Des étudiants en droit de Windsor demandent des mesures concrètes et pratiques pour garantir la sécurité, la santé et les droits des travailleurs migrants
Au nom d'étudiants en droit de partout au
Canada, et en particulier d'étudiants de l'École
de droit de Windsor où a étudié l'actuel
ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la
Citoyenneté Marco Mendicino, des étudiants en
droit de Windsor ont rédigé une lettre ouverte
pour attirer l'attention sur la situation des
travailleurs agricoles migrants et des
travailleurs migrants en général qui ont été
déclarés « travailleurs essentiels » dans
le cadre de la crise du COVID-19. Les étudiants
en droit exhortent le ministre à prendre des
mesures concrètes et pratiques pour garantir la
protection de leur sécurité, de leur santé et de
leurs droits maintenant et à l'avenir.
***
Monsieur le ministre Mendicino,
Nous vous écrivons en
tant qu'étudiants actuels et anciens, enseignants
de droit et membres de la communauté de Windsor.
Nous vous écrivons également en tant qu'étudiants
actuels et anciens de partout au Canada qui
s'inquiètent du sort des travailleurs agricoles
migrants en cette période difficile et stressante.
La contribution des travailleurs agricoles
migrants est particulièrement importante pour ceux
d'entre nous qui sont de Windsor-Essex parce que,
comme vous le savez peut-être, des milliers de
travailleurs agricoles migrants y viennent chaque
année. Ils sont l'épine dorsale de l'économie
canadienne car ils assurent notre sécurité
alimentaire.
Nous vous félicitons pour votre nomination au
poste de ministre de l'Immigration, des Réfugiés
et de la Citoyenneté en vous rappelant que, face à
la pandémie COVID-19, il est crucial de protéger
les travailleurs agricoles migrants qui continuent
de répondre à nos besoins, surtout quand un nombre
insuffisant de Canadiens veulent faire ce travail.
Les travailleurs agricoles migrants viennent au
Canada avec des permis de travail spécifiques à
l'employeur, qui leur interdisent de changer
d'employeur sans autorisation, même s'ils sont
confrontés à des abus et des mauvais traitements.
Il y a peu d'avantages à signaler les abus, car
ils peuvent simplement être licenciés et renvoyés
dans leur pays d'origine. Les inégalités
structurelles créées par le programme sont bien
documentées et reconnues par les tribunaux
canadiens. Dans l'affaire Hosein c. Ontario
(Community Safety and Correctional Services),
le Tribunal des droits de la personne de l'Ontario
a reconnu que les travailleurs migrants sont
socialement et géographiquement isolés au Canada
et font face « à des obstacles structurels et à la
marginalisation sociale communs à tous les
travailleurs migrants ».
Malgré les efforts de sensibilisation à ces
problèmes, de nombreux travailleurs migrants
continuent de vivre dans des conditions qui ne
conviennent à aucun être humain, y compris des
dortoirs surpeuplés avec peu d'intimité, des
infestations d'insectes et une plomberie
défectueuse. Ces conditions rendent également les
travailleurs vulnérables à la transmission de la
COVID-19, comme nous l'avons vu avec les épidémies
à Kelowna, en Colombie-Britannique, et à Windsor
et Chatham-Kent, en Ontario. Si les travailleurs
tombent malades, ils devraient avoir le même accès
aux soins de santé que les autres Canadiens, ce
qu'ils n'ont pas actuellement, malgré un accès
amélioré dans les conditions de la COVID-19.
Pendant cette pandémie, personne ne devrait être
privé d'un accès à des soins de santé en raison
d'un statut d'immigration précaire.
Bien que les services de santé ne relèvent pas de
la compétence fédérale, le gouvernement fédéral a
le pouvoir d'arrêter le rapatriement et
l'expulsion des travailleurs migrants. Cela
contribuerait à réduire le risque de transmission
de la COVID-19. Tous les travailleurs devraient
notamment avoir accès à l'assurance-emploi en
cette période d'incertitude. Ces efforts
permettraient non seulement d'améliorer la
sécurité des travailleurs migrants, mais ils
contribueraient à des efforts plus larges de lutte
contre la pandémie et les risques qu'elle
représente pour nous tous. Nous savons que le
gouvernement canadien accorde une attention
particulière à ce dernier objectif.
Enfin, les travailleurs migrants étant sensibles
à la propagation de la pandémie en raison des
mauvaises conditions de travail et de vie, le
gouvernement fédéral doit arrêter leur
rapatriement et expulsion. Pendant des décennies,
les défenseurs des travailleurs migrants ont
exhorté le gouvernement fédéral à accorder aux
travailleurs agricoles un statut permanent à leur
arrivée en guise de reconnaissance de leur
contribution essentielle à notre société.
Nous faisons écho à cette demande. Les permis de
travail liés à un employeur perpétuent un
déséquilibre des pouvoirs qui empêche les
travailleurs migrants d'exercer leurs droits sur
le lieu de travail. Pendant cette pandémie, nous
croyons que le gouvernement fédéral doit accorder
des permis de travail ouverts à tous les
travailleurs agricoles migrants. Cela minimiserait
leur vulnérabilité et leur permettrait de choisir
des employeurs qui les traitent avec respect. Cela
augmenterait également leurs chances de trouver un
autre emploi s'ils sont licenciés, comme le sont
actuellement de nombreux travailleurs du cannabis.
Il existe déjà un projet pilote qui permet à
certains travailleurs de demander des permis de
travail ouverts, mais le processus s'est avéré
excessivement lourd, notamment à cause de la
bureaucratie, des barrières linguistiques et de la
difficulté à prouver les abus. En étendant le
permis de travail ouvert à tous les travailleurs
migrants, le projet pilote veillerait à ce que
tous les travailleurs migrants puissent travailler
au Canada dans la dignité et dans des conditions
sécuritaires.
Nos revendications sont :
1. Un statut permanent à l'arrivée pour les
travailleurs migrants. C'est un moment critique
pour les travailleurs migrants qui doivent encore
subvenir aux besoins de leurs familles et aux
nôtres. Leur octroyer le statut de résident
permanent à leur arrivée leur permettra de choisir
des lieux de travail plus sûrs où leurs droits
seront respectés et, plus généralement, cela
aidera à mieux contrôler la transmission de la
COVID-19.
2. L'arrêt des expulsions et rapatriements des
travailleurs migrants. Ces déplacements par les
frontières créent un risque inutile de
transmission de la COVID-19 pour eux et pour les
autres travailleurs.
3. La livraison de permis de travail ouverts aux
travailleurs migrants plutôt que des permis de
travail spécifiques à l'employeur. Lorsque les
travailleurs migrants doivent « prouver » les
abus afin d'obtenir des permis de travail ouverts,
cela leur impose davantage de difficultés car ils
doivent rassembler des documents et d'autres
preuves qu'ils peuvent ne pas avoir, tout cela en
trouvant leur chemin dans un système d'immigration
complexe dans une langue qu'ils ne maîtrisent pas.
Compte tenu de leur valeur pour le Canada, leurs
droits devraient être protégés avant d'avoir à
présenter une demande. Cela est particulièrement
important maintenant, dans les conditions de la
pandémie de la COVID-19 qui font que les
travailleurs migrants sont plus vulnérables que
jamais. Cela profitera également aux employeurs
car ils économiseront temps et argent à soumettre
des demandes d'Étude d'impact sur le marché du
travail.
4. Rendre l'assurance-emploi et la prestation
canadienne d'intervention d'urgence accessibles
aux travailleurs agricoles migrants, qu'ils soient
au Canada ou dans leur pays d'origine. Les
travailleurs migrants contribuent également à
l'économie canadienne. S'ils perdent leur emploi
dans cette pandémie, ils devraient avoir accès à
un soutien qui réponde à leurs besoins comme tout
autre résident canadien ou permanent. Ils paient
aussi des impôts.
5. Mettre en place une prestation de soutien aux
travailleurs essentiels à bas salaire pour
soutenir les travailleurs agricoles migrants. Les
travailleurs migrants sont des travailleurs
essentiels désignés qui sécurisent la chaîne
d'approvisionnement alimentaire du Canada. Les
Canadiens dépendent de leur main-d'oeuvre pour
acheter des produits frais. La prestation de
soutien aidera à aplanir la courbe de la COVID-19
en rémunérant les travailleurs essentiels avec des
salaires équitables.
Nous vous exhortons à prendre ces mesures
significatives et concrètes pour remédier aux
conditions des travailleurs migrants au Canada et
les protéger en cette période d'incertitude. En
tant que Canadiens, nous avons des responsabilités
envers les travailleurs migrants, car leur dur
travail contribue à notre économie et au bien-être
de nos collectivités.
D'autres sont invités à signer la lettre ici.
Cet article est paru dans
Numéro 40 - Numéro 40 - 11 juin 2020
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