Les conditions auxquelles sont confrontés les travailleurs agricoles et d'autres travailleurs du secteur dans le sud-ouest de l'Ontario
- Margaret Villamizar -
Le comté d'Essex dans le sud-ouest de l'Ontario,
qui possède la plus grande concentration de serres
au Canada, est un grand centre de culture et de
distribution de fruits et de légumes. Plus
de 8000 travailleurs agricoles temporaires et
saisonniers travaillent à longueur d'année dans
les serres, les champs et les vergers et les
usines de traitement de la viande. Les
travailleurs du pays travaillent aussi dans le
secteur, de même que des étudiants internationaux.
Plusieurs milliers d'étudiants internationaux,
principalement de l'Inde et de la Chine,
fréquentent le Collège St. Clair et l'Université
de Windsor, dotés de permis d'étude. En avril, le
gouvernement fédéral a annoncé que pendant la
pandémie, quiconque de ces étudiants travaille
dans « des industries essentielles » comme
les services alimentaires, les soins de santé, les
infrastructures ou la fourniture de tout autre
bien essentiel, pourrait maintenant travailler
plus de 20 heures par semaine
jusqu'au 31 août, ce qui n'était pas permis
avant. On peut trouver ces étudiants en train de
travailler aux côtés d'autres travaillleurs
temporaires et locaux dans l'industrie
agroalimentaire du comté d'Essex. On dit que
certains d'entre eux ont quitté Windsor pour
alller vivre dans des unités hors de prix et
surpeuplées telles que des suites au sous-sol dans
des endroits comme Leamington pour être plus près
de leur endroit de travail.
Près de 8000
étudiants internationaux étaient inscrits à
l'Université de Windsor et au Collège St. Clair
pour l'année universitaire 2019-2020. Une
minorité des étudiants du Collège St. Clair, dont
beaucoup viennent de l'Inde, sont inscrits à des
programmes sur le campus de Chatham-Kent. Ces
étudiants sont une cohorte de 640 000
étudiants internationaux qui sont venus étudier au
Canada en 2019 et qui, selon des
estimations, contribuent environ 33
milliards de dollars à l'économie canadienne
chaque année. Ils paient des frais de scolarité
élevés et doivent payer leurs dépenses courantes
dans des villes où les coûts des loyers ont
augmenté dramatiquement depuis quelques années,
même dans des régions où traditionnellement les
coûts sont peu élevés comme Windsor-Essex. Les
étudiants peuvent aussi s'endetter auprès de «
consultants en immigration » et de recruteurs
qu'ils paient pour traiter leur demande de visa et
qui leur font miroiter qu'un certificat d'un
collège canadien est une voie d'accès à la
résidence permanente bien qu'il n'y ait aucune
garantie. Comme les travailleurs migrants, dont la
capacité de demeurer au Canada ou d'y revenir à la
prochaine saison des récoltes dépend de leur
capacité de plaire à leurs employeurs auxquels ils
sont liés, les étudiants internationaux font face
à des pressions économiques pour ne pas dénoncer
les conditions de travail non sécuritaires et leur
exploitation, et ce, en tout temps, et surtout
pendant une pandémie alors que les risques sont
beaucoup plus grands.
La personne qu'on dit responsable de l'«
intégration des travailleurs étrangers temporaires
chez Woodside Greenhouses », la ferme de
poivrons de Kingsville où travaillait Bonifacio
Eugenio Romero, le jeune travailleur migrant
mexicain mort du COVID-19, a dit, dans un
reportage sur son décès tragique, que les
travailleurs sont souvent réticents à déclarer
leurs symptômes par crainte de perdre leur salaire
s'ils doivent se mettre en quarantaine. Que ces
travailleurs déclarés essentiels à
l'approvisionnement en nourriture du Canada ne
soient pas certains d'être payés s'ils deviennent
malades, probablement de la COVID-19, et qu'ils
doivent se retirer du travail pour le bien de
tous, est un exemple flagrant d'une pratique
d'exploitation.
S'il est possible que des employeurs paient les
salaires des travailleurs pendant leur
quarantaine, rien en Ontario n'oblige les
employeurs à payer quelque congé de maladie que ce
soit aux travailleurs. Une des premières choses
que le premier ministre Ford a fait lorsque son
parti a été porté au pouvoir, c'est d'abroger la
loi adoptée par le gouvernement libéral précédent
qui a prescrit aux employeurs de fournir un maigre
congé de maladie de deux jours par année aux
travailleurs. Cela rend encore plus monstrueux le
fait que ces travailleurs, qui vivent ensemble
dans des espaces étroits et courent le risque
d'être infectés, doivent subir en plus la pression
de devoir travailler même s'ils ont des symptômes,
afin de ne pas être privés de leur salaire.
Ford a semblé «
consterné » lors de son point de presse
du 1er juin lorsque le problème des
conditions de logement des travailleurs migrants a
été soulevé. Sa première réponse a été de dire que
tous ces travailleurs doivent être testés.
Lorsqu'on lui a demandé ce qu'il allait faire au
sujet des dortoirs qui servent de logement à ces
travailleurs, Ford a dit que c'est un problème «
sur lequel on peut se pencher ». Il a
ajouté : « J'y suis allé et j'ai vu les
conditions de logement en groupe qu'on retrouve
dans ces fermes. Est-ce qu'on peut résoudre le
problème en un mois ou plus ? Je ne pense pas
que c'est réaliste. »
La situation des travailleurs migrants qui sont
forcés de vivre dans des endroits non réglementés,
hors-normes et exigus ne date pas d'hier. Les
travailleurs et leurs défenseurs s'en plaignent
depuis des années et rien n'a été fait au niveau
gouvernemental. Doug Ford manque de franchise
quand il dit qu'on n'a pas le temps de résoudre le
problème en si peu de temps alors que
l'augmentation du risque était connue dès qu'on a
vu qu'une pandémie était à l'horizon et qu'on
devait s'y préparer. Il est clair que pour lui et
son gouvernement, la vie et la sécurité de ces
travailleurs « essentiels » ne sont pas
essentielles. Ces fermes produisent pour
l'exportation. C'est seulement l'industrie et les
profits qu'empochent les propriétaires des fermes
et des serres qui sont essentiels.
Il est grand temps de demander qu'on garantisse à
tous ces travailleurs sans exception, qui jouent
un rôle essentiel en fournissant aux Canadiens et
à d'autres des aliments frais salubres, des
conditions de travail et de vie dignes et des
soins de santé à un niveau canadien. Rien d'autre
n'est acceptable.
Cet article est paru dans
Numéro 40 - Numéro 40 - 11 juin 2020
Lien de l'article:
Les conditions auxquelles sont confrontés les travailleurs agricoles et d'autres travailleurs du secteur dans le sud-ouest de l'Ontario - Margaret Villamizar
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