé une licence pour transporter des esclaves de Guinée, d'où vient le nom de la pièce de monnaie, « la guinée ». Charles II était actionnaire de la Royal African Company, qui tirait de vastes profits du commerce des esclaves. Son gouverneur et principal actionnaire était James, duc d'York. Les actionnaires de son prédécesseur, les Royal Adventurers into Africa (1660-1672), comprenaient quatre membres de la famille royale, deux ducs, un marquis, cinq comtes, quatre barons, sept chevaliers et le philosophe John Locke.

Le navire négrier britannique Brookes, 1788, montrant comment les esclaves étaient rangés dans le navire (Cliquez pour agrandir)

Au XVIIIe siècle, la Grande-Bretagne était le premier trafiquant au monde. Environ la moitié de tous les Africains réduits en esclavage étaient transportés dans des navires britanniques. Quatre-vingts pour cent des revenus de la Grande-Bretagne étaient liés à ces activités. La famille royale ne s'est jamais excusée pour son rôle dans la traite des esclaves et le génocide des peuples autochtones. Elle n'a pas non plus versé un seul sou en réparation.

En 1833, la Grande-Bretagne a utilisé 20 millions de livres sterling, soit 40 % de son budget national, pour payer aux propriétaires d'esclaves des réparations pour avoir libéré leur « propriété ». Les contribuables britanniques, dont de nombreux descendants de personnes réduites en esclavage, ont payé des intérêts sur le montant emprunté pour financer la Loi d'abolition de l'esclavage (1835) jusqu'en 2015, date à laquelle la Grande-Bretagne a remboursé le prêt.

Cette carte montre les principales marchandises échangées entre l'Afrique, la Grande-Bretagne, les Caraïbes et l'Amérique du Nord au plus fort de la traite des esclaves. En plus des personnes réduites en esclavage, les commerçants britanniques ont pris d'autres produits, notamment de l'or, de l'ivoire et des épices, en Afrique.

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