Décès évitables de travailleurs migrants agricoles dans le sud-ouest de l'Ontario
Le nombre de travailleurs agricoles du sud-ouest
de l'Ontario qui ont été infectés par la COVID-19
ne cesse d'augmenter, en particulier parmi les
travailleurs migrants qui font partie du programme
de deux ans du gouvernement fédéral, le Programme
des travailleurs étrangers temporaires ou du
Programme des travailleurs agricoles saisonniers
(PTAS). Au 10 juin, plus de 200
travailleurs agricoles du comté d'Essex auraient
été testés positifs pour le virus et deux en sont
morts. Deux autres travailleurs se trouvent à
l'unité de soins intensifs de l'hôpital régional
de Windsor. Les travailleurs agricoles
représenteraient environ 22 % de tous
les cas positifs dans la région de Windsor-Essex.
Les 8 et 9 juin, 81 nouveaux cas de
COVID-19 ont été signalés à Windsor-Essex,
dont 72 étaient des travailleurs agricoles.
Le 10 juin, le médecin-hygiéniste de
Windsor-Essex, le Dr Wajid Ahmed, a déclaré que
ces résultats provenaient toujours de tests
effectués avant le début des tests de masse des
travailleurs agricoles à Leamington le 9
juin. Il a en outre déclaré : « Nous nous
attendons à voir d'autres cas à mesure que nous
multiplions les tests parce que maintenant, nous
cherchons activement des cas. L'impact de ces cas,
je pense, reste à voir. »
L'unité de santé de Chatham-Kent, dans le comté
voisin, a signalé un total de 148 cas de
COVID-19, dont plus de 100 liés à une
épidémie à Greenhill Produce. Deux de ces cas
restent actifs, selon la Santé publique de
Chatham-Kent. Il y a également eu une importante
épidémie parmi les travailleurs migrants à
Scotlynn Farms dans le comté de Norfolk et une
autre, de moindre envergure jusqu'à présent, à
Pioneer Flower Farms à Niagara.
Le 30 mai,
Bonifacio Eugenio Romero, un travailleur
de 31 ans chez Woodside Greenhouses à
Kingsville, est devenu le premier travailleur
migrant à mourir de la COVID-19 au Canada. Cinq
jours plus tard, le 5 juin, Rogelio Munoz
Santos, âgé de 24 ans, est également décédé à
l'hôpital, la plus jeune personne à en mourir dans
la zone desservie par l'unité de santé du comté de
Windsor-Essex. Les deux venaient du Mexique. Forum
ouvrier transmet ses sincères condoléances
aux proches et aux amis de Bonifacio Eugenio
Romero et Rogelio Munoz Santos pour ces morts
tragiques et évitables.
Selon les reportages, Bonifacio a d'abord été
amené à l'hôpital par son employeur le 21 mai
parce qu'il avait des symptômes. Après avoir été
testé, il a été retiré du dortoir où il vivait
avec ses collègues et transféré à une chambre
d'hôtel, où on lui a dit de s'isoler et on lui a
donné quelques instructions à suivre. Deux jours
plus tard, lorsque les résultats sont revenus
confirmant qu'il avait la COVID-19, ses collègues
de travail immédiats ont eux aussi été retirés des
installations communautaires et des dortoirs et
placés dans des chambres d'hôtel simples. Durant
ce temps, l'unité de santé de Windsor-Essex a
vérifié l'état de Bonifacio et ses collègues «
presque quotidiennement », par téléphone
semble-t-il. Après une semaine à l'hôtel,
Bonifacio a appelé à l'aide le 31 mai, disant
avoir du mal à respirer. Il a été amené à
l'hôpital par les paramédics et y est décédé
environ 30 minutes plus tard. Les
circonstances entourant la mort tragique de ce
travailleur, qui ne souffrait d'aucun problème de
santé connu, laissent croire que sa mort aurait pu
être évitée s'il avait reçu les soins, l'attention
et le traitement requis au lieu d'être abandonné
dans une chambre d'hôtel, loin de chez lui et de
sa famille.
Dès que le décès de Bonifacio a été rendu public,
on a annoncé que le Centre de santé Erie Shores de
Leamington et le service de paramédics de
Windsor-Essex avaient mis sur pied deux équipes
mobiles d'évaluation des travailleurs migrants
pour faire des examens en personne et, dans
certains cas, des tests de dépistage de la
COVID-19 dans 15 fermes et serres du comté de
Windsor-Essex et dans les hôtels où les
travailleurs sont en isolement. Les visites ont
débuté la semaine du 1er juin et sont
effectuées par une équipe qui comprend une
infirmière praticienne, une infirmière autorisée,
un paramédic et un traducteur parlant espagnol. À
la suite de ces évaluations directes, plusieurs
travailleurs ont été envoyés à l'hôpital de
Leamington pour y être évalués et traités.
Rogelio Munoz
Santos aurait été diagnostiqué et hospitalisé pour
la COVID-19 au début du mois de mai, mais il a
finalement été jugé guéri et a reçu son congé.
Cependant, il a continué d'éprouver des
complications et est devenu plus faible, alors il
est retourné seul à l'hôpital régional de Windsor,
avant que les équipes mobiles ne commencent leur
travail de visites en personne. Il a été admis aux
soins intensifs et est décédé quelques jours plus
tard. Les organisateurs de la campagne Go Fund Me,
commencée le 8 juin pour aider à rapatrier le
corps de Rogelio au Mexique et contribuer au
paiement du coût de ses funérailles, décrivent
Rogelio comme une personne honnête, travaillante
et aimante qui rêvait de pouvoir aider sa famille
à payer ses dettes; cependant, à cause de la
pandémie, il est resté sans travail et sans
argent.
Le 10 juin, la campagne avait dépassé son
objectif de 10 000$ et recueilli plus de 13 000$.
La mort tragique et évitable de ces deux jeunes
travailleurs a ému de nombreuses personnes et les
a alertées à la nécessité que les gouvernements
rendent des comptes sur ce qui s'est passé. Par
exemple, lors de la réunion du 9 juin du Conseil
du travail de Windsor et du district, il a été
annoncé que l'exécutif avait voté pour appuyer la
lutte des travailleurs migrants pour leurs droits
et de contribuer à la cause à raison de 1000 $.
Les syndicats affiliés et les groupes
communautaires seront informés de cette décision
et encouragés à faire également ce qu'ils peuvent
pour appuyer la cause de ces travailleurs.
Notons que tous les travailleurs étrangers
temporaires et saisonniers entrant au pays
devaient passer 14 jours en quarantaine avant de
commencer à travailler cette année, pour s'assurer
qu'ils n'étaient pas contaminés. Les employeurs
ont reçu 1 500 $ par travailleur du
gouvernement fédéral pour couvrir le coût des
salaires et de la nourriture de leurs employés
pendant cette période. Les travailleurs migrants
qui ont contracté la COVID-19 l'auraient donc
attrapé au Canada. Cela ne devrait surprendre
personne, quand on sait que les locaux
d'habitation étaient souvent étroits et communaux
et que sur les lieux de travail, certains doivent
également se déplacer sans équipement de
protection individuelle ni disposition de
distanciation physique.
Le lancement cette semaine de tests de dépistage
en masse parmi les travailleurs agricoles
migrants dans le comté d'Essex ainsi que d'autres
nouvelles mesures annoncées par le Bureau de la
santé de Windsor-Essex, à la suite du décès de ces
deux jeunes travailleurs, sont des premiers pas
positifs. D'autres mesures comprennent de déclarer
le lieu de travail « en situation d'éclosion »
lorsque deux travailleurs ou plus contractent la
COVID-19. Si le lieu de travail est réputé mettre
le public ou son personnel en danger, il sera
fermé jusqu'à ce que l'infection soit sous
contrôle. Le Dr Ahmed a déclaré qu'une liste des
lieux de travail qui font actuellement l'objet
d'une éclosion sera publiée sur le site Web de
l'agence de santé publique dans le courant de la
semaine. Il reste encore beaucoup à faire, en
particulier aux échelons supérieurs du
gouvernement pour remédier d'urgence aux
conditions de vie des travailleurs migrants ainsi
qu'aux conditions de travail de tous les
travailleurs de ces exploitations agricoles et des
autres secteurs agroalimentaires.
Les circonstances déplorables dans lesquelles
deux travailleurs sont décédés, avec un nombre
encore inconnu de travailleurs infectés et un
nombre incalculable maintenant en danger, sont
totalement inacceptables et doivent être revues,
non pas comme un énoncé de principe ou lorsque ce
sera « réaliste », comme l'a dit le premier
ministre Doug Ford, mais immédiatement.
Cet article est paru dans
Numéro 40 - Numéro 40 - 11 juin 2020
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Décès évitables de travailleurs migrants agricoles dans le sud-ouest de l'Ontario
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