Forum ouvrier

Numéro 40 - 11 juin 2020

Des conditions de vie et de travail dignes, des soins de santé et un statut pour les travailleurs migrants!

Les droits des travailleurs migrants MAINTENANT!
Rassemblements mobiles à la défense de la dignité à Montréal
Les organisations de défense des travailleurs migrants revendiquent le statut de résident permanent face à l'exploitation croissante - Diane Johnston
Décès évitables de travailleurs migrants agricoles dans le sud-ouest de l'Ontario
Les conditions auxquelles sont confrontés les travailleurs agricoles et d'autres travailleurs du secteur dans le sud-ouest de l'Ontario - Margaret Villamizar
Des conditions de vie et de travail sécuritaires et un statut pour les travailleurs agricoles migrants! - Steve Rutschinski
Des étudiants en droit de Windsor demandent des mesures concrètes et pratiques pour garantir la sécurité, la santé et les droits des travailleurs migrants
Des serres de propriété «canadienne» devenues des foyers de la COVID-19 dans l'État de New York


Les droits des travailleurs migrants MAINTENANT!

Rassemblements mobiles à la défense
de la dignité à Montréal

Le samedi 6 juin, pour la deuxième fois en autant de semaines et dans les conditions de la pandémie de la COVID-19, des activistes de Montréal se sont rassemblés à l'appel de l'organisation Debout pour la Dignité en appui aux droits des travailleurs migrants. En l'espace de deux semaines seulement, le nombre de personnes qui ont participé à cette deuxième manifestation mobile a triplé, avec environ 300 personnes présentes dans le stationnement situé à côté des bureaux de la circonscription de Papineau du premier ministre Justin Trudeau, sur le boulevard Crémazie Est.

Ils sont venus avec des drapeaux haïtiens et mexicains, des bannières, des pancartes et des affiches, criant encore et encore : « Assez bonne pour travailler - assez bonne pour rester ! » ; « Québec-Haïti : Solidarité ! » ; « Solidarité avec les demandeurs d'asile ! » ; « La résidence permanente pour tous les travailleurs essentiels maintenant ! »

Ils ont été rejoints par un certain nombre de personnalités politiques dont, pour la deuxième fois, le député néodémocrate de Rosemont-La Petite-Patrie Alexandre Boulerice qui, le 25 mai, avait présenté à la Chambre des communes une motion défaite par les conservateurs et qui demandait la régularisation du statut des demandeurs d'asile en reconnaissance de la contribution des centaines de travailleurs essentiels. Était aussi présente Catherine Fournier, députée indépendante de l'Assemblée nationale du Québec pour la circonscription de Marie-Victorin, qui a déposé le 13 mai une motion à l'Assemblée nationale du Québec appelant à la reconnaissance de centaines de demandeurs d'asile travaillant dans les établissements de soins de longue durée et les résidences pour aînés au Québec et demandant au gouvernement du Canada de rapidement reconnaître leur statut d'immigration. Cette motion a été défaite par le parti au pouvoir, la CAQ. Andrés Fontecilla de Québec solidaire et député de Laurier-Dorion y était, de même que le chef par intérim du Parti québécois (PQ) et député de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé et le président du PQ Dieudonné Ella Oyono. Des membres du PMLQ et du PCC(M-L ont aussi participé à l'action. Les membres du Parti libéral fédéral et du Parti libéral du Québec qui représentent des circonscriptions dans lesquelles la communauté haïtienne est très présente brillaient par leur absence.

Portant drapeaux et bannières, affiches et pancartes en appui aux travailleurs essentiels sans statut, les manifestants sont ensuite descendus dans la rue pour une procession de plusieurs kilomètres à pied, en vélo et en convoi de véhicules. Ils ont déambulé pendant plus d'une heure dans le quartier de Villeray, passant devant l'hôpital Jean-Talon, lançant des slogans et faisant du bruit pour alerter la population de l'importance de la contribution et du sacrifice de nos travailleurs essentiels et de leur accorder la résidence permanente MAINTENANT ! Pendant tout le trajet, ils ont été accueillis chaleureusement par les gens qui les saluaient de la main, les applaudissaient, levaient le poing et agitaient des drapeaux. C'était vraiment un spectacle à voir !

Une fois de retour devant le bureau de circonscription de Trudeau, le Dr Wilner Cayo, président de Debout pour la dignité, l'organisateur de cette action, a dit : « Nous sommes profondément touchés par cette solidarité de la part des Québécois. [...] Personne ne devrait oublier le combat que plusieurs travailleurs essentiels continuent de mener pour sauver des vies dans nos hôpitaux, nos résidences pour aînés, nos CHSLD, etc. » Un hommage a ensuite été rendu à tous ceux qui sont décédés dans la lutte contre le coronavirus.

En référence aux nombreux travailleurs essentiels qui mènent également une bataille pour le statut de résident permanent, il a déclaré : « Ils ont peur d'être déportés, une fois la pandémie passée. Ils ont besoin d'alliés. »

« Ensemble, a-t-il dit, nous pouvons faire bouger les choses dans la bonne direction. » Il a fait remarquer que « quarante-huit heures après notre première manifestation, point culminant de beaucoup d'autres efforts, [le premier ministre du Québec] François Legault s'est senti obligé d'initier politiquement un changement majeur de ton ! Qu'on ne s'y trompe pas ! C'est la même réalité de fond. Nous sommes là pour continuer la lutte. C'est grâce à vous, Québécois et Québécoises de coeur, organismes et regroupements communautaires, élus et groupes de pression, protestataires, élus, les gens qui croient en la dignité humaine ! »

Le Dr Cayo a expliqué que la déclaration de Legault remerciant les demandeurs d'asile avait été accueillie avec un soupir de soulagement par les demandeurs d'asile épuisés qui travaillent dans les CHSLD et qui estiment que leur sacrifice est finalement reconnu par le gouvernement. « Puis, lorsque Legault a annoncé son intention de créer 10 000 postes de préposés aux bénéficiaires bien payés, avec des avantages sociaux, nos gens se sont mis à rêver. »

« Puis arrive le mardi noir ! [en référence à l'annonce faite par le premier ministre Legault le mardi 2 juin lorsqu'il a déclaré qu'il fallait 'avoir la citoyenneté pour s'inscrire']. Dans le temps de le dire, a commenté le Dr Cayo, nos gens sont de nouveau des indésirables ! »

« Quand il était question des CHSLD, de compter sur le travail qui s'apparentait à l'esclavage moderne, on avait besoin de ces gens. Quand il fallait travailler pour un salaire de misère, on avait besoin de ces gens. Quand il fallait risquer sa vie et même mourir au travail, ces [...] demandeurs d'asile étaient des travailleurs humanitaires. Quand les conditions de travail en CHSLD étaient exécrables, elles étaient assez bonnes pour travailler ! Avec leur expérience et leur expertise, quand les conditions deviennent humaines, elles ne sont plus assez bonnes pour le mériter. »

« La réponse était catégorique [...] Ces travailleurs essentiels ne participeront pas au programme de formation de préposés aux bénéficiaires. »

« François Legault envoie un message clair ! Quand vous êtes une femme racisée, surtout fragilisée par votre statut migratoire précaire, même si vous vous sacrifiez pour le Québec, n'attendez rien du Québec ! »

« Aucune humanité envers les plus défavorisés, aucune reconnaissance ! Seulement des petits calculs électoralistes dépourvus de compassion, pour rester impassible aux cris et devant la douleur de ces travailleurs essentiels. »

« L'insensibilité du premier ministre Legault n'est pas digne des valeurs humaines des Québécois. Pourquoi vouloir refermer ces gens dans des conditions de travail misérables ? », a demandé le Dr Cayo. Il s'est ensuite adressé directement au premier ministre Legault : « Vous pourriez réserver, par une mesure de votre ressort, des places pour des gens qui sont déjà à l'intérieur du système et qui le tiennent à bout de bras. C'est une question de gros bon sens ! »

« Ils auront pris soin de nos aînés au plus fort de la pandémie [...] au risque de leur vie ! Ne les abandonnez pas à eux-mêmes, aux mains des agences rapaces qui continuent de les exploiter avec la moitié du salaire que les autres vont gagner. »

« Ces gens sont là, a continué de dire Dr Cayo, ils travaillent déjà, ils sont déjà impliqués. [...] Ils nous soignent, ils sont dans nos épiceries, dans nos abattoirs, dans nos boucheries, dans nos résidences privées pour aînés, dans nos CHSLD. Ils sont préposés, commis de toutes sortes, gardiens de sécurité et autres que vous avez vous-même identifiés comme des travailleurs essentiels. »

« Votre politique de cas par cas [...] sera encore une politique d'exclusion ! Nous n'en voulons pas ! Nous demandons de considérer la contribution de ces travailleurs essentiels [et] de porter un geste humanitaire par une mesure exceptionnelle de votre ressort en les recevant comme immigrants [...] en leur octroyant leur certificat de sélection [du Québec]. »

Puis, s'adressant au premier ministre du Canada Justin Trudeau, le Dr Cayo a demandé qu'il traduise ses paroles en actes et accorde à « ces personnes la résidence permanente. » « C'est une question de dignité », a-t-il affirmé en conclusion.

La députée indépendante Catherine Fournier a noté que « depuis des jours et des jours, on parle de toute la question de la discrimination et c'est essentiel dans le combat qu'on mène toujours aujourd'hui parce qu'il faut réfléchir au fait que quand on laisse des groupes, des minorités dans la précarité en leur laissant des emplois aux mains des agences de placement de personnel qui bien souvent sont malveillantes, ça aussi ça participe à la discrimination systémique dans la société.

« Il faut absolument continuer de mener ce combat, car il y a eu un changement de ton à la suite de la motion que j'ai déposée face à la mobilisation citoyenne extraordinaire, a dit la députée. Mais il faut maintenant que le Québec assume son plein leadership. Ça suffit d'attendre après le Canada et les délais inhumains de la Commission des réfugiés. Il faut que le Québec assume tout son leadership en immigration et offre enfin, une fois pour toutes, le statut de résident du Québec à tous les anges gardiens qui oeuvrent présentement auprès des plus vulnérables », a conclu Catherine Fournier.


(Photos : V. Desrochers)

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Les organisations de défense des travailleurs migrants revendiquent le statut de résident
permanent face à l'exploitation croissante

Le 8 juin, l'Alliance des travailleurs migrants pour le changement (MWAC) a publié, au nom de plus de 1 000 travailleurs, un rapport de plaintes de 28 pages intitulé : Unheeded Warnings : COVID-19 and Migrant Workers in Canada. Le rapport porte sur des plaintes qui n'ont pas été entendues par les autorités fédérales et provinciales et les consulats, avant les récentes flambées de la COVID-19 qui ont entraîné deux décès de travailleurs et amené au moins deux autres aux soins intensifs. » [1]

La coauteure et coordinatrice des campagnes de la MWAC, Karen Cocq, a noté dans un communiqué de presse publié le même jour : « La plupart des travailleurs à qui nous avons parlé savaient qu'ils tomberaient malades à cause de leurs conditions de vie et de travail, mais ne pouvaient pas s'exprimer car cela signifiait la résiliation de leur contrat, l'itinérance, la perte de revenus, la déportation et l'incapacité de revenir à l'avenir. » Elle conclut que « pour empêcher que cette crise sérieuse ne s'aggrave, il est nécessaire que tous les migrants obtiennent immédiatement le statut de résident permanent ».

Le rapport situe ces abus dans la longue histoire d'avertissements non respectés sur plusieurs décennies qu'ont lancés les travailleurs migrants au sujet des lois canadiennes sur l'immigration et le travail temporaires.

Par le biais du communiqué de presse, nous apprenons que « les plus grandes éclosions de la COVID-19 se sont produites chez Scotlynn Farms, l'une des plus grandes exploitations agricoles de l'Ontario. Un travailleur migrant a dit : « Ils nous traitent comme des robots. Ils ne se soucient que du travail que nous faisons et de l'argent qu'ils gagnent grâce à notre travail. Scotlynn Farms dit qu'ils ont pris soin de nous, mais lorsque le premier travailleur est tombé malade ici, ils n'ont rien fait. Nous, les travailleurs, nous nous sommes réunis et avons appelé l'ambulance. » Le travailleur a ajouté : « Ce n'est pas juste qu'ils nous traitent comme ça. Nous avons besoin de l'égalité des droits et du statut de résident permanent. »

Selon Sonia Áviles, organisatrice de la MWAC, qui gère l'une des lignes directes où les plaintes ont été déposées : « Le gouvernement fédéral a donné près d'un milliard de dollars aux entreprises agroalimentaires, tandis que les migrants qui produisent les aliments tombent malades et meurent. » Ce qui est nécessaire, ajoute-t-elle, c'est que « le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial se rendent sur place pour voir ce qui se passe et corrigent les choses pour assurer la protection des travailleurs avant que plus de personnes ne décèdent - ce qui signifie des inspections non annoncées, des mesures de distanciation sociale et le statut de résident permanent. »

Le communiqué de presse indique également qu'en 2017, les travailleurs migrants représentaient 41,6 % de tous les travailleurs agricoles de l'Ontario et plus de 30 % de ceux du Québec, de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse.

« Les employeurs utilisent la COVID-19 pour enfermer les travailleurs migrants, refuser de les laisser sortir même pour faire l'épicerie ou envoyer des fonds chez eux, tout en les menaçant », note Kit Andres, organisateur de la MWAC, qui gère la ligne d'assistance téléphonique où les plaintes ont été reçues. « Les travailleurs, a-t-il déclaré, ont besoin du statut de résident permanent pour pouvoir faire valoir leurs droits. »

La MWAC a envoyé au gouvernement fédéral plusieurs lettres concernant des migrants qui sont également restées sans réponse.

Depuis le début de la pandémie, note le communiqué, plus de 6 000 personnes ont signé une pétition ici demandant qu'on leur octroie un statut complet d'immigration à leur arrivée et le Réseau des droits des migrants a envoyé au gouvernement fédéral plusieurs lettres concernant les migrants qui ont également été ignorées.[2]

Certaines des principales conclusions du rapport sont les suivantes :

- L'absence de statut de résident permanent ne permet pas aux travailleurs de faire valoir leurs droits ;

- Les employeurs ne prennent pas de précautions concernant la COVID-19 ;

- Le vol des salaires est monnaie courante, sous forme de retenues et de salaires impayés ;

- Les fermetures des frontières ont entraîné une perte de revenu et les travailleurs ont été contraints de se rendre au Canada, car aucun soutien du revenu n'était disponible ;

- Les travailleurs ne pouvaient pas se distancer socialement et ne recevaient pas de nourriture ni un revenu décent ou d'informations de la santé publique pendant la quarantaine ;

- Les conditions de logement se sont considérablement dégradées après la mise en quarantaine et des restrictions plus grandes ont été imposées à la mobilité des travailleurs ;

- L'intimidation, la surveillance, les menaces et le racisme ont considérablement augmenté ;

- Le travail s'est intensifié considérablement pendant la COVID-19.

Le Réseau des droits des migrants organise le 14 juin à midi un rassemblement virtuel pour obtenir un statut complet d'immigration pour tous. Voir le calendrier des événements ci-dessus ou pour plus d'informations, cliquer ici

Notes

1. L'Alliance des travailleurs migrants pour le changement (MWAC) est une organisation et une coalition. En tant que coalition, 28 organisations membres appuient le fait que les travailleurs s'organisent, partagent les ressources et plaident ensemble pour des changements à la politique d'immigration et de la réglementation du travail. La MWAC est une coalition de groupes de travailleurs agricoles dirigée par des migrants, des travailleurs sociaux, des sans-papiers, des étudiants internationaux et des organisations locales et nationales. En tant qu'organisation, la MWAC appuie les travailleurs migrants qui s'organisent dans des zones ou des secteurs non organisés. Actuellement, l'alliance se concentre à appuyer les travailleurs migrants qui s'organisent dans la région de Niagara et voit à l'organisation des étudiants migrants. La MWAC est un membre du Réseau des droits des migrants dont elle forme le secrétariat - la plus grande coalition canadienne pour la justice des migrants, dont elle est membre.

2. Le Réseau des droits des migrants se définit comme une « alliance pancanadienne pour lutter contre le racisme et pour la justice envers les migrants ». Il se décrit comme « un réseau de groupes autoorganisés de réfugiés, de migrants et d'alliés ».

(Photos: Migrant Workers Alliance for Change, Justice for Migrant Workers)

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Décès évitables de travailleurs migrants agricoles dans le sud-ouest de l'Ontario

Le nombre de travailleurs agricoles du sud-ouest de l'Ontario qui ont été infectés par la COVID-19 ne cesse d'augmenter, en particulier parmi les travailleurs migrants qui font partie du programme de deux ans du gouvernement fédéral, le Programme des travailleurs étrangers temporaires ou du Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS). Au 10 juin, plus de 200 travailleurs agricoles du comté d'Essex auraient été testés positifs pour le virus et deux en sont morts. Deux autres travailleurs se trouvent à l'unité de soins intensifs de l'hôpital régional de Windsor. Les travailleurs agricoles représenteraient environ 22 % de tous les cas positifs dans la région de Windsor-Essex. Les 8 et 9 juin, 81 nouveaux cas de COVID-19 ont été signalés à Windsor-Essex, dont 72 étaient des travailleurs agricoles. Le 10 juin, le médecin-hygiéniste de Windsor-Essex, le Dr Wajid Ahmed, a déclaré que ces résultats provenaient toujours de tests effectués avant le début des tests de masse des travailleurs agricoles à Leamington le 9 juin. Il a en outre déclaré : « Nous nous attendons à voir d'autres cas à mesure que nous multiplions les tests parce que maintenant, nous cherchons activement des cas. L'impact de ces cas, je pense, reste à voir. »

L'unité de santé de Chatham-Kent, dans le comté voisin, a signalé un total de 148 cas de COVID-19, dont plus de 100 liés à une épidémie à Greenhill Produce. Deux de ces cas restent actifs, selon la Santé publique de Chatham-Kent. Il y a également eu une importante épidémie parmi les travailleurs migrants à Scotlynn Farms dans le comté de Norfolk et une autre, de moindre envergure jusqu'à présent, à Pioneer Flower Farms à Niagara.

Le 30 mai, Bonifacio Eugenio Romero, un travailleur de 31 ans chez Woodside Greenhouses à Kingsville, est devenu le premier travailleur migrant à mourir de la COVID-19 au Canada. Cinq jours plus tard, le 5 juin, Rogelio Munoz Santos, âgé de 24 ans, est également décédé à l'hôpital, la plus jeune personne à en mourir dans la zone desservie par l'unité de santé du comté de Windsor-Essex. Les deux venaient du Mexique. Forum ouvrier transmet ses sincères condoléances aux proches et aux amis de Bonifacio Eugenio Romero et Rogelio Munoz Santos pour ces morts tragiques et évitables.

Selon les reportages, Bonifacio a d'abord été amené à l'hôpital par son employeur le 21 mai parce qu'il avait des symptômes. Après avoir été testé, il a été retiré du dortoir où il vivait avec ses collègues et transféré à une chambre d'hôtel, où on lui a dit de s'isoler et on lui a donné quelques instructions à suivre. Deux jours plus tard, lorsque les résultats sont revenus confirmant qu'il avait la COVID-19, ses collègues de travail immédiats ont eux aussi été retirés des installations communautaires et des dortoirs et placés dans des chambres d'hôtel simples. Durant ce temps, l'unité de santé de Windsor-Essex a vérifié l'état de Bonifacio et ses collègues « presque quotidiennement », par téléphone semble-t-il. Après une semaine à l'hôtel, Bonifacio a appelé à l'aide le 31 mai, disant avoir du mal à respirer. Il a été amené à l'hôpital par les paramédics et y est décédé environ 30 minutes plus tard. Les circonstances entourant la mort tragique de ce travailleur, qui ne souffrait d'aucun problème de santé connu, laissent croire que sa mort aurait pu être évitée s'il avait reçu les soins, l'attention et le traitement requis au lieu d'être abandonné dans une chambre d'hôtel, loin de chez lui et de sa famille.

Dès que le décès de Bonifacio a été rendu public, on a annoncé que le Centre de santé Erie Shores de Leamington et le service de paramédics de Windsor-Essex avaient mis sur pied deux équipes mobiles d'évaluation des travailleurs migrants pour faire des examens en personne et, dans certains cas, des tests de dépistage de la COVID-19 dans 15 fermes et serres du comté de Windsor-Essex et dans les hôtels où les travailleurs sont en isolement. Les visites ont débuté la semaine du 1er juin et sont effectuées par une équipe qui comprend une infirmière praticienne, une infirmière autorisée, un paramédic et un traducteur parlant espagnol. À la suite de ces évaluations directes, plusieurs travailleurs ont été envoyés à l'hôpital de Leamington pour y être évalués et traités.

Rogelio Munoz Santos aurait été diagnostiqué et hospitalisé pour la COVID-19 au début du mois de mai, mais il a finalement été jugé guéri et a reçu son congé. Cependant, il a continué d'éprouver des complications et est devenu plus faible, alors il est retourné seul à l'hôpital régional de Windsor, avant que les équipes mobiles ne commencent leur travail de visites en personne. Il a été admis aux soins intensifs et est décédé quelques jours plus tard. Les organisateurs de la campagne Go Fund Me, commencée le 8 juin pour aider à rapatrier le corps de Rogelio au Mexique et contribuer au paiement du coût de ses funérailles, décrivent Rogelio comme une personne honnête, travaillante et aimante qui rêvait de pouvoir aider sa famille à payer ses dettes; cependant, à cause de la pandémie, il est resté sans travail et sans argent.

Le 10 juin, la campagne avait dépassé son objectif de 10 000$ et recueilli plus de 13 000$.

La mort tragique et évitable de ces deux jeunes travailleurs a ému de nombreuses personnes et les a alertées à la nécessité que les gouvernements rendent des comptes sur ce qui s'est passé. Par exemple, lors de la réunion du 9 juin du Conseil du travail de Windsor et du district, il a été annoncé que l'exécutif avait voté pour appuyer la lutte des travailleurs migrants pour leurs droits et de contribuer à la cause à raison de 1000 $. Les syndicats affiliés et les groupes communautaires seront informés de cette décision et encouragés à faire également ce qu'ils peuvent pour appuyer  la cause de ces travailleurs.

Notons que tous les travailleurs étrangers temporaires et saisonniers entrant au pays devaient passer 14 jours en quarantaine avant de commencer à travailler cette année, pour s'assurer qu'ils n'étaient pas contaminés. Les employeurs ont reçu 1 500 $ par travailleur du gouvernement fédéral pour couvrir le coût des salaires et de la nourriture de leurs employés pendant cette période. Les travailleurs migrants qui ont contracté la COVID-19 l'auraient donc attrapé au Canada. Cela ne devrait surprendre personne, quand on sait que les locaux d'habitation étaient souvent étroits et communaux et que sur les lieux de travail, certains doivent également se déplacer sans équipement de protection individuelle ni disposition de distanciation physique.

Le lancement cette semaine de tests de dépistage en masse parmi les  travailleurs agricoles migrants dans le comté d'Essex ainsi que d'autres nouvelles mesures annoncées par le Bureau de la santé de Windsor-Essex, à la suite du décès de ces deux jeunes travailleurs, sont des premiers pas positifs. D'autres mesures comprennent de déclarer le lieu de travail « en situation d'éclosion » lorsque deux travailleurs ou plus contractent la COVID-19. Si le lieu de travail est réputé mettre le public ou son personnel en danger, il sera fermé jusqu'à ce que l'infection soit sous contrôle. Le Dr Ahmed a déclaré qu'une liste des lieux de travail qui font actuellement l'objet d'une éclosion sera publiée sur le site Web de l'agence de santé publique dans le courant de la semaine. Il reste encore beaucoup à faire, en particulier aux échelons supérieurs du gouvernement pour remédier d'urgence aux conditions de vie des travailleurs migrants ainsi qu'aux conditions de travail de tous les travailleurs de ces exploitations agricoles et des autres secteurs agroalimentaires.

Les circonstances déplorables dans lesquelles deux travailleurs sont décédés, avec un nombre encore inconnu de travailleurs infectés et un nombre incalculable maintenant en danger, sont totalement inacceptables et doivent être revues, non pas comme un énoncé de principe ou lorsque ce sera « réaliste », comme l'a dit le premier ministre Doug Ford, mais immédiatement.

(Sources: CBC, Blackburn News, RCI.net, Windsorite.ca, Windsor Star)

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Les conditions auxquelles sont confrontés les travailleurs agricoles et d'autres travailleurs du secteur dans le sud-ouest de l'Ontario

Le comté d'Essex dans le sud-ouest de l'Ontario, qui possède la plus grande concentration de serres au Canada, est un grand centre de culture et de distribution de fruits et de légumes. Plus de 8000 travailleurs agricoles temporaires et saisonniers travaillent à longueur d'année dans les serres, les champs et les vergers et les usines de traitement de la viande. Les travailleurs du pays travaillent aussi dans le secteur, de même que des étudiants internationaux. Plusieurs milliers d'étudiants internationaux, principalement de l'Inde et de la Chine, fréquentent le Collège St. Clair et l'Université de Windsor, dotés de permis d'étude. En avril, le gouvernement fédéral a annoncé que pendant la pandémie, quiconque de ces étudiants travaille dans « des industries essentielles » comme les services alimentaires, les soins de santé, les infrastructures ou la fourniture de tout autre bien essentiel, pourrait maintenant travailler plus de 20 heures par semaine jusqu'au 31 août, ce qui n'était pas permis avant. On peut trouver ces étudiants en train de travailler aux côtés d'autres travaillleurs temporaires et locaux dans l'industrie agroalimentaire du comté d'Essex. On dit que certains d'entre eux ont quitté Windsor pour alller vivre dans des unités hors de prix et surpeuplées telles que des suites au sous-sol dans des endroits comme Leamington pour être plus près de leur endroit de travail.

Près de 8000 étudiants internationaux étaient inscrits à l'Université de Windsor et au Collège St. Clair pour l'année universitaire 2019-2020. Une minorité des étudiants du Collège St. Clair, dont beaucoup viennent de l'Inde, sont inscrits à des programmes sur le campus de Chatham-Kent. Ces étudiants sont une cohorte de 640 000 étudiants internationaux qui sont venus étudier au Canada en 2019 et qui, selon des estimations, contribuent environ 33 milliards de dollars à l'économie canadienne chaque année. Ils paient des frais de scolarité élevés et doivent payer leurs dépenses courantes dans des villes où les coûts des loyers ont augmenté dramatiquement depuis quelques années, même dans des régions où traditionnellement les coûts sont peu élevés comme Windsor-Essex. Les étudiants peuvent aussi s'endetter auprès de « consultants en immigration » et de recruteurs qu'ils paient pour traiter leur demande de visa et qui leur font miroiter qu'un certificat d'un collège canadien est une voie d'accès à la résidence permanente bien qu'il n'y ait aucune garantie. Comme les travailleurs migrants, dont la capacité de demeurer au Canada ou d'y revenir à la prochaine saison des récoltes dépend de leur capacité de plaire à leurs employeurs auxquels ils sont liés, les étudiants internationaux font face à des pressions économiques pour ne pas dénoncer les conditions de travail non sécuritaires et leur exploitation, et ce, en tout temps, et surtout pendant une pandémie alors que les risques sont beaucoup plus grands.

La personne qu'on dit responsable de l'« intégration des travailleurs étrangers temporaires chez Woodside Greenhouses », la ferme de poivrons de Kingsville où travaillait Bonifacio Eugenio Romero, le jeune travailleur migrant mexicain mort du COVID-19, a dit, dans un reportage sur son décès tragique, que les travailleurs sont souvent réticents à déclarer leurs symptômes par crainte de perdre leur salaire s'ils doivent se mettre en quarantaine. Que ces travailleurs déclarés essentiels à l'approvisionnement en nourriture du Canada ne soient pas certains d'être payés s'ils deviennent malades, probablement de la COVID-19, et qu'ils doivent se retirer du travail pour le bien de tous, est un exemple flagrant d'une pratique d'exploitation.

S'il est possible que des employeurs paient les salaires des travailleurs pendant leur quarantaine, rien en Ontario n'oblige les employeurs à payer quelque congé de maladie que ce soit aux travailleurs. Une des premières choses que le premier ministre Ford a fait lorsque son parti a été porté au pouvoir, c'est d'abroger la loi adoptée par le gouvernement libéral précédent qui a prescrit aux employeurs de fournir un maigre congé de maladie de deux jours par année aux travailleurs. Cela rend encore plus monstrueux le fait que ces travailleurs, qui vivent ensemble dans des espaces étroits et courent le risque d'être infectés, doivent subir en plus la pression de devoir travailler même s'ils ont des symptômes, afin de ne pas être privés de leur salaire.

Ford a semblé « consterné » lors de son point de presse du 1er juin lorsque le problème des conditions de logement des travailleurs migrants a été soulevé. Sa première réponse a été de dire que tous ces travailleurs doivent être testés. Lorsqu'on lui a demandé ce qu'il allait faire au sujet des dortoirs qui servent de logement à ces travailleurs, Ford a dit que c'est un problème « sur lequel on peut se pencher ». Il a ajouté : « J'y suis allé et j'ai vu les conditions de logement en groupe qu'on retrouve dans ces fermes. Est-ce qu'on peut résoudre le problème en un mois ou plus ? Je ne pense pas que c'est réaliste. »

La situation des travailleurs migrants qui sont forcés de vivre dans des endroits non réglementés, hors-normes et exigus ne date pas d'hier. Les travailleurs et leurs défenseurs s'en plaignent depuis des années et rien n'a été fait au niveau gouvernemental. Doug Ford manque de franchise quand il dit qu'on n'a pas le temps de résoudre le problème en si peu de temps alors que l'augmentation du risque était connue dès qu'on a vu qu'une pandémie était à l'horizon et qu'on devait s'y préparer. Il est clair que pour lui et son gouvernement, la vie et la sécurité de ces travailleurs « essentiels » ne sont pas essentielles. Ces fermes produisent pour l'exportation. C'est seulement l'industrie et les profits qu'empochent les propriétaires des fermes et des serres qui sont essentiels.

Il est grand temps de demander qu'on garantisse à tous ces travailleurs sans exception, qui jouent un rôle essentiel en fournissant aux Canadiens et à d'autres des aliments frais salubres, des conditions de travail et de vie dignes et des soins de santé à un niveau canadien. Rien d'autre n'est acceptable.

(Sources : CBC, CTV, Windsor Star, iHeart Radio/am800, The Varsity, CICNews. Photos: Migrant Workers Alliance for Change, Migrants Rights)

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Des conditions de vie et de travail sécuritaires et un statut pour les travailleurs agricoles migrants!

Alors que la COVID-19 se propage parmi les travailleurs agricoles migrants du sud de l'Ontario, les revendications pour des conditions de vie et de travail sécuritaires et un statut permanent pour ces travailleurs sont de plus en plus présentes. En date du 2 juin, Justice pour les travailleurs migrants a indiqué qu'il y avait plus de 500 infections confirmées : plus de 200 dans 17 fermes différentes à Windsor-Essex ; 164 des 216 travailleurs migrants chez Scotlynn Group à Vittoria : 102 chez Greenhill Produce à Chatham-Kent et 60 chez Pioneer Flower Farms dans la région du Niagara.

Justice pour les travailleurs migrants a lancé un appel à tous d'exiger de Scotlynn Group qu'il paie les travailleurs leurs pleins salaires pendant la quarantaine, qu'il s'engage à ne pas rapatrier les travailleurs blessés ou malades pour qu'ils aient pleinement accès à notre système de santé [et qu'ils ne propagent pas le virus dans leur propres pays — note de FO], et qu'il réembauche tous les travailleurs l'année prochaine s'ils choisissent de revenir.[1]

Santiago Escobar, un représentant national du syndicat des Travailleurs unis de l'Alimentation et du Commerce au Canada, a dit récemment au réseau CBC qu'il veut que le public sache quelles fermes ont eu des éclosions, ce que l'unité de santé Winsdsor-Essex refuse de révéler. « Nous avons parlé de cette question dans le passé », a-t-il dit. « Nous pensons avoir des témoins qui peuvent affirmer que les employeurs ne fournissent pas assez d'information et d'équipement de protection individuelle et que ces travailleurs ne sont pas en mesure de pratiquer la distanciation sociale. »

Escobar a dit que les logements surpeuplés ne répondent pas aux exigences fédérales en matière de logement et que ces conditions de vie sont propices à la propagation de la COVID-19. « Malheureusement, nous constatons qu'un grand nombre d'employeurs ne respectent pas les règlements qu'ils sont censés suivre », a-t-il dit, ajoutant que plusieurs travailleurs de la région de Windsor-Essex ont eu recours au syndicat parce qu'ils ne se sentent pas en sécurité à leur travail.

Jade Guthrie, une défenseure de la justice alimentaire et membre de Justice pour les travailleurs migrants, a récemment réitéré la revendication pour un statut permanent, ce que les travailleurs migrants et les groupes de défense de droits exigent depuis plusieurs décennies. « Ces travailleurs paient des impôts et contribuent à des programmes d'avantages sociaux, mais, sans statut, ils ne peuvent avoir accès à ces services. Ils reviennent chaque année, montrant que le travail qu'ils font n'est pas ‘temporaire' mais qu'il est, au contraire, permanent et une partie intégrante de notre économie. Et on ne peut certainement pas oublier qu'ils mettent la nourriture sur la table des familles canadiennes », a-t-elle dit.

« La pandémie de la COVID-19, qui a exacerbé les inquiétudes pour ce qui est de la sécurité alimentaire et des pénuries d'approvisionnement, a mis en lumière à quel point ces travailleurs sont essentiels. Le statut permanent doit être accordé pour assurer leur sécurité et leur bien-être, surtout alors qu'ils risquent leur vie en travaillant aux premières lignes. Le gouvernement canadien doit reconnaître que les travailleurs migrants ne sont pas sacrifiables — les fruits de leur labeur sont littéralement ce qui nous nourrit », a dit Jade.

Note

1. Les détails sont disponibles à J4MW Facebook

(Sources : Justice pour les travailleurs migrants, TUAC, CBC)

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Des étudiants en droit de Windsor demandent
des mesures concrètes et pratiques pour
garantir la sécurité, la santé et les droits des travailleurs migrants

Au nom d'étudiants en droit de partout au Canada, et en particulier d'étudiants de l'École de droit de Windsor où a étudié l'actuel ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Marco Mendicino, des étudiants en droit de Windsor ont rédigé une lettre ouverte pour attirer l'attention sur la situation des travailleurs agricoles migrants et des travailleurs migrants en général qui ont été déclarés « travailleurs essentiels » dans le cadre de la crise du COVID-19. Les étudiants en droit exhortent le ministre à prendre des mesures concrètes et pratiques pour garantir la protection de leur sécurité, de leur santé et de leurs droits maintenant et à l'avenir.

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Monsieur le ministre Mendicino,

Nous vous écrivons en tant qu'étudiants actuels et anciens, enseignants de droit et membres de la communauté de Windsor. Nous vous écrivons également en tant qu'étudiants actuels et anciens de partout au Canada qui s'inquiètent du sort des travailleurs agricoles migrants en cette période difficile et stressante. La contribution des travailleurs agricoles migrants est particulièrement importante pour ceux d'entre nous qui sont de Windsor-Essex parce que, comme vous le savez peut-être, des milliers de travailleurs agricoles migrants y viennent chaque année. Ils sont l'épine dorsale de l'économie canadienne car ils assurent notre sécurité alimentaire.

Nous vous félicitons pour votre nomination au poste de ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté en vous rappelant que, face à la pandémie COVID-19, il est crucial de protéger les travailleurs agricoles migrants qui continuent de répondre à nos besoins, surtout quand un nombre insuffisant de Canadiens veulent faire ce travail.

Les travailleurs agricoles migrants viennent au Canada avec des permis de travail spécifiques à l'employeur, qui leur interdisent de changer d'employeur sans autorisation, même s'ils sont confrontés à des abus et des mauvais traitements. Il y a peu d'avantages à signaler les abus, car ils peuvent simplement être licenciés et renvoyés dans leur pays d'origine. Les inégalités structurelles créées par le programme sont bien documentées et reconnues par les tribunaux canadiens. Dans l'affaire Hosein c. Ontario (Community Safety and Correctional Services), le Tribunal des droits de la personne de l'Ontario a reconnu que les travailleurs migrants sont socialement et géographiquement isolés au Canada et font face « à des obstacles structurels et à la marginalisation sociale communs à tous les travailleurs migrants ».

Malgré les efforts de sensibilisation à ces problèmes, de nombreux travailleurs migrants continuent de vivre dans des conditions qui ne conviennent à aucun être humain, y compris des dortoirs surpeuplés avec peu d'intimité, des infestations d'insectes et une plomberie défectueuse. Ces conditions rendent également les travailleurs vulnérables à la transmission de la COVID-19, comme nous l'avons vu avec les épidémies à Kelowna, en Colombie-Britannique, et à Windsor et Chatham-Kent, en Ontario. Si les travailleurs tombent malades, ils devraient avoir le même accès aux soins de santé que les autres Canadiens, ce qu'ils n'ont pas actuellement, malgré un accès amélioré dans les conditions de la COVID-19. Pendant cette pandémie, personne ne devrait être privé d'un accès à des soins de santé en raison d'un statut d'immigration précaire.

Bien que les services de santé ne relèvent pas de la compétence fédérale, le gouvernement fédéral a le pouvoir d'arrêter le rapatriement et l'expulsion des travailleurs migrants. Cela contribuerait à réduire le risque de transmission de la COVID-19. Tous les travailleurs devraient notamment avoir accès à l'assurance-emploi en cette période d'incertitude. Ces efforts permettraient non seulement d'améliorer la sécurité des travailleurs migrants, mais ils contribueraient à des efforts plus larges de lutte contre la pandémie et les risques qu'elle représente pour nous tous. Nous savons que le gouvernement canadien accorde une attention particulière à ce dernier objectif.

Enfin, les travailleurs migrants étant sensibles à la propagation de la pandémie en raison des mauvaises conditions de travail et de vie, le gouvernement fédéral doit arrêter leur rapatriement et expulsion. Pendant des décennies, les défenseurs des travailleurs migrants ont exhorté le gouvernement fédéral à accorder aux travailleurs agricoles un statut permanent à leur arrivée en guise de reconnaissance de leur contribution essentielle à notre société.

Nous faisons écho à cette demande. Les permis de travail liés à un employeur perpétuent un déséquilibre des pouvoirs qui empêche les travailleurs migrants d'exercer leurs droits sur le lieu de travail. Pendant cette pandémie, nous croyons que le gouvernement fédéral doit accorder des permis de travail ouverts à tous les travailleurs agricoles migrants. Cela minimiserait leur vulnérabilité et leur permettrait de choisir des employeurs qui les traitent avec respect. Cela augmenterait également leurs chances de trouver un autre emploi s'ils sont licenciés, comme le sont actuellement de nombreux travailleurs du cannabis.

Il existe déjà un projet pilote qui permet à certains travailleurs de demander des permis de travail ouverts, mais le processus s'est avéré excessivement lourd, notamment à cause de la bureaucratie, des barrières linguistiques et de la difficulté à prouver les abus. En étendant le permis de travail ouvert à tous les travailleurs migrants, le projet pilote veillerait à ce que tous les travailleurs migrants puissent travailler au Canada dans la dignité et dans des conditions sécuritaires.

Nos revendications sont :

1. Un statut permanent à l'arrivée pour les travailleurs migrants. C'est un moment critique pour les travailleurs migrants qui doivent encore subvenir aux besoins de leurs familles et aux nôtres. Leur octroyer le statut de résident permanent à leur arrivée leur permettra de choisir des lieux de travail plus sûrs où leurs droits seront respectés et, plus généralement, cela aidera à mieux contrôler la transmission de la COVID-19.

2. L'arrêt des expulsions et rapatriements des travailleurs migrants. Ces déplacements par les frontières créent un risque inutile de transmission de la COVID-19 pour eux et pour les autres travailleurs.

3. La livraison de permis de travail ouverts aux travailleurs migrants plutôt que des permis de travail spécifiques à l'employeur. Lorsque les travailleurs migrants doivent « prouver » les abus afin d'obtenir des permis de travail ouverts, cela leur impose davantage de difficultés car ils doivent rassembler des documents et d'autres preuves qu'ils peuvent ne pas avoir, tout cela en trouvant leur chemin dans un système d'immigration complexe dans une langue qu'ils ne maîtrisent pas. Compte tenu de leur valeur pour le Canada, leurs droits devraient être protégés avant d'avoir à présenter une demande. Cela est particulièrement important maintenant, dans les conditions de la pandémie de la COVID-19 qui font que les travailleurs migrants sont plus vulnérables que jamais. Cela profitera également aux employeurs car ils économiseront temps et argent à soumettre des demandes d'Étude d'impact sur le marché du travail.

4. Rendre l'assurance-emploi et la prestation canadienne d'intervention d'urgence accessibles aux travailleurs agricoles migrants, qu'ils soient au Canada ou dans leur pays d'origine. Les travailleurs migrants contribuent également à l'économie canadienne. S'ils perdent leur emploi dans cette pandémie, ils devraient avoir accès à un soutien qui réponde à leurs besoins comme tout autre résident canadien ou permanent. Ils paient aussi des impôts.

5. Mettre en place une prestation de soutien aux travailleurs essentiels à bas salaire pour soutenir les travailleurs agricoles migrants. Les travailleurs migrants sont des travailleurs essentiels désignés qui sécurisent la chaîne d'approvisionnement alimentaire du Canada. Les Canadiens dépendent de leur main-d'oeuvre pour acheter des produits frais. La prestation de soutien aidera à aplanir la courbe de la COVID-19 en rémunérant les travailleurs essentiels avec des salaires équitables.

Nous vous exhortons à prendre ces mesures significatives et concrètes pour remédier aux conditions des travailleurs migrants au Canada et les protéger en cette période d'incertitude. En tant que Canadiens, nous avons des responsabilités envers les travailleurs migrants, car leur dur travail contribue à notre économie et au bien-être de nos collectivités.

D'autres sont invités à signer la lettre ici.

(Traduit de l'anglais par LML)

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Des serres de propriété «canadienne» devenues des foyers de la COVID-19 dans l'État de New York

La chose n'a pas fait les manchettes au Canada, mais une éclosion majeure de la COVID-19 parmi les travailleurs agricoles migrants des États-Unis est liée à ce qui se produit au Canada, plus précisément à la situation dans le sud-ouest de l'Ontario. Cette année, le plus grand exploitant de serres du comté d'Essex, la société Mastronardi Produce, dont le quartier-général est à Kingville, a ouvert ce qui est en voie de devenir la plus grande serre de toute l'Amérique du Nord, Green Empire Farms, à la périphérie de la ville d'Oneida, dans le nord de l'État de New York, sa septième exploitation aux États-Unis. La compagnie, qui est spécialisée dans les tomates gourmet, les poivrons, les baies et d'autres produits spécialisés, a des installations dans d'autres pays et des plans d'expansion à l'échelle mondiale.[1]

Les médias de la région de Syracuse, dans l'État de New York, signalent qu'au 19 mai, 168 des quelque 300 travailleurs migrants de Green Empire Farms avaient été déclarés positifs pour la COVID-19, faisant de cette mégaserre un important foyer du virus. On croit généralement que l'éclosion ne provient pas de la nouvelle serre gigantesque où des mesures sanitaires et de distanciation sont censées être en place, mais des sites d'hébergement surpeuplés et hors-normes que l'entreprise a mis à la disposition des travailleurs. Ces derniers sont logés quatre ou plus par chambre et souvent deux par lit dans trois hôtels loués par l'entreprise parce que ses propres résidences, situées près de la serre, seraient toujours en construction. Ces conditions étaient en place avant que la pandémie soit annoncée et ont continué pendant la pandémie.

Une employée de longue date qui a nettoyé les chambres des travailleurs de l'un des hôtels a été infectée par la COVID-19 et l'a transmise à son mari, qui en est décédé. Elle a sans aucun doute contracté le virus au travail. Le propriétaire de l'hôtel a également été infecté. L'employée a déclaré que les travailleurs migrants lui ont dit qu'ils avaient peur. Un jeune travailleur lui a demandé peu de temps après son arrivée : « Comment peuvent-ils nous faire dormir ensemble dans un même lit ? » Elle lui a dit qu'elle ne savait pas, que ce n'était pas la décision de son patron à elle, mais de son patron à lui, celui qui l'avait embauché et l'avait fait venir pour travailler. Le travailleur lui a dit qu'il avait peur d'être renvoyé chez lui s'il parlait et qu'il avait besoin de cet emploi.

Dun et Bradstreet, une firme qui produit des profils financiers des entreprises, indique sur son site Web que les revenus annuels de Mastronardi Produce dépassent 946 millions de dollars américains. Un rapport de l'entreprise médiatique de l'État de New York, CNY-Central, indique que la société a reçu un total de 15,3 millions de dollars en allégements fiscaux et en subventions de l'État de New York et du comté de Madison et des crédits d'impôt du programme Excelsior pour ouvrir ses nouvelles serres géantes appelées Empire Farms. Le programme Excelsior accorde aux entreprises admissibles des crédits d'impôt représentant entre 6,85 % et 7,5 % des salaires par emploi nouvellement créé. Selon le rapport, le propriétaire canadien a promis que Green Farms créera 200 nouveaux emplois à temps plein, au moins 175 emplois dans la construction, et un investissement combiné du secteur privé de 120 millions de dollars américains.

Il note cependant que répondre aux questions sur la santé et la sécurité des travailleurs et de la communauté ne faisait pas partie de l'accord, et que pendant près de deux semaines après que l'éclosion de la COVID-19 a été révélée, les appels de CNY-Central à Green Empire Farms n'avaient pas été retournés. « Nous leur avons envoyé des courriels et des messages via les réseaux sociaux. Vous pouvez voir que quelqu'un a lu le message, mais personne n'a répondu. »

Sur le site Web de la société, Mastronardi se vante d'avoir été désigné pendant dix années consécutives « une des sociétés les mieux gérées au Canada ». Peter Brown, partenaire de Deloitte et codirigeant de son programme « Sociétés les mieux gérées au Canada », a dit : « Les sociétés bien gérées sont importantes pour la santé économique de notre pays. Ces sociétés servent de modèles pour aider à faire de toutes les entreprises canadiennes de meilleures entreprises. »

Il est douteux que les travailleurs migrants et les autres travailleurs qui ont fait les frais de cet abus et ont souffert aux mains de ce monopole mondial, qui proclame la passion de ses propriétaires pour donner aux gens un plus grand « accès à des fruits et des légumes locaux cultivés de manière durable », seraient d'accord qu'il soit un modèle de quoi que ce soit.

Note

1. Par exemple, dans un article promotionnel d'août 2019 paru dans le magazine de l'industrie, Greenhouse Canada, Mastronardi Produce a annoncé une nouvelle entreprise appelée Green International Ventures LLC (GIVE) formée en partenariat avec un investisseur américain. Le premier projet de GIVE, prévu pour un pays du Moyen-Orient dont le nom est tenu secret, devrait être « le plus grand et le plus avancé d'un point de vue technologique des projets de culture en serre au monde ». Le PDG Paul Mastronardi affirme que « cela nous permettra d'atteindre plus de la moitié de la population mondiale en moins de huit heures, et ce n'est que le début ».

(Sources: Syracuse.com, CNYCentral.com)

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