Bannière
              du Supplément du Marxiste-Léniniste

Numéro 18

4 juillet 2021


Le 4 juillet et la bataille de la démocratie

Une occasion de s'interroger sur ce que signifie «le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple»

- Kathleen Chandler -

La signification de la peine prononcée contre Derek Chauvin
pour le meurtre de George Floyd

Plus de 100 organisations revendiquent la fin des expulsions des réfugiés aux États-Unis

Abus et représailles contre les grévistes de la faim dans les centres de détention des immigrants aux États-Unis

Le massacre brutal de 1921 à Tulsa, en Oklahoma


À titre d'information
Le concept «tous les hommes sont créés égaux»
élimine la responsabilité

Le concept d'égalité dans la Déclaration d'indépendance



Le 4 juillet et la bataille de la démocratie

Une occasion de s'interroger sur ce que signifie
«le gouvernement du peuple, par le peuple
et pour le peuple»

Ce 4 juillet marque le jour où, en 1776, le deuxième Congrès continental a adopté à l'unanimité la Déclaration d'indépendance des États-Unis, marquant ainsi la séparation officielle des 13 colonies d'origine de la Grande-Bretagne au milieu de la guerre d'Indépendance. Cette grande révolution a proclamé en actes que le colonialisme britannique pouvait être renversé. Elle a inspiré de nombreux combattants anticolonialistes et révolutionnaires dans le monde entier.

La guerre d'indépendance n'a cependant pas été une révolution sociale, elle n'a que transféré les leviers du pouvoir d'un groupe de propriétaires à un autre, en consolidant le système de l'esclavage. Les États-Unis ont été constitués comme un État raciste dès le départ. Ils ont procédé au vol des terres et au génocide des peuples autochtones, parallèlement au système d'esclavage, qui s'est poursuivi et amplifié. Outre les Noirs, les femmes et les «sans-propriété» n'étaient pas reconnus comme des citoyens et étaient tous privés du droit de vote et du droit de participer à la vie politique. Le mot d'ordre de la révolution française «Égalité, liberté et fraternité» ne s'appliquait qu'aux propriétaires d'esclaves, aux propriétaires de biens et aux propriétaires terriens. La Constitution américaine a plus tard encore renforcé le compromis entre l'esclavage et l'oligarchie, pour bloquer l'élan révolutionnaire incarné dans la Déclaration d'indépendance. Cela incluait toute mention du droit à la révolution, la remplaçant par l'impunité du gouvernement à supprimer la résistance et l'«insurrection».

La formulation de la Constitution des États-Unis qui dit « Nous, le peuple » et celle de la Déclaration d'indépendance que le gouvernement est un gouvernement « du peuple, par le peuple et pour le peuple » est souvent évoquée pour dire qu'aux États-Unis, le pouvoir décisionnel émane « du peuple ». Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité et les gens le savent. Le problème est que cette conscience est canalisée dans la lutte pour défendre et perfectionner la démocratie existante alors que le contenu de la référence n'est pas défini quand on utilise les mots « le peuple » et « le gouvernement par le peuple ». Ce que signifient « le peuple » et « gouvernement » dans l'expression « gouvernement par le peuple » n'est pas expliqué non plus. Ceux qui invoquent le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple prennent la Constitution comme point de référence, et non la réalité concrète des États-Unis à différentes conjonctures historiques. Pour tous ceux qui recherchent un changement favorable au peuple, si la réalité concrète n'est pas le point de référence et si les réclamations que les humains sont en droit de faire à la société dans laquelle ils naissent et dont ils produisent la richesse ne sont pas le point de départ, le point de vue favorable au peuple reste insaisissable.

Pour les pères fondateurs, « Nous, le peuple », c'était eux, considérés comme « les meilleurs et les plus brillants », et donc les plus aptes à gouverner. C'est la même conception qui est promue aujourd'hui. Joe Biden l'a clairement exprimé lorsqu'il s'est adressé à la session conjointe du Congrès le 28 avril :

« Notre Constitution s'ouvre sur les mots, aussi banals que cela puisse paraître, 'Nous, le peuple'. Eh bien, il est temps de se rappeler que 'nous, le peuple', c'est le gouvernement, c'est vous et moi. Ce n'est pas une force installée dans une capitale lointaine, pas une force puissante sur laquelle nous n'aurions aucun contrôle, il s'agit de nous, 'nous, le peuple'. »

Joe Biden s'adresse aux personnes qui sont au gouvernement, au Congrès, ce qui signifie que le « vous et moi » n'est pas l'ensemble des personnes composant le corps politique des États-Unis, mais seulement celles qui sont au gouvernement. Et ceux qui sont au gouvernement se réfèrent au pouvoir exécutif, à son gouvernement, pas à tous ceux qui composent le Congrès ou même leur propre parti au Congrès. C'est le pouvoir exécutif qui exerce le pouvoir décisionnel. L'administration Biden, qu'elle s'adresse à la session conjointe du Congrès, au sommet du G7 qui s'est tenu récemment dans les Cornouailles, en Angleterre, ou au sommet de l'OTAN qui s'est tenu à Bruxelles, affirme clairement que son gouvernement est aux commandes et que personne ne doit l'oublier.

Joe Biden fait également référence à la démocratie existante et à l'inquiétude des dirigeants qui craignent que la légitimité de leur pouvoir soit remise en question, que la majorité les considère de plus en plus comme n'étant plus aptes à gouverner. Il déclare : « La question de savoir si notre démocratie perdurera est à la fois ancienne et urgente. Aussi ancienne que notre République. Encore vitale aujourd'hui. Notre démocratie peut-elle tenir sa promesse que nous tous, créés égaux à l'image de Dieu, avons la possibilité de mener une vie de dignité, de respect et d'opportunités ? »  En réponse à sa propre question et exprimant sa préoccupation morbide de la défaite des États-Unis, il n'offre pas de solution concrète, mais fait une déclaration de foi. Il est hypnotisé par sa propre conviction que son gouvernement, au service des oligopoles et de leur rivalité pour la domination mondiale, réussira à faire triompher les États-Unis : « Nous relèverons le défi central de l'époque en prouvant que la démocratie est durable et forte. Les autocrates ne gagneront pas l'avenir, nous le ferons. L'Amérique le fera. Et l'avenir appartient à l'Amérique. [...] Nous avons regardé dans l'abîme de l'insurrection et de l'autocratie, de la pandémie et de la douleur. Et 'nous, le peuple', n'avons pas bronché. Au moment même où nos adversaires étaient certains que nous nous séparerions et échouerions, nous nous sommes réunis. [...] Nous avons rassemblé une nouvelle force, une nouvelle détermination pour nous positionner pour gagner la compétition du XXIe siècle. »

Joe Biden, comme Trump, Obama, Bush et Clinton avant lui, prend part à une lutte intestine qui se mène entre les factions dirigeantes des États-Unis qui s'affrontent, tout en ignorant la réalité de la bataille entre deux Amériques, celle des riches et de leur gouvernement, et celle de la multitude qui fait ses réclamations à la société, qui affirme les droits de tous alors que le peuple des États-Unis se bat pour avoir une voix décisive sur toutes les questions qui le concernent. L'Amérique du peuple n'est pas l'Amérique des riches et de leur gouvernement. Les nombreuses manifestations et actions de toutes sortes, les pétitions, les webinaires, les SMS et les appels de masse témoignent de la volonté d'établir de nouveaux arrangements qui investissent le peuple du pouvoir de décider. Cela s'est manifesté dans les batailles persistantes et déterminées contre les meurtres racistes de la police, pour la justice et l'égalité et pour les droits des immigrants et des réfugiés, où il a été fermement dit : « Ce n'est pas notre Amérique, ce n'est pas notre démocratie. »

Prétendant que les États-Unis ne sont pas assiégés de toutes parts lorsqu'il se demande « si notre démocratie durera longtemps », Joe Biden tente pitoyablement de sauver la situation en citant le discours d'Abraham Lincoln à Gettysburg, à l'époque de la guerre civile. Il le fait non seulement pour perpétuer la perversion selon laquelle c'est Lincoln qui a émancipé les esclaves, et non les esclaves eux-mêmes, mais aussi tenter de donner un nouveau souffle à l'expression « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » afin de revêtir sa démocratie de couleurs qu'elle n'a pas. Le discours de Lincoln de 1863 commence par une référence à la Déclaration d'indépendance : « Il y a quatre-vingt-sept ans, nos pères donnèrent naissance sur ce continent à une nouvelle nation conçue dans la liberté et vouée à la thèse selon laquelle tous les hommes sont créés égaux. »

Lorsque Lincoln prononçait le discours de Gettysburg, il luttait contre le pouvoir esclavagiste et avait donc du mal à faire référence à la Constitution, puisqu'elle approuvait le pouvoir esclavagiste et était un compromis avec lui. Notez qu'il dit « vouée à la thèse selon laquelle tous les hommes sont créés égaux », ce qui est différent de la formulation que l'on trouve dans la Déclaration d'indépendance qui parle plutôt d'une « vérité évidente » que tous les hommes sont créés égaux, c'est-à-dire qu'aucune preuve n'est nécessaire. En disant que c'est une thèse, il en fait une aspiration à cette « union plus parfaite » à laquelle les présidents se réfèrent régulièrement pour justifier les crimes et les injustices. En tant qu'aspiration, elle est également utilisée en partie pour justifier le maintien des structures gouvernementales d'inégalité qui sont garanties par la Constitution.

Lincoln poursuit : « Nous sommes maintenant engagés dans une grande guerre civile, épreuve qui vérifiera si cette nation, ou toute autre nation ainsi conçue et vouée au même idéal, peut longtemps perdurer. » Il conclut que la tâche consiste à faire en sorte « que le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ne disparaîtra jamais de la surface de la terre ». Cette formulation, comme celle de Joe Biden et celle de la Constitution, sépare habilement le peuple du gouvernement. Cela se voit également dans le premier amendement de la Constitution américaine qui dit : « Le Congrès n'adoptera aucune loi relative à l'établissement d'une religion, ou à l'interdiction de son libre exercice; ou pour limiter la liberté d'expression, de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement ou d'adresser au Gouvernement des pétitions pour obtenir réparations des torts subis. » Cette formulation sépare le gouvernement et le peuple, tout comme l'expression « nous, le peuple » désigne le gouvernement. La séparation est nécessaire pour permettre les structures d'inégalité qui imprègnent la Constitution, le gouvernement étant supérieur au peuple, à la multitude, à la majorité.

Pour Lincoln, la guerre civile ne consistait pas à éliminer le compromis avec l'esclavage inscrit dans la Constitution. Le système du travail esclavagiste était devenu de facto incompatible avec le système du travail salarié. La guerre civile, c'était le pouvoir industriel qui cherchait à vaincre le pouvoir esclavagiste, les deux existant au nord comme au sud. Ainsi, pour Lincoln, l'enjeu était de savoir qui exercerait le pouvoir national et comment cela devait être déterminé et réalisé.

Lincoln parle de s'assurer que le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple « ne disparaisse jamais de la surface de la terre ». Mais un problème que les dirigeants ne peuvent surmonter est que la guerre civile et la reconstruction qui a suivi, la lutte du peuple pour l'émancipation ayant été décisive dans les deux cas, ont servi à faire progresser la révolution démocratique issue de la lutte anticoloniale contre les Britanniques. Cette avancée signifiait qu'une forme de propriété privée, le système de l'esclavage, était en fait remplacé par un système d'esclavage salarié, le métayage étant l'une des formes qu'il a prise. Cette réalisation a prouvé historiquement que la propriété privée peut être abolie. Bien que la lutte du peuple pour le pouvoir ait été vaincue en 1877 par l'usage de la force et du terrorisme, la guerre civile est la preuve irréfutable que la propriété privée peut être abolie – puisque cela s'est produit. Néanmoins, l'oligarchie en tant que classe existait toujours et la lutte pour savoir qui détiendrait le pouvoir politique, le pouvoir de décision, faisait rage. Pour les riches, le défi consistait à perpétuer le compromis entre les factions au pouvoir afin de régner effectivement sur la multitude.

Ce pacte pour régner sur le peuple et la nécessité de concilier les intérêts sont au coeur de toutes les théories de la constitution et du pouvoir constitutionnel aux États-Unis. Mais ce compromis est incompatible avec l'aspiration du peuple à s'investir du pouvoir de décider.

Un autre problème avec l'utilisation de l'expression « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » comme point de référence aujourd'hui est que la référence est à la Constitution américaine, avec ses compromis avec l'oligarchie et les structures d'inégalité. Les besoins de l'époque rejettent les deux. Une constitution moderne doit nécessairement rejeter les deux. Un point de vue favorable aux intérêts du peuple exige d'investir le peuple de la souveraineté, du pouvoir de décision, et de trouver des moyens de le faire qui ne soient pas basés sur un remaniement des structures actuelles d'inégalité.

Pour faire progresser la démocratie aujourd'hui, le point de référence n'est pas la Constitution des États-Unis et le mantra selon lequel elle peut être améliorée. Il faut un point de référence entièrement nouveau, où le pouvoir émane du peuple et des réclamations qu'il est en droit de faire à la société dans laquelle il naît ou dans laquelle il réside en permanence. Comme le peuple persiste à prendre sa place, il donne naissance à des processus politiques qui respectent nécessairement les relations d'égalité. La question de la suprématie politique et de sa définition exige que le peuple définisse qui est « le peuple » en vertu de son acte de faire les réclamations qu'il se croit en droit de faire. Les gouvernants, en définissant le peuple comme le gouvernement et en séparant les gouvernants des gouvernés, agissent pour empêcher le peuple de s'investir lui-même du pouvoir suprême. L'utilisation de la Constitution et du gouvernement « du peuple, par le peuple et pour le peuple » comme point de référence pour définir une démocratie moderne tombe dans de nombreux pièges que le peuple désireux de s'investir de pouvoir veut éviter.

Dans une démocratie populaire, le peuple décide par lui-même de ce qui doit être fait dans des conditions et des circonstances spécifiques. Le pouvoir d'écarter ceux qui bloquent la mise en oeuvre des décisions du peuple ou qui commettent des crimes contre le peuple, comme la guerre d'agression ou la planification et l'instigation de telles guerres, ou qui participent à des actes que le peuple considère comme de la violence, comme les policiers tueurs et les drones tueurs, les tiendra responsables. La question est de savoir qui exerce le pouvoir de décision et au service de quel pouvoir.

C'est ce qui est en jeu en ce 4 juillet aux États-Unis.

Haut de page


La signification de la peine prononcée Derek Chauvin pour le meurtre de George Floyd


Manifestation à Minneapolis, Minnesota, le 19 avril, le jour où le verdict a été rendu dans le procès de Derek Chauvin

À la suite de la décision des tribunaux d'imposer une peine de seulement 22,5 années à Derek Chauvin pour le meurtre de George Floyd – ce qui le rend admissible à une libération conditionnelle dans 15 ans – plusieurs membres de la communauté sont en colère parce que cette sentence ne répond pas à leur exigence de justice et de responsabilité. Plusieurs ont demandé des accusations de meurtre au premier degré, lesquelles mènent à une peine de prison à vie au Minnesota. L'accusation de meurtre au deuxième degré contre Derek Chauvin prévoit une peine d'incarcération maximale de 40 ans, mais même cette peine n'a pas été retenue. D'autant plus qu'il a aussi été déclaré coupable d'homicide involontaire et de meurtre au troisième degré. Le juge aurait l'autorité d'imposer une peine pour chacune des accusations à purger consécutivement. Au Minnesota, la peine maximale pour homicide involontaire est de 10 ans, et pour meurtre au troisième degré, de 9 ans, ce qui ferait 59 ans en tout.

Nombreux sont ceux qui comparent la peine de 22,5 ans imposée à Chauvin pour le meurtre de George Floyd aux peines plus longues purgées par les Afro-Américains et les Portoricains pour des délits semblables ou moins graves. Une personne sur sept dans les prisons américaines purge une peine d'emprisonnement à perpétuité, souvent pour des crimes moins violents que l'homicide. Parmi eux, 3 972 personnes purgent des peines d'emprisonnement à perpétuité pour des infractions liées à la drogue. Plus de deux-tiers des personnes purgeant des peines d'emprisonnement à perpétuité sont des gens de couleur, et un homme noir sur cinq en prison purge une peine d'emprisonnement à perpétuité, souvent pour des crimes moins graves que celui de Chauvin.

En outre, des prisonniers politiques portoricains ont reçu des peines de 60 à 75 ans pour conspiration seulement, sans qu'aucun acte de violence n'ait été commis. Leonard Peltier, le dirigeant autochtone accusé de meurtre, un meurtre que même le gouvernement admet qu'il n'a pas commis, est incarcéré depuis 46 ans. Il a maintenant 77 ans, mais le gouvernement refuse toujours de le libérer.

La peine prononcée contre Derek Chauvin n'aura pas non plus d'effet dissuasif sur les meurtres racistes par la police. Aussi longtemps que l'État américain et ses agences de police à tous les niveaux refuseront d'assumer la responsabilité de leurs propres actes, de tels meurtres vont se poursuivre jusqu'au jour où le peuple lui-même réussira à y mettre fin. Les dirigeants n'assument aucune responsabilité parce qu'ils croient qu'ils n'auront jamais à en subir les conséquences. C'est là qu'ils se trompent.


Rassemblement à Minneapolis le 20 avril 2021, le jour où le verdict de culpabilité a été rendu contre Chauvin.

Haut de page


Plus de 100 organisations revendiquent la fin des expulsions des réfugiés aux États-Unis

Dans une lettre datée du 30 juin 2021, 105 organisations ont écrit au président Joe Biden pour revendiquer la fin des expulsions des réfugiés en vertu du titre 42 du Code des États-Unis. Les expulsions sous le titre 42 sont des renvois par le gouvernement des États-Unis des personnes qui ont été récemment dans un pays où une maladie transmissible est présente. Ce titre a été mis en place sous le prétexte de combattre la COVID-19. Cette lettre fait état du sort des réfugiés aujourd'hui et de l'état de la violation des droits humains par l'administration des États-Unis. Voici le texte de la lettre.

Cher président Biden,

Nous, les 105 organisations soussignées, écrivons pour exprimer notre inquiétude et notre déception que votre administration envisage de continuer à utiliser la politique d'expulsion illégale du titre 42 pour détenir et expulser les demandeurs d'asile adultes pendant au moins deux mois de plus et peut-être utiliser des mesures punitives telles que des bracelets électroniques et une procédure accélérée de renvoi des familles. Non seulement la politique du titre 42 viole-t-elle la loi et les traités des États-Unis sur les réfugiés, mais elle met également en danger les personnes cherchant la protection des États-Unis, avec plus de 3 250 enlèvements, viols et autres attaques contre des personnes expulsées ou retenues à la frontière américano-mexicaine depuis votre entrée en fonction. Ce nombre augmente à chaque jour où votre administration ne met pas fin à cette politique. Nous exhortons votre administration à annuler complètement cette politique pour toutes les populations, à se conformer à la loi américaine sur les réfugiés et à faire en sorte que les demandeurs d'asile noirs, LGBTQ et autres demandeurs d'asile adultes, dont beaucoup ont été refoulés ou expulsés aux points d'entrée, ainsi que les familles et enfants, aient un accès rapide au système pour les demandeurs d'asile des États-Unis.

Beaucoup de nos organisations ont demandé à plusieurs reprises à votre administration de mettre fin à la politique d'expulsion selon le titre 42 et de reprendre le traitement des demandeurs d'asile pour les personnes cherchant refuge. Des mesures rationnelles et scientifiques, recommandées par des experts en santé publique, existent pour atténuer les préoccupations liées à la COVID-19 et traiter en toute sécurité les demandeurs d'asile à la frontière. L'utilisation du titre 42 – décrit comme un « spécial Stephen Miller » par un ancien responsable de l'administration Trump – a été mise en oeuvre malgré les objections d'experts de haut niveau des centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) et a été largement discréditée par les épidémiologistes et les experts de la santé publique qui ont confirmé qu'il ne comprend « aucune base scientifique en tant que mesure de santé publique ». Ces experts ont fourni des recommandations détaillées pour le traitement sécuritaire des demandeurs d'asile à votre équipe de transition, au CDC et à d'autres fonctionnaires de votre administration. En mai 2021, des experts médicaux du département de la Sécurité intérieure (DHS) ont déposé une dénonciation condamnant la politique pour son absence de justification en matière de santé publique et pour avoir alimenté la séparation généralisée des familles et la détention d'enfants. Les professionnels de la santé qui dispensent des soins dans les campements et les refuges à Tijuana ont également dénoncé la politique d'expulsion comme une menace à la santé et à la sécurité des migrants.

Les organisations de défense des droits humains et les médias ont documenté les dangers croissants auxquels sont confrontés les demandeurs d'asile et les migrants soumis à la politique du titre 42, dont beaucoup ont été contraints de vivre dans des conditions sordides et dangereuses dans plusieurs des nouveaux camps près de la frontière. Le personnel juridique et humanitaire qui travaille avec les migrants soumis à la politique a également fait face à de graves risques à sa sécurité. La politique du titre 42 a également entraîné des séparations familiales, car elle présente aux familles le choix impossible de garder les enfants dans une situation dangereuse ou de les envoyer traverser seuls la frontière pour leur sécurité. En conséquence, de nombreux adultes qui sont maintenant seuls et bloqués au Mexique tentent désespérément de retrouver leurs enfants placés sous la garde du Bureau de réinstallation des réfugiés ou avec leur famille aux États-Unis.

La politique d'expulsion a touché de manière disproportionnée les demandeurs d'asile d'Afrique, des Caraïbes et d'ailleurs, qui n'ont pas été placés sous les protocoles de protection des migrants (MPP) et ne sont pas éligibles au traitement de leur cas aux États-Unis dans le cadre de la phase 1 ou de la phase 2 du retrait de la politique. Les demandeurs d'asile noirs et LGBTQ bloqués au Mexique en vertu de la politique d'expulsion et incapables de demander une protection à un point d'entrée continuent de faire face à la discrimination et subissent des violences ciblées. Des rapports récents indiquent que même si votre administration peut mettre fin en juillet à la politique pour les familles, elle peut continuer à soumettre les demandeurs d'asile adultes à la politique pendant au moins deux mois – un délai inacceptable qui prolongerait les disparités dans l'accès à la protection et aurait un impact disproportionné sur les demandeurs d'asile parmi les Noirs des pays d'Afrique et des Caraïbes, ainsi que sur les réfugiés LGBTQ et les autres personnes qui ne voyagent pas avec des enfants. Une telle approche serait totalement indéfendable. Les garanties de santé publique n'exigent ni ne justifient en aucun cas des traitements disparates entre les familles et les adultes arrivant seuls. De plus, une telle approche est contraire à la loi américaine sur les demandeurs d'asile et aux dispositions de non-discrimination de la Convention sur les réfugiés.

Nous sommes préoccupés par le fait que cette administration continue de considérer la dissuasion comme une stratégie pour traiter les demandeurs d'asile à la frontière. Les bracelets électroniques, les demandes de budget pour une détention prolongée et le renvoi accéléré font partie d'une stratégie de dissuasion inhumaine et inefficace. Une telle stratégie aussi cruelle est une forme déguisée de déclaration qui dit « Ne venez pas ». Les dispositifs de surveillance électronique sont une mesure particulière qui porte atteinte à la vie privée et qui cause des dommages physiques et émotionnels ayant un impact négatif sur les taux de comparution, en opposition à des services appropriés de gestion des cas à partir des communautés. En ce qui concerne les renvois accélérés, bon nombre de nos organisations, ainsi que la Commission bipartite des États-Unis sur la liberté de religion internationale, ont depuis longtemps constaté que les agents des douanes et de la protection des frontières (ICE) et les agents des services de patrouille frontalière ne respectaient pas les procédures de base requises pour identifier les personnes qui doivent être référées pour des entrevues parce qu'elles ont des craintes légitimes, et ont constaté l'intimidation et la coercition des demandeurs d'asile pour qu'ils retirent leurs demandes de protection.

Bien que nous appréciions grandement les efforts continus de votre administration pour traiter de manière sécuritaire certains demandeurs d'asile soumis au MPP, nous demeurons très préoccupés par le fait que l'administration Biden continue de bloquer et d'expulser les demandeurs d'asile vers les mêmes situations dangereuses en vertu de la politique du titre 42. Dans une rare déclaration publique appelant ce pays à respecter ses obligations légales, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a récemment exhorté les États-Unis à mettre fin rapidement à cette politique et à « rétablir l'accès à la demande d'asile pour les personnes dont la vie en dépend, conformément aux obligations légales et en matière de droits humains. »

À l'approche du 70e anniversaire de la Convention sur les réfugiés en juillet, nous exhortons votre administration à mettre fin immédiatement à son utilisation abusive de l'autorité de santé publique en vertu du titre 42, à rétablir le traitement des demandes d'asile conformément aux lois et traités des États-Unis sur les réfugiés pour tous les demandeurs d'asile – y compris aux points d'entrée américains – et à donner l'exemple au reste du monde en accueillant les réfugiés dans la dignité.

Respectueusement,

[Signé]

On peut lire la liste complète des signataires en cliquant ici.

Haut de page


Abus et représailles contre les grévistes
de la faim dans les centres de détention des immigrants aux États-Unis

Nous publions ci-dessous une partie du résumé d'un récent rapport de Physicians for Human Rights (Médecins pour les droits humains) et de l'American Civil Liberties Union (Union américaine pour les libertés civiles) concernant la résistance des réfugiés détenus faisant des grèves de la faim, dont beaucoup sont des femmes, et les violations de leurs droits humains par les États-Unis.

Alors que le rapport parle d'alimentation forcée, d'utilisation de chambres froides et d'isolement cellulaire, les femmes grévistes de la faim ont également souligné que des menaces sont proférées en utilisant leurs enfants. Les agents de l'Immigration and Customs Enforcement (Services d'immigration et de douane des États-Unis) ou ICE, menacent par exemple de retirer les enfants ou d'empêcher les mères de les voir afin de les contraindre à mettre fin aux grèves. À ce jour, la plupart des centres de détention concernés restent ouverts.

M. Otieno (un pseudonyme), un demandeur d'asile originaire d'Afrique de l'Est, est l'une des nombreuses personnes détenues par l'Immigration and Customs Enforcement (ICE) aux États-Unis qui ont entamé une grève de la faim pour protester contre les mauvaises conditions et demander leur libération pendant la pandémie de COVID-19. Plutôt que d'écouter sa requête, l'ICE a riposté en l'enfermant dans une pièce glaciale, en le nourrissant de force par une sonde nasogastrique contre son gré et en le transférant dans trois établissements différents. Ce n'est qu'après l'avoir soumis à tout cela que l'ICE l'a finalement libéré de détention à la fin de 2020. M. Otieno, qui a perdu 28 livres et prend maintenant des médicaments pour le trouble de stress post-traumatique (SSPT) et la dépression, l'a décrit comme « une expérience que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi. » Il a dit : « Ils m'ont mis sur un lit et m'ont menotté à une civière médicale d'urgence. » Il a ajouté : « [Ils] vous ligotent par la poitrine, la taille, les jambes, de manière très serrée, il ne sert à rien de riposter parce que vous êtes là avec six officiers masculins forts et trois infirmières, et il n'y a rien que vous puissiez faire. » Le médecin a prétendu avoir une ordonnance judiciaire, mais il a refusé de la lui montrer. M. Otieno a vu deux autres grévistes de la faim qui ont également été gavés de force.

La décision d'entamer une grève de la faim en détention pour migrants n'est pas prise à la légère. Le refus de manger d'une personne détenue peut être la dernière option disponible pour porter plainte, après l'échec de toutes les autres méthodes de pétition. Des personnes détenues et emprisonnées dans le monde entier ont entamé des grèves de la faim pour plaider en faveur de conditions humaines de détention ou de libération de captivité et pour attirer l'attention sur des appels plus larges à la justice.

Chaque jour, le gouvernement des États-Unis enferme de façon non nécessaire des milliers de personnes en détention civile pour immigrants, y compris des enfants, dans plus de deux cents centres de détention pour immigrants partout au pays.

Les gens peuvent être enfermés pendant de nombreux mois, voire des années, en attendant le jugement final de leur cas ou leur expulsion. Piégées dans un système marqué par les mauvais traitements et les abus, la négligence médicale et la négation d'une procédure régulière, des centaines de personnes en détention pour immigrants s'engagent chaque année dans des grèves de la faim comme moyen de protestation. Le refus de l'ICE de fournir des conditions de détention sécuritaires et humaines pendant la pandémie de COVID-19 n'a fait qu'aggraver les problèmes des personnes détenues. Bien que certains détenus, à l'occasion, soient en mesure d'attirer l'attention de l'extérieur sur leurs grèves de la faim, on sait très peu de choses sur la réponse systémique de l'ICE aux détenus en grève de la faim.

Ce rapport fournit pour la première fois un examen approfondi à l'échelle nationale de ce qui arrive aux personnes qui font la grève de la faim pendant leur détention par l'ICE. Pour le résumé complet, cliquez ici.

Haut de page


Le massacre brutal de 1921 à Tulsa, en Oklahoma


Tulsa à la suite du massacre de 1921

Cette année est le 100e anniversaire du massacre brutal perpétré à Tulsa, en Oklahoma, en 1921. Alors que partout aux États-Unis les gens commémoraient le massacre et dénonçaient l'héritage raciste que les États-Unis continuent d'imposer, le président Joe Biden a décidé de visiter Tulsa pour y reprendre la désinformation délibérée voulant que des « masses » de « suprémacistes blancs » étaient responsables du massacre. Selon cette désinformation, c'est la « haine » de ces « masses » qui est la véritable responsable du massacre, et non le gouvernement fédéral, ni la police ni les forces gouvernementales, dont le maire, qui protégeaient tous activement les racistes et les terroristes – comme le KKK – organisés par le gouvernement.

En 1921, Tulsa, comme pour un grand nombre de villes américaines, était ségréguée en vertu de la loi. Le massacre a ciblé la communauté afro-américaine de Greenwood qui, à cette époque, était florissante. L'attaque n'était pas un accident. C'était en partie un accaparement des terrains par le maire et les responsables de la ville et aussi un moyen de contrer le succès et l'indépendance croissants de Greenwood et de donner une leçon à tous ceux qui luttent pour l'égalité et qui s'opposent au racisme du gouvernement.

Le gouvernement était directement impliqué, non seulement par l'imposition de lois ségrégationnistes racistes, ou parce qu'il appuyait le maire qui était un membre du KKK, mais aussi parce qu'il a déployé des troupes munies de mitrailleuses et d'avions appartenant à l'armée pour bombarder cette zone et réduire la ville en ruines. Un examen des photos confirme que des édifices en briques ont été réduits en ruines, ce qui confirme que ce niveau de destruction ne pouvait pas être dû qu'aux incendies. La garde nationale a été appelée par le gouverneur. Dès le lendemain du massacre, le vol des terrains est devenu évident quand Tulsa a adopté des lois de zonage pour empêcher Greenwood d'être reconstruit tandis que les gouvernements à tous les niveaux ont tout fait pour que les crimes soient dissimulés et que la communauté afro-américaine elle-même soit pointée du doigt. Les fosses communes qui viennent d'être découvertes – 27 au dernier compte – et le fait que l'attaque a fait des milliers de blessés et de sans-abri témoignent de la violence et de la brutalité subies par l'ensemble de la communauté.

Tulsa n'était pas un incident isolé. Il fait suite aux grandes rébellions qui se sont produites dans les communautés afro-américaines à travers le pays en 1919, également violemment réprimées par le gouvernement. Les troupes afro-américaines rentraient chez elles après la Première Guerre mondiale et étaient en colère contre le racisme et la discrimination organisés auxquels elles étaient confrontées, notamment en raison des lois imposant des écoles, des logements ségrégués et plus encore. En effet, des dizaines de soldats afro-américains à Tulsa se sont ralliés et se sont armés pour appuyer et défendre Greenwood, y compris contre un lynchage planifié.

Tulsa a également lieu dans le contexte de la révolution russe de 1917 qui a inspiré les peuples du monde entier alors que le nouveau gouvernement reconnaissait les droits humains de tous et affirmait que chaque personne était légitime et qu'il n'y aurait pas de citoyens de seconde classe. L'organisation se produisait parmi les travailleurs qui unissaient  noirs et blancs, ce qui effrayait les dirigeants, provoquant une répression brutale, l'usage de la terreur du KKK et plus encore. C'est le contexte du massacre.

Lorsque le président Biden a visité le site à l'occasion du 100e anniversaire, il a ouvertement cherché à dissimuler le rôle du gouvernement américain d'hier et d'aujourd'hui dans la perpétration de ces crimes. Il a même prétendu que des « avions privés » avaient été utilisés en dépit du fait que plusieurs rescapés ont affirmé que l'armée et divers corps policiers étaient impliqués, tirant dans la foule.

Joe Biden mentionne que certains gouverneurs et représentants au Congrès étaient à l'époque membres du KKK, mais ne tient pas le gouvernement d'hier et d'aujourd'hui responsable. Il relate certains événements, y compris le « redlining » (une pratique discriminatoire consistant à refuser ou à limiter les prêts aux populations situées dans des zones géographiques déterminées) et le « eminent domain » (le pouvoir du gouvernement fédéral d'exproprier à des fins privées) visant à cibler et détruire Greenwood de nouveau, après le massacre, après que les gens se sont relevés pour ensemble rebâtir la communauté. Malgré toutes les preuves indiquant le contraire, Joe Biden s'en tient au mantra que les États-Unis sont les plus grands défenseurs des droits humains, comme si tous les crimes qu'ils commettent ne sont que des aberrations dont il ne faut pas vraiment tenir compte.

Le « redlining » était une forme codifiée de racisme qui a façonné les villes aux États-Unis et les façonne toujours aujourd'hui. Des cartes d'il y a près d'un siècle, dessinées par la Société de prêts aux propriétaires de maison (SPPM), sont basées sur la perception que les populations immigrantes sont « dangereuses ». La présence de personnes noires représentait une « influence négative » ou encore une « infiltration ». Des lignes étaient tracées en rouge foncé sur les cartes pour mettre en relief les quartiers où vivaient les gens de couleur, d'où l'expression « redlining ». Les lignes vertes mettaient en relief les zones « sécuritaires » où la presque totalité des familles étaient blanches.

Dans les années 1930, ces cartes de « sécurité résidentielle » servaient de guide aux professionnels de l'immobilier et aux responsables du crédit. Ces cartes classaient les régions partout au pays selon qu'elles méritaient qu'on y investisse ou qu'elles étaient considérées trop « à risque » par les prêteurs hypothécaires. Le calcul du « risque » était basé uniquement sur la composition raciale de la communauté.

Ces cartes étaient du racisme codifié. Bien qu'il ait éventuellement été déclaré illégal, le « redlining » se poursuit sous diverses formes. Par exemple, une étude publiée en 2018 confirme que 64 % des quartiers ayant été classés « dangereux » par la SPPM demeuraient des quartiers minoritaires ségrégués, plus souvent qu'autrement afro-américains. Soixante-quatorze pour cent des quartiers étiquetés « dangereux » sont toujours des quartiers minoritaires ségrégués à revenus de faibles à modérés. Une étude en 2017 a montré que des régions classées comme étant à risque élevé sur les cartes de la SPPM sont devenues de plus en plus ségréguées au cours des 30-35 années suivantes et qu'elles ont vu une baisse à long terme de la propriété et de la valeur domiciliaire. Le gouvernement fédéral et les agences financières qu'il gère sont depuis longtemps responsables de l'imposition et du maintien de cette ségrégation.

Cette pratique ouvertement raciste a exclu les Américains noirs et ciblé les communautés pendant plusieurs générations, en imposant des écoles inéquitables et en empêchant l'accès au capital, au financement gouvernemental pour la propriété domiciliaire et à tous les attenants de base de ce qu'on appelle communément la création de la richesse. Conçu au temps du New Deal, le programme de la Société de prêts aux propriétaires de maison devait en principe atténuer les impacts de la Grande Dépression, mais a plutôt créé des régions vouées au désinvestissement et à la concentration de la pauvreté.

Après le « redlining », d'autres efforts dommageables ont été déployés, tels que le « renouvellement urbain », qui a vidé des quartiers pour faire place à la construction de projets domiciliaires et d'autoroutes, déplaçant pour ce faire les communautés de couleur et transformant une fois de plus le paysage géographique urbain. Encore aujourd'hui, les minorités sont constamment exclues des régions dites d'« immobilier de luxe », ou encore sont contraintes de vivre dans des quartiers ségrégués.

Le rôle que joue le président Biden est de défendre les crimes commis par les États-Unis et d'omettre de parler des crimes et de réparation. Il en est ainsi parce que ces crimes se poursuivent encore aujourd'hui et tout est fait pour que la question d'exiger des comptes ne soit pas soulevée. Joe Biden ne parle pas des structures gouvernementales permanentes d'inégalité qui non seulement perpétuent cette inégalité, mais font en sorte que les problèmes sociaux et politiques sont exacerbés au centuple, comme en témoigne les meurtres racistes aux mains de la police, le manque de traitements pour la COVID-19 et le manque de soins de santé de façon générale, ainsi que la discrimination pour ce qui a trait à l'emploi et au logement. Joe Biden ne parle pas du manque de mécanismes permettant au peuple de tenir le gouvernement responsable alors que c'est la recherche de solutions à ce problème qui est au coeur des nombreuses batailles pour la justice qui se mènent actuellement.

(Voice of Revolution, Organisation marxiste-léniniste des États-Unis)

Haut de page


À titre d'information

Le concept «tous les hommes sont créés
égaux» élimine la responsabilité

Le 4 juillet 1776 était signée la Déclaration d'indépendance des États-Unis avec sa formule désormais célèbre : « Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux; ils sont doués par leur Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. »

Cette phrase est bien connue en partie parce qu'elle est si souvent répétée par les présidents. Mais surtout, elle est connue parce que l'inégalité est si répandue aux États-Unis et dans les relations entre les États-Unis et les autres pays. Si l'on replace la phrase dans son contexte historique, à tout moment de l'histoire des États-Unis depuis leur constitution, la phrase sur l'égalité est surtout utilisée pour promouvoir l'exceptionnalisme américain. Aujourd'hui, cela prend le plus souvent la forme d'une distinction : les États-Unis comme étant exceptionnels et indispensables, à qui tous les pays doivent s'en remettre.

Lors de la conférence de presse qu'il a donnée après sa rencontre avec le président russe Vladimir Poutine le 16 juin, Joe Biden l'a formulée ainsi : « J'ai dit clairement au président Poutine que nous continuerons de soulever les questions des droits humains fondamentaux parce que c'est ce que nous sommes, c'est qui nous sommes. L'idée est la suivante : 'Nous considérons que ces vérités sont évidentes pour tous les hommes et toutes les femmes.' Nous ne l'avons pas complètement respectée, mais nous avons toujours élargi l'arc de notre engagement et inclus de plus en plus de personnes. »

Il a poursuivi : « Quelle est cette idée ? Nous ne tirons pas nos droits du gouvernement; nous les possédons parce que nous sommes nés – point. Et nous les cédons à un gouvernement. »

Cette déclaration est incohérente, car on ne peut pas posséder ou conserver un droit et en même temps le céder au gouvernement. Un droit humain vous appartient en tant qu'être humain et ne peut pas être donné, reçu, concédé ou retiré. Il vous appartient de droit et ce droit implique qu'il existe dans son affirmation, dans l'affirmation de la personne humaine qui réclame à la société ce qui lui appartient en tant qu'être humain et membre de cette société. Voilà ce qu'est un droit. C'est l'expression d'une réalité concrète.

La conception américaine de l'égalité, en revanche, est une idée, une aspiration. Selon l'interprétation qu'en donne Joe Biden, le problème de la Constitution n'est pas qu'elle prive le peuple, la majorité, de pouvoir, mais qu'elle doit être plus inclusive, amener plus de gens sous sa coupe et accepter le diktat du gouvernement.

Le président ajoute : « Les droits humains seront toujours sur la table, lui ai-je dit. Il ne s'agit pas seulement de s'en prendre à la Russie lorsqu'elle viole les droits humains; il s'agit de ce que nous sommes. Comment pourrais-je être le président des États-Unis d'Amérique et ne pas m'élever contre la violation des droits humains ? »

Rien ne pourrait être plus incohérent, absurde et désinformateur. Non seulement les États-Unis sont-ils les plus grands transgresseurs des droits humains, tant sur leur territoire qu'à l'étranger, mais, surtout, Biden et les États-Unis n'assument pas les conséquences de ces violations. Tout est rendu comme une variante de « nous ferons mieux à l'avenir », comme une promesse sans lendemain, un engagement qui n'a pas la moindre matérialité.

La Constitution américaine ne prévoit aucune obligation de rendre des comptes ni aucun mécanisme de responsabilité. Les Afro-Américains ont à plusieurs reprises porté l'accusation de génocide et le feront à nouveau cette année devant un tribunal international sur les violations des droits humains par les États-Unis. Les immigrants et les réfugiés parlent également de la brutalité et des atteintes aux droits humains aux États-Unis, y compris les nombreux décès à la frontière, conséquences des actions du gouvernement américain. En plus de la longue détention d'un grand nombre d'enfants, une violation des droits en vertu du droit américain et du droit international, un nouveau rapport documente par exemple « l'alimentation forcée, l'hydratation forcée et la coercition psychologique » des personnes détenues par l'Immigration and Customs Enforcement (ICE) entre 2013 et 2020. Beaucoup étaient des femmes faisant la grève de la faim pour demander leur libération et des conditions humaines pour tous les détenus. Ce traitement violait clairement la santé et les droits humains des personnes détenues.

Il n'est pas rare d'entendre dire que lorsqu'il y a violation des droits, la Cour suprême rendra justice. C'est nier que la Cour suprême fait partie de l'exécutif et de ses pouvoirs de police constitués. Elle a récemment statué en faveur de l'esclavage des enfants dans le procès intenté contre Nestlé et Cargill, deux des plus grands fabricants de chocolat au monde. La poursuite les accusait d'avoir acheté en toute connaissance de cause des fèves de cacao provenant d'exploitations agricoles d'Afrique qui pratiquaient l'esclavage des enfants – ce que ces oligopoles ont sans doute eux-mêmes organisé et imposé. La poursuite affirme qu'ils ont « aidé et encouragé » l'esclavage, qui est un crime contre l'humanité. Le groupe de six adultes a cherché à intenter un recours collectif en leur nom et celui de milliers d'autres enfants. Les deux géants ont nié toute faute.

La Cour a jugé que la loi invoquée, connue sous le nom d'Alien Tort Statute (ATS), qui permet aux citoyens étrangers d'intenter des poursuites devant les tribunaux américains pour des violations des droits humains, exigeait un niveau de preuve bien plus élevé pour condamner des sociétés américaines opérant en dehors du pays. La Cour a déclaré que « la simple présence de l'entreprise » et « l'activité générale de l'entreprise » aux États-Unis ne sont pas suffisantes « pour soutenir une application nationale de l'ATS ». Cela signifie que les enfants esclaves doivent fournir la preuve que les dirigeants de l'entreprise ont activement comploté pour aider et encourager l'esclavage des enfants en dehors des États-Unis. Joe Biden n'a fait aucun commentaire et c'est pourtant son administration, comme celle de Trump avant lui, qui était engagée dans la poursuite judiciaire du côté de Nestlé et Cargill.

L'absence de mécanismes constitutionnels permettant de tenir le gouvernement responsable des crimes que le système américain perpétue et tolère est l'une des principales préoccupations de l'ensemble du peuple américain en ce 4 juillet. Il n'existe aucun mécanisme permettant de demander des comptes aux autorités, que ce soit pour les flics tueurs ou les drones tueurs ou les actes d'incarcération de masse ou de discrimination, les actes de génocide et autres crimes contre l'humanité. De nombreux traités des États-Unis imposent même des conditions d'impunité pour leurs soldats qui commettent non seulement des crimes militaires, mais aussi des actes comme le viol et le meurtre de civils dans les pays que les États-Unis occupent ou dans lesquels ils ont des bases. De même, au nom de grands idéaux, les élus et les forces de l'ordre bénéficient de l'impunité à tous les niveaux.

Les États-Unis rejettent la juridiction de la Cour pénale internationale, créée comme une arène pour traiter les crimes des pays que les impérialistes américains et leurs alliés veulent voir jugés, tant que cela ne les inclut pas eux-mêmes. Il y a eu un tollé récemment au Congrès américain lorsque la représentante de la Chambre des représentants Ilhan Omar le 7 juin, faisant référence aux crimes commis par les États-Unis en Palestine et en Afghanistan, a interrogé le secrétaire d'État Anthony Blinken sur la responsabilité des États-Unis, lors d'une réunion de la commission des affaires étrangères. Elle a déclaré : « Je sais que vous vous opposez à l'enquête de la Cour [pénale internationale] (CPI) en Palestine et en Afghanistan. Dans ces deux cas, je n'ai vu aucune preuve que les tribunaux nationaux peuvent et veulent poursuivre les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité présumés. [...] Dans ces deux cas, si les tribunaux nationaux ne peuvent pas ou ne veulent pas poursuivre la justice, et si nous nous opposons à la CPI, où pensez-vous que les victimes sont censées aller pour obtenir justice ? Et quels mécanismes de justice soutenez-vous pour elles ? » Le secrétaire Blinken a répondu que les États-Unis et Israël « ont déjà les moyens ». « Je crois que nous avons, que ce soit les États-Unis ou Israël, nous avons tous deux les mécanismes pour nous assurer qu'il y a une responsabilité dans toutes les situations où il y a des préoccupations concernant l'utilisation de la force et les droits humains, etc. Je crois que nos deux démocraties ont cette capacité. Et nous l'avons démontré. »

Aux États-Unis, la conscience que les paroles ne valent pas grand-chose est très répandue. Pendant que Blinken s'exprimait ainsi, des bombardements massifs et des crimes de génocide étaient perpétrés contre les Palestiniens, tandis qu'aux États-Unis la police continue de tuer des gens sur une base raciste et que persiste l'absence d'inculpation ou de responsabilité. On a immédiatement tenté de censurer Ilham Omar et de l'expulser du Comité, simplement pour avoir posé la question. De toute évidence, le secrétaire d'État veut dire que les États-Unis ont démontré qu'ils utiliseront la force en toute impunité et défendront Israël qui fait de même, et que leur ordre fondé sur des règles décide qui est ou n'est pas humain et digne de protection.

En ce 4 juillet, alors que les crimes commis par les États-Unis augmentent chaque jour, personne ne célèbre les anciennes conceptions de l'égalité comme des aspirations sans matérialité, comme des dissimulations de l'objectif de la Constitution. Cet objectif est d'assurer la division de la société entre ceux qui gouvernent et prennent toutes les décisions à leur avantage et ceux qui sont privés de pouvoir et dont le seul devoir est d'obéir aux verdicts rendus d'en haut, sur lesquels ils n'exercent aucun contrôle. Avec ses structures d'inégalité et son manque de responsabilité, le moment est venu d'introduire de nouvelles définitions de la démocratie fondées sur la responsabilité, notamment une constitution moderne qui codifie ce pour quoi le peuple des États-Unis se bat aujourd'hui.

Une caractéristique fondamentale d'une constitution moderne serait l'existence d'un moyen de tenir les gouvernements responsables de tout crime, y compris les guerres d'agression et les crimes de guerre, les génocides et les lynchages par la police dont nous sommes témoins aujourd'hui. Une constitution moderne prévoirait également des moyens pour le peuple de délibérer sur les questions de guerre et de paix, sur la direction économique du pays et sur une approche globale des questions liées à la sécurité.

Une démocratie moderne adaptée au peuple doit consacrer le peuple lui-même comme la source suprême du pouvoir. Celui-ci doit être en mesure de destituer le gouvernement qu'ils considèrent comme responsable de guerres et de violence extrême, que ce soit dans son pays ou à l'étranger. Une partie de la bataille de la démocratie, qui est la bataille pour la suprématie politique, pour savoir qui a le pouvoir de décider, concerne la guerre et la paix et la définition des crimes et des sanctions. Au coeur de la bataille de la démocratie aujourd'hui, il y a la bataille pour la suprématie politique, pour garantir le pouvoir politique au peuple. La délibération et la discussion politiques sont une partie essentielle de la lutte pour rendre le peuple indispensable et non jetable.

(Avec des textes du Centre d'études idéologiques)

Haut de page


Le concept d'égalité dans
la Déclaration d'indépendance

Si l'on examine le concept d'égalité énoncé dans la Déclaration d'indépendance et la Constitution des États-Unis, il est nécessaire de garder à l'esprit que lorsque la Déclaration a été publiée, elle s'adressait principalement à d'autres pays, en particulier à la France, que les révolutionnaires américains cherchaient à mobiliser dans leur bataille pour l'indépendance de la Grande-Bretagne. Au niveau des nations, les traités ne peuvent être signés qu'entre égaux. Ainsi, la Déclaration d'indépendance des États-Unis a servi à mettre les États-Unis sur un pied d'égalité avec les autres nations et à leur donner un statut indépendant. Sans la Déclaration d'indépendance, les États-Unis n'auraient pas pu approcher la France pour prendre des dispositions en vue de combattre les Britanniques.

Il s'agit d'une déclaration, comme la Constitution, faite par des hommes de propriété dans un système d'esclavage, pour trouver un moyen pour ces factions dirigeantes de régler leurs conflits. L'un de ces moyens était la capacité des différentes factions de lever leurs propres armées, contre le peuple et entre elles. La conception de l'égalité qu'elles établissaient concernait leur égalité de membres égaux ayant le droit à la vie (esclavage), à la liberté (accumulation de biens) et à la recherche du bonheur (richesse).

L'oligarchie esclavagiste était incluse dans la « Déclaration unanime des treize États-Unis d'Amérique », par laquelle ceux qui peuvent lever leurs propres armées privées s'engagent à ne pas le faire et à accepter une seule armée publique, l'armée continentale. Les armées privées, du sud et du nord, ont été utilisées par les pères fondateurs pour faire la guerre à la majorité, appelée « la multitude », les « sans-propriété ». La signification n'est pas qu'ils étaient des hommes blancs propriétaires et esclavagistes en tant que tels, mais que leur compromis avec l'esclavage, leur fusion du système du travail esclavagiste avec le système de l'esclavage salarié tient tant que la multitude accepte de ne pas remettre en cause le pouvoir politique suprême combiné du pouvoir esclavagiste et du pouvoir industriel. La Constitution et les dispositions qu'elle établit, qui décident de toutes les questions de guerre, de revenus, d'impôts, de crimes et de peines, affirment le compromis avec l'esclavage et le compromis entre la démocratie (le peuple) et l'oligarchie. Aujourd'hui encore, ce compromis consacre les droits de l'oligarchie et le fait que l'oligarchie est seule à pouvoir déterminer les limites de son pouvoir.

La Déclaration d'indépendance a été écrite par des propriétaires d'esclaves et pourtant elle proclame que « tous les hommes sont créés égaux ». Cela renvoie à la solution présentée par le mouvement des Lumières en France quant au dilemme de savoir comment rendre les droits de propriété justiciables et non pas une question de caprice et d'arbitraire d'un roi qui se réclamait de l'inspiration divine. Elle n'en est pas moins logiquement incompatible. Les fondateurs tentent de la rendre compatible avec le reste de la Déclaration et plus tard avec la Constitution, avec sa Déclaration des droits, mais ils échouent, ce qui conduit à la guerre civile.

Ni les esclaves, ni ceux qui comme la multitude sans propriété, la foule, ne l'ont accepté au moment de la guerre civile et avant. Le système américain a d'abord tenté de fusionner le travail des esclaves avec l'esclavage salarié, mais ils se sont avérés incompatibles. La guerre civile a servi à éliminer la propriété privée sous la forme d'un système de travail esclave, et c'est un accomplissement du peuple. Mais le pouvoir est resté entre les mains de l'oligarchie et le système d'esclavage salarié est resté et a été étendu – un système si incompatible avec les exigences d'aujourd'hui qu'il ne peut même plus régler les conflits dans les rangs de l'oligarchie, ce qui augmente sans cesse le danger de guerre civile à l'intérieur et de guerre impérialiste à l'extérieur. Elle est très certainement incompatible avec les exigences du peuple en matière d'émancipation.

Plus la phrase « tous les hommes sont créés égaux » est utilisée pour justifier l'injustifiable, plus l'inégalité concrète qui existe est mise en évidence en raison de l'absence de mécanismes permettant d'exiger des comptes de ceux qui commettent des crimes contre le peuple.

Pour nous, la responsabilité commence chez soi. Ce n'est que lorsque les peuples pourront exercer un contrôle sur les décisions qui affectent leur vie et assumer la responsabilité des résultats, que l'environnement humain et social pourra commencer à s'humaniser.

(Avec des textes du Centre d'études idéologiques)

Haut de page


(Pour voir les articles individuellement, cliquer sur le titre de l'article.)

PDF

ARCHIVES | ACCUEIL

Site Web : www.pccml.ca   Courriel : redaction@cpcml.ca